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         Council of Europe                                                                                                                s:\delai.js\session5\avis\favis8

Conseil de l'Europe


                        Congress of Local and Regional Authorities of Europe

                               

                        Congrès des pouvoirs locaux et régionaux de l'Europe

                               

                                                                                                                                    Edition provisoire

                                                           CINQUIEME SESSION

                                                        (Strasbourg, 26-28 mai 1998)

                                                                    AVIS 8 (1998)[1]

                                                                  CONCERNANT

                LE PROJET DE RECOMMANDATION DU COMITE DES MINISTRES

                                                        PREPARE PAR LE CDLR

               SUR LE CONTROLE DE L'ACTION DES COLLECTIVITES LOCALES


            La lecture du document établi par le CDLR suscite une première réflexion sur sa signification en tant que premier exemple important de collaboration et de comparaison réciproque entre ce même CDLR et le CPLRE dans le cadre de la Charte européenne de l'autonomie locale. Il s'agit d'une collaboration qu'il faut promouvoir car il peut favoriser le développement des pouvoirs locaux en général, grâce à la mise en œuvre de la Charte de l'autonomie locale dans les Etats qui l'ont adoptée et à l'acceptation de la Charte dans les systèmes juridiques de ceux qui ne l'ont pas encore fait.

            Ce qui est positif, ce n'est pas seulement la démarche elle-même, mais aussi l'importance du texte dont le contenu correspond, dans une large mesure, aux résultats des travaux de longue haleine menés par le CPLRE, aussi bien dans sa structure actuelle de Congrès que dans sa structure antérieure de Conférence, et, par conséquent, mérite globalement d'être approuvé.

            Il est également utile à l'évidence de procéder à un examen plus minutieux pour apprécier les différences d'opinion et de comportement que révèle la lecture comparée des documents du CPLRE et du CDLR dans ce domaine.

            Les paragraphes a à e énoncent des principes qui, pris individuellement, semblent acceptables mais, pris globalement, soulignent de manière trop marquée l'importance du contrôle et ne font aucune place au principe de subsidiarité, qui n'est nullement mentionné, comme ce serait pourtant souhaitable.

            Certes, les collectivités locales «deviennent responsables» lorsqu'on leur confie les tâches évoquées à l'article 3 de la charte, mais avant de soulever le problème du contrôle, il faut considérer cette responsabilité comme l'aspect positif de l'application du principe de subsidiarité affirmé au paragraphe 3 de l'article 4. En ce sens, l'affirmation contenue dans le paragraphe d selon laquelle le contrôle est une condition préalable au renforcement de la décentralisation est un peu sujette à caution.

            Ce qui est très important, en revanche, et tout à fait positif, c'est l'énoncé des points h et i qui propose le respect des principes et, en tout premier lieu, de la proportionnalité. L'article 8 établit explicitement ce principe pour le contrôle des actes et le document l'étend au contrôle exercé vis-à-vis des élus.

            Au chapitre III.i, troisième alinéa, il faut peut-être expliquer (s'il en est effectivement ainsi) qu'il s'agit d'une procédure de substitution pour l'adoption d'actes ayant fait l'objet de négligence, sinon la substitution pourrait être interprétée comme une mise à l'écart de l'élu.


                                                                        ANNEXE

AVANT-PROJET DE RECOMMANDATION

DU COMITE DES MINISTRES AUX ETATS MEMBRES

SUR LE CONTROLE DE L'ACTION DES COLLECTIVITES LOCALES

Le Comité des Ministres, en vertu de l'article 15.b du Statut du Conseil de l'Europe,

a.         Considérant que le but du Conseil de l'Europe est de réaliser une union plus étroite entre ses membres, afin de sauvegarder et de promouvoir les idéaux et les principes qui sont leur patrimoine commun, et de favoriser leur progrès économique et social ;

b.         Considérant que, lorsque les collectivités locales ont, selon les termes de l'article 3 de la Charte européenne de l'autonomie locale (ci-après "la Charte"), le droit de régler et de gérer, dans le cadre de la loi, une part des affaires publiques, ces collectivités deviennent responsables devant les citoyens – électeurs et contribuables – et l'Etat ;

c.         Considérant que le respect des principes de l'Etat de droit et des rôles attribués aux divers pouvoirs publics, ainsi que la protection des droits des citoyens et la bonne gestion des biens publics, justifient l'existence de contrôles appropriés;

d.         Considérant que l'existence de tels contrôles constitue un corollaire de l'autonomie locale et est une condition préalable pour le renforcement de la décentralisation ;

e.         Considérant que la nature, l'étendue et les modalités de mise en oeuvre de ces contrôles ne doivent pas avoir pour conséquence une limitation injustifiée de l'autonomie locale ;

f.          Considérant que la nature et l'étendue des contrôles sur les actes des collectivités locales doit être différenciée suivant qu'il s'agit de tâches exercées pour le compte des autorités supérieures ou d'actes relevant des compétences «propres» ;

g.         Considérant qu'un éventuel manque de clarté de la législation concernant l'autonomie locale, et en particulier dans la définition des compétences, constitue une des principales menaces pour cette autonomie et peut engendrer un contrôle exorbitant des actes des collectivités locales ;

h.         Considérant que l'article 8 de la Charte précise le cadre de référence sur le contrôle des actes des collectivités locales : les contrôles administratifs des actes des collectivités locales doivent être prévus par la constitution ou par la loi, doivent normalement se limiter à la légalité des actes et doivent être exercés dans le respect d'une proportionnalité entre l'ampleur de l'intervention de l'autorité de contrôle et l'importance des intérêts qu'elle entend préserver ;

i.          Considérant que le respect de ces principes s'applique aussi aux sanctions administratives visant les représentants élus des collectivités locales ;

j.          Considérant que, selon l'article 11 de la Charte, les collectivités locales doivent avoir un droit de recours juridictionnel afin d'assurer le libre exercice de leurs compétences, ce qui implique la possibilité de recourir contre l'exercice abusif des pouvoirs de contrôle ;

k.         Considérant que la transparence est la meilleure garantie de la conformité des actes des pouvoirs publics  aux intérêts de la communauté, qu'elle est une condition essentielle d'un contrôle politique effectif de la part des citoyens et que son renforcement rend possible, en conséquence, la réduction des autres formes de contrôle ;

l.          Considérant que l'expérience de plusieurs Etats membres montre qu'il est possible de faire évoluer les systèmes de contrôle dans un sens favorable à l'autonomie locale sans pour autant mettre en cause leur efficacité ;

m.        Vu la Recommandation 20 (1996) du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux de l'Europe ;

n.         Vu le rapport du Comité directeur sur la démocratie locale et régionale concernant le contrôle et l'audit de l'action des collectivités locales[2] ;

            Recommande aux gouvernements des Etats membres :

1.         D'établir que, sauf disposition législative contraire, il faut présumer que les collectivités locales mettent en œuvre des compétences propres ;

2.         D'exclure le contrôle de l'opportunité des actes pris par les collectivités locales dans l'exercice de compétences propres et de ne prévoir, si nécessaire, des contrôles d'opportunité que sur les actes d'exécution de compétences déléguées, lorsque l'importance de ces actes justifie ce type de contrôles ;

3.         D'établir que les contrôles ne peuvent s'exercer que selon les formes et dans les cas prévus par la constitution ou la loi ;

4.         De reconnaître le rôle essentiel du contrôle politique par les citoyens et de favoriser la mise en oeuvre de ce contrôle, notamment par l'utilisation des instruments de la démocratie directe jugés appropriés;

5.         De renforcer la transparence de l'action des autorités locales et, en particulier, d'assurer le caractère public de toutes les décisions entraînant un coût financier pour la collectivité, ainsi que la possibilité effective pour les contribuables locaux de les consulter selon des procédures définies conformément à la loi ;

6.         D'établir que les autorités de contrôle sont tenue de recourir aux méthodes et mesures qui empiètent le moins sur l'autonomie locale, tout en leur permettant de parvenir au résultat approprié;

7.         De n'admettre les sanctions administratives visant les représentants des collectivités locales (suspension ou destitution d'élus et dissolution des organes locaux) qu'à titre exceptionnel, d'assortir leur utilisation des garanties aptes à en assurent la compatibilité avec le libre exercice des mandats électifs locaux et d'utiliser de préférence les procédures de substitution d'action en vue de réduire les cas où les mesures susmentionnées devraient être adoptées ;

8.         De privilégier les procédures que les autorités locales peuvent engager de leur propre initiative pour la résolution de leurs conflits internes, afin d'éviter l'intervention des autorités administratives de contrôle ;

9.         De prévoir le droit des collectivités locales à un recours juridictionnel contre les décisions des autorités administratives de contrôle et d'établir qu'en cas de litige, c'est au juge qu'il appartient de statuer en dernier lieu sur la légalité des actes des collectivités locale ;

10.       D'entreprendre, si nécessaire, les reformes législatives appropriées en vue d'améliorer la cohérence entre les systèmes de contrôle et le principe de subsidiarité, ainsi que l'efficacité de ces systèmes, en tenant compte les lignes directrices figurant en annexe à la présente Recommandation.

                                                                          Annexe

                                                                  Lignes directrices

concernant l'amélioration des systèmes de contrôle de l'action des collectivités locales

I.          Lignes directrices concernant la simplification et l'assouplissement des formes du contrôle administratif

–          Privilégier l'attribution de compétences propres à la délégation de compétences, ce qui entraîne une limitation des contrôles sur l'opportunité.

–          Enumérer clairement, dans les textes législatifs, les actes soumis au contrôle

–          Limiter les contrôles administratifs obligatoires exercés d'office aux actes d'une certaine importance, dans la mesure où ces contrôles peuvent être efficacement remplacés dans les autres cas par des contrôles à la demande des intéressés.

 –         Limiter les contrôles administratifs «a priori» (ceux où l'intervention de l'autorité gouvernementale constitue une condition pour l'efficacité ou la validité de l'acte), qui se justifie, entre autres, par le fait que les citoyens ont le droit de saisir le juge lorsqu'ils s'estiment lésés, même si l'acte en question a passé le contrôle préventif.

–          Faire évoluer les contrôles administratifs en mécanismes pré-contentieux, les effets du contrôle se réduisant à la saisine du juge dans le cadre d'un recours contre les actes des collectivités locales supposés illégaux.

II.        Lignes directrices concernant le développement de mécanismes alternatifs au contrôle administratif

–          Renforcer le dialogue entre autorités centrales et locales.

–          Renforcer la fonction de conseil et d'évaluation que certains organes (indépendants de l'administration centrale ou appartenant à celle-ci) peuvent exercer, en particulier dans le domaine financier et de la gestion.

–          Renforcer le rôle des organes indépendants, comme les ombudsmen et les médiateurs, dans le contrôle de la légalité des décisions des conseils locaux.

–          Renforcer les mécanismes de contrôles internes, en particulier en ce qui concerne le domaine financier et de la gestion.

III.       Lignes directrices concernant les procédures de contrôle

i)          Procédures judiciaires

–          Exclure le pouvoir pour le juge de se substituer à l'autorité locale dans l'appréciation de l'opportunité d'un acte : lorsque le contrôle de l'opportunité d'un acte s'avère nécessaire, il faudrait qu'il soit effectué par les autorités administratives de surveillance.

–          Donner au juge le pouvoir d'adopter de mesures intérimaires, si ces mesures sont justifiées par l'urgence et / ou par le risque d'un préjudice irréparable : lorsque l'autorité administrative de contrôle a le pouvoir d'annuler l'acte contrôlé, le juge saisi du recours contre la décision d'annulation devrait avoir, en général, le pouvoir de suspendre cette décision ; de même, il faudrait que le juge puisse suspendre l'acte de la collectivité locale lorsqu'il est saisi par l'autorité administrative de contrôle d'un recours en annulation de cet acte.

–          Prévoir les mesures aptes à assurer l'exécution pleine et immédiate des décisions judiciaires concernant la légalité de l'acte contrôlé, y compris les procédures de substitution des autorités défaillantes.

–          Prévoir les mesures aptes à réduire la durée d'examen par le juge des litiges portés devant lui, car les longueurs des procédures judiciaires affectent la sécurité juridique et peuvent préjuger l'utilité même du contrôle.

ii)         Procédures de supervision par les autorités administratives

–          Prévoir, si possible, qu'il y ait un seul organe administratif de contrôle en première instance ; si l'intervention d'organes de contrôle spécialisés (selon l'objet de l'acte soumis à contrôle) est nécessaire, définir avec précision les domaines de compétence respectives des organes en question, pour éviter toute incertitude sur l'autorité qui doit effectuer le contrôle.

–          fixer, dans les textes législatifs, le délai dont l'autorité de contrôle dispose pour se prononcer ; d'établir que l'absence de décision dans ce délai vaut accord.

iii)        Contrôles financiers et sur la gestion

–          Eviter que les contrôles financiers et sur la gestion aboutissent à un contrôle sur l'opportunité des choix effectués par les élus locaux.

–          Organiser ces contrôles afin de : promouvoir les bonnes pratiques comptables et l'efficacité de la gestion, prévenir les situations de déséquilibre financier, suivre l'assainissement des comptes des collectivités confrontées à des difficultés financières et éclairer les citoyens par une information complète et objective.


IV.       Lignes directrices concernant la prévention des risques de contrôles informels

–          Exclure, d'une manière générale, que les membres du personnel des collectivités locales soient dépendant d'autres autorités que les collectivités qui les emploient, lorsqu'ils prennent de décisions dans le cadre de leurs fonctions.

–          Eviter que les relations entre les autorités locales et les services de l'Etat qui collaborent avec celles-ci aient pour effet de remplacer la supervision officielle que l'on réduit par un contrôle « technique » officieux.



[1]        Discussion par la Commission permanente et adoption le 28 mai 1998 (voir doc. CPL (5) 5 présenté par Giorgio DE SABBATA, Rapporteur).

[2]               Série d'études "Communes et régions d'Europe", N° 66