Rapport intérimaire sur la situation de l'autonomie locale et régionale en République de Moldova - CG (4) 20 Partie II

Rapporteurs: M. George LYCOURGOS (Chypre) et M. Xavier MULLER (France)

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EXPOSE DES MOTIFS

1. Note liminaire

A la suite de la Résolution 58 (1997) sur la situation de la démocratie locale dans les pays membres, le Moldova a été choisi comme l'un des pays devant faire l'objet d'un rapport spécifique. A cet effet, le Bureau du Congrès à nommé M. Lycourgos (Chypre) rapporteur de la Chambre des Pouvoirs Locaux et M. Xavier Muller (France), rapporteur de la Chambre des Régions. Les deux rapporteurs ont visité le pays du 4 au 6 décembre 1997.

Il y a lieu de remarquer que l'accueil a été excellent tout le long de la visite avec uniquement la défection à la dernière minute des représentants du Parlement moldave, défection d'autant plus regrettable qu'en fait, selon les renseignements recueillis, le principal obstacle pour une nouvelle législation en faveur de l'autonomie locale et régionale se trouve justement au sein du Parlement. Le programme de la visite a été le suivant:

Accueil de la délégation du CPLRE par M. Valeriu BULGARI, Vice-premier Ministre de la République de Moldova

Entretien avec M. CAPATINA, Vice-Ministre des Affaires étrangères

Entretien de la délégation du CPLRE avec la Commission Parlementaire Juridique pour les nominations et les immunités

Entretien de la délégation du CPLRE avec M. URECHEAN, Maire de Chisinau et Président de la Fédération des Pouvoirs Locaux et Régionaux de la République de Moldova

Entretien de la délégation du CPLRE avec l'Association des Maires de la République de Moldova

Entretien de la délégation du CPLRE avec M. Petru PASALI, Président de l'Assemblée Populaire de la Gagauzie (Gagauz-Yeri)

Bilan de la visite de la délégation du CPLRE en République de Moldova avec M. BULGARI

Rencontre avec le Maire du Secteur de Tocana (Chisinau)

2. Considérations générales

La République de Moldova n'a été déclarée souveraine qu'à la suite de la dislocation de l'URSS après le coup d'Etat visant M. Gorbachev (27 août 1991). Cela signifie que la voie pour l'obtention de son autonomie politique et économique a été et reste toujours difficile. La Moldova a décidé d'adhérer à la "Communauté des Etats Indépendants" (CEI). Elle dépend en fait, sur le plan de l'exportation de ses produits agro-alimentaires et pour l'importation des sources d'énergie, des pays de l'ancienne URSS et en particulier de la Russie. Une partie non négligeable de son territoire, 11%, se trouve encore hors de son contrôle. Il s'agit de la rive gauche du fleuve Dniestr appelé Transnistrie. La Moldova est un Etat avec un système en principe unitaire mais ayant accordé une autonomie spéciale à la Région de Gagauzie (dans le sud du pays). Nous avons été informés que la Moldova vient de déposer une demande de principe d'adhésion à l'Union Européenne pour qu'en priorité s'engage le processus d'accord d'association avec l'Union Européenne. Ceci tient compte du fait que, entre 1994 et 1997, la part du commerce extérieur avec l'Union Européenne s'est accrue de 5% à 35%. Par ailleurs, la République de Moldova participe aux organisations de coopération de l'Europe du sud-est et aux organisations parlementaires et gouvernementales de coopération des pays riverains de la Mer noire.

3. Bilan des textes législatifs en matière d'autonomie locale et régionale

Actuellement, l'autonomie locale est régie par une loi de 1994 et des élections locales tenues en 1995 avec la participation d'observateurs du CPLRE. Cette loi a créé, outre le niveau local, un niveau régional, dit Judet ou district, qui comprend 37 unités plus 4 municipalités (grandes villes) auxquels il convient d'ajouter la région autonome de Gagauzie (depuis le 14 janvier 1995) et la Région de Transnistrie pour laquelle aucune solution n'a encore été trouvée.

Le Parlement a voté en 1995 une modification de la loi sur les élections locales suite à une décision de la Cour constitutionnelle qui avait déclaré anticonstitutionnelles les dispositions de la loi précédente qui prévoyait la nomination par le gouvernement du maire des villes et communes dans lesquelles le seuil de 50% de votants n'était atteint ni au premier ni au deuxième tour d'élections.

Au cours de notre visite, nous avons été informés que le Parlement venait d'adopter un Code électoral qui comprenait aussi des dispositions sur les élections locales et les referendums locaux, loi qui vient d'être promulguée par le Président de la République, en vue surtout des prochaines élections législatives, prévues pour le mois de mars 1998.

Le Gouvernement a par ailleurs saisi le Parlement de deux autres projets de loi, après avoir accueilli l'avis des experts du Conseil de l'Europe et portant successivement:

- sur l'administration publique locale et régionale et

- sur la division territoriale administrative.

La délégation était au courant de l'avant-projet de loi ainsi que de l'avis des experts du Conseil de l'Europe et a reçu les textes de ces deux projets modifiés en langue moldave. Ces deux textes ont été traduits et l'expert qui a assisté la délégation, M. de Bruycker, a préparé un avis qui figure en annexe au projet de Recommandation.

Il est toutefois apparu que le Parlement ne serait plus en condition d'adopter ces deux projets de loi avant les prochaines élections législatives de mars 1998.

Par ailleurs, le gouvernement est en train de préparer un projet de loi sur les finances locales et un projet de loi sur la propriété locale et des districts. L'élaboration de ces textes rencontre encore de sérieuses difficultés au sein du gouvernement et une demande d'assistance technique a été exprimée par les autorités moldaves. Cette assistance sera accordée à travers le programme LODE.

La Moldova a ratifié le 1er juillet 1997 la Charte européenne de l'autonomie locale. Il y a lieu de noter à cet effet que la Moldova est un pays dualiste en matière d'application des conventions internationales, à savoir que pour que les dispositions d'une convention deviennent applicables, elles doivent être insérées dans le droit interne par une loi. Toutefois si le parlement devait adopter une loi contraire à une convention, le gouvernement serait habilité à attaquer cette loi devant la Cour constitutionnelle.

Le principal problème relevé par le Congrès à la suite du rapport présenté par M. Chénard en juin dernier était lié aux problèmes posés par la nomination des maires dans les villes et communes où en 1995 le seuil de 50% de votants n'avait pas été atteint aux deux tours d'élections. La Cour constitutionnelle avait demandé le 6 novembre 1995 que cette disposition de la loi soit modifiée dans un délai de 4 mois et "que soient restaurées les conséquences juridiques des dispositions de la loi déclarée anticonstitutionnelle". Or, comme nous avons vu ci-dessus la loi a été modifiée en ce sens qu'elle ne demande plus qu'un seuil de 30% pour le premier tour d'élections et aucun seuil pour le deuxième tour. Cette disposition a été reprise dans le nouveau Code électoral. Cette nomination des élus locaux par le gouvernement avait touché 98 communes et villes, apparemment les principales villes dont Chisinau, la capitale, ce qui représente 10% des communes mais un pourcentage nettement plus élevé de la population. Or la délégation a pu constater qu'à part dans 6 communes, notamment situées en Gagauzie, il n'a pas été procédé à de nouvelles élections après la modification de la loi demandée par la Cour constitutionnelle. Ce qui signifie qu'aujourd'hui encore dans 92 villes et communes dont Chisinau, le maire et le marie-adjoint ainsi que le secrétaire communal sont nommés par le gouvernement et que de plus il n'existe dans ces villes aucun conseil élu et par conséquent aucun contrôle démocratique. A Chisinau, où il y a un certain nombre de maires d'arrondissements, ceux-ci sont nommés par le maire, lui-même nommé par le gouvernement, et ne sont assistés par aucun conseil d'arrondissement élu. La délégation n'a pu que marquer sa plus vive réserve sur une telle situation qui s'est prolongée au-delà des modifications de la loi. A la question de savoir pourquoi vous n'avez pas convoqué de nouvelles élections, elle a reçu les trois réponses suivantes:

- la loi n'avait pas d'effet rétroactif et par conséquent ne touchait que les cas où un maire étant démissionnaire, il fallait procéder à une nouvelle élection ;

- de plus, il n'y avait pas assez d'argent pour financer les nouvelles élections ;

- le parlement qui serait compétent pour décider de telles élections n'a pas voulu le faire.

La délégation n'était pas convaincue du bien fondé de ces réponses et, au vu notamment des libellés de la Cour constitutionnelle, a demandé aux autorités gouvernementales de lui fournir une note sur les effets juridiques de l'arrêt de la Cour constitutionnelle. Cette note n'a pas été remise à ce jour.

A part ce manquement de taille à la démocratie locale, la délégation a noté une volonté de la part du ministre compétent de l'administration publique locale, M. Bulgari, de procéder aux réformes nécessaires contenues dans le projet de loi actuellement bloqué au Parlement. Il en va apparemment de même pour ce qui est des finances locales dont toutefois la situation actuelle est très éloignée de l'application de l'article 9 de la Charte européenne de l'autonomie locale (voir ci-après).

Cette impression a été confirmée par la lecture des deux projets de loi déjà mentionnés qui, s'ils étaient adoptés avec les quelques amendements proposés par l'expert du Congrès, marqueraient un pas décisif sur la voie de la démocratie locale et régionale en Moldova.

4. L'autonomie financière des collectivités locales

En effet, le Vice-Premier Ministre, M. Bulgari, et ses collaborateurs ont demandé l'appui d'experts du Conseil de l'Europe pour les aider à préparer un projet de loi respectueux des principes de base de la Charte européenne de l'autonomie locale. D'ailleurs les experts devraient également se pencher sur le projet de loi sur la propriété des collectivités locales. Cette demande a déjà été transmise au responsable du programme LODE par le Secrétariat du CPLRE. Il serait utile qu'un membre qualifié du Congrès puisse accompagner la mission des experts.

Les difficultés financières actuelles des collectivités locales ont été surtout discutées avec les responsables des deux associations de pouvoirs locaux. Le maire de Chisinau, Président de la Fédération des pouvoirs locaux et des districts, a indiqué que la situation actuelle des finances est pratiquement pire que celle qui existait sous le régime communiste. En pratique, à son avis, l'Etat monopolise le système des finances locales car c'est le Ministre des finances, et même pas le Parlement national, qui fixe le montant des transferts de l'Etat aux collectivités locales qui représentent en fait quelques 90% du budget local, les impôts locaux donnant un produit très réduit. Les communes ne disposent pas d'une propriété municipale ni en matière de transport, d'eau, d'énergie, d'espace locatif etc. Le maire de Chisinau s'est en plus plaint que sa ville ne touche que 24% du produit de l'impôt collecté sur son territoire par l'Etat et que bien que ce produit augmente dans la ville chaque année le pourcentage reversé à la ville diminue. Il doit s'agir probablement d'un système de péréquation en faveur des communes moins prospères mais ce système n'est fondé sur des critères objectifs fixés par la loi, mais il serait décidé à la discrétion du Ministre des Finances. Il est clair que le vote d'une loi sur les finances locales est une exigence primordiale afin de mettre l'autonomie financière des collectivités locales moldaves en conformité avec l'article 9 de la Charte.

5. Contrôle de l'Etat sur les collectivités territoriales

Dans la législation actuellement en vigueur ainsi que dans le projet de loi que la délégation a reçu, il est prévu un contrôle d'opportunité sous la forme de mesures contre tout agissement des élus locaux "contre les intérêts généraux des citoyens". Ceci a été remarqué par les experts du Conseil de l'Europe ainsi que dans l'avis de M. de Bruycker dans la mesure où le contrôle d'opportunité est contraire à la Charte européenne de l'autonomie locale. De plus, dans la législation actuelle, le Secrétaire communal est nommé par le gouvernement. La délégation a enregistré des déclarations du maire de Chisinau et Président de la Fédération des pouvoirs locaux et régionaux selon lequel le contrôle par l'Etat c'est ce qu'il y a de plus "efficace" en Moldova. Le maire de Chisinau s'est plaint de ce qu'une "armée de contrôleurs" s'immisce dans les travaux de la ville. Il faudrait vérifier si cela s'applique uniquement à la capitale, dans la mesure, comme on a vu ci-dessus, qu'à Chisinau il n'y a aucune espèce de contrôle démocratique du maire nommé.

6. L'autonomie régionale au niveau des districts

Il a été précisé plus haut qu'actuellement les districts sont au nombre de 37, plus 4 municipalités (villes importantes) et la région autonome de Gagauzie et potentiellement celle de Transnistrie. Actuellement les districts sont gérés par un conseil élu et par un chef d'administration qui appartient à la hiérarchie administrative déconcentrée de l'Etat. Les Districts actuellement ne disposent donc pas d'une administration propre, séparée de celle déconcentrée de l'Etat.

Le nouveau projet de loi vise à introduire 8 régions auxquelles s'ajoutent bien entendu la Gagauzie et la Transnistrie, ainsi que la ville de Chisinau ayant un statut spécial. Il s'agit d'une tentative de créer un niveau régional plus fort que celui des districts. Dans l'avant-projet de loi, le gouvernement avait toutefois gardé la structure ancienne où la séparation entre le conseil de district et le chef de l'administration déconcentrée de l'Etat n'était pas réalisée. Dans le nouveau projet de loi cette séparation a été proposée conformément à l'avis des experts du Conseil de l'Europe. Il y a d'une part le préfet représentant l'Etat et d'autre part le Président du Conseil de district. Toutefois, les représentants des associations des pouvoirs locaux et régionaux ont exprimé la crainte que le pouvoir des nouveaux préfets soit de facto prépondérant.

Il n'empêche que la délégation a pu recueillir un consensus certain sur la création de ces 8 régions auprès des deux associations de pouvoirs locaux et régionaux, même si la Fédération des pouvoirs locaux et régionaux aurait déposé plus de 100 amendements dont seul 30% auraient été pris en compte par le gouvernement. La délégation a estimé que il y a là une volonté politique claire du gouvernement de progresser vers un type de régionalisation qui s'aproche des standards européens.

Les seules réserves que la délégation ont entendues de la part de l'association des maires, c'est une crainte à propos de la période de transition entre les anciens districts et la mise en place des nouvelles régions.

7. La région autonome de la Gagauzie

La région de Gagauzie, située au sud du pays, a été créée par une loi fixant le statut spécial de cette région entrée en vigueur le 14 janvier 1995. L'assistance d'experts du Conseil de l'Europe avait été donnée pour la préparation de cette loi. La délégation a enregistré des jugements favorables sur le fonctionnement de cette nouvelle région à statut spécial aussi bien de la part des représentants du gouvernement que du Président de l'Assemblée régionale. On considère que ce statut a résolu le problème politique de la Gagauzie mais qu'il subsiste des problèmes économiques qui sont jugés différemment par le gouvernent et par les autorités régionales. Ainsi, les représentants de gouvernement sont d'avis que ces problèmes économiques ne diffèrent guère des difficultés économiques rencontrées dans l'ensemble du pays (chômage très important, faiblesse de l'activité économique et graves problèmes budgétaires).

L'avis du Président de l'Assemblée de Gagauzie est évidemment différent. Ainsi, pour une population de 172 000 habitants (dont 78% d'origine Gagauze) couvrant 3 villes et 27 villages, le budget de la région est de l'ordre de 18 millions de dollars dont 3 millions de ressources propres et 15 millions de dotation de l'Etat décidée par le Parlement national. De plus, par un accord souscrit au moment de l'octroi de statut d'autonomie, la Gagauzie a dû assumer une dette de 40 millions de dollars qu'elle doit rembourser.

Sur le plan de la définition du territoire de la région, les représentants de la Gagauzie ont signalé un seul problème ouvert, à savoir la ville de Bucanesti, partagée en deux par les résultats du référendum d'adhésion à la région. L'autonomie locale en Gagauzie semble fonctionner au plan des élections démocratiques puisqu'il n'y a plus de maires nommés, les 6 communes en question ayant procédé à l'élection après le vote de la nouvelle loi sur les élections locales. Par contre, il semble exister un manque d'autonomie financière puisque le budget de la commune est en fait déterminé par l'Assemblée régionale qui décide de la dotation financière des communes.

Les institutions régionales fonctionnent à travers un Président de la région élu et une assemblée régionale également élue composée de 35 membres. L'exécutif travaille sous l'autorité du Président de la région et est composé de 11 membres.

Si les problèmes politiques ont été résolus dans leur principe, il subsiste néanmoins des problèmes de fonctionnement dûs à l'application des dispositions du statut qui n'ont pas fait l'objet jusqu'à présent de lois d'application. Il s'agit, en particulier, de l'article 12 de ce statut qui accorde à l'Assemblée de Gagauzie un pouvoir législatif qui porte sur une série importante de compétences définies de manière très générale comme "culture, éducation, santé publique, sport, économie, écologie, budgets locaux, etc.". Le statut précise que l'Assemblée est habilitée à adopter une "législation locale" ce qui laisserait penser qu'il s'agit de compétences partagées.

Dans une telle situation, l'Assemblée de Gagauzie légifère et il en va de même pour le Parlement national. Jusqu'à présent, selon le Président de l'Assemblée de Gagauzie, celle-ci s'en est tenue à la recherche de compromis, toujours difficiles à trouver. Mais les autorités de Gagauzie se plaignent de ce que le Parlement national ne tient aucun compte du statut d'autonomie de Gagauzie. D'après celui-ci (article 12 paragraphe 3.i), la région de Gagauzie peut attaquer devant la Cour constitutionnelle des lois du Parlement national qui mettraient en cause ses pouvoirs. Il en va de même pour les autorités nationales vis-à-vis de la législation régionale. Pour l'instant, aucun recours n'a été soumis à la Cour constitutionnelle qui, dans un tel système, pourrait être appelée à établir une jurisprudence utile pour la mise en oeuvre du statut. La prochaine étape importante sera la définition d'un "Code légal de Gagauzie" prévu à l'article 12 du statut et dont l'adoption revient à l'Assemblée régionale. Le Président de celle-ci nous a indiqué que ce Code devrait constituer une sorte de statut ou "constitution régionale" qui préciserait également la question de la répartition des compétences. Il faut imaginer que, bien que le statut d'autonomie ne prévoie pas l'adoption d'un tel "Code" par l'Assemblée nationale de Moldova, les autorités nationales pourraient toujours attaquer un tel Code devant la Cour constitutionnelle s'il l'estimait non conforme à la Constitution ou au Statut spécial de janvier 1995. Le Président de l'Assemblée régionale a indiqué que ce Code sera soumis à un referendum régional.

Il y a là évidemment un risque de conflit. La délégation a enregistré avec intérêt que la Commission de Venise et le Congrès ont été invités à assister les autorités régionales de Gagauzie lors de l'élaboration de ce Code ce qui devrait contribuer à en assurer un contenu juridiquement solide.

8. Transnistrie

Cette question a été discutée principalement avec les autorités gouvernementales et en particulier avec le Vice-Ministre des Affaires étrangères. Cette région est située sur la rive gauche du fleuve Dniestr, à la frontière avec l'Ukraine, et se caractérise par une forte minorité russe et ukrainienne et la présence de la 14e Armée de la Fédération de Russie. Ce territoire, suite à des referendums organisés par les dirigeants locaux et régionaux, n'est aujourd'hui pas contrôlé par le gouvernement de Moldova. Il s'agit de quelque 600-700 000 personnes dont le chef lieu est Tirospol, ville à majorité russo-ukrainienne.

Un accord entre les autorités moldaves et le Premier Ministre de la Fédération de Russie était intervenu en 1995 et prévoyait le retrait progressif de la 14e armée ainsi que de son armement très important dans cette région. A ce jour, cet accord n'a pas été ratifié par la Douma de la Fédération de Russie et n'a pratiquement pas été mis en oeuvre, sauf une légère diminution des effectifs et de l'armement. Des pourparlers sont en cours avec la Russie, l'Ukraine et la Moldova, sous l'égide de l'OSCE. Selon les autorités moldaves, les accords réalisés au cours de ces négociations sont toujours mis en cause, soit par les autorités qui se sont mises en place en Transnistrie, soit par la Douma. Les autorités moldaves ont observé que le retrait de la 14e armée était une des conditions mises à l'adhésion de la Fédération de Russie au Conseil de l'Europe.

Selon le Vice-Ministre des Affaires étrangères, les autorités moldaves seraient prêtes à accepter un statut d'autonomie de type fédéral mais toutefois ne transigent pas sur les conditions suivantes:

- l'appartenance de la Transnistrie à l'Etat de Moldova

- à ce que celui-ci reste compétent pour le contrôle des frontières, la monnaie, les forces armées et la politique extérieure, toutes les autres compétences pourraient être confiées à une région autonome de Transnistrie.

A la question de savoir si le gouvernement moldave souhaitait que le Congrès s'intéresse aux problèmes de la Transnistrie, le Vice-Ministre des Affaires étrangères a répondu que le Congrès pourrait jouer un rôle dans la définition du statut d'autonomie de la région autonome de Transnistrie.

Le groupe de travail sur la situation de la démocratie locale et régionale a estimé que cette question devait être soulevée par le rapport et le projet de Recommandation.

9. Les associations des pouvoirs locaux et régionaux

La délégation a tenu à rencontrer les représentants des deux associations, à savoir la Fédération des pouvoirs locaux et régionaux, apparemment l'association officiellement reconnue par le gouvernement, et l'Association des maires.

La Fédération des pouvoirs locaux et régionaux comprend à la fois les villes et les districts. Nous avons rencontré le Président qui est en même temps le maire nommé de Chisinau ainsi que le vice-maire nommé de la capitale et le secrétaire communal. Le maire de Chisinau nous a plus parlé des problèmes de la ville que de la Fédération. Toutefois, il est apparu que celle-ci a développé des activités dans le domaine du dialogue avec les autorités gouvernementales pour la préparation du projet de loi sur l'autonomie locale et régionale. L'Association entretient une collaboration avec d'autres associations nationales, en particulier celles de Roumanie, et recherche davantage de coopération avec d'autres associations nationales. L'activité de la Fédération semble souffrir un peu du clivage politique. Aux dires de son président, il n' y aurait pas de divergences de vue entre les villes et les districts. Par contre, le Vice-Premier Ministre, M. Bulgari, a souhaité la création d'une association distincte pour les districts et une autre pour les villes et les communes. L'Association soutient en principe le nouveau projet de loi et la création des nouvelles régions, tout en craignant la création de préfets.

L'Association des maires de Moldova a accueilli la délégation dans une petite salle d'hôtel louée à cet effet. Nous y avons rencontré le président et 3 autres membres, tous maires de communes, ainsi que 2 experts. Il s'agit d'une association qui vise en particulier les petites villes et communes et est composée de 78 membres représentant 19 des 37 districts du pays. Sont membres, en général, des maires, des vice-maires et des secrétaires communaux. Il s'agit d'adhésions individuelles. L'Association n'a pas de siège et, malheureusement, elle n'est pas parvenu à trouver un accord avec la Fédération des pouvoirs locaux et régionaux sur cette question. L'activité de cette Association est, selon ses dirigeants, politiquement neutre et non partisane mais ayant uniquement pour objectif la défense de l'autonomie locale et régionale. L'Association soutient la réforme et la création de nouvelles régions et a qualifié de révolutionnaire la ratification de la CEAL. A son avis, l'arsenal législatif du pays doit être complété non seulement d'une loi sur les finances locales et d'une loi sur la propriété des collectivités territoriales, mais également d'une loi sur la fonction publique locale et sur le contentieux administratif. Parmi ses activités, il a lieu de mettre en exergue l'organisation d'une table ronde entre des élus locaux des 2 côtés du fleuve Dniestr, ce qui constitue à notre connaissance un des seuls lieux de dialogue avec la Transnistrie. L'Association aurait besoin d'une aide de la part d'associations d'Europe occidentale pour mieux se structurer et renforcer son activité.

10. Coopération transfrontalière

La délégation avait été alertée par l'avis des experts sur l'avant-projet de loi sur l'administration locale de la non existence de dispositions légales sur la coopération intercommunale et interrégionale, en particulier sur la coopération transfrontalière.

Ayant questionné le Vice-Ministre des Affaires étrangères sur ce problème, celui-ci nous a assuré que le gouvernement moldave encourageait cette coopération avec les seuls 2 pays voisins, à savoir l'Ukraine et la Roumanie. D'ailleurs, le gouvernement est en train de conclure un accord de coopération transfrontalière avec la Roumanie et entretient de bonnes relations avec l'Ukraine. Le gouvernement moldave a adressé une demande au Directeur de la DELA du Conseil de l'Europe pour l'organisation d'un séminaire sur la coopération transfrontalière des collectivités territoriales en Moldova. Il y a donc lieu de penser que, sur ce plan, les choses évoluent favorablement. D'ailleurs, l'Association des maires nous a indiqué qu'elle organise des réunions transfrontalières d'élus locaux à la frontière avec la Roumanie.

Enfin le projet de loi sur l'administration publique locale et régionale traite de cette question.

11. Problèmes de formation

La formation du personnel communal est assurée actuellement par l'Académie publique nationale de manière satisfaisante selon le président de la Fédération des pouvoirs locaux et régionaux. La formation des élus est également assurée par cette Académie et par les 2 associations de pouvoirs locaux et régionaux. Toutefois, notamment l'Association des maires a souhaité que le Conseil de l'Europe puisse assurer une aide à la formation des élus et du personnel local et régional.

En outre, il a été souhaité que le Conseil de l'Europe puisse aider ce qui apparaît être le problème fondamental en Moldova, à savoir la formation civique des citoyens et la sensibilisation de ceux-ci à leurs droits et devoirs. Les 2 membres de la délégation ont offert une coopération au niveau de leurs villes et régions. Le Secrétariat du Congrès a informé l'Association que ce problème est une des priorités faisant partie du plan d'action adopté par le Sommet des Chefs d'Etat et de gouvernement et que le Congrès travaille précisément sur la préparation d'une Charte sur les droits et responsabilités des citoyens.

12. Présentation d'un projet de Recommandation et de Résolution à la réunion de la Commission Permanente (5-6 mars 1998)

Le Groupe de travail sur la situation de la démocratie locale dans les Etats membres et le Groupe de travail sur la régionalisation, après avoir pris connaissance de ce rapport, ont estimé opportun de présenter un rapport intérimaire assorti d'un projet de Recommandation et d'un projet de Résolution à cause des raisons suivantes:

- fin mars auront lieu des nouvelles élections parlementaires et il serait bon que le nouveau Parlement, voire le gouvernement qui sera issu de ces élections, trouve sur la table des recommandations du Congrès;

- ce rapport devrait mettre l'accent sur deux manquements graves à la Charte européenne de l'autonomie locale à savoir les villes et communes (10% environ) dépourvues de tout contrôle démocratique à travers un organe élu et la dépendance financière des communes;

- enfin il s'agira de faire part aux autorités gouvernementales et parlementaires issues des élections législatives de mars 1998 de l'avis du Congrès sur les deux projets de loi préparés par le gouvernement actuel et qui vise à doter le Moldova de régions modernes.

Les rapporteurs comptent revisiter le pays, dès que les nouvelles autorités parlementaires et gouvernementales auront la possibilité de poursuivre leur tâche législative en matière de démocratie locale et régionale.