Rapport sur la situation de la démocratie régionale en Finlande - CPR (6) 2 Partie II
Rapporteur: Josef LEINEN (Allemagne)
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EXPOSE DES MOTIFS
I. Résumé général
1. La Finlande est un pays doté d’une forte et longue tradition d’autonomie locale. Bien qu’elle n’ait pas participé à l’élaboration de la Charte européenne de l’autonomie locale, car elle n’est devenue membre du Conseil de l’Europe qu’en 1989, elle a signé et ratifié cette convention très peu de temps après son adhésion au Conseil de l’Europe. La signature a eu lieu le 14 juin 1990 et la ratification a été menée à bonne fin le 8 juin 1991, ce qui montre l’importance que la Finlande accorde aux principes énoncés dans ce texte.
2. A l’heure actuelle, la Finlande compte 452 communes, dont la situation ne pose aucun problème particulier pour ce qui est des normes européennes définies par le Conseil de l’Europe. La situation régionale est, en revanche, moins claire et peut, dans une certaine mesure, demander à être évaluée à la lumière des normes européennes en matière de démocratie et d’autonomie. C’est pourquoi le Bureau du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux de l’Europe (CPLRE) a décidé, conformément à la Résolution 31 (1996) du CPLRE, de nommer un rapporteur spécial sur la situation de la démocratie régionale en Finlande, en la personne de M. Josef Leinen, membre de la Chambre des régions du Congrès. Il s’est rendu en Finlande les 29 et 30 septembre 1998, en compagnie de M. Nicolas Levrat, expert suisse, et de M. Ricardo Priore, administrateur au sein du secrétariat du Conseil de l’Europe. Le rapporteur a établi, en coopération avec l’expert, un avant-projet de rapport qui a été envoyé au Gouvernement finlandais et a servi de point de départ pour les discussions menées lors de la deuxième visite de la délégation en Finlande, du 23 au 25 février 1999.
3. S’agissant de la structure territoriale des pouvoirs régionaux, le rapporteur partage l’opinion des représentants du gouvernement finlandais, pour lesquels cette structure ne se traduit pas, à l'heure actuelle, par de véritables régions (voir les paragraphes 11 à 25 pour une description détaillée de la situation juridique et politique actuelle). En vertu de l’article 13 de la Charte européenne de l’autonomie locale, les dispositions de cet accord s’appliquent aux entités territoriales appelées régions en Finlande1. A la lumière de ces considérations, le dispositif institutionnel actuel, à l’échelon régional, se révèle être satisfaisant, tant que les conseils régionaux font uniquement figure de «syndicats intercommunaux» et non d’institutions d’autonomie régionale à part entière. On ne peut observer en Finlande aucun manquement majeur aux règles démocratiques concernant le niveau régional. Pour être maintenue, une telle conclusion exige toutefois que le champ de compétence des «conseils régionaux» demeure strictement limité. Si cet échelon de pouvoir se voyait reconnaître ou déléguer des compétences ou des responsabilités accrues concernant l’allocation de moyens financiers, il serait nécessaire d’étudier en détail la question de la régionalisation en Finlande, en tenant dûment compte des principes fondamentaux de la démocratie en Europe.
Remarque générale:
La question de la démocratie et de l’autonomie régionales concerne aussi naturellement la situation des îles d’Aland. Toutefois, étant donné que ces îles jouissent, d’une part, d’un statut particulier reconnu en droit international, et font, d’autre part, l’objet d’une législation spécifique en Finlande (loi 1144 sur l’autonomie des îles d’Aland, 16 août 1991), les questions soulevées et examinées dans le présent rapport concernent la situation générale de l’administration régionale en Finlande, à l’exception du régime particulier de l’archipel d’Aland.
II. Visites d’une délégation du CPLRE
(septembre 1998-février 1999)
4. Comme on le voit d’après le programme de la visite du rapporteur spécial du CPLRE effectuée les 29 et 30 septembre 1998 (voir annexe I), la délégation a eu l’occasion de rencontrer des représentants des différentes parties concernées, à un haut niveau. Des discussions ont eu lieu avec de hauts responsables de l’Association finlandaise des pouvoirs locaux et régionaux, dont M. Jussi-Pekka Alanen, administrateur délégué de l’association. La délégation a eu l’occasion d’assister à la Conférence annuelle des présidents et administrateurs délégués des conseils régionaux finlandais (à Gustavelund). Les membres de la délégation ont pu mieux comprendre les relations entre ces «représentants régionaux» et l’Association finlandaise des pouvoirs locaux et régionaux, d’une part, et le ministère des Affaires administratives, d’autre part. Le ministre des Affaires administratives, M. Jouni Backman, a fait une allocution à la Conférence des présidents et administrateurs délégués des conseils régionaux finlandais et les membres de la délégation ont eu ensuite la possibilité de discuter des questions liées à la gestion des régions avec de hauts fonctionnaires de ce ministère.
5. S’agissant de définir un échelon administratif régional, il semble que les questions ci-après ne soient pas encore définitivement réglées:
– concernant la taille des régions, le nombre préconisé varie entre les 19 «syndicats intercommunaux», créés au niveau dit régional et cinq, sur la base de la nouvelle structure (établie depuis le 1er septembre 1997) d’administration et de conseils régionaux;
– concernant leurs compétences, les conceptions varient, allant d’un transfert de certaines compétences des pouvoirs locaux (c’est ce qui est actuellement envisagé pour la coopération intercommunale dans le chapitre 10 de la loi finlandaise sur l’administration locale du 17 mars 1995 (dénommée ci-après LFAL – article 76), à des compétences spécifiques attribuées par la loi (comme c’est le cas, par exemple, de l’article 3 de la loi finlandaise sur le développement régional du 17 mars 1994 (ci-après dénommée LFDR), qui confie la responsabilité du développement régional à un «conseil régional» ou à un organe collectif d’exécution des fonctions administratives, en coopération avec les ministères spécialisés;
– en outre, le lien de ces pouvoirs régionaux avec l’administration centrale (ou bien leur obligation de remplir des fonctions gouvernementales) et les communes situées sur leur territoire (les syndicats intercommunaux» sont à présent constitués de représentants des communes membres, selon les articles 81 et 82 de la LFAL») est également une question qui fait l’objet de discussions;
– le financement de l’administration régionale est aussi une question qui fera l’objet de futurs débats. A l’heure actuelle, les régions n’ont apparemment aucune ressource propre (elles n’ont pas le droit de lever des impôts). Selon la conception de la «région» qui prévaut, les autorités régionales reçoivent des fonds des communes lorsqu’elles remplissent leurs fonctions dans le cadre d’une coopération intercommunale (voir article 83 de la LFAL) ou de l’Etat si elles doivent assumer des responsabilités gouvernementales à leur niveau territorial. Toutefois, selon l’article 6 de la loi sur le développement régional, les conseils régionaux jouent un rôle important dans l’attribution des fonds de développement régional émanant du budget de l’Etat ou de subventions européennes. A cet égard, on a pu observer ici une contradiction entre l’importance des conseils régionaux dans l’attribution de ces ressources et la faiblesse de leur légitimité démocratique.
6. Les interlocuteurs du rapporteur du CPLRE ont exposé ouvertement des points de vue divergents sur la situation de la démocratie régionale en Finlande; cette première visite n'a donc pas permis au rapporteur de se faire une opinion tranchée sur le sujet. Il a été proposé, et convenu, que le rapporteur, avec l'aide d’un expert et du secrétariat du Conseil de l’Europe, établirait un avant-projet de rapport dans lequel il exposerait sa perception de la situation actuelle de l’administration régionale en Finlande, en soulignant les éventuelles incompatibilités entre le dispositif en présence et les exigences normatives du Conseil de l’Europe en matière de démocratie régionale. Ce document serait alors communiqué aux autorités finlandaises, et les questions soulevées serviraient de base à la discussion. La délégation ferait alors une seconde visite en Finlande en vue de soumettre au CPLRE un rapport sur la situation de la démocratie régionale dans ce pays.
7. La seconde visite a eu lieu du 23 au 25 février 1999 (le programme de la visite figure à l’annexe 2). Des représentants du ministère de l’Intérieur ont discuté en détail, avec la délégation, les considérations exposées dans le projet de rapport. Ils se sont formellement opposés à l’évaluation de la situation de la démocratie régionale en Finlande à l’aune des critères énoncés dans la Charte européenne de l’autonomie locale ou dans le projet de charte européenne de l’autonomie régionale. Le principal argument avancé par les représentants finlandais et par le ministre des Affaires administratives, M. Backman, est que les soi-disant «conseils régionaux» ne sont pas un niveau administratif à part entière, mais uniquement une structure de coopération régionale entre des pouvoirs locaux et autonomes. C’est pourquoi seules les dispositions de l’article 10 § 1 sont applicables aux structures appelées «conseils régionaux», celles-ci devant être considérées, aux termes de la Charte, uniquement comme des syndicats intercommunaux. Le principal argument à opposer à l’idée de transformer, par un processus de régionalisation, les syndicats intercommunaux existants (appelés «conseils régionaux») en des structures d’autonomie régionale à part entière, tient au fait que, étant donné que l’on estime nécessaire que chaque échelon d’autonomie possède le droit de lever des impôts, la reconnaissance de ces régions exigerait que l’on accorde un tel droit aux «conseils régionaux». Or, la Finlande possède actuellement un niveau global d’imposition suffisamment élevé pour que les autorités n’estiment pas nécessaire d’alourdir le fardeau fiscal des citoyens en créant une nouvelle série d’impôts régionaux.
8. Les entretiens avec les représentants des conseils régionaux ont été fort intéressants. Ils ont permis à la délégation de se faire une meilleure idée des tâches réelles qui incombent à ces administrations, et fait apparaître la coopération étroite qui existe entre les conseils régionaux et les administrations nationales, dans plusieurs domaines relevant de l’échelon régional. La collaboration entre les Centres d’affaires et de développement (aujourd’hui au nombre de 15 dans toute la Finlande) et les conseils régionaux s'est avérée particulièrement intéressante.
9. D’une manière générale, le rapporteur est très satisfait de sa seconde visite, qui lui a permis de clarifier une grande partie des questions soulevées dans le projet de rapport. Il regrette toutefois que, dans toutes les réunions de cette deuxième visite, ses interlocuteurs aient été des fonctionnaires (à l’exception d’une rencontre avec le ministre, M. Backman, et d’un entretien avec deux députés), et qu’il n’ait pas été possible de rencontrer des élus locaux.
III. Evaluation de la situation des autorités régionales en Finlande
10. Le rapport ci-après s’efforce de donner un aperçu de la situation actuelle des pouvoirs régionaux en Finlande, sur la base de la législation en vigueur. Le présent exposé s’efforce de comprendre la dynamique du système d’attribution des compétences à l’administration régionale en Finlande.
Les organes régionaux en Finlande: résultat d’un processus particulier combinant stratégie descendante et stratégie ascendante
A. Développement de l’autonomie locale et de l’administration territoriale de l’Etat
11. La Finlande compte environ cinq millions d’habitants, ce qui place le pays dans les derniers rangs des Etats européens de taille moyenne. Toutefois, le territoire finlandais est très vaste par rapport à sa population totale et présente des particularités géographiques, à savoir près de 180 000 îles (dans des lacs ou dans la mer), et de très vastes régions où la densité de population est extrêmement faible. (Depuis que la Finlande a adhéré à l’Union européenne en 1995, on a reconnu qu’elle se trouvait dans une situation particulière justifiant l’intervention de la Communauté européenne en faveur du développement régional dans des régions où la densité de population est inférieure à huit habitants au km2, situation qui n’a d’équivalent dans aucun autre pays européen, à l’exception de la Suède et de la Norvège). Ces caractéristiques géographiques et démographiques ont apparemment empêché la Finlande, comme d’autres pays nordiques, de développer des entités régionales ayant leurs propres organes et leurs propres compétences, comme on l’a fait dans la plupart des régions d’Europe. Deux mécanismes ont pallié l’absence de structures régionales officielles.
12. D’une part, les pouvoirs locaux ont été encouragés à développer une coopération intercommunale pour accomplir ensemble certaines de leurs tâches. La loi finlandaise sur l’administration locale du 17 mars 1995 (LFAL) actuellement en vigueur, consacre tout un chapitre (articles 76 à 87) à ces modalités de coopération entre pouvoirs locaux. On notera que trois types de coopération coexistent, l’un d’eux aboutissant à une structure qui a sa propre personnalité juridique («syndicat intercommunal», selon l’article 80 de la LFAL). Ces syndicats intercommunaux, ou du moins certains d’entre eux, constituent un embryon de structures régionales autonomes véritables.
13. Les trois formes de coopération intercommunale prévues par la loi couvrent:
– l’exécution d’une tâche incombant à une autorité locale par une autre autorité locale (LFAL, article 76, sur la base d’un accord intercommunal);
– la création d’organes communs à plusieurs municipalités au sein d’une autorité qui remplit pour les autres une tâche déterminée (LFAL, article 77);
– ou la création d’un syndicat intercommunal (LFAL, articles 78 à 86).
Ce dernier type de coopération est le seul pertinent dans le cadre d’une éventuelle évolution vers une forme d’autorité régionale à partir d’une structure de coopération intercommunale. Un syndicat intercommunal a réellement une personnalité juridique distincte de celle de ses communes membres et peut donc remplir des fonctions et contracter des obligations en son nom propre (LFAL, article 80). Les syndicats intercommunaux sont établis sur la base d’une «charte» (accord) entre les municipalités concernées (LFAL, articles 78 et 79). En général, ils sont créés à l’initiative des pouvoirs locaux (LFAL, article 76.3) mais la loi peut rendre obligatoire la participation à un tel syndicat intercommunal (LFAL, article 76.4). Son principal organe, c’est-à-dire son assemblée générale, se compose de représentants des communes partenaires (LFAL, article 81), qui sont élus par le conseil de chaque commune membre ou par quelque autre organe municipal désigné par le conseil (LFAL, article 81.3); pour être élu au sein d’une telle assemblée générale, il faut satisfaire aux mêmes critères que pour les élections municipales mais il n’est pas nécessaire d’être élu conseiller au niveau local, sauf si la Charte du syndicat intercommunal le stipule (LFAL, article 82). La délégation a été informée qu’en pratique, toutefois, les membres de ces syndicats sont à 90 % des conseillers élus au niveau local. De plus, en décembre 1998, c’est-à-dire entre les deux visites de la délégation, un Acte du Parlement a été adopté, qui stipule que les membres des «conseils régionaux» doivent obligatoirement être des conseillers élus au niveau local. Ainsi, même si les conseils régionaux demeurent, sur le plan juridique, des syndicats intercommunaux, ils font l’objet de certaines dispositions légales spécifiques qui tiennent compte de leur rôle «politique» plus marqué par rapport aux syndicats intercommunaux conventionnels.
14. Les syndicats intercommunaux ne sont pas habilités à assurer leur propre financement; et l’article 83 de la LFAL précise comment et dans quelle mesure les autorités locales membres doivent en partager les responsabilités financières. La délégation a pu constater que cet élément revêt une importance cruciale aux yeux des représentants de l’Etat qu’elle a rencontrés (tant au gouvernement qu’au Parlement). Il n’y a pas, en Finlande, de volonté politique visant à permettre aux «conseils régionaux» de se procurer eux-mêmes leurs ressources (par le prélèvement d’impôts), et l’application des principes énoncés à l’article 83 de la LFAL semble correspondre à la vision de la classe politique. Enfin, l’article 84 de la LFAL prévoit l’éventuel retrait d’une commune du syndicat intercommunal.
15. Ces éléments nous permettent de conclure que, bien que l’article 80 de la LFAL reconnaisse aux syndicats intercommunaux une capacité contractuelle (et donc une personnalité juridique), on n’est pas en présence d’une structure autonome véritable, qui serait couverte par les principes du Conseil de l’Europe en matière d’autonomie locale ou régionale.
16. Par ailleurs, l’administration centrale a mis en place des offices régionaux destinés à assurer certains services qui incombent à l’administration centrale, mais qui gagneraient à être fournis et/ou contrôlés par des organes régionaux. Ces services gouvernementaux ont été mis en place à différents niveaux, selon les fonctions à remplir. Hormis l’administration de l’archipel d’Aland régie par une réglementation spéciale, l’administration territoriale de l’Etat se divise en «régions» et «provinces». On compte dix-neuf régions, plus l’archipel d’Aland; à ce niveau coexistent une administration régionale d’Etat et des «syndicats intercommunaux». Au niveau provincial, le gouvernement central avait réparti la gestion du territoire entre douze «provinces», qui ont été réduites à cinq (plus l’archipel d’Aland).
17. A l’heure actuelle, aux niveaux intermédiaires entre les pouvoirs locaux (définis par la LFAL) et l’administration centrale, coexistent diverses structures territoriales: les services administratifs de l’Etat (aux niveaux régional et provincial surtout mais pas seulement), d’une part, et diverses formes de gestion collective résultant d’accords entre municipalités, d’autre part, également à différents niveaux. Cette situation pourrait éventuellement évoluer vers l’instauration d’une seule structure régionale en tant que centre d’initiatives qui, à un moment donné, devront probablement être considérées comme n’entrant plus dans le domaine de compétence de l’administration locale, pas plus que dans celui de l’administration centrale mais devront être prises dans le cadre d’une véritable autonomie.
B. Evolution de la coopération entre les pouvoirs locaux et centraux dans les années 90
18. Au cours des années 90, les caractéristiques politiques, juridiques et économiques de la Finlande ont été profondément modifiées. Ce pays est devenu membre de l’Union européenne le 1er janvier 1995 et a été parmi les premiers Etats à rejoindre l’Union économique et monétaire (le 1er janvier 1999).
19. Les rapports entre les municipalités et les autorités nationales ont eux aussi évolué au cours de cette période. La Finlande s’est dotée d’une nouvelle loi sur les collectivités locales, entrée en vigueur en 1994; ce texte renforce l’autonomie des communes, tant en élargissant leurs compétences qu’en leur reconnaissant le droit d’organiser elles-mêmes, librement, leurs activités. Le système de calcul des allocations financières de l’Etat aux communes a été révisé: dorénavant, les fonds sont alloués sur la base d’un calcul scientifique (reposant sur des critères objectifs), et non sur les coûts, comme c’était le cas auparavant. Cette évolution a culminé dans la nouvelle législation sur les allocations de l’Etat, entrée en vigueur au début de l’année 1997.
20. Au début des années 90, l’économie finlandaise a été frappée par une dépression économique et une crise bancaire sans précédent. Cette situation résultait, entre autres, de l’effondrement du commerce avec la Russie ainsi que de la libéralisation de la législation sur le change. Le chômage est passé de 4 % à 18 % en quelques années. L’Etat et les communes ont vu leurs revenus fiscaux diminuer en conséquence, et ont dû émettre des emprunts. L’accroissement du chômage s’est traduit par une augmentation spectaculaire des dépenses sociales. Ces événements ont mené à la rationalisation de l’administration et de ses services. Aux différents échelons administratifs, les services publics ont ainsi été réduits à l’essentiel, ce qui a produit des résultats positifs, mais s’est accompagné du licenciement et du départ d’un grand nombre de fonctionnaires. Les répercussions sur la qualité des services rendus aux citoyens étaient toutefois négligeables, et l’on peut affirmer que la plupart de ces services – qui étaient, dans une certaine mesure, garantis par la réforme des droits fondamentaux entrée en vigueur en 1995 – ont survécu à la dépression. La crise n’a guère eu d’incidences sur la répartition des compétences entre l’Etat et les communes, exception faite des questions régies par la loi sur le développement régional (voir les paragraphes 23 à 25 ci-dessous). Par ailleurs, les allocations de l’Etat ont été sensiblement réduites. Mais, depuis quelques années, la situation économique générale s’est améliorée; le chômage est revenu à quelque 11 %, et, par suite de l’embellie économique, les revenus fiscaux de l’Etat et des communes ont augmenté.
21. L’autonomie des communes étant garantie et s'étant constamment développée, leurs administrations peuvent, dans une certaine mesure, surmonter leurs difficultés financières par leurs propres moyens, lesquels peuvent être forts différents d’une municipalité à l’autre. Parallèlement, l’adhésion à l’Union européenne, la rationalisation de l’administration de l’Etat à l’échelon régional et les nouvelles compétences accordées à certains organes de coopération intercommunale ont mené à la création d’entités appelées «régions». Celles-ci résultent de la combinaison de l'entité juridique que sont les syndicats intercommunaux et de l’exercice à l’échelon régional – en vertu de la loi sur le développement régional – de compétences réservées autrefois à l’administration centrale.
C. La loi sur le développement régional:
une étape importante vers la création de régions fonctionnelles
22. En mars 1994, la Finlande a adopté une loi sur le développement régional, qui, à notre avis, constitue une étape décisive vers la création d’un véritable échelon administratif régional. Cette loi vise à favoriser le développement économique au niveau régional, en prévoyant la création de «fonds de développement régional» (LFDR, article 6) dans le cadre du budget de l’Etat; ces fonds concernent l’ensemble des services administratifs (LFDR, article 6) qui sont actifs au niveau régional. L’emploi de ces fonds dans chaque région reste supervisé par l’Etat (LFDR, article 6, deuxième phrase) mais les principes de coordination et les orientations sont fixés dans les accords de programmes. Ces «programmes de développement régional» sont décrits à l’article 4 de la LFDR, qui stipule qu’ils sont approuvés par l’administration chargée du développement régional (LFDR, article 4, dernière phrase). En outre, et c’est là le point central concernant l’instauration d’une administration régionale, l’article 3 de la LFDR prévoit que le conseil régional est, à la place de l’Administration provinciale d’Etat, responsable du développement général de la région dans laquelle il fait office d’instance chargée du développement régional.
23. Cette loi attribue, par conséquent, un rôle essentiel aux «conseils régionaux», qui deviennent non seulement un «échelon régional» doté de compétences définies par la loi mais doivent aussi de jure coordonner les actions des administrations centrales qui fonctionnent au niveau régional, en approuvant le programme de développement régional et les initiatives des opérateurs privés ou publics locaux sur leur territoire, car la LFDR prévoit, à l’article 6.2, troisième phrase, que l’instance chargée du développement régional détermine l’emploi des crédits au sein de sa région. Les conseils régionaux ont, par conséquent, d’importantes fonctions de planification et de mise en œuvre des mesures de développement régional.
24. Ces tâches importantes confiées aux conseils régionaux définissent certaines autorités régionales d’un point de vue fonctionnel. Toutefois, sur le plan institutionnel, les conseils régionaux sont définis comme des «syndicats intercommunaux», une structure de coopération entre les communes définie dans la LFAL (voir les paragraphes 14 à 16 ci-dessus). Leurs organes sont composés de représentants des communes membres; ils ne peuvent financer eux-mêmes leurs activités et dépendent des municipalités (pour leur «financement structurel») mais, en même temps, ce sont eux qui décident de l’attribution des fonds de développement régional aux communes. En outre, le paragraphe 1 de la section 2 de la FLDR précise que les «Les communes et l’Etat sont responsables du développement régional aux termes de la présente loi». Cette expression fait apparaître la volonté du législateur de ne conférer aucune responsabilité politique aux conseils régionaux; ceux-ci font uniquement figure d’outils, et non d’organes politiques. C’est pourquoi, même si l’on peut estimer que les conseils régionaux se voient confier des tâches importantes, on ne saurait les considérer comme des organes d’autonomie locale – de quelque type que ce soit – cela impliquerait, en vertu de l’article 3 de la Charte européenne de l’autonomie locale, qu’ils auraient «le droit et la capacité [...] de régler et de gérer [...], sous leur propre responsabilité et au profit de leurs populations, une part importante des affaires publiques». Comme l’indique clairement la FLDR, les conseils régionaux finlandais n’agissent pas en leur propre responsabilité, ni, sans doute, dans l'intérêt direct des populations locales, mais plutôt dans celui des communes qui les composent.
V. Projet de conclusions
25. La situation actuelle des «pouvoirs régionaux» en Finlande ne saurait représenter, de l’avis du rapporteur, une solution stable et durable. L’absence de définitions précises concernant l’échelon régional pourrait engendrer une confusion parmi différents acteurs publics. Les discussions qu’a eues la délégation – au cours de sa première visite en Finlande – avec l’Association finlandaise des pouvoirs locaux et régionaux, certains présidents de conseils régionaux et des fonctionnaires du ministère des Affaires administratives montrent que coexistent en Finlande des conceptions concurrentes de l’administration régionale, engendrant des débats sur la question de savoir quels sont l’échelon adéquat pour l’action régionale, la structure exacte de l’administration régionale, les pouvoirs à reconnaître à une telle administration, ses rapports avec d’autres échelons administratifs et ses relations avec les citoyens. A plus ou moins longue échéance, il sera souhaitable, notamment si l’on entend déléguer d’autres tâches aux instances régionales, de clarifier ces questions grâce à des mesures législatives instaurant un véritable échelon régional.
26. Pour autant, il est évident, pour le rapporteur, que tous les fonctionnaires, le ministre de l’Intérieur et un grand nombre de représentants de l’Association finlandaise des pouvoirs locaux et régionaux, rencontrés en février 1999, sont relativement satisfaits de la situation actuelle et n’envisagent pas de créer, dans un avenir proche, un véritable échelon d’autonomie régionale. Le principal argument avancé est que tout véritable échelon d’autonomie doit avoir le droit de prélever des impôts, et que la pression fiscale qui s’exerce sur les habitants de la Finlande est déjà suffisamment élevée pour que l’on ne souhaite pas l’accroître encore.
27. Le rapporteur reconnaît pleinement la validité de cet argument; il souhaite néanmoins observer que la structure actuelle de l’administration régionale (syndicats intercommunaux) s’accompagne de nombreux transferts de fonds entre différents niveaux administratifs (l’Etat subventionne les communes, qui à leur tour financent des «conseils régionaux» démocratiques). Le rapporteur a le sentiment que ce système fonctionne de façon satisfaisante, mais il recommande que l’on étudie de près son efficacité au niveau de l’utilisation des ressources; si l’on envisage de transférer aux «conseils régionaux», des fonctions supplémentaires, il pourrait être plus économique de financer leurs activités par un mode de financement direct. En outre, le système actuel rend plus difficile le contrôle démocratique, par les citoyens, des décisions prises par les conseils régionaux. Au vu de ces éléments, le rapporteur propose que l’évolution de la situation des «pouvoirs régionaux» en Finlande fasse l’objet d’une nouvelle évaluation, dans cinq ans, par le Congrès.
ANNEXE I
Ministère de l’Intérieur
Département des affaires communales
Visite en Finlande des représentants du Conseil de l’Europe, du 29 septembre au 1er octobre 1998
Programme
ANNEXE II
Ministère de l’Intérieur
Visite en Finlande de M. Leinen, M. Levrat et M. Priore, du 22 au 25 février 1999
1 Il est à noter que la Finlande n’a pas fait de déclaration lors de la signature ou de la ratification de la Charte, comme l’y autorisait l’article 13 qui permet à chaque Partie de «désigner les catégories de collectivités locales ou régionales auxquelles elle entend limiter le champ d'application ou qu'elle entend exclure du champ d'application».