Congrès des Pouvoirs Locaux et Régionaux de l'Europe
Congress of Local and Regional Authorities of Europe
SEPTIEME SESSION
(Strasbourg, 23-25 mai 2000)
AVIs 14 (2000) [1]
SUR
LE PROJET DE RECOMMANDATION DU COMITÉ DES MINISTRES,
PRÉPARÉ PAR LE CDLR,
SUR "LA FISCALITÉ LOCALE, LA PÉRÉQUATION FINANCIÈRE
ET LES APPORTS FINANCIERS AUX COLLECTIVITÉS LOCALES"
Le Congrès,
1. Après avoir été consulté oralement lors de la 24e réunion du Comité directeur sur la démocratie locale et régionale (CDLR) sur le projet de Recommandation du Comité des Ministres aux Etats membres sur "La fiscalité locale, la péréquation financière et les apports financiers aux collectivités locales",
2. Souhaite remercier le CDLR de l'avoir consulté et d'avoir révisé ce projet de recommandation afin de tenir en compte de ses observations préliminaires,
3. Compte tenu de l'opinion de son groupe de travail chargé du suivi de la mise en œuvre de la Charte européenne de l'autonomie locale sur le projet de recommandation révisé,
4. En vue de la transmission du projet de recommandation final au Comité des Ministres pour adoption :
- décide de soumettre au CDLR des propositions d'amendement complémentaires telles qu'elles figurent, en caractère gras, dans le texte présenté en annexe,
- demande au CDLR de tenir compte de ces propositions ainsi que de la Recommandation 79 (2000) sur "Les ressources financières des collectivités locales par rapport à leurs compétences, un test concret pour la subsidiarité" que le Congrès a adopté lors de sa 7e Session plénière (Strasbourg, 23-25 mai 2000) dans le cadre de ses activités de contrôle politique de l'application de la Charte européenne de l'autonomie locale.
ANNEXE
PROJET DE RECOMMANDATION N° ...
DU COMITÉ DES MINISTRES AUX ÉTATS MEMBRES SUR
"LA FISCALITÉ LOCALE, LA PÉRÉQUATION FINANCIÈRE
ET LES APPORTS FINANCIERS AUX COLLECTIVITÉS LOCALES"
Cette recommandation remplace la Recommandation (91) 4 du Comité des Ministres aux Etats membres sur la péréquation des ressources des collectivités locales
Le Comité des Ministres, en vertu de l'article 15.b du Statut du Conseil de l'Europe,
Considérant que le but du Conseil de l'Europe est de réaliser une union plus étroite entre ses membres afin de sauvegarder et de promouvoir les idéaux et les principes qui sont leur patrimoine commun, et de favoriser leur progrès économique et social, et que ce but peut être poursuivi, entre autres, par l'adoption d'une action commune dans les domaines économique, social, juridique et administratif ;
Considérant que l'autonomie locale implique une certaine autonomie financière ;
Considérant les dispositions de l’article 9 de la Charte européenne de l'autonomie locale, qu’il a adoptée sous forme de traité international le 15 octobre 1985 et qui a été ratifiée à ce jour par trente-deux Etats membres du Conseil de l’Europe ;
Compte tenu de la Recommandation (..) 2000 du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux de l’Europe, adoptée dans le cadre de ses activités de suivi de la mise en œuvre de la Charte européenne de l’autonomie locale et se référant à la question des ressources financières des collectivités locales par rapport à leur compétences ;
Considérant que la fiscalité locale, les mécanismes de péréquation financière et les apports financiers de l'Etat doivent être adaptés aux besoins des communautés collectivités locales afin de rendre optimale l'efficacité de l'activité de leurs autorités, tout en respectant les règles et codes de conduite applicables au niveau national ;
Considérant que les solutions aux problèmes financiers des collectivités locales doivent être adaptées aux spécificités de chaque Etat telles qu’elles résultent entre autres de sa structure, de son organisation territoriale, de la répartition des compétences entre les divers échelons de gouvernement et de ses traditions ;
Recommande aux gouvernements des Etats membres :
1. d’assurer une juste répartition des ressources financières publiques entre les divers échelons territoriaux en tenant compte des responsabilités compétences de chaque échelon et de leur évolution ;
2. de garantir aux collectivités locales un système de financement de leurs dépenses fondé sur les principes suivants :
– les ressources des collectivités locales et leur allocation répartition doivent être proportionnées au besoin de gérer efficacement leurs fonctions et tâches discrétionnaires compétences ;
– une partie substantielle des transferts tout comme en général les ressources propres ne doivent pas être affectées ;
– les collectivités locales ont droit, dans le cadre de la politique économique nationale, de collecter des ressources propres suffisantes ; la possibilité d'avoir une concurrence fiscale saine au niveau des impôts devrait être maintenue, tout en évitant la concurrence fiscale dommageable ;
– le montant des apports financiers de l’Etat doit être équitable et prévisible ;
– le système de financement dans son ensemble doit être cohérent avec les impératifs de la politique économique nationale ;
3. de revoir – si besoin est – le cadre juridique et administratif concernant la fiscalité locale, la péréquation financière et les apports financiers aux collectivités locales, en tenant compte, entre autres, des lignes directrices figurant en annexe à la présente recommandation et d'autres façons d'atteindre une répartition des apports financiers qui soit équitable et encourage l'amélioration des services et l'efficience l'efficacité de leur provision offre ;
4. d'associer les élus locaux à la réflexion sur les réformes qu'il convient de faire dans ce domaine et sur les modalités de mise en œuvre de celles-ci.
Annexe à la Recommandation n° ...
Lignes directrices concernant la fiscalité locale, la péréquation financière et les apports financiers aux collectivités locales
1. Lignes directrices en matière de fiscalité locale
a. Niveau des recettes fiscales
L’autonomie financière des collectivités locales implique un niveau de ressources propres proportionné à leurs compétences, telles que définies par la Constitution ou par la loi. En général, les ressources propres les plus importantes sont doivent être les recettes fiscales. Ces recettes représentent pour les collectivités locales un élément d’autonomie que leurs organes représentatifs tiennent de leur élection par les citoyens. En outre, le fait de pouvoir recourir à des ressources fiscales propres est un élément de sécurité pour les élus locaux qui peuvent ainsi savoir sur quel type de ressources ils peuvent compter sur le long terme. Compte tenu de ce qui précède, un certain degré de décentralisation fiscale est requis.
Pour mesurer ce degré on peut utiliser les paramètres suivants :
– le rapport entre le niveau des recettes fiscales des collectivités territoriales et le total des recettes fiscales de l'Etat ;
– le rapport entre les recettes fiscales locales et le total des ressources locales ;
– le poids des recettes fiscales en comparaison avec le poids des apports financiers (dotations et subventions) de l’Etat et d’autres collectivités publiques.
Lorsque le niveau de décentralisation fiscale est considéré comme faible sur la base des paramètres susmentionnés, les Etats devraient examiner, avec les collectivités locales, les mesures permettant d'augmenter la part des recettes fiscales, propres et/ou partagées, de ces collectivités, sans augmenter la pression fiscale globale.
b. Structure de la fiscalité locale
La structure de la fiscalité locale devrait répondre aux conditions suivantes :
– répartition équitable du poids de la fiscalité locale en fonction de la capacité à payer des contribuables et du bénéfice qu'ils tirent des services qui leur sont fournis ;
– rendement suffisamment élevé et faibles coûts de gestion et de contrôle ;
– visibilité du poids fiscal pour les personnes et les entreprises qui le supportent (celle-ci étant une condition préalable à une répartition efficace des ressources en fonction des préférences des citoyens) ;
– droit reconnu aux autorités locales de faire varier – le cas échéant, à l’intérieur d’une fourchette préétablie – le montant des impôts qu’elles ont levés ;
– l'écart entre les taux des impôts locaux des différentes collectivités locales ne devrait pas être trop grand ou pourrait se justifier à moins qu'il ne se justifie par des facteurs tels qu'un niveau de services différent ;
– faibles conséquences économiques (impact minimal sur la croissance et sur la structure économique de la municipalité), démographiques (afin de ne pas stimuler la migration des personnes) et sociales (afin de ne pas fragiliser davantage les groupes sociaux en difficulté) ;
– degré d'élasticité permettant l'ajustement des recettes fiscales à l'évolution des coûts.
Il est possible de répondre à ces exigences tant par un système basé sur des impôts exclusifs que par un système basé sur une combinaison de fiscalité propre(exclusive et commune) et d'impôts partagés dont la part revenant aux collectivités locales est fixée par la loi.
2. Lignes directrices en matière de péréquation financière
Un niveau substantiel de péréquation financière est une condition nécessaire de la décentralisation fiscale et d'une autonomie locale solide. En même temps, elle peut contribuer efficacement à la poursuite des objectifs de stabilité économique et à la réussite des politiques de développement durable et équilibré du territoire.
a. Méthodes d'estimation des besoins de dépense en vue de la péréquation
Dans l'estimation des besoins de dépense, il faut privilégier l'utilisation de critères qui :
– sont objectifs et que les collectivités locales ne contrôlent pas directement ;
– ne sont pas susceptibles d'influencer le libre choix des collectivités locales, dans les limites des ressources dont elles disposent ;
– ne pénalisent pas les collectivités qui s'efforcent de rationaliser la gestion de leurs services afin d'en améliorer l'efficacité et ne créent pas des incitations involontaires à des comportements qui vont à l'encontre des objectifs de responsabilité locale et d'efficacité dans la fourniture des services ;
– tiennent compte, autant que possible, des caractéristiques démographiques, géographiques, sociales et économiques entraînant des disparités de coûts ;
Les formules de calcul utilisées dans l'estimation des besoins de dépense devraient remplir les conditions suivantes :
– les poids accordés aux divers indicateurs individuels devraient être déterminés sur la base des renseignements objectifs quant aux variations des dépenses engendrées par la variation de ces indicateurs ;
– dans la mesure où l'évaluation des besoins implique néanmoins des jugements de valeur quant au poids à donner aux différents indicateurs de besoins, il est nécessaire d'identifier et d'évaluer les résultats de ces jugements en concertation avec les représentants des collectivités locales intéressées, ou de leurs associations ;
– les formules (modèles) d'évaluation des besoins devraient être aussi simples que possible, afin de favoriser la compréhension et la responsabilité, mais assez complètes et précises pour être fiables ;
– les formules d'évaluation des besoins devraient demeurer aussi stables que possible, pour permettre aux collectivités locales de faire des prévisions à long terme et pour que les changements des besoins estimés reflètent des changements réels dans la situation des collectivités locales ;
b. Mécanismes de péréquation
1. Les Etats devraient vérifier régulièrement le fonctionnement de leurs systèmes de péréquation et examiner, avec les collectivités locales, les améliorations qu'il est possible d'y apporter, en vue de corriger efficacement les effets pervers d'une répartition inégale des ressources et des besoins de dépenses, et d'assurer une véritable liberté d'option des collectivités locales dans les domaines de leur compétence.
La péréquation financière doit être appliquée à tous les niveaux, au plan vertical entre les autorités centrales (ou les autorités fédérales dans les fédérations), les autorités régionales (ou les autorités des entités fédérées dans les fédérations) et les collectivités locales, et, au plan horizontal, entre les différentes collectivités locales ;
Les systèmes de péréquation doivent être conçus de manière à pouvoir égaliser, au moins partiellement, la capacité fiscale des collectivités locales, afin de leur permettre, si elles le souhaitent, d'assurer une gamme et un niveau comparables de services, tout en appliquant des taux similaires d'imposition locale.
Il est néanmoins nécessaire de veiller à ce qu'une telle péréquation des capacités financières ne compromette pas l'autonomie locale en induisant pratiquement les collectivités à fournir le même niveau de services ou à appliquer les mêmes taux d'imposition. Dans cette perspective, la péréquation ne doit pas décourager les collectivités locales plus riches à produire un effort fiscal supplémentaire car il ne servirait qu’à des transferts vers d’autres collectivités. De façon analogue, la péréquation ne doit pas démotiver les collectivités locales plus pauvres à épuiser leur capacité fiscale.
Les modalités de péréquation devraient couvrir le plus possible d'activités des collectivités locales ; lorsqu'il y a plus d'un échelon d'administration locale, il serait utile d'appliquer des objectifs de péréquation à la totalité des services locaux et des taux d'imposition dans un territoire donné ;
Il faudrait donner aux collectivités locales une information appropriée sur le fonctionnement des systèmes de péréquation, car les collectivités locales ne peuvent accepter un système qu'elles ne connaissent pas ou ne comprennent pas.
Il convient, en outre, de favoriser les mécanismes volontaires de mutualisation de certains impôts locaux ; ces mécanismes pourraient être mis en place, en particulier, dans les régions urbaines, entre la ville-centre et les communes périphériques.
En général, la péréquation par l'octroi d’apports financiers risque moins de créer du ressentiment entre collectivités locales ; cependant, pour les cas où la capacité d'imposition locale varie tellement que le niveau de péréquation souhaité ne peut pas être atteint uniquement par des transferts financiers de l'Etat, il peut être utile d'envisager de recourir à un système de partage (fondé sur la loi et en accord avec le principe de solidarité entre collectivités de même niveau) selon lequel une partie des revenus fiscaux des collectivités riches serait transférée aux moins riches ;
Lorsqu'il existe plus d'un impôt local, la péréquation devrait se faire pour chaque impôt, à moins qu'un impôt particulier ne soit dominant et que la collectivité locale ait peu de possibilités de décider de la pondération des divers impôts ;
3. Lignes directrices en matière d'apports financiers aux collectivités locales
a. Dotations
Le concours de l'Etat (ainsi que des collectivités de l'échelon régional) au financement des budgets locaux devrait prendre, le plus souvent, la forme de dotations (apports non affectés).
Le montant global des dotations devrait être déterminé sur la base de critères qui tiennent compte de facteurs tels que la croissance économique et l'augmentation des coûts, surtout lorsque le niveau de ressources propres des collectivités locales et leur marge de manœuvre sur ces ressources ne permettent pas l'ajustement des ressources à la croissance des dépenses liée aux facteurs économiques.
Il est également souhaitable que l'Etat garantisse aux collectivités locales une certaine stabilité dans l'évolution de ce montant global, éventuellement par la loi ou bien dans le cadre d'arrangements qui visent à assurer la stabilité économique avec la coopération de tous les niveaux de gouvernement.
Les critères d'attribution des dotations doivent, en règle générale, être définis clairement, conformément au cadre légal et sur une base non discrétionnaire. Cela devrait permettre aux collectivités locales de calculer par avance le montant des dotations dont elles bénéficieront et d'adopter leurs budgets en conséquence.
b. Subventions
Les subventions (apports affectés) limitent la liberté de choix politique des collectivités locales et sont moins efficaces que les dotations en tant qu'instruments de péréquation. En conséquence, le recours aux subventions devrait se limiter, en général, à ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs suivants :
– (co-)financer les dépenses d'investissement, dans le cadre des politiques pour un développement territorial équilibré et durable ;
– assurer que certains services publics locaux soient fournis à un niveau normalisé sur l'ensemble du territoire national ;
– compenser les charges de centralité qui peuvent affecter l'offre de certains services publics locaux ;
– financer certains services publics que les collectivités locales assurent pour le compte de l'Etat ou compenser les frais auxquels les collectivités territoriales doivent faire face lors de la mise en œuvre des compétences déléguées par d'autres autorités.
[1] Discussion et approbation par la Chambre des pouvoirs locaux le 23 mai 2000 et adoption par la Commission permanente du Congrès le 25 mai 2000 (voir doc CPL (7) 4, projet d’Avis présenté par M. J.C. Frécon, Rapporteur).