Rapport sur les stations de base de téléphonie mobile et les collectivités territoriales- CG (8) 12 Partie II

 

Rapporteur
Moreno BUCCI (Italie)

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EXPOSE DES MOTIFS

1. Introduction

Les téléphones mobiles sont rapidement devenus une partie intégrante des moyens modernes de télécommunication. Dans certaines régions du monde, ils constituent le moyen le plus fiable, et parfois unique, de communication. Ailleurs, les téléphones cellulaires connaissent un grand succès parce qu’ils permettent de communiquer à tout moment sans nuire à la liberté de mouvement – un avantage fort apprécié tant dans la vie professionnelle que pendant les loisirs.

Depuis dix ans, l'utilisation des dispositifs de télécommunication sans fil, et notamment des téléphones mobiles, a connu un développement spectaculaire en Europe. Les pays scandinaves détiennent le record mondial du nombre d'abonnements de téléphonie mobile par rapport à la population, avec un taux atteignant 50 % en Finlande. Ces pays sont suivis par le Japon, les Etats-Unis, le Royaume-Uni et l'Allemagne. Le coût relatif des communications mobiles continue à baisser à un rythme rapide, ce qui devrait entraîner une hausse sensible de la demande d'installations de télécommunication. D'après certaines estimations, on pourrait compter jusqu'à 700 millions d'abonnés de téléphonie mobile en 2002.

Pour répondre à la demande, les opérateurs de télécommunications doivent veiller à ce que le réseau soit suffisamment équipé, ce qui ne peut se faire qu'en augmentant le nombre de stations de base pour les téléphones mobiles. Ces stations sont installées soit sur des structures existantes (toits, tours, châteaux d'eau, etc.), soit, s'il n'y a pas d'autre solution, sur des tours construites spécialement à cet effet. Près de la moitié des nouveaux sites d'antennes nécessitent de nouvelles tours, notamment dans les zones périurbaines et rurales où l'on trouve peu de structures élevées qui soient susceptibles d'être louées pour y installer des antennes.

La multiplication des téléphones mobiles a entraîné une plus grande visibilité de cette technologie, mais aussi une inquiétude croissante du public quant à son innocuité. Par suite de l'augmentation de la demande en matière de télécommunications personnelles, le nombre d'antennes de stations de base de radiotéléphonie a cru rapidement. Celles-ci sont souvent situées dans des zones publiques, parfois à proximité d'habitations, de zones d'activités et d'établissements scolaires. Aussi n'est-il pas surprenant que l'attention du public et des médias se soit surtout portée sur les risques que les champs électromagnétiques pourraient faire courir aux personnes qui vivent, travaillent ou vont à l'école près d'une station de base.

Les effets nocifs (notamment cancers, maux de tête et perte de mémoire) que la technologie cellulaire pourrait entraîner pour la santé sont un sujet de vive préoccupation. Avec quelque 200 millions d'utilisateurs de téléphones mobiles dans le monde, tout effet indésirable, même bénin, pourrait avoir des conséquences importantes pour la santé publique.

Le Groupe de travail du CPLRE sur le développement durable, conscient des inquiétudes du public, se propose d'étudier cette question sous l'angle des collectivités territoriales, en vue de présenter un rapport au Congrès lors de sa prochaine session plénière.

2. La technologie des téléphones mobiles et le rôle des stations de base

Les dispositifs de télécommunication sans fil fonctionnent au moyen de champs de radiofréquences. Si les téléphones cellulaires sont des innovations technologiques récentes, les champs de radiofréquences sont depuis longtemps présents dans notre environnement. Le transport d'informations par la voie d'ondes radio fait partie intégrante de la vie moderne; nous sommes entourés par de nombreux types d'émetteurs radioélectriques: émetteurs hertziens pour la radio et la télévision, équipements radio des services d'urgence, téléphones mobiles et stations de base associées.

Les télécommunications personnelles (cellulaires) s'appuient sur une technologie en rapide évolution qui utilise des rayonnements micro-ondes à des fréquences d'environ 900 mégahertz (MHz) ou 1800 MHz, également appelés énergie électromagnétique (EME) radiofréquence (RF), pour transmettre les communications entre une station de base fixe et un utilisateur mobile. Certains systèmes reposent sur une technologie analogique, une porteuse de fréquence élevée étant modulée par les signaux vocaux à basse fréquence selon le même principe qu'une radio à modulation de fréquence (FM). La puissance est constante durant la modulation, bien qu'une certaine régulation puisse s'opérer. En revanche, les systèmes de deuxième génération font appel à la technologie numérique, dans laquelle le signal vocal de basse fréquence est codé numériquement avant la modulation.

La technique d'accès numérique prédominante en Europe est le TDMA (Time Division Multiple Access - accès multiple par répartition temporelle), qui est utilisé par les systèmes GSM (Global Systems for Mobile Communications/Groupe spécial mobile), DECT (Digital European Cordless Telecommunications), DCS 1800 (Digital Personal Communication System) et TETRA (Trans European Trunked Radio).

Les téléphones mobiles échangent des signaux radio avec une antenne connectée à un émetteur radioélectrique, appelé station de base de téléphonie mobile. Les stations de base relient les postes mobiles à l'ensemble du réseau téléphonique.

Une station de base couvre une ou plusieurs zones géographiques ou "cellules". Bien que l'on visualise généralement les cellules comme des hexagones réguliers formant une structure en "nid-d'abeilles", ces mailles présentent en pratique une forme irrégulière pour des raisons liées à la disponibilité des sites et à la topographie. En fonction de leur lieu d'implantation et du trafic de téléphonie mobile à gérer, les stations de base seront éloignées de quelques centaines de mètres dans les grandes villes à plusieurs kilomètres dans les zones rurales. Lorsque l'utilisateur d'un téléphone mobile quitte une cellule, le réseau de contrôle transfère la communication à la station de base de la cellule adjacente, évitant ainsi toute interruption.

Les stations de base de téléphonie mobile sont des émetteurs/récepteurs radio de faible puissance, équipés d'antennes installées sur des pylônes ou des bâtiments. Les signaux radio sont acheminés par des câbles jusqu'aux antennes avant de se propager sous la forme d'ondes radio dans la zone (ou cellule) entourant la station de base. Deux types d'antennes sont utilisées pour les transmissions: des antennes en forme de mât pour la communication avec les postes mobiles et des antennes paraboliques, qui assurent la communication avec les autres stations de base et la continuité du réseau.

Une tour de téléphonie mobile est souvent constituée par une structure autoportante telle qu'un solide mât en béton ou un pylône en treillis accueillant une ou plusieurs antennes. Ces tours mesurent généralement 15 à 50 mètres de haut et portent l'antenne à leur sommet. La plupart des tours de téléphonie mobile sont dotées de plusieurs antennes directives qui ont l'apparence de panneaux rectangulaires allongés verticalement. Ces antennes, souvent situées au sommet ou à proximité du sommet de la tour, sont groupées sur un cadre triangulaire ou rectangulaire. Chaque groupe d'antennes dessert une cellule distincte. Les cellules opèrent en liaison avec les cellules et les tours adjacentes, formant un réseau de téléphonie mobile.

Les tours de téléphonie qui desservent des zones où la demande est faible peuvent être équipées d'antennes omnidirectives, qui ont la forme d'un mât situé au sommet du pylône.

Chaque cellule est dotée de sa propre station de base qui émet et reçoit des signaux radio sur l'ensemble de sa zone de desserte. Chaque station de base peut traiter simultanément un nombre fixe d'appelants. Le dépassement de ce nombre entraîne un encombrement du réseau, de sorte que les utilisateurs ne peuvent plus passer ni recevoir d'appels dans cette zone. L'agencement des stations de base de téléphonie mobile doit être soigneusement étudié pour que chaque cellule du réseau fonctionne efficacement, de manière à limiter au maximum les encombrements du réseau et à assurer une bonne qualité du signal.

Lorsqu'un appel est passé sur un téléphone mobile, le réseau l'attribue à un canal RF disponible (ou fréquence porteuse) au sein de la cellule. Sauf s'il est destiné à un autre téléphone mobile dans la même cellule, l'appel est alors "commuté" vers une ligne téléphonique classique. Si l'utilisateur du poste mobile se déplace, le réseau transfère l'appel à la station de base en mesure de fournir le meilleur signal. Les téléphones analogiques utilisent un canal RF distinct pour chaque appel. Dans le réseau téléphonique numérique, en revanche, jusqu'à huit appels peuvent se partager le même canal. En effet, chaque appel se voit attribuer à tour de rôle un très bref intervalle de temps (d'environ 0,6 millisecondes) pendant lequel la voix codée numériquement est transmise; ce processus de partage de temps se répète selon un cycle d'environ 4,6 millisecondes.

Les antennes de téléphonie mobile doivent être dégagées d'éventuels obstacles environnants (arbres, bâtiments, etc.) pour réduire les "zones d'ombre" et permettre à la station de base de couvrir la cellule avec une puissance d'émission minimale. Si le nombre d'utilisateurs concernés par une zone d'ombre est important, les opérateurs de téléphonie mobile cherchent généralement à modifier ou à déplacer la station de base afin d'améliorer la couverture du signal.

D'autre part, les antennes doivent être situées de façon à ne pas interférer avec les cellules voisines. Plus les stations de base d'un exploitant donné sont nombreuses dans une région, plus les cellules sont petites et plus la puissance et l'énergie émises sont faibles.

Dans les zones d'utilisation intensive de téléphones mobiles, où un grand nombre de petites cellules sont nécessaires pour faire face à la demande, il est inutile que les antennes soient très élevées; elles peuvent être installées sur des toits ou des mâts de faible hauteur. Dans les zones d'utilisation peu intensive, en revanche, les cellules sont plus vastes et les antennes sont montées sur des mâts et des tours plus élevés.

Dans une zone où l'utilisation de téléphones mobiles est en augmentation, il faut accroître le nombre de cellules pour maintenir la qualité du service. Cela implique souvent d'installer de nouvelles stations de base, même dans des zones déjà couvertes par le réseau de téléphonie mobile. Faute de quoi, le réseau ne fonctionnera pas correctement et les utilisateurs de téléphones mobiles risquent de ne pas pouvoir se connecter à leur réseau (encombrement) ou de voir la qualité du signal se détériorer (perte de niveau).

3. L'énergie électromagnétique radiofréquence et ses effets éventuels sur la santé

L'énergie électromagnétique (EME) est l'énergie stockée dans un champ électromagnétique qui se déplace dans l'air ou dans l'espace. Il s'agit d'un phénomène naturel, dont la manifestation la plus courante est la lumière visible. Emise par des sources naturelles comme le soleil, la terre et l'ionosphère et par des sources artificielles telles que les stations de base de téléphonie mobile, les tours de radiodiffusion, les installations radar et les appareils électriques et électroniques, elle fait partie de notre vie quotidienne.

Nous sommes exposés journellement à l'EME sous diverses formes – circuits électriques domestiques et appareils électroménagers (lampes, séchoirs à cheveux, fours à micro-ondes, téléviseurs), écrans d'affichage, lignes d'alimentation électrique, émetteurs de radiodiffusion, stations de base de télécommunications, trains électriques, systèmes de sécurité des magasins.

Les signaux radiofréquences (RF) utilisés par les téléphones mobiles sont aussi une forme d'EME. Les rayonnements radiofréquences (RFR) représentent la partie du spectre électromagnétique située au-dessous des fréquences de la lumière visible et au-dessus des fréquences extrêmement basses (ELF) comme celles produites par les lignes électriques à haute tension. Les RFR utilisés à des fins de radiocommunication constituent un sous-ensemble de l'EME correspondant à la gamme de fréquences comprises entre 3 kilohertz (kHz) et 300 gigahertz (GHz). Dans le présent document, les termes RFR et EME RF sont interchangeables.

Nous vivons en présence de sources artificielles de champs électromagnétiques RF, sous une forme ou sous une autre, depuis une centaine d'années, c'est-à-dire depuis l'invention de la télégraphie sans fil par Marconi dans les années 1890. Les chercheurs étudient les effets de l'EME sur les humains, les animaux et l'environnement depuis de longues années. Néanmoins, la téléphonie mobile numérique est une technologie relativement nouvelle et en constante évolution.

En 1996, la Commission européenne (CE) a chargé un groupe d'experts d'élaborer un programme de recherche sur les effets sanitaires éventuels liés à l'usage de la téléphonie mobile. Ce groupe était composé de spécialistes de la biologie, de la médecine, de l'épidémiologie, de la dosimétrie, des télécommunications et de la radioprotection venant de huit pays membres de l'Union européenne.

Le groupe d'experts a passé en revue la littérature scientifique publiée, examiné les besoins en matière de recherche et déterminé les études nécessaires. Il a recommandé un vaste programme de recherche englobant des études cellulaires, des recherches expérimentales sur les animaux, des études sur des volontaires humains et des travaux d'épidémiologie. Le programme de travail proposé comprend des études concernant les mécanismes d'interaction des rayonnements micro-ondes avec les cellules et les tissus et leurs effets éventuels sur l'ADN, les neurones, la physiologie, le comportement et les processus cancérogènes, ainsi que des études épidémiologiques sur le risque d'apparition de cancer du cerveau et d'autres organes. Le groupe a par ailleurs défini les grandes lignes d'une infrastructure de gestion de la recherche propre à garantir l'indépendance et la qualité de ces travaux.

La Commission a jugé utile de proposer un cadre commun de protection du public contre les effets éventuels des rayonnements non ionisants sur la santé, afin de contribuer à la réalisation d'un niveau élevé de protection de la santé des citoyens de la Communauté. Les divergences et les lacunes présentées par les diverses dispositions et lignes directrices contribuent à faire naître chez beaucoup de citoyens un sentiment de confusion et d'insécurité et à ébranler la confiance dans les autorités chargées de la protection sanitaire.

Un tel cadre, énonçant les principes généraux d'une limitation de l'exposition destinée à prévenir les effets nocifs pour la santé, pouvait être mis en place par une recommandation du Conseil en application de l'article 152 du Traité de la CE. En juin 1998, la Commission a proposé un projet de règlement du Conseil relatif à la limitation de l'exposition du public aux champs électromagnétiques (de 0 Hz à 300 GHz). Ce texte a été adopté par le Conseil le 12 juillet 1999 (JO L 199/59 du 30/07/1999).

La Recommandation se conforme à l'avis de la Commission internationale de protection contre les rayonnements non ionisants (ICNIRP) et se fonde sur les données scientifiques disponibles de la plus haute qualité. (L'ICNIRP, qui est en étroite relation avec l'OMS, le PNUE et d'autres institutions internationales, joue un rôle pilote en matière de recherche sur les risques associés aux rayonnements non ionisants). La Recommandation instaure un ensemble de restrictions de base et de niveaux de référence mis au point à l'échelle internationale par les meilleurs experts et approuvé par le comité directeur scientifique de la Commission.

La mise en place d'un système complet de protection dans ce domaine, comprenant des dispositions et des lignes directrices détaillées relatives non seulement à l'exposition des personnes, mais aussi aux émissions des appareils et aux contraintes liées aux pratiques entraînant une telle exposition, devrait incomber aux Etats membres, compte tenu des dispositions communautaires pertinentes.

A la mi-1996, une étude d'une durée de cinq ans a été lancée par l'OMS en association avec l'ICNIRP et d'autres institutions internationales ainsi qu'avec des centres collaborateurs nationaux. Ses objectifs consistent notamment à répondre aux préoccupations de manière coordonnée au niveau international, passer en revue la littérature scientifique et établir des rapports périodiques, recenser les lacunes en vue de mieux évaluer les risques, encourager les programmes de recherche et élaborer des monographies valant conclusions formelles en matière d'évaluation des risques sanitaires et écologiques. Le Projet international CEM a pour objet d'évaluer les données scientifiques tendant à démontrer l'existence d'effets sanitaires et écologiques des champs électromagnétiques (CEM) pour des fréquences comprises entre 0 et 300 GHz, y compris les champs de radiofréquences (RF) émis par les téléphones mobiles et leurs stations de base.

L'un des buts du Projet international CEM est d'aider les autorités nationales à mettre en balance les avantages de la technologie de télécommunication mobile et ses effets préjudiciables éventuels, même ténus, et à définir les mesures de protection complémentaires qui pourraient s'avérer nécessaires. Le projet, qui vise à normaliser les efforts de recherche internationaux et à accroître nos connaissances dans ce domaine particulier, devrait arriver à son terme en 2001.

Lorsqu'on parle des risques éventuels de l'exposition humaine aux champs RF pour la santé, il importe de ne pas confondre ces derniers avec les rayonnements ionisants tels que les rayons X, les rayons gamma ou les rayonnements ultraviolets à ondes courtes. A la différence des rayonnements ionisants, les champs RF, même de forte intensité, ne peuvent provoquer d'ionisation ni d'irradiation du corps. Les rayonnements radiofréquences non ionisants n'ont pas une énergie suffisante pour rompre directement les liaisons chimiques.

Néanmoins, à des niveaux suffisamment élevés (bien supérieurs à ceux actuellement admis dans les systèmes de télécommunications sans fil), les champs de radiofréquences peuvent provoquer un échauffement des matériaux, et notamment des tissus du corps humain, susceptible de les endommager. C'est pourquoi des réglementations ont été mises en place pour limiter l'exposition aux champs RF à des niveaux ne présentant pas de danger sous le rapport des effets thermiques connus. Les téléphones mobiles et les stations de base conformes aux normes techniques internationales ne provoquent pas d'échauffement significatif.

Bien qu'un combiné de téléphone mobile émette une puissance bien inférieure à celle d'une station de base, le corps de l'utilisateur absorbe une puissance sensiblement supérieure en provenance de l'antenne de son téléphone (une courte tige émergeant du boîtier). C'est la tête de l'utilisateur qui subit la plus forte exposition localisée aux radiofréquences. Toutefois, cette exposition, limitée par des lignes directrices internationales et des normes nationales, ne devrait pas provoquer d'élévation locale de température supérieure à 1°C.

La recherche sur les effets de l'exposition à l'EME est très complexe et il est difficile de tirer des conclusions sur les risques qu'elle comporte pour la santé humaine à partir d'expériences en laboratoire sur des animaux et des cellules. Des effets biologiques ont été signalés dans des études en laboratoire s'appuyant sur des procédures expérimentales particulièrement sensibles; toutefois, rien ne permet d'affirmer que ces effets biologiques puissent avoir des conséquences nocives pour la santé. Dans certaines expériences mettant en jeu des niveaux d'exposition modérés, on a également observé, sans toutefois les établir formellement, d'autres effets biologiques dans lesquels l'échauffement des tissus ne semble pas en cause et que l'on ne sait pas expliquer dans l'état actuel des connaissances sur les interactions rayonnements/tissus.

S'agissant des effets non thermiques de l'exposition aux fréquences des téléphones mobiles, on a suggéré que certains effets subtils sur les cellules favoriseraient le développement de cancers ou auraient une influence sur les tissus excitables électriquement susceptible de perturber le fonctionnement du cerveau et des tissus nerveux.

Les ondes radio n'ont pas une énergie suffisante pour endommager directement le matériel génétique (ADN) des cellules et, par conséquent, ne peuvent causer de cancers. Certains ont émis l'opinion qu'elles pourraient accroître la vitesse de développement des cancers (c'est-à-dire favoriser leur apparition ou leur progression). D'après les données scientifiques disponibles, l'exposition à des champs RF de faible intensité, notamment ceux émis par les téléphones mobiles, ne semble pas provoquer de cancers ni favoriser leur apparition. Néanmoins, l'absence de données ne permet pas d'écarter le risque et il serait justifié d'entreprendre des études plus spécifiques.

L'on s'est également inquiété des effets possibles sur l'activité du cerveau - maux de tête et perte de mémoire en particulier. Il existe encore peu d'études à ce sujet, mais leurs résultats ne mettent pas en évidence de risque manifeste pour la santé. L'exposition à des champs RF de faible intensité (trop faibles pour produire une élévation significative de température) altérerait l'activité électrique du cerveau chez le chat et le lapin en modifiant la mobilité des ions calcium. Le même effet aurait également été observé sur des tissus et des cellules isolés. D'autres études laissent à penser que les champs RF pourraient modifier la vitesse de prolifération des cellules, perturber l'activité enzymatique ou altérer les gènes dans l'ADN cellulaire.

L'existence de ces effets n'est pas formellement démontrée et leurs conséquences pour la santé humaine ne sont pas assez bien connues pour offrir une base sur laquelle fonder une limitation de l'exposition humaine aux champs RF de faible intensité. Toutefois, les données scientifiques dont on dispose sont trop lacunaires pour que l'on puisse exclure la possibilité que ces effets biologiques non thermiques soient à l'origine d'effets nocifs sur la santé.

Les études en cours dans le cadre du programme de l'OMS ainsi que les recherches envisagées dans le cinquième programme-cadre de l'Union européenne, précisées dans le rapport de l'UE sur la santé publique Non-ionizing radiation — sources, exposure and health effects, pourraient fournir les bases scientifiques nécessaires à une évaluation plus fiable. Ces recherches devront être permanentes afin que les politiques de santé publique soient toujours fondées sur les informations les plus récentes, au fur et à mesure de l'évolution de la technologie des communications et du perfectionnement des méthodes scientifiques.

4. Normes d’exposition du public aux champs électromagnétiques (CEM)

Depuis la fin des années 50 et le début des années 60, époque à laquelle on a commencé à réfléchir à l’élaboration de normes et de lignes directrices, cette entreprise a été abordée sous des angles très divers par différentes instances et organisations nationales et internationales.

C’est aux autorités nationales qu’il appartient d’édicter des normes à la lumière des lignes directrices définies par les institutions nationales et internationales de normalisation. Les limites d’exposition recommandées au niveau international dans un souci de protection sanitaire doivent être établies à partir d’une évaluation des effets nocifs éventuels sur la santé étayée par des connaissances scientifiques et médicales établies. Les divers groupes d’intérêts concernés ne devraient pas influencer cette évaluation.

La Commission internationale de protection contre les rayonnements non ionisants (ICNIRP), organisme scientifique indépendant où sont représentées toutes les grandes disciplines scientifiques, remplit les conditions requises pour procéder à l’évaluation des effets sanitaires éventuels de ces rayonnements. L’ICNIRP est l’organisation non gouvernementale  officiellement reconnue par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), l’Organisation internationale du travail (OIT) et l’Union européenne (UE) pour les questions de protection contre les rayonnements non ionisants (RNI). Elle travaille en étroite collaboration avec les organismes internationaux compétents dans ce domaine.

En 1998, l’ICNIRP a adopté des recommandations relatives aux limites d’exposition aux CEM dans la gamme de fréquences inférieures à 300 GHz. Ce texte distingue deux types de valeurs limites : les restrictions de base et les niveaux de référence. Les restrictions de base sont fondées directement sur les effets avérés sur la santé, compte tenu d’une marge de sécurité appropriée. Grâce à la souplesse du dispositif formé par les restrictions de base et les niveaux de référence dérivés, les recommandations de l’ICNIRP sont applicables à de nombreuses situations d’exposition.

L’ICNIRP estime que les coefficients de sécurité appliqués devraient être fonction de la précision des connaissances scientifiques et tenir compte de la quantité d’informations établies dont on dispose sur les effets biologiques et sanitaires de l’exposition aux CEM. Pas plus que dans l’évaluation des effets nocifs sur la santé, les groupes d’intérêts ne devraient intervenir dans la détermination des coefficients de sécurité.

Il n’existe pas de méthode rigoureuse pour calculer les coefficients de sécurité. Dans les recommandations de l’ICNIRP, les coefficients retenus varient approximativement entre 2 et 10 selon le degré d’incertitude qui pèse sur la connaissance des seuils d’apparition d’effets sur la santé en cas d’interaction directe ou indirecte avec des champs de diverses fréquences. En règle générale, les niveaux seuils pour les effets indirects (par exemple les réactions aux courants de contact) sont mieux définis que pour les effets directs et nécessitent par conséquent moins de prudence dans le choix des coefficients de sécurité. Les recommandations relatives à l’exposition du public appliquent des coefficients de sécurité supplémentaires de 2 à 5 par rapport à celles visant l’exposition des travailleurs.

Les niveaux de référence sont fournis aux fins de l’évaluation de l’exposition dans la pratique pour déterminer si les restrictions de base risquent d’être dépassées. Ces niveaux sont dérivés des restrictions de base au moyen de modèles mathématiques et d’une extrapolation à partir des résultats d’études en laboratoire réalisées à des fréquences données. Les restrictions de base diffèrent pour les travailleurs et le grand public ; en revanche, l’ICNIRP recommande de se guider sur les mêmes niveaux de référence pour limiter l’exposition aux CEM dans l’un et l’autre cas.

Les recommandations ne prennent pas en considération les aspects politiques, sociaux et économiques. L’ICNIRP estime que la mise en application des normes et l’évaluation de leurs conséquences sociales et économiques relèvent de la responsabilité des gouvernements nationaux et de leurs administrations.

En 1990-1991, à l’initiative de l’Allemagne, le Comité européen de normalisation électrotechnique (CENELEC) a entrepris des travaux d’harmonisation des normes européennes en matière d’exposition aux champs électromagnétiques. Les membres du CENELEC sont les comités électrotechniques nationaux de 19 pays européens. Son comité technique sur l’exposition humaine aux CEM a été chargé dans un premier temps d’harmoniser les normes nationales en vigueur en Europe.

Le Comité a mis au point en 1994 une prénorme européenne (ENV 50166), applicable à titre provisoire, qui comporte deux volets (exposition professionnelle et exposition du public) et établit une distinction entre niveaux de référence et limites.

En juin 1998, la Commission européenne (CE) a publié un projet de texte concernant l’exposition du public aux CEM dans la gamme de fréquences comprises entre 0 Hz et 300 GHz. Cette proposition a été adoptée le 12 juillet 1999 (Recommandation du Conseil 1999/519/CE, voir annexe). Ce texte établit un cadre de restrictions de base et de niveaux de référence, conformément aux recommandations de l’ICNIRP publiées la même année et entérinées par le comité directeur scientifique de la Commission.

L’on dispose ainsi d’un ensemble cohérent, applicable au niveau européen, de restrictions relatives à l’exposition des personnes aux CEM. Le CENELEC peut maintenant mettre fin à ses travaux d’harmonisation des normes nationales en Europe pour se consacrer à l’élaboration de procédures permettant de veiller au respect des règles de la CE. A l’évidence, les documents de la CE et de l’ICNIRP auront une influence importante sur la normalisation européenne une fois qu’ils auront été approuvés par les Etats membres.

Un examen attentif des normes de sécurité internationales montre que celles-ci reposent grosso modo sur des raisonnements et des données scientifiques similaires. De façon générale, les recommandations du CENELEC, de l’ICNIRP et de la CE sont fondées sur les mêmes critères.

Normes nationales

De nombreux pays européens ont déjà élaboré des normes ou des lignes directrices en vue de protéger la population contre les champs électromagnétiques. Cependant, les textes conçus par les divers organismes de normalisation divergent souvent par suite de différences dans l’importance relative accordée à tel ou tel aspect de la question et dans l’interprétation des données. Par rapport aux recommandations internationales, les normes nationales présentent d’importantes variations en ce qui concerne les limites d’exposition aux CEM. C’est notamment le cas de certaines réglementations d’Europe orientale qui mettent l’accent sur les effets thermiques faibles et sont de ce fait difficilement conciliables avec les normes occidentales en vigueur. Entre les pays d’Europe orientale et d’Europe occidentale, les valeurs limites d’exposition aux CEM varient parfois de un à plus de 100.

En Australie, l’exposition aux radiofréquences était réglementée jusqu’en 1998 par la norme AS2772.1-1990, établie par l’Association australienne de normalisation (Standards Association of Australia). Cette norme fixait à 0,2 mW/cm² la valeur maximale admissible pour l’exposition du public aux fréquences utilisées par les services de téléphonie mobile, soit un chiffre de 2 à 6 fois inférieur aux recommandations de l’ICNIRP.

Cette norme a été révisée en 1998 à titre provisoire ; la nouvelle norme « transitoire » prévoyait des limites admissibles pour l’exposition du public identiques à celles recommandées par l’ICNIRP sauf aux fréquences élevées, où les valeurs plus basses fixées par la réglementation de 1990 ont été conservées. En 1999, le comité compétent n’a pas été en mesure d’atteindre le degré d’accord requis pour confirmer ou réviser la norme transitoire, et celle-ci a été retirée. La formulation précise de l’approche de précaution a donné lieu à d’intenses controverses. L’autorité australienne chargée des communications (Australian Communications Authority, ACA) est alors intervenue, adoptant sa propre norme relative aux radiocommunications RF ; pour l’essentiel, ce texte apparaît identique à la précédente norme transitoire.

L’Autriche est le premier pays européen à avoir adopté les recommandations relatives aux champs de radiofréquences de l’Association internationale de radioprotection/Comité international des rayonnements non ionisants (AIRP/INIRC), publiées en 1988. A l’époque, il semblait trop tôt pour instaurer une obligation légale d’appliquer ces limites d’exposition. En attendant l’adoption d’une loi, il a semblé utile de définir des normes autrichiennes sur la base des recommandations susmentionnées, tâche confiée à l’Institut autrichien de normalisation.

L’Institut, en collaboration avec l’Association électrotechnique autrichienne, a élaboré les prénormes ÖNORM S 1119 et ÖNORM S 1120, publiées respectivement en 1994 et 1992. Ces deux textes établissent des limites d’exposition pour la protection des personnes contre les champs électromagnétiques dans les gammes de fréquences basses (0 Hz à 30 kHz) et élevées (30 kHz à 3 THz).

Les travaux se poursuivent actuellement en vue d’élaborer une réglementation sur les RNI. Les limites d’exposition aux champs électriques, magnétiques et électromagnétiques seront fondées sur les recommandations de l’ICNIRP de 1998, compte tenu de la Recommandation CE.

En Bulgarie, il existe plusieurs textes réglementaires sur les CEM, qui traitent séparément de l’exposition professionnelle et de l’exposition du public. Concernant l’exposition professionnelle, les anciennes normes sont calquées sur les lignes directrices du COMECON relatives aux fréquences industrielles, aux radiofréquences et aux fréquences micro-ondes. S’agissant de l’exposition du public, l’exposition aux rayonnements électromagnétiques dans les zones résidentielles est réglementée par des normes relatives aux champs électriques, aux densités de puissance et à la définition de zones de sécurité. Au cours des deux dernières années, les recommandations de l’ICNIRP et de la CE ont été traduites et un comité d’experts a été chargé de réfléchir à leur mise en œuvre.

Le Canada a adopté ses premières lignes directrices concernant les champs de radiofréquences en 1979 (Code de sécurité 6). Ce code a été révisé en 1991 et 1999. Depuis quelque temps déjà, l’exposition aux champs RF de faible intensité fait l’objet d’un débat, la protection offerte par le Code de sécurité 6 étant considérée par certains comme insuffisante. De nombreuses communautés s’inquiètent des risques sanitaires qui pourraient être associés aux champs RF émis par les antennes de téléphones mobiles. Alors que cette préoccupation tend à devenir un important problème de santé publique, l’idée se répand que les limites d’exposition fixées par Santé Canada et les organisations internationales ne prennent pas en compte de manière satisfaisante les effets des champs RF sur la santé de la population. Face à cette préoccupation, Santé Canada a demandé à la Société royale du Canada de créer un groupe d’experts sur les champs RF pour étudier la question.

En Croatie, un groupe d’experts a été constitué par le Ministre de la Santé pour mettre au point la version finale d’une « loi sur les rayonnements non ionisants ». Ce texte, qui s’appuie sur les recommandations de l’ICNIRP, a été examiné récemment par l’Assemblée nationale. Auparavant, la prénorme du CENELEC (ENV 50166) avait été mise à l’essai, puis incorporée dans les normes croates par l’Office croate de normalisation.

La Finlande s’est dotée en 1991 d’une réglementation nationale pour la gamme de fréquences allant de 10 kHz à 300 GHz, fondée sur les recommandations AIRP/INIRC de 1988. Depuis lors, des experts finlandais ont participé activement aux travaux du CENELEC ainsi qu’à l’élaboration de la recommandation de la CE. Les autorités envisagent de mettre à jour la réglementation finlandaise ; la nouvelle version serait dans l’ensemble conforme aux recommandations de l’ICNIRP, à quelques différences près dans le domaine des champs magnétiques pulsés de fréquence extrêmement basse (EBF) et, plus généralement, des champs EBF.

Pendant très longtemps, la France n’a eu aucune norme concernant spécifiquement les limites d’exposition aux champs électromagnétiques. Toutefois, les autorités soutiennent l’action du CENELEC : l’Association française de normalisation (AFNOR) a enregistré la prénorme ENV 50166 sous les références C 18-600 (basses fréquences) et C 18-610 (hautes fréquences). La France s’est par ailleurs engagée à appliquer la Recommandation du Conseil de l’Union européenne.

En Allemagne, la loi en vigueur vise les secteurs industriel et commercial. Elle contient des dispositions en vue de la protection du public et du voisinage de l’installation émettrice contre les effets environnementaux nocifs des champs électromagnétiques. Pour les émetteurs haute fréquence de puissance isotrope rayonnée équivalente égale ou supérieure à 10 W dans certaines gammes de fréquences, on a fixé des seuils en dessous desquels le choix du site et la conception de l’installation ne sont pas soumis à restrictions, sur le modèle de la législation relative aux lignes électriques qui prévoit un seuil analogue de 1000 V. Le gouvernement a tenu à ce que la réglementation visant à garantir la sûreté d’exploitation, qui a reçu l’aval des plus hautes juridictions, soit fondée sur des informations soumises à un examen par les pairs, comme celles de l’ICNIRP. Il a la ferme intention d’examiner et de prendre en compte les recommandations de l’UE et de l’OMS dans ses futurs travaux législatifs.

En Grèce, une norme a été publiée en 2000 (Mesures de protection du public contre les risques liés à l’exploitation des antennes terrestres, Athènes, 2000). Elle est grosso modo conforme aux recommandations de l’ICNIRP.

En Hongrie, une norme publiée en 1986 a été modifiée en 1993 afin d’étendre son champ d’application à la gamme de fréquences allant de 30 kHz à 300 MHz. Cette norme reprenait sans changements majeurs les niveaux utilisés dans les pays d'Europe orientale dans certaines situations : en particulier, elle reposait sur les notions de zones contrôlées et non contrôlées, auxquelles s’ajoutaient une « zone interdite » et une « zone non dangereuse». En dessous de 30 kHz, il n’existait aucune réglementation, sauf dans le cas des fréquences industrielles pour lesquelles l’intensité de champ électrique était limitée à 5 kV/m. Les valeurs de l’ICNIRP ont été utilisées pour combler les lacunes de la législation nationale. En 1997, le gouvernement hongrois a publié une prénorme hongroise identique à celle du CENELEC.

En Italie, plusieurs réglementations ont été adoptées au niveau national et régional. Les polémiques et les pressions exercées par l’opinion publique et les médias ont lourdement pesé dans le processus de normalisation. La preuve en est que l’on s’est beaucoup moins préoccupé de la protection des travailleurs, pour lesquels aucune norme n’existait jusqu’à récemment. La seule référence en la matière était la prénorme européenne ENV 50166, publiée par le CENELEC en 1995 et adoptée la même année par le Comité électrotechnique italien (CEI). Toutefois ce texte, n’ayant pas force de loi, n’était pas contraignant.

Il existe plusieurs lois régionales concernant l’exposition aux radiofréquences et aux fréquences micro-ondes. Ces textes présentent des différences notables, ce qui est source de confusion et de méfiance parmi le public. Dans les Abruzzes, par exemple, il faut respecter une distance minimale entre le site d’implantation d’une antenne, quelle que soit sa directivité, et les bâtiments d’habitation. Cette distance est de 50 m lorsque la puissance appliquée à l’antenne est comprise entre 5 et 350 W et de 1 000 m au-dessus 350 W. Cette loi vise tous les types d’antennes, y compris les stations de base de téléphonie mobile.

Le Parlement italien a examiné une « loi-cadre » définissant les principes fondamentaux, les compétences (nationales/régionales ou locales), les sanctions, les procédures de contrôle, etc. Parmi les principes fondamentaux, une nouvelle notion apparaît à côté du dispositif classique de restrictions de base et de niveaux de référence. Il s’agit des « objectifs de qualité », définis comme des limites supplémentaires beaucoup plus basses que les niveaux de référence. Ces valeurs doivent être respectées dans le cas de nouvelles installations ou devront l’être dans un délai déterminé dans le cas d’installations existantes. En théorie, les objectifs de qualité devraient varier selon les technologies, les sources, les environnements, etc. Toutefois, avant même qu’ils ne deviennent officiellement applicables avec l’entrée en vigueur de la loi-cadre, ils semblent être mis en pratique tout à fait différemment : à vrai dire, bien que le terme employé ne soit pas le même, les « niveaux de précaution » établis dans le récent décret relatif aux radiofréquences et aux fréquences micro-ondes ne sont probablement pas autre chose que des « objectifs de qualité ».

Un décret entré en vigueur au début de 1999 porte spécifiquement sur l’exposition de la population aux champs émis par les antennes fixes dans la gamme de fréquences 100 kHz – 300 GHz. Les milieux scientifiques ont qualifié la nouvelle norme envisagée en Italie d’exemple extrême d’évitement prudent. Les règles proposées sont fondées sur le principe de précaution. Cependant, on observe des incohérences dans l’application de ce principe d’un intervalle à l’autre de la gamme de fréquences. Les conséquences de l’approche de précaution n’apparaissent pas clairement dans les situations professionnelles, mais elles sont décrites de manière explicite en ce qui concerne l’exposition du public. En bref, il semble que les récents travaux de normalisation aient tenu compte de la nécessité urgente d’une harmonisation à l’intérieur du pays (entre les différentes réglementations régionales), mais que l’harmonisation au niveau international est loin d’être au centre des préoccupations.

Au Japon, le Ministère du commerce international et de l’industrie a publié en 1976 une norme relative aux fréquences industrielles ; un réexamen ultérieur de ces directives a abouti à la conclusion qu’il n’était pas urgent de les réviser. De même, pour les expositions aux RF, une étude récente, motivée par les préoccupations suscitées par les téléphones cellulaires, a établi qu’il n’y avait pas lieu de modifier les directives en vigueur. Toutefois, des recommandations complémentaires ont été publiées concernant les sources utilisées à proximité du corps humain, comme les téléphones cellulaires. Une norme adoptée le 1er octobre 1998 et entrée en vigueur le 1er octobre 1999 fixe des niveaux proches des niveaux de référence de l’ICNIRP.

Aux Pays-Bas, il n’existe pas de normes contraignantes. Plusieurs ministères ont publié des brochures expliquant les mesures à prendre dans différentes situations d’exposition. Le guide le plus récent comporte deux niveaux de recommandations conformes à celles de l’ICNIRP, sauf pour la gamme des fréquences élevées où la limite retenue est de 100 W/m². Pour ces fréquences, la différence entre les limites pour l’exposition des travailleurs et pour l’exposition du public est donc moins importante. Néanmoins, ces limites n’ont toujours pas force de loi. Pour les EBF, il existe une autre brochure fondée sur un rapport du Conseil sanitaire, qui suit les recommandations AIRP/ICNIRP de 1992. Des travaux sont en cours pour mettre à jour les recommandations relatives aux EBF conformément aux dernières propositions de l’ICNIRP.

La Nouvelle-Zélande a adopté en 1999 la norme NZS2772.1, qui reprend les recommandations de l’ICNIRP en leur adjoignant une approche fondée sur le principe de précaution. Cette approche jouit d’une grande faveur de la part du public, ce dont il a fallu tenir compte. Des graphiques et des tableaux ont été ajoutés aux recommandations de l’ICNIRP, qui ont été renforcées dans le sens de l’évitement prudent. Il s’agit maintenant d’appliquer cette norme en établissant les conditions d’installation des stations de base de téléphonie mobile.

En Pologne, comme dans la plupart des pays d'Europe centrale et orientale, les normes reposaient sur les notions de doses et de zones de sécurité. On constate depuis peu une évolution vers des principes plus proches des recommandations du CENELEC et de l’ICNIRP. Il est envisagé de procéder à de nouvelles révisions en tenant compte des normes internationales, dans une perspective d’harmonisation.

En Russie, les normes relatives aux fréquences EBF ont toujours été strictes, les niveaux fixés étant le résultat de recherches en matière d’hygiène et d’études médicales, physiques et expérimentales. Elles portent sur l’intensité des champs, mais prévoient aussi tout un ensemble de mesures de protection (durées d’exposition, distances, équipements de protection individuelle). Les niveaux autorisés diffèrent selon les zones; ainsi, les limites à respecter dans les zones occupées des immeubles résidentiels sont inférieures à celles fixées pour les zones non occupées. Les limites établies pour les champs magnétiques varient selon que l’exposition est subie par le corps entier, une partie du corps ou ses extrémités.

La première norme concernant les CEM dans la gamme de fréquences de 300 MHz à 300 GHz a été adoptée il y a 40 ans, en 1958. Les normes GOST sont applicables sur l’ensemble du territoire de la Fédération. Un comité pour les RNI a été créé en 1998 ; ses travaux auront une influence sur la mise en œuvre des normes dans les années à venir. Dans la gamme des basses fréquences RF, les niveaux autorisés pour l’exposition professionnelle sont liés à la durée d’exposition. Ils n’ont pas varié depuis 1976. On observe cependant des différences régionales – à Moscou, par exemple, les normes d’exposition sont différentes –, mais une harmonisation nationale est en cours. Il s’agit en règle générale de ne provoquer aucune perturbation de l’équilibre homéostatique du corps humain ; c’est pourquoi les niveaux d’exposition sont limités de manière à ne provoquer aucun effet chez les personnes exposées.

En ce qui concerne les téléphones cellulaires, la situation est plus ou moins provisoire dans la mesure où certaines réglementations arrivent à leur terme et doivent être réévaluées. Une réflexion approfondie est en cours sur les questions d’harmonisation et les situations d’exposition simultanée à des champs de fréquences différentes.

En Slovénie, le Ministère de la Science a publié une première norme en 1992, avant d’adopter la prénorme 50166 du CENELEC. Plus récemment, des travaux ont été menés en vue d’élaborer une législation sur la radioprotection fondée sur les recommandations de l’ICNIRP. Le règlement sur les CEM dans les zones habitées et le milieu naturel, élaboré par le Ministère de l’environnement, est entré en vigueur en 1996 ; il établit clairement le niveau maximal d’exposition aux CEM autorisé et définit les mesures de protection qu’il convient de prendre. Les valeurs limites d’intensité de champ pour les différentes fréquences sont fondées sur les recommandations de l’ICNIRP.

Pour les nouveaux systèmes et installations émetteurs de CEM dans l’environnement, un coefficient de sécurité supplémentaire est appliqué aux valeurs limites en vigueur. Avant de choisir le site d’implantation d’une nouvelle source de CEM, il convient de réaliser une étude préalable chiffrée et de déterminer les distances de sécurité minimales en deçà desquelles la présence de tout objet de classe spéciale est interdite, de même que la mise en œuvre de toute autre activité susceptible d’entraîner une exposition des personnes de durée supérieure à la limite autorisée.

En Espagne, des normes d’exposition du public et des travailleurs sont en cours d’élaboration. Le Ministère de la Santé a entrepris de définir des protocoles relatifs aux limites d’exposition aux CEM. La ligne de conduite adoptée est la suivante:

- Les normes fixées dans les recommandations de l’ICNIRP de 1998 et dans la Recommandation CE, quasi identique, de 1999 sont considérées comme valides.
- Toutefois, la forte pression exercée par le public pour que soit appliqué le principe de précaution a conduit au choix d’une démarche d’évitement prudent : les normes seront révisées à chaque fois que la recherche scientifique internationale, qu’il faut développer, aura démontré l’existence d’effets sur la santé.
- Enfin, une plus large place est accordée à la recherche scientifique nationale sur les effets biologiques des CEM. Des méthodes visant à réduire l’exposition humaine au plus bas niveau possible sont à l’étude.

La Suède s’est dotée depuis déjà assez longtemps d’une réglementation dans le domaine des RF, mais elle envisage aujourd’hui de la réviser, probablement dans le sens des recommandations de l’ICNIRP. Il existe une pression de la part du public pour que le principe de précaution soit pris en compte.

En Suisse, il existe plusieurs textes réglementant divers aspects de l’exposition aux CEM. Le plus important d’entre eux est conforme aux recommandations de l’ICNIRP, mais comprend en outre une approche d’évitement prudent. L’ordonnance sur la protection contre le rayonnement non ionisant (Conseil fédéral, 1999) applique le principe de précaution inscrit dans la loi. Elle est fondée sur les recommandations de l’ICNIRP, mais prévoit en outre des limites visant à prévenir les risques présumés (non démontrés) pour la santé, compte tenu de considérations techniques et économiques et pour autant que ces niveaux soient réalisables. La limite est fixée à 10 % du niveau recommandé par l’ICNIRP pour les fréquences élevées, et à 1 % pour les basses fréquences (fréquences industrielles). Toutefois, ces précautions sont prises en fonction de risques supposés, et non de risques établis. Pour les émetteurs de communications sans fil de plus de 6 W, la norme est de 4,0 V/m (0,0042  mW/cm²) à 900 MHz et de 6,0 V/m (0,0095 mW/cm²) à 1800 MHz.

Au Royaume-Uni, l’Office national de la radioprotection (National Radiological Protection Board, NRPB) a publié pour la première fois en 1989, à l’issue d’une analyse de la littérature scientifique internationale et d’une vaste consultation, des lignes directrices détaillées concernant la limitation de l’exposition à des champs électriques et magnétiques variables dans le temps ainsi que les recommandations AIRP/INIRC de 1988. Ces lignes directrices établissent un ensemble de restrictions de base pour les fréquences allant de 0 Hz (champs statiques) à 300 GHz, exprimées en unités dosimétriques, en vue de prévenir les effets préjudiciables d’une forte exposition à des CEM.

Les recommandations formulées par le NRPB conformément à ses obligations légales sont examinées attentivement par les ministères (Ministère de la Santé, Ministère du Commerce et de l’Industrie) et par la Commission Santé et sécurité lorsqu’ils doivent évaluer si les expositions ont été suffisamment limitées au regard de la réglementation. La législation britannique repose sur l’évaluation des risques et l’aménagement de lieux de travail sains et sûrs dans la mesure où cela est raisonnablement réalisable.

En 1999, le Ministre de la Santé publique a chargé un groupe d’experts de conduire une étude approfondie de grande ampleur sur les téléphones mobiles et la santé ainsi que, plus généralement, sur les questions liées au développement du secteur des télécommunications et à son acceptabilité par le public. Le groupe d’experts a recommandé, en vertu du principe de précaution, que les recommandations de l’ICNIRP relatives à l’exposition du public soient rendues applicables au Royaume-Uni en lieu et place des lignes directrices du NRPB. Le Gouvernement a décidé, conformément à l’approche de précaution recommandée, que les émissions des téléphones mobiles et des stations de base devraient être conformes aux recommandations de l’ICNIRP, suivant ainsi la Recommandation du Conseil de l’Union européenne du 12 juillet 1999 relative à la limitation de l’exposition du public aux champs magnétiques (de 0 Hz à 300 GHz).

Aux Etats-Unis, les normes en matière de RF sont issues, à de rares exceptions près, de processus consensuels menés par certaines agences fédérales. De ce fait, il n’existe pas dans ce domaine de norme fédérale unique et générale qui soit applicable sur tout le territoire des Etats-Unis.

La norme la plus importante et la plus largement admise en matière de protection contre les RF est la norme C95.1 de l’IEEE (Institute of Electrical and Electronics Engineers). Cette norme, confirmée en 1996, fait actuellement l’objet d’une révision complète, en voie d’achèvement, qui s’appuie sur la plus vaste étude bibliographique qui ait jamais été réalisée concernant les effets biologiques et la mesure des rayonnements RF .

La Commission fédérale des communications (Federal Communications Commission, FCC) est chargée de la délivrance des autorisations relatives aux dispositifs et installations émetteurs de radiofréquences aux Etats-Unis. La FCC doit aussi déterminer si les dispositifs et installations qu’elle approuve risquent d’avoir des incidences préjudiciables à l’environnement. Les lignes directrices de la FCC sont fondées sur les critères d’exposition recommandés par le Conseil national de radioprotection et de mesure des rayonnements (National Council on Radiation Protection and Measurements, NCRP) ainsi que sur la norme IEEE C95.1.

Les critères d’exposition de la FCC tiennent compte de l’intensité du champ électrique et magnétique, de la densité de puissance et de la moyenne temporelle pour deux niveaux d’exposition. Des limites ont également été fixées pour le débit d’absorption spécifique (DAS) mesuré sur l'ensemble ou une partie du corps.

5. Les niveaux d'EME RF à proximité des stations de base de téléphonie mobile

Si les effets biologiques de l'exposition à des champs de radiofréquences d'intensité très élevée sont relativement bien établis, des travaux sont en cours pour étudier ceux qui pourraient éventuellement résulter de l'exposition aux champs de faible intensité régnant à proximité des tours cellulaires. Dans l'état actuel des connaissances, aucun élément significatif n'indique que l'exposition chronique aux CEM entourant les sites cellulaires présenterait un danger pour la santé humaine. Les émissions RF des stations de base de téléphonie mobile sont facilement mesurables et il a été démontré qu'elles restaient faibles dans l'environnement quotidien. Néanmoins, le public s'inquiète des problèmes sanitaires qui pourraient en découler.

Les stations de base de radiotéléphonie transmettent avec des puissances rayonnées effectives relativement peu élevées et dégagent de très faibles densités de puissance au sol. Les préoccupations suscitées dans le public par l'installation de nouvelles stations de base sont cependant devenues un problème sérieux. Le fait que l'exposition aux champs RF produits par les stations de base dans les zones accessibles au public soit inférieure à toutes les normes nationales ou internationales en la matière n'a apparemment pas apaisé l'inquiétude partagée par de nombreux citoyens.

Les antennes RF des stations de base mesurent généralement 1 mètre de long et ont un faible diamètre. Plusieurs de ces antennes sont montées sur une tour de 15 à 50 m de hauteur ou sur un bâtiment. Chacune émet un faisceau RF très étroit, grossièrement parallèle au sol. Par suite de la faible ouverture du faisceau dans le plan vertical, l'intensité du champ RF au sol à l'aplomb de l'antenne est peu importante et diminue rapidement lorsqu'on s'en éloigne.

Etant donné que les antennes sont situées à au moins 15 mètres de hauteur et que les faisceaux ont une inclinaison vers le bas inférieure à 10°, le public ne devrait pas être exposé aux faisceaux principaux dans un rayon de 58 m autour de l'antenne. Au-delà de cette distance, l'intensité du champ devrait être très inférieure à la limite établie dans les lignes directrices, car l'intensité du rayonnement décroît exponentiellement avec la distance. En d'autres termes, l'intensité du rayonnement est divisée par 5 tous les 5 mètres.

Quelle que soit la distance à partir de la station de base, l'intensité des champs RF au sol est très en deçà des niveaux recommandés par les lignes directrices internationales en ce qui concerne l'exposition du public. Les antennes installées sur des toits sont parfois entourées d'une barrière pour empêcher les gens de pénétrer dans des zones où les champs RF dépassent ces limites. Quant aux antennes montées sur les côtés de bâtiments, elles rayonnent leur énergie vers l'extérieur de sorte que les personnes se trouvant à l'intérieur des bâtiments ne subissent pas d'exposition importante.

D'après les mesures effectuées, l'intensité des champs RF au sol à proximité des antennes des stations de base est comprise, en fonction de la distance, entre 1/40 et 1/250 ou moins de la limite d'exposition préconisée dans les lignes directrices internationales. Les antennes des stations de télévision, qui fonctionnent à des fréquences analogues (500-800 MHz), diffusent une puissance totale bien supérieure à celle des stations de base et produisent des champs RF au sol compris entre 1/2 et 1/500 environ de la limite recommandée au niveau international.

Les émissions d'une station de base donnée varient selon le nombre d'appels et d'émetteurs en fonctionnement. En général, les facteurs suivants influent sur l'exposition des personnes aux ondes radioélectriques émises par les stations de base :

- Les antennes, qui sont les sources des signaux rayonnés, opèrent à des niveaux de puissance adaptés à des communications à courte distance. En général, ces niveaux ne dépassent pas quelques dizaines de watts.
- La puissance est rayonnée dans des faisceaux coniques en éventail essentiellement dirigés vers l'horizon et faiblement inclinés vers le bas, de sorte que l'intensité des ondes radio sous les antennes et à la base des tours est très inférieure aux niveaux d'exposition préconisés.

- Les faisceaux émanant des antennes s'élargissent avec l'éloignement et n'atteignent pas la surface du sol avant quelques dizaines de mètres. A cette distance, l'intensité des ondes radio est très réduite par rapport au niveau mesuré juste devant l'antenne et elle est inférieure aux niveaux d'exposition recommandés.
- Les ondes radio produites par les émetteurs de téléphonie mobile ont une intensité suffisamment faible pour que les limites d'exposition préconisées ne puissent être dépassées que si une personne s'approche à quelques mètres de l'antenne. Des études réalisées sur des installations de type courant montrent qu'il est possible que l'intensité des ondes radio dépasse les niveaux recommandés dans certaines zones à proximité des antennes.

Lorsqu'on mesure l'intensité des signaux radio en un point donné, on peut différencier les signaux provenant des divers émetteurs qui contribuent à l'exposition totale subie par un individu. Des études ont montré que les signaux produits par des émetteurs moins apparents ou plus éloignés sont parfois responsables de niveaux d'exposition supérieurs à ceux imputables à des émetteurs très visibles comme les stations de base de téléphonie mobile. Néanmoins, dans les zones normalement accessibles au public aux alentours des stations de base, l'exposition résultant de toutes les sources RF confondues est en général très largement inférieure aux limites d'exposition recommandées.

Des études menées à proximité de stations de base en service au Canada indiquent que le public est exposé à des champs RF de très faible intensité. Cette exposition est généralement des milliers de fois inférieure aux limites maximales recommandées par les textes canadiens (Code de sécurité 6, 1990). Le personnel chargé de l'entretien des antennes de ces stations peut être exposé à un degré légèrement supérieur, mais il est possible de restreindre cette exposition par l'application stricte de mesures de protection. Quant aux utilisateurs de téléphones mobiles du commerce, l'exposition qu'ils subissent est inférieure aux limites fixées dans le Code de sécurité 6, bien qu'elle en soit parfois proche.

Lors d'une étude sur l'EME RF réalisée dans l'enceinte et aux alentours de cinq écoles de Vancouver par Thansandote et al. (1999), les densités de puissance mesurées à l'extérieur et à l'intérieur de bâtiments étaient largement inférieures aux limites du Code de sécurité 6. Les sources de signaux identifiées dans l'étude comprenaient des bandes de fréquence de stations de base de téléphonie cellulaire analogique et de services de communications personnelles (PCS – la nouvelle génération de téléphones cellulaires numériques), ainsi que des émissions de radio AM, de radio FM et de télévision.

Une étude américaine menée par Petersen et Testagrossa (1992) visait à caractériser les champs EME RF à proximité de plusieurs tours de 46 à 82 m de hauteur comportant des antennes de radio-émission cellulaire à modulation de fréquence (FM). Les densités de puissance maximales mesurées, considérées comme représentatives des niveaux d'exposition reçus par le public, étaient inférieures à 0,0001 W/m² pour chaque émetteur. Petersen et Testagrossa ont ainsi estimé que, même dans le cas d'un scénario pessimiste où 96 émetteurs fonctionneraient chacun avec une puissance rayonnée effective (ERP) de 100 watts, la densité de puissance cumulative ne dépasserait pas 0,01 W/m².

En Pologne, où la densité de puissance maximale autorisée est de 0,1 W/m² pour les fréquences intéressant les stations de base, des mesures des champs électromagnétiques effectuées au voisinage de 20 stations GSM ont montré que "les intensités d'EMF admissibles au niveau des personnes, dans les bâtiments, aux environs des stations de base et à l'intérieur des bâtiments équipés d'antennes n'étaient pas dépassées" (Aniolczyk, 1999, p. 57).

L'Agence australienne de radioprotection et de sûreté nucléaire (ARPANSA) a mesuré les niveaux d'EME RF sur pas moins de 14 sites au voisinage de stations de base de téléphonie mobile. Cette étude visait à recueillir des données concernant les niveaux d'EME RF sur des sites choisis de manière indépendante dans la zone de portée des stations de base de téléphonie mobile GSM et à les comparer à la limite fixée par la réglementation australienne pertinente pour l'exposition non professionnelle.

Le rapport final de cette étude présente les résultats des mesures effectuées sur le terrain et donne des informations sur les niveaux de rayonnement RF auxquels le public est susceptible d'être exposé par suite des émissions de ces stations de base. Les niveaux d'EME RF relevés sont comparés à la valeur maximale admissible pour l'exposition non professionnelle. La Norme 1999 relative aux radiocommunications (exposition humaine aux rayonnements électromagnétiques) fixe cette limite à 2 W/m² (ou 200 µW/cm²) pour les fréquences intéressant les stations de base. Bien que l'étude ait porté essentiellement sur les niveaux d'EME RF imputables au système GSM, un volet du projet consistait à mesurer l'EME RF émise dans l'environnement par d'autres sources: AMPS (service téléphonique mobile perfectionné), télévision VHF, télévision UHF, radio AM, radio FM et radiomessagerie.

Il ressort clairement de cette étude que les émissions des stations de base GSM sont de plusieurs ordres de grandeur inférieures à la valeur maximale autorisée. Un calcul prédictif pessimiste, effectué à partir des mesures des niveaux d'EME RF émise par les stations GSM, aboutit à une puissance surfacique de 0,178 µW/cm² (soit une valeur plus de 1 000 fois inférieure à la limite admissible, qui est de 200 µW/cm²). Or le niveau moyen d'exposition aux RF dû aux stations de base GSM est encore beaucoup plus bas, puisqu'il est de 0,0016 µW/m² (c'est-à-dire plus de 100 000 fois inférieur à la limite admissible). D'après les mesures des niveaux environnementaux de puissance électromagnétique RF surfacique effectuées en site fixe, il apparaît que relativement à la valeur maximale admissible, après ajustement pour tenir compte de la fréquence du signal, le plus haut niveau d'exposition environnementale aux radiofréquences était dû à la radio FM (0,0259 µW/cm²); ce chiffre demeure toutefois plus de 7 000 fois inférieur à la limite admissible de puissance surfacique (200 µW/cm²).

Au niveau international, l'opinion scientifique qui prévaut est que l'on ne dispose pas d'éléments permettant d'établir de manière concluante que le fait de vivre à proximité d'une station de base de téléphonie mobile ou d'utiliser un téléphone mobile est préjudiciable à la santé. Toutefois, compte tenu des lacunes présentées par les études publiées sur cette question, et en particulier de la difficulté à déterminer la nature précise de l'exposition aux champs RF effectivement subie par les populations, il est nécessaire de poursuivre les recherches sur l'exposition aux champs RF et la santé humaine.

6. Le choix des sites d'implantation des stations de base: un sujet de préoccupation pour les collectivités territoriales

Les exploitants choisissent les sites d'implantation des tours de télécommunications en fonction d'un certain nombre de critères. Etant donné que ces tours émettent des signaux radio, qui se déplacent en ligne droite, il est souhaitable qu'il n'y ait pas d'obstacle entre l'émetteur et le récepteur afin de limiter les interférences. Plus la tour est située en hauteur, plus la portée du signal est grande. C'est la principale raison pour laquelle les antennes sont placées sur des collines, des bâtiments et des structures élevées.

Les tours de radiodiffusion et les tours de téléphonie mobile ne remplissent pas la même fonction, d'où des exigences différentes pour leurs sites d'implantation. Les tours de radiodiffusion assurent des communications à sens unique. Elles émettent un signal qui doit toucher la population la plus large possible.

En revanche, les téléphones mobiles émettent généralement vers la tour de téléphonie mobile la plus proche. Etant donné qu'une tour ne peut prendre en charge simultanément qu'un nombre fini d'utilisateurs, une forte demande de services peut être source d'encombrements. Pour remédier à ce problème, on construit des tours supplémentaires qui gèrent le surplus de trafic.

La plupart des installations de télécommunications, y compris les tours de téléphonie mobile, sont soumises aux réglementations nationales ou régionales en matière d'aménagement du territoire; leur construction est subordonnée à l'obtention d'un permis de construire ou d'un accord préalable portant sur leur site d'implantation et leur aspect extérieur. Les Etats et les régions peuvent, s'ils le souhaitent, adopter des dispositions en vue de rendre les procédures normales d'urbanisme applicables à l'installation de tours de téléphonie mobile et, notamment, de reconnaître le droit des personnes concernées d'élever des objections.

Les législations en vigueur sont en général très favorables au secteur des télécommunications et énoncent clairement que la radioprotection est du ressort des autorités nationales. La surveillance de l'EME RF relève de la législation nationale en matière de santé et de sécurité plutôt que du dispositif d'aménagement du territoire. La position de la plupart des gouvernements est sans ambiguïté que les stations de base de téléphonie mobile ne comportent pas de risque pour le public.

Certaines législations privent expressément les collectivités territoriales de la possibilité de réglementer les installations de communications personnelles sans fil eu égard aux effets des émissions RF sur l'environnement, pour autant qu'elles soient conformes aux réglementations nationales concernant ces émissions.

Les collectivités territoriales ne sont pas soutenues par les organismes scientifiques qui, sans exception, affirment qu'il n'y a pas de risques pour la santé tout en reconnaissant que des recherches supplémentaires sont nécessaires.

L'Organisation mondiale de la santé estime que l'adoption de politiques d'évitement prudent serait un choix politique et de société qui pourrait relever des pouvoirs publics à l'échelon local et national, mais elle ajoute que, du point de vue scientifique, il n'y pas de raison de modifier les systèmes de télécommunications actuels.

Les législations devraient viser à préserver le pouvoir de décision des collectivités territoriales en ce qui concerne le choix du site, la construction et la modification des installations de télécommunications personnelles. (Bien entendu, les réglementations relatives au choix du site d'implantation et à la construction d'installations de téléphonie mobile ne doivent pas exercer de discrimination abusive entre les fournisseurs de services équivalents sur le plan technique, ni interdire la fourniture de services de communications personnelles sans fil en général.)

Les responsables de l'élaboration des lois devraient s'efforcer de concilier deux exigences: la nécessité d'encourager la construction de réseaux de télécommunications dans l'intérêt des consommateurs et de l'économie en général et celle de prendre en compte les préoccupations esthétiques, environnementales ou sanitaires de la population. Si les exploitants de réseaux sont soumis aux législations nationales ou régionales relatives à l'aménagement du territoire, la contribution locale au développement des réseaux de communication devrait être beaucoup plus importante que par le passé.

Les gouvernements devraient prendre acte des préoccupations du public concernant les effets éventuels de l'exposition à l'EME RF sur la santé. Ils devraient aider les autorités locales chargées de l'aménagement du territoire à définir des politiques d'urbanisme ou à décider de l'issue à donner aux demandes de permis de construire portant sur des installations génératrices de rayonnements RF ou sur des aménagements proches de sources d'EME existantes, telles que des stations de base de téléphonie mobile.

Le CPLRE pourrait inviter les Etats membres à modifier leur dispositif d'aménagement du territoire en vue, en particulier, d'inscrire le principe de précaution dans les procédures d'urbanisme.

Les organismes d'aménagement régional sont bien placés pour aider les populations à s'assurer que les nouvelles tours cellulaires sont prévues de manière à ce que leurs incidences néfastes soient minimales. Etant donné que les opérateurs cellulaires conçoivent leurs réseaux au niveau régional, il est logique que la collectivité planifie les sites d'implantation des installations de télécommunications à la même échelle, au lieu que chaque localité détermine ces sites indépendamment de ses voisines.

Les sites des nouvelles stations de base de téléphonie mobile devraient toujours être choisis en concertation avec les autorités locales compétentes, en cherchant à recueillir l'avis de la population locale. Les autorités chargées de l'aménagement du territoire à l'échelon local devraient avoir la possibilité d'exercer un contrôle sur l'emplacement choisi pour chaque pylône, soit dans le cadre d'une procédure complète de permis de construire, soit par le biais d'un mécanisme d'"accord préalable". Les délais devraient être suffisamment longs pour que les autorités locales puissent procéder aux consultations voulues concernant l'emplacement et l'aspect extérieur des pylônes de télécommunications.

Lors du choix des sites d'implantation des stations de base, il convient de veiller tout particulièrement à atténuer leur impact visuel. Partout où cela est possible, il faudrait faire en sorte que les antennes soient intégrées à l'environnement, par exemple en les installant sur le toit de bâtiments ou sur des panneaux publicitaires, en les implantant sur un site industriel ou en les couplant avec un relais de radiodiffusion. Il est courant que des opérateurs partagent un site existant avec d'autres exploitants de télécommunications, pratique connue sous le nom de co-implantation.

Il incombe notamment à l'exploitant d'un système de téléphonie mobile d'apporter la preuve que l'exposition subie par le personnel et le public est conforme aux directives pertinentes. Il lui appartient d'évaluer tout risque pour la santé et la sécurité que ses installations pourraient occasionner ainsi que les niveaux probables d'exposition, et de prendre les mesures appropriées. Ces mesures doivent comprendre des conseils sur les moyens de protéger le public.

Si l'évaluation met en évidence une zone autour de la source d'EME où les personnes peuvent être exposées à des champs d'intensité supérieure aux valeurs préconisées, les exploitants devraient prendre des mesures pour restreindre l'accès à cette zone. Ces mesures peuvent comprendre la mise en place de barrières adaptées, fermées à clé et portant une signalisation, destinées à empêcher les personnes non autorisées de pénétrer dans les zones dangereuses.

Si les autorités locales envisagent de prendre des mesures ayant pour effet d'instaurer une zone de sécurité autour des équipements de télécommunications (tels que les pylônes) ou d'imposer toute autre servitude d'urbanisme à ces équipements, elles devraient tenir compte des responsabilités incombant aux opérateurs en vertu de la législation en matière de santé et de sécurité.

En particulier, il peut être demandé à l'opérateur de fournir aux autorités locales des rapports périodiques établis par un organe indépendant et dûment qualifié, indiquant si les installations de télécommunications construites dans la zone concernée respectent bien les normes en vigueur en matière de rayonnements RF. Par ailleurs, il serait dans l'intérêt de l'opérateur (dans une perspective de relations publiques) de consulter les résidents sur ses projets et de leur apporter la preuve que l'installation prévue sera sans danger.

Dans le cas d'antennes installées sur des bâtiments, il faudrait, en plus des questions liées aux rayonnements, se préoccuper des points suivants, portant également sur la sécurité :

- Les structures du bâtiment devraient faire l'objet d'une étude adéquate destinée à vérifier qu'il peut supporter le poids de l'antenne. Une telle étude est indispensable et doit tenir compte de l'effet du vent sur l'antenne pour s'assurer qu'elle est capable de résister à de fortes tempêtes.

- Des précautions et des mesures suffisantes seront prises pour garantir la sécurité du public pendant la construction de l'installation.

- S'il est envisagé de confier la maintenance à une entreprise extérieure devant avoir accès à l'installation 24 heures sur 24, il faut étudier avec soin les conséquences que cela peut entraîner sur le plan de la sécurité.

- Enfin, et cela vaut particulièrement dans les écoles, les mesures de sécurité doivent être suffisantes pour que les enfants ne puissent pas accéder à l'antenne.

Les collectivités locales s'assureront que toutes les dispositions nécessaires ont été prévues pour parer à ces problèmes avant d'autoriser l'installation d'une antenne de station de base.

Comme la plupart des antennes sont situées sur des bâtiments élevés afin de couvrir la plus vaste superficie possible, de nombreux employeurs du secteur public se voient proposer une contrepartie financière en échange de l'installation d'antennes dans l'enceinte ou à proximité de l'établissement dont ils ont la responsabilité. Cela pose un problème en particulier lorsqu'il s'agit d'écoles ou de collèges. Vu la rareté des emplacements présentant toutes les qualités requises, il est fréquent que plusieurs opérateurs sans fil soient en concurrence pour les mêmes sites au sein du marché cible, ce qui fait parfois monter les prix.

Il convient d'encourager activement l'utilisation et le partage des structures existantes de préférence à la construction de nouvelles structures. De fait, les autorités locales chargées de l'aménagement du territoire sont invitées à établir une liste des emplacements susceptibles d'accueillir des installations de télécommunications dans leur zone de compétence (pylônes, bâtiments et autres structures existantes sur lesquelles des antennes pourraient être installées et sites où de nouvelles tours seraient acceptables).

La procédure d'urbanisme donnera satisfaction si elle est le résultat d'une collaboration associant toutes les parties intéressées – publiques et privées, locales et régionales.

Voici quelques mesures que les autorités chargées de l'aménagement du territoire aux échelons local et régional pourraient prendre pour faire en sorte que le choix des sites d'implantation des tours cellulaires corresponde aux besoins locaux:

- organiser des ateliers éducatifs et des forums permettant aux aménageurs, aux représentants de l'industrie et aux résidents de discuter du développement de réseaux cellulaires dans leur région (et de commencer à les planifier en concertation);

- dresser un inventaire régional des structures existantes susceptibles d'accueillir des antennes – tours de communications, bâtiments élevés, châteaux d'eau et cheminées désaffectées – et répertorier les installations et terrains publics existants ou faisant l'objet d'un projet d'aménagement où des antennes pourraient être installées ou de nouvelles tours construites;

- classer les zones d'utilisation du sol par ordre de priorité en vue de la construction de nouvelles tours. Pour cette étape, il convient de s'assurer de la coopération et de la contribution non seulement des collectivités locales de la région, mais aussi des fournisseurs de communications sans fil;

- tenir à jour une base de données centrale et une carte des structures existantes inventoriées, des installations publiques susceptibles d'accueillir des antennes et des zones d'utilisation du sol prioritaires;

- faire obligation aux fournisseurs de services sans fil de soumettre et de mettre à jour annuellement le plan de leur réseau d'antennes à l'échelle nationale;

- mettre au point des critères pour le choix des sites d'implantation et la conception des tours, concernant notamment les matériaux de construction recommandés, les exigences en matière de zone de sécurité, les contraintes de hauteur, l'emplacement des équipements accessoires, la mise en place de barrières, les accès, la garantie de capacité de co-implantation et les impératifs d'éclairage;

- prévoir des mesures visant à encourager une bonne conception des tours et favoriser la co-implantation (à savoir l'installation d'émetteurs de plusieurs fournisseurs de services cellulaires sur une même tour). Ces mesures pourraient comprendre une procédure d'examen et d'autorisation accélérée en cas de construction dans une zone d'utilisation du sol prioritaire, d'utilisation d'une installation publique ou de co-implantation avec d'autres fournisseurs;

- établir des critères ou une liste de contrôle en vue de la procédure d'autorisation d'une nouvelle tour (utilisables au niveau national/régional ou adaptés aux conditions locales). Les points suivants pourraient notamment être pris en compte:

- fournir une assistance aux collectivités en matière de planification et de conception technique, notamment pour l'examen des demandes d'autorisation portant sur la construction de nouvelles tours.

Les personnes appelées à statuer sur les demandes d'implantation de stations de base ou les recours concernant de telles demandes devraient toujours examiner si le projet est de nature à causer un préjudice manifeste à des intérêts d'importance reconnue. Toute perception authentique d'un danger par le public doit être prise en considération dans le processus d'urbanisme, bien qu'il appartienne à l'organe chargé de statuer sur la demande de déterminer le poids à accorder à cet élément compte tenu des circonstances de l'espèce.

La question de fond n'est pas de savoir si tel ou tel projet causera un préjudice financier ou autre aux propriétaires et aux occupants des terrains voisins, mais s'il aura des conséquences défavorables pour la localité dans son ensemble ainsi que pour des ressources qui devraient être protégées dans l'intérêt du public.

7. Conclusions

La position de la plupart des autorités nationales et organisations internationales est qu'en l'absence de données scientifiques démontrant l'existence d'effets nocifs sur la santé il n'y a pas de raison de priver de la technologie du téléphone mobile les personnes de plus en plus nombreuses qui souhaitent l'utiliser à des fins personnelles ou professionnelles. Le respect des normes par les entreprises de téléphonie mobile est considéré comme une règle de prudence destinée à garantir que le développement des communications est source d'avantages, et non de préjudices, pour la collectivité.

Du point de vue des collectivités territoriales, cette position est contestable. Représentant l'échelon administratif le plus proche de la population, elles devraient faire valoir qu'il existe des divergences de vues concernant les données scientifiques disponibles et les conclusions que l'on peut en tirer. Il n'y a pas d'unanimité parmi les experts sur l'existence d'effets indésirables des champs et des rayonnements électromagnétiques sur l'être humain ni sur le niveau d'intensité auxquels des effets pourraient se manifester.

Il convient de se préoccuper davantage de l'avenir, sachant que le nombre d'antennes installées pourrait croître considérablement, que le mode de transmission va peut-être changer et que l'exposition humaine qu'il faudra prendre en compte ne sera plus seulement, comme aujourd'hui, celle résultant d'une antenne ou d'un pylône unique. Toute autorité clairvoyante devrait considérer l'ensemble des émissions électromagnétiques supplémentaires qui prolifèrent dans notre environnement sous des formes nouvelles et variées, en provenance de multiples sources - satellites, radars, signaux radio et TV de plus en plus puissants, lignes électriques (dont certaines transportent des signaux RF).

Ce qui n'est aujourd'hui qu'un "soupçon" (notamment aux yeux des intérêts établis) pourrait devenir un problème majeur pour la prochaine génération. Faut-il attendre, pour prendre des mesures préventives, que l'existence d'effets nocifs soit établie avec une quasi-certitude, et mettre ainsi en danger la santé des citoyens?

Le CPLRE devrait inviter instamment les gouvernements à reconnaître les préoccupations du public et à réglementer le développement des réseaux de télécommunications en appliquant le principe de précaution. En outre, les gouvernements devraient intensifier leurs efforts pour que les normes et les politiques de santé publique soient fondées sur les données scientifiques disponibles de la plus haute qualité. Il est possible qu'aux niveaux actuels les rayonnements RF et l'EME soient inoffensifs; mais le contraire est aussi possible. La question est de savoir si nous devons attendre des preuves absolument concluantes et courir le risque que, dans l'intervalle, de nombreuses personnes subissent des dommages, ou prendre dès aujourd'hui des mesures de précaution préventives.

Pendant que les recherches se poursuivent, des mesures de protection simples, telles que la mise en place de barrières autour des antennes, peuvent contribuer à empêcher les personnes non autorisées de pénétrer dans des zones où les limites d'exposition peuvent être dépassées.

Les normes nationales et internationales, qui fixent des limites d'exposition aux champs électromagnétiques pour le public et les travailleurs, devraient être réexaminées périodiquement, à la lumière des progrès scientifiques. Ces normes, fondées sur les connaissances actuelles, sont destinées à protéger tous les membres de la population – utilisateurs et non-utilisateurs de téléphones mobiles, personnes travaillant ou habitant à proximité d'une station de base.

Face à la mondialisation des échanges et des communications qui caractérise la société d’aujourd’hui, aucun pays ne peut se permettre de rester isolé. Une harmonisation des normes de protection contre les champs électromagnétiques serait dans l’intérêt de tous les pays du monde. Toutefois, ce ne sera pas tâche aisée pour la communauté internationale travaillant à la sûreté des émissions de radiofréquences que de concilier les différences nationales. Il pourrait s’écouler beaucoup de temps avant que les scientifiques des différents pays ne parviennent à s’entendre.

Les divergences entre les normes nationales concernant les CEM tiennent en grande partie à des différences d’interprétation des données scientifiques qui les étayent ainsi qu’à des différences de conception de la normalisation dans le domaine de la santé publique. Ainsi, les lignes directrices relatives à l’exposition en Europe centrale et orientale sont très éloignées de celles adoptées en Europe occidentale et aux Etats-Unis tant en ce qui concerne les limites d’exposition proprement dites que les données scientifiques sur lesquelles elles reposent. De surcroît, il existe selon les régions de grandes différences dans la façon dont les scientifiques interprètent les données sur le niveau et la nature des risques pour l’environnement. Les variations importantes observées dans les lignes directrices régissant l’exposition aux CEM pourrait en partie s’expliquer par un manque de communication entre les scientifiques des différentes régions.

Les lois n’évoluent qu’avec une grande inertie. La souplesse inhérente aux textes normatifs est un avantage important dont il conviendra de tirer parti dans tout cadre qui pourrait être mis en place. Il existe manifestement un besoin de normes simples et claires. Le public a le droit de savoir à quels niveaux l’exposition aux CEM est réellement sans danger. Pour répondre à cette question générale, il faut une norme générale concernant la protection contre les CEM.

Le public ne se satisfait guère des imprécisions de la science. C’est pourquoi il faudrait choisir une norme qui s’appuie sur la limite inférieure de l’intervalle de confiance. Il faut acquérir la confiance du public et veiller à ne délivrer à celui-ci que des messages simples, concis et clairs. Il faut souligner qu’il ne sert à rien de publier des chiffres si l’on ne fournit pas à chacun les moyens de mesurer et d’évaluer sa propre situation.

La protection des populations contre les dangers potentiels fait partie du processus politique ; aussi ne faut-il pas s’attendre à ce que toutes les juridictions choisissent exactement le même niveau de protection. Il est normal et admis que les pays, et même que diverses juridictions au sein d’un même pays, décident parfois d’assurer des niveaux de protection différents contre les risques environnementaux afin de répondre aux souhaits de leurs citoyens.

Plus de 45 instances nationales et 8 organismes internationaux participent aux activités du Projet international CEM de l’OMS. Avec une base aussi large et aussi motivée, le Projet CEM dispose d’une occasion unique de mettre sur pied le cadre d’une harmonisation mondiale de l’ensemble des normes relatives aux CEM. Cette tâche prendra plusieurs années,
mais on espère qu’elle aboutira avant l’évaluation officielle des risques des CEM pour la santé par l’OMS et le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC). Ainsi, la prochaine génération de normes pourrait prendre en compte les informations issues de cette évaluation dans un même cadre normatif harmonisé.

Par ailleurs, si les organes internationaux non gouvernementaux peuvent donner des orientations, il incombe aux instances et gouvernements nationaux de tenir compte des contraintes sociales, économiques et politiques lorsqu’ils fixent des limites légales. Il est essentiel que le plus grand nombre possible de parties prenantes participent au processus de normalisation pour éviter que des intérêts particuliers n’en orientent ou déterminent l’issue et garantir que les conflits d’intérêt soient réglés de manière consensuelle.

Les normes devraient être élaborées dans le cadre d'un processus consultatif avec la participation d'organisations non gouvernementales indépendantes. Elles devraient fixer des limites d'exposition applicables aux niveaux cumulés d'EME RF émise par l'ensemble des antennes présentes sur une même tour, sur un groupe de tours et par différentes sources (identifiables par leur fréquence).

Les autorités compétentes devraient instaurer un régime de suivi des fabricants, importateurs, opérateurs et utilisateurs de tous dispositifs de radiocommunication, y compris les téléphones mobiles et les stations de base de téléphonie mobile. Ce régime devrait notamment prévoir la déclaration et le contrôle des niveaux d'exposition associés à ces dispositifs.

La législation en matière de télécommunications devrait prévoir des mesures visant à protéger la santé et la sécurité des personnes qui assurent le fonctionnement des émetteurs ou des récepteurs de radiocommunications, travaillent sur leur site ou les utilisent, ou dont il est raisonnable de penser qu'elles peuvent pâtir de leur fonctionnement.

Surtout, le CPLRE devrait inviter les gouvernements à faire obligation aux opérateurs de télécommunications de consulter les collectivités locales et le public pour le choix des sites d'implantation des stations de base de téléphonie mobile. De toute évidence, ces sites doivent permettre une bonne couverture du signal et être facilement accessibles pour les opérations de maintenance. Bien que, dans l'état actuel des connaissances, les niveaux d'intensité des champs RF autour des stations de base ne soient pas considérés comme dangereux pour la santé, les décisions relatives au choix des sites doivent tenir compte des critères esthétiques et de la sensibilité du public. Par exemple, des précautions particulières sont de mise si l'on envisage d'implanter une station de base à proximité d'une crèche, d'une école ou d'une aire de jeu, et il faut comprendre, en pareil cas, que les autorités locales puissent s'opposer au projet.

Le CPLRE propose-t-il pour autant de cesser d'utiliser la technologie électromagnétique? Loin s'en faut! Nous sommes convaincus que, lorsque les gouvernements auront pris conscience du problème, ils seront aussi en mesure de trouver les moyens d'exploiter en toute sécurité cette merveilleuse technologie.

Un dialogue ouvert entre l'opérateur de téléphonie mobile et le public pendant la phase de planification d'une nouvelle antenne peut faciliter la compréhension mutuelle; le projet aura ainsi de meilleures chances d'être accepté, le cas échéant après que le choix se sera reporté sur un autre site.

Un mécanisme efficace d'information en matière de santé et de communication entre les scientifiques, les gouvernements, l'industrie et le public peut contribuer à améliorer le niveau général de connaissances sur la technologie de téléphonie mobile et à atténuer la méfiance et les craintes, qu'elles soient fondées ou irrationnelles.