Rapport sur les relations budgétaires entre l’Etat, les régions et les municipalités dans les Etats fédéraux - conclusions de la Conférence internationale de Moscou (5-7 octobre 2000) - CG (8) 7 Partie II

Rapporteur:
M. Gerhard Engel (Allemagne)

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EXPOSE DES MOTIFS

Introduction

Du 5 au 7 octobre 2000, le Congrès des Pouvoirs locaux et régionaux de l’Europe (ci-après le CPLRE ou le Congrès) et la Direction de la coopération pour la démocratie locale et régionale du Conseil de l’Europe ont tenu, de concert avec le Congrès des municipalités de la Fédération de Russie, le ministère des Affaires de la Fédération et des Politiques des nationalités et de l’immigration de la Russie ainsi que le gouvernement de la ville de Moscou une Conférence internationale sur les relations budgétaires entre Etat, régions et municipalités dans les Etats fédéraux et à forte régionalisation en Europe.

Une centaine de participants - élus et fonctionnaires locaux et régionaux, représentants des associations nationales de pouvoirs locaux et régionaux, représentants des ministères fédéraux et régionaux, ainsi que représentants de la communauté scientifique de plusieurs Etats fédéraux européens – ont assisté à cette conférence.

La conférence avait pour but de développer et de faire progresser la réflexion sur les relations budgétaires dans les Etats fédéraux, quasi-fédéraux et à forte régionalisation en Europe dans la poursuite des travaux du CPLRE amorcés en 1999 avec des visites de monitoring dans la Fédération de Russie, la tenue de la conférence d’Ancône sur «les compétences et les finances des collectivités et des régions», l’adoption par le CPLRE du rapport et de la Recommandation 64 (1999) sur «l’état des finances locales en Allemagne» et du rapport et de la Recommandation 79 (2000) sur «les ressources financières des autorités locales par rapport à leurs compétences: un test concret pour la subsidiarité».

Les rapports concernant les relations budgétaires entre différents niveaux de pouvoirs publics dans les pays fédéraux (Autriche, Belgique, Allemagne, Fédération de Russie, Suisse) et dans les pays à forte régionalisation (Italie et Espagne) ainsi que dans certaines régions de ces pays ont été présentés aux participants.

Outre les rapports nationaux, divers problèmes communs à tous les Etats fédéraux en Europe ont été examinés pendant la conférence en ce qui concerne les relations budgétaires entre trois niveaux de pouvoirs publics dans les Etats fédéraux. C’est ainsi que les participants ont examiné la question centrale que pose la délimitation des compétences entre les collectivités territoriales, à savoir le conflit entre la discipline budgétaire interne et externe, d’une part, et la responsabilité tant pour l’ensemble que pour chacune des collectivités locales, de l’autre. Le problème du principe de connexité a été illustré à l’aide de l’exemple autrichien et des exemples allemands, celui de la Thuringe, un des nouveaux länder, dont la réglementation est la plus étendue de tous les länder allemands et celui du Bade-Wurtemberg, un des anciens länder.

La conférence s’est également intéressée au problème particulier des compétences déléguées et aux domaines de chevauchement des intérêts de deux ou plusieurs niveaux administratifs. Les dispositions en matière financière de la Constitution d’un Etat fédéral doivent chercher ici à trouver un équilibre entre les collectivités territoriales supérieures et les exigences de l’autonomie locale.

A cet égard, il a été noté que ces dernières années dans plusieurs Etats fédéraux européens une certaine érosion de l’autonomie locale et régionale a été entraînée par le transfert par l’Etat fédéral aux régions et aux collectivités locales d’un nombre important de compétences nouvelles et/ou déléguées sans aucune compensation financière correspondante. A mon avis, ce problème pourrait notamment être résolu par la mise en œuvre rigoureuse du principe dit de connexité comme indiqué dans la déclaration finale de la conférence.

Une attention particulière a été accordée au rapport sur l’état de l’autonomie locale et les relations budgétaires entre les régions et les communes dans la Fédération de Russie présenté par le professeur Gérard Marcou dans le cadre du programme ADACS «pouvoirs locaux».

La date et le lieu de la conférence n’auraient pu être mieux choisis au vu des changements considérables qui affectent les rapports entre les différentes entités constitutives de la Fédération de Russie. Ce sont surtout les relations entre la Fédération et ses Sujets qui sont concernées mais celles entre les autorités locales et les Sujets, d’une part, et la Fédération, de l’autre, ne sont pas épargnées par ce mouvement. Cette évolution ne manquera pas d’avoir des répercussions au niveau des entités locales autonomes, en matière de politique budgétaire surtout.

A la fin de la conférence, les participants, tout en constatant un certain nombre de progrès en matière de relations budgétaires, ont mis en lumière des difficultés importantes quant à la transparence et aux équilibres dans les relations budgétaires entre les trois niveaux de gouvernement, et, en particulier, mais pas uniquement, entre les régions et les communes.

La Charte européenne de l’autonomie locale en tant que garantie de l’autonomie budgétaire des collectivités locales

Toutes les discussions lors de la conférence ont évoqué la Charte européenne de l’autonomie locale (ci-après la Charte). La Charte doit être considérée en relation avec le principe de subsidiarité qui suppose qu’une compétence relève d’abord de l’autorité inférieure, à savoir la commune, cette compétence ne passant à l’autorité immédiatement supérieure que lorsque celle-ci peut prouver que les effets d’une décision dépassent le cadre d’un échelon administratif. L’idée est que, à tous les niveaux, la décision relève de l’autorité la plus proche du citoyen et puisse être cautionnée politiquement lors d’élections démocratiques (responsabilité démocratique).

La mise en œuvre logique de ce principe exige que l’autorité centrale n’intervienne pas selon son bon vouloir dans les compétences des collectivités inférieures et que celles-ci jouissent de l’autonomie financière, c’est-à-dire budgétaire. Ce n’est que lorsque l’unité, la défense, la sécurité, la cohésion sociale et économique de l’Etat commandent une réglementation d’ensemble que l’Etat fédéral ou la Fédération peut adopter une législation-cadre et il en est de même, mutatis mutandis dans les relations entre le Sujet ou la région et les municipalités.

Au niveau européen, le principe de subsidiarité est désormais largement accepté par les Etats membres du Conseil de l’Europe. A mon avis, s’agissant d’une fédération, l’interprétation stricte doit prévaloir car ce principe y revêt une importance non seulement politique mais aussi économique de premier plan. Ainsi, d’un point de vue politique, la législation et le système administratif des entités constitutives doivent se conformer aux principes de la Charte. Du point de vue de l’efficacité, une répartition des compétences s’orientant sur les effets économiques de chaque décision constituerait une solution idéale tant elle permettrait de minimaliser les effets externes de celle-ci qu’il n’est pas possible d’internaliser au niveau où elle est prise. Elle favoriserait notamment la rationalité des décisions politiques car les effets positifs et surtout négatifs des décisions ne manqueraient pas de frapper également ceux que les élections politiques forcent à assumer et à apprécier ces décisions, directement ou indirectement, avant ou après qu’elles aient été prises. Que les auteurs des décisions soient approuvés ou sanctionnés satisfait à la demande souvent formulée qu’ils répondent de leurs décisions. Cela fait également droit au principe démocratique d’où l’on peut déduire finalement aussi la responsabilité politique.

S’agissant de l’autonomie financière des collectivités locales, en particulier, ces principes sous-tendent également la Charte européenne de l’autonomie locale. Les articles 3, 4 et 9 de la Charte traitent de la structure fondamentale démocratique, des compétences de base qui en découlent et enfin de l’autonomie financière des collectivités locales. Les participants à la conférence de Moscou sont convenus et il a toujours été répété par le Congrès que seul le respect de ces articles crée les conditions et assure la garantie de l’autonomie locale. Qu’un large consensus se soit désormais dégagé sur ce point en Europe, c’est ce que montre déjà le fait que la grande majorité des Etats membres du Conseil de l’Europe ont signé cette Charte et que la plupart d’entre eux l’ont ratifiée.

Il a été mis en relief que l’autonomie locale suppose que soient réalisées les conditions financières posées à l’article 9 de la Charte. Il s’agit, pour l’essentiel de doter les collectivités subordonnées de ressources propres, à défaut desquelles elles ne sauraient assurer leurs fonctions en toute indépendance. Ces ressources propres doivent leur offrir également une marge de manœuvre pour l’exercice des tâches qu’elles choisissent et assument librement. Il n’existe pas d’activité publique qui n’ait de conséquences financières, directes ou indirectes. En principe, il ne devrait pas être contesté que toute décision prise au niveau étatique, régional ou communal, est toujours liée à des coûts incombant soit à l’Etat soit aux citoyens. Mais, en pratique, ces coûts sont trop souvent niés ou sous-estimés lorsqu’ils n’ont pas à être supportés par celui-là même qui a pris la décision. Dans le cas précis qui nous occupe, cela se manifeste par la plainte permanente des communes et des associations de communes qui se voient imposer des tâches par l’autorité supérieure sans recevoir les ressources nécessaires à leur mise en œuvre. Nous en arrivons ainsi au principe de connexité, souvent cité et que l’on peut résumer par l’adage:«celui qui commande la musique, doit payer les pipeaux». Ce que nombre de communes et associations de communes réclament en Europe, c’est que la Constitution ou au moins la loi fasse de ce principe de connexité une disposition que l’on puisse faire valoir en justice. Cette demande s’accompagne souvent du souhait de participer à la décision des organes supérieurs ou au moins d’être entendu au préalable. A mon avis, en tant qu’organe représentant les conseillers locaux et régionaux, le Congrès devrait appuyer ces demandes.

La conférence a évoqué les solutions possibles ainsi que les problèmes et lacunes en ce domaine dans les différents Etats fédéraux ou quasi-fédéraux européens. Elle s’est naturellement attachée à l’autonomie politique et surtout financière des communes, au financement du budget au moyen des ressources propres, fiscales de préférence, d’une partie des impôts de la collectivité, ou encore de subventions du pouvoir central dont elles peuvent plus ou moins librement disposer.

Impôts propres

La solution idéale serait de doter chaque échelon, dans le cadre du régime fiscal applicable, des impôts et redevances lui permettant en gros de couvrir ses dépenses. Il pourrait être paré aux fluctuations des besoins financiers au moyen du taux d’imposition. Le barème des impôts locaux, notamment, devrait pouvoir aussi être fixé à l’échelon communal. Pour ce qui est de l’assiette de l’impôt, un certain nombre d’arguments militent en faveur d’une fixation de ses grandes lignes dans une loi-cadre à l’échelon central. Ce sera normalement le cas lorsque la Constitution ou les lois fédérales précisent les impôts autorisés sur le territoire. Les participants à la Conférence ont constaté que c’est une question fort controversée au sein de la Fédération de Russie mais également en Allemagne où les communes se battent pour leur droit à la création d’impôts.

Le système de séparation des impôts, autrement dit l’attribution de chacun d’eux à un échelon déterminé, a une fonction économique qui va au-delà du financement du budget. Sous l’action combinée de la charge fiscale, d’une part, et des prestations publiques ainsi financées, de l’autre, s’instaurera, entre les Sujets et les municipalités, une compétition en matière d’imposition des résidents et des entreprises et des prestations à leur offrir dont, en cas d’égalité des possibilités de concurrence – il s’agit-là d’une condition essentielle – on ne pourrait que se louer. Une telle concurrence révèlerait les préférences des citoyens en matière de lieu d’installation. Les victimes des décisions prises par une collectivité locale, entreprise ou habitant, pourraient «voter avec leurs pieds», et en cas de trop grande disparité de structures et de richesses entre les régions et les communes, ce genre de concurrence serait faussée au détriment des plus faibles. Comme il a été relevé lors de la conférence, la liberté de lever des impôts ne devrait pas aller à l’encontre de l’effort de solidarité et des politiques économiques destinées à réduire les déséquilibres économiques et sociaux sur plan national ou régional. Cet effort de solidarité pourrait être poursuivi par une combinaison appropriée de péréquation horizontale et de péréquation horizontale.

Impôts partagés

S’agissant de la compétence fiscale, le pouvoir central devrait se voir attribuer ceux des impôts dont le rendement est soumis à de fortes fluctuations et qui frappent un large cercle de contribuables et vice versa pour les collectivités subordonnées. Dans le cas contraire, la gestion budgétaire de ces collectivités dépendrait trop de la conjoncture sans qu’elles disposent pour autant des instruments de la politique conjoncturelle permettant de réagir à bon escient. Le problème de la péréquation en serait par ailleurs inutilement aggravé. La difficulté de mise en œuvre de cette répartition fiscale fera que, souvent, les impôts les plus rentables seront des impôts partagés, assortis d’un coefficient de partage fixe ou variable, afin de pouvoir réagir aux changements ou aux fluctuations des besoins financiers qui surgissent entre les collectivités concernées. Il y a là, assurément, matière à conflit et risque de danger larvé pour l’autonomie locale.

Le principe des impôts partagés est conforme à l’article 9 de la Charte à condition que l’affectation et la répartition des taux de l’impôt soient fixées par la loi et fondées sur des critères économiques objectifs reflétant l’assiette de l’impôt local.

Les transferts (subventions)

Vu qu’il ne devrait pratiquement pas être possible de financer l’ensemble du budget municipal ou régional au moyen de ressources fiscales propres, une part plus ou moins grande des besoins financiers des communes devra être couverte par des dotations des autorités supérieures et, s’agissant des régions, au moyen de subventions de l’Etat ou de versements dans le cadre du schéma de péréquation régionale.

L’ensemble de ces versements devrait prendre la forme de subventions globales non affectées, dont les communes peuvent disposer librement dans le cadre des fonctions qui leur sont confiées, seule une faible partie d’entre elles étant destinée au financement de tâches visant à assurer l’uniformité des prestations au sein de l’Etat ou à garantir la réalisation d’un projet suprarégional. C’est surtout au moyen de flux financiers verticaux, autrement dit de transferts non liés, orientés sur les besoins financiers, que les schémas de péréquation acceptés par les pays européens tentent de réduire les écarts entre capacité financière et besoins financiers au moyen de règles générales fixes (péréquation verticale à effet horizontal) car les systèmes de péréquation horizontale, impliquant d’importants versements des collectivités les plus riches dans un fonds de soutien aux plus pauvres, échouent tous plus ou moins du fait des résistances politiques et des manœuvres de ceux qui doivent payer pour se soustraire à leurs obligations. La péréquation horizontale ne joue ainsi qu’un rôle plutôt secondaire. S’agissant des flux de financement verticaux, l’important ce n’est pas seulement l’uniformité de la procédure, mais également la limitation des critères de transfert à quelques-uns seulement, à défaut de quoi le risque de manipulations existe pour les décisions discrétionnaires.

Les subventions affectées réduisent en elles-mêmes l’autonomie des collectivités subordonnées et offrent aux collectivités supérieures qui les octroient la possibilité d’adopter des décisions discrétionnaires, incompatibles avec l’autonomie communale. En cas de subventions affectées, il conviendrait pour le moins de veiller à ce que leur répartition obéisse à un petit nombre de critères objectifs. Cela vaut également pour les fonds d’investissement ou les fonds spéciaux que connaissent souvent les différents ministères et que les responsables politiques réservent volontiers à leur «clientèle», autrement dit les électeurs de leur circonscription.

Relations budgétaires entre Etat, régions et communes dans la Fédération de Russie

Lors de la conférence, les participants ont examiné les principes de l’autonomie locale et régionale au regard des conditions propres à la situation russe, essentiellement d’un point de vue financier, dont l’expression de fédéralisme asymétrique donne une idée tout à fait exacte. La notion de fédéralisme asymétrique rend bien compte des particularités d’un pays tel que la Russie qui se caractérise par sa taille, à l’échelle d’un continent, et par des différences inimaginables pour un Européen tant au point de vue de l’histoire, de la topographie, du climat, de la structure ethnique, de la population et de la densité démographique que des infrastructures et de l’industrie. Il en résulte aussi surtout des différences au plan économique et financier qui s’expriment tout particulièrement dans la variété incroyable des montants du produit intérieur brut par habitant. Il a été relevé que si, au sein de l’Allemagne réunifiée, la différence de richesse entre les plus riches des anciens Länder, au sud, et le plus pauvre des nouveaux Länder, à l’est (Mecklenbourg-Poméranie occidentale) est de l’ordre de 2 à 1, en Russie, au niveau des Sujets déjà, elle est dans un rapport de 20 à 1. Cela signifie que nous n’avons pas affaire seulement à des différences de quantité mais aussi de qualité, ce qui rend extrêmement difficile de transposer en Russie les expériences des autres Etats membres du Conseil de l'Europe. Toute proposition de solution visant à réorganiser la péréquation financière au sein de la Fédération de Russie doit tenir compte des différences entre les Sujets de la fédération, notamment quant à leur taille, leur structure politique et constitutionnelle, ainsi que de la diversité de mise en œuvre des réformes, pourtant envisagées pour l’ensemble de la fédération, qui va jusqu’à se répercuter également sur le nombre de collectivités locales autonomes dignes de ce nom mises en place dans les différents Sujets. Ce problème général se double de divergences de nature plutôt économique et socio-économique qui sont évidemment primordiales lorsqu’on examine les questions financières et budgétaires. Qu’il s’agisse de l’étendue de la régionalisation au sein d’un Sujet de la fédération, de la différence du volume et des structures budgétaires ou de l’urgence d’investissements d’infrastructure, y compris en matière de santé et d’éducation, il faut toujours avoir à l’esprit la situation particulière de chaque région.

Dans la Fédération de Russie, la péréquation financière entre les Sujets, les régions et, au sein d’une région entre les communes, revêt une toute autre importance que dans nos pays d’Europe occidentale et centrale. La formulation et la mise en œuvre de normes minimales pour les prestations publiques dans le cadre de cette péréquation financière devient un problème crucial même si la Constitution fixe comme objectif une harmonisation des conditions de vie. C’est ce que fait aussi d’ailleurs la Constitution allemande. Après tout exercice de péréquation financière, il restera toujours des Sujets de la fédération riches et des pauvres, de même qu’à l’intérieur de chacun d’eux, il y aura toujours des communes aisées et d’autres dans le besoin. Réduire ces différences à un niveau supportable politiquement, tel doit être le but de tout schéma de péréquation financière réaliste.

Vu les grandes différences qui existent dans la Fédération de Russie, ce sera une tâche difficile et politiquement délicate. On peut déjà prévoir qu’en raison de ces conditions plus que difficiles, la solution satisfaisante de ce problème ne réside certainement pas dans la centralisation, mais plutôt dans un système peu susceptible d’être l’objet de manipulations, reposant sur un petit nombre de critères objectifs, et qui renonce à une trop large redistribution entre sujets et régions pour privilégier la libération des forces d’autonomie, les collectivités locales étant plus aptes à prendre des décisions proches des citoyens et efficaces que les autorités centrales, même animées de la meilleure volonté du monde.

Comme tous les Etats en voie de transformation, la tentation est grande, toutefois, d’en revenir à la traditionnelle concentration du pouvoir entre les mains des autorités centrales en justifiant cette démarche par le manque incontesté de personnel qualifié au niveau local. Education et formation, tels sont les maîtres mots d’une réponse rationnelle à ce problème que ne cesse d’ailleurs d’évoquer le Congrès des municipalités de la Fédération de Russie. La transition ne peut réussir que si l’on crée systématiquement les conditions de l’autonomie administrative, ce qui implique, outre la formation adéquate du personnel, la restitution de la propriété aux communes ainsi que l’adoption et la mise en œuvre d’un droit foncier adéquat, sans oublier une délimitation précise des compétences et des structures du pouvoir entre les différentes entités territoriales. Dans un pays aussi étendu et varié que la Russie, les tâches du gouvernement central pourraient être limitées aux fonctions qui sont destinées à garantir l’unité du pays, sa défense, sa sécurité, son développement social et économique équilibré et sa cohésion. Mais cela suppose une législation au niveau fédéral, seule capable de créer les conditions de la transformation et l’autonomie communale qu’elle implique. Il est toutefois primordial que cette législation soit aussi appliquée. Or, rien n’est moins évident, l’expérience de nombreux Etats en période de transition est là pour le montrer.

Une législation-cadre, adoptée par la fédération, qui se limite aux aspects essentiels d’un Etat démocratique et fédéral mais dont les dispositions sont obligatoires pour tous et peuvent être invoquées en justice, devrait permettre aux Sujets, à leur niveau aussi, de trouver les solutions garantissant une autonomie communale conforme aux exigences de la Charte.

Après avoir entendu comment différents Etats européens de structure fédérale ou quasi fédérale ont résolu les problèmes de la répartition des compétences, du financement et de la péréquation financière au sens étroit du terme, les participants ont constaté qu’aucun des exemples donnés ne peut servir de système de référence pour la Russie, car tout n’est pas transposable mais ces différentes solutions n’en sont pas moins intéressantes ou méritent d’être discutée. En tout état de cause, il s’agit d’éviter les fautes déjà commises dans ces pays, autrement dit, on ne devrait pas essayer de repartir à zéro. Les exemples donnés lors de la conférence ont fourni certaines solutions parfaitement envisageables pour tout ou partie de la Fédération de Russie.

S’agissant de la question des difficultés, expériences et attentes, dans le cadre du fédéralisme asymétrique russe, tout aussi importants, pour ne pas dire plus, que leurs rapports avec la fédération, sont, pour les villes et communes, ceux qui les lient à leur république, ou au Sujet de la fédération dont elles dépendent. Bien que, selon la législation russe, les Sujets soient dans un certain degré libres d’organiser ces relations avec les unités administratives locales, leur législation dans ce domaine doit se conformer à la législation-cadre fédérale en vigueur et à la Charte.

Conclusions

Les conclusions adoptées à la Conférence de Moscou ne mettront toutefois pas fin aux débats qui ne manqueront pas de se poursuivre aux différents niveaux, que ce soit en Russie, dans les différents Etats fédéraux de la vieille Europe ou, au Conseil de l'Europe, dans le cadre du CPLRE. Compte tenu de l’évolution des problèmes confrontant nos Etats, régions et communes, il devrait même s’instaurer une discussion permanente au cours de laquelle le Congrès devrait essayer de trouver, dans chaque cas, la meilleure solution pour nos pays. J’espère que les gouvernements fédéraux, régionaux et locaux en Europe tiendront compte des conclusions de la Conférence de Moscou et s’efforceront d’y donner suite.