Rapport sur la situation de la démocratie locale en Irlande - CPL (8) 4 Partie II
Rapporteur: Louis ROPPE (Belgique)
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1. REMARQUES INTRODUCTIVES
Dans sa Résolution 31 (1996), le Congrès a clairement indiqué que, dans des délais raisonnables, l’ensemble des Etats membres feraient l’objet d’un rapport sur la démocratie locale et régionale. En outre, l’Article 2.3 de la Résolution Statutaire du Congrès adoptée par le Comité des Ministres le 15 mars 2000 prévoit que le Congrès préparera régulièrement des rapports pays par pays sur la situation de la démocratie locale et régionale et s’assurera que les principes de la Charte européenne sur l’autonomie locale sont mis en pratique.
La Commission Institutionnelle nouvellement instituée a identifié l’Irlande comme étant l’un des pays devant faire l’objet d’un rapport sur la démocratie locale. Cette proposition a été approuvée par le Bureau du Congrès le 7 novembre 2000. Le Bureau a nommé M. Louis ROPPE (Belgique), président de la Commission institutionnelle de la Chambre des pouvoirs locaux, et président de l’Association flamande des municipalités, rapporteur pour l’Irlande. Le consultant auprès du rapporteur était M. Torsten BJERKEN, Professeur de droit à la faculté des sciences sociales de l’université d’Örebro et membre de la Commission d’experts indépendants sur la Charte européenne sur l’autonomie locale. Le rapporteur souhaite adresser ses remerciements à M. BJERKEN pour l’aide que celui-ci lui a apportée dans la préparation de ce rapport.
Le rapporteur a reçu, de divers interlocuteurs, une masse importante de documentation concernant les autorités locales en Irlande, et il s’est rendu dans ce pays à deux occasions, comme indiqué ci-après :
Dublin, du 29 au 31 janvier 2001, et Galway, Carlow, Maynooth et Dublin du 3 au 7 mars 2001.
Le programme des visites effectuées et des personnes rencontrées figure en Annexe I. Le rapporteur souhaite adresser ses remerciements au ministre de l’environnement et des collectivités locales, M. Noel DEMPSEY, ainsi qu’aux hauts fonctionnaires de son ministère. Des remerciements particuliers vont également au General Council of the County Councils (Conseil général des conseils de comtés), à son président, le conseiller M. Enda NOLAN, et à son directeur, M. Liam KENNY, qui a largement facilité la tâche du rapporteur.
L’objectif principal de ce rapport est de présenter une vision directe du fonctionnement réel des autorités locales en Irlande, dans une perspective comparative, et de commenter une réforme d’ensemble des institutions publiques locales actuellement en cours en Irlande. Le rapporteur espère qu’une vision extérieure équilibrée de la démocratie locale en Irlande aidera la société irlandaise à avancer vers une authentique démocratie locale à un moment où le parlement étudie un nouveau projet de loi 2000 consacré aux collectivités locales.
Le rapport s’organise comme suit. Le système actuel des collectivités locales en Irlande est présenté dans la Section 2. Celle-ci comporte également une brève présentation des réformes et des débats ayant eu lieu au cours des années 1990. Le projet de réforme complet qui a été présenté devant le parlement dans le courant de cette année est brièvement décrit à la Section 2.14. Un certain nombre de points particulièrement intéressants dans le contexte actuel sont étudiés à la Section 3. Certains aspects de l’autonomie locale en relation avec la Charte européenne sur l’autonomie locale sont résumés à la Section 5.
2. L’AUTONOMIE LOCALE EN PROGRES
2.1 Le système actuel
2.1.1 Le contexte historique
En Irlande, l’autonomie locale moderne a été introduite il y a une centaine d’années par le Local Government (Ireland) Act (loi sur l’autonomie locale) de 1898. Une partie de la Loi est toujours en vigueur, et avec un certain nombre d’actes plus récents, elle constitue le fondement légal de l’autonomie locale irlandaise. La loi de 1898 a été adoptée par le parlement britannique à l’époque à laquelle l’Irlande faisait partie du Royaume-Uni. Elle était fondée sur la tradition de l’autonomie locale de la common law. En principe, l’indépendance de l’Irlande n’a pas modifié les caractéristiques de base de l’organisation des collectivités locales. Bien que l’Irlande, à la différence du Royaume-Uni, dispose d’une Constitution écrite, l’organisation des collectivités locales était, jusqu’à récemment, fondée sur l’approche britannique et reposait sur des bases légales (c’est-à-dire sur des lois votées par le parlement) et non constitutionnelles (c’est-à-dire tirées d’une constitution écrite) (voir Section 2.1.3). La même doctrine de « l’ultra vires1 » s’applique aux autorités locales irlandaises comme aux collectivités locales britanniques : l’Oreachtais (le parlement irlandais) définit les domaines de compétence des collectivités locales qui ne possèdent pas une compétence générale (voir Section 2.1.2). Un nouveau système d’administration des comtés et des collectivités locales, comportant un directeur à la tête de l’administration, qui trouvait son origine dans les systèmes de gestion des villes américaines, était pleinement en place dès 1942. Au cours des dix dernières années, l’autonomie locale a fait l’objet d’un processus de modernisation permanent. Le commentaire de la modernisation en cours constitue un objectif important du présent rapport.
2.1.2 Les réformes et les débats portant sur les réformes dans les années 90
Après plusieurs décennies de collectivités locales faibles, n’exerçant qu’un nombre limité de fonctions, dotées de ressources financières réduites et subordonnées au pouvoir central, dans les années 90 un certain nombre de réformes ont été introduites et des débats extrêmement vifs ont eu lieu concernant les collectivités locales. Il est important de mentionner, dans ce contexte, que la rigoureuse doctrine de l’ultra vires a été limitée en 1991. Le contrôle de l’Etat sur les collectivités locales a été réduit en 1994. La troisième étape vers une autonomie locale accrue a été un référendum constitutionnel qui a eu lieu en 1999 (voir Section 2.1.3). Il semble que les réformes aient été prudentes, et qu’elles soient enracinées dans le système existant. A la fin des années 90, ont été introduits les concepts de Strategic Policy Committees (SPC) [Comités de Politique Stratégique], de Corporate Policy Groups (CPG) [Groupes de Politique Générale] et de County Development Boards (CDB) [Conseils de Développement de Comté]. Ils ont vocation à renforcer et à coordonner la planification stratégique et à accroître le rôle des conseillers élus, tout en travaillant en étroite association avec la communauté locale et les administrations d’Etat (voir Section 3.8). Entre autres documents de programme officiels, il est possible de mentionner « Better Local Government : A Programme for Change » [Pour des collectivités locales plus performantes : un programme de changement] (1996), « Task Force on Integration of Local Government and Local Development Systems: Report » [Groupe d’action sur l’intégration des collectivités locales et des systèmes de développement local : rapport] (1998), et « Modernising Government. The Challenge for Local Government » [Moderniser l’Etat. Le défi des collectivités locales] (mars 2000). Après une ample préparation une loi globale sur les collectivités locales a été présentée devant le parlement dans le courant de l’année 2000 (loi n° 23 de l’an 2000) (voir Section 2.1.4).
Certains de ces changements globaux ont été proposés en 1996, lorsque le gouvernement d’époque a publié un livre blanc, intitulé « Better Local Government. A programme for change » [Pour des collectivités locales plus performantes : un programme de changement]. Ce programme a été conçu principalement dans le but :
- de consolider la démocratie locale en faisant en sorte, en particulier, que le rôle des Conseillers au sein des conseils locaux soit renforcé ;
- d’introduire plus d’ouverture et de transparence dans le processus de prise de décision au sein des collectivités locales ;
- de développer l’efficacité des autorités locales par le développement de partenariats entre les instances centrales et locales, ainsi qu’entre les autorités locales et les autres organisations locales ;
- de fournir des ressources adéquates aux autorités locales, en particulier par l’introduction d’une source de revenu avec des dotations internes et une certaine discrétion au plan local.
Ce programme a été conçu comme une action à long terme, et définit un cadre pour des actions spécifiques devant être conduites par les pouvoirs publics. Le principal objectif de ce programme était clairement d’évoluer de manière progressive vers un renouvellement des collectivités locales.
Le sentiment existait dans le pays que des changements étaient nécessaires, les pouvoirs publics irlandais relevant qu’alors que la loi prévoyait que les élus se voyaient confier un rôle en matière de prise de décision politique, la structure et les pouvoirs des collectivités locales ont rendu difficile pour les Conseillers de remplir cette fonction autrement que par l’adoption formelle de documents politiques préparés par l’administration. Le Programme s’efforce de définir un cadre pour une implication accrue des Conseillers locaux dans le développement d’initiatives politiques, ainsi que dans le contrôle stratégique des opérations des autorités locales. Il est évident que la réussite de cette politique dépendra éventuellement de l’étendue des pouvoirs dont disposent les représentants locaux élus, de leur capacité à se saisir des opportunités et à se saisir des nouveaux rôles qui leurs sont proposés, ainsi que des moyens financiers mis à leur disposition pour atteindre ses objectifs.
L’actuel ministre de l’environnement et des collectivités locales, M. Noel Dempsey, s’est engagé à prendre des mesures visant à renforcer le rôle des Conseillers en matière de définition des politiques publiques dans le domaine des services locaux, ainsi qu’à leur conférer un leadership en matière de développement socio-économique au niveau local, de concert avec des partenaires sociaux.
Dispositions constitutionnelles relatives aux pouvoirs locaux et cadre juridique
Jusqu’en 1999, il n’existait, dans la constitution irlandaise, aucune disposition sur les collectivités locales, bien que l’Irlande, à la différence du Royaume-Uni, ait toujours disposé d’une constitution écrite.
Les réformes constitutionnelles adoptées par referendum national en 1999 afin d’inclure des dispositions sur l’autonomie locale (Article 28A) peuvent être considérées comme une pierre de touche de la modernisation des collectivités locales irlandaises. Les cinq paragraphes de l’article stipulent que des autorités locales directement élues seront créées. Tous les citoyens disposant du droit de vote à l’occasion des élections parlementaires et toutes autres personnes telles que déterminées par la loi disposeront du droit de vote. Des élections doivent se dérouler au moins tous les cinq ans. Ceci mettra fin à la pratique consistant à annuler ou à repousser les élections pour des motifs politiques, comme c’était le cas par le passé. Il est indiqué que les collectivités locales constituent « un forum pour la représentation démocratique des communautés locales, par l’exercice et la mise en œuvre, au niveau local, des pouvoirs et des fonctions conférés par la loi, ainsi que par la promotion, par ses initiatives, des intérêts de ces communautés ». Comme d’autres dispositions constitutionnelles similaires d’autres pays européens, la constitution irlandaise n’est pas spécifique concernant les pouvoirs et les fonctions des collectivités locales. Néanmoins, les dispositions constitutionnelles irlandaises paraissent conformes à la Charte européenne des autonomies locales (ci-après : la Charte).
En plus des dispositions constitutionnelles, les principaux textes dans le cadre desquels opèrent les différentes catégories de collectivités locales, sont les suivants : le Municipal Corporations (Ireland) Act [loi pour l’Irlande sur les municipalités] de 1840 ; le Towns Improvement (Ireland) Act [loi pour l’Irlande sur l’aménagement urbain] de 1854 ; Public Health (Ireland) Act [loi pour l’Irlande sur la santé publique] de 1878 ; Local Government (Ireland) Act [loi pour l’Irlande sur les collectivités locales] de 1898 ; Local Government Acts [lois sur les collectivités locales] de 1925 à 1997, ainsi qu’un certain nombre de lois qui s’appliquent exclusivement aux autorités locales de villes individuelles.
Le récent dépôt du Projet de Loi 2000 sur les collectivités locales devant le parlement par le Ministre pour l’environnement et les collectivités locales a marqué le terme de plusieurs années de débat sur l’avenir des collectivités locales en Irlande (les principales caractéristiques du projet de loi sont proposées à la Section 2.1.4 ci-après). Le Projet de Loi constituera, s’il est adopté, la pierre angulaire du nouvel édifice du système local irlandais.
2.1.4 Le Projet de Loi 2000 sur les collectivités locales (ci-après : le Projet de Loi 2000 ou le Projet de Loi)
Le Projet de Loi 2000 suit les lignes du Programme « Better Local Government. A programme for change » [Pour des collectivités locales plus performantes : un programme de changement]. Le Projet de Loi est conçu pour consolider, moderniser et simplifier la législation en vigueur qui, actuellement, est éparpillée dans une multiplicité de textes (voir Section 2.1.3 ci-dessus). La consultation concernant le projet a été conduite par le ministère de l’environnement et des collectivités locales, et la délégation du Congrès a pris note des commentaires formulés par les Conseillers locaux durant le séminaire du 6 juillet 2000, organisé à Tralee.
Parmi ses principes directeurs, le Projet de Loi rappelle l’engagement du gouvernement à renforcer le rôle des membres élus et, généralement, à donner corps au programme de rénovation des autorités locales.
Les principales propositions avancées par le Projet peuvent être résumées comme suit :
Le nouveau Projet définit des structures et des mécanismes nouveaux visant à garantir que les élus jouent pleinement leur rôle de représentants du peuple (définition des politiques locales par le conseil élu, le directeur exerce ses fonctions dans le cadre politique, participation accrue des intérêts locaux aux processus de prise de décision, des pouvoirs plus étendus de contrôle des responsables ayant un rôle de premier plan concernant le Groupe de Politique de l’Organisation). Il est proposé d’élire directement les cathaoirligh/maires afin d’accroître la légitimité démocratique du personnel politique local et de limiter le cumul des mandats pour souligner la nature politique spécifique et distincte des collectivités locales et encourager les Conseillers à se concentrer sur les questions locales. Auparavant, le public ne disposait pas d’un droit automatique à assister aux réunions, et n’était admis que par faveur du Conseil. Le Projet modifie cette situation, car il est proposé d’octroyer au public et aux médias le droit d’accéder aux réunions des autorités locales.
Autre mesure visant à étendre le rôle des représentants élus locaux, la disposition contenue dans le Projet de Loi prévoyant de revaloriser les rémunérations et les retraites des Conseillers. Néanmoins, des fourchettes des montants possibles seront fixées dans les Règlements d’Application devant être pris par le ministre de l’environnement et des collectivités locales avec le consentement du ministère des finances.
Collectivités locales
Les unités principales collectivités locales en Irlande aujourd’hui sont les 29 comtés et les 5 villes. L’autorité locale autonome d’un comté est le County Council (Conseil de Comté) ; celle de la ville la County Borough Corporation (Conseil Municipal). Elles sont généralement désignées comme Conseils de Comté et Conseils Municipaux. Certaines villes à l’intérieur d’un comté disposent d’une autorité locale propre pour la zone urbaine. En tout, il existe cinq catégories juridiques différentes d’autorités locales. En dehors des Conseils de Comté et des Conseils Municipaux, il existe également 5 Borough Corporations (Communautés Urbaines), 49 Urban District Councils (Conseils de Districts Urbains) et 26 Town Commissioners (Commissaires de Ville), soit, au total, 114 autorités locales. Ces trois dernières catégories sont toutes des autorités locales urbaines. Elles ne sont pas subordonnées à l’échelon des Conseils de Comtés, mais leurs fonctions sont limitées en raison de leur taille et/ou par une limitation liée à leurs fonctions légales. Le conseil de comté est responsable de certaines fonctions dans l’ensemble du territoire, y compris les villes. En vertu du Projet de Loi 2000 sur les Collectivités Locales, les autorités locales urbaines seront généralement connues comme des conseils municipaux.
3. QUESTIONS SPECIFIQUES
Sous ce titre seront débattues un certain nombre de questions spécifiques relatives à des caractéristiques particulières des collectivités locales irlandaises.
3.1 Compétence des collectivités locales
Traditionnellement, dans un système de common law, les collectivités locales ne disposent que des compétences spécifiées dans la loi. L’Irlande ne fait pas exception à la règle. La doctrine traditionnelle de l’ultra vires cantonnait les collectivités locales aux fonctions spécifiquement énumérées dans le droit positif. Dans les années 90, l’Irlande s’est dégagée de l’emprise de la doctrine dite de l’ultra vires. Les pouvoirs des collectivités locales ont été considérablement renforcés par les lois sur les collectivités locales de 1991 et 1994. Toutefois, le renforcement des pouvoirs a été lié aux ressources financières disponibles. Cette évolution est confirmée dans le Projet de Loi 2000 sur les collectivités locales. Une compétence générale a été définie comme (a) le pouvoir de mettre en œuvre certaines fonctions liées à des pouvoirs légaux explicitement dévolus par la loi, et (b) de prendre des mesures à caractère général destinées à promouvoir les intérêts de la communauté locale. Dans les deux cas, il existe un certain nombre de restrictions habituelles dans les pays qui, traditionnellement, prévoient une compétence générale pour les collectivités locales.
En Irlande, les pouvoirs locaux sont des organes à vocation multiple. Leurs fonctions les plus importantes incluent l’aménagement territorial, le logement et la construction, les transports routiers et la sécurité dans ce domaine, l’alimentation en eau et les égouts, le développement d’incitations et de contrôles, la protection de l’environnement, les loisirs et les distractions. La répartition des fonctions entre les différents organes des collectivités locales est complexe. Les Conseils de Comté et les Conseils Municipaux sont investis de l’ensemble des pouvoirs. Dans certains cas, une partie de ses fonctions est également mise en œuvre par les autorités municipales locales. Comme c’est le cas dans les autres pays européens, pratiquement toutes les fonctions importantes sont régies par la loi.
A la différence de nombre d’autres pays européens, les autorités locales irlandaises ne jouent qu’un rôle mineur en matière d’éducation, de santé et de transports publics, de distribution d’électricité et de gaz, et ne disposent d’aucun pouvoir en matière politique. Ainsi, en 1971, les compétences en matière de santé ont elles été transférées aux services de santé. Pour l’essentiel, il semble qu’en Irlande, pour des raisons historiques et de développement économique, ces questions soient gérées par le gouvernement central ou par des institutions publiques nationales (ministère des affaires sociales, communautaires et familiales, FÁS : autorité de formation nationale, Garda Síochana : service de police national, etc.). Les services de santé sont gérés par huit Bureaux de Santé, composés pour moitié de conseillers élus.
De mon point de vue, la nature des responsabilités exercées par les pouvoirs locaux est fondamentale pour la réalité des autonomies locales. Comme indiqué dans le rapport explicatif relatif à la Charte, il n’est pas possible de définir précisément quelles questions les autorités locales devraient être autorisées à régir et à gérer, mais l’intention de la Charte est que les autorités locales devraient disposer d’une gamme très large de responsabilités susceptibles d’être mises en œuvre au niveau local. En outre, il faut souligner qu’au niveau européen, le principe de subsidiarité édicté à l’article 4.3 de la Charte, qui prévoit que les responsabilités publiques seront généralement exercées, de préférence, par les instances qui sont les plus proches des citoyens, a désormais été très largement accepté par les Etats membres du Conseil de l’Europe. Le fait qu’il a été possible de parvenir à un consensus très large sur ce point en Europe apparaît clairement lorsque l’on relève que tous les Etats membres du Conseil de l’Europe ont signé la Charte et que la plupart d’entre eux l’ont ratifiée. Ainsi, de mon point de vue en tant que rapporteur, la Charte doit être interprétée au regard du principe de subsidiarité, en vertu duquel il est assumé initialement que l’instance administrative la plus proche des citoyens, c’est-à-dire les autorités locales, est compétente concernant la prise d’une décision spécifique. Ce n’est que lorsque l’autorité immédiatement supérieure sur le plan hiérarchique prouve d’une décision a une incidence au-delà des limites d’une circonscription administrative, que telle autorité est en droit d’assumer la responsabilité de celle-ci. Le résultat est que les décisions à tous niveaux sont prises aussi près que possible du citoyen, puis validées par des élections démocratiques (principe de responsabilité démocratique).
Cantonner les autorités locales aux questions dépourvues d’implications plus larges risquerait de les reléguer dans un rôle marginal. En outre, les collectivités locales sont mieux à même de faire la part des préférences locales, ce qui, sur le plan économique, est plus efficace que la fourniture d’un niveau de service standard, centralisé, ne prenant pas en compte les variations locales en fonction des préférences locales.
Néanmoins, il faut indiquer que l’Irlande est l’un des pays d’Europe les moins densément peuplés, et le coût de la fourniture et de l’exploitation d’infrastructures satisfaisantes peut être important. En outre, les principaux groupes de population en Irlande tendent à être plus petits et plus dispersés qu’ailleurs en Europe. Ainsi, il est aisément compréhensible que dans un contexte irlandais particulier, marqué par des changements économiques et sociaux, les modifications du processus d’attribution de nouvelles compétences aux pouvoirs locaux doivent être considérées comme des évolutions réalistes, graduelles et à moyen terme.
Le gouvernement actuel s’est engagé à transférer plus de fonctions aux collectivités locales, à un rythme réaliste et progressif. Ce processus doit être encouragé par le Congrès, mais il est évident que le fait d’attribuer de nouveaux pouvoirs aux autorités locales dépendra dans une grande mesure du transfert simultané des moyens financiers nécessaires à ces instances.
3.2 Finances locales
Le financement des collectivités locales irlandaises est controversé depuis la suppression des impôts locaux en 1978 (une source essentielle de financement des Conseils), suite à un engagement pris à l’occasion d’une campagne électorale nationale. Le transfert de compétences concernant les impôts locaux au Ministère des Finances en 1978, associé au « plafonnement » des impôts non-nationaux au cours des années ultérieures, a débouché sur un système de financement des collectivités locales extrêmement centralisé. Bien que, depuis 1987, les collectivités locales soient progressivement financées par des sources locales, le système actuel peut être considéré comme conférant une compétence limitée aux autorités locales en matière de détermination des niveaux de service locaux et de dépenses liées.
Actuellement, les collectivités locales irlandaises dépensent annuellement environ 1 810 millions de livres (2000) en frais de fonctionnement et 1 800 millions de livres en capital ; et elles emploient 30 000 personnes.
En 2000, 47 % des dépenses de fonctionnement des autorités locales étaient financées par l’Etat : soit 28 % de subventions et 19 % de paiements du Fonds des Collectivités Locales. Les impôts locaux représentaient 25 % et les frais de services 28 %. Seuls les locaux commerciaux sont soumis à l’impôt. Le Fonds des Collectivités Locales est un fonds d’Etat pour les pouvoirs locaux qui n’a été que récemment constitué par la loi. Le fonds est financé par la totalité du produit de l’impôt sur les véhicules à moteur, ainsi que par une contribution indexée du ministère des finances.
Les subventions d’Etat sont attribuées de deux manières : il peut s’agir, soit (1) de subventions spécifiques correspondant à des projets précis, tels que le logement, la distribution de l’eau, les améliorations du réseau routier, soit (2) de subventions forfaitaires pour couvrir les dépenses générales des collectivités locales. Les subventions publiques aux collectivités locales prennent en compte nombre des aspects du fonctionnement de celles-ci, et elles sont versées par diverses administrations publiques. En 2000, les subventions les plus importantes versées par l’Etat aux collectivités locales étaient destinées à l’amélioration du réseau routier, au logement, à la distribution d’eau et aux égouts, ce qui correspond aux fonctions des principales collectivités locales.
Selon certains des interlocuteurs rencontrés, le succès récent de l’économie irlandaise a eu pour conséquence une solidité accrue des finances locales des collectivités locales, et les fonds ont été mis à la disposition des pouvoirs locaux par le biais de divers programmes. Le développement économique a également débouché sur des demandes accrues de la population, celle-ci s’attendant à un niveau de service plus élevé en raison de la prospérité du pays. Toutefois, les fonds disponibles dans le cadre de divers programmes – pour l’essentiel financés par l’UE – impliquaient la création, au début des années 90, d’un système pratiquement parallèle d’organes de développement locaux non-élus court-circuitant les instances locales élues de manière démocratique, et chargés de questions telles que le développement rural et social, etc., qui peuvent intéresser les Conseils locaux. La mise en place, ultérieurement, des Conseils de Développement Municipaux/de Comté en 1999, a vocation à intégrer les collectivités locales et le système du « développement local » sous la houlette des collectivités locales.
A ce jour, il semble que les pouvoirs locaux soient toujours dépendants, dans une très large mesure, du financement par l’Etat. Actuellement, les seules sources de financement discrétionnaires des collectivités locales sont l’impôt sur les locaux commerciaux, ainsi qu’un certain nombre de frais pour les services rendus. Il sera probablement très difficile de modifier ce schéma dans un proche avenir. La mise en place d’un Fonds des Collectivités Locales paraît constituer un pas dans la bonne direction. Il crée un système de revenus affectés, régi par les dispositions légales adoptées par le parlement, et au cours de ces dernières années, il en est résulté des subventions considérablement accrues pour les autorités locales. Comme d’autres pays, l’Irlande rencontre des difficultés à mettre en place un système durable de péréquation des subventions. Un modèle de péréquation a été récemment développé, en coopération avec les collectivités locales ; il fait l’objet d’améliorations constantes.
3.3 Les conseils élus
Chaque collectivité locale dispose d’un conseil élu. Le nombre de membres de ces conseils varie de 52 pour le Conseil Municipal de Dublin à 15 pour celui de Galway. Les conseils des autorités municipales de villes plus petites compte entre 12 ou 9 membres. Le conseil est élu au suffrage universel et l’âge requis pour prendre part au vote est de 18 ans. Les personnes résidant dans le pays (même si elles ne sont pas titulaires de la nationalité irlandaise) sont en droit de présenter leur candidature et de prendre part au vote. La représentation proportionnelle a été introduite en 1920. La méthode utilisée est celle dite du vote unique transférable dans les circonscriptions électorales pluri-nominales. Il peut être décrit comme un système combinant le système partisan et celui des candidatures personnelles. Le problème tient au fait qu’il n’existe ni suppléant ni personne similaire. Si un siège devient vacant en cours de mandat, un nouveau membre est élu par le conseil lui-même (cooptation). En principe, la durée du mandat est de cinq années. En pratique, dans le passé, les mandats ont été fréquemment prolongés par l’Etat, mais ceci n’est désormais plus possible en vertu de l’amendement constitutionnel de 1999. Les dernières élections ont eu lieu en 1999 et, à compter de cette date, des élections doivent avoir lieu tous les cinq ans. Ainsi, les prochaines élections locales auront lieu en 2004.
Les élections locales sont essentiellement des élections partisanes. Les mêmes partis actifs au niveau national s’affrontent également pour des sièges au sein des conseils locaux. Toutefois, lors des élections de 1999, 9 % des sièges au sein des Conseils Municipaux et de Comté ont été conquis par des candidats n’appartenant à aucun appareil partisan. Le contrôle politique est important pour déterminer l’identité politique du titulaire de la présidence/fonction de maire, ou pour la sélection de représentants du Conseil au sein d’autres instances administratives, telles que les autorités régionales, ou pour le choix de la présidence des Strategic Policy Committees (SPC) [Comités de Politique Stratégique]. Il semble que, dans la tradition irlandaise, l’ensemble de ces fonctions soient attribuées au parti majoritaire au sein du conseil ; des considérations telles que l’intérêt, l’expérience, le sexe, l’âge ou l’équilibre hommes/femmes ne sont pas nécessairement pris en compte.
Le système irlandais de représentation proportionnelle paraît garantir la représentation de tous les courants d’opinion importants au sein de la communauté locale. La durée du mandat des membres élus des collectivités locales est désormais garantie par la constitution. Un mandat d’une durée de cinq années est raisonnable. Une caractéristique particulière tient au fait que pendant la durée du mandat les vacances sont comblées par le Conseil lui-même, par cooptation. Le Projet de Loi 2000 ne comporte aucune disposition prévoyant que le parti auquel appartenait l’ex-conseiller sera en droit de nommer le nouveau membre. La cooptation apparaît, dans une certaine mesure, comme un moyen relativement démodé de combler les vacances au sein d’un organe démocratiquement élu. Il peut être allégué que ce système n’est pas entièrement conforme à l’Art. 3, para. 2 de la Charte. Je pense qu’il serait opportun de déterminer si, à l’avenir, il ne serait pas possible de mettre en place un système de suppléants élus.
3.4 Présidents directement élus (Cathaoirleach)
Actuellement, le Maire/Président d’une autorité locale est élu sur une base annuelle par les membres du Conseil qui exercent un rôle de représentation, plutôt que les membres exécutifs comme c’est le cas dans d’autres pays européens.
Dans le Projet de Loi 2000 sur les Collectivités Locales, il a été proposé que les Présidents des Conseils de Comté et Municipaux soient élus directement par le peuple. Ces mesures paraissent principalement avoir pour vocation d’accroître la participation du public dans les collectivités locales, ainsi que pour équilibrer les pouvoirs du directeur. Les questions de ce type ne sont pas régies par la Charte. Chaque pays agit sur la base de sa propre expérience. Un certain nombre de problèmes éventuels concernant directement les présidents élus doivent néanmoins être mentionnés. Il se peut qu’il y ait des problèmes liés aux relations avec les autres membres du Conseil dès lors que le Président ne détient pas la majorité au sein de celui-ci. Il se peut qu’il existe également des difficultés concernant les rapports avec le directeur. Même si le Président ne dispose pas de pouvoirs particuliers en dehors de ceux afférents à la direction des réunions du Conseil, il ou elle peut fort bien être considéré(e) comme un responsable politique particulier puisqu’il ou elle est directement élu(e). Cette situation peut être à l’origine de divergences avec le directeur en charge de l’administration, même si le Président ne dispose pas de la majorité au sein du Conseil.
Je pense qu’au cours des années à venir, les Maires ou Présidents directement élus, si cette disposition est adoptée par le Parlement, devraient disposer de plus de pouvoirs exécutifs afin de renforcer le rôle politique et en matière de prise de décision politique des membres élus, ainsi que leur participation aux affaires locales. Ce système semble en cours de validation dans le cadre des Corporate Policy Groups [Groupes de Politique Générale] (voir Section 3.8).
3.5 Rémunération et congé des membres élus
A ce jour, les membres élus des autorités locales ne bénéficient d’aucune rémunération pour leur travail ; pratiquement tous exercent leurs fonctions à temps partiel. Ils ne touchent qu’une indemnité annuelle ayant vocation à couvrir leurs frais de déplacement, leurs repas, les frais d’expédition, le téléphone et les frais généraux, etc. Les dépenses engagées au titre de la participation à une conférence ou à un séminaire donnent également lieu à remboursement. Une collectivité locale peut, en outre, verser au Président une indemnité fixée par le Conseil élu. Des indemnités spécifiques sont également payées aux Présidents des nouveaux Strategic Policy Committees (SPC) [Comités de Politique Stratégique].
Toutefois, les membres du parlement national, qui sont également conseillers et qui reçoivent des salaires et bénéficient des ressources d’un bureau au parlement pour travailler à temps complet sur les questions relatives à une autorité locale, paraissent favorisés. Je pense que, de manière générale, la rémunération du personnel politique local en Irlande est une question importante. Nombre d’entre eux consacrent une part importante de leur temps à l’autorité locale en plus de leur profession normale, et à ce jour, la rémunération des membres élus pour leur travail n’a pas été satisfaisante et qu’elle est probablement non-conforme à l’Art. 7, para. 2, de la Charte. Il semble vraisemblable qu’il sera remédié à ces problèmes dans une nouvelle Loi sur les Collectivités Locales.
En outre, il n’existe pas de règles relatives aux congés des membres élus. Il existe un certain nombre de dispositions limitées relatives aux conseillers travaillant dans des sociétés d’économie mixte ou exerçant la profession d’enseignant. Néanmoins, il n’existe aucune règle pour les personnes travaillant dans le secteur privé dont le sort est tributaire de la bonne volonté des employeurs. Par conséquent, les conseils sont très largement constitués de travailleurs autonomes. A mon avis, il s’agit d’une question extrêmement grave, car cela signifie que les jeunes travailleurs ont moins de chances d’être élus, même s’ils représentent un secteur innovant et dynamique de la société irlandaise. Il est impératif d’y remédier, car il semble que la participation des femmes (16% des conseillers locaux élus et trois présidentes seulement des Conseils de Comté), des jeunes et des salariés à la prise de décision au sein des instances locales en Irlande, soit faible. Les conseils locaux élus doivent être le lieu d’expression de tous les âges, sexes et profils sociaux pour l’ensemble de la société.
3.6 Cumul des mandats
En Irlande, il existe une tradition très forte selon laquelle les membres du parlement exercent également des fonctions de membres élus des collectivités locales. 48 % des membres de la chambre basse et 63 pour cent des sénateurs sont membres d’un conseil.
Depuis 1991, les ministres et les secrétaires d’Etat ne peuvent exercer aucune fonction au sein d’une autorité locale. En vertu de la loi de 1994 sur les collectivités locales, ni les MEP, ni les membres du parlement ne sont plus autorisés à présider les conseils. Le nouveau Projet de Loi éliminerait entièrement le cumul des mandats à compter des prochaines élections locales de 2004. L’exercice simultané de fonctions au sein des instances municipales et de comtés, qui n’est pas rare, n’est pas affecté par le nouveau Projet de Loi.
Interdire aux membres du parlement d’exercer des fonctions au sein de collectivités locales peut apparaître comme une mesure sévère. Toutefois, on peut se montrer réceptif aux commentaires de divers interlocuteurs, qui remettent en question la pratique du cumul des mandats par des représentants nationaux et locaux. Il peut en effet s’avérer approprié de limiter la pratique du cumul des mandats afin de valoriser le rôle des représentants locaux élus qui n’exercent de responsabilité politique qu’au niveau local.
3.7 Le conseil et le directeur
L’organisation des collectivités locales en Irlande est caractérisée par la répartition des tâches entre le conseil, composé de membres élus, et un directeur nommé, qui est le chef de l’administration du conseil et qui est responsable du fonctionnement au jour le jour de l’autorité locale. Formellement, le directeur est nommé par le Conseil, mais un seul candidat est présenté par une instance centrale et indépendante de recrutement public, la Commission des nominations locales. Le directeur peut être suspendu ou révoqué par un vote du conseil à la majorité des deux tiers. Néanmoins, selon le nouveau projet de loi 2000 sur les collectivités locales, un directeur ne peut être démis de ses fonctions sans l’accord du ministère de l’environnement et des collectivités locales.
Les fonctions du conseil élu sont dites « fonctions réservées » et sont énumérées par la loi. Toutes autres fonctions (les « fonctions exécutives ») incombent au directeur. L’idée qui sous-tend ce système est que les décisions politiques importantes doivent être prises par le conseil élu, tandis que la fonction exécutive exerce ses pouvoirs dans le cadre des paramètres politiques ainsi définis, et sous la surveillance et conformément aux instructions du conseil. Les fonctions dites réservées incluent le vote du budget annuel, l’adoption du plan d’organisation des sols, la souscription d’emprunts, ainsi qu’un certain nombre d’autres décisions importantes. Il est bon de relever qu’il n’existe, dans le droit irlandais des collectivités locales, aucun comité exécutif du conseil, ni d’organe similaire, comme c’est le cas dans d’autres pays ; mais il existe des raisons de penser que les Corporate Policy Groups (CPG) [Groupes de Politique Générale] pourraient jouer ce rôle politique important. Le conseil élu est tenu informé des mesures exécutives, peut opposer son veto aux travaux proposés ou ordonner et diriger lui-même l’exécution d’une mesure exécutive.
Le Directeur des services du Comté/Municipaux joue un rôle important en qualité chef de l’administration, et exerce, de manière générale, les « fonctions exécutives » du conseil de comté/municipal. Le poste de Directeur n’est pas une fonction élective et l’influence du conseil sur sa nomination est limitée. Son salaire est également fixé par l’administration centrale. Au moins dans une certaine mesure, la fonction de Directeur peut être considérée, dans son état actuel, comme constituant une limitation du rôle des membres élus. Toutefois, ses fonctions exécutives sont exercées sous la surveillance générale du conseil élu, et le directeur demeure soumis aux pouvoirs du conseil. Néanmoins, la fonction exécutive est mise en œuvre dans le cadre d’une surveillance générale du conseil élu et sous réserve des pouvoirs de direction de celui-ci. Il est possible de s’interroger sur le fait de savoir si le rôle actuel du Directeur des services n’est pas, dans une certaine mesure, en contradiction avec la Charte européenne (voir, en particulier, l’Art. 3, para 2). Je dois ajouter que dans les comtés que nous avons visité, la direction des services et les élus locaux paraissent agir en étroite coopération. Toutefois, je pense qu’à l’avenir, la nomination et les fonctions du Directeur doivent être analysées plus avant à la lumière des réformes actuellement en cours, visant à renforcer le rôle du conseil et à mettre en place un nouveau système de Corporate Policy Groups (CPG) [Groupes de Politique Générale], en principe conçus pour transférer progressivement plus de pouvoirs exécutifs aux élus.
3.8 Les Strategic Policy Committees (SPC) [Comités de Politique Stratégique], les Corporate Policy Groups (CPG) [Groupes de Politique Générale] et les County Development Boards (CDB) [Conseils de Développement de Comté]
La participation de représentants d’intérêts particuliers, tels que la vie économique, les syndicats, les associations à but non lucratif, etc. dans la préparation de décisions au niveau national, est considérée comme une cause fondamentale de la réussite économique irlandaise dans les années 90. En 1999, un système de Strategic Policy Committees (SPC) [Comités de Politique Stratégique] a été introduit au niveau du gouvernement local. Dans un comté, il existe généralement quatre comités de ce type (agriculture/élevage (le cas échéant), environnement/conservation, développement/construction, entreprise/commercial, syndicats, société/bénévoles/handicapés). L’intention du législateur est que ces comités puissent intervenir à des stades précoces de la formulation des politiques et de la planification stratégique.
En fait, les SPC sont des comités nouvellement établis des autorités locales. Il leur incombe de conseiller le conseil élu. Ils sont composés de membres élus (pour les deux tiers) et de représentants sectoriels (pour un tiers). Le conseil élu au complet est toujours le décideur. L’objectif du SPC est principalement de développer le rôle négligé de décideur politique des élus et d’impliquer des représentants des secteurs professionnels et de la communauté locale dans l’élaboration des politiques publiques. Les présidents des SPC (membres élus), de même que ceux des conseils, constituent les Corporate Policy Groups (CPG) [Groupes de Politique Générale], qui sont conçus comme jouant le rôle de cabinet des autorités locales en charge des aspects financiers et autres questions transverses. Il est possible que l’organe exécutif politique soit plus enclin à prendre des décisions politiques épineuses, ce qui est probablement difficile dans le contexte actuel. Ainsi, avons-nous été informés du fait qu’une petite minorité de conseils locaux ne sont pas parvenus à prendre un certain nombre de décisions relatives aux programmes d’installation des voyageurs, au développement des routes nationales, ainsi qu’à la gestion des déchets. A ce stade, il est clair que les SPC auront besoin de temps pour s’épanouir pleinement. Je suis personnellement convaincu, et j’ai cru comprendre que le ministre actuel partage mon point de vue, que le CPG devrait, progressivement, se voir confier un rôle plus exécutif dans la gestion des affaires locales et qu’ainsi, à l’avenir, les maires directement élus bénéficieraient de pouvoirs exécutifs accrus. Si ce processus est mis en œuvre au cours des années à venir, il sera alors possible de parler d’un changement radical des structures des autorités locales, ainsi que du rôle central des élus locaux concernant la gestion locale.
J’aimerais néanmoins souligner que, sans la participation active des élus, il existe un risque qu’en réalité, les SPC confisquent au Conseil son rôle en matière de prise de décision. Ceci pourrait déboucher sur une situation dans laquelle les membres du conseil démocratiquement élus découvraient que les véritables décisions sont prises au sein d’une structure corporatiste située au-dessus d’eux. A ce jour, il ne semble pas que cela soit le cas. Au contraire, les SPC fournissent une plate-forme au sein de laquelle les initiatives locales peuvent être discutées ouvertement, ce qui n’était pas le cas par le passé. Le rôle du CPG consiste à coordonner la politique des autorités locales.
Pour coordonner une stratégie commune pour le développement économique, social et culturel ont été mis en place en l’an 2000 des County Development Boards (CDB) [Conseils de Développement de Comté]. Ces conseils sont composés de représentants des collectivités locales et de divers organes publics au niveau local. Les CDB ont vocation à développer une stratégie sociale et économique pour la région, en partenariat avec les instances locales et les partenaires sociaux. A ce jour, les autorités centrales mettant en œuvre des services localement pouvaient opérer en dehors de toute référence aux collectivités locales. A l’avenir, les bureaux régionaux des autorités centrales détermineront en concertation avec les autorités locales, par l’intermédiaire des CDB, de quelle manière les plans des administrations peuvent s’inscrire dans le cadre de la stratégie sociale et économique d’ensemble pour la région. Les CDB opère sous la tutelle des instances locales, et le concept vise à faire en sorte que les collectivités locales soient en mesure d’exercer une influence sur les services publics fournis dans leur région. Ils sont présidés par le Président du conseil municipal/de comté ; la stratégie est également validée par le conseil municipal/de comté.
Les CDB ne constituent pas un transfert complet et direct de nouvelles fonctions aux collectivités locales, mais ils peuvent être considérés comme une première étape en matière de dévolution de nouveaux pouvoirs aux autorités locales.
3.9 Supervision des autorités locales par l’Etat
La supervision des collectivités locales par l’Etat est tout à fait conforme à la situation des autres Etats membres du Conseil de l’Europe. Cependant, dans la législation relative aux collectivités locales, un certain nombre de dispositions confèrent au ministre le pouvoir d’édicter des dispositions détaillées venant en complément de la loi. Il semble que les collectivités locales irlandaises soient soumises à un contrôle plus poussé de ces dispositions détaillées que ce n’est habituellement le cas dans les pays autres que les Etats de common law. Néanmoins, cette réglementation constitue une législation secondaire, qui doit être soumise au parlement, et faire l’objet, le cas échéant, de contrôles juridictionnels.
Le gouvernement central joue, pour les collectivités locales, un rôle très important. Le ministre de l’environnement et des collectivités locales dispose de très vastes pouvoirs normatifs. Même si le nouveau projet de loi sur les collectivités locales est adopté par le parlement, le ministre conservera ses pouvoirs normatifs. Le Projet de Loi autorise le ministre à régir de multiples détails. Le nouveau Projet de Loi comporte des dispositions relatives à l’activité régulatrice du ministre, par exemple à l’art. 44 (place des femmes dans les commissions, etc.), à l’art. 48 (Strategic Policy Committees (SPC) [Comités de Politique Stratégique]), à l’art. 133 (plan général) ou à l’art. 168 (code de déontologie). Il est légitime de s’interroger sur le fait de savoir si l’utilisation prolifique de dispositions normatives est en harmonie avec l’esprit de la Charte, voir, par exemple, l’Art. 4, para. 2, et l’Art. 8, para. 2.
Il semble également que l’obligation imposée à une collectivité locale et la contraignant, dans l’exercice de ses fonctions, à « tenir compte des politiques et des objectifs du gouvernement ou de tout ministre de celui-ci » (art. 68 (1) ; cf., cependant, l’alinéa 2), affecte de manière négative l’autonomie des collectivités locales. Toutefois, pour la première fois, le Projet de Loi prévoit que, dans le cadre de la loi, « une collectivité locale est indépendante dans l’exercice de ses fonctions ».
La supervision administrative par les autorités centrales n’est guère étendue. L’emprunt et le prêt de fonds par une autorité locale auprès de/à une autre collectivité locale sont soumis à autorisation préalable du ministère. Les comptes des collectivités locales sont vérifiés par le Service de contrôle des comptes des collectivités locales. Selon nos interlocuteurs, au cours des 60 dernières années, les autorités locales ont seulement été condamnées à quatre reprises pour défaut de mise en œuvre des obligations légales spécifiques leur incombant.
4. AUTORITES REGIONALES
En 1994, huit autorités régionales ont été instituées et se sont vu confier un mandat spécifique pour la promotion de la coordination des services publics au niveau régional, ainsi qu’aux fins de surveillance et de conseil concernant la mise en œuvre des financements de l’Union Européenne accordés aux régions. Elles sont composées de conseillers de comté et municipaux de la région désignés par les autorités locales constitutives. Elles sont soutenues par le comité opérationnel qui réunit des directeurs des services de comté et municipaux, ainsi que des représentants de diverses administrations publiques. En outre, en ce qui concerne l’UE, un certain nombre d’intérêts sont représentés au sein de comités de surveillance spéciaux. Les autorités régionales sont financées par les autorités locales constitutives, avec une aide spéciale fournie par le ministère des finances concernant les fonctions liées à l’UE. Les autorités fonctionnent à un niveau modeste, avec des niveaux de dépenses courantes annuelles compris entre 100 000 £IR et 200 000 £IR (1996), ainsi qu’avec des niveaux de dotation en personnel incluant un(e) Secrétaire et, de manière générale, un ou deux autres employés.
En 1999, deux nouvelles autorités régionales importantes, connues sous le nom d’Assemblées Régionales, ont été instituées avec un rôle accru concernant les programmes de l’UE. Il s’agit de la Border, Midland and Western Regional Assembly, et de la Southern and Eastern Regional Assembly.
Les autorités régionales ne s’inscrivent pas dans le cadre d’une tradition des collectivités locales en Irlande, et avant 1994, il n’existait aucune législation primaire les concernant. A la différence de ce qui se passe dans d’autres pays, il ne semble pas que les régions aient une quelconque base historique ou qu’il existe un sentiment public à leur égard dans le contexte irlandais. Les comtés paraissent fortement enracinés dans la tradition des collectivités locales irlandaises. Les bases légales des autorités régionales demeurent relativement faibles, de même que leurs fonctions, par comparaison aux régions dans d’autres pays européens avec une forte tradition régionale. Toutefois, les autorités régionales ont, dans une certaine mesure, excédé les attentes compte tenu de la fragilité de leurs fondements, et elles ont eu un impact au niveau local. Elles sont impliquées dans le processus de prise de décision, mais pour l’essentiel, elles ne remplissent que des fonctions de conseil visant à coordonner les plans de développement régional dans le cadre de plans nationaux plus vastes.
A cet égard, je souhaite souligner que la création de régions a été extrêmement répandue dans de nombreuses régions d’Europe au cours de ces dernières années. Les régions sont très largement utilisées comme un moyen de décentraliser les fonctions des gouvernements centraux, et ce processus a fait la preuve de son efficacité dans un grand nombre de pays. La structure émergeante dans de nombreux pays européen est un système à trois étages, le niveau régional supérieur étant doté de compétences en matière de développement économique, de santé, d’éducation, d’équipements routiers et de tourisme, mais ces fonctions varient d’un pays à l’autre. Même si, dans certains pays, le coût et l’intérêt d’un niveau d’administration supplémentaire a pu être remis en cause, je pense que les autorités régionales ont un potentiel important, et qu’elles seront à même de mettre en œuvre des fonctions de développement stratégique, économique durables qui constituent une part essentielle de la subsidiarité.
5. LES COLLECTIVITES LOCALES IRLANDAISES ET LA CHARTE EUROPEENNE DES POUVOIRS LOCAUX – RESUME
Selon nos interlocuteurs irlandais, la Charte européenne de l’autonomie locale a influencé le programme de réforme des collectivités locales. En 1996, le gouvernement a décidé que l’Irlande devrait signer et ratifier la Charte dès que les formalités nécessaires auront été accomplies. Ce point a été confirmé par le ministre Noel Dempsey, et il représente une expression claire d’un souci de rénovation des collectivités locales en Irlande.
L’Irlande a signé la Charte européenne de l’autonomie locale en 1997. A ce jour, elle ne l’a pas encore ratifiée. La principale raison de ce retard réside dans le fait que le gouvernement irlandais souhaite que le projet de réforme 2000 soit adopté par le parlement avant que la ratification ne soit proposée. De mon point de vue, cette attitude est aisément compréhensible, même s’il est souhaitable que la Charte soit ratifiée dès que possible.
Un certain nombre d’observations ont déjà été formulées en relation avec la Charte, et un certain nombre sont résumées ci-après. Elles sont destinées à encourager un développement accru des pouvoirs locaux, conformément à la Charte.
- J’invite le parlement irlandais à accepter de manière explicite le principe de subsidiarité à l’occasion des discussions relatives à l’adoption du nouveau projet de loi 2000 et de l’adoption de celui-ci. En effet, cela constituerait pour l’Irlande une opportunité remarquable de mettre sa législation plus en conformité avec la Charte européenne de l’autonomie locale.
- Les collectivités locales devraient être à même d’exercer des fonctions très larges au niveau local, mais il est compréhensible que le développement progressif de ces pouvoirs requière quelques années, jusqu’à ce qu’un modèle rénové de collectivités locales ait été mis en place.
- Les collectivités locales dépendent toujours très largement des capitaux de l’Etat. Il est essentiel que des dispositions légales solides soient adoptées en matière de financement afin de garantir l’autonomie des collectivités locales.
- Les élections locales semblent se dérouler dans de bonnes conditions. Néanmoins, un système de substitution pourrait être étudié, en remplacement de l’actuel système de cooptation. Des mesures destinées à encourager une participation accrue aux élections devraient également être envisagées. La participation des personnes appartenant aux catégories défavorisées, des jeunes et des femmes, en qualité d’élus, doit être favorisée.
- Le système des Directeurs des services des comtés dotés de fonctions exécutives peut avoir pour effet de limiter l’influence des élus. Il est essentiel que les membres élus puissent pleinement jouer le rôle central qui est le leur dans les affaires des collectivités locales. Il semble que telle soit la vocation des Corporate Policy Groups (CPG) [Groupes de Politique Générale], qui sont conçus pour impliquer un plus grand nombre de représentants élus dans la gestion des affaires courantes.
- Même lorsque les réformes actuellement proposées d’adoption d’une législation principale régissant les collectivités locales sont mises en œuvre, les autorités locales demeureront très largement soumises à l’Etat central et, en particulier, à la réglementation détaillée du ministère de l’environnement et des collectivités locales. Je pense qu’il est souhaitable que le système de réglementation détaillée édictée par le gouvernement central soit revu de manière systématique. Dans les cas appropriés, il doit être soit revu, soit remplacé par la législation.
- Je pense que les trois associations de collectivités locales devraient agir de concert et promouvoir une approche cohérente et commune des questions relatives aux autorités locales.
En Irlande, des réformes très complètes des autonomies locales sont actuellement en cours. J’espère qu’elle connaîtront un succès similaire à celui de l’économie irlandaise au cours de la dernière décennie. Il est important que la Charte européenne de l’autonomie locale soit ratifiée dès que possible. Par sa ratification, elle sera encore confortée dans sa fonction de modèle démocratique pour les gouvernements locaux.
Le projet de loi 2000 sur les collectivités locales, ainsi que d’autres projet gouvernementaux visant à renforcer les collectivités locales en Irlande, méritent d’être encouragés et doivent être considérés comme une démarche vers une authentique démocratie locale en Irlande.
ANNEXE I
Programme de la première visite (29-30 janvier 2001, Dublin)
Annexe 2
Programme de la deuxième visite (3-7 mars 2001)
1 NDT : équivalent fonctionnel de l’excès de pouvoir.