Rapport sur le suivi de la mise en oeuvre de la Charte européenne de l'autonomie locale - CPL (3) 7 Partie II

(Rapporteur : M. Giorgio DE SABBATA, Italie)

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EXPOSE DES MOTIFS

I. LA CONFERENCE DE COPENHAGUE

Le présent rapport, qui se situe dans le cadre des activités de suivi de la mise en œuvre de la Charte européenne de l'autonomie locale par le Congrès, fait suite au rapport de M. Van Cauwenberghe, à la Résolution 3 (1994) et à la Recommandation 2 (1994), adoptées lors de la première session plénière du Congrès.

C'est en lisant ces documents, en appréciant leur contenu et leurs objectifs, et, dans certains cas, en connaissant leurs effets, que nous apparaît clairement la grande valeur de la Charte et de ses principes, son actualité et sa capacité d'influence.

D'ailleurs, ces qualités ont été bien mises en évidence par la Conférence de célébration du dixième anniversaire de la Charte qui a été organisée à Copenhague les 17 et 18 avril 1996 par la Présidence danoise du Comité des Ministres en coopération avec le Congrès. Cette conférence a représenté le point culminant d'un riche programme de manifestations qui ont permis d'évaluer en profondeur l'actualité, l'influence et les perspectives de la Charte dans la promotion de l'autonomie locale, et ce même en dehors des frontières européennes.

Dans ce programme et à titre d'exemple, je tiens à rappeller le séminaire sur les programmes de coopération avec les pays d'Europe centrale et orientale qui a eu lieu à Strasbourg le 22 novembre 1995 ainsi que la Conférence sur la Charte et sa
diffusion dans l'hémisphère sud, tenue à Malte du 14 au 16 mars 1996. Ainsi, lors de la Conférence de Copenhague, il a été possible de dresser un bilan particulièrement complet de la prise en compte des principes de la Charte dans les Etats membres du Conseil de l'Europe et de lancer des propositions importantes pour sa mise en oeuvre future. La qualité des rapports présentés a permis aux participants - parmi lesquels figuraient, outre les autorités du Conseil de l'Europe, 12 Ministres européens responsables des collectivités territoriales, le Président du Comité des Régions de l'Union Européenne et de nombreux représentants des associations des pouvoirs locaux au niveau national et européen - de recevoir des informations précises sur l'état d'application de la Charte dans les pays qui l'ont ratifiée, sur le respect de ses principes dans les pays qui ne l'ont pas encore ratifiée et ce dans l'Europe occidentale comme dans l'Europe centrale et orientale.

Lors de la conférence il a été reconnu et souligné que la Charte constitue la seule référence juridique de portée internationale contraignante visant à la défense et au développement de l'autonomie ainsi qu'à l'application du principe de subsidiarité dans toute l'Europe. Les discussions qui ont suivi les présentations des rapporteurs ont montré la diversité des situations auxquelles la Charte s'applique ainsi que la volonté manifeste des Etats européens de s'y référer dans la construction d'une démocratie locale authentique répondant aux besoins des citoyens européens.

La Conférence de Copenhague a confirmé le rôle de la Charte européenne de l'autonomie locale en tant que base juridique internationale commune dans la construction d'une Europe où les citoyens peuvent exercer directement leur droit de participation à la gestion des affaires publiques. A ce titre la Charte a été saluée, avec la Convention européenne des droits de l'Homme, comme l'un des piliers de la conscience démocratique et des valeurs affirmées dans le statut du Conseil de l'Europe en même temps qu'un élément de sa spécificité.

Par là même, les activités de suivi de la mise en oeuvre de la Charte entreprises par le Groupe de travail qu'aujourd'hui j'ai l'honneur de représenter et du groupe d'experts qui l'assiste, ont été reconnues à Copenhague comme un indispensable instrument de connaissance et d'harmonisation des différentes situations existantes dans les Etats membres du Conseil de l'Europe, en matière d'autonomie locale, ainsi qu'un moyen privilégié d'assurer le respect effectif des dispositions de la Charte dans les pays qui l'ont signée et ratifiée.

II. LES ACTIVITES DE SUIVI DE LA MISE EN OEUVRE DE LA CHARTE : CONSIDERATIONS PRELIMINAIRES

Sur le plan général, et avant d'examiner les conclusions du Groupe de travail décrites dans le texte joint au présent rapport, force est de constater que les actions entreprises dans le cadre du contrôle de la mise en œuvre de la Charte et destinées à déterminer le rapport entre celle-ci Ä ou certains de ses articles Ä et le système juridique de chaque Etat membre, se heurtent, dans leur ensemble, à l'écueil de la grande diversité des ordres juridiques.

A première vue, ces difficultés semblent marquer les limites de la Charte, mais, à y regarder de plus près, elles en révèlent aussi les qualités. En effet, le travail sérieux d'approfondissement réalisé par le Congrès permet d'utiliser la Charte comme un outil de comparaison et d'amélioration de réglementations et d'usages parfois très différents les uns des autres.

Cette méthode a fourni au Groupe de travail directement chargé du suivi de la mise en oeuvre de la Charte européenne de l'autonomie locale, un support indispensable pour évaluer de manière critique les différents cas de figure de l'application de certaines dispositions de la Charte et proposer des réponses efficaces aux lacunes relevées dans certains des Etats membres qui l'ont ratifiée.

Ajoutons que cette démarche témoigne aussi de la qualité des rédacteurs de la Charte qui ont su dégager les principes fondamentaux de situations très diverses, en recherchant une culture commune de la démocratie et de l'autonomie locale. La rédaction définitive de la Charte a certes été ardue mais les différentes positions de ceux qui s'y sont attelés et la tension de leur confrontation n'ont pas empêché l'affirmation de valeurs communes.

Il ne s'agit pas là d'un simple acte de reconnaissance. La genèse laborieuse de la Charte et le processus difficile de sa mise en œuvre concrète montrent bien qu'il n'est pas souhaitable que l'on propose de modifier la Charte en vue d'éluder les problèmes que pose son application. Ce faisant, on risquerait d'affaiblir son prestige son impact et de freiner ou de paralyser l'engagement que les parties contractantes ont pris de l'appliquer.

Seule l'action entreprise par le Congrès, chargé au premier chef du suivi de la mise en œuvre de la Charte, est à même de produire, au fil du temps, une interaction entre la Charte et les systèmes juridiques en vigueur.

Du point de vue du contenu, il s'agit, d'une part, d'introduire dans les ordres juridiques des modifications ayant une incidence positive sur la démocratie et l'autonomie et, de l'autre, d'obtenir une interprétation évolutive de la Charte lui permettant d'être mieux comprise et appliquée. L'examen concret des aspects de la Charte qui demandent à être éclaircis doit à coup sûr passer par une pratique assez longue des activités dont l'exercice fait l'objet du présent rapport.

Dans cette perspective, dans le projet de Recommandation que le Groupe a préparé, on demande au Comité des Ministres d'adopter une Recommandation, concernant un certain nombre de points, à l'adresse des Gouvernements des Etats membres ayant ratifié la Charte.

D'un point de vue formel le souhait de la meilleure réalisation de l'ensemble de ces objectifs a poussé ce Groupe de Travail a proposer des améliorations des méthodes de suivi de la mise en oeuvre de la Charte qui désormais ont tendance à s'institutionnaliser. Celles-ci sont présentées dans le projet de Résolution dont ce rapport expose les motifs.

Parmi les innovations les plus significatives de ce projet, nous signalons la possibilité que des rapports particuliers pays par pays puissent être préparés non seulement à la demande des autorités locales des Etats membres du Conseil de l'Europe par l'intermédiaire de leurs associations représentatives ou de leurs délégations auprès du CPLRE, mais également à la demande du Bureau du Congrès après consultation du Groupe de travail compétent ou sur saisine du Bureau par le Groupe de travail en vue des conclusions du Comité d'experts indépendants.

III. LE SUIVI DE LA MISE EN OEUVRE DES ARTICLES 3,6 PAR. 2, 7 PAR. 1 et 8 DE LA CHARTE

Ces prémisses nous permettent donc de constater la justesse et l'intelligence du choix des thèmes effectué au départ par le Groupe de travail chargé de la mise en œuvre de la Charte et qui présente ses conclusions lors de cette session du Congrès, en proposant d'adopter la Recommandation et la Résolution que je viens de vous décrire dans leurs traits essentiels. Cette sélection favorise en effet la compréhension de la Charte en la rapprochant constamment des ordres juridiques des pays concernés.

Les thèmes approfondis par le Groupe de travail, et étudiés notamment sous l'angle des articles 3, 6 par. 2, 7 par. 1 et 8 de la Charte, sont les suivants:

1. l'identification et la définition, au niveau central et régional, des compétences des institutions chargées du contrôle politique et administratif des organes des pouvoirs locaux.

2. Le cas particulier du contrôle que peuvent exercer les autorités centrales et régionales en cas de dysfonctionnement des organes des pouvoirs locaux.

3. Le cas particulier des mesures de tutelle prises à l'égard des individus (suspension, destitution des élus locaux et dissolution des conseils locaux).

4. Le contrôle direct et indirect exercé sur le status et la gestion du personnel des pouvoirs locaux.

Dans le cadre des activités de préparation des rapports sur la situation de la démocratie locale dans les Etats membres, le Rapporteur a pu procéder également à des missions, dans les pays d'Europe centrale et orientale, tout en poursuivant l'étude comparée des ordres juridiques des pays qui ont signé et ratifié la Charte, au sein du Groupe de travail chargé du suivi de la mise en oeuvre de celle-ci .

Or, sur la base de l'ensemble de ces expériences, nous pouvons constater que même les pays dans lesquels l'autonomie est une tradition bien ancrée connaissent, parfois, des situations peu satisfaisantes présentant des analogies avec les insuffisances constatées dans d'autres pays. Il est vrai qu'en Europe centrale, par exemple en Roumanie, les autorités locales élues ne gèrent pas entièrement le personnel qui travaille dans les structures municipales. Mais, dans un grand pays d'Europe occidentale qui peut se vanter d'avoir un bon système d'autonomie, il se trouve que le Secrétaire de mairie, doté d'un grand pouvoir consultatif sur toutes les décisions municipales, est encore à ce jour un fonctionnaire du ministère de l'Intérieur. Dans d'autres pays d'Europe occidentale, il existe aussi des fonctionnaires chargés le plus souvent des comptes, qui relèvent davantage de structures ministérielles que de celles du pouvoir local.

En outre, si en Roumanie on a profité des pouvoirs discrétionnaires pour suspendre et destituer des maires, en Italie, où ces pouvoirs discrétionnaires, à juste titre, n'existent pas, une simple amende de 180 000 lires a pu entraîner la destitution d'un maire et la dissolution du conseil municipal.
Dans le premier cas, la loi se doit de réduire le pouvoir discrétionnaire. Dans le second, une intervention législative s'impose également pour éviter de telles disproportions.

Nous retrouvons là la question de la proportionnalité prévue à l'article 8 de la Charte. Or, une question de cette importance mérite que l'on se livre à quelques brèves considérations. Pour éviter les déséquilibres tels que celui que nous avons mentionné, il convient de mettre en avant certains critères d'interprétation. Le premier est celui de la valeur générale du principe de proportionnalité pour toute réglementation ou acte administratif comportant une limitation de l'autonomie. Le deuxième porte sur le caractère inacceptable de la distinction entre contrôle des actes et contrôle des organes. Quant au troisième critère, lié aux précédents, il exige de ne pas restreindre l'acception de l'expression «contrôle administratif» au seul contrôle effectué par l'autorité administrative et exprimé par un acte administratif. Il faut au contraire l'entendre comme s'étendant à tout ce qui concerne la vie administrative de la commune ou de toute autre collectivité locale et, dans ce même esprit, également à la destitution du maire ou à la dissolution du conseil municipal, même lorsqu'il s'agit d'une conséquence nécessaire et automatique de décisions de l'autorité judiciaire. Il ne s'agit pas, en l'occurence, de porter atteinte à celle-ci mais de s'assurer qu'existe toujours une procédure adéquate, incluant les droits de la défense et que les peines accessoires et les conséquences de la peine principale touchant l'exercice même du mandat susceptibles d'être prononcées soient prévues avec circonspection par le législateur.

En résumé, la Charte européenne de l'autonomie locale apparaît comme le seul document de grande envergure démocratique, ayant une portée internationale juridique contraignante, garantissant le respect du principe de subsidiarité. Au delà de sa valeur contraignante pour ceux qui l'ont ratifiée, elle constitue pour le respect des valeurs fondamentales dans le domaine de l'autonomie locale dans l'ensemble des Etats membres du Conseil de l'Europe.

C'est pour l'ensemble de ces raisons que l'on peut souhaiter que les principes qu'elle contient doivent être observés également dans les pays membres du Conseil qui ne l'ont pas ratifiée. Il y va du reste de leur crédibilité vis-à-vis des Etats qui aspirent à rebâtir leurs institutions sur la base de principes solides et démocratiques. L'approfondissement par le Congrès de ses activités de contrôle de l'application de la Charte apparaît donc comme une véritable obligation morale. Un tel approfondissement doit permettre, parallèlement au contrôle à la demande, la consolidation de la procédure de contrôle ex-officio et offrir l'opportunité au Congrès, légitimé par les conclusions scientifiques du Groupe de Travail compétent, d'exercer sur une base permanente un contrôle in loco des conditions de l'autonomie locale à l'intérieur des pays qui, tout en ayant accepté les principes énoncés dans la Charte (par sa ratification ou signature), ne respectent pas ses dispositions fondamentales.

Avant d'entrer dans le vif de l'exposé analytique relatif à l'application des articles susmentionnés de la Charte, votre Rapporteur souhaite exprimer au nom du Groupe de Travail une grande reconnaissance au comité d'experts indépendants, et en particulier à leur Président Monsieur Alain Delcamp, pour l'intensité et la haute qualité du travail accompli qui a permis l'acquisition d'un résultat vraiment remarquable.

ANNEXE

DEUXIEME RAPPORT DE SYNTHESE
PREPARE SUR LA BASE DES CONTRIBUTIONS
DU COMITE DES EXPERTS INDEPENDANTS

par Monsieur Alain DELCAMP
Association de Recherche sur les Collectivités Locales en Europe (ARCOLE)
Université PARIS I

RÉSUMÉ ET PRINCIPAUX ENSEIGNEMENTS

Le présent rapport est le deuxième rapport d’ensemble établi depuis la mise en oeuvre d’un suivi de l’application (monitoring) de la Charte de l’autonomie locale.

Il résulte des travaux du groupe d’experts chargé d’assister le groupe de travail formé
par le Congrès et constitue la synthèse de contributions nationales (dont certaines ont elles-mêmes donné lieu à des rapports complémentaires) fournies en réponse à un questionnaire établi par le groupe de travail. Les contributions ont été réalisées par des experts originaires des 23 pays suivants : Allemagne, Autriche, Belgique, Bulgarie, Chypre, Danemark (2), Espagne (2), Finlande, France (2), Grèce, Hongrie, Islande, Italie (2), Luxembourg, Malte, Norvège, Pays-Bas (2), Pologne, Portugal (2), Roumanie, Slovénie, Suède (2) et Turquie (2).

Le mandat du groupe était d’une nature différente de celui qui avait justifié le premier rapport de synthèse (problème de la “ justiciabilité ” de la Charte en droit interne), seule l’application de quelques articles de la Charte était concernée. Moins large, il était aussi une invitation à un travail plus concret puisqu’un thème au moins (le contrôle sur les personnes) avait été inspiré par des informations -pour ne pas dire des plaintes- concernant certains pays, en l’occurrence une des nouvelles démocraties d’Europe centrale et orientale et un pays d’Europe occidentale.

Quatre articles étaient concernés : l’article 3 sur le concept même d’autonomie locale ; l’article 6, paragraphe 2, relatif aux moyens administratifs et au recrutement du personnel des collectivités locales ; l’article 7, paragraphe 1, sur le “ libre exercice du mandat ” ; l’article 8 sur le contrôle administratif des actes.

L’idée générale était de faire le point sur les relations institutionnelles entre les autorités centrales et les collectivités locales.

Comme pour le rapport précédent, les informations recueillies ont couvert un champ plus vaste que ne l’impliquait au départ le questionnaire. C’est la raison pour laquelle il a paru préférable de proposer un rapport plus ambitieux, à la mesure des efforts fournis par les experts pendant une année.

Il n’est apparu guère possible de se limiter à une “ identification des autorités chargées des autorités et du contrôle ”. C’est la raison pour laquelle la première partie, après avoir proposé quelques définitions qui se situent dans le prolongement des efforts de clarification déjà effectués par le Conseil de l’Europe dans d’autres instances, est amenée à décrire l’architecture institutionnelle qui, dans les différents pays étudiés, sert de cadre aux “ relations ” et au “ contrôle ” entre les autorités centrales et les autorités locales. Cet effort de clarification était particulièrement indispensable pour tenir compte, d’une part, des règles existantes dans les états fédéraux et composés (qui fait qu’alors les autorités “ centrales ” sont bien souvent “ régionales ”) et, d’autre part, qu’en l’absence notamment d’une charte de l’autonomie régionale en cours d’élaboration, il convient de se souvenir qu’en application de l’article 13 de la Charte de l’autonomie locale, celle-ci peut s’appliquer aussi bien à des “ autorités régionales ” que “ locales ”. Cette première partie permet de constater que les prescriptions de l’article 2, selon lequel le principe de l’autonomie locale (et donc sa protection) “ doit être reconnu dans la législation interne et, autant que possible, dans la Constitution ”, développées à l’article 8, sont, dans l’ensemble, respectées. Elles le sont d’autant mieux que les constitutions sont plus récentes.

En ce qui concerne les autorités chargées du contrôle, on constate une double tendance à la déconcentration -donc à un rapprochement des autorités contrôlées, d’une part, à leur diversification, d’autre part (l’autorité de contrôle est souvent un organe collectif ; des structures particulières sont de plus en plus fréquentes en matière financière).

La deuxième partie est consacrée à la portée et aux modalités du contrôle sur les actes. On observe une incontestable évolution dans le sens d’un contrôle réduit à la simple légalité comme le prescrit l’article 8-2, mais des contrôles d’opportunité subsistent dans des états qui n’ont pas tous émis des réserves sur ce point. Ils sont particulièrement sensibles en matière financière et c’est sans doute un point qui mérite réflexion. De la même manière, le contrôle a priori a tendance à disparaître au profit d’un contrôle a posteriori tandis que l’autorité de contrôle possède de moins en moins la possibilité de tirer elle-même (par la suspension ou l’annulation) les conséquences des illégalités qu’elle constate. Une double problématique se développe donc : dans les pays où subsiste un pouvoir d’intervention, la nécessité de développer les moyens de défense de l’autorité locale ; dans les pays où l’autorité locale est désormais privée d’intervention directe, il s’agit de mettre au point des systèmes, le plus souvent de nature juridictionnelle, qui lui permettent nénamoins de parvenir à faire respecter ou rétablir la légalité. Cette dernière difficulté explique en partie -en contrepartie en quelque sorte- la résurgence de procédure de contrôle sur les personnes qui avaient été quelque peu oubliées.

La troisième partie est consacrée aux procédures de résolution des conflits et, en particulier, aux moyens dont pouvait disposer l’autorité de contrôle pour remédier aux situations de carence.

L’ampleur des conflits dépend étroitement de la structure des pouvoirs et de leur mode d’élection. Ces conflits ne sont pas rares mais les procédures de résolution organisée de ces conflits (mise en jeu de la responsabilité de l’exécutif par exemple, évoqué à l’article 3-2 de la Charte) ne sont prévues que dans une minorité de législation.

L’intervention des autorités de contrôle sur les personnes offre une gamme variée de possibilités qui sont examinées dans l’ordre croissant de “ dangerosité ” pour l’autonomie locale. La substitution d’action est possible dans de nombreuses situations, même si elle n’est pas connue formellement comme telle. Une explication sur sa nature serait sans doute nécessaire car, entourée de garanties, elle peut permettre de faire face à des situations de blocage temporaires sans recourir aux solutions extrêmes que constituent la suspension ou la dissolution.

La suspension est le plus souvent un moment d’une procédure pouvant conduire à la destitution d’un élu local, généralement détenteur d’une fonction exécutive. Elle fait l’objet de procédures plus ou moins complexes ou protectrices de l’autonomie locale dans un petit nombre de pays seulement. Le cas qui a fait l’objet d’un rapport ex officio du Congrès apparaît dans un tel contexte relativement isolé. Il n’en reste pas moins qu’un commentaire explicatif rénové des articles 8 et 7 combinés serait tout à fait opportun pour énumérer quelques conditions minimales auxquelles devraient répondre les législations et les pratiques en la matière.

Les procédures de dissolution sont en revanche beaucoup plus fréquentes. Elles répondent dans l’ensemble à des situations de blocage d’origine, naturellement, le plus souvent politique mais qu’il est néanmoins possible de cerner de manière relativement objective (effectif insuffisant des conseils, non élection de l’exécutif, etc...). Les cas où ces dissolutions répondent à d’autres motifs sont rares mais se rencontrent dans quelques pays pour lesquels une enquête serait peut-être nécessaire.

La quatrième partie s’efforce de traiter de manière synthétique un sujet aux implications multiples puisqu’il touche à l’ensemble de la politique du personnel des collectivités locales.

Du statut unique à la liberté au moins théorique de chaque collectivité locale, se rencontre toute une déclinaison de formules combinant, dans une mesure variable, législation et convention collective. Quel que soit le système, la collectivité locale ne dispose que d’une influence limitée dans la définition des règles applicables même si, en général, elle dispose de la liberté de choix des personnes qu’elle recrute. Le principe d’auto-organisation de l’article 6-2 est affirmé mais est parfois limité par des procédures officielles ou non, directes ou indirectes (plafond d’embauche par exemple). La politique du personnel apparaît très dépendante de variables externes à la collectivité, notamment financières. Les pays où les collectivités locales sont amenées, volens nolens, à employer des fonctionnaires d’état ne sont pas aussi limités qu’on pourrait le penser, mais rares sont ceux où l’existence de ces fonctionnaires peut se traduire par une tutelle indirecte et a priori.

Au total, sans prétendre à l’exhaustivité, ce deuxième rapport a permis d’explorer les différentes situations où se nouent des relations institutionnelles entre les autorités centrales et les autorités locales. C’est tout un pan de la Charte qui se trouve ainsi abordé. Les conclusions du rapport pourraient permettre d’esquisser les contours d’un rapport explicatif de la Charte rénové à l’occasion de son dixième anniversaire et susciter quelques enquêtes ex officio complémentaires susceptibles de compléter l’appréciation juridique du suivi de la charte par une analyse sur le terrain.

INTRODUCTION

GENESE ET CONDITIONS D'ELABORATION

1. Le contrôle de l’application de la Charte européenne de l’autonomie locale.

Ce deuxième rapport préliminaire s’inscrit à la suite d’une première recherche réalisée par le groupe d’experts spécialement chargé d’assister le groupe de travail désigné par le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du conseil de l’Europe (à l’époque conférence permanente) pour suivre l’application (monitoring) de la Charte européenne de l’autonomie locale ouverte à la signature, à Strasbourg, le 15 octobre 1985, et entrée en vigueur le 1er septembre 1988.

Le premier rapport avait été élaboré en application de la résolution 233 (1992) qui confiait à l’ancienne commission des structures, des finances et de la gestion de la C.P.L.R.E. le soin de mettre en place un mécanisme de contrôle satisfaisant d’application de la Charte par les pays qui l’avaient ratifiée. Un groupe de travail de six membres1, assisté d’un groupe d’experts consultants, devait examiner périodiquement l’application de la Charte dans le droit interne des États contractants.

Il convenait d’abord de vérifier le caractère exécutoire ou non des dispositions de la Charte dans les ordres juridiques nationaux et examiner dans quelle mesure les collectivités locales et régionales2 pouvaient elles-mêmes l’invoquer devant les tribunaux (article 11 de la Charte même), toutes questions qui posaient des problèmes juridiques dépassant de beaucoup le problème particulier de l’application de la Charte et, notamment, ce qu’il a été depuis convenu d’appeler sa “ justiciabilité ”.

Ces thèmes ont fait l’objet de la première partie du rapport présenté sous la signature de M. J.C. VAN CAUWENBERGHE (Belgique) lors de la première session du Congrès (31 mai-3 juin 1994).3

Une deuxième partie, qui n’était pas prévue au départ de manière aussi détaillée, a pu également être réalisée grâce à la richesse des contributions fournies par les différents experts nationaux.4

Elle consiste dans une analyse, article par article, des conditions dans lesquelles les principes consacrés par la Charte ont été pris en compte dans les différents droits nationaux.

Ce premier rapport a donné lieu au vote d’une résolution et d’une recommandation du congrès demandant en particulier au groupe de travail de continuer à l’assister, notamment à travers “ un programme, portant sur plusieurs années, prévoyant des rapports particuliers sur un article ou un alinéa précis de la Charte. ”

Un nouveau groupe de travail 5 a donc été constitué qui a tenu sa première réunion à Paris, le 6 décembre 1994.

2. Le nouveau mandat confié au groupe d’experts.

Mandat a été donné à cette occasion au groupe d’experts (qui s’était réuni à trois reprises pour l’élaboration du précédent rapport) d’élaborer un second rapport plus particulièrement consacré aux “ relations institutionnelles des autorités centrales et régionales avec les autorités locales ”.

Le groupe de travail a estimé que le thème retenu pouvait lui-même se subdiviser en quatre sous-thèmes d’étude :

1. L’identification, aux niveaux central et régional, et l’évaluation des compétences des institutions responsables du contrôle politique et administratif exercé sur les organes des autorités locales.

2. Le cas particulier du contrôle susceptible d’être exercé par les autorités centrales et régionales en cas de dysfonctionnement des organes des autorités locales.

3. Le cas particulier des mesures de tutelle à l’encontre des personnes (suspension, destitution des élus locaux et dissolution des conseils locaux). Le groupe avait plus particulièrement insisté sur ce point compte tenu des exemples observés dans certaines des nouvelles démocraties d’Europe centrale et orientale où la tutelle sur les personnes s’était assez souvent substituée au contrôle sur les actes.

4. Le contrôle direct et indirect exercé sur la gestion du personnel des autorités locales.

Le groupe de travail avait considéré que l’étude de ces différents thèmes correspondait en fait au contrôle de l’application des articles :

- 3 (concept de l’autonomie locale) qui affirme la nécessité de respecter, en priorité, l’autonomie des collectivités ;

- 6, paragraphe 2, relatif aux moyens administratifs et, en particulier, au recrutement des personnels des collectivités locales ;

- 7, et plus particulièrement son paragraphe 1 qui touche au “ libre exercice de leur mandat ” par les élus locaux ;

- 8, contrôle administratif des actes des collectivités locales. A cet égard, le groupe s’était posé la question de savoir quel pourrait être le fondement, en l’absence d’article ou de paragraphe spécifique, d’une limitation du contrôle sur les personnes et invité le groupe d’experts à l’éclairer sur ce point.

3. Les conditions d’élaboration du rapport.

Un questionnaire était immédiatement élaboré par MM. BJERKEN (Suède) et DELCAMP (France), avec le concours de M. Ricardo PRIORE. Le document de travail du 1er décembre, envoyé par la suite aux différents membres du groupe d’experts, était subdivisé conformément aux quatre sous-thèmes retenus.

Un premier ensemble de réponses parvenait au secrétariat entre les mois de mars et mai 1995 et faisait l’objet d’un rapport préliminaire lors de la réunion du groupe de travail convoqué à Strasbourg, les 10 et 11 mai. Les réponses parvenues en temps utile pour être évoquées dans le rapport préliminaire concernaient les pays suivants : Allemagne, Autriche, Belgique, Chypre, Danemark, Espagne, Finlande, France, Italie, Luxembourg, Pays-Bas, Portugal, Roumanie, Suède et Turquie.

Comme à l’accoutumée, la rencontre des experts permettait de préciser de nombreux points mais aussi de conduire une réflexion sur la méthode suivie.

Bien que très détaillé et portant sur un champ relativement restreint, il fut possible de constater que le questionnaire avait donné lieu très souvent à l’envoi d’informations de portée très générale aussi bien sur l’organisation administrative des États, les procédures de contrôle, les nouvelles législations que le statut des personnels.

A l’analyse également, les réponses concernant les sous-thèmes (2) et (3) apparurent comme relativement redondantes tandis que sur le point particulier de la tutelle sur les personnes, domaine peu connu -et souvent inconnu dans certains pays-, les informations précises et, en particulier, les données statistiques étaient souvent insuffisantes.

Deux propositions étaient alors adoptées sur la suggestion du rapporteur :

- Un plan de rapport de portée plus large qu’envisagé initialement et qui privilégiait l’articulation logique des idées et la présentation des données plutôt que les subdivisions souvent trop détaillées du questionnaire. Ce plan faisait l’objet d’une lettre adressée aux experts.

- Une demande d’information complémentaire leur était également envoyée. Elle était destinée à homogénéiser les données, notamment sur les questions suivantes : modalités du contrôle financier, existence ou non d’un contrôle d’opportunité sur les compétences propres ; existence ou non d’un contrôle a priori ; procédures éventuelles de substitution d’action ; statistiques complémentaires concernant la tutelle sur les personnes.

Dans la perspective de la deuxième réunion du groupe de travail qui s’est tenue le 7 décembre à Strasbourg, 6 contributions nouvelles ont pu être exploitées (Bulgarie, Grèce, Hongrie, Islande, Norvège et Slovénie) et 8 réponses complémentaires (Danemark, Espagne, France, Italie, Pays-Bas, Portugal, Suède, Turquie). Enfin, a été reçu pour la réunion du 8 février un 22ème rappport concernant Malte.

C’est à partir de l’ensemble de ces contributions que le présent rapport préliminaire a été rédigé en vue de son examen par le groupe d’experts réuni en séance plénière les 8 et 9 février 1996.

Comme il a été déjà indiqué, le présent rapport s’efforce de suivre le plan élaboré en commun au mois de mai 1995. Il a donc un but d’information plus général que ne le laissait envisager le questionnaire initial. En revanche, en dépit de la masse d’informations fournies par les experts nationaux, il ne saurait être considéré comme exhaustif.

PREMIERE PARTIE

IDENTIFICATION ET LOCALISATION DES AUTORITES ETATIQUES CHARGEES DES RELATIONS ET, EN PARTICULIER, DU CONTROLE DES COLLECTIVITES LOCALES OU REGIONALES

I - DEFINITIONS

A) QU'ENTEND-ON PAR AUTORITES "CENTRALES" ET "REGIONALES" ?

Pour que les comparaisons soient possibles, une première distinction nous paraît devoir être faite entre les États unitaires, d’une part, et les États fédéraux ou composés, de l’autre.

1. Dans les États unitaires.

Ceux-ci sont la très large majorité, quel que soit le modèle d’organisation auquel ils peuvent être rattachés. Par autorités centrales, il convient donc d’entendre les autorités représentatives de l’État qu’elles siègent effectivement au centre (c’est-à-dire dans la capitale) -par exemple les ministères- ou, lorsqu’il existe une organisation de l’État au niveau local et régional, à ce même niveau local ou régional (exemple du “ préfet ” ou de son équivalent).

2. Dans les États fédéraux ou composés.

Il convient de distinguer entre les autorités fédérales ou centrales, d’une part, et les autorités fédérées ou, dans les États qui ne sont pas à proprement parler fédéraux (Espagne, Italie) les autorités, quel que soit leur nom, qui composent ces États et qui sont elles-mêmes dotées de prérogatives étatiques (pouvoir législatif notamment). Pour la simplicité de l’exposé, nous les appellerons “ autonomiques ” afin de bien les distinguer, comme nous l’avions fait dans notre intervention de TAMPERE en janvier 1995 des collectivités “ décentralisées ”, que celles-ci soient locales ou régionales.

C’est surtout au niveau régional que les ambiguïtés doivent être levées car sont souvent indifféremment désignées par le même mot de “ région ” des “ régions-Etats ” (Länder allemands ou autrichiens, régions belges ou italiennes, communautés autonomes espagnoles) et des “ régions-collectivités ” (région française ou comté danois par exemple) auxquelles s’appliquent les dispositions de la Charte et qui doivent être protégées contre tout contrôle abusif d’où qu’il vienne.

Dans les États fédéraux ou composés, ce sont précisément les États fédérés ou autonomiques (et non la fédération) qui sont, en principe, chargés du contrôle et même, bien souvent, de l’élaboration de la législation applicable aux autorités locales et régionales.

C’est en Allemagne que ce système est le mieux établi. Il peut exister dans les autres États un partage entre les autorités fédérales et fédérées (Autriche) mais la situation est surtout complexe dans les États qui viennent d’achever leur évolution vers le fédéralisme (Belgique) ou qui se trouvent encore dans une situation intermédiaire entre l’État unitaire et l’État fédéral (cas italien par exemple).

Le cas de la Belgique offre un exemple particulier dans la mesure où ce sont les régions qui sont, en principe, responsables des relations -notamment au plan financier- et du contrôle des pouvoirs locaux mais tant l’État fédéral que les communautés -composantes de l’État belge qui repose sur des critères linguistiques- peuvent être appelés eux aussi à intervenir (en matière de culture, d’éducation ou d’aide sociale par exemple pour les communautés). On parle de “ tutelle ” ordinaire pour les régions et de “ tutelles spécifiques ” pour l’État fédéral ou les communautés. Les communes dotées d’un statut particulier en matière linguistique relèvent pour leur part directement de l’État fédéral. L’organisation des pouvoirs locaux relève encore de l’État fédéral (article 162 de la Constitution mais qui est en cours de révision).

En Espagne, le système de relations autorités centrales/autorités locales est double. La Cour constitutionnelle l’a qualifié de “ bifront ” (arrêt du 23 décembre 1982). Il dépend en effet des matières. Suivant le cas, l’interlocuteur des pouvoirs locaux sera soit “ l’État des autonomies ” (État central), soit la communauté autonome.

En Italie, le système de relation et de contrôle est double, à la fois central et “ régional ” mais comme les régions ont peu délégué, en pratique, de compétences aux autorités locales -ainsi que la Constitution et la loi le leur permettaient et les y invitaient- “ les relations entre les autorités régionales et les autorités locales sont beaucoup moins importantes qu’entre les autorités du Gouvernement central et ces mêmes autorités locales ” (M. Balducci).

B) AUTORITES CHARGEES DES "RELATIONS" ET AUTORITES CHARGEES DU "CONTROLE".

Quelle que soit la forme de l’État, il importe également de préciser ce que l’on
entend par autorités chargées des “ relations ” avec les autorités locales et régionales et autorités chargées du “ contrôle ”. Ce sont souvent les mêmes mais il convient de bien les distinguer.

Le terme “ relations ” est sans doute trop vague car il peut recouvrir aussi bien les relations avec les autorités gouvernementales -qui peuvent être seulement protocolaires ou fonctionnelles ou administratives- que les relations que les collectivités entretiennent avec le système judiciaire ou avec -pourquoi pas ?- le Parlement dans la mesure où celui-ci est appelé à élaborer l’essentiel des normes qui les concernent.

A l’inverse, le terme contrôle peut apparaître comme trop restreint et exclusivement juridique.

D’autre part, ce même contrôle relève certes des “ autorités centrales ” mais pas uniquement. Décrire les autorités qui en sont chargées implique une description très précise des procédures et des organes dont beaucoup n’appartiennent pas -et de moins en moins- à la hiérarchie administrative classique, qu’il s’agisse de comités ad hoc, d’instances judiciaires ou même privées (sociétés d’audit).

Nous devons donc tenter de mieux cerner la notion d’  “ autorités centrales ”.

Les rédacteurs de la Charte ont privilégié les relations centre-périphérie à l’intérieur de l’organisation étatique, considérant que les principales menaces à l’encontre de l’autonomie locale ne pouvaient provenir que des autorités centrales peu enclines à laisser se développer d’autres pouvoirs administratifs, fussent-ils également dotés de la légitimité de l’élection. Ils ont donc privilégié l’approche inter-institutionnelle.

Il est évident, dans cette perspective, que c’est aux autorités de l’exécutif auxquelles ils pensaient en priorité. On entendra donc par “ autorités centrales ” les autorités dépendant du Gouvernement que celui-ci soit central ou fédéral ou “ fédéré ” ou “ autonomique ” et ce sont ces autorités qui seront décrites dès lors que l’on s’intéressera aux “ relations ” en général. Plutôt que d’autorités dans l’administration de l’État chargées des relations avec les autorités locales, on préférera donc parler des interlocuteurs des autorités locales.

En ce qui concerne le contrôle, en revanche, il faudra sans doute aller au-delà, tant dans la définition du “ contrôle ” que dans la description des autorités qui en sont chargées.

Par contrôle il conviendra donc d’entendre l’ensemble des procédures par lesquelles l’État central dans son ensemble (et pas seulement l’exécutif) entend s’assurer que les autorités locales et régionales exerceront bien leurs compétences conformément à l’État de droit, qu’il s’agisse des compétences juridiques ou financières. Les organes responsables de ce contrôle pourront donc être aussi bien les autorités appartenant à la hiérarchie administrative -ce sont elles seulement que vise l’expression de contrôle administratif qui figure à l’article 8- que des commissions ou comités ad hoc ou des instances à caractère juridictionnel.

On entendra aussi par contrôle -comme le mandat donné par le groupe de travail nous y invite- l’ensemble des moyens par lesquels le Gouvernement central peut encadrer ou influencer les décisions prises par les autorités locales qu’il s’agisse du contrôle d’opportunité qu’il peut être appelé dans certains cas à exercer sur les actes ou de ses interventions éventuelles dans le fonctionnement de ces mêmes autorités par des voies légales ou de fait, directes ou indirectes. Le critère principal sera donc de faire apparaître dans quelle mesure le dispositif de contrôle dans son ensemble sera ou non contraire aux dispositions de la Charte qui, on le rappelle, dispose d’abord que “ tout contrôle administratif... ne peut être exercé que selon les formes et dans les cas prévus par la Constitution ou par la loi ” mais précise immédiatement après que “ ce contrôle des actes ” ne doit normalement viser qu’à assurer le respect de la légalité et des principes constitutionnels. Les contrôles d’opportunité ne sont possibles qu’à l’égard des actes correspondant à l’exercice de compétences déléguées (par opposition aux compétences propres ou “ exercées, dit la Charte, par les collectivités locales sous leur propre responsabilité ” (art. 3-1). En troisième lieu, l’exercice de ce contrôle doit demeurer “ proportionnel ”.... ”aux intérêts (qu’il) entend préserver ”.

II - AUTORITES CENTRALES (ou, lorsqu’elles sont dotées de prérogatives étatiques, régionales) CHARGEES DES RELATIONS AVEC LES AUTORITES LOCALES OU REGIONALES (lorsque celles-ci ne sont que des collectivités décentralisées).

A) AU NIVEAU DE L'ENSEMBLE DU PAYS (OU DE LA REGION).

Les interlocuteurs des autorités locales sont, en principe, les gouvernements et les administrations qui en dépendent.

Aucun ministère ne semble avoir de monopole dans la mesure où, en raison de la diversité de leurs compétences, les autorités locales ont vocation à développer des relations administratives dans la plupart des secteurs de l’action publique (finances, urbanisme, transports, etc...).

On note cependant une tendance à “ spécialiser ” un ministère particulier, plus particulièrement chargé des relations inter-institutionnelles et possédant, par conséquent, une vocation de coordination des actions concernant les collectivités locales au sein du Gouvernement.

Ce ministère est le plus souvent appelé de l’ “ Intérieur ” ou d’une expression équivalente.

Tel est le cas en Allemagne (niveau du Land), Belgique, Chypre, Danemark, France 6, Luxembourg, Finlande, Hongrie, Pays-Bas, Pologne, Turquie.

En Espagne existe, au niveau central, une direction générale de coopération territoriale au sein du Secrétariat d’État aux administrations territoriales lui-même rattaché au ministère des Administrations publiques.

En Islande, le ministère compétent est celui des Affaires sociales.

Au Portugal, le ministère spécialisé est le ministère de la Planification et de l’Administration du Territoire.

En Roumanie, il s’agit d’un secrétariat d’État auprès du Premier Ministre appelé département pour l’administration publique locale. A Malte, le service compétent dépend du Premier Ministre.

Quelques cas particuliers doivent être signalés :

- celui de la Suède, et à un double titre. Le ministère plus particulièrement compétent est, depuis 1994, une section spécialisée du ministère des Finances. En second lieu, il est fait observer que le Gouvernement suédois comprend non seulement des ministères généralement petits mais aussi près d’une centaine d’agences ministérielles qui, toutes, peuvent avoir des relations avec les autorités locales ou régionales et possèdent une sorte de droit général de contrôle (supervision).

- en Italie, si le ministère de l’Intérieur a aussi un rôle particulier, une réflexion est en cours à la demande du ministère de la Fonction publique en vue de regrouper l’ensemble des relations entre le centre et les autorités locales au sein d’une structure nouvelle.

- en Bulgarie, le ministère compétent est le ministère de l’Aménagement du territoire et de la construction mais il existe aussi dans les services du chef du Gouvernement un département de l’administration locale qui sert en principe de lien entre le Premier Ministre et les gouverneurs des régions.

- en Hongrie, à côté du ministère de l’Intérieur, qui est responsable des relations entre le centre et les autorités locales, deux ministères semblent avoir un rôle particulier : le ministère de la protection de l’Environnement et du Développement régional qui coordonne les actions gouvernementales en ce domaine. D’autre part, le contrôle des services publics locaux semble relever des différents ministères en fonction de leurs compétences.

- en Slovénie, il n’existe pas, à proprement parler, de ministère mais un “ Bureau gouvernemental ” chargé de la réforme des pouvoirs locaux placé sous l’autorité du Secrétaire général du Gouvernement.

B) AU NIVEAU DE CIRCONSCRIPTIONS TERRITORIALES (DECONCENTRATION°.

Dans la plupart des États, le Gouvernement (ou les ministères spécialisés) possèdent des services ou autorités dépendant directement d’eux et qui exercent leurs compétences au niveau d’une circonscription particulière (souvent identique à celle des collectivités locales ou régionales). Cette forme d’organisation correspond à la notion, d’origine française, de “ déconcentration ” qui amène à qualifier ces autorités de “ déconcentrées ” par rapport à l’expression “ autorités décentralisées ” qui désigne les autorités élues des collectivités locales ou régionales (appelées “ collectivités locales ” dans le texte français de la Charte).

Ces autorités existent au niveau de circonscriptions spécifiques dans certains Länder allemands (Regerierungsbezirke), dans les Länder autrichiens (Gouverneur dépendant du Gouvernement fédéral au niveau du Land, Bezirkshanptmannschaft dépendant des gouvernements des Länder au niveau supra-communal).

C’est au niveau des départements provinces ou comtés, lorsqu’ils existent -soit, en général, le deuxième niveau d’administration décentralisé (le même qui est souvent appelé régional)- que l’on trouve en général un échelon déconcentré de l’État central. Tel est le cas en Belgique (Gouverneur), en Espagne, en France (Préfet), en Grèce,7 en Hongrie,8 en Italie (Préfet), en Roumanie (Préfet), en Pologne (Voïvode), en Turquie (Gouverneur).

En Norvège, à côté du Gouverneur de comté, qui dépend du ministère de l’administration, on trouve des fonctionnaires spécialisés en matière de santé et d’éducation.

En Suède, l’administration d’État dans le comté est dirigée par un Gouverneur entouré d’un bureau composé de membres élus par le conseil de comté qui statuent alors comme représentants de l’Etat.

La représentation de l’État central se retrouve aussi, à l’image de l’Autriche, au niveau régional en Espagne et en Italie où siège un “ délégué du Gouvernement ” tant auprès des régions que des communautés autonomes.

C’est également au niveau régional (en fait le troisième niveau) que l’on trouve un représentant de l’État central en Bulgarie et au Portugal, mais aussi dans les pays à trois niveaux d’administration tels que la France ou la Grèce où existent des représentants de l’Etat tant au niveau du département qu’au niveau de la région.

Au Luxembourg existent des commissaires de district (soit à un niveau plus supra-communal que “ départemental ou provincial ” en raison de la taille du pays). Des bureaux de district se rencontrent aussi à Chypre. Enfin, en Finlande, où existent deux niveaux d’administration territoriale de l’État, en vertu de l’article 50 de la Constitution (régions et districts), se dessine une évolution vers une administration provinciale mais dans laquelle les autorités élues occuperaient davantage de place.

C) OBSERVATIONS ET REFLEXIONS COMPLEMENTAIRES.

Les données précédentes donnent à penser qu’il existe, entre les différentes organisations administratives des pays européens, d’importantes similitudes.

Ils sont notamment confrontés aux mêmes problèmes.
convient-il ou non de charger un ministère particulier de la coordination des relations entre l’État central ou régional avec les autorités locales ? Une telle coordination apparaît a priori difficile en raison même de l’étendue des compétences locales qui renvoient, pratiquement, à la plupart des compétences ministérielles.

Dans l’ensemble toutefois, il existe une tendance en ce sens. On peut d’ailleurs penser que c’est probablement l’intérêt des collectivités locales qu’il en soit ainsi. Une coordination peut simplifier les relations et l’expérience des pays dans lesquels existent de véritables “ ministères de l’Intérieur ” montre que les problèmes des collectivités locales sont en général mieux connus des gouvernants et il arrive que le ministère concerné agisse assez souvent comme leur avocat vis-à-vis des autres ministères. C’est d’ailleurs en général ce ministère qui prépare les textes qui les concernent. Une telle coordination -qui est dans la nature de l’action gouvernementale9 - a l’avantage de provoquer un traitement global des problèmes et de raisonner par rapport à la notion d’autonomie locale.

A l’inverse, des relations trop “ sectorielles ” présentent l’inconvénient de mettre la question de l’autonomie locale au deuxième plan par rapport aux conditions d’exercice de la politique (environnement, protection sociale, etc...). Les collectivités locales risquent ainsi de devenir des éléments d’exécution des politiques nationales.

- L’existence d’ “ échelons déconcentrés ” apparaît plus développée qu’on ne pouvait le penser au premier abord. Il est sans doute très utile pour les collectivités locales d’avoir des interlocuteurs correspondant à leur niveau territorial. Cette utilité est d’autant plus grande que ces autorités auront elles-mêmes davantage de liberté d’action par rapport au pouvoir central. Au niveau déconcentré également se pose la question de la coordination. L’échelon déconcentré représente-t-il l’ensemble des ministères ou seulement le ministère de l’Intérieur ? Est-il bon que l’État, central ou régional, soit représenté par un haut fonctionnaire qui a lui-même vocation à coordonner les services déconcentrés des différents ministères ?

Il s’agit là d’un problème très actuel et qui fait l’objet de débats permanents au sein des États qui possèdent depuis longtemps une telle organisation. On notera toutefois que les nouvelles démocraties de l’Est et du Centre, qui sont pour la plupart des États unitaires ont tendance à recourir à ce type d’organisation, y compris lorsqu’il n’existait pas d’organes équivalents dans la situation antérieure. Des enquêtes récentes du conseil de l’Europe ont montré par exemple que les autorités albanaises avaient jugé utile de compléter l’organisation de l’autonomie locale qu’elles venaient de mettre en place par la création de préfectures (loi du 22 septembre 1992).

- En troisième lieu, il convient de noter, dans les États fédéraux principalement mais pas exclusivement, qu’il arrive que la fonction de représentation de l’État, central ou régional, soit confiée à l’exécutif des collectivités locales (en général de deuxième niveau). Le cas le plus significatif est celui de l’Allemagne fédérale où c’est l’exécutif élu du Kreise qui est chargé, au nom du Land, de l’exercice du contrôle sur les communes. Le Gouvernement fédéral autrichien peut également déléguer certaines compétences de contrôle aux autorités administratives de district mises en place par les Länder. Celles-ci ont vocation à exercer toutes les compétences d’intérêt commun qui ne sont pas attribuées à une autre autorité (par exemple les communes). Les Pays-Bas offrent l’exemple parfait de ce que l’on appelle le dédoublement fonctionnel où le bourgmestre au niveau local et le commissaire de la Reine au niveau provincial sont à la fois les exécutifs des collectivités locales ou régionales correspondantes et des représentants de l’État.

- Enfin, il convient de noter que, naturellement, -et c’est ce qui sépare la question des “ relations de celles du “ contrôle ”, que beaucoup de contacts existent entre autorités centrales ou régionales et autorités locales de manière plus ou moins informelle, que ce soit au travers des contacts qu’entretiennent nécessairement avec le pouvoir central les grandes organisations d’élus ; dans le cadre des secondes chambres, lorsqu’elles existent et que leur composition intègre un critère de représentation territoriale, plus fréquemment, à travers le système des partis et, plus généralement, à travers le dialogue démocratique lui-même.

On signalera pour finir quelques tentatives originales d’organisation des relations institutionnelles. Les articles 117 à 119 de la loi cadre espagnole du 2 avril 1985 a ainsi prévu l’institution d’une commission nationale de l’administration locale, présidée par le ministre des administrations publiques et composée de représentants des administrations locales et de l’administration d’État. Un “ comité mixte ” mais de nature politique, présidé par le Premier Ministre, se retrouve également en Pologne au plan national.

Ce type d’organisation se retrouve plus naturellement au sein des États fédéraux et compris entre l’État fédéral et ses composantes mais il ne s’agit pas là à proprement parler d’un système de contrôle tel qu’il est prévu par la Charte puisqu’il concerne des relations que l’on pourrait qualifier d’ “ interétatiques ”. On observera toutefois que ceci est vrai en principe mais doit être nuancé non seulement dans certains États dont l’évolution vers le fédéralisme n’est pas achevée (italie) mais aussi dans certains États fédéraux (Autriche). Il existe certes en Italie une commission “ Etat-régions ” mais toutes les lois régionales italiennes doivent par ailleurs être signées par le représentant de l’État dans la région. Celui-ci (en fait le Gouvernement) peut s’y opposer dans les trente jours à la fois pour des raisons de légalité et d’opportunité. Les actes administratifs des autorités régionales sont pour la plupart soumis également au contrôle d’une “ commission de contrôle ” présidée par le représentant de l’État et dont les membres sont nommés par le conseil des ministres.

III - AUTORITES CHARGEES DU CONTROLE.

A) LA NOTION DE "CONTROLE ADMINISTRATIF".

L’article 8 de la Charte s’en tient à la notion de contrôle “ administratif ”. Ce terme peut prêter à confusion. Il ne s’agit pas simplement du contrôle par l’administration mais bien de toutes les formes de contrôle qui ne relèveraient pas strictement des tribunaux.

Les recours juridictionnels contre les décisions des autorités locales ou régionales relèvent d’une autre logique, celle de l’article 6 de la convention européenne des droits de l’homme. Ils sont un élément de ce que plusieurs rapports nationaux désignent sous le nom de “ contrôle passif ” (Finlande, Pays-Bas, Suède notamment). Bien qu’il soit très important, l’étude de ce droit ne nous paraît pas entrer dans le champ de l’étude du contrôle par les autorités centrales ou régionales.

De la même manière, ainsi que le précise également le rapport explicatif de la Charte, l’article 8 “ ne traite pas.... de la nomination ou des activités d’un ombudsman -institution considérée dans les rapports scandinaves comme étant l’une des autorités centrales chargées du contrôle- ou d’un autre organe chargé d’un rôle d’investigation ”.

A l’inverse, la notion de contrôle administratif nous paraît recouvrir non seulement les procédures de contrôle juridique mais aussi celles qui concernent les matières financières, lesquelles donnent souvent lieu d’ailleurs à la création d’organes ou de dispositifs particuliers.
Enfin, nous nous en tiendrons dans cette partie aux termes de l’article 8 qui n’envisage que le contrôle sur les actes.

B) LES AUTORITES CHARGEES DU CONTROLE.

Ainsi que cela a déjà été rappelé, les autorités chargées du contrôle sont, en principe, les autorités centrales dans l’état unitaire et, dans les États fédéraux ou composés, les autorités “ régionales ” c’est-à-dire fédérées ou autonomiques.

Un mouvement se dessine, quelle que soit la forme de l’État, pour que l’exercice du contrôle soit confié aux autorités dépendant du centre -qu’il s’agisse de l’État central ou de l’État “ régional ”- les plus proches des collectivités locales.

C’est ainsi que l’on peut discerner une certaine répartition des tâches en fonction du niveau de collectivités concerné.

Lorsqu’il s’agit des communes, le contrôle10 -qu’il s’appelle tutelle ou contrôle- est confié aux autorités déconcentrées de l’État -central ou régional- Préfet en France et en Roumanie, Gouverneur en Flandre, Landrat en Allemagne, Gouverneur en Norvège ou en Suède, etc... En Turquie, cette déconcentration n’est encore qu’esquissée (1994). Il convient de noter une évolution, sur laquelle on reviendra ci-après, qui tend à substituer à un représentant unique de l’État des “ conseils ” auxquels participent des représentants des autorités locales :

Au Danemark, les 14 bureaux de contrôle (1 par comté) sont certes présidés par un fonctionnaire d’État (statsamtsmanden) mais ils comprennent aussi 4 membres élus à la proportionnelle par le conseil de comté parmi ses membres.

En Italie, l’organe de contrôle des communes et des provinces, qui est situé au niveau régional (CORECO) est, depuis la loi 142 de juin 1990, composé de 5 membres (un fonctionnaire du ministère de l’Intérieur et 4 membres élus par le Parlement régional).

Telle est la règle aux Pays-Bas où le contrôle revient à la délégation permanente composée du commissaire de la Reine et d’assesseurs élus par le conseil provincial. Cette formule a également été adoptée en Wallonie.

Lorsqu’il s’agit de collectivités décentralisées de deuxième niveau -lesquelles, en principe et dans la plupart des pays, ne peuvent exercer de tutelle sur le premier niveau11- la tutelle ou le contrôle relèvent des autorités centrales. Tel est le cas aux Pays-Bas, au Danemark, en Suède, etc... En Grèce, c’est l’autorité régionale d’État qui contrôle les conseils départementaux et l’autorité départementale d’État qui contrôle les dèmes et les communes.

En revanche, au niveau des États tels que la France, l’Italie ou la Belgique, ce sont les mêmes autorités déconcentrées (Préfet ou Gouverneur) qui sont chargées du contrôle administratif des communes, des provinces ou des départements.

Quel que soit leur niveau, ces autorités s’appuient sur un droit général de supervision qui résulte, conformément à la Charte, de la constitution ou de la loi.

C) LE FONDEMENT JURIDIQUE DE LEUR INTERVENTION.

Celui-ci résulte de la constitution. On ne relève pas à cet égard les mêmes différences que l’on peut constater en ce qui concerne les dispositions relatives à l’autonomie. Celles-ci sont en général beaucoup plus brèves et c’est vers la loi qu’il convient de se retourner pour trouver une description précise de l’organisation du système de contrôle, la répartition entre les autorités, les voies de recours possibles, etc...12

On peut ici dresser un relevé des informations contenues à cet égard dans les rapports nationaux éventuellement complétés par d’autres informations figurant dans des documents édités, notamment, par le Conseil de l’Europe.

1. Constitutions et législation des États du Nord, de l’Ouest et du Sud de l’Europe.

En Allemagne, ce sont les lois des Länder qui définissent les conditions de contrôle des collectivités locales sous réserve du “ droit à l’auto-administration ” garanti par l’article 28-2 de la loi fondamentale. En Autriche, la constitution est beaucoup plus développée à ce sujet (art. 115 à 120) et d’autant plus que la fédération possède elle-même un droit de contrôle précisé par la loi sur le contrôle des municipalités de 1967. Cette loi s’applique concurremment aux dispositions des 9 lois municipales des Länder (Gemeindeordnungen).

En Belgique, c’est l’article 162-6 de la Constitution de 1830 qui dispose que “ la loi consacre l’intervention de l’autorité de tutelle ou du pouvoir législatif pour empêcher que la loi ne soit violée ou l’intérêt général blessé”. Ces dispositions anciennes et celles de l’article 162-3 sur la tutelle spéciale sont aujourd’hui mises en oeuvre par trois lois régionales. Le régime applicable aux municipalités de Chypre résulte, pour sa part, d’une loi de 1985.

Au Danemark, les dispositions constitutionnelles n’ont pratiquement pas été modifiées depuis 1849. L’article 82 affirme que “ le droit des autorités locales de s’administrer librement sous le contrôle de l’État est établi par la loi ”.

En Finlande, le système traditionnel de contrôle vient d’être profondément modifié et allégé par la section 8 de la loi municipale de février 1995 qui lui est consacrée. En France, c’est l’article 72 de la Constitution qui définit en même temps le droit des collectivités territoriales de s’administrer librement par des conseils élus et qui confie “ dans les départements et les territoires ” (à un) “ délégué du Gouvernement ”... “ la charge des intérêts nationaux, du contrôle administratif et du respect des lois ”. Ces dernières dispositions ont perdu en partie de leur substance depuis la loi du 2 mars 1982 (modifiée par la loi du 22 juillet 1982 après la décision du Conseil constitutionnel du 23 mars de la même année).

Selon l’article 102, alinéa 5 de la Constitution grecque, “ l’État exerce sur les collectivités territoriales une tutelle qui n’entrave par leur initiative et leur action libre ”. Un nouveau dispositif de contrôle a été mis en place par des lois votées à la fin de 1994 (notamment n° 2240).

En Islande, l’article 76 de la Constitution prévoit que le droit des autorités locales de s’administrer librement sous la surveillance (supervision) du Gouvernement central doit être défini par la loi. C’est le chapitre IX de la loi 8/1986 qui définit les pouvoirs de contrôle du ministère des Affaires sociales.

En Italie, l’article 124 constitutionnalise l’existence d’un commissaire du Gouvernement dans chaque région et les articles suivants précisent les conditions du contrôle des lois régionales. L’article 130 est consacré au contrôle des actes des communes et des provinces : “ un organe de la région, composé dans des conditions définies par la loi, exerce le contrôle sur les actes des communes et des municipalités ”. Cette composition et les conditions du contrôle résultent aujourd’hui de la loi n° 142 de juin 1990.

Au Luxembourg, les règles de la tutelle administrative sont définies par la loi de 1988 prise en application de la Constitution. Son article 114, en particulier, définit les pouvoirs des commissaires de district vis-à-vis des autorités locales. Le système en vigueur aux Pays-Bas résulte à la fois de la Constitution (art. 132) et des lois municipales et communales qui ont été profondément modifiées en 1993. Au Portugal une loi particulière (n° 87/89 du 9 septembre 1989 sur le contrôle des collectivités locales) est venue appliquer la Constitution de 1976. En Turquie, le pouvoir de tutelle du Gouverneur résulte de l’article 127 de la Constitution de 1982 mais les dispositions législatives en la matière n’ont guère évolué depuis les “ années trente ” (R. Keles).

2. Constitutions nouvelles des États européens du Centre et de l’Est.

“ Le Gouverneur régional.... est responsable de la défense des intérêts nationaux, de la légalité et de l’ordre public et exerce un contrôle administratif ” : art. 143-3 de la Constitution du 12 juillet 1991 de la République de Bulgarie. Le système de contrôle est organisé par la loi de la même année -mais modifiée en 1995- sur l’autonomie et l’administration locale.

En Hongrie, un chapitre entier de la Constitution précise la définition et les éléments de l’autonomie locale. Les décisions du “ corps représentatif local ” ne peuvent être supervisées que sur la base de la légalité (art. 44a.1). La loi n° LXV de 1990 sur les collectivités locales adoptée, conformément à la Constitution, à la majorité des 2/3 précise dans son chapitre X “ les rapports entre les collectivités locales et l’État ” et la “ protection du droit de l’autonomie locale ”.

L’article 160 de la Constitution du 28 juin 1992 de la République d’Estonie renvoie à la loi “ l’organisation..... de la “ surveillance ” de l’activité des collectivités locales ”. Il en est de même de l’article 74 de la Constitution du 23 avril 1992 de la République de Pologne mis en oeuvre par plusieurs lois dont la principale est celle du 8 mars 1990 sur les collectivités locales.

La Constitution roumaine, même si son interprétation a pu prêter à ambiguïté,13 est particulièrement précise sur le contrôle de légalité : “ le préfet peut attaquer devant l’instance de contentieux administratif un acte du conseil départemental, du conseil local ou du maire, au cas où il considère l’acte comme illégal. L’acte attaqué est suspendu de droit (art. 122-4). Les articles 98, 99 et 100 de la loi n° 69 de 1991 développent le texte constitutionnel : “ Par sa qualité de représentant du Gouvernement, le préfet veille à ce que l’activité des conseils locaux et des judets se déroule selon la loi... ”

En Slovénie, “ les organes de l’État contrôlent la légalité des travaux des organes des collectivités locales ” (art. 144 de la Constitution du 23 décembre 1991).

C’est au niveau législatif que, la plupart du temps, est esquissé un système particulier de contrôle financier qui fait intervenir des autorités spécialisées, dont le caractère est d’ailleurs plus souvent juridictionnel que vraiment administratif.

D) LE CAS PARTICULIER DU CONTROLE FINANCIER

Même si ce n’est pas le cas général (ce sont par exemple les mêmes autorités dans des pays aussi divers que le Danemark, les Pays-Bas ou la Turquie), il arrive que le contrôle financier soit confié à d’autres fonctionnaires que ceux qui assurent le contrôle administratif proprement dit. Ainsi, au Portugal, l’inspection générale des Finances exerce-t-elle un contrôle général sur l’ensemble de l’activité budgétaire et financière. A Malte, ce contrôle est confié à des “ Local government auditors ” nommés par le directeur de l’audit.

Le plus souvent, le contrôle financier fait intervenir des organismes ou autorités spécialisées.

Il peut s’agir d’organismes d’audit. Ceux-ci peuvent être publics (Bureau d’audit de l’État de Hongrie) ou privés (Danemark, Suède), obligatoires (Danemark) ou non (Suède).14 En Allemagne, les communes ont le choix entre un organisme public ou privé.

Plus récemment, ont été créées des cours ou chambres régionales des comptes. Tel est le cas en Espagne où il existe une Cour des comptes nationale mais aussi quelques cours régionales créées par les communautés autonomes, en France où une chambre régionale a été créée en 1983 dans chacune des 22 régions, en Pologne (loi de 1992) et en Roumanie. Au 1er janvier 1995, la Cour des comptes nationale s’est vue confier la supervision des autorités locales dans l’exercice de leurs pouvoirs délégués.

Peuvent être amenés à intervenir aussi l’ “ auditor général ” de Chypre ou la Cour des comptes portugaise ou turque (celle-ci devrait être déconcentrée).

Enfin, on n’aurait garde d’oublier qu’outre les dispositions particulières qui régissent encore, dans plusieurs pays, les capacités d’emprunt des autorités locales, celles-ci doivent compter aussi avec le contrôle de fait exercé par les organismes de crédit surtout lorsque ceux-ci ont conservé un statut public et possèdent une position dominante en la matière (par exemple la Banque des provinces en Turquie).

DEUXIEME PARTIE

LE SYSTEME DE CONTROLE DES ACTES

Naturellement complexe, le système de contrôle l’est plus encore lorsque l’on entend le comparer à travers plus d’une vingtaine de systèmes juridiques différents. Il convient donc d’organiser le rassemblement des données autour de quelques idées simples susceptibles de permettre, d’une part, de mesurer les grandes évolutions en cours mais, surtout, d’autre part, la situation des différents systèmes vis-à-vis des obligations formulées par la Charte.

On s’en tiendra dans cette partie au contrôle des actes, seul visé pour l’instant par l’article 8, et l’on distinguera successivement le contrôle de légalité -seul autorisé par la Charte en ce qui concerne les compétences propres- et le contrôle d’opportunité ; les modalités du contrôle ; ses conséquences et les garanties et les voies de recours offertes aux collectivités locales et régionales décentralisées.

I - LE CONTENU DU CONTROLE : CONTROLE D'OPPORTUNITE ET CONTROLE DE LEGALITE.

A) UNE DISTINCTION QUI N'EST PAS TOUJOURS AISEE.

Cette distinction est cruciale pour le texte de la Charte, ce qui explique d’ailleurs que plusieurs réserves (Autriche, Grèce, Pays-Bas) aient été faites vis-à-vis du paragraphe 2 qui précise que “ tout contrôle administratif des actes des collectivités locales ne doit normalement viser qu’à assurer le respect de la légalité et des principes constitutionnels ”. Cette formulation, apparemment claire, peut cependant prêter à interprétation.

- La notion de “ légalité ” elle-même peut, parfois, être difficile à apprécier concrètement. Elle ne peut être définie uniquement sur le plan formel (c’est-à-dire comme la conformité à des dispositions prévues par la loi). Sur le plan matériel, un contrôle limité à la légalité peut être défini négativement comme n’autorisant pas l’autorité de contrôle à substituer sa propre appréciation à celle de l’autorité locale. La mise en conformité avec les dispositions de la Charte commence donc par l’édiction de textes clairs se prêtant au moins d’interprétations possibles.

- La référence à des “ principes constitutionnels ”, d’autre part, ne saurait suffire dès lors que, on l’a vu, certaines constitutions autorisent elles-mêmes un contrôle susceptible d’aller au-delà de la simple légalité.

Il en va ainsi des constitutions autrichienne et néerlandaise. Les pays concernés ont logiquement émis une réserve. Mais c’est le cas aussi de la Constitution belge dont la référence à “ l’intérêt général ” pourrait autoriser des dérogations à la Charte.15 Le cas turc est plus préoccupant dès lors que ce pays a ratifié la Charte en 1989 mais qu’il laisse subsister dans l’article 127 de sa constitution l’expression de “ sauvegarde de l’intérêt public ” qui prête à confusion mais qui n’a pas fait l’objet de modifications y compris lors de la dernière révision du 26 juillet 1995.16

- Les problèmes d’application peuvent provenir aussi de la difficulté à distinguer ce qui relève des compétences propres -pour lesquelles seul un contrôle de légalité est autorisé- et ce qui relève des compétences déléguées pour lesquelles “ le contrôle administratif peut, toutefois, comprendre un contrôle de l’opportunité exercé par des autorités de niveau supérieur.17

- Enfin, il est difficile de distinguer le champ du contrôle de ses modalités d’exercice. Il va de soi, par exemple, qu’un contrôle a priori est bien plus -a fortiori s’il inclut une procédure d’approbation- dangereux potentiellement pour l’autonomie locale qu’un contrôle a posteriori, même s’il ne doit concerner que la seule légalité. De même peut-on penser qu’un contrôle effectué par une autorité collégiale et, a fortiori, une instance juridictionnelle, comporte a priori moins de risques qu’un contrôle effectué par un fonctionnaire unique.18

Il convient donc, pour vérifier la conformité d’un système de contrôle, d’apprécier l’ensemble
du dispositif, sans préjudice, naturellement, de l’examen de la manière -souvent déterminante- dont sont conduites les relations avec les autorités locales et régionales dans et à l’extérieur du système de contrôle.

B) L'ETAT DU DROIT POSITIF.

Sur le plan du droit positif, parmi les pays ayant fait l’objet d’un rapport, les pays qui conservent un contrôle d’opportunité sur les actes pris dans le cadre des compétences propres sont minoritaires et l’on a pu noter dans les années récentes une tendance nette à supprimer ou, en tout cas, à limiter les contrôles d’opportunité existants. Lorsqu’ils subsistent, ceux-ci concernent très souvent les finances locales et régionales.

Les pays dans lesquels subsistent des formes de contrôle d’opportunité sont au nombre de 7 : l’Autriche, les Pays-Bas -qui n’ont pas levé leurs réserves malgré l’allégement très important intervenu en 1994-; la Belgique et le Luxembourg (dans ce dernier cas en dépit d’un allégement important apporté par la nouvelle loi communale de 1988) ; l’Italie mais, aussi paradoxal que cela puisse paraître, seulement sur les lois régionales ; Chypre et, surtout, la Turquie.

L’article 119a (8) de la Constitution autrichienne soumet à l’approbation de l’autorité de tutelle les décisions financières locales considérées comme très importantes et qui vont au-delà du simple intérêt local. Les autorités du Land ont, en outre, le droit, en vertu d’un autre alinéa de l’article 119a (2) de contrôler la gestion des autorités locales du point de vue de l’économie, de la rentabilité et de l’utilité. L’autorité de contrôle doit cependant user de ses pouvoirs avec circonspection. Le représentant autrichien, Mme Bucher, a cependant fait observer que l’inscription de ces possibilités dans la Constitution était une façon de réduire au minimum leur champ d’intervention.

En Belgique, les contrôles ont été allégés par le législateur fédéral en 1984 (en supprimant en particulier nombre de procédures d’approbation et d’autorisation) mais, ceux-ci relèvent désormais des “ décrets ” (équivalent à la loi) des régions flamande et wallonne et des “ ordonnances ” de la région “ Bruxelles-capitale ”.

Les régions exercent la “ tutelle générale ” qui peut inclure des procédures de suspension ou d’annulation des actes contraires à la légalité ou à l’ “ intérêt général ”. Elles possèdent aussi, dans le cadre de la tutelle spéciale, le pouvoir d’approbation des actes les plus importants relatifs au budget, aux comptes, au statut du personnel et à la mise en régie des services. L’approbation permet à l’autorité de tutelle d’apprécier la conformité des actes des communes et des provinces par rapport à leur intérêt propre.

La subsistance de ces procédés est atténuée par l’amélioration des garanties juridiques offertes aux autorités contrôlées : obligation de motivation des décisions, délais de notification, procédures d’approbation implicite.

Si la tutelle “ juridique ” a eu tendance à s’alléger, il n’en est pas de même de la tutelle financière. Elle prend sa source dans le déséquilibre fréquent dans les années 8019 des budgets locaux. L’aide de l’État ou des régions se traduit ainsi par l’envoi d’inspecteurs qui contrôlent très strictement la réalisation des plans d’assainissement.

Cette dernière procédure existe aussi aux Pays-Bas mais elle ne saurait être considérée, en elle-même, comme une entorse au principe d’interdiction de tout contrôle d’opportunité. D’autres pays, qui marquent clairement leur attachement au strict contrôle de légalité l’admettent aussi -il est vrai avec la garantie que présente l’intervention d’un organe extérieur (juge des comptes).20

La véritable dérogation consiste, comme en Belgique, dans la possibilité pour l’autorité de tutelle de suspendre, de réformer ou d’annuler une décision qui serait contraire à l’intérêt général -ce qui laisse subsister une marge d’appréciation. De même, existent encore des procédures d’approbation qui permettent de contrôler l’opportunité des décisions locales, même si celles-ci sont réduites, depuis le 1er janvier 1994, “ à ce qui est strictement nécessaire à l’intérêt de la collectivité locale ”.

Au Luxembourg -où la notion “ d’intérêt général ” a également été conservée dans la Constitution- le contrôle peut déboucher sur des procédures d’approbation de certaines décisions par le ministère de l’Intérieur -essentiellement les contrats de baux immobiliers, les ventes, échanges, etc... supérieurs à un certain montant ou certains règlements de tarifs.

A Chypre, la loi communale de 1985 a laissé subsister des procédures d’approbation pour le budget annuel et les règlements locaux les plus importants (en matière de personnel, de fixation des tarifs et taxes, d’emprunts, d’urbanisme et de collecte des déchets).

La situation turque se distingue des situations précédentes par la faible limitation et la relative imprécision du champ du contrôle d’opportunité. Les règles qui le régissent n’auraient guère varié depuis les années 30.

L’Italie offre l’exemple paradoxal de n’admettre, en théorie du moins, de contrôle d’opportunité que pour les lois régionales. Le commissaire du Gouvernement peut en demander une deuxième délibération et le conflit peut être soumis, selon le cas, à la Cour constitutionnelle (légalité) ou au Parlement national (opportunité). La deuxième forme de contrôle est cependant moins fréquente.

On observera avec intérêt que le contrôle d’opportunité est exclu dans les législations des signataires de la Charte les plus récents, qu’il s’agisse de la Bulgarie, de la Hongrie, de la Pologne, de la Roumanie ou de la Slovénie.

En revanche, à côté des États plus anciens où subsistent, en principe, des contrôles d’opportunité, il convient de noter que le domaine de l’emprunt fait l’objet, dans de très nombreux pays, de procédures d’approbation dès lors qu’un certain montant est dépassé. Tel est le cas, par exemple, parmi les pays précités, de l’Espagne. Lorsqu’une commune espagnole souhaite emprunter à l’étranger ou faire un appel public à l’épargne, elle doit demander l’autorisation du ministre de l’Économie. L’emprunt n’est libre en Espagne même que si l’opération n’a pas pour effet de dépasser certains quotas (5 % des ressources et dette inférieure à 25 % du budget). Au Danemark, on doit noter une intéressante évolution à cet égard. Depuis 1980, les investissements financiers et les emprunts ne nécessitent plus de procédures d’approbation. Les collectivités doivent seulement respecter les règles fixées par le ministère de l’Intérieur. Il existe, en revanche, dans le cadre du dialogue qu’entretiennent avec l’État central les grandes associations nationales d’élus des conventions sur la politique financière et fiscale mais ces conventions ne débouchent pas sur des mesures obligatoires.

C’est également dans le domaine financier que se rencontrent encore le plus souvent des formes de contrôle a priori mais celles-ci ont tendance, elles aussi, à se réduire.

II - LE MOMENT DU CONTROLE : CONTROLE A PRIORI ET CONTROLE A POSTERIORI

Deux phénomènes doivent d’abord être isolés :

- l’obligation d’information de l’autorité chargée du contrôle qui existe très généralement, qui doit précéder ou coïncider avec l’entrée en vigueur de l’acte mais qui ne se traduit véritablement par un contrôle a priori que dès lors qu’elle constitue le premier temps d’une procédure d’approbation ;

- le contrôle que l’on pourrait qualifier “ d’interne ” puisqu’il est confié à un fonctionnaire travaillant au sein de la collectivité. Ce modèle se trouve sous des formes différentes : aux Pays-Bas où bourgmestre et commissaire de la Reine, qui sont à la fois les exécutifs des collectivités locales et provinciales et les représentants du pouvoir central, sont les garants de la légalité des décisions mais surtout en Italie où c’est le secrétaire de la commune, fonctionnaire dépendant du ministère de l’Intérieur -et chef de l’administration communale (art. 51 de la loi 142 de juin 1990)- qui doit viser tous les actes avant même leur entrée en vigueur. Cette dernière formule aboutit en fait, pour des raisons sociologiques (voir infra) à une forme de tutelle indirecte d’opportunité. Le “ modèle italien ”, dont on pourrait sans doute rapprocher la situation espagnole où le secrétaire des “ corporaciones locales ” est également tenu de signaler les illégalités,21 se retrouve en Europe centrale et orientale - la Roumanie en particulier. Il permet, au moins dans un premier temps, de pallier les difficultés de recrutement d’une fonction publique de qualité mais elle n’est pas sans danger d’autant que ce fonctionnaire (nommé par le Préfet en Roumanie) peut recevoir directement des délégations de l’administration de l’État.

Le véritable contrôle a priori -hors le cas d’approbation- a tendance pour sa part à disparaître au profit d’un contrôle a posteriori.

Tel a été l’un des objets de la loi communale néerlandaise déjà entrée en vigueur depuis le 1er janvier 199422 qui succède à de nombreuses législations récentes allant dans le même sens : Danemark 1980, France 1982, Finlande 1995.23 Il est digne d’être noté également que les nouveaux dispositifs adoptés en Europe centrale et orientale, sous l’influence de la Charte mais aussi des nombreux contacts menés dans le cadre du programme LODE, ont généralisé d’emblée un contrôle a posteriori.

Un des derniers exemples qui méritent d’être cités est celui du Portugal où les principaux contrats administratifs (marchés de travaux publics, marchés de fournitures, contrats d’engagement d’agents publics) ainsi que les actes de nomination des fonctionnaires locaux sont soumis au contrôle préventif de la Cour des comptes.

On notera enfin qu’un contrôle a priori général sur les actes des conseils locaux et provinciaux subsiste en Italie. Les actes des exécutifs ne sont, pour leur part, soumis a priori au CORECO (commission régionale de contrôle) que si un certain pourcentage du conseil, variable en fonction de la population, le souhaite.

L’obligation d’information de l’autorité de contrôle fait l’objet de dispositions d’ampleur variable suivant les pays où les fonctions d’exécutif local et de représentant de l’État sont clairement séparées.

Certains considèrent que l’autorité de contrôle a un droit général à être informée.
Tel est le cas en Autriche où la Constitution édicte, en faveur des autorités de contrôle “ un droit à l’information ” et un “ droit d’inspection ” (art. 119a (4)) Tel est le cas aussi au Danemark (art. 63 de la loi sur le Gouvernement local) où les collectivités locales doivent fournir toutes les informations nécessaires. Cela est vrai aussi en Espagne soit en faveur de l’État, soit en faveur des régions en fonction des matières. Au Luxembourg, la loi donne au commissaire de district un rôle de “ surveillance ” particulièrement étendu (art. 114 déjà cité de la loi de 1988).

D’autres pays ont prévu une obligation de transmission des actes aux autorités de contrôle. L’article 56 de la loi espagnole du 2 avril 1985 prévoit ainsi que les collectivités locales doivent envoyer copie des contrats passés ou des actes pris aux autorités étatiques ou régionales selon le cas. En Italie, toutes les lois régionales doivent être transmises au représentant de l’État de même que tous les actes des conseils communaux et provinciaux à la CORECO.24 En Bulgarie, les conseils locaux (mais non les maires) doivent fournir au Gouverneur les actes qu’ils promulguent dans les sept jours après leur promulgation. Il en est de même en Pologne mais cette obligation pèse sur le maire. En Roumanie, c’est au secrétaire d’accomplir cette formalité dans les 10 jours, si la loi ne le prévoit pas autrement (art. 49g de la loi 69 de 1991).

En France, seuls les actes les plus importants doivent faire l’objet de transmission (règlements, arrêtés relatifs aux personnels, contrats...). Leur liste a été réduite au minimum compatible avec la décision du Conseil constitutionnel annulant le texte d’origine qui mettait le représentant de l’État au niveau d’un simple citoyen mais il est clairement précisé que la transmission suffit à rendre l’acte immédiatement exécutoire.25

III - LES EFFETS DU CONTROLE.

Il convient à ce sujet de distinguer entre les pays où l’autorité de contrôle elle-même possède un pouvoir de sanction de ceux, d’une part, où ce pouvoir relève d’un organe -qui demeure administratif- spécialement créé à cet effet et de ceux, d’autre part, où ni l’autorité appartenant à la hiérarchie de l’État central, ni l’organisme de contrôle ad hoc ne peut, par lui-même, agir à l’encontre de l’acte incriminé.

Dans la première catégorie figurent les États dans lesquels l’autorité de contrôle possède un pouvoir de réformation, c’est-à-dire où elle peut se substituer à l’autorité locale pour rendre l’acte conforme à la légalité ou à un “ intérêt général ”. C’est le cas du Luxembourg et des Pays-Bas.

L’autorité de contrôle possède également un droit d’annulation et, a fortiori, de suspension en Belgique, aux Pays-Bas et en Turquie. Il en est de même en Pologne où le voïvode peut suspendre l’acte et déclarer sa nullité dans les 30 jours. En Bulgarie, le Gouverneur peut suspendre l’acte des conseils locaux qu’il estime illégal et saisir le tribunal dans le mois qui suit la transmission. Il peut annuler directement les arrêtés du maire (bien que ceux-ci n’aient pas à lui être transmis). Les arrêtés de police suivent un régime particulier (ils peuvent être annulés avec accord du ministre de l’Intérieur et sur recours dans les trois jours d’une autorité de police).

Au deuxième groupe se rattachent les États qui, dans le souci “ d’objectiviser ” le contrôle, ont mis en place des organes collectifs, le plus souvent mixtes car comportant à la fois des fonctionnaires d’État et des membres élus par les assemblées locales ou de niveau immédiatement supérieur (Danemark, Italie, et, dans certains cas, Pays-Bas -bureau de la province en cas de contrôle a priori-). Ces organes sont appelés à donner des avis ou à rendre des décisions susceptibles d’appel.

La troisième catégorie, la plus proche de l’esprit de la Charte, regroupe les États dans lesquels l’autorité de contrôle ne peut par elle-même agir à l’encontre des actes des autorités locales. Elle ne doit être informée que pour pouvoir, le cas échéant, saisir les tribunaux administratifs compétents, lorsqu’ils existent, d’une éventuelle infraction à la légalité qu’elle viendrait à constater (Danemark, Espagne, France, Hongrie, Pologne, Portugal, Roumanie). Dans ce dernier pays, la saisine du tribunal a un effet suspensif. Dans les autres, c’est au tribunal de décider26 s’il y a lieu de suspendre l’application de l’acte en attendant de statuer (France : il peut même être statué dans les 48 heures au cas où une liberté individuelle ou publique viendrait à être menacée).

En Suède et, plus récemment, en Finlande, l’autorité de contrôle ne peut que signaler l’illégalité. C’est au citoyen de saisir le tribunal. Dans la plupart des autres pays, le citoyen peut naturellement saisir concurremment la justice mais le fait pour l’autorité de contrôle de signaler l’illégalité est toujours un élément de transparence et d’information salutaire.

Enfin, il serait sans doute excessif d’imaginer que le contrôle juridictionnel fonctionne de manière en quelque sorte mécanique. Il y a le plus souvent place, en fait et en droit, à un dialogue préalable entre l’autorité de contrôle et le contrôle et il serait vain de nier l’influence que peut avoir l’autorité de contrôle sur les autorités locales ou régionales, même si cette influence n’atteint pas le caractère structurel qu’elle revêt dans le système néerlandais sous le nom de medebewind (que l’on pourrait traduire approximativement par cogestion).

On notera qu’en Hongrie, l’article 99 de la loi sur les collectivités locales organise également ce dialogue. Il en est de même en Slovénie et en Espagne où l’autorité de contrôle peut, dans les 15 jours de la transmission, demander à l’auteur de l’illégalité de la rectifier.

IV - LES VOIES DE RECOURS.

Il conviendra de distinguer suivant que l’autorité de contrôle a -ou n’a pas- la possibilité de suspendre, annuler ou réformer l’acte, les voies de recours offertes à l’autorité locale dont la décision est contestée, et les moyens juridictionnels offerts à l’autorité de contrôle qui viendrait à constater une illégalité et souhaiterait la faire cesser.

En ce qui concerne les recours offerts aux autorités locales, certaines législations prévoient d’abord un recours administratif auprès du supérieur hiérarchique de l’autorité de contrôle. Tel est le cas dans les Länder allemands. Au Danemark, les autorités locales peuvent saisir le ministre de l’Intérieur contre les décisions des commissions de contrôle.

Très généralement, les autorités locales peuvent user de voies de recours juridictionnels soit en vertu du droit commun (Belgique, Danemark,27 Luxembourg, Pologne, etc...), soit en vertu de dispositions particulières. En Allemagne, les autorités locales peuvent saisir les cours administratives ; en Autriche, c’est la Constitution elle-même qui prévoit des droits de recours soit devant la Cour administrative (art. 119a (9) et 131 et 132), soit devant la Cour constitutionnelle (art. 119a (9) et 144 ; 139 (1) et 119a (6)). Aux Pays-Bas, la nouvelle loi en vigueur depuis 1994 a ouvert le droit aux autorités locales de saisir une “ juridiction impartiale ” qui n’existait jusque là qu’au profit du simple citoyen.

Dans un nombre croissant de pays, la situation est désormais totalement inverse, la question est moins d’organiser la défense de l’autorité locale que de préciser les voies par lesquelles l’autorité de contrôle peut faire cesser une illégalité. Le contrôle administratif se transforme alors en contrôle juridictionnel. Les représentants de l’État, soit à l’issue d’un dialogue infructueux (Hongrie, par exemple), soit directement, n’ont pas d’autre choix que de saisir les tribunaux. Il s’agit, en général, des tribunaux administratifs (Espagne, France, Hongrie, Pologne, Portugal, Roumanie). Ce peuvent être aussi des cours constitutionnelles (Slovénie sur saisine du Gouvernement).

Dans les pays scandinaves, on rappellera que c’est au citoyen de saisir le tribunal compétent, l’autorité de contrôle ne pouvant, elle, que faire apparaître l’illégalité et la dénoncer.

TROISIEME PARTIE

LA RESOLUTION DES CONFLITS AU SEIN DES AUTORITES LOCALES

Il avait été initialement décidé de dissocier les cas de dysfonctionnements politiques des autorités locales28 des mesures administratives destinées à mettre fin à ces mêmes dysfonctionnements 29 ou à des conflits de nature juridique.

Les travaux préparatoires au rapport ont montré la difficulté d’isoler les conflits politiques des conflits juridiques, ceux-ci n’étant souvent que la partie émergée et visible ou, au contraire, les révélateurs des premiers.

Beaucoup d’experts ont considéré que les séries de questions au titre des paragraphes (2) et (3) du questionnaire étaient quelque peu redondantes, c’est pourquoi il a paru préférable de regrouper les réponses dans une même partie, tout en adoptant une présentation qui distingue bien les différents aspects de la question traitée. En fait, cette distinction avait été introduite pour pouvoir mettre en exergue les situations où les autorités de contrôle utilisaient leurs pouvoirs (juridiques ou administratifs) à des fins politiques (et se rendaient alors coupable de ce qu’il est convenu d’appeler un “ détournement de pouvoir ”). La rédaction du questionnaire avait été d’autre part fortement influencée par la situation constatée dans certains pays d’Europe centrale et orientale.

Afin de mieux situer le débat, il a été choisi de décrire d’abord les modes de résolution des conflits, lorsqu’ils existent, au niveau des autorités locales elles-mêmes. Ce n’est que dans un deuxième temps que sera abordée la question principale du point de vue de la Charte : celui des interventions du pouvoir central ou (dans le cas de “ régions-Etat ”) régional.

I - LES SOLUTIONS POLITIQUES INTERNES.

A) LE ROLE DETERMINANT DE LA STRUCTURE DES POUVOIRS ET DU MODE D'ELECTION.

Il va de soi que l’existence même de conflits est très largement dépendante de la structure même et du mode d’élection des pouvoirs locaux. On peut isoler à cet égard plusieurs cas de figure. Au Portugal, par exemple, le maire est celui qui était placé en première position sur la liste arrivée en tête tandis que le conseil est élu à la représentation proportionnelle. Il n’existe pas de procédures de résolution des conflits et le rapport note que cette situation n’est pas toujours satisfaisante. Les élus savent donc, dès l’origine qu’ils seront conduits à trouver un “ modus vivendi ”. Des situations comparables peuvent se trouver aussi, par exemple, dans les Länder allemands qui prévoient l’élection directe du maire (Bade-Wurtemberg ou Bavière) ou encore, plus récemment, en Hongrie où l’on note que près d’un maire sur trois n’appartient pas à la coalition majoritaire au conseil.

En France, au contraire, le maire est assuré d’une grande stabilité de sa majorité bien que le scrutin soit, à la base, proportionnel. Si une liste obtient la majorité absolue au premier tour, elle obtient d’office la moitié des sièges plus la part qui lui revient à travers l’application de la proportionnelle. Le même mécanisme joue en faveur de la liste arrivée en tête si un deuxième tour vient à être organisé.

Le risque est moindre également dans les pays, qui sont les plus nombreux, où l’exécutif local est plutôt faible et collectif et où la gestion s’effectue par le biais de “ comités ” (modèles anglais ou scandinaves).

La situation est sans doute plus problématique dans les États où a été instituée l’élection directe et distincte du maire dans un contexte démocratique non stabilisé (nouvelles démocraties du Centre et de l’Est : Roumanie, Hongrie, Slovénie, par exemple).

C’est précisément l’absence de régulations, spontanées ou institutionnelles, au niveau de la collectivité locale elle-même qui crée en fait le risque d’une intervention du pouvoir central ou régional. En fait, les conflits de ce type ne nécessitent que rarement de telles interventions, à supposer même que celles-ci soient possibles.

B) LES RESOLUTIONS INSTITUTIONNELLES DES CONFLITS AU PLAN LOCAL

Même si ses termes, sur ce point, sont ambigus,30 la Charte n’ignore pas ce problème puisque son article 3, paragraphe 2, précise clairement que les conseils élus peuvent “ disposer d’organes exécutifs responsables devant eux ”.

Ce texte signifie que les exécutifs locaux doivent relever eux-mêmes d’une légitimité élective soit directe, soit indirecte.31 Plusieurs pays l’ont interprété comme impliquant l’existence d’une “ responsabilité ” de type parlementaire. Plusieurs législations nouvelles vont d’ailleurs dans ce sens (Finlande et Suède depuis 1995, Pays-Bas, en partie, depuis 1994).

La possibilité de déposer des motions de censure entraînant, en cas de vote à la majorité, le renversement de l’exécutif existe au plan local :

- En Espagne (il s’agit alors d’une motion de censure “ constructive ” où le conseil doit désigner des remplaçants). L’usage en est peu fréquent.

- Au Luxembourg, un tiers du conseil peut déposer une motion de censure dans le cas de rejet du projet de budget. En cas de vote de la motion les membres du collège des bourgmestres et échevins sont déclarés démissionnaires (par le ministre de l’Intérieur ou, pour les villes, le Grand-Duc lui-même).

- En Pologne, notamment après communication d’un rapport de la Chambre régionale des comptes. La motion peut s’appliquer à l’ensemble de la municipalité ou au maire seul. Le conseil peut pourvoir au remplacement dans le délai d’un mois.

- Aux Pays-Bas, jusqu’à la nouvelle loi municipale, il n’était possible aux conseils communaux et provinciaux de n’exprimer leur défiance qu’à un ou plusieurs membres du conseil (à l’exception du bourgmestre ou du commissaire de la Reine qui ne peuvent être démis que par la Couronne).32 Cette défiance pouvait être le point de départ d’une procédure de démission passé un certain délai de réflexion (15 jours à 3 mois). La nouvelle loi municipale a introduit la possibilité d’une responsabilité collective de l’exécutif.

Un mouvement analogue s’est amorcé en Finlande et en Suède.

Dans ce dernier pays, où la stabilité politique est grande, il est possible à une assemblée locale, depuis le 1er janvier 1995, de renvoyer l’exécutif local en cas de changement de majorité ou de réorganisation de l’exécutif (nouvel article ch. 4, Section 10 a introduit par la loi 690 de 1994).

En Finlande, si l’exécutif local considère qu’une décision du conseil est illégale, il peut demander une nouvelle délibération. Si le conflit persiste, il doit saisir la Cour administrative régionale. La nouvelle loi municipale, en vigueur depuis le 1er juillet 1995, prévoit la possibilité pour le conseil d’émettre un vote de défiance à l’égard des différents organes élus par lui et provoquer la démission du ou des élus qui ont perdu sa confiance.

De telles procédures n’existent pas formellement au Danemark.

On peut regretter qu’il en aille de même dans les nouvelles démocraties d’Europe centrale et orientale où, on l’a vu, les conditions de désignation des organes locaux sont susceptibles de déboucher sur des conflits entre le maire et le conseil. La situation roumaine ajoute à la complexité puisque le maire, élu au suffrage direct, est flanqué d’un vice-maire élu par le conseil. En Bulgarie, où il n’existe que rarement des majorités dans les conseils, le maire peut avoir du mal à exercer ses fonctions. Il ne dispose guère que d’un seul moyen pour faire valoir son point de vue au conseil : le veto suspensif lorsque les décisions du conseil lui paraissent contraires à l’intérêt public ou à la loi. Le veto peut être levé par un second vote à la majorité absolue.

D’une manière générale, même en l’absence de procédure formelle, il paraît difficile à un exécutif local de se maintenir s’il ne possède pas, de manière durable, la confiance d’une majorité au sein du conseil dont il dépend soit pour son existence, soit pour son action. Très souvent d’ailleurs, l’intervention du pouvoir central, lorsqu’elle est autorisée, ne vise qu’à tirer les conséquences d’un conflit politique interne qui débouche sur un blocage. Il n’est pas exclu d’autre part -mais ceci est affaire de culture politique propre aux différents États- que l’autorité de contrôle (surtout si elle est déconcentrée) puisse jouer un rôle de conciliation. Cela a pu exister en France, surtout avant la décentralisation. Il est probable qu’il en est ainsi aux Pays-Bas où l’exécutif local relève d’une double légitimité ou encore sans doute au Luxembourg où, par exemple, l’article 1-3° prévoit que les commissaires de district peuvent assister aux délibérations des autorités locales “ lorsqu’ils le jugent utiles ”.

II - LES INTERVENTIONS DES AUTORITES CENTRALES OU REGIONALES

Il est peu de situations où l’autorité politique centrale ou régionale soit fondée à intervenir dans un conflit survenant au sein d’une autorité locale. Nombre de législations en revanche prévoient des procédures plus ou moins complètes ou diversifiées où l’autorité de contrôle peut être amenée à intervenir pour remédier à une carence dans le fonctionnement des autorités locales, que celle-ci résulte d’un mauvais vouloir -il conviendra alors que celui-ci soit dûment établi-, d’une circonstance qui rend impossible (condamnation pénale) ou difficile le maintien d’un élu dans ses fonctions (succession d’illégalités graves), ou d’un blocage politique qui porte préjudice au fonctionnement régulier des services publics.

A. LES DIFFERENTES FORMES DE CONTROLE SUR LES ELUS ET LES ORGANES.

L’ensemble de ces mesures constitue ce que l’on appelle parfois le contrôle sur les personnes ou sur les organes et que l’on distingue du contrôle sur les actes. En fait, il s’agit d’une opposition quelque peu artificielle car les deux catégories de contrôle ne sont que les deux faces du même contrôle de légalité.

Le paradoxe réside cependant dans le fait que le contrôle sur les personnes -qui aurait peut-être dû bénéficier d’une attention particulière en raison du risque plus important qu’il représente pour les libertés politiques n’est pas explicitement mentionné dans la Charte et est ignoré, au moins sous cette forme, de nombre de législations.

Des explications existent naturellement. La protection des personnes résulte d’une logique différente de celle du contrôle des actes. La première relève plus souvent du droit pénal que du droit administratif quand ce n’est pas tout simplement plus de la tradition démocratique que du droit -d’où la subsistance, dans plusieurs pays de l’Ouest, de législations remontant au XIXe siècle et qui ne sont plus guère appliquées.

Certaines formes de contrôle peuvent être indifféremment classées soit dans le chapitre du contrôle des actes, soit dans le chapitre du contrôle des personnes. Il en va ainsi lorsque l’autorité de contrôle se substitue à l’autorité locale défaillante et prend à sa place un acte déterminé.

Enfin, toutes les législations n’éprouvent pas le besoin de prévoir tous les cas de pathologie sociale et préfèrent laisser les situations de blocage locales se dénouer de manière pragmatique. Cela n’est d’ailleurs pas toujours sans inconvénient.

La question du contrôle sur les personnes est aujourd’hui d’actualité à cause précisément du développement de la démocratie locale dans des pays à la recherche de nouvelles règles et qui ne peuvent pas s’appuyer encore sur des systèmes de valeur démocratiques suffisamment éprouvés par le temps. La Charte elle-même n’est pas sans responsabilité dans cet état de fait.

Sous son influence, les nouveaux états ont été conduits à mettre en place d’emblée des systèmes de contrôle des actes très performants du point de vue démocratique (réduits au contrôle de la seule légalité et bien souvent par le biais d’un contrôle juridictionnel plus qu’administratif). On est ainsi passé d’une situation extrême dominée par le principe hiérarchique et rendue confuse par une bureaucratie omniprésente à une situation où les autorités de contrôle se sont peut-être trouvées trop démunies. La tentation a alors été forte pour elles d’utiliser les lacunes de la protection des personnes. Cela a été particulièrement net en Roumanie où cet état de fait a été l’occasion d’un rapport particulier et original du Congrès.33

On essaiera donc ici de recenser les règles existantes à cet égard afin d’en tirer quelques conclusions ou suggestions pour l’avenir.

On distinguera successivement parmi les moyens d’intervention ceux qui portent principalement sur les individus puis sur les organes collectifs. Cette succession coïncidera également avec le degré de gravité croissant, donc avec l’importance du risque potentiel pour l’autonomie locale :

- la substitution d’action,
- la suspension puis la destitution d’un élu,
- la dissolution des organes locaux.

Les deux premières concernent les élus. La substitution d’action entend remédier à leur carence ou leur inertie. Elle doit être prévue par les textes et n’est en général possible que dans le cadre de procédures bien définies (comportant en particulier une mise en demeure préalable).

La seconde est plus problématique car elle affecte l’exercice du mandat lui-même. On peut considérer qu’elle peut, si elle n’est pas entourée de garanties juridiques suffisantes, porter atteinte au “ libre exercice ” du mandat local, explicitement prévu par la Charte (art. 7-1).

L’intervention de l’autorité de contrôle peut être plus large et concerner l’existence même de l’organe. Elle conduit à mettre fin au mandat confié par les électeurs avant le terme. En raison de son importance, elle est naturellement entourée d’une vigilance plus grande de la population, si bien qu’elle est réservée à des circonstances extrêmes, où l’exercice régulier des pouvoirs publics locaux se trouve interrompu (vacances en grand nombre, impossibilité de fonctionnement pendant une longue période continue). Elle a vocation à être suivie, très vite, par l’organisation de nouvelles élections. Il s’agit là d’une sorte de mesure ultime et très rarement d’une mesure véritablement politique. Il convient toutefois de rester vigilant.

B. LA SUBSTITUTION D’ACTION.

Ce procédé de contrôle désigne le fait, pour l’autorité de contrôle, de prendre un acte à la place de l’autorité locale.

Elle trouve sa source dans la carence de l’autorité locale soit que celle-ci se trouve dans l’impossibilité d’agir, soit qu’elle refuse d’agir et d’accomplir un acte prévu par les lois. C’est en ce sens qu’elle relève du contrôle de légalité.

Compréhensible lorsqu’elle concerne une compétence déléguée -l’autorité locale se trouve, dans ce cas, placée dans une situation hiérarchique par rapport à l’autorité de contrôle (par exemple le maire agissant en tant que représentant de l’État en matière de police)-, elle ne peut être qu’exceptionnelle, voire impossible, lorsqu’il s’agit de compétences propres.

Dans tous les cas, elle doit être prévue par la loi et n’est possible qu’à l’issue d’une procédure faisant apparaître clairement et la nécessité d’agir et la carence de l’autorité locale.

Une telle modalité de contrôle existe explicitement dans de nombreuses législations. Elle est parfois une étape dans un processus pouvant conduire à la dissolution.

Elle existe en Allemagne, Autriche, Belgique, France, Italie, Luxembourg, Pays-Bas, Turquie.

En Allemagne, il convient de distinguer si c’est le conseil local ou l’exécutif, quelle que soit sa forme qui, on le sait, varie selon les Länder, qui refuse d’exercer une compétence prévue par la loi. Dans le cas où le conseil refuse, le maire ou l’exécutif est fondé à agir à sa place. Si le maire ou l’exécutif joint son refus à celui du conseil, un représentant spécial de l’État peut être nommé temporairement.

En Autriche, le pouvoir de substitution est autorisé dans la Constitution (art. 119 a (7)) “ en cas de nécessité absolue ”.

En Belgique, un vocabulaire juridique abondant désigne cette forme de contrôle. La substitution d’action est aussi appelée tutelle “ coercitive ”, “ contraignante ” ou “ supplétive ”.

Elle est prévue notamment par l’article 266 de la nouvelle loi communale :

- lorsque le conseil refuse d’inscrire certaines dépenses obligatoires, l’autorité de tutelle (Gouverneur ou députation permanente du conseil provincial) peut, après avoir entendu le conseil, les inscrire d’office ;

- de manière plus générale, l’intervention de l’autorité de tutelle ne peut agir que s’il s’agit d’une obligation imposée par la loi à l’autorité locale “ dans des matières d’intérêt local ou général. ”
L’organe local doit avoir été mis en demeure d’exécuter. Après deux mises en demeure restées infructueuses, des commissaires “ peuvent se transporter sur place pour recueillir les informations demandées, voire prendre les mesures nécessaires ”.

Il n’existe pas, à Chypre, de disposition générale de ce type mais l’auteur de la contribution (M. E. Odysseos) citait un cas dans le cadre de la législation de l’urbanisme. Le conseil des ministres peut décider, face à une carence de l’autorité locale, de confier temporairement l’exercice de la compétence à une autre autorité ou personne.

En Finlande, il n’existe pas à proprement parler de pouvoir de substitution mais, en cas de carence de l’autorité locale, l’autorité de contrôle peut lui adresser une injonction, dans les formes requises par la loi sur la procédure administrative : audition des représentants locaux, établissement de faits précis, motivation de l’intervention, possibilité de recours devant la Cour administrative suprême.

En France, le pouvoir de substitution a été maintenu après la décentralisation mais cantonné à des circonstances précises strictement définies par le législateur et dans le cadre d’une procédure spéciale. Les articles 2 et 34-3 de la loi du 2 mars 1982 prévoient la possibilité pour le préfet de se substituer au maire ou au président du conseil général en cas d’inaction de leur part en matière de police. Cette substitution doit être précédée d’une “ mise en demeure ”. Il existe un autre cas en matière financière lorsque le budget n’a pas été voté dans les délais requis. Le préfet peut “ arrêter ” le budget à la place du conseil mais après avis de la Chambre régionale des comptes.

En Grèce, l’intervention de l’autorité de tutelle, par exemple, en l’absence d’inscription d’une dépense obligatoire n’était pas inconnue. Il n’est pas sûr que cette catégorie de tutelle ait survécu à la réforme en cours.

En Italie, le pouvoir de substitution ne semble pas exister vis-à-vis des autorités locales (on verra que les solutions retenues en cas d’inaction sont beaucoup plus brutales). Il existe en revanche vis-à-vis des autorités régionales, en application de l’article 2 de la loi n° 382 de 1972, “ dans le cas où les organes régionaux ne s’acquitteraient pas de tâches obligatoires dans les délais impartis... ”. Le conseil des ministres est habilité alors à prendre toutes les mesures nécessaires en lieu et place des organes régionaux.

La substitution d’action est une forme normale de tutelle au Luxembourg. Elle peut prendre deux formes principales : l’envoi de commissaires spéciaux, un peu à l’image de la loi belge, après deux avertissements restés sans suite, pour recueillir des informations et exécuter les mesures prescrites par les lois, règlements et le ministre de l’Intérieur.

- la prise de décision par l’autorité de tutelle elle-même mais seulement dans des cas très limités, notamment en matière budgétaire.

L’intervention de l’autorité de contrôle dans le cas où une autorité locale manque à son obligation d’exercer sa mission trouve, aux Pays-Bas, sa source dans l’article 132-5 de la Constitution. Un commissaire spécial peut être nommé à titre provisoire en cas de manquement grave à ses responsabilités par l’autorité locale (par exemple si elle ne se prononce pas sur le budget).

S’il s’agit d’obligations prévues par des lois spéciales (relevant, en l’occurrence, du medebewind), celles-ci prévoient l’intervention en leur nom et à leurs frais d’autres autorités, “ hiérarchiquement supérieures ” ou non. Si l’assemblée ne prend pas les décisions requises en temps voulu, le maire ou les adjoints sont fondés à intervenir (art. 124 de la loi municipale). Si le maire ou l’assemblée manque à son obligation d’exercer correctement leurs fonctions, c’est le commissaire de la Reine ou, à défaut, les conseillers provinciaux qui deviennent compétents (art. 125). Ce dispositif comporte une lacune importante : les autorités locales ne peuvent, en la circonstance, saisir une instance judiciaire.

En Turquie, la substitution d’action n’est prévue que dans des circonstances très particulières, par exemple en matière d’urbanisme, lorsque le conseil refuse de réserver un terrain pour la construction d’un bâtiment ou l’exécution d’un service public.

Ainsi, sous des formes et des degrés divers, la “ substitution d’action ” est une forme de contrôle assez répandue, même si elle semble ne pas exister, en principe, dans certains pays, principalement dans les pays scandinaves (Danemark, Suède) et au Portugal. On notera toutefois qu’en Islande la loi municipale prévoit qu’en cas de non-exécution de ses obligations financières, un conseil local peut se voir substituer, temporairement, un organe spécial nommé par le Gouvernement. Il est intéressant de relever aussi que face à un responsable qui tarde à exécuter ses fonctions, le Gouvernement peut suspendre le versement des transferts et engager une procédure tendant à le condamner à payer une astreinte.

Très encadrée par la loi et destinée à porter remède à des dysfonctionnements temporaires, elle constitue un moindre mal par rapport aux destitutions d’élus ou aux dissolutions d’assemblées.

Une question reste ouverte : celle de savoir si elle peut s’appliquer aux compétences propres comme aux compétences déléguées ou seulement aux compétences déléguées. Le point commun semble être qu’elle doit être prévue par un texte spécial et ne doit viser qu’à réparer un trouble temporaire.

C) LA TUTELLE SUR LES PERSONNES : SUSPENSION ET DESTITUTION D'ELUS

Dans ce chapitre sera traitée la question des sanctions administratives susceptibles d’être infligées à un élu local à titre individuel.

Seront exclus naturellement les destitutions consécutives à des décisions de justice prononçant des condamnations incompatibles avec l’exercice de fonctions publiques.

1. La suspension.

Cette mesure consiste à priver temporairement un élu de la faculté d’exercer ses fonctions. Elle concerne le plus souvent l’élu local chargé de fonctions exécutives. La plupart du temps, il s’agit d’une mesure conservatoire.

Les rapports allemand et italien n’envisagent pas ce point. Par ailleurs, il semble que ce type de mesure ne soit pas possible à Chypre -“ même du fait des tribunaux ”-, en Espagne, en Finlande, au Portugal (sauf par le juge administratif) et en Suède.

Dans d’autres pays, la suspension est possible mais à l’initiative d’autres élus. C’est ainsi qu’au Danemark, un maire qui refuse d’accomplir ses fonctions peut, dans un premier temps, être remplacé par un autre membre du conseil ; ce n’est que s’il persiste que peut être envisagée une procédure de démission.

Dans les pays restant, la suspension par l’autorité de contrôle est explicitement prévue dans les textes et s’insère, en général, dans le cadre d’une procédure dont elle ne constitue qu’une étape.

En Autriche, ce type de mesure relève de la législation des Länder. Elle est possible vis-à-vis du maire (Bürgermeister) et des adjoints (Gemeindevorstand) dans les Land de Salzbourg, Styrie et Vorarlberg en cas de violation préméditée ou constituant une faute grave de la législation et des règlements. En Belgique, la suspension du bourgmestre et des échevins est possible pour trois mois maximum en vertu des articles 82 et 83 de la nouvelle loi communale.

La suspension d’un élu s’inscrit en France dans le cadre d’une procédure disciplinaire régie par l’article L.122-15 du code des communes. Cet article a été modifié par la loi de décentralisation. La suspension est l’une des sanctions possibles si le maire ou l’adjoint commet une faute dans l’exercice de ses fonctions ou commet des faits étrangers aux fonctions “ dont la nature et la gravité sont inconciliables avec celles-ci ”. A cela s’ajoute la possibilité de suspension “ en temps de guerre ” (L.124-5). Ces circonstances sont précisées par la jurisprudence administrative.

La procédure garantit les droits de la défense (audition de l’intéressé, indépendante de toute poursuite pénale, constitution d’un dossier, motivation de la décision). Si la suspension est décidée, elle ne peut excéder un mois ; elle peut faire l’objet d’un recours devant le juge administratif -mais non suspensif- ; elle ne vaut que pour les fonctions exécutives et ne fait pas perdre à l’élu sa qualité de conseiller municipal.

En Grèce, les sanctions à l’égard des élus locaux trouvent leur fondement dans la Constitution elle-même, laquelle prévoit des garanties : “ les sanctions disciplinaires de suspension et de destitution des organes élus des collectivités territoriales, excepté les cas entraînant la déchéance de plein droit, ne sont prononcées qu’après avis conforme d’un conseil composé en majorité de magistrats du siège ” (art. 102-5b). Les modalités sont précisées par les articles 168-173 du code municipal et les articles 19-20 de la loi 2218/94 en ce qui concerne les élus du deuxième niveau. La suspension peut être prononcée pour trois mois en cas de défaillance grave, d’excès de pouvoirs ou d’une grave omission involontaire.

Le conseil consultatif visé par le texte constitutionnel est composé, tous les deux ans, par un arrêté du représentant de l’État et comprend, outre des magistrats, un fonctionnaire du ministère de l’Intérieur et des représentants des catégories d’élus concernés. L’élu peut faire entendre sa défense devant le conseil dans les 10 jours de sa mise en accusation et le conseil doit donner son avis dans les 2 mois. L’arrêté de suspension peut faire l’objet d’un recours hiérarchique devant le ministre de l’Intérieur dont la décision peut elle-même être attaquée devant le Conseil d’État. Ces recours ont eux-mêmes un caractère suspensif.

La procédure de suspension se trouve aussi, enfin, au Luxembourg, aux Pays-Bas et en Turquie (depuis 1982). La suspension au Luxembourg peut concerner le bourgmestre ou un membre du collège échevinal “ pour inconduite notoire, faute ou négligence grave ” (art. 41 et 63 loi communale). Elle ne peut excéder trois mois sauf à être renouvelée par décision motivée. Il s’agit d’une décision discrétionnaire du Grand Duc ou du ministre de l’Intérieur. L’élu suspendu est remplacé au bout d’un mois. Aux Pays-Bas, la procédure de suspension n’est que la conséquence de la substitution (voir supra). En Turquie, le ministre de l’Intérieur, directement ou sur prescription du Gouverneur, peut suspendre les conseils ou les maires si une action judiciaire a été entreprise contre eux pour non-accomplissement de leurs fonctions. Le conseil est convoqué dans les 10 jours pour élire un autre maire à titre temporaire.

Cette procédure de suspension a également été introduite dans certains textes fondateurs des nouvelles démocraties de l’Europe centrale et orientale. C’est d’ailleurs son mode d’utilisation qui a provoqué l’intervention du conseil. On observera que ce n’est pas une disposition générale : une telle possibilité n’existe pas, en effet, dans la loi communale bulgare non plus d’ailleurs que le cas de destitution (sauf condamnation pénale naturellement mais il ne s’agit pas d’une intervention de l’autorité de tutelle). En Hongrie, la suspension des organes ne semble pas prévue non plus, de même qu’en Slovénie (même, apparemment, par une autorité judiciaire).

Les seuls cas qui doivent donc plus particulièrement retenir l’attention sont ceux de la Pologne et de la Roumanie.

En Pologne, la possibilité de suspension existe mais apparaît comme très exceptionnelle. S’il n’y a pas d’espoir de rétablissement d’une situation bloquée par le non-accomplissement de leurs responsabilités par les autorités locales élus, elles peuvent être suspendues pour 2 ans (ou avant s’il y a lieu à renouvellement, mais par le seul Premier Ministre). Auparavant, les autorités locales auront pu faire valoir leurs arguments devant le voïvode, elles auront été encouragées à apporter leurs propres solutions et le conseil (élu) de la voïvodie aura été consulté. La décision du Premier Ministre peut naturellement faire l’objet d’un recours juridictionnel.

C’est en Roumanie qu’il semble que la protection était la plus faible. Non prévues par la Constitution, suspension et dissolution étaient organisées par la loi n° 69-1991 sur l’administration publique locale adoptée avant la Constitution. Le préfet peut suspendre de ses fonctions le maire ou le conseiller dont il a demandé la démission (art. 34 et 41). Ce sont les raisons susceptibles d’être invoqués à l’appui de cette décision qui sont apparues le plus discutable à la délégation du Congrès en raison de leur imprécision : il suffit que l’élu “ contrevienne aux intérêts généraux de l’État ou viole l’ordre public ” ou “ compromette par mauvaise volonté les intérêts de la commune et de la ville ”. L’exécutif local peut aussi être suspendu par le préfet pendant le temps d’une enquête judiciaire (art. 46). Les mesures applicables au niveau communal sont également applicables au niveau départemental.

Ces objections sont, a fortiori, valables en cas de destitution.

2. La destitution.

Comme on l’a dit, la destitution est le point final d’une procédure dont la suspension n’est qu’un moment.

Il convient cependant de mentionner, au préalable, un autre cas qui obéit à un régime particulier qui est celui de la démission d’office. Celle-ci intervient soit à l’issue d’une décision de justice, soit pour sanctionner un certain nombre d’absences consécutives injustifiées. La cause peut être définie en nombre de séances ou en durée d’absence, en tout cas en fonction de critères objectifs. La démission elle-même peut être prononcée, selon le cas, directement par l’autorité de contrôle (France), par le conseil local (Portugal) ou par une instance judiciaire appelée, par l’un ou par l’autre, voire un simple citoyen, à constater l’inaccomplissement du mandat (juge administratif au Portugal). Quelques exemples en sont cités dans les rapports : en Belgique, un membre de la députation permanente de la province qui s’absente des séances pendant un mois consécutif peut être démis d’office par le Gouverneur.

De même, devra-t-on mettre de côté les situations où l’exécutif local étant nommé (Belgique au niveau provincial, Pays-Bas aux niveaux local et provincial), il peut être démis par son supérieur hiérarchique.

Les cas où un élu local peut être destitué par l’autorité de contrôle apparaissent donc en définitive assez limités. On rencontre cette possibilité de sanction ultime en Belgique, en France, en Grèce et en Roumanie.

En Belgique, bourgmestre et échevin peuvent être révoqués pour “ inconduite notoire ou négligence grave ”.34 La procédure est contradictoire. L’autorité appelée à prononcer la dissolution n’est pas l’autorité de contrôle ordinaire35 (en l’occurrence, les autorités régionales). Il s’agit, en ce qui concerne les bourgmestres, du Roi lui-même et, en ce qui concerne les échevins, du Gouverneur provincial, agissant sur avis conforme et motivé de la députation permanente du conseil provincial.

Les personnes destituées sont remplacées par leurs conseils respectifs (il n’y a donc pas substitution du pouvoir central). Elles sont inéligibles pour deux ans. Les recours sont possibles devant le Conseil d’État.

En France, la destitution, qui peut être prononcée avant ou après une suspension, est l’aboutissement de la procédure précédemment décrite mais alors que la suspension peut être prononcée par arrêté du ministre de l’Intérieur, la destitution requiert l’intervention solennelle d’un décret en Conseil des ministres. Elle entraîne l’inéligibilité pour une durée d’un an. Le Conseil d’État peut être saisi et il peut être appelé à prononcer un sursis à exécution.

En Roumanie, la destitution est prononcée par le Gouvernement, sur proposition du préfet.

Pour apprécier pleinement la partie de ces dispositions qui peuvent paraître exorbitantes et contraires à la lettre de la Charte, il conviendra de se référer à la pratique. On pourra constater ci-après que les cas de dissolution des conseils sont beaucoup plus fréquents que ceux de destitution d’un élu local, fut-il l’exécutif de la collectivité locale.

D. LA DISSOLUTION.

On observera d’abord que la liste des pays qui admettent la dissolution des conseils ne coïncide pas toujours avec celle des pays qui admettent la destitution ou la suspension de fonctions d’un élu.

La dissolution est possible dans des États qui n’admettent ni suspension, ni destitution : tel est le cas de l’Allemagne, de Chypre, de l’Espagne, de l’Italie, du Portugal.

En revanche, ce qui peut sembler paradoxal, la dissolution n’est pas possible en Belgique, pays qui admet pourtant la destitution.

En cas de refus des autorités locales (exécutif et conseil) d’accomplir leurs fonctions conformément à la loi, ils peuvent être démis en Allemagne par l’autorité de contrôle. La dissolution n’a cependant pas pour effet de faire perdre l’éligibilité pour les élections suivantes. Il n’existe pratiquement pas de cas.

Le droit de dissolution du conseil municipal figure dans la Constitution autrichienne (art. 119 a (7)) et la loi fédérale sur les collectivités locales (art. 10-1). Il peut intervenir dès lors que le conseil refuse d’exercer ses responsabilités (tant propres que déléguées) et dès lors que l’autorité de contrôle ne dispose pas d’autres moyens. Il peut être démis aussi en l’absence de quorum. Le droit de dissolution des conseils locaux appartient au Gouverneur du Land (Landeshauptmam) ou au gouvernement local (Landsregierung). Le conseil dispose d’un droit de recours hiérarchique devant le ministre fédéral de l’Intérieur puis, selon qu’il s’agit de compétences propres ou déléguées, devant la Cour constitutionnelle ou la Cour administrative.

La dissolution des conseils locaux est prévue par l’article 61 de la loi-cadre espagnole du 2 avril 1985 en cas d’inobservation des obligations constitutionnelles ou de gestion nuisible à l’intérêt général. Le pouvoir appartient au Conseil des ministres, sur demande ou avis de la Communauté autonome, après consultation de la Commission nationale de l’autonomie locale et avis conforme du Sénat.

En France, l’acte requis est du même niveau (décret en Conseil des ministres) mais il n’y a pas de procédure bien définie. Les circonstances peuvent être aussi bien des dysfonctionnements du conseil que l’impossibilité d’élire le maire et les adjoints, la perte d’autorité morale du conseil municipal, des circonstances exceptionnelles, etc...

La possibilité de dissolution est reconnue en Grèce par la loi tant pour les conseils du premier que du deuxième niveau. Celle-ci est prononcée selon une procédure semblable à celle qui s’applique pour la suspension de la destitution d’un élu. Pour le conseil local, un arrêté ministériel suffit (avec appel dans les 15 jours devant le Conseil des ministres) ; pour les conseils départementaux, un décret est nécessaire. Les autorités statuent au vu d’un rapport des autorités déconcentrées. Un recours suspensif pour excès de pouvoir peut intervenir devant le Conseil d’État.

En Italie, il existe deux voies de dissolution d’un conseil communal et provincial :

- par décret du Président de la République sur proposition du ministre de l’Intérieur (loi n° 142 de 1990 et décret-loi n° 81 de 1993) en cas de violation répétée de la Constitution et des lois ou lorsque le fonctionnement des autorités locales n’est pas assuré. Il est intéressant de noter que les cas énumérés par la loi font référence à des situations de fait dont celle où le maire a démissionné, est devenu incapable, a été renversé, ou lorsque le budget n’a pas été voté. Une délégation provisoire gère les affaires dans l’attente des nouvelles élections.

- sous la même forme mais en vertu de la loi sur le crime organisé (n° 55 de 1990 et 221 de 1991) qui autorise la dissolution d’un conseil suspecté d’être en relation ou sous l’influence d’une organisation criminelle.

Au Luxembourg, la dissolution est le remède ultime à un blocage. Prévue par l’article 107-3 de la Constitution, elle est prononcée par le Grand-Duc. De nouvelles élections sont organisées dans les trois mois. A Malte, la dissolution relève du Président de la République sur avis du Premier Ministre en cas de non-application persistante de la loi, d’absence de vote du budget ou de non-élection du maire.

La dissolution peut intervenir au Portugal en cas de dysfonctionnement politique ou administratif (absence de budget ou dépassement des limites permises quant à la part des dépenses de personnel dans le budget). Ce pouvoir appartient, en vertu de la loi, au Gouvernement central qui doit toutefois recueillir l’avis de “ l’organe délibératif de la collectivité de niveau supérieur ”.

Les cas de dissolution des conseils en Roumanie sont assez semblables à ceux qui rendent possibles la suspension ou la destitution des élus (violation de l’intérêt général et de la loi, action intentionnelle contre les intérêts de la collectivité). La dissolution est prononcée par le Gouvernement sur proposition du préfet.

En Turquie, enfin, un conseil local qui ne remplit pas ses obligations peut être démis par le Conseil d’État à la demande du ministre de l’Intérieur saisi par le Gouverneur. Les motifs peuvent également être tirés de dysfonctionnements purement administratifs (réunion en dehors des circonstances prévues par la loi) ou prises de position politiques.

On le voit, la dissolution des conseils est, en général, le dernier moyen mis à disposition des gouvernants pour faire cesser une situation de blocage. Son esprit a cependant beaucoup évolué depuis que les pays démocratiques les plus anciens l’ont institué. En France, par exemple, les dispositions remontent au XIXe siècle, à un moment où, en effet, la dissolution pouvait être une arme entre les mains du pouvoir central. Comme le fait observer M. Whoerling, elle n’est plus utilisée aujourd’hui que pour régler des dissensions internes aux assemblées et il peut arriver que le blocage soit organisé par des minorités politiques pour provoquer des élections anticipées.

On examinera, pour finir, plusieurs particularités qui ont été signalées dans les contributions nationales.

Certaines peuvent être qualifiées de “ techniques ”. A Chypre, par exemple, le seul cas possible de dissolution d’une autorité locale est celui où la population d’une collectivité est devenue inférieure à 400 habitants pendant trois ans (loi 111 de 1985).

Relèvent également de ces “ dissolutions techniques ” celles qui font suite à des modifications structurelles de la collectivité telle que la modification de ses limites. Le rapport polonais cite, par exemple, le cas de division d’une collectivité. Une disposition du code des communes français est également consacrée au cas de modification des limites territoriales des communes (art. L.112-20-1). Le rapport néerlandais évoque aussi ce point mais signale aussi la circonstance de “ réorganisation de la structure de l’administration décentralisée ”. La dissolution n’est ici qu’une conséquence d’un acte essentiel affectant la vie de la collectivité. Le problème est renvoyé au niveau de l’acte qui est à l’origine de cette réorganisation.

Doit être citée aussi, parmi les causes techniques ou “ objectives ”, la dissolution pour effectif insuffisant (moins de la moitié des conseillers en Italie, moins de la moitié et impossibilité d’arriver aux 2/3 en Roumanie par l’appel aux suivants de liste).

On signalera, enfin, les pays où la dissolution n’est possible que par une autre autorité que l’autorité de contrôle. Il s’agit la plupart du temps du législateur. Bien que le cas ne se soit pas produit, le rapport danois estime que la seule issue pour remédier à une situation de blocage qui résulterait de l’impossibilité totale d’un conseil d’assurer ses fonctions serait une loi organisant de nouvelles élections. L’intervention de l’Assemblée nationale est explicitement prévue en Slovénie pour le cas où le conseil n’adopterait pas le budget, ne siégerait pas ou se révélerait incapable d’accomplir ses fonctions pendant six mois. Cette procédure est également possible en Hongrie : dans le cas où une autorité locale ne respecterait pas la Constitution, le ministre de l’Intérieur peut suggérer au Gouvernement de soumettre une proposition de dissolution au Parlement qui décide, après avoir entendu le maire et consulté la Cour constitutionnelle. Le Président de la République doit alors nommer un commissaire provisoire et leur élection partielle doit être organisée dans les soixante jours. Depuis décembre 1994, les conseils locaux sont également autorisés à “ s’auto-dissoudre ”. En Pologne, existe aussi la procédure d’inspiration américaine du “ recall ” qui permet à la population de renvoyer un conseil par référendum.

L’examen des statistiques fournies permet de mesurer en partie l’impact de ces différentes législations et surtout la manière dont elles sont appliquées.

E. STATISTIQUES.

On se doit d’abord de signaler que les statistiques ne sont pas homogènes et qu’elles rendent, par conséquent, difficiles la comparaison.36

Une difficulté peut provenir aussi du fait que pour certains pays, les statistiques sont à la fois précises et abondantes ; il en résulte une transparence plus grande qu’il serait injuste de leur opposer. Enfin, il convient de se garder de focaliser sur les chiffres en valeur absolue et de se référer aux pourcentages en fonction du nombre d’élus.
La présentation est étroitement dépendante des matériaux fournis.

1. Procédures internes à la collectivité.

Le rapport complémentaire espagnol contient des statistiques très précises par communauté des cas de changement de maire intervenus entre 1991 et 1995. Ces changements ont été au nombre de 648 (pour 8.094 communes) dont les causes se répartissent ainsi :

- décès : 72,

- démission : 425,

- décision de justice : 20,

- motion de censure : 131.

On voit donc que cette dernière procédure est relativement fréquente.

Portugal : 6 destitutions par les conseils (5 au niveau communal, 1 au niveau des paroisses) entre 1988 et 1994.

2. Suspension ou destitution d’élus locaux.

Autriche : pas de statistiques.

Belgique : de 1989 à 1994 (dernière législature), 3 bourgmestres révoqués et 4 suspendus sur 589, soit 1 % environ en cinq ans.

France : aucune entre 1992 et 1994.

Grèce : “ pas pour l’instant ”.

Luxembourg : aucune depuis la guerre.

Norvège : pas depuis la guerre.

Roumanie : depuis les premières élections de 1992 :

- 50 maires suspendus par les préfets (sur 2.957),
- 133 destitués par le Gouvernement (4,8 %),
- 98 conseillers locaux révoqués (sur 40.178, soit 0,22 %).

Le rapport fait observer qu’en outre 264 maires ont démissionné.

Turquie : 80 maires depuis 1987, soit environ 2,7 % des 2.750 communes (dont 41 entre 1992 et 1994).

On observera, pour finir, que 28 élus locaux ont été démis à l’issue d’une procédure judiciaire au Portugal entre 1988 et 1994.

3. Dissolution.

Allemagne : pas de statistiques.

Autriche : pas fréquent (pas de statistiques).

France : concerne surtout les petites communes et la cause essentielle est l’absence de fonctionnement normal.

- de 1959 à 1970 : 240 conseils dont 198 de moins de 1.500 habitants et 132 de moins de 500,
- 45 entre 1992 et 1995 dont 35 de moins de 1.500 (dissensions internes) et 1 seule grande ville : Perpignan (soit 1,3 pour mille).

En ce qui concerne les conseils généraux, un seul a été dissous depuis 1959 (1974).

Grèce : aucune.

Hongrie : 1 entre 1990 et 1994 mais 15 auto-dissolutions en 1995.

Italie : 1er septembre 1990 au 31 décembre 1994.

En 4 ans, sur 8.090 municipalités et 95 provinces, 948 conseils ont été dissous, soit environ 11 % ce qui est considérable. Les causes se répartissaient ainsi :

- 510 en raison de la démission de plus de la moitié des conseillers,
- 280 n’étaient pas parvenus à élire le maire (avant la réforme de 1992 qui a institué son élection directe),
-  8 combinant les deux cas précédents,
- 34 absences d’approbation du budget,
-  8 violations répétées de la loi,
- 78 contacts avec “ crime organisé ”,
- 17 démissions, destitutions, incapacités, inéligibilités.

Au total, 86 dissolutions répondaient à des raisons d’ordre public (1 % des conseils).

Luxembourg : depuis 1988, 5 sur 11.

Malte : aucun depuis l’institution des conseils locaux en 1993.

Pologne : 12 en 4 ans (carence pour élire l’exécutif).

Portugal : depuis 1976, un conseil et un exécutif de paroisse et une “ camara municipal ” (exécutif) sur le continent. Une “ camara municipal  aux Açores (par le gouvernement régional).

Roumanie : 3 conseils (réduits à moins de la moitié).

Turquie : aucun.

4. Conclusions.

Au total, il apparaît que les procédures de dissolution, lorsqu’elles existent, ne sont utilisées que pour résoudre des dysfonctionnements avérés ou dans des circonstances très exceptionnelles.

Les seuls pays où elles prennent une véritable ampleur sont rares. Le cas de l’Italie se signale plus particulièrement par son pourcentage élevé (11 % en 4 ans) et surtout l’importance des dissolutions liées à des raisons d’ordre public. Ces dernières dissolutions, en dépit de leur caractère attentatoire aux libertés publiques, ne semblent pas faire l’objet de procédures présentant toutes les garanties, notamment du point de vue des droits de la défense. La situation mériterait peut être l’organisation d’une mission d’enquête pour y voir plus clair.

Pour ce qui est des suspensions et, a fortiori, des destitutions qui touchent au statut même de l’élu local et le “ libre exercice du mandat ” visé par l’article 7 de la Charte, les cas où l’utilisation de ses pouvoirs par l’autorité de contrôle peut sembler, sinon abusive, du moins mériter enquête, sont la Roumanie et, dans une moindre mesure, la Turquie.

Le cas de la Roumanie, qui a en grande partie justifié ce chapitre du rapport, apparaît fort heureusement isolé, notamment parmi les nouvelles démocraties de l’Europe centrale et orientale.

Cette sensibilisation n’aura pourtant pas été inutile puisqu’elle a provoqué une nouvelle forme de contrôle, ex officio, qui a été particulièrement fructueuse puisque le Gouvernement roumain s’est engagé dans la modification des dispositions législatives en la matière et, espèrons-le, des pratiques de ses préfets.

Sans doute ne serait-il pas inutile de demander quelques explications aux gouvernements italien et turc, voire de commissionner une délégation, en particulier en turquie, dont la législation ne paraît toujours pas compatible avec la Charte qu’elle a pourtant ratifiée.

Cette sensibilisation aura eu une autre utilité : celle de mettre en lumière des procédures habituellement oubliées et de souligner ce qui pourrait apparaître comme une lacune de la Charte.

En fait, et plusieurs avis concordants ont été fournis sur ce point, il n’existe pas de véritable lacune puisque l’article 7-1 traite du libre exercice du mandat. Le contrôle des personnes se trouve donc garanti par la lecture combinée de cet alinéa et de l’article 8. Il s’agirait donc moins d’une modification de la Charte que de son rapport explicatif afin de le rendre plus explicite sur ce point et fixer une sorte de “ doctrine interprétative ” du Congrès à l’usage des pays signataires ou candidats au Conseil de l’Europe.

Se trouveraient ainsi garanties :

- la légalité des procédures. Les pays pourraient ainsi être invités à mieux préciser les cas -s’ils souhaitent pouvoir recourir à ce type de mesures- d’application d’une dissolution, d’une suspension ou d’une destitution. L’opportunité de maintenir l’idée même d’une procédure de destitution “ administrative ” en quelque sorte pourrait aussi être mise en discussion ;

- la proportionnalité dans la définition d’éventuelles sanctions et leur application ;

- l’application du principe du contradictoire (impliquant la motivation préalable de la mesure proposée) à tous les stades de la procédure pré-contentieuse ;

- les garanties de recours juridictionnel. C’est dans ce cadre, nous semble-t-il, que devrait être traité le problème d’un éventuel sursis à exécution.

QUATRIEME PARTIE

LE CONTROLE SUR LES PERSONNELS

Si l'on se réfère au mandat confié au groupe de travail, il s'agit là à la fois d'un cas particulier d'application du contrôle sur les actes mais aussi d'un problème beaucoup plus vaste, qui mériterait un rapport à soi seul et qui est celui du statut des personnels des collectivités territoriales et de l'organisation de leurs services. On se bornera d'abord à un examen sommaire de la problématique statutaire avant de décrire les cas où le contrôle sur les personnes peut revêtir une dimension singulière.

I - L'ELABORATION DES NORMES RELATIVES AU PERSONNEL.

Comme nous le rappelions dans notre premier rapport sous l'article 6 (document précité p. 40), la nouvelle division entre les pays sépare ceux qui confèrent au personnel des collectivités territoriales un statut (Belgique, Grèce, Luxembourg, Portugal) et ceux qui donnent la préférence à des systèmes conventionnels plus ou moins encadrés par des dispositions législatives (pays scandinaves). Il peut arriver que certains pays combinent les deux procédures (Allemagne). Ceci apparaît davantage possible pour les personnels locaux que pour les personnels d'Etat, en raison de leurs caractéristiques propres : les ouvriers et employés y sont proportionnellement plus nombreux, c'est l'inverse pour les fonctions d'encadrement, les emplois à temps partiel sont également plus nombreux.

La participation des collectivités locales à la définition des règles est variable mais est en général faible.

L'autonomie de ces règles par rapport aux règles applicables aux employés du Gouvernement central apparaît indépendante du mode d'élaboration choisi.

Les pays du premier groupe (“ à statut ”) laissent le soin de définir le statut au législateur national, ce qui peut être considéré comme une garantie. Cette garantie 2est parfois de rang constitutionnel (France, Grèce, Portugal).

Plusieurs solutions peuvent se rencontrer en leur sein : certains pays adoptent un statut unique pour l'ensemble des fonctionnaires. Tel semble être le cas en Bulgarie, Grèce, en Hongrie, au Portugal (règles générales communes fixées par la loi et statuts particuliers fixés par décret), en Slovénie et en Turquie. Ce pays se distingue des autres en ce que la compétence appartient au Gouvernement central (avec une influence particulière du ministère compétent) alors que les règles communes relèvent dans les autres pays du Parlement. Telle est également l'intention affichée par la Constitution bulgare (article 116-2), mais pour l'instant, il semble que le pouvoir d'édiction des normes demeure entre les mains du Gouvernement, y compris pour les fonctionnaires municipaux qui auraient le statut de fonctionnaires d'Etat selon la loi administrative locale (article 47).

La France essaie de trouver un équilibre entre la nécessaire "comparabilité" des statuts d'Etat et territoriaux et la non moins nécessaire “ spécificité ” de ces derniers. Une loi du 13 juillet 1983 définit des "droits et obligations" communs, mais le statut des fonctionnaires territoriaux fait l'objet d'une loi distincte (loi du 26 janvier 1984). Tel est le cas aussi au Luxembourg (loi du 24 décembre 1985). Il semble que la situation soit assez semblable en Autriche où bien que jouissant de garanties comparables à ceux des fonctionnaires de l'Etat, les fonctionnaires municipaux sont régis par des lois distinctes. La compétence à cet égard revient en priorité aux Länder, sous réserve de quelques pouvoirs laissés à la Fédération.

Une répartition des normes duales existe aussi dans les autres Etats fédéraux ou régionaux. En Allemagne, il existe un statut fédéral unique (loi-cadre) qui a vocation à être complété par les Länder, mais les fonctionnaires municipaux ne bénéficient pas de lois spéciales. On trouve une construction identique en Espagne : la loi de l'Etat du 2 avril 1985 s’impose en principe ainsi que les dispositions régissant les fonctionnaires de l'Etat. Les communautés autonomes peuvent compléter ces lois. Il semble que les fonctionnaires municipaux, dans ce cadre général, bénéficient de lois spécifiques.

Avec l'Italie, il semble que l'on entre dans une catégorie "mixte", puisque le statut des fonctionnaires locaux et régionaux relève à la fois d'une loi de l'Etat, mais spécifique (n° 142 de 1990) et d'une convention collective nationale signée par les syndicats et une Agence chargée de représenter les autorités créée par une loi n° 29 de 1993.

En Pologne, il existe aussi une loi particulière sur les services du Gouvernement local depuis 1990 mais, pour le surplus, c'est le code du Travail qui s'applique.

Le cas des Etats scandinaves est intéressant car il n'est pas homogène. Les solutions retenues représentent toute une série de nuances entre la mixité et le système conventionnel, voire privé. La Norvège possède un cadre législatif au sein duquel peuvent être passées des conventions collectives.

La Finlande distingue, comme le Danemark, entre les personnels “ fonctionnaires ” et employés ou ouvriers. Le statut des ouvriers et employés relève de la négociation collectivité. Les “ fonctionnaires ” bénéficient d'une protection particulière, jouissant de la stabilité de l'emploi (ils ne peuvent faire grève au Danemark). La raison en est qu'ils exercent des prérogatives de puissance publique. Leur statut a été longtemps fixé par une loi à l'instar de ce qui existait pour les fonctionnaires de l'Etat. La loi municipale de 1995 a considérablement allégé les mesures d'ordre législatif. Les règles relèvent donc désormais en grande partie des conseils locaux mais ceux-ci suivent de fait le modèle mis au point par le Bureau des agents municipaux, service semi-autonome de l'Union des municipalités de Finlande. Les enseignants conservent cependant un statut législatif assez précis Le statut des ouvriers et employés relève de la négociation collective.

Le statut des fonctionnaires municipaux au Danemark (100.000 sur 380.000) est fixé selon la même procédure que les employés même s'il comporte des garanties supérieures 37. L'ensemble de ces questions est délégué par l'article 67 de la loi sur l'autonomie locale au Bureau des salaires des autorités locales danoises, créé en 1969. Nommés par le ministère de l'Intérieur, les membres de ce Bureau représentent les municipalités et les comtés et jouent un rôle de coordination des employeurs locaux ou régionaux dans les négociations avec les syndicats. Depuis le 21mai 1990, il doit être obligatoirement consulté avant tout changement dans les règles et conditions de travail.

La Suède a accompli une évolution encore plus nette vers la "privatisation" des règles applicables aux personnels locaux. Une loi de 1954 a consacré le principe de la négociation collective nationale, puis locale, et très peu de dispositions législatives s'appliquent (seulement celles sur les conflits du travail).

En Islande, le principe semble être la fixation des règles par les autorités locales. Cela semble être le cas aussi en Belgique (sous réserve de quelques dispositions législatives, notamment au plan pécuniaire), à Chypre et aux Pays-Bas, (où existent cependant des éléments de législation, mais après consultation des associations nationales) et en Roumanie (où aucune législation en la matière n'a encore été prise).

Au total, les situations apparaissent ainsi très contrastées mais le domaine du personnel est sans aucun doute l'un de ceux où la liberté locale est la moins grande. Les collectivités locales agissent ici en effet comme employeurs et elles se doivent de respecter soit les garanties propres aux agents publics soit, au minimum, le droit du travail. Ce qui crée la différence, c'est l'auteur de la limitation de cette liberté. Si cela peut être le pouvoir central, on peut constater à travers les exemples cités qu'il s'agit le plus souvent, comme le souhaite la charte, du législateur national, et l'on sait l'influence qui peut être celle des grandes associations d'élus pour la détermination de son orientation. Ce peut être, et de plus en plus semble-t-il, en raison d'un mouvement vers la privatisation des services publics qui touche nécessairement les collectivités locales, les organisations syndicales, qui sont, dans les Etats où elles sont fortes, un puissant levier d'unification des règles.

Enfin, il convient de prendre avec prudence les affirmations selon lesquelles ce sont les autorités locales qui fixent en principe les obligations applicables aux personnels. Dans la plupart des cas, il s'agit de pays où le contrôle est demeuré fort -par exemple en Belgique, l'approbation par les régions- ou bien, en tout cas, dans lesquels les règles adoptées doivent être soumises au pouvoir central ou à ses représentants (Chypre, Pays-Bas par exemple).

Au-delà des règles de contrôle habituelles sur les actes, il convient de prendre en compte un certain nombre de moyens par lesquels la politique du personnel des collectivités locales peut être affecté, directement ou indirectement par des éléments extérieurs.

II - LE CONTROLE EXERCE SUR L'ORGANISATION DU SERVICE, LE RECRUTEMENT ET LA GESTION DES PERSONNELS

A) LA FACULTE D'AUTO-ORGANISATION

Celle-ci est, en principe, assurée.
Il est clair en particulier que la collectivité locale possède, en général, la liberté de recrutement, c'est-à-dire la liberté de choix de la personne sous réserve de respecter certaines prescriptions destinées, dans certains Etats, à assurer l'égalité d'accès à la fonction publique, fut-elle locale ou régionale (examens ou concours).

La liberté d'organisation des services, si elle est également souvent affirmée, peut cependant se heurter à des obstacles :

Il existe dans certains pays des limitations de droit ou de fait à travers ce que l'on appelle, selon les cas, la nomenclature ou l'échelle des emplois. Le nombre et la répartition des types de postes peuvent se trouver imposés. Ce peut être officiellement, par des dispositions législatives (cas de l'Allemagne ou de l'Italie notamment en vertu des articles 3-5 de la loi 537 de 1993 et 22 de la loi n° 724 de 1994), ou même réglementaires (Bulgarie), plus discrètement, par des conventions collectives (le Bureau des salaires des autorités locales danoises peut ainsi "suggérer" un nombre particulier d'emplois d'avancement) ou par des circulaires que l'autorité impose par le biais de son pouvoir de contrôle sur les actes, surtout si elle dispose d'un contrôle d'opportunité (France avant la décentralisation, Belgique ou Pays-Bas aujourd'hui). En Grèce, l'organisation des services communaux (mais pas celle des services départementaux) doit également être approuvée par le représentant de l'Etat.

La plupart du temps, il s'agit d'influences indirectes qui appellent une connaissance très précise du fonctionnement concret des collectivités locales et régionales dans chaque pays.

B) LES CONTROLES INDIRECTS.

1. Le biais financier.

De nombreux rapports attirent l'attention sur les contraintes financières qui pèsent sur les collectivités territoriales et sur les moyens dont disposent les Etats (notamment autrichien, belge, hongrois et turc) à travers, en particulier, les mesures de transfert pour les atténuer ou les aggraver (par exemple en transférant, comme en Turquie, en 1994, le paiement des retraites des fonctionnaires locaux aux municipalités).

Les dépenses de personnels sont à la fois les plus rigides, car répétitives, et celles qui pèsent le plus sur les budgets locaux.

Ce sont aussi celles qui sont les plus volontiers remises en cause dès lors que des mesures de redressement financier s'avèrent nécessaires (par exemple pour atteindre les fameux critères de convergence de Maastricht en réduisant les déficits publics). Le rapport belge parle à cet égard de "diversification de la notion d'autonomie communale selon l'état des finances de la commune".

Des normes en pourcentage existent à cet égard, qui peuvent être déterminantes, par exemple pour évaluer les capacités d'emprunt (Espagne). Ces normes sont officielles au Portugal. En vertu du décret-loi n° 116 de 1984, les dépenses de personnel permanent ne peuvent dépasser 60 % des recettes courantes de l'année précédente. Un conseil qui dépasse cette règle s'expose à être dissous.

Il va de soi que ce contrôle est d'autant plus fort que l'ensemble du budget doit être approuvé (Chypre).

Un autre moyen réside dans la politique des salaires qui est souvent fixée nationalement quelle que soit l'administration dans laquelle sert le fonctionnaire. C'est une première limitation au recrutement. Elle peut s'aggraver de ce que les gouvernements centraux s'autorisent souvent des libertés pour leurs propres fonctionnaires, qu'ils contestent aux autorités locales. Il en résulte des disparités aux dépens des fonctionnaires territoriaux, qui expliquent en partie les plus grandes difficultés, en général, de recrutement de personnels de qualité au niveau local. Ces disparités sont notamment signalées dans les rapports bulgare et hongrois.

2. Le problème posé par l'existence de fonctionnaires d'Etat au sein de certaines administrations locales.

Il s'agit là d'un problème spécifique soulevé par l'expert italien M. Massimo Balducci et qui a attiré effectivement l'attention sur l'existence, dans certains pays, de fonctionnaires ayant le statut de fonctionnaires d'Etat au sein même d'administrations locales ou régionales.

Cette existence peut être choquante en soi. Elle n'entraîne pas cependant par elle-même d'atteinte à l'autorité locale. Elle n'est problématique que dans la mesure où l'appartenance de tel fonctionnaire à l'administration d'Etat, qui plus est lorsqu'il est chargé de certaines fonctions de contrôle, peut induire des comportements néfastes à l'autorité locale.

Cette particularité existe à des degrés divers en Espagne, Italie, France, Pays-Bas. Elle a été étendue à plusieurs pays d'Europe centrale ou orientale (Roumanie).

Ces fonctionnaires exercent souvent des fonctions essentielles pour la collectivité locale : exécutif aux Pays-Bas (aux deux niveaux) ; en Belgique et en Turquie (au niveau provincial et départemental), secrétaire, chef du personnel en Italie, secrétaire du conseil en Espagne, en Hongrie, en Roumanie, contrôleur-comptable et trésorier en Espagne, comptable en France (percepteurs et receveurs municipaux), et en Pologne. Certaines fonctions locales impliquent aussi l'emploi de fonctionnaires à statut d'Etat, par exemple en matière éducative (Finlande ou Pologne).38
Le rapport bulgare cite opportunément, nous semble-t-il, en cette période où la répartition des propriétés n'est pas achevée, les fonctionnaires du domaine public qui dépendent du ministère des Finances. Ce fut longtemps considéré en France (jusqu'à la décentralisation qui a supprimé le caractère obligatoire de leur estimation) comme une tutelle indirecte, car ce sont ces fonctionnaires qui fixent le prix des biens appartenant aux personnes publiques.

Le rapport espagnol fait observer que les contrôles effectués par le secrétaire ou le contrôleur sont de pure légalité ou régularité comptable. L'attitude pointilleuse du comptable est parfois ressentie comme un frein (France), mais il a aussi une fonction de protection. L'ordonnateur de la dépense a cependant la possibilité de le "réquisitionner" (de l'obliger à payer), mais il engage alors sa propre responsabilité.

Si l'exécutif aux Pays-Bas n'est pas soumis au Gouvernement central dans l'exercice de ses fonctions propres (au titre de la collectivité locale ou régionale), il est néanmoins tenu de notifier au préalable les décisions locales, qui violent la loi ou lèsent l'intérêt général. Il peut le faire avec plus ou moins de zèle.

En Roumanie, le statut du secrétaire du conseil local, quelle que puisse être la qualité des hommes, est un élément de fragilité pour l'autonomie locale. Il est nommé et démis par le préfet et doit donner un avis sur les projets de décision du conseil (article 47 à 49 de la loi 69 de 1991). Il en allait de même jusqu’à présent du secrétaire du conseil de judet nommé, lui, par le service de l'administration publique. Ni l'un ni l'autre ne peuvent cependant, en principe, exercer de contrôle d'opportunité (le secrétaire devrait être nommé à l’avenir sur proposition du Conseil).

Le rapport suédois mentionne l'élément de fait qui peut résulter, par exemple, des relations professionnelles qu'entretient naturellement l'architecte de la commune avec son correspondant de l'administration d'Etat, notamment lorsqu'il doit lui notifier des plans détaillés des projets dans le cadre de la loi de 1987 sur la planification des sols et la construction.

C'est cependant en Italie que le comportement du secrétaire semble déboucher sur les situations les plus critiquables du point de vue de l'autonomie locale.

Il peut avoir des conséquences d'abord sur la définition des règles applicables au personnel qui dépend de lui et non du maire(en vertu de l'article 51 de la loi 142 de 1992). Bien souvent, il est seul à posséder les compétences techniques nécessaires. M. Balducci fait remarquer qu'en Italie, 78 % des municipalités ont moins de 5.000 habitants. En outre, il semblerait que le ministère de la Fonction publique tende à donner à ce fonctionnaire toujours plus de responsabilités en matière de gestion du personnel (loi 537 de 1993, article 3 paragraphe 5).

D'une manière générale, le fonctionnaire du ministère de l'Intérieur occupe une position stratégique puisqu'il doit contrôler a priori tout projet de décision du conseil local ou provincial et y apposer sa signature. Outre qu'il peut être tenté de différer l'application des nouveaux textes, soit par routine, soit en ajoutant sa propre interprétation, il est comme paralysé par la crainte de ne pas contrôler aussi bien les actes des autorités locales ou provinciales que le souhaiterait son supérieur hiérarchique -lequel est, on le sait, dépouillé d'une grande partie de ses anciennes prérogatives vis-à-vis de ces mêmes autorités.

Il semble qu'alors que l'on espérait qu'une loi particulière définirait de nouvelles conditions de recrutement plus en accord avec l'esprit de la loi de juin 1990, le ministère de l'Intérieur s'apprêterait à procéder à des recrutements massifs selon les anciens standards pour combler les vacances.

CONSIDERATIONS FINALES

Les différents champs d'étude ouverts au présent rapport pouvaient sembler assez hétérogènes puisqu'ils concernaient aussi bien l'organisation administrative que la législation ou le fonctionnement concret des relations entre les autorités centrales ou régionales et les autorités locales, principalement.

Au total, c'est en fait un vaste pan de la législation relative à l'autonomie locale qui s'est trouvé concernée et il a été possible d'effectuer une lecture transversale de la charte, en quelque sorte, permettant de vérifier l'application de plusieurs de ses articles. Ainsi a pu être mise à jour la nécessité d'interprétations nouvelles.

Plutôt qu'une obsolescence des dispositions de la charte, ce sont plutôt ses potentialités qui ont été mises en valeur. Ainsi, alors que l'on pouvait craindre que la charte ait négligé la protection des personnes, il peut sembler assez clair à la lecture de ce rapport que les dispositions combinées des articles 8 et 7.1 (le cas échéant rapprochées de la convention européenne des droits de l'homme) répondent assez bien aux exigences que l'on pouvait ressentir et forment un socle suffisant pour actualiser le commentaire explicatif.

La deuxième constatation porte sur la méthode du suivi et du contrôle de la Charte. Bien que lourde, elle permet de réunir un très grand nombre d'informations -ce qui explique d'ailleurs le volume inhabituel du rapport. Des aspects négligés sont ainsi mieux apparus à la surface : organisation des autorités responsables du contrôle, dispositions et pratiques relatives au contrôle des élus locaux et des personnels. Ces informations ont permis de vérifier certaines constatations pathologiques, mais aussi de les relativiser. Elles apparaissent plutôt -et fort heureusement- comme des exceptions ponctuelles, ce qui devrait permettre de mieux les stigmatiser et opérer -ce qui a déjà été entrepris- certaines réorganisations.

Le troisième point notable par rapport au rapport précédent est qu'il a été possible de faire un pas vers l'approfondissement du contrôle. Des statistiques, des observations sur le comportement, une enquête ex officio du Congrès sont venues donner un contenu nouveau au contrôle. Il n'est donc pas interdit d'en tirer quelques conséquences pour l'avenir.

Le mode de contrôle actuel doit sans doute être poursuivi. Il est essentiel à cet égard de conforter le groupe d'experts afin qu'un courant d'échanges spontané se développe et s'approfondisse. Sans doute faut-il songer cependant à compléter cette forme "classique" par des missions ponctuelles organisées à l'initiative du Congrès, afin de recueillir sur place témoignages et renseignements. Il serait nécessaire que ces rapports et enquêtes débouchent, le cas échéant, sur des observations à tel ou tel membre de manière à montrer que la ratification de la charte ou même la mise en conformité la législation avec elle ne suffisent pas une fois pour toutes. Il s'agit d'une exigence permanente. Cette prise de conscience doit plus particulièrement concerner les plus anciens membres -dont on peut souhaiter qu'ils poursuivent jusqu'au bout des processus de ratification parfois interrompus, car il importe désormais que les principes auxquelles les nouvelles démocraties font référence puissent faire l'objet d'une application exemplaire chez ceux-là même qui les ont inspirés.

 

1 MM. VAN CAUWENBERGHE, président, DE SABBATA, Sir Duncan LOCK, MM. ONISEI, SOWINSKI, TCHERNOFF.

2 La Charte, en vertu de l’article 13, peut s’appliquer aussi bien aux collectivités régionales qu’aux collectivités locales désignées par l’Etat partie.

3 C.G. (1) 3 - Partie II et Annexe du 4 mai 1994.

4 Allemagne, Autriche, Belgique, Chypre, Hongrie, Italie, Liechtenstein, Luxembourg, Norvège, Pays-Bas, Pologne, Portugal, Suède.

5 MM. SCHACHI (Suisse), président, (M. VAN CAUWENBERGHE ne faisant plus partie du congrès en raison de problèmes de désignation propres à la Belgique), MM. CEPAS (Lituanie), DE SABBATA (Italie), Mme DOGANOGLU (Turquie), M. ENGEL (Allemagne) -élu vice-président lors de la réunion du 7 décembre-, MM. FRECON (France), PANDELIDES (Chypre), SWANN (Royaume-Uni) -l’un et l’autre malheureusement décédés depuis- et TOMEY GOMEZ (Espagne), membres de la Chambre des pouvoirs locaux auxquels il convient de joindre M. oNisei, membre de la Chambre des régions, au titre du groupe de travail précédent.

6 Où existe, au sein du ministère de l’Intérieur, une “ direction générale des collectivités locales ” (DGCL).

7 A la suite de la réforme de 1994, le mot “ préfet ” désigne l’exécutif élu du département. Le représentant de l’Etat s’appelle désormais “ directeur départemental ”. Au niveau régional, il a le titre de secrétaire général de la région.

8 Depuis 1994, les 8 “ commissaires de la République ” ont vu leurs pouvoirs transférés aux 20 bureaux administratifs de comté.

9 Le rapport suédois note à ce sujet que les ministères sont assez souvent accusés, notamment au Parlement, de pratiquer le “ gouvernement ministériel ” (ministerstyrelse).

10 Il ne s’agit ici que de désigner les autorités. Leurs moyens d’intervention et les conséquences de celle-ci sont renvoyés à la deuxième partie.

11 Sous réserve des tâches de coordination qui leur sont confiées (conseils de judet en Roumanie par exemple).

12 L’ensemble de ces points sera abordé dans la deuxième partie.

13 Il est arrivé que le Gouvernement “ sollicite ” son article 101 où il est dit que le Gouvernement “ exerce la direction générale de l’administration publique ”.

14 En fait, dans ce dernier pays, la quasi-unanimité des communes et comtés recourt à une société affiliée à l’association des autorités locales.

15 On rappellera que la Belgique a signé mais n’a pas encore ratifié la Charte.

16 Le Gouvernement turc n’a fait aucune réserve concernant l’article 8.

17 Cette dernière expression est parfois critiquée mais elle n’est pas, en l’occurence, incorrecte puisque la relation entre le titulaire de la compétence déléguée et l’autorité locale bénéficiaire de la délégation est bien une relation de nature hiérarchique. Il en va tout autrement lorsque l’autorité (qui ne peut être cette fois que de contrôle) se trouve en présence d’un acte pris dans le cadre d’une compétence propre.

18 En fait, ce qui est en cause, ce n’est pas tant l’autorité chargée du contrôle que les effets qui sont attachés à la surveillance qu’elle exerce.

19 L’obligation d’équiliber le budget n’a été formulée qu’assez tard (1981).

20 France ou Espagne. Il ne serait pas anormal de préciser à cet égard, par souci de réalisme et compte tenu de l’importance que prend désormais la lutte contre les déficits publics, dans le commentaire de l’article 8 que le contrôle d’opportunité “ ne peut subsister, à titre exceptionnel, que dans la stricte mesure nécessaire à la réduction des déficits publics locaux ”.

21 Mais où il ne paraît pas être ressenti de la même manière. Il s’agit davantage d’un contrôle comptable formel. La situation est semblable en France même si le législateur de 1982 a jugé utile d’instaurer, pour mettre fin à d’éventuels abus du comptable, un droit de réquisition au profit de l’exécutif local élu.

22 Cette loi substitue en particulier un contrôle a posteriori au contrôle a priori qui existait jusque là pour le budget local.

23 Il semble que l’on attribuait auparavant une grande importance à la distinction entre la compétence générale des collectivités et les compétences spéciales attribuées spécifiquement par une loi, lesquelles donnaient lieu à des prescriptions et à un contrôle très précis des ministères concernés.

24 Les actes des exécutifs ne sont transmis que si un certain pourcentage du conseil le demande.

25 Des délais ont été introduits ensuite pour certains actes relatifs au personnel, les autorisations de démolir et les délégations de service public (ce dernier cas sous l’influence des normes de l’Union européenne).

26 Le représentant de l’État peut également être saisi par un citoyen concurremment au droit de saisine direct des tribunaux que celui-ci possède. En Autriche, il s’agit d’un véritable droit de recours (art. 119a (5) de la Constitution) qui est appelé “ vorstellung ”.

27 Contre d’éventuelles sanctions. Il s’agit alors des tribunaux ordinaires puisqu’il n’existe pas de justice administrative au Danemark.

28 On rappellera que sous ce vocable se trouvent non seulement les autorités locales au sens strict (niveau communal) mais aussi les deuxièmes niveaux de collectivités locales lorsque celles-ci ne sont pas dotées de prérogatives étatiques et peuvent être l’objet, par conséquent, de mesures de contrôle ou de tutelle de même nature que celles que sont amenées à subir les autorités locales au sens strict.

29 Points 2 et 3 du compte-rendu du 6 décembre 1994 (CG/gt. chart (1) 2.

30 Voir le commentaire de notre premier rapport (Annexe au document CG (1) 3 du 4 mai 1994, p. 31).

31 Ce qui signifie que l’existence d’exécutifs fonctionnaires mais agréés par les conseils (Pays-Bas ou, dans une moindre mesure, certains Länder allemands) n’est pas stricto sensu, contraire à la lettre de la Charte.

32 Mais il est arrivé que celle-ci le fasse en cas de perte de confiance.

33 Rapport relatif à la démocratie locale en Roumanie par M. De Sabbata n° CG (2)5 Partie II du 24 mai 1995.

34 Par exemple, le refus d’assistance à l’autorité judiciaire.

35 Au point que M. de Bruycker suggère de distinguer le “ pouvoir de surveillance ” qui ne s’exercerait que sur les organes et le “ pouvoir de tutelle ” qui ne s’exercerait que sur les actes.

36 On doit cependant noter que la traduction anglaise ne distinguait pas clairement entre “ les conseils ” et “ les élus ” (tous deux traduits par “ bodies ”), ce qui a pu entraîner certaines incompréhensions des demandes statistiques.

37 Une loi en vigueur depuis le 1er septembre 1995 protège notamment le fonctionnaire local qui entend être candidat à une élection ou exerce un mandat politique ou syndical.

38 Naturellement, il convient de mettre de côté les nombreux fonctionnaires d’Etat détachés ou mis à disposition des collectivités locales par choix personnel (40 % des personnels travaillant pour les provinces sont, en Belgique, de statut d’Etat ou régional).