(CCJE-GT)
Rapport de la 34e réunion
Strasbourg, 21 – 23 mars 2018
Document établi par le Secrétariat
Direction Générale I – Droits de l’homme et État de droit
I. INTRODUCTION
1. Le Groupe de travail du Conseil consultatif de juges européens (CCJE-GT) a tenu sa 34e réunion du 21 au 23 mars 2018 à Strasbourg, sous la présidence de Mme Nina BETETTO (Slovénie), Vice-Présidente du CCJE.
2. L’ordre du jour et la liste des participants figurent respectivement aux annexes I et II du présent rapport.
II. COMMUNICATION DU PRÉSIDENT, DES MEMBRES DU BUREAU ET DU GROUPE DE TRAVAIL DU CCJE
3. M. Duro SESSA (Croatie), Président du CCJE, ouvre la réunion et informe les membres du Groupe de travail de la réunion du Bureau qui s’est tenue plus tôt dans la matinée et des sujets examinés. Il leur fait notamment savoir qu’il a participé à l’atelier organisé par le Réseau européen des conseils de la justice (RECJ) le 14 mars 2018 à Bruxelles et qui était essentiellement consacré à l’évaluation de la méthode et des indicateurs utilisés par le RECJ pour déterminer l’indépendance et la responsabilité des systèmes judiciaires des États membres de l’Union européenne[1].
4. M. Gerhard REISSNER (Autriche) évoque l’enquête réalisée par le RECJ à cet égard et ses résultats. Il ressort de cette enquête, à laquelle des juges de tous les pays participants ont répondu, que l’indépendance est menacée, même dans des pays où l’on ne s’y attendait pas. M. REISSNER souligne qu’il importe que le CCJE réagisse rapidement, et en coopération avec ses observateurs, aux actes visant à ébranler l’indépendance judiciaire dans divers États membres.
5. M. Raffaele SABATO (Italie) dit qu’il a été invité à participer à un groupe de réflexion créé par l’Université allemande d’Osnabrück auquel ont également pris part des membres des Cours constitutionnelles d’Allemagne et d’autres pays ainsi que d’autres représentants. De vives préoccupations ont été exprimées concernant la situation du système judiciaire en Pologne. M. SABATO estime que le Bureau du CCJE devrait continuer à surveiller cette situation.
6. M. SESSA informe également les membres du Groupe de travail des discussions du Bureau concernant les réponses au questionnaire sur l’égalité de genre, de la préparation de la compilation des réponses par le Secrétariat et de la décision qu’a prise le Bureau de transmettre la compilation à l’Unité pour l’égalité de genre pour qu’elle en prenne connaissance et pour coordonner avec elle les activités à venir.
7. En ce qui concerne la prochaine réunion plénière du CCJE qui se tiendra du 7 au 9 novembre 2018 à Zagreb dans le cadre de la présidence croate du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe, M. SESSA fait savoir qu’elle sera organisée dans la salle du Conseil municipal de Zagreb. Le Groupe de travail remercie M. SESSA[2] pour cette initiative et pour les efforts d’organisation qu’il a déployés.
III. PRÉPARATION DE L’AVIS NO 21 DU CCJE SUR L’INTÉGRITÉ JUDICIAIRE – PRÉVENIR ET COMBATTRE LA CORRUPTION DANS LE SYSTÈME JUDICIAIRE
8. Mme BETETTO présente au Groupe de travail l’analyse des réponses au questionnaire pour la préparation de l’Avis no 21, établie par l’expert du CCJE M. Rainer HORNUNG[3] (document CCJE(2018)2Prov2), ainsi que le projet de structure de l’Avis établi par le Secrétariat et révisé par le Bureau (document CCJE-BU(2018)2Prov1). Les membres du Groupe de travail estiment que ces documents constituent un bon point de départ pour l’élaboration du texte de l’Avis.
9. Mme BETETTO présente également le contenu considérations échangées sur l’Avis lors de la réunion du Bureau[4]. Il est ensuite décidé d’engager le débat général avant de poursuivre avec une analyse plus approfondie.
10. M. HORNUNG expose les principaux résultats de l’analyse des réponses au questionnaire. Tous les États membres mentionnent les statuts et l’intégrité judiciaire, notion qui recouvre de nombreuses règles et lignes de conduite et de nombreux éléments. Il y a d’une part la corruption réelle, qui peut en réalité être assez faible au regard du nombre de juges exerçant dans un pays, et d’autre part la corruption perçue. Une minorité d’États membres ont la chance d’être à l’abri de la corruption depuis longtemps. Il existe des pays dans lesquels les quelques affaires de corruption n’entament pas la confiance que la population place dans le système judiciaire. Dans certains pays, la perception de corruption des juges est largement répandue et elle est parfois plus importante que la corruption réelle. La grande majorité des États membres n’ont pas prévu de dispositions spécifiques sur l’acceptation d’un pot-de-vin par un juge et ce sont les dispositions relatives à l’acceptation d’un pot-de-vin par un agent public qui s’appliquent. La notion de sanction administrative ne recouvre pas la même réalité partout. Les instruments et mécanismes visant à protéger l’intégrité judiciaire peuvent inclure des policiers et des procureurs spécialisés voire des juridictions spécialisées. La grande majorité des États membres disposent d’un conseil de la magistrature. Tous les pays ne sont pas dotés d’un code de déontologie. La faiblesse des salaires des juges semble être l’une des principales raisons invoquées en cas de corruption. Quelques États membres ont par ailleurs baissé les salaires et les retraites. Dans la majorité des États membres, les juges ne sont pas autorisés à être membre d’un parti politique.
11. Au début du débat général, M. REISSNER insiste sur deux points : les salaires et la carrière. Les pratiques qui consisteraient, pour quelqu’un d’extérieur au pouvoir judiciaire, à essayer d’influer sur ces points devraient être fermement interdites. M. REISSNER ajoute que les moyens de lutter contre la corruption devraient être mis en avant et qu’il faut s’attaquer à la corruption systémique, qu’elle soit de haut niveau ou non.
12. M. Mats MELIN (Suède) conseille de mettre l’accent sur la structure des organismes anticorruption à l’échelle nationale et sur la manière dont les juges eux-mêmes peuvent être organisés pour lutter contre la corruption. Plusieurs aspects doivent être pris en compte, notamment le mécanisme judiciaire mis en place en interne, par exemple la désignation d’une personne à qui rendre compte des questions de corruption ou vers qui les juges peuvent se tourner pour soulever des questions sensibles au quotidien. La perception de la corruption comme suite aux allégations infondées est un autre aspect à considérer. Enfin, il conviendrait également d’examiner la culture du débat et les échanges organisés régulièrement entre les juges pour aborder des questions telles que les difficultés rencontrées et les moyens de les surmonter.
13. M. Nils ENGSTAD (Norvège) dit qu’il faudrait évaluer avec justesse l’opinion des usagers des tribunaux. La question de la corruption systémique doit être abordée d’un point de vue général, car le phénomène de la corruption dépend de la manière dont celle-ci se manifeste dans la société en général. En d’autres termes, la corruption n’est jamais un problème isolé.
14. Mme Anke EILERS (Allemagne) évoque les mesures de lutte contre la corruption perçue qui sont liées à la manière dont la population réagit, et ajoute qu’il faut se pencher sur les questions de transparence et d’amélioration des informations communiquées au public. Des mesures doivent donc être prises aussi bien en matière de corruption perçue que de corruption réelle.
15. Mme Aneta ARNAUDOVSKA (« L’ex-République yougoslave de Macédoine ») rappelle l’utilité du travail considérable accompli par le Groupe d’États du Conseil de l’Europe contre la corruption mais ajoute qu’il faut traiter ce problème du point de vue du CCJE, dans le cadre de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme. Ce qui importe réellement, c’est que le système judiciaire ne peut pas seulement s’attacher à changer la mentalité des juges, il doit également s’attaquer au problème de la perception par le public, car il existe des juges intègres auxquels la population ne fait toujours pas confiance.
16. M. SABATO estime lui aussi qu’il faudrait insister sur le fait que les juges sont responsables de la corruption. Nombre des affaires de corruption en Italie proviennent de signalements effectués par des collègues. De nombreux pays ne prévoient pas de statistiques spécifiques pour la corruption judiciaire, qui est comptabilisée avec les infractions d’ordre général. Quel est le meilleur moyen de lutter contre la corruption parmi les juges ? La transparence, en particulier, est très importante.
17. M. HORNUNG dit qu’il est tout à fait compréhensible que les recommandations visent à s’adresser aux juges eux-mêmes et à faire évoluer les mentalités. Il faudrait encourager les pays à créer des organes judiciaires autonomes composés au moins pour moitié de juges.
18. Mme BETETTO évoque les notions de corruption « douce » et de corruption classique ainsi que la question de savoir où s’arrête la première et où commence la seconde. Il faudrait étudier la perception de la corruption, car il semble que dans les nouvelles démocraties où cette perception est répandue, la corruption est parfois surestimée (c’est-à-dire perçue comme étant plus élevée qu’elle ne l’est réellement), tandis que dans les démocraties plus anciennes, elle peut être sous-estimée.
19. Mme Kathrin KLETT (Suisse) souligne que la transparence est une question essentielle, au même titre que sa perception, et qu’elle est liée à la transparence du processus de prise de décisions judiciaires.
20. À la fin de la réunion, le Groupe de travail approuve la nouvelle version de la structure de l’Avis et charge M.HORNUNG d’élaborer le premier projet d’Avis avant le 18 mai 2018, après quoi il sera transmis à tous les membres du Bureau et du Groupe de travail puis examiné lors de la réunion du Groupe de travail qui aura lieu du 13 au 15 juin 2018 à Porto.
IV. QUESTIONS DIVERSES
21. Les membres du Bureau et du Groupe de travail adressent leurs remerciements à la Cour suprême du Portugal pour son invitation et son généreux appui à la prochaine réunion du Groupe de travail à Porto. Ils examinent les modalités de cette réunion qui se tiendra du 13 au 15 juin 2018 ainsi que d’autres manifestations prévues dans ce cadre par la Cour suprême du Portugal.
ANNEXE I
AGENDA / ORDRE DU JOUR
1. Opening of the meeting / Ouverture de la réunion
2. Adoption of the agenda / Adoption de l’ordre du jour
3. Communication by the President, members of the Bureau and the Secretariat / Communication du Président, des membres du Bureau et du Secrétariat
4. Preparation of the draft Opinion No. 21 on « judicial integrity – preventing and fighting corruption in the judicial system » / Préparation du projet de l’Avis No. 21 sur « l’intégrité judiciaire - prévenir et combattre la corruption dans le système judiciaire »
5. Any other business / Divers
ANNEXE II
LIST OF PARTICIPANTS
MEMBERS OF THE CCJE-GT / MEMBRES DU CCJE-GT
Mr Orlando AFONSO, Juge à la Cour Suprême, ALMADA, PORTUGAL
Ms Aneta ARNAUDOVSKA, Judge, Director of the Academy of Judges and Prosecutors, SKOPJE, “THE FORMER YUGOSLAV REPUBLIC OF MACEDONIA” / “L’EX-REPUBLIQUE YOUGOSLAVE DE MACEDOINE” (Gender equality rapporteur / Rapporteur pour la questions de parité)
Ms Nino BAKAKURI, Judge, Supreme Court, TBILISI, GEORGIA / GÉORGIE
Ms Anke EILERS, Presiding Judge, Court of Appeal, COLOGNE, GERMANY / ALLEMAGNE
Mr Nils ENGSTAD, Judge, Hålogaland Court of Appeal, TROMSØ, NORWAY / NORVEGE
Mr Viktor GORODOVENKO, Judge, Constitutional Court, KYIV, UKRAINE
Ms Kathrin KLETT, Juge fédéral suprême, 1ère Cour de Droit Civil, LAUSANNE, SWITZERLAND / SUISSE
Ms Canòlic MINGORANCE CAIRAT, Juge, Seu de la Justicia Av Tarragona, ANDORRA LA VELLA, ANDORRA / ANDORRE
Mr Gerhard REISSNER, President of the District Court of Floridsdorf, VIENNA, AUSTRIA / AUTRICHE
Mr Raffaele SABATO, Judge, Supreme Court of Cassation, ROME, ITALY / ITALIE
OTHER PARTICIPANTS / AUTRES PARTICIPANTS
Ms Maja ROZMAN, Judge, Secretary of the Ethical Commission attached to the HJC of Slovenia, LJUBLJANA, SLOVENIA / SLOVENIE
Ms Erin JACKSON, Researcher, Faculty of Law, Economics and Governance, Institute of Jurisprudence, Constitutional and Administrative Law, Utrecht University, UTRECHT, NETHERLANDS / PAYS-BAS
SCIENTIFIC EXPERT / EXPERT SCIENTIFIQUE
Dr Rainer HORNUNG, Deputy Chief Prosecutor, Lörrach Prosecution Office, Former Director of the German Judicial Academy, LÖRRACH, GERMANY / ALLEMAGNE
MEMBERS OF THE CCJE-BU / MEMBRES DU CCJE-BU
Mr Duro SESSA, President of the Supreme Court, ZAGREB, CROATIA / CROATIE
(President of the CCJE / Président du CCJE)
Ms Nina BETETTO, Judge, Supreme Court, LJUBLJANA, SLOVENIA / SLOVENIE
(Vice-President of the CCJE / Vice-Président du CCJE)
Mr George BIRMINGHAM, Judge, Court of Appeal, DUBLIN,IRELAND / IRLANDE
Mr Mats MELIN, President of the Supreme Administrative Court, STOCKHOLM, SWEDEN / SUEDE
COUNCIL OF EUROPE’S SECRETARIAT /
SECRETARIAT DU CONSEIL DE L’EUROPE
Directorate General I – Human Rights and Rule of Law / Division for the Independence and Efficiency of Justice
Direction générale I – Droits de l’Homme et Etat de Droit / Division pour l’indépendance et l’efficacité de la justice
E-mail: [email protected]
Mr Stéphane LEYENBERGER, Head of the Division, Secretary of the CCJE / Chef de la Division, Secrétaire du CCJE
Tel: + 33 (0)3 88 41 34 12, E-mail: [email protected]
Mr Artashes MELIKYAN, Co-Secretary of the CCJE / Co-Secrétaire du CCJE
Tel: + 33 (0)3 90 21, E-mail: [email protected]
Ms Despina TRAMOUNTANI, Assistant / Assistante
Tel. +33 (0)3 90 21 62 95, E-mail: [email protected]
Ms Annette SATTEL, Administration and Networks / Administration et réseaux
Tel: +33 (0)3 88 41 39 04, E-mail: [email protected]
TRAINEE / STAGIAIRE
Ms Fiona MALAJ
INTERPRETERS / INTERPRETES
Ms Chloé CHENETIER
Mr Nicolas GUITTONNEAU
Ms Bettina LUDEWIG
[1] Pour de plus amples informations, voir le rapport de la 24e réunion du Bureau du CCJE (document CCJE-BU(2018)5), par. 7.
[2] M. Duro SESSA, Président du CCJE, est aussi le Président de la Cour suprême de Croatie.
[3] M. Rainer HORNUNG est procureur général adjoint au sein du ministère public de Lörrach (Allemagne) et ancien directeur de l’École allemande de la magistrature.
[4] Pour de plus amples informations, voir le rapport de la 24e réunion du Bureau du CCJE (document CCJE-BU(2018)5), par.10 à 12.