Strasbourg, le 4 octobre 2016

Commission européenne pour l’efficacité de la Justice (CEPEJ)

Cycle d’évaluation 2016-2018 des systèmes judiciaires

Note de présentation

1.   LA COMMISSION EUROPEENNE POUR L’EFFICACITE DE LA JUSTICE (CEPEJ)

La CEPEJ a été établie en septembre 2002 par le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe. Elle est chargée en particulier d’apporter des réponses concrètes, utilisables par les Etats membres du Conseil de l’Europe, pour:

La CEPEJ est aujourd’hui un organe unique pour tous les pays européens, composé d’experts qualifiés des 47 Etats membres du Conseil de l’Europe, qui évalue l’efficacité des systèmes judiciaires et propose des mesures et des outils concrets pour améliorer l’efficacité du service au bénéfice du public.

Le statut met ainsi l’accent sur la comparaison des systèmes judiciaires et sur l’échange de connaissances relatives à leur fonctionnement. La portée de cette comparaison dépasse l’efficacité au sens strict du terme, puisqu’elle s'intéresse tout particulièrement à la qualité et à l’effectivité de la justice.

Afin d’accomplir ces tâches, la CEPEJ a notamment entrepris depuis 2004 un processus régulier d’évaluation biennal des systèmes judiciaires des Etats membres du Conseil de l’Europe.     

2.   LE PROCESSUS D’EVALUATION DES SYSTEMES JUDICIAIRES PAR LA CEPEJ

A partir d’une grille de lecture destinée à comprendre un système judiciaire et évaluer son fonctionnement, soumise aux autorités compétentes des Etats, la CEPEJ collecte régulièrement des données sur le fonctionnement des systèmes judiciaires.

Les nouveaux rapports et la base de données utilisent des données de l’année 2016.

                                                                                         

Sur le plan méthodologique, la collecte de données repose sur des rapports préparés par les Etats et entités, qui ont été invités à nommer des correspondants nationaux chargés de la coordination des réponses à la grille dans leur Etat et entité respectifs.

La CEPEJ a chargé son Groupe de travail, présidé par M. Jean-Paul JEAN (France), de préparer le rapport[1], en coopération avec le Secrétariat de la CEPEJ.

Un travail de grande ampleur a été accompli pour vérifier la qualité des données transmises par les Etats et les valider sur des bases méthodologiques rigoureuses. Les experts de la CEPEJ ont estimé que les données ne devaient pas être modifiées d’office, sans accord explicite des Etats. La CEPEJ a choisi de traiter et de présenter uniquement les données ayant un bon niveau de qualité et de fiabilité. Elle a décidé de ne pas tenir compte des données trop hétérogènes d’un pays à l’autre ou d'un exercice d'évaluation à l'autre, ou dépourvues de garanties de fiabilité suffisantes.

La CEPEJ s’efforce d’aborder les thèmes d'analyse en tenant compte avant tout des priorités et des principes fondamentaux du Conseil de l’Europe. Au-delà des chiffres, l’intérêt du rapport de la CEPEJ est de mettre en évidence les grandes tendances, les évolutions et les enjeux communs aux Etats européens.

Comparabilité des données et des concepts : des écueils à éviter dans l’interprétation des données

La comparaison de données quantitatives provenant de différents pays aux situations géographiques, économiques, et judiciaires diverses, est une tâche délicate. Elle doit donc être abordée avec précaution, à la fois par les experts qui rédigent le rapport et par les lecteurs qui le consultent, l’interprètent, et analysent les informations qu’il contient.

Afin de comparer différents Etats et systèmes, il faut notamment mettre en évidence les spécificités susceptibles d’expliquer les variations de données d’un pays à l’autre (structures judiciaires différentes, mode d’organisation de la justice, utilisation d’outils statistiques pour évaluer les systèmes, etc.). Des efforts particuliers ont été faits en ce sens pour définir les termes employés et faire en sorte que les concepts soient utilisés par tous de la même façon. Une attention particulière a été notamment consacrée à la définition du budget alloué aux tribunaux, de façon à ce que les données communiquées par les Etats membres correspondent à des dépenses semblables. Toutefois, les particularités de certains systèmes ont pour conséquence qu’il n’est parfois pas possible de parvenir à des définitions communes des concepts. Dans ce cas, des commentaires spécifiques accompagnent les données. Par conséquent, seule une lecture active du rapport peut permettre d’en tirer une analyse et des conclusions. En outre, les chiffres ne peuvent pas être lus de manière passive, les uns après les autres; ils doivent être interprétés à la lumière des commentaires afférents.

L'objectif du rapport est de donner une vue d’ensemble de la situation des systèmes judiciaires européens et non d'établir un classement des meilleurs systèmes judiciaires en Europe, ce qui serait scientifiquement discutable et ne constituerait pas un outil utile pour les politiques publiques de la justice. En effet, comparer n’est pas classer. Le lecteur dispose cependant d’outils pour une étude approfondie, qui peut alors être conduite en sélectionnant des groupes de pays comparables de manière pertinente : suivant les caractéristiques des systèmes judiciaires (par exemple pays de droit romain et pays de common law ; pays avec des systèmes judiciaires relativement récents ou nouvellement réformés et pays de tradition juridique ancienne), des critères géographiques (superficie, population) ou économiques (par exemple montant du PIB, pays de la zone euro et hors de la zone, etc.).

Les valeurs monétaires sont exprimées en euros. Les taux de change varient de manière importante au fil du temps et ceci peut poser des difficultés pour les pays n'appartenant pas à la zone euro. C'est pourquoi il est nécessaire de porter une attention particulière à cet état de fait en comparant les données monétaires des éditions 2016 et 2018. Dans la mesure du possible, cela a été pris en compte tout en commentant les tableaux et chiffres montrant les variations budgétaires.

Le taux d'inflation a été pris en compte dans différentes parties de ce rapport lors de l'interprétation des variations des différents éléments composant le budget du système judiciaire.

3.   PRESENTATION DES RESULTATS 2018 : BASE DE DONNEES DYNAMIQUE

La CEPEJ présente les résultats de son cycle d'évaluation en deux temps:

1.      le rapport « Systèmes judiciaires européens – Efficacité et qualité de la justice – Edition 2018 » présentant les faits et chiffres clés permettant d'évaluer les systèmes judiciaires et leur évolution ; il est complété par un document de présentation ; le rapport fait un focus sur les questions de parité au sein du système judiciaire et sur le traitement des usages des tribunaux ;

2.      La mise à disposition des décideurs publics (ministères de la justice, parlements, etc.), des professionnels de la justice et des chercheurs d’une base de données interactive et dynamique (CEPEJ-STAT), accessible sur internet, permettant de sélectionner des données spécifiques, des pays spécifiques (pour comparer un Etat à d’autres Etats estimés comparables), d’effectuer des croisements de données et de générer des tableaux, graphiques et cartes instantanément.

voir: www.coe.int/cepej

S'appuyant sur la base de données de la CEPEJ sur la justice, qui est unique au monde, le rapport présente une photographie détaillée du fonctionnement de la justice dans 45 Etats membres du Conseil de l’Europe, auquel se sont ajoutés Israël et le Maroc, en qualité de membres observateurs, ainsi que des séries statistiques permettant d'analyser l'évolution des systèmes dans ces Etats.

Les tableaux et graphiques comparatifs et les commentaires permettent de comprendre le fonctionnement global des tribunaux, saisir les grandes tendances de l'évolution de la justice, identifier les problèmes pour améliorer la qualité et l'efficacité du service public de la justice. Il est un outil solide pour renforcer la connaissance réciproque des systèmes de justice et la confiance mutuelle entre les praticiens de la justice.


4.   QUELQUES GRANDES CONCLUSIONS ET TENDANCES QUI SE DEGAGENT DE CE CYCLE D’EVALUATION

4.1  Budgets des systèmes judiciaires

Dans la plupart des Etats et entités, l'évolution du budget alloué au système judiciaire suit l'évolution des dépenses publiques. Globalement, la tendance européenne reste à une augmentation progressive et modérée (parfois lissée sur une décennie) des budgets des systèmes judiciaires.

L'évaluation des budgets alloués aux systèmes judiciaires révèle des situations fortement contrastées en Europe. Pour certains Etats ou entités, le budget judiciaire augmente indépendamment de la compression des dépenses publiques, et, au contraire, la diminution du budget du système judiciaire est supérieure à la réduction des dépenses publiques. Plusieurs Etats qui avaient connu de baisses dans les budgets des systèmes judiciaires à cause de la crise économique et financière à partir de 2008 semblent désormais sortis de cette logique ; certains d’entre eux continuent progressivement à tendre vers les niveaux connus avant la crise.

La moyenne européenne concernant les budgets des systèmes judiciaires est de 64 € par habitant en 2016. Dans 5 Etats les dépenses par habitant sont inférieures à 10 €, alors que dans les 7 Etats ou entités, les dépenses sont supérieures à 100 €. Les différences entre niveaux de richesse mesurés par le PIB expliquent évidemment ces écarts en valeur absolue. Les Etats les plus riches ne sont pas nécessairement ceux qui ont les efforts budgétaires les plus importants en ce qui concerne leur système judiciaire. En ce qui concerne le Luxembourg et la Norvège, les budgets alloués au système judiciaire semblent remarquables en volume.

D'une manière générale, le budget des tribunaux représente la plus grande partie du budget alloué au système judiciaire: 66% en moyenne. Bien qu'il existe de grandes différences entre les Etats et les entités, la rémunération du personnel (juges et non-juges) est l'élément le plus important des budgets des tribunaux. Par rapport à la moyenne européenne, dans les pays d'Europe orientale, une part plus importante du budget judiciaire (environ 30%) est allouée au ministère public, tandis que les pays du nord investissent davantage dans l'aide judiciaire (plus de 30% du budget du système judiciaire).

On note le développement récent d’une tendance à externaliser certains services, afin d’optimiser les ressources budgétaires pour l’administration des tribunaux, mais aussi, parfois, pour renforcer la spécialisation et l’expertise dans certains domaines.

Tous les Etats ou entités ont mis en place un système d'aide judiciaire en matière pénale, conformément aux exigences de la Convention européenne des droits de l'homme. Presque tous les Etats ou entités ont mis en place un système d'aide judiciaire dans les affaires non pénales. En règle générale, ce système comprend la représentation par avocat devant les tribunaux, mais aussi  les conseils juridiques. En ce qui concerne l'évolution des budgets alloués à l'aide judiciaire, il est possible de distinguer deux tendances: ceux dotés des systèmes les plus généreux tendent à restreindre le budget alloué à l'aide judiciaire et ceux dont les montants alloués à l'aide judiciaire sont les plus bas tendent à augmenter le budget de l'aide judiciaire.

Le paiement des frais de justice est une caractéristique clé du système judiciaire en Europe: le contribuable n'est pas le seul à financer le système, car l'usager du tribunal est également invité à contribuer. Seuls la France, le Luxembourg et désormais l'Espagne prévoient l'accès au tribunal sans frais. Les revenus générés par les frais de justice varient de moins de 1% à plus de 50% du budget des tribunaux et même, dans certains Etats, représentent plus de la moitié du budget du système judiciaire. Pour la majorité des Etats membres, en particulier ceux où les juridictions perçoivent les recettes des registres (des entreprises et des affaires commerciales ou des transferts immobiliers, par exemple), celles-ci représentent une ressource importante couvrant une grande partie des frais de fonctionnement des tribunaux et, dans le cas de l'Autriche, pour des montants qui dépassent de loin les coûts de fonctionnement de l'ensemble du système judiciaire.

4.2  Personnels de justice et avocats

D’une manière générale, en matière de recrutement des juges, les normes européennes semblent être bien ancrées dans les normes constitutionnelles et législatives nationales. Les garanties d’indépendance relatives aux autorités de recrutement, à la procédure suivie, au rôle du Conseil de la Justice ou d’un organe similaire, ainsi qu’aux conditions auxquelles est soumis l’accès à la fonction de juge, sont bien présentes et cela, quels que soient le mode de nomination choisi et la conception en droit interne du principe de séparation des pouvoirs. Il conviendra toutefois de suivre les évolutions dans ce domaine au regard de réformes engagées depuis 2016 dans certains Etats membres.

La formation continue se développe. Les magistrats sont incités à renforcer leur formation et leurs connaissances, de manière souvent pluridisciplinaire. Si la formation continue reste plutôt facultative, son caractère obligatoire se renforce pour accéder à des postes ou fonctions spécialisées (juge pour enfant ou chef de cour par exemple).  

L’une des tendances à observer concerne la place de plus en plus importante accordée à l’expérience des candidats juges lors du processus de sélection. A l’origine caractéristique des pays de la common law, ce paramètre est davantage mis en avant dans la quasi-totalité des Etats.

Le nombre de juges professionnels reste globalement stable, alors que de nombreux Etats se sont engagés dans des politiques de regroupements de juridictions. Dans certains Etats cependant, les réformes ont conduit à une augmentation significative du nombre de juges professionnels, parfois pour combler un retard pris dans les années antérieures. La mise en place de nouvelles procédures (création de cours d’appel) ou de nouvelles juridictions (administratives) ont conduit à une augmentation du nombre de juges.

La différence, perçue dans les études antérieures, entre pays de l’Europe orientale et pays de l’Europe occidentale se confirme quant au recours à des juges non-professionnels. Les systèmes judiciaires des Etats de l’Europe orientale fonctionnent avec un ratio de juges professionnels par habitant supérieur à celui des Etats de l’Europe occidentale. Le recours à des magistrats non-professionnels demeure une caractéristique essentielle des pays de common law et ceux du Nord de l’Europe.  Au niveau européen, la professionnalisation des juges se renforce, avec une tendance à la baisse du nombre d’Etats qui ont recours à des juges non-professionnels. Il semble surtout que ce soit les missions confiées aux juges non-professionnels qui aient tendance à évoluer. Si le système de l’échevinage est couramment pratiqué pour la résolution de certains litiges, certains Etats y ont renoncé.

Les pays de common law utilisent traditionnellement des juges professionnels siégeant à titre occasionnel. Le recours à ce type de magistrats se justifie également dans les petits Etats comme Andorre et Monaco. Dans certains Etats et entités, les magistrats admis à la retraite peuvent être désignés pour exercer les fonctions de juge suppléant (Danemark, Belgique, Monténégro, Norvège, Israël). Cette pratique permet de faire face à des difficultés liées aux postes vacants en raison d’absences ou encore à l’arriéré judiciaire affectant l’efficacité des tribunaux. A cet égard, souvent les Conseils de la Justice sont habilités à décider de transférer temporairement des magistrats d’un tribunal à un autre. En Espagne et en Bosnie-Herzégovine, il existe des juges de réserve susceptibles d’être appelés à siéger pour assurer des remplacements ou renforcer la capacité des juridictions dans l’élimination des stocks d’affaires.          

L'Europe est partagée quant au recours à des jurys populaires, qui existent dans un peu moins de la moitié des Etats membres. Ce système demeure une caractéristique essentielle de l'Europe occidentale alors que la majorité des pays de l'Europe centrale et orientale n’en disposent pas – ou l’ont abandonné symboliquement lors de la transition démocratique.

La composition du corps judiciaire, plus ou moins professionnalisé, a une incidence forte sur les aspects budgétaires, notamment sur la part consacrée aux salaires, très élevée dans les Etats n’ayant recours qu’aux juges professionnels et relativement faible dans les pays faisant appel à des juges non-professionnels.

La féminisation des fonctions de juge professionnel est une tendance européenne qui se confirme, même si elle reste moins évidente dans les pays de common law. Le plafond de verre pour l’accès aux fonctions de responsabilité de chefs de juridiction est toujours une réalité. Des Etats ont pris conscience de ce déséquilibre et ont commencé à mettre en place des mécanismes pour favoriser, à compétences égales, le recrutement de femmes à des postes hiérarchiquement élevés.

Dans la plupart des Etats et entités, les juges sont recrutés pour une durée illimitée, jusqu’à l’âge de leur retraite. Cet âge a tendance à reculer, ce qui semble être en lien avec l’élévation de la durée de vie et les contraintes budgétaires. Cet âge de la retraite varie parfois au regard du niveau de responsabilités auquel est parvenu le juge. Il est important que l’âge de la retraite, et son évolution, ne puisse pas être un moyen détourné de remettre en cause l’inamovibilité des juges.

Plusieurs Etats imposent aux juges une limitation de durée dans l’exercice de certaines fonctions, au sein de la même juridiction par exemple. Cela peut être utile pour éviter l’appropriation d’un poste, mais cette mobilité doit être entourée de garanties pour éviter que ce mécanisme ne soit utilisé pour se défaire d’un juge.

Le principe de transfert du juge sans son consentement « pour des raisons organisationnelles » est accepté dans de nombreux Etats et semble être une tendance qui se développe. Il est important d’encadrer ces procédures par des garanties suffisantes afin que la recherche d’efficacité du système ne prenne pas le pas sur les principes fondamentaux de l’indépendance du juge.

On dispose en moyenne d’un nombre de procureurs pour 100 000 habitants légèrement plus élevé, et d’un nombre d’affaires reçues pour 100 habitants constant par rapport à 2014. Cela traduit peut-être une légère amélioration de la situation des procureurs en termes de charge de travail. Mais leurs attributions sont particulièrement nombreuses, le nombre de procureurs relativement faible et le nombre d’affaires reçues toujours élevé.

Les parquets les plus chargés se trouvent toujours incontestablement en France, qui compte en Europe quasiment le plus petit nombre de procureurs, mais doit en même temps faire face au plus grand nombre de procédures reçues, tout en ayant à remplir un nombre record de fonctions différentes. L’Autriche et l’Italie ont également des parquets particulièrement chargés. Les Pays-Bas et l’Angleterre et Pays de Galles (RU) font face également à un petit nombre de procureurs, mais le nombre de procédures reçues est moindre – et les compétences des procureurs en Angleterre et Pays de Galles (RU) plus restreintes.

A l’inverse, la plupart des pays d’Europe centrale et orientale connaissent des parquets bien dotés en personnel, pour un nombre relativement peu élevé de procédures reçues, même si leur champ de compétence est large. L’histoire de ces pays explique en partie cette situation. C’est en particulier le cas de la Fédération de Russie, de la Bulgarie, la Hongrie, la Lettonie, la Lituanie, la République de Moldova, du Monténégro de la Pologne et la Slovaquie. Ce phénomène est accentué dans certains pays où d’autres personnels exercent, en outre, des fonctions similaires à celles des procureurs.  

L’augmentation de la féminisation chez les procureurs confirme la tendance observée en 2014. Le plafond de verre pour l’accès des femmes aux postes de chefs de ministère public reste aussi une réalité malgré une légère tendance à se résorber du fait du nombre de femmes qui progresse lentement dans les niveaux hiérarchiques.


La tendance qui se dessine depuis quelques années traduit un rapprochement des salaires des juges et procureurs aussi bien en début de carrière qu’en fin de carrière. Les divergences qui demeurent trouvent leur explication soit dans la procédure de recrutement des magistrats du siège (lorsque l’expérience juridique constitue le paramètre principal de sélection) soit dans les spécificités des services de poursuite (lorsque le ministère public exerce ses responsabilités en concurrence avec d’autres organes, tels que la police, ou inversement, lorsque pour des raisons historiques les procureurs jouissent d’un statut renforcé).

Le nombre d’Etats ayant mis en place un Rechtspfleger ou un personnel équivalent est stable. Il n’existe pas de tendance de fond qui porterait une telle réforme dans un très grand nombre de pays. La diversité des missions confiées aux Rechtspflegers s’étend, et plusieurs Etats leur confient des missions très générales, dans des domaines très variés ; tel est le cas essentiellement de l’Allemagne et de l’Espagne, mais aussi de l’Islande, de la Slovaquie, et dans une certaine mesure, d’Andorre.

Le nombre d’avocats augmente encore en Europe, avec des écarts importants entre Etats et entités. L’augmentation du nombre d’avocats dans plusieurs Etats d’Europe centrale et orientale reflète le développement de l’Etat de droit. Le développement généralisé de l’aide judiciaire, bien qu’inégal entre les Etats et entités, peut également expliquer une part de l’augmentation du nombre d’avocats. On constate toujours un nombre important d’avocats dans les pays d’Europe du sud, où les sociétés sont davantage judiciarisées.

Le monopole des avocats n’est pas une tendance marquée, surtout en première instance. Il a tendance à augmenter au niveau de la plus haute instance.

4.3  Parité au sein du système judiciaire

Alors que les juges et les procureurs sont de plus en plus souvent des femmes, les avocats, les notaires et les agents d’exécution sont majoritairement des hommes. Les conditions de recrutement, ainsi que les conditions de travail, dans ces différentes professions peuvent expliquer certaines situations.

Il existe peu d’Etats et entités dans lesquels des dispositions spécifiques en faveur de la parité dans les recrutements du secteur de la justice ont été édictées et mises en œuvre. Dans la plupart des cas, ce sont des dispositions ou des mécanismes généraux qui s’appliquent pour éviter des discriminations en fonction du sexe. Seule l’Allemagne semble avoir construit une politique globale en faveur de la parité, tant pour le recrutement des juges que des avocats, des notaires et des agents d’exécution. 

Certains Etats et entités apparaissent comme particulièrement soucieux d’assurer la parité dans les mécanismes de promotion, pour les juges et les procureurs, mais aussi plus largement dans la majorité des professions de justice. L’Allemagne, la Norvège et la Suède semblent prendre en compte cette exigence dans les dispositions mises en place.

Malgré le phénomène assez général de féminisation de la plupart des professions de justice, l’organisation du travail au sein du système judiciaire n’a pas beaucoup évolué. La mise en place du télétravail est loin d’être généralisée, le remplacement des personnes en congé de maternité ne semble pas systématique. Il semble que l’organisation du travail mérite une attention particulière au niveau des juridictions de première instance, où les femmes sont significativement plus nombreuses.

De manière générale, même si les actions menées pour rééquilibrer les sexes au sein des professions du secteur de la justice sont peu nombreuses, les données suggèrent une prise en compte du problème dans une grande majorité d’Etats et entités.


Un effort est fait sur la composition des juridictions collégiales pour faire en sorte qu’elles siègent de manière paritaire ; seuls 7 Etats pratiquent une obligation de parité femmes/hommes dans cette composition des juridictions collégiales. Mais il ne semble pas exister une approche d’ensemble sur la manière dont les usagers peuvent percevoir la parité au sein du système judiciaire.

Il existe souvent des statistiques tenues sur le sexe des accusés et condamnés, parfois sur les victimes, mais de manière moins généralisée.

                                           

4.4  Organisation des tribunaux

De manière générale, la tendance européenne va vers une réduction du nombre de tribunaux et une augmentation concomitante de la taille des tribunaux, regroupant davantage de juges et de fonctionnaires, ainsi que vers une spécialisation accrue de juridictions. Ces réformes visant toutes à diminuer les coûts de fonctionnement, en termes de bâtiments notamment, par la mutualisation et la rationalisation des dépenses. Elles obligent les justiciables, les personnels des tribunaux et tous les professionnels du droit à faire un effort d’adaptation à ce nouveau mode d’organisation judiciaire. Ils peuvent également y trouver leur compte en bénéficiant de véritables « lieux de justice » plus simples d’utilisation, le développement des outils informatiques amplifiant et accompagnant ces transformations.

Les réformes de la carte judiciaire sont en cours dans quasiment trois-quarts des Etats et entités. Elles s’accompagnent parfois de dispositions nouvelles développant les modes alternatifs de règlement des conflits pouvant éviter de se rendre au tribunal pour régler son litige.

Le regroupement des juridictions va généralement de pair avec le développement du recours aux modes d’information et de communication par internet, la dématérialisation des documents, accompagnant parfois des transformations importantes en termes d’organisation du travail.

Les usagers des tribunaux devraient être l’élément central des activités du système judiciaire, pour pouvoir renforcer sa qualité et la légitimité de ces services.

En exploitant les avantages des technologies de l'information, les États peuvent mieux informer les usagers des tribunaux, adapter la disponibilité de l'information et créer une communication bilatérale durable avec les usagers, permettant ainsi de traiter les difficultés soulevées par les usagers. L'analyse et l'utilisation des données, recueillies grâce à des recherches quantitatives et qualitatives sur la satisfaction des usagers, augmente la légitimité des systèmes judiciaires et aide les chefs de juridiction et l'administration à fournir un meilleur service de justice, plus efficace. L'utilisation de systèmes d'information pour soutenir ces activités est cruciale. Cependant, c'est la justice procédurale - le contact humain, le traitement de toutes les personnes impliquées dans les procédures judiciaires avec dignité et respect - qui aide considérablement à rendre des décisions justes et, par conséquent, à bâtir la confiance dans la justice.

4.5  Performance des systèmes judiciaires

Les Etats poursuivent leurs efforts en vue d’une meilleure compréhension et de l'amélioration de l'activité de leurs tribunaux, en ce qui concerne le contrôle du respect des exigences fondamentales consacrées par la CEDH en matière de gestion des flux d'affaires et de durée des procédures.


Le cycle d’évaluation 2016-2018 relatif à l'efficacité des tribunaux en matière civile (principalement les affaires contentieuses civiles et commerciales) montre les éléments suivants:

·         En première instance, l'afflux d’affaires est resté relativement stable entre 2010 et 2016, tandis que le nombre d’affaires résolues a diminué. Les données recueillies montrent une performance moyenne positive (i.e. Clearance Rate) des tribunaux de première instance dans ce secteur. Le Disposition Time moyen pour cette catégorie d’affaires s'est lentement mais continuellement amélioré au fil du temps (de 267 jours en 2010 à 235 jours en 2016).

·         En deuxième instance, le nombre moyen d'affaires entrantes civiles et commerciales a diminué sur la période 2010-2016. Une performance globale positive peut être notée en 2016 (Clearance Rate : 101%), mais le nombre moyen d’affaires résolues par les tribunaux a diminué entre les deux derniers cycles. Le Disposition Time s'est amélioré.

·         Au niveau de la plus haute instance, malgré les fluctuations, le nombre moyen d’affaires contentieuses entrantes et résolues en matière civile et commerciale, a diminué entre 2010 et 2016. Malgré la diminution du nombre d'affaires entrantes, les tribunaux suprêmes d'un certain nombre d'Etats et d'entités ont eu du mal à faire face à l'afflux d'affaires. Le Disposition Time s'est amélioré.

Les données pour le cycle d’évaluation 2016-2018 relatives à l'efficacité des tribunaux en matière administrative montrent les éléments suivants :

·         En première instance, le Clearance Rate moyen des affaires administratives s'est amélioré. Cela se reflète dans la diminution générale du nombre d'affaires administratives pendantes et dans l'évolution analogue du Disposition Time. Le Disposition Time moyen pour les affaires administratives en 2016 (357 jours) est également beaucoup plus élevé que celui des affaires civiles et commerciales (235 jours).

·         En deuxième instance, en 2016, les tribunaux européens traitant des affaires administratives ont eu des difficultés à faire face à l'afflux d'affaires. Le Clearance Rate moyen en 2016 était de 95%, avec un certain nombre d'Etats affichant un Clearance Rate particulièrement faible. Les données montrent une aggravation de la situation depuis la dernière évaluation. Le Disposition Time moyen en 2016 était de 315 jours, ce qui est inférieur à la même valeur en première instance. Le Disposition Time s'est amélioré en deuxième instance au cours de la période 2010-2016.

·         Au niveau de la plus haute instance, le Clearance Rate moyen pour les affaires administratives montre une amélioration entre 2010 et 2012, une légère baisse en 2014 et à nouveau une légère augmentation en 2016. Le Disposition Time moyen a diminué de façon constante entre 2010 et 2014, mais a connu une hausse marquée en 2016.

·         Les demandes d’asile ont un impact significatif en nombre d’affaires entrantes en 2016 dans 9 pays : Allemagne, Autriche, Belgique, Finlande, France, Italie, Espagne, Suède et Suisse.

Les données 2016 relatives à l'efficacité des tribunaux en matière pénale montrent les éléments suivants:

·         En 2016, les procureurs ont reçu en moyenne 3,14 affaires pour 100 habitants. Environ 42% d'entre elles ont été classées par le ministère public et 28% de ces affaires ont été portées par le ministère public devant les tribunaux. 27% des affaires ont donné lieu à une sanction ou à une mesure imposée ou négociée par le ministère public. Le taux moyen d'affaires terminées (classées sans suite, terminées par une sanction ou une mesure imposée ou négociée par le procureur ou portée par le procureur devant le tribunal) par le ministère public par rapport aux affaires reçues est de 96%.

·         En première instance, les tribunaux ont reçu en moyenne 2,3 affaires pénales pour 100 habitants et sont parvenus à résoudre le même nombre d'affaires. Le Clearance Rate pour les affaires pénales est demeuré positif entre 2010 et 2016. Le Disposition Time moyen s'est amélioré entre 2010 et 2014, mais il a légèrement augmenté en 2016 (138 jours). Malgré les fluctuations, le nombre d'affaires pendantes diminue.

·         En deuxième instance, les données montrent une amélioration constante du Clearance Rate pour les affaires pénales sur la période 2010-2016, passant de valeurs négatives à des valeurs positives. Le Disposition Time moyen montre une très légère augmentation entre 2010 et 2016.

·         Au niveau de la plus haute instance, le Clearance Rate des affaires pénales a diminué depuis la dernière évaluation (tout en restant au-dessus du seuil d'efficacité), mais une amélioration peut être notée sur la longue période. Dans l'ensemble, le Disposition Time moyen s'est détérioré.

Les données relatives à des catégories spécifiques d'affaires permettent de mieux comprendre la durée des procédures dans certains domaines clés de la justice (famille, emploi, activités commerciales, immigration ou criminalité) et reflètent mieux le fonctionnement des systèmes judiciaires dans des contextes concrets. Les chiffres nous montrent les éléments suivants :

·         Le Clearance Rate moyen des affaires de divorce contentieux en 2016 a été positif et a marqué une amélioration par rapport à l'évaluation précédente. En revanche, le Disposition Time et la durée moyenne des procédures ont augmenté au cours du dernier cycle. Un peu moins de la moitié des Etats ou entités pour lesquels des données étaient disponibles ont enregistré un Clearance Rate positif en 2016 (20 sur 40) et dans 15 autres Etats, le Clearance Rate se situe entre 95% et 99%.

·         Le Clearance Rate moyen des affaires de licenciement s'est amélioré au cours de la période 2010-2016, passant de valeurs négatives à des valeurs positives.

·         Le Clearance Rate moyen des affaires de faillite s'est amélioré au cours de la période 2010-2016, mais la performance des tribunaux dans ce domaine demeure inférieure au seuil d'efficacité. Les Etats européens éprouvent les plus grandes difficultés à gérer la charge de travail en matière de faillites. Les données de 2016 montrent une amélioration du Disposition Time depuis le dernier cycle, mais la durée moyenne des procédures a augmenté depuis la dernière évaluation.

·         Les données sur les affaires relatives aux demandeurs d'asile et au droit d'entrée et de séjour des étrangers montrent que l’impact de ces deux contentieux liés aux migrations apparaît significatif sur le contentieux des juridictions dans 9 pays d’Europe occidentale. Dans un certain nombre de cas, l'augmentation du volume des affaires liées aux migrations a conduit à la création de cours ou tribunaux spécialisés dans ce domaine.

·         Le Clearance Rate moyen des affaires d'homicide volontaire a diminué au cours de la période 2010-2016, mais la dernière évaluation a marqué une amélioration par rapport à 2014. On peut noter une tendance positive en ce qui concerne l'évolution du Disposition Time moyen et de la durée moyenne des procédures entre 2010 et 2016.

·         Entre 2010 et 2016, le Clearance Rate moyen des affaires de vol avec violence a évolué positivement, passant de 99 % à 106 %. En revanche, le Disposition Time moyen s'est détérioré. La durée moyenne des procédures s'est plutôt améliorée régulièrement. Le Disposition Time et la durée moyenne déclarée pour les affaires de vol avec violence sont supérieurs à la moyenne pour l'ensemble des affaires pénales.



[1] France

[1] Le Groupe de travail de la CEPEJ sur l'évaluation de la justice (CEPEJ-GT-EVAL) était composé de :

M. Ramin GURBANOV, Vice-Président de la CEPEJ, Juge au Tribunal de District de Yasamal, Azerbaïdjan,

M. Adis HODZIC, Chef du Service du Budget et de la Statistique, Secrétariat du Conseil Supérieur de la Magistrature de Bosnie-Herzégovine,

M. Jean-Paul JEAN, Président de chambre à la Cour de Cassation, Professeur associé à l'Université de Poitiers, France (Président du CEPEJ-GT-EVAL),

Mme Simone KREβ, Juge, Vice-Présidente du Tribunal régional de Cologne, Allemagne,

M. Georg STAWA, Président de la CEPEJ, Chef du Service des projets, de la stratégie et de l’innovation, Ministère fédéral de la Justice, Autriche,

M. Jaša VRABEC, Chef du Bureau du développement de l'administration judiciaire, Cour Suprême de la République de Slovénie,

Mme Martina VRDOLJAK, Chef du département des statistiques, de l'analyse et du développement stratégique du pouvoir judiciaire, Direction de l'organisation du pouvoir judiciaire, Ministère de la Justice, Croatie.

Le groupe a également bénéficié du soutien actif des experts scientifiques :

Mme Julinda BEQIRAJ, Associée de recherche dans le domaine de l'État de droit, Centre Bingham pour l'État de droit, Londres, Royaume-Uni

Mme Caroline EXPERT-FOULQUIER, Maître de conférences de droit public, Université de Limoges, Directrice adjointe de l’Institut de préparation à l’administration générale (IPAG) de Limoges, France,

M. Fotis KARAYANNOPOULOS, Avocat, Athènes, Grèce

M. Christophe KOLLER, Directeur opérationnel, ESEHA (Centre d'expertises comparatives - conseils: Administration - Etat - Société - Economie - Histoire), Berne, Suisse,

Mme Ivana NINČIĆ, Consultante pour les réformes des professions juridiques, Ministère de la Justice, Serbie,

Mme Hélène PAULIAT, Professeur de droit public, Présidente honoraire de l'Université de Limoges, France

M. Francesco PERRONE, Juge, Tribunal de Padoue, Italie

Mme Federica VIAPIANA, Chercheuse et consultante, Bologne, Italie.