Strasbourg, 5th October 2023                                                                                         T-PVS(2023)26f

CONVENTION ON THE CONSERVATION OF EUROPEAN WILDLIFE

AND NATURAL HABITATS

Standing Committee

43rd meeting

Strasbourg, 27 November - 1 December 2023

__________

Evaluation du 3é cycle de rapports nationaux sur le Tableau de bord soumis par les Parties contractantes à la Convention de Berne et les Membres du Groupe de travail intergouvernemental de la CMS sur l'abattage, le prélèvement et le commerce illégaux des oiseaux migrateurs en Méditerranée[1]

Document préparé par

Mme Clairie (Foteini) Papazoglou, Consultante indépendante

1.     INTRODUCTION

1.1            Mandat et notation

Le Tableau de bord pour l'évaluation des progrès réalisés dans la lutte contre l’abattage, le prélèvement et le commerce illégaux d'oiseaux sauvages (IKB)[2] (ci-après « le Tableau de bord ») est un outil d'évaluation volontaire élaboré conjointement par la Convention de Berne et le Groupe de travail intergouvernemental sur l'abattage, le prélèvement et le commerce illégaux des oiseaux migrateurs en Méditerranée (MIKT).

Ce document a initialement été examiné lors d’une réunion commune du MIKT de la CMS et du réseau des correspondants spéciaux de la Convention de Berne sur l’élimination de l’IKB, à Malte, les 22-23 juin 2017.

Le Tableau de bord est conçu comme un outil pour mener une auto-évaluation objective, basée sur des faits, de l’état actuel de l’IKB au niveau national. Il permet aussi aux États de mesurer leurs progrès dans la mise en œuvre de leurs engagements dans ce domaine. Le Tableau de bord a été conçu en anglais, mais a aussi été réalisé en français et en espagnol[3] pour faciliter son utilisation par les différents pays couverts par la Convention de Berne et le MIKT de la CMS.

Le Tableau de bord a été adopté sous la forme de l’annexe 1 à la Résolution 11.16 (Rev. COP13) sur la prévention de l’IKB, lors de la 12e réunion de la Conférence des Parties (COP12) à la CMS à Manille, en octobre 2017. Le paragraphe 5 de la Résolution 11.16 déclare : « Reconnaît le travail du MIKT dans l'élaboration du tableau de bord pour évaluer les progrès accomplis dans la lutte contre l'abattage, le prélèvement et le commerce illégaux d'oiseaux sauvages et dans la mise en œuvre du premier tableau de bord et encourage son utilisation comme outil volontaire pour que les Parties évaluent leurs propres progrès dans la lutte contre l'abattage, le prélèvement et le commerce illégaux des oiseaux sauvages […] ».

En décembre 2017, le Comité permanent de la Convention de Berne a adopté la Recommandation n° 196 (2017) sur la création d’un Tableau de bord, où il « Recommande aux Parties contractantes à la Convention membres du MIKT de, et invite les autres Parties et les États observateurs à: […] périodiquement mettre à profit le tableau de bord de l’annexe à la présente recommandation comme un outil national d’autoévaluation des progrès accomplis dans la lutte contre la mise à mort illégale des oiseaux sauvages ».

De même, la COP13 de la CMS a adopté, en février 2020 à Gandhinagar, en Inde, la Décision 13.27 adressée aux Parties à la CMS et invitant les Parties membres du MIKT à « […] a) utiliser périodiquement le tableau de bord de l’Annexe 1 de la Résolution PNUE/CMS/Résolution 11.16 (Rev.COP13) Abattage , prélèvement et commerce illégaux des oiseaux migrateurs en tant qu'outil national d'autoévaluation des progrès accomplis dans la lutte contre l'abattage illégal d'oiseaux sauvages; b) fournir, volontairement et dans la mesure de la disponibilité et de la pertinence des informations pour les indicateurs, au Secrétariat les informations identifiées dans le projet de tableau de bord, aux fins de discussion au sein du MIKT et pour faciliter le partage d'informations et les meilleures pratiques. »

La Décision 13.31[4], également adoptée par la COP13 de la CMS et adressée au Secrétariat de celle-ci, encourage le Secrétariat à compiler l’information dûment fournie par les Parties par le biais du Tableau de bord et à partager cette information avec les membres du MIKT aux fins décrites dans la Décision 13.27 ci-dessus.

Le Tableau de bord s’appuie sur un format conçu par le Consortium international de lutte contre la criminalité liée aux espèces sauvages[5] (ICCWC), modifié et simplifié afin d’aboutir à un outil simple, facile à compiler et à interpréter aux niveaux national ou sous-régional.

Le Tableau de bord comporte 28 indicateurs organisés suivant des questions pertinentes de 5 domaines, qui paraissent essentielles dans l’évaluation de l’efficacité de la lutte nationale contre l’IKB:

A.       Suivi national de l’IKB (Gestion des données sur la portée et l’échelle de l’IKB) – Questions A1-A4 (4 indicateurs);

B.       Niveau d’exhaustivité de la législation nationale – Questions B5-B13 (9 indicateurs);

C.       Réponse en matière de lutte contre la fraude : Niveau de préparation des organes chargés de l’application des lois et de la lutte contre la fraude, et coordination des institutions nationales – Questions C14-C19 (6 indicateurs);

D.       Poursuites et condamnations (efficacité des procédures judiciaires) – Questions D20-D23 (4 indicateurs);

E.        Prévention (autres instruments de lutte contre l’IKB) – Questions E24-E28 (5 indicateurs).

1.2 Programme de travail 2013-2020 et Cadre stratégique post-2020

Le Tableau de bord a été élaboré quand le programme de travail et le Cadre stratégique pour les correspondants nationaux de la Convention de Berne et le MIKT était le Plan d'action de Tunis (TAP),[6] et les cinq domaines du Tableau de bord s’inspirent largement du TAP. Le TAP couvrait la période 2013-2020 et avait été adopté en 2013 par le Comité permanent de la Convention de Berne qui, par sa Recommandation n° 164 (2013), avait recommandé aux Parties contractantes de mettre en œuvre le TAP et d’« informer le Comité permanent des progrès accomplis dans la mise en œuvre de la présente Recommandation ».

Le premier Programme de travail[7] du MIKT de la CMS reposait lui aussi sur le Plan d’action de Tunis. Il a été adopté en 2016 pour la période 2016-2020.

Pour 2020 et les années suivantes, la Convention de Berne et le MIKT de la CMS ont conjointement préparé un nouveau Cadre stratégique baptisé Plan stratégique de Rome 2020-2030: éradiquer la mise à mort, le prélèvement et le commerce illégaux d'oiseaux sauvages en Europe et dans la région méditerranéenne[8], ci-après « le Plan stratégique de Rome » (PSR). Le Comité permanent de la Convention de Berne a adopté le Plan stratégique de Rome en 2019 par sa Recommandation n° 205[9]. Dans sa Résolution 11.16 (Rev. COP13), la COP13 de la CMS a salué[10] les travaux d’élaboration du PSR comme un effort conjoint du MIKT et de la Convention de Berne. Les membres du MIKT ont adopté le PSR à l’issue de consultations en juin 2020.

La COP13 de la CMS a également adopté sa Décision 13.28[11] adressée aux Parties et aux organisations intergouvernementales et non gouvernementales, qui les encourage […] « à finaliser et adopter un cadre stratégique pour le MIKT sur l'élimination de l'abattage, du prélèvement et du commerce illégaux d'oiseaux migrateurs dans la région méditerranéenne, en vue de son application en tant qu’outil avisé et solide sur le plan scientifique, pour la période 2020-2030 ».

Les buts, objectifs et indicateurs du PSR sont très similaires au Tableau de bord, mais pas identiques. Ainsi, le Tableau de bord pourra rester le principal instrument d’autoévaluation des progrès même après l’adoption du PSR. Toutefois, comme le PSR et le Tableau de bord ne sont pas identiques, et afin d’améliorer le taux d’évaluation par les Parties contractantes des progrès réalisés dans la mise en œuvre du PSR en 2022, un texte descriptif supplémentaire, visant à faciliter le remplissage du Tableau de bord, a été adopté par la 442e réunion du Comité permanent de la Convention de Berne[12] et par les membres du MIKT lors de sa 5e réunion, à Valence, en juin 2022.

Ce texte descriptif vise à encourager les pays à faire rapport sur les étapes et objectifs importants clairement définis dans le PSR mais qui n’auraient pas nécessairement été clairement couverts par le Tableau de bord. La notation n’a pas changé et le descriptif supplémentaire est recommandé, mais pas imposé.

En 2023, il s’agit de la troisième mise en œuvre du Tableau de bord. Sa première utilisation remonte à 2018 et la deuxième à 2020. Le document original du Tableau de bord, adopté en 2017, prévoit des évaluations à intervalles de trois ans, après les deux premières évaluations de 2018 et de 2020. La quatrième devrait être réalisée en 2026, comme l’indique le tableau ci-dessous.

Évaluation du Tableau de bord

Période couverte par le rapport

Première évaluation (2018)

2016 - 2017

Deuxième évaluation (2020)

2018 – 2019 (2020)

Troisième (actuelle) évaluation (2023)

(2020) 2021 – 2022

Quatrième évaluation (2026)

2023 - 2025

Les conclusions de la première évaluation, réalisée en 2018, ont été présentées à la 39e réunion du Comité permanent, en décembre 2019[13] et celles de la deuxième évaluation (2020) ont été soumises à la 40e réunion du Comité permanent, en décembre 2020[14]. Cependant, comme des informations supplémentaires ont été soumises après le rapport de décembre 2020, un deuxième projet de deuxième évaluation, daté d’avril 2021, a été présenté à la 41e réunion du Comité permanent en décembre 2021.[15]

2.     METHODOLOGIE  

En 2023 tout comme les années précédentes, l’évaluation a été réalisée à partir du Tableau de bord en utilisant le système rapports en ligne (ORS) de la CMS, et était disponible en anglais, en français et en espagnol. La CMS et la Convention de Berne ont réalisé conjointement une formation en ligne sur la manière d’utiliser l’ORS et les changements apportés au texte narratif du Tableau de bord (expliqué au point 1.2 ci-dessus) le 19 avril 2023, avant le lancement du Tableau de bord. Le site internet[16] de la réunion a fourni les informations pertinentes.

L’exercice 2023 du Tableau de bord a été lancé par l’envoi, le 21 avril 2023, d’un courriel informant tous les correspondants nationaux que l’outil en ligne était prêt à recevoir leurs réponses jusqu’à la date limite du 30 juin 2023. Suite à plusieurs demandes, un court délai supplémentaire a été accordé jusqu’au 14 juillet 2023. Tout comme lors des deux cycles précédents, un total de 54 pays ont été invités à remplir le Tableau de bord : les membres du réseau de Correspondants nationaux de la Convention de Berne sur l’éradication de l’IKB et/ou les membres du MIKT de la CMS. La liste des pays invités figure en annexe 1.

La plupart des 28 indicateurs du Tableau de bord décrits au point 1.1 ci-dessus proposent une note de 0 à 3, un indicateur (n° C19) propose une note de 1 à 5, deux (n°s A2 et A4) n’appellent pas de note, mais des données détaillées sous forme de tableaux Excel. La note maximale est de 80. En outre, les correspondants peuvent répondre ‘Sans objet’ à deux questions, si la législation ou la pratique nationales n’ont aucun lien avec les réponses possibles. Dans cette éventualité, la note maximale est revue en conséquence et ne tient pas compte des questions sans objet, et le maximum peut alors être de 77 ou de 74.

Un pays qui remplit entièrement le Tableau de bord obtient six notes : une note globale et une par domaine. Ces notes sont présentées sous la forme d’un pourcentage de la note maximale, par domaine et globale. Ces pourcentages sont également présentés de manière visuelle grâce au code de couleurs, qui illustre les pourcentages obtenus.

Pour les pays ayant soumis un Tableau de bord incomplet, c’est-à-dire n’ayant répondu qu’à certaines questions, il se peut qu’une note globale ou de domaine ne puisse être attribuée. La couleur grise indique alors l’impossibilité de donner une note. Dans un petit nombre de cas où des réponses complètes ont été données dans un domaine (ex : questions des domaines A et B), mais où aucune réponse n’a été donnée dans d’autres, il n’est certes pas possible de donner une note globale, mais une couleur peut être attribuée sur la base des questions assorties de réponses et de la gravité de la situation en matière d’IKB dans le pays.

Les codes couleur suivants sont utilisés :

Rouge

Résultat inférieur à 25% de la note maximale possible

Jaune

Résultat représentant de 25,1% à 50% de la note maximale possible

Vert clair

Résultat représentant de 50,1% à 75% de la note maximale possible

Vert

Résultat supérieur à 75,1% de la note maximale possible

Gris

Notation impossible par manque de réponses complètes

Les résultats sont présentés par pays, car le Tableau de bord est conçu pour l’auto-évaluation des progrès dans la lutte contre l’IKB, et non pour comparer les efforts d’un pays avec ceux des autres. Les pays ayant rempli le Tableau de bord lors des trois cycles sont présentés en premier lieu, suivis de ceux qui l’ont rempli à deux reprises (c’est-à-dire en 2023 et en 2020 ou en 2018), et enfin ceux qui ont rempli le Tableau de bord pour la première fois en 2023. Les pays qui ont rempli ce Tableau de bord lors de chacun des trois cycles offrent l’image la plus utile et la plus complète des progrès en matière de lutte contre l’IKB.

Afin de couvrir également les objectifs et les repères du PSR, des informations complémentaires ont été associées aux résultats obtenus par chacun des pays afin d’associer les réponses au descriptif ajouté en 2023, conformément au paragraphe 1.2 ci-dessus.

Le Tableau de bord d’origine permettait de définir la gravité de l’IKB à partir des quatre classes suivantes:

Classe de gravité de l’IKB

Nombre de victimes de l’IKB

Pourcentage d’IKB

Nombre de pays

Classe I

Plus de 2 500 001

72,4%

4

Classe II

De 750 001 à 2 500 000

9,5%

1

Classe III

De 100 001 à 750 000

14,6%

11

Classe IV

Moins de 100 000

3,3%

23

IKB insignifiante (inclus dans la Classe IV)

0,2%

15

Total

100%

54

Quinze pays ont un niveau d’IKB considéré comme significatif, mais aux fins de l’analyse ils sont inclus dans la Classe IV.

Le degré de gravité se calcule à partir du niveau de référence défini par chaque pays pour lui-même ; toutefois, pour les pays n’ayant pas défini un tel niveau de référence et afin d’assurer la cohérence avec les analyses antérieures du Tableau de bord, la classification est établie par rapport aux chiffres d’IKB proposés dans Brochet et al (2016)[17] et Brochet et al (2017)[18] pour ces pays.

Les résultats et conclusions doivent être examinés à la lumière de la gravité de l’IKB dans un pays donné. Les pays qui ne connaissent pas de problèmes d’IKB ne mettent sans doute pas de mesures en place pour les combattre, la question n’étant pas prioritaire. Par conséquent, la « tolérance zéro » en matière d’IKB signifie qu’une absence de mesures doit être équilibrée par une absence d’IKB.


3.     RESULTATS

3.1  Analyse des réponses au questionnaire

Au 23 septembre 2023, 22 pays avaient dûment répondu, sur un total de 54 pays invités à contribuer. La plupart ont soumis le Tableau de bord par le biais du Système de rapports en ligne de la CMS (ORS), et un petit nombre ont envoyé des documents comportant leurs réponses. 19 des 22 réponses provenaient de pays qui avaient déjà rempli le Tableau de bord auparavant (en 2018 et/ou en 2020), 3 provenaient de pays ayant rempli le Tableau de bord pour la première fois : l’Algérie, la Bosnie-Herzégovine et Israël.

De plus, deux ONG ont rempli le Tableau de bord pour leurs pays respectifs, sous la forme de rapports parallèles, mais leurs évaluations n’ont pas été intégrées à l’analyse. La carte de la Figure 1 ci-dessous présente, avec notre code de couleurs, les pays qui ont répondu en 2023 ou avant.

A map of europe with many colored dots

Description automatically generated

Figure 1– La carte ci-dessus est le fruit des Tableaux de bord reçus dans le cadre des trois cycles de rapports. Les pays en vert ont contribué à trois reprises (2018, 2020 et 2023); le bleu clair désigne les pays ayant contribué un Tableau de bord complet en 2023 et en 2018 ou 2020; les pays en brun ont soumis un Tableau de bord en 2018 et/ou en 2020, mais pas en 2023; le violet désigne les pays ayant rempli le Tableau de bord pour la première fois en 2023; les pays n’ayant pas encore soumis de Tableau de bord sont en gris.

Dans le Tableau 1 ci-dessous, les pays ayant répondu sont ventilés par classe de gravité de l’IKB et par pourcentage des victimes de l’IKB dans les trois cycles réalisés avec le Tableau de bord. Au total, 14 pays ont soumis le Tableau de bord lors de chacun des trois cycles, et un total de 38 pays l’ont soumis au moins une fois. Un tableau reprenant, par année, la liste détaillée des réponses reçues de chacun des 54 pays invités à soumettre le Tableau de bord lors des trois évaluations est présenté en annexe 1.

Tableau 1- synthèse des réponses reçues lors de chacune des trois évaluations réalisées à l’aide du Tableau de bord (2018, 2020 et 2023), et du nombre et du pourcentage de pays ayant répondu au moins une fois, voire lors des trois cycles, au Tableau de bord, par classe de gravité de l’IKB et par pourcentage de victimes de l’IKB

Classe de gravité de l’IKB

Réponses attendues

Pourcentage des victimes de l’IKB

Réponses reçues

2018

2020

2023

Au moins une réponse

L’ensemble des trois cycles

Classe I

>2 500 001

4

72%

3

3

2

4 (100%)

2 (50%)

Classe II 750 001-2 500 000

1

10%

-

1

1

1 (100%)

0

Classe III 100 001-750 000

11

15%

9

9

5

8 (73%)

5 (45%)

Classe IV

<100 000

38

3%

20

11

14

25 (66%)

7 (18%)

Total

54

100%

32

24

22

38

14

En 2023, deux pays de la Classe I de gravité, et un pays de la Classe II de gravité ont répondu. Trois pays classés dans la catégorie « IKB insignifiante » ont également répondu et sont intégrés à la Classe IV.

Sur les 22 pays ayant répondu, 10 sont membres du MIKT et de la Convention de Berne, neufs sont uniquement membres de la Convention de Berne et trois sont uniquement membres du MIKT. 

Le nombre de pays ayant présenté un Tableau de bord avant la date limite pour l’analyse était légèrement plus élevé que pour le deuxième cycle du Tableau de bord (soit 22, contre 18 avant la date limite de 2020; six autres pays ont soumis leurs résultats après la date limite de 2020 et ont donné lieu à un rapport révisé, comme l’explique la section 1.2), mais le pourcentage de victimes de l’IKB représenté par ces 22 pays en 2023 est plus proche que le pourcentage représenté par les répondants de 2018, et inférieur à celui de 2020. Dans le deuxième Tableau de bord, le pourcentage des victimes de l’IKB représenté par ces 18 pays constituait 75 % du total de l’IKB estimée par les études Brochet et al (2016)[19] et Brochet et al (2017)[20] de BirdLife International, alors qu’en 2023 le total de l’IKB représenté par les 22 répondants atteignait 58%. Même si ce résultat est assez satisfaisant il convient de noter que certains pays où l’IKB constitue un problème majeur et qui représentent environ 35 % de l’ampleur de l’IKB, n’ont pas soumis de Tableau de bord cette fois-ci alors qu’ils l’avaient fait lors de la des cycles précédents.

Tableau 2- Nombre de réponses par pays et part de l’IKB représentée par ceux-ci lors des trois évaluations réalisées avec le Tableau de bord en 2018, 2020 et 2023, ventilées d’après l’exhaustivité des informations. La part des victimes de l’IKB est calculée à partir des niveaux de référence indiqués et à partir de Brochet et al (2016 et 2017) (voir la méthodologie).

Réponses

Nombre de pays

(pourcentage de pays)

Pourcentage de victimes de l’IKB

Évaluation 2018

Évaluation 2020

Évaluation 2023

Évaluation 2018

Évaluation 2020

Évaluation 2023

Tableau de bord et données

15 (27,8%)

21 (39%)

21 (39%)

41,00%

65,86%

42,00%

Uniquement le Tableau de bord

5 (9,3%)

3 (5,5%)

1 (2%)

3,90%

16,43%

16,00%

Uniquement des données et quelques informations

7 (13%)

0,30%

Tableau de bord d’ONG

3 (5,5%)

16,00%

Pas de réponse

24 (44,4%)

30 (55,5%)

32 (59%)

38,80%

17,71%

42,00%

Total

54 (100%)

54 (100%)

54 (100%)

100%

100%

100%

Comme le Tableau de bord est un outil d’autoévaluation qui n’est pas destiné aux comparaisons entre pays, l’objectif premier de la présentation des résultats est de diffuser les approches adoptées par les différents pays et d’évaluer les progrès accomplis dans la réalisation des objectifs convenus. 

Toutefois, cette troisième évaluation est particulièrement intéressante parce qu’elle est la première depuis l’adoption du PSR, et vise donc à faire rapport sur les progrès accomplis pour atteindre les objectifs, les étapes et les buts du PSR.

Il ressort également des Tableaux de bord que certains pays s’attribuent des notes inférieures à d’autres pays ayant pris des mesures identiques ou similaires. C’est une question d’étalonnage et de perception. Cet aspect est particulièrement visible quand les résultats sont examinés tous ensemble, en particulier du point de vue de la situation en matière d’IKB dans chacun des pays.

La Figure 2 ci-dessous présente les notes moyennes soumises par 16 pays, qui comprennent 13 des 14 pays ayant soumis le Tableau de bord à trois reprises, 3 des 5 pays ayant soumis le Tableau de bord deux fois, c’est-à-dire une première fois en 2018 ou en 2020 et une deuxième fois 2023. L’autre pays du groupe de 14 ayant participé à trois reprises et les 2 du groupe de 5 ayant participé deux fois n’ont pas obtenu de notes, leurs réponses incomplètes n’ayant pas permis de les prendre en compte dans l’analyse. Pour les pays ayant participé aux trois cycles, l’analyse ci-dessous compare les chiffres de 2023 à ceux de 2020, et non à ceux de 2018.

L’analyse de la Figure 2 ci-dessous révèle qu’en moyenne :

A.     les pays indiquent que le domaine de la législation nationale (B) et le plus performant des cinq axes clés de la lutte contre l’IKB, avec des notes moyennes d’environ 80 %. À l’inverse, les deux domaines les moins performants sont la Répression (C) et les Poursuites et les condamnations (D), dont les notes avoisinent les 50% en moyenne. Par ailleurs la Prévention, qui consiste essentiellement à sensibiliser, à mobiliser la communauté réglementée (surtout les chasseurs) et à lutter contre la demande obtient des notes de 60%-65%, mais a connu la hausse moyenne plus importante par rapport aux cycles de rapports précédents. Enfin, le Suivi national de l’IKB, dont la note avoisine les 60 %, appelle également des améliorations parce qu’il est indispensable pour déterminer si l’on atteint l’objectif du PSR ;

B.     une amélioration est constatée d’un cycle du Tableau de bord au suivant, ce qui suggère que la participation au processus stimule et guide les initiatives, fixe des priorités et produit des résultats. L’amélioration est notable malgré des notes plus faibles en 2023 qu’en 2020 pour certains pays en raison d’une notation plus précise ou d’un réexamen de certaines notes. Ainsi, la moyenne s’est malgré tout améliorée. Les progrès les plus importants sont enregistrés dans le domaine de la Prévention (E), avec une augmentation de 5,42%, et la plus modeste (1,97%) dans celui de la Législation nationale (B), qui a toutefois les meilleures notes. Les domaines de la Répression (C) et des Poursuites et condamnations (D) sont également en hausse, de 3,12% et 3,13% respectivement. Enfin, le Suivi connaît une modeste augmentation de 2,08 %.

Figure 2 – Notes moyennes par domaine du Tableau de bord telles qu’attribuées par les 16 pays ayant soumis les trois Tableaux de bord, ou au moins deux sur trois.

Le Tableau 3 ci-dessous présente les résultats obtenus grâce au Tableau de bord et aux réponses aux explications supplémentaires fournies par les pays pour décrire les progrès accomplis vers la réalisation des objectifs, étapes et buts du PSR, ventilés par classes de gravité de l’IKB. La présentation des résultats par classes de gravité fait mieux ressortir les domaines où une aide est la plus nécessaire pour obtenir l’impact le plus fort en vue d’éradiquer l’IKB.

Le tableau reprend les principaux objectifs et étapes du PSR jusqu’en 2023, et ceux repris dans les questions du texte descriptif supplémentaire en 2023.

Un examen du Tableau 3 peut faciliter l’identification des domaines dans lesquels un soutien des orientations supplémentaires pourrait être proposé aux correspondants nationaux de la Convention de Berne et aux membres et observateurs du MIKT (formations, initiatives coordonnées ou financements) afin d’avoir un impact maximal en termes d’éradication de l’IKB.

Il convient de noter que:

A.     la plupart des pays n’ont pas encore défini de niveau de référence par rapport auquel les progrès vers la réalisation du PSR peuvent être mesurés. Parmi ceux qui ont soumis un Tableau de bord, seuls six ont défini un niveau de référence, alors même qu’il s’agit d’une étape importante du PSR pour évaluer les progrès. De même, à peine trois pays ont adopté une méthodologie d’évaluation de l’ampleur de l’IKB. Par ailleurs, il est frappant de constater dans les tendances rapportées que quatre pays signalent une augmentation de l’IKB tandis que 10 déclarent que la tendance n’est pas claire. Enfin, il apparaît que les motivations et les moteurs de l’IKB ne sont identifiés que pour moins de la moitié des pays. Tous ces résultats font apparaître que l’IKB est un domaine qui appelle un soutien et une attention supplémentaires ;

B.     la plupart des pays (73%) estiment que leur législation est suffisante pour combattre l’IKB, mais trois pays ont demandé une assistance pour achever leur évaluation nationale. Ces chiffres sont compatibles avec les notes moyennes ;

C.     il est très encourageant de constater que 73% des pays collectent et analysent des données sur les poursuites relatives à l’IKB, ce qui leur permet de comprendre et d’analyser les données de poursuites, et ainsi d’en savoir nettement plus sur les moteurs de ce phénomène. Les données sur les poursuites offrent aussi d’autres indications intéressantes sur l’ampleur de l’IKB dans un pays ;

D.     la répression et les priorités de la police sont qualifiées de suffisantes dans la moitié des pays. Ce résultat est, lui aussi, conforme aux notes moyennes obtenues. En plus de manque de personnel, les pays signalent le manque d’opportunités de formation et de renforcement des capacités des gardes sur le terrain et des autres agents chargés de la répression et des poursuites. Il existe un grand besoin de formation et de renforcement des capacités dans ce domaine ;

E.      un peu moins de la moitié des pays indiquent s’être dotés d’un plan d’action sur l’IKB ou d’un document, stratégie ou plan similaire, qui oriente leurs efforts en la matière. Vu l’importance d’un plan d’action pour organiser les efforts, coordonner le travail des parties prenantes et assurer le suivi des progrès, cet aspect appelle également un soutien supplémentaire ;

F.      le financement relatif à l’IKB est très inégalement réparti. La plupart des pays de l’UE indiquent avoir bénéficié de financements, principalement de l’instrument LIFE de l’UE, déterminants pour l’organisation de formations, de renforcements des capacités, de sensibilisations, d’analyses, de rapports et d’autres initiatives essentielles. Par contre, les pays d’Afrique du Nord et du Proche-Orient ne font état d’aucun financement, ce qui ajoute à la difficulté de mettre en œuvre les nombreuses mesures nécessaires pour combattre l’IKB ;

G.     Enfin, il apparaît que très peu de pays rendent véritablement publiques des données sur les poursuites ou l’IKB. Ils ont sans doute leurs raisons, mais le PSR énonce clairement l’objectif de mettre en place dans chacun des pays des bases de données sur les faits d’IKB et de permettre au public de les consulter. Il est toutefois encourageant de constater que certains pays annoncent leur intention de créer de telles bases de données et de les mettre en ligne.

Tous les résultats du Tableau 3 sont à lire du point de vue de la classe de gravité; les résultats insuffisants des pays des Classes I, II ou III appellent manifestement une intervention plus urgente et importante que ceux des pays de la Classe IV.


Tableau 3:résultats par nombre de pays et par classes de gravité pour la plupart des grandes étapes du Plan stratégique de Rome.

Étapes du Plan stratégique de Rome

Classes de gravité de l’IKB

Classe I

> à 2 500 000

Classe II

750 001-2 500 000

Classe III 100 001-750 000

Classe IV

< à

100 000

Classe IV

mais IKB insignifiante

Total (% des répondants)

NIVEAU DE RÉFÉRENCE

Défini

2

4

6 (27%)

Indéfini

2

1

3

7

3

16 (73%)

TENDANCE

Augmente

1

1

2

4 (18%)

Diminue

1

1

2

4 (18%)

Stable

1

2

1

4 (18%)

Indéterminé

1

2

5

2

10 (46%)

METHODOLOGIE DE SUIVI

Adoptée

1

2

3 (14%)

Pas adoptée

2

1

5

10

1 N/A

18 (82%)

MOTIVATIONS / MOTEURS DE L’IKB

Identifiées

1

1

2

4

2

10 (46%)

Non identifiées

1

3

7

1 N/A

11 (50%)

PLAN NATIONAL D'ACTION SUR L’IKB OU AUTRE DOCUMENT D’ORIENTATION

Existant

1

1

2

4

1

9 (41%)

Inexistant

1

3

7

2 N/A

11 (50%)

EVALUATION LÉGISLATION NATIONALE

Suffisante

1

1

3

8

3

16 (73%)

Insuffisante

1

2

3

6 (27%)

RÉPRESSION / PRIORITES DE LA POLICE

Suffisante

1

3

5

1

10 (46%)

Insuffisante

2

2

6

2 N/A

10 (46%)

DONNEES SUR LES POURSUITES

Publiées

1

1

5

8

1

16 (73%)

Non publiées

1

3

2 N/A

4 (18%)

FINANCEMENT DE L’IKB

Existant

1

3

4

1

9 (41%)

Inexistant

1

1

2

4 (18%)

Indéterminé

1

1

5

2 N/A

7 (32%)

POLITIQUE EN MATIERE DE DONNEES

Données publiques

1

2

1

4 (18%)

Pas publiques

1

1

3

3

8 (36%)

Indéterminée

2

6

2 N/A

8 (36%)

Total

2

1

5

11

3

22 (100%)


4.     CONCLUSIONS

L’abattage, le prélèvement et le commerce illégaux d'oiseaux sauvages continuent de représenter une grave menace pour les oiseaux du bassin méditerranéen et de l’Europe. Le PSR fixe l’objectif global d’une éradication de l’IKB au sein des limites géographiques de la Convention de Berne et des pays membres du MIKT de la CMS. Il fixe également l’objectif de réduire de 50 %, par rapport au niveau de référence de 2020, l’ampleur et la portée de l’IKB à l’horizon 2030. Seuls 4 pays sur 22 annoncent une tendance à la diminution de l’IKB et près de la moitié (10) signalent qu’ils ne disposent pas encore d’une vision globale de l’ampleur du phénomène. Il faut donc renouveler les efforts de suivi de la situation de l’IKB en Europe et dans la Méditerranée.

De plus, des pays clés pour l’IKB comme l’Albanie, l’Egypte, la France, le Liban et Malte, qui avaient soumis un Tableau de bord lors des cycles précédents, ne l’ont pas fait cette fois-ci, ce qui empêche de tirer des conclusions générales du point de vue de l’objectif convenu du PSR.

Le Tableau de bord est un précieux outil de rapport sur les efforts consentis par chaque pays contre l’IKB. Comme le révèle l’amélioration moyenne des notes d’un cycle du Tableau de bord au suivant, la participation à ce processus stimule et oriente l’action, permet de fixer des priorités et produit des résultats.

L’analyse des résultats (Section 3.1) suggère que l’attention des pays reste nécessaire dans tous les domaines, tout comme le soutien de la Convention de Berne et du MIKT de la CMS, mais que certains aspects restent plus sensibles que d’autres:

a)      suivi : il est notoirement difficile d’assurer le suivi de l’IKB, mais les résultats prouvent que les pays progressent, définissent des méthodologies et commencent à se doter de données de référence permettant de mesurer les progrès. Les pays peuvent ainsi apprendre les uns des autres pour progresser. La précision dans les estimations de l’IKB est essentielle pour mesurer les progrès, mais aussi pour développer le soutien et l’appropriation, car les seules estimations disponibles aujourd’hui pour la plupart des pays sont celles des études de Brochet et al (2016) et Brochet et al (2017), que certains pays contestent ;

b)      législation nationale: la plupart des pays annoncent de bons résultats en matière de législation, mais des problèmes sur le plan de la répression ou des poursuites. Il y a toutefois encore des pays qui demandent de l’aide, ce qui signifie que la question de la législation nationale reste pertinente et importante, car la législation est le fondement de nombreuses autres mesures. Un pays recommande de constituer une équipe d’experts chargés d’aider ceux qui le souhaitent, et cette recommandation mériterait d’être examinée ;

c)      répression: dans ce domaine, les notes ont été relativement basses depuis le premier cycle du Tableau de bord, et restent plus faibles que dans d’autres domaines. Ces résultats dépendent des moyens disponibles au niveau national, ce qui dépend de plusieurs facteurs. Il existe toutefois des exemples très importants de bonnes possibilités de formation, ainsi que des projets et des échanges entre pays dont il convient de s’inspirer et qui pourraient être étendus à davantage de pays;

d)      poursuites: comme pour la répression, il serait utile dans ce domaine d’insister sur la formation et le renforcement des capacités et de suivre les bonnes pratiques de certains pays. Le guide préparé par l’Italie à l’intention de tous les services répressifs et de poursuites luttant contre les crimes relatifs aux oiseaux serait utile à d’autres pays ;

e)      prévention: c’est là que les améliorations sont les plus notables depuis le dernier exercice du Tableau de bord, mais c’est aussi le domaine dans lequel la plupart des pays s’accordent pour dire que l’on pourrait faire beaucoup plus. La sensibilisation et la formation sur ces aspects dépend fortement des financements disponibles, et les problèmes de financement identifiés dans la section des résultats sont donc très pertinents pour les progrès en matière de sensibilisation.

Comme l’indique la section sur les résultats, la classe de gravité devrait orienter les mesures de soutien, car un ciblage des pays pour lesquels la gravité est la plus marquée permettrait d’optimiser l’impact de la lutte contre l’IKB.

La langue est un autre aspect important, parce que plusieurs pays d’Afrique du Nord préfèrent communiquer en français, et il faudrait en tenir compte dans l’offre de formation et de renforcement des capacités.

Ces dernières années, la Convention de Berne et le MIKT de la CMS ont étroitement collaboré avec les pays afin d’encourager les progrès dans la mise en œuvre du Plan stratégique de Rome. Il est important de poursuivre sur cette voie et d’étudier quelle aide peut être apportée aux pays qui en ont le plus grand besoin.

L’IKB est une menace totalement réversible qui pèse sur les oiseaux mais, vu l’état de la diversité biologique et les autres menaces critiques qui pèsent sur les espèces, comme les pertes d’habitat, leur dégradation et la crise climatique, il faut réaffirmer son caractère prioritaire afin de compenser les autres menaces dont les effets ne sont pas aussi faciles à inverser.



[1] Les réponses complètes des pays sont disponibles uniquement dans la version anglaise : https://rm.coe.int/tpvs26-2023-3rd-ikb-scoreboard-analysis/1680acfd8a