CCPE-BU(2020)4

Strasbourg, 12 mai 2020

                               

CONSEIL CONSULTATIF DE PROCUREURS EUROPÉENS (CCPE)

Questionnaire pour la préparation de l’Avis no 15 (2020) du CCPE :

Le rôle des procureurs dans les situations d'urgence

Veuillez, dans vos réponses, ne pas inclure d’extraits de la législation de votre pays, mais décrire la situation de manière concise, en précisant brièvement ce qui se passe dans les faits.

Introduction

Ce thème – le rôle des procureurs dans les situations d'urgence – a été choisi par les membres du CCPE au vu du contexte mondial sans précédent engendré par la pandémie de covid-19. L’objectif est de traiter ce sujet de manière concrète, car les procureurs ont un rôle important à jouer dans les situations d’urgence décrétées dans les États membres. Le CCPE communiquera la réponse qu’il apporte face à la crise et aux difficultés que rencontrent actuellement les procureurs. L’Avis no 15 donnera l’impulsion nécessaire et montrera la voie à suivre quant à la manière dont les procureurs peuvent relever les défis actuels sur la base des normes européennes. Il enverra un message fort au Comité des Ministres du Conseil de l’Europe en montrant comment le CCPE s’adapte à ces nouveaux défis.

Questions

DANS VOTRE PAYS :

Questions générales

1.    Une situation d’urgence ou comparable a-t-elle été décrétée pour lutter contre la pandémie de covid-19 ? (par quel type de dispositions [constitutionnelles, autres], sur quelle partie du territoire, pour quelle durée)

2.    La situation d’urgence a-t-elle eu des répercussions sur certains droits ? Lesquels ? (liberté de réunion, liberté de circulation, droit à la santé, liberté de conscience et de religion)

3.    Dans le cas où des droits auraient été suspendus ou limités pour des motifs sanitaires, quelles exigences ont été nécessaires (légalité, proportionnalité, bien-fondé des mesures, nécessité) et quels principes (égalité, non-discrimination) et quelles limites ont dû être respectés (fouilles, restrictions liées aux médias, partis politiques, etc.) ?

4.    A-t-on relevé une quelconque forme de discrimination, y compris de la part de particuliers, à l’encontre de certains groupes (personnels soignants, minorités raciales et ethniques, etc.), de discours de haine, de racisme, de xénophobie, ou des agressions, des retours forcés de réfugiés et de demandeurs d’asile, des mauvais traitements sur des étrangers et des migrants, ou encore des violences sexuelles ou fondées sur le genre ?

Questions concernant les fonctions habituelles des ministères publics, dans le cas particulier d’une situation d’urgence

 

5.    Comment le ministère public a-t-il travaillé en situation d’urgence ? (contraintes imposées sur les ministères publics : télétravail, possibilités limitées de se rendre sur le lieu de travail, d’utiliser les équipements correspondants, d’entrer en contact avec certains professionnels, etc.)

6.    Comment les personnes soupçonnées d’une infraction pénale et placées en détention provisoire ont-elles été gérées ? L’article 5, paragraphe 3, de la Convention européenne des droits de l’homme exige un jugement dans un délai raisonnable ou une libération pendant la procédure. Or lorsque les tribunaux fonctionnent au ralenti, les procès n’ont pas lieu. Par conséquent, les personnes soupçonnées d’une infraction pénale ont-elles été libérées de la détention provisoire ? (même si elles présentent un danger éventuel). Ou bien les motifs et les délais de garde à vue ont-ils été interprétés différemment, compte tenu des circonstances exceptionnelles, autrement dit, le « délai raisonnable » au sens de l’article 5, paragraphe 3, de la CEDH a-t-il été allongé ?

7.    Le ministère public est-il intervenu d’une façon ou d’une autre pendant la situation d’urgence (à savoir, dans le cas du Portugal, le Bureau du Procureur général a été en session permanente pendant toute la durée de la situation d’urgence afin de défendre le principe de légalité et les droits du citoyen) ?

8.    Des équipes de réponse à la crise ont-elles été créées au sein du ministère public et, si oui, à quel échelon (central, régional, local) ?

9.    Des directives ont-elles été émises à l’intention du ministère public pour faire face à la situation d’urgence et si oui, à quel échelon ? Quelles mesures ont été prises concernant les changements d’affectation des procureurs (pour s’occuper d’affaires urgentes ou pendant la période où la plupart des tribunaux ont été fermés ou ont vu leur activité significativement réduite) et concernant le remplacement des procureurs contaminés ?

10.  Une coopération spéciale avec d’autres services de l’État a-t-elle été mise en place (avec la police, les tribunaux, etc.) ?

11.  Le ministère public a-t-il conduit des enquêtes ou supervisé des enquêtes menées par la police ou d’autres autorités d’instruction pour que les droits de l’homme soient protégés pendant l’état d’urgence ?

12.  Le ministère public a-t-il opté pour des solutions de substitution aux poursuites afin d’éviter la surpopulation des lieux de détention en situation d’urgence ?

13.  L’action du ministère public a-t-elle été soumise à des modalités particulières pendant la situation d’urgence pour ce qui concerne :

-       l’institution des poursuites (en particulier dans les affaires urgentes, ou dans des affaires liées à l’état d’urgence, par exemple désobéissance aux forces de l’ordre, personnel soignant, intervention dans des cas de violence domestique) ;

-       la conduite des poursuites avant le procès, en particulier si les tribunaux ont significativement réduit leur activité (les tribunaux ont-ils maintenu leur activité, même en mode dégradé ?) ;

-       la garantie que les victimes et les témoins et d’autres participants vulnérables ont été assistés et/ou protégés de manière efficace, et que les droits des prévenus/défendeurs ont été respectés tout au long de la procédure ;

-       les recours contre les décisions des tribunaux ;

-       la supervision de l’exécution des décisions de justice et l’application, si possible, de mesures non privatives de liberté ou la réduction des peines de prison (pour éviter la surpopulation des lieux de détention et la propagation de la maladie) ;

-       la mise en œuvre d’une stratégie nationale en matière d’infraction (c'est-à-dire lorsque la désobéissance à des directives légales de la police et du personnel soignant concernant le confinement risquait d’aggraver la propagation de la maladie) ;

-       l’exécution de fonctions, le cas échéant, en dehors du système de justice pénale (c'est-à-dire : le confinement peut augmenter le risque que certaines personnes, notamment les enfants, soient témoins ou victimes de violences et d’abus ; le chômage ou l’application de mesures de limitation des déplacements et de respect de la distance physique peut être un prétexte pour manifester de la discrimination ou de la violence à l’encontre de certains groupes, notamment les étrangers et les groupes vulnérables ; respect du code du travail et de la protection sociale afin de réduire au minimum la contamination des travailleurs et des employés) ?

Questions concernant les éventuelles nouvelles fonctions des ministères publics en raison d’une situation d’urgence

14.  Le ministère public a-t-il eu de nouvelles fonctions ou ses fonctions ont-elles été étendues en raison de la situation d’urgence, en ce qui concerne par exemple :

-       la supervision du maintien de l’ordre public et de la sécurité ;

-       la supervision de l’application de mesures d’urgence telles que le confinement de la population ou la fermeture des espaces publics ;

-       la supervision de mesures de protection générales de la population et du maintien des services concernés, notamment en faveur des plus vulnérables pendant et après la pandémie (femmes, enfants, personnes âgées, personnes vivant dans des institutions, personnes privées de liberté, placées en détention ou confinées, personnes déplacées, sans-abri, migrants, réfugiés, habitants de taudis, etc.) ;

-       le contrôle des mesures réglementaires visant à empêcher la recherche du profit sur des denrées alimentaires, des produits d’hygiène et des médicaments et fournitures essentiels ;

-       la réduction du risque de stigmatisation des groupes vulnérables, notamment des personnes contaminées par le coronavirus, et de comportement néfaste à leur endroit ;

-       le contrôle du respect des droits des personnes placées en quarantaine ou confinées ;

-       les échanges avec les médias et la visibilité du travail du ministère public dans le contexte de l’état d’urgence ;

-       la communication d’informations à la population sur les mesures d’urgence et sur les sanctions correspondantes en cas de non-respect ?

Questions concernant les difficultés rencontrées par les ministères publics en situation d’urgence

15.  Quelles sont, selon vous, les principales difficultés rencontrées par les ministères publics pendant une situation d’urgence et à la sortie de cette situation/pendant le retour à la normale ?

16.  Par exemple, le retour à la « vie normale » a-t-il été préparé d’une façon ou d’une autre ? Dans les États membres où les procédures judiciaires ont été suspendues pendant plusieurs mois, le traitement des affaires a pris un retard considérable qu’il va falloir gérer. Est-ce au procureur qu’il revient de définir dans quel ordre ces affaires doivent être traitées ? Des mesures spéciales seront-elles prises (à savoir, procès pendant les week-ends ou paiement d’heures supplémentaires aux procureurs) ? Y a-t-il un risque que les affaires moins graves soient classées sans suite ou que des poursuites soient abandonnées ?

17.  Le ministère public rencontre-t-il des difficultés pendant une situation d’urgence et à la sortie de cette situation/pendant le retour à la normale, en ce qui concerne :

-       l’indépendance et la responsabilité des procureurs dans le contexte des situations d’urgence ;

-       la déontologie et la conduite professionnelle des procureurs pendant et après les situations d’urgence ;

-       la formation des procureurs sur les conditions de travail en situation d’urgence (par exemple, dans le cadre du télétravail) et sur la façon de se protéger du coronavirus ;

-       la création d’équipes pluridisciplinaires, lorsque cela est nécessaire (avec le personnel soignant par exemple) ;

-       le soutien aux groupes vulnérables, qui, en toute logique, seront les plus touchés par les conséquences économiques de la pandémie (chômage, aggravation des conditions de travail, répercussions sur les droits économiques, sociaux et culturels en général, etc.) ;

-       l’aide et la coopération internationales, compte tenu des conséquences de la pandémie et de la nécessité d’une coopération renforcée entre ministères publics (mise en commun de bonnes pratiques) ?

18.  Quels sont, selon vous, les moyens et les méthodes permettant de surmonter ces difficultés ?