47e SESSION

Rapport

CG(2024)47-20
16 octobre 2024

Problèmes récurrents recensés dans les évaluations consécutives aux missions de suivi de la Charte européenne de l’autonomie locale et d’observation d’élections du Congrès (période de référence 2021-2024)

Commission de suivi de la mise en œuvre de la Charte européenne de l’autonomie locale et sur le respect des droits humains et de l’État de droit aux niveaux local et régional (Commission de monitoring)

Corapporteurs[1] :    Thibaut GUIGNARD, France (L, PPE/CCE)

                            Stewart DICKSON, Royaume-Uni (R, GILD)

Résolution 505 (2024) 3

Recommandation 518 (2024) 5

Exposé des motifs 8

Résumé

Dans ce troisième rapport périodique, le Congrès analyse les principaux défis et les évolutions positives concernant la mise en œuvre dans tous les Etats membres de la Charte européenne de l’autonomie locale et des normes électorales lors des élections locales et régionales. Les données de ce rapport émanent des conclusions des rapports de suivi et d'observation des élections du Congrès adoptés au cours de la période 2021-2024, et mettent en évidence les domaines qui requièrent une attention particulière de la part des autorités nationales. Il est destiné à servir de mécanisme d'alerte rapide pour détecter les évolutions négatives et renforcer les positives afin de prévenir et de contrecarrer le recul démocratique aux niveaux local et régional.

La période de référence 2021-2024 a été fortement marquée par la pandémie de COVID-19, la guerre d'agression de la Fédération de Russie contre l'Ukraine, le changement climatique et leurs conséquences connexes, telles que, entre autres, les déplacements internes, l'inflation, les cyberattaques, la désinformation et l'ingérence. Ces événements ont entraîné des répercussions sur l'application de la Charte et sur les élections locales et régionales dans tous les États membres et ont ébranlé la confiance des électeurs dans leurs institutions et dans la démocratie représentative à tous les niveaux de gouvernement.

Le présent rapport conclut que les problèmes récurrents identifiés au cours de la période précédente (2017-2020) sont restés inchangés ou se sont aggravés au cours de la période examinée. Par exemple, les lacunes dans la mise en œuvre de l'article 9 sur les ressources financières au niveau local semblent avoir été aggravées par l'impact des multiples crises successives sur la situation financière locale. Outre une détérioration inquiétante des environnements de campagne, le rapport dévoile également des cas croissants de discours de haine et d'agressions verbales et physiques, reflétant une tendance préoccupante à laquelle les élus locaux - en particulier les maires - doivent faire face. Ces développements sont préjudiciables à la démocratie locale car ils remettent en cause les conditions d'exercice requises pour que les représentants élus puissent exercer librement leurs mandats locaux (article 7) et ont un effet dissuasif sur les futurs candidats aux élections.

Dans le même temps, des avancées positives dans la mise en œuvre de la Charte ont été constatées notamment le renforcement des droits de participation et de consultation des associations de collectivités locales et régionales, ainsi que l’adoption de mesures visant à renforcer la participation des citoyens aux affaires publiques locales.  En ce qui concerne les questions électorales, le rapport souligne les progrès réalisés en matière d'inclusivité des élections et de professionnalisme et de transparence des procédures électorales.

En accordant une attention particulière aux questions récurrentes et aux développements positifs identifiés, le Congrès appelle les Etats membres du Conseil de l'Europe à mettre pleinement en œuvre toutes les dispositions ratifiées de la Charte et à organiser des élections locales et régionales conformément aux normes électorales européennes. Il invite également les États membres à envoyer systématiquement au Congrès des invitations à observer les élections locales et régionales et à renforcer leur coopération avec le Congrès pour assurer la conformité avec la Charte et les normes électorales en s'engageant plus activement dans les dialogues post-suivi et post-élections.


RÉSOLUTION 505 (2024)[2]

1.      Le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe (« le Congrès ») se réfère :

a.   à la Charte européenne de l’autonomie locale (STE n° 122) et à son Protocole additionnel sur le droit de participer aux affaires des collectivités locales (STCE n° 207) ;

b.   à la Déclaration de Reykjavík, adoptée lors du Quatrième Sommet des chefs d’État et de gouvernement du Conseil de l’Europe (Reykjavík, 16 et 17 mai 2023), qui souligne la nécessité de soutenir le rôle essentiel de la gouvernance à plusieurs niveaux dans la réalisation de la vision de l’Organisation, entre autres par le biais du rôle du Congrès dans la mise en œuvre de la Charte européenne de l’autonomie locale ;

c.   aux chapitres XVIII, XIX et XX des Règles et procédures du Congrès, relatifs respectivement à l’organisation des procédures de suivi du Congrès, à l’organisation pratique des missions d’observation électorale et à la mise en œuvre du dialogue politique postsuivi/postélectoral ;

d.   aux rapports et recommandations de suivi du Congrès sur la mise en œuvre de la Charte européenne de l’autonomie locale dans les États membres du Conseil de l’Europe ;

e.   aux rapports et recommandations adoptés par le Congrès à la suite de l’observation d’élections locales et régionales ainsi qu’aux rapports, résolutions et recommandations sur les questions transversales en matière électorale ;

f.    à la Résolution 467 (2021) du Congrès « Problèmes récurrents recensés dans les évaluations consécutives aux missions de suivi et d’observation d’élections du Congrès (période de référence 2017-2020) » ;

g.   à la Résolution 466 (2021) du Congrès « Garantir le respect de la Charte européenne de l’autonomie locale en période de crise majeure » ;

h.   à la Résolution 413 (2017) du Congrès sur l’analyse comparative de la mise en œuvre de la Charte européenne de l’autonomie locale dans 47 États membres ;

i.     à la Résolution 412 (2017) du Congrès « Problèmes récurrents recensés dans les évaluations consécutives aux missions de suivi et d’observation d’élections du Congrès (période de référence 2010-2016) ».

2.      Le Congrès note que, depuis la publication du précédent rapport périodique en 2021, l’Europe a connu d’importants bouleversements politiques, économiques et sociaux provoqués par la crise de la Covid-19, l’accueil de migrants et de réfugiés, le changement climatique, la guerre d’agression de la Fédération de Russie contre l’Ukraine et les défis que celle-ci a entraînés concernant le coût de la vie et le prix de l’énergie. Ces pressions ont remodelé l’environnement dans lequel les pouvoirs nationaux, locaux et régionaux opèrent, avec un impact profond sur leurs activités et leurs ressources.

3.      Le Congrès regrette que les problèmes récurrents liés au respect de la Charte mis en évidence dans le précédent rapport aient persisté pendant la nouvelle période examinée, avec pour certains d’entre eux une aggravation due à l’impact des crises successives. Tel est le cas notamment de l’insuffisance des ressources financières mises à la disposition des collectivités locales et régionales, de la portée limitée de l’autonomie locale et du manque de consultation.

4.      En outre, les élu·es des collectivités locales et régionales, partout en Europe, ont été de plus en plus confrontés à de virulentes campagnes de haine et de désinformation en ligne, ainsi que des violences physiques et verbales, qui ont créé un environnement défavorable à l’exécution de leurs mandats. Cette tendance, particulièrement visible lors des campagnes électorales, s’est accentuée ces dernières années, avec pour résultat un effet paralysant sur les démocraties européennes et la vie politique aux niveaux local et régional.

5.      De même, concernant les élections, malgré les efforts importants déployés par les autorités nationales pour garantir le respect des normes électorales, le Congrès souligne la persistance des problèmes récurrents identifiés précédemment concernant l’inexactitude des listes électorales, l’utilisation abusive des ressources administratives et des fonctions officielles, la politisation de l’administration électorale, la faible confiance du public dans les processus électoraux et les brèches  du principe de l’égalité des chances pour l’ensemble des candidat·es.

6.      Dans le même temps, le Congrès a identifié ces dernières années de nouvelles tendances qui ont un impact croissant sur les élections locales et régionales, notamment la détérioration du contexte des campagnes électorales et la montée des ingérences étrangères, tout en notant avec satisfaction les progrès d’ensemble dans l’amélioration de l’inclusivité des processus électoraux locaux et régionaux en Europe.

7.   Par conséquent, le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe :

a.   invite la commission de suivi à continuer de préparer environ tous les trois ans un examen des problèmes récurrents, fondé sur les évaluations des missions de suivi et d’observation des élections menées par le Congrès au cours de cette période ;

b.   charge la commission de suivi d’étendre et d’intensifier ses activités dans le domaine des élections locales et régionales, en particulier en ce qui concerne les missions d’observation électorale, le dialogue post-électoral et les missions d’enquête ;

c.   invite les rapporteur·es par pays à continuer de mettre l’accent sur les problèmes récurrents lors du suivi de la mise en œuvre de la Charte, de la conduite de missions d’observation électorale et de la réalisation d’examens à mi-parcours sur la mise en œuvre de la Charte ;

d.   invite instamment tous les organes compétents du Congrès à intégrer davantage les problèmes récurrents dans leurs activités, à concevoir des outils et politiques efficaces pour aider les États membres à résoudre ces problèmes et à promouvoir la diffusion des bonnes pratiques pertinentes.


RECOMMANDATION 518 (2024)[3]

1.   Le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe (« le Congrès ») se réfère :

a.   à la Charte européenne de l’autonomie locale (STE n° 122) et à son Protocole additionnel sur le droit de participer aux affaires des collectivités locales (STCE n° 207) ;

b.   à la Déclaration de Reykjavík, adoptée lors du Quatrième Sommet des chefs d’État et de gouvernement du Conseil de l’Europe (Reykjavík, 16 et 17 mai 2023), qui souligne la nécessité de soutenir le rôle essentiel de la gouvernance à plusieurs niveaux dans la réalisation de la vision de l’Organisation, entre autres par le biais du rôle du Congrès dans la mise en œuvre de la Charte européenne de l’autonomie locale ;

c.   à l’article 2, paragraphe 1.b, de la Charte du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux annexée à la Résolution statutaire CM/Res(2020)1, selon lequel l’un des objectifs du Congrès est « de soumettre au Comité des Ministres des propositions afin de promouvoir la démocratie locale et régionale » ;

d.    aux chapitres XVIII, XIX et XX des Règles et procédures du Congrès, relatifs respectivement à l’organisation des procédures de suivi du Congrès, à l’organisation pratique des missions d’observation électorale et à la mise en œuvre du dialogue politique postsuivi/postélectoral ;

e.   aux rapports, résolutions et recommandations de suivi du Congrès sur la mise en œuvre de la Charte européenne de l’autonomie locale dans les États membres du Conseil de l’Europe ;

f.    aux rapports et recommandations adoptés par le Congrès à la suite de l’observation d’élections locales et régionales ainsi qu’aux rapports, résolutions et recommandations sur les questions transversales en matière électorale ;

g.   à la Recommandation 455 (2021) du Congrès « Problèmes récurrents recensés dans les évaluations consécutives aux missions de suivi et d’observation d’élections du Congrès (période de référence 2017-2020) » ;

h.   à la Recommandation 453 (2021) du Congrès « Garantir le respect de la Charte européenne de l’autonomie locale en période de crise majeure » ;

i.    à la Recommandation 395 (2017) du Congrès « Problèmes récurrents recensés dans les évaluations consécutives aux missions de suivi et d’observation d’élections du Congrès (période de référence 2010-2016) ».

2.      Le Congrès note que, depuis la publication du précédent rapport périodique en 2021, l’Europe a connu d’importants bouleversements politiques, économiques et sociaux provoqués par la crise de la Covid-19, l’accueil de migrants et de réfugiés, le changement climatique, la guerre d’agression de la Fédération de Russie contre l’Ukraine et les défis que celle-ci a entraînés concernant le coût de la vie et le prix de l’énergie. Ces pressions ont remodelé l’environnement dans lequel les pouvoirs nationaux, locaux et régionaux opèrent, avec un impact profond sur leurs activités et leurs ressources.

3.      Le Congrès regrette que les problèmes récurrents liés au respect de la Charte mis en évidence dans le précédent rapport aient persisté pendant la nouvelle période examinée, avec pour certains d’entre eux une aggravation due à l’impact des crises successives. Tel est le cas notamment de l’insuffisance des ressources financières mises à la disposition des collectivités locales et régionales, de la portée limitée de l’autonomie locale et du manque de consultation.

4.      En outre, la multiplication des cas de discours de haine, de désinformation, de menaces et d’agressions verbales et physiques à l’encontre des élu·es locaux - en particulier les maires - dans toute l’Europe, surtout pendant les campagnes électorales, s’est accentuée ces dernières années et continue de compliquer fortement les conditions nécessaires à l’exercice des mandats électifs et de la démocratie locale. Cette tendance peut avoir un effet paralysant sur la vie politique aux niveaux local et régional.

5.      Le Congrès souligne également, parmi les problèmes récurrents en matière électorale qui continuent de se poser, l’inexactitude des listes électorales, l’utilisation abusive de ressources administratives pendant les campagnes électorales, la politisation de l’administration électorale à tous les échelons, la baisse de confiance des électeurs à l’égard des processus électoraux et des conditions inégales pour l’ensemble des candidat·es. Le Congrès a identifié ces dernières années de nouveaux problèmes qui ont un impact croissant sur les processus électoraux locaux, notamment la détérioration du contexte des campagnes et la montée des ingérences étrangères.  Il a noté avec satisfaction les progrès d’ensemble dans l’amélioration de l’inclusivité des élections locales et régionales en Europe.

6.      Si l’observation des élections constitue un baromètre largement accepté du développement démocratique et un instrument essentiel pour améliorer les processus électoraux, le Congrès déplore que de nombreux États membres ne l’aient pas systématiquement invité à observer les élections locales et régionales au cours de la période examinée. Des invitations plus systématiques adressées au Congrès pour observer des élections lui permettraient de s’acquitter pleinement de son mandat institutionnel de gardien de la démocratie locale et régionale et de mettre plus régulièrement en évidence les bonnes pratiques, les progrès et les problèmes récurrents observés dans tous les États membres.

7.      Le Congrès souligne que les lacunes constatées de manière systématique dans le respect de la Charte et des normes électorales européennes peuvent servir d’indicateurs précoces d’une érosion démocratique potentielle et d’une fragilité institutionnelle accrue, qui se sont manifestées dans certaines parties de l’Europe.

8.      Compte tenu de ce qui précède, le Congrès invite le Comité des Ministres à appeler les autorités des États membres :

a.   à intensifier leurs efforts, conformément à la Déclaration de Reykjavik, pour mettre pleinement en œuvre les dispositions ratifiées de la Charte, sur la base des résolutions et des recommandations de suivi du Congrès, en mettant particulièrement l’accent sur les problèmes récurrents identifiés par le Congrès, en particulier :

i.        à veiller à ce que les autorités infranationales disposent de ressources financières adéquates et proportionnées pour exercer leurs compétences et à renforcer les capacités locales de collecte de recettes afin de garantir l’autonomie financière au niveau infranational ;

ii.       à garantir le droit des collectivités locales d’être consultées en temps utile par le gouvernement central sur toutes les questions qui les concernent directement, tant dans la loi que dans la pratique, conformément aux articles 4.6, 5 et 9.6 de la Charte ;

iii.      à ne pas recentraliser des compétences locales, à ne pas surréglementer ces compétences ni les contrôler de manière disproportionnée et à délimiter clairement les compétences des différents niveaux d’autorité, afin de permettre aux collectivités locales de gérer les affaires publiques relevant de leur responsabilité dans l’intérêt de la population locale ;

iv.      à introduire des mesures visant à renforcer les protections juridiques pour les maires, notamment en allongeant les délais de prescription et en envisageant des infractions spécifiques pour les attaques ou agressions dont ils sont victimes dans l’exercice de leurs fonctions ;

b.   à organiser les élections locales et régionales conformément aux normes électorales européennes et sur la base des résolutions et recommandations pertinentes du Congrès, et notamment :

i.        à poursuivre les efforts visant à mettre systématiquement à jour les listes électorales et à garantir leur exactitude, les élections locales et régionales devant refléter la volonté de l’électorat résidant effectivement dans une collectivité donnée ;

ii.       à garantir des conditions égales pour l’ensemble des candidat·es grâce à des réglementations spécifiques sur le financement des partis et des campagnes, à des réglementations efficaces et à des sanctions dissuasives pour empêcher l’utilisation abusive des ressources administratives et à des mesures visant à renforcer la participation des femmes et des jeunes ;

iii.      à renforcer la professionnalisation de l’administration électorale et la transparence de ses travaux, afin de faire encore diminuer les irrégularités le jour du scrutin et de renforcer la confiance dans les processus électoraux ;

iv.      à favoriser, en tant que moyen de réduire la polarisation, le pluralisme politique en amplifiant les initiatives en faveur de processus électoraux plus inclusifs, en prévenant la détérioration des conditions de campagne et en renforçant la vigilance à l’égard des discours de haine, de la désinformation et de l’ingérence étrangère dans les processus électoraux ;

c.   à adresser systématiquement au Congrès une invitation à observer les élections locales et régionales, y compris en cas d’élections anticipées, de nouvelles élections et d’élections partielles, au plus tard 60 jours avant le jour du scrutin ;

d.   à renforcer le dialogue politique postsuivi et postélectoral avec le Congrès afin d’élaborer des feuilles de route pour le respect de leurs engagements au titre de la Charte et pour la conformité avec les normes électorales européennes ;

e.   à utiliser en tant que mécanisme d’alerte précoce les conclusions des rapports de suivi et d’observation électorale du Congrès, afin de prévenir et de combattre le recul de la démocratie en Europe, en recommandant d’apporter en temps utile des améliorations destinées à sauvegarder et renforcer la démocratie et la bonne gouvernance à tous les niveaux, conformément aux Principes de Reykjavik pour la démocratie ;

f.    à encourager les États membres qui ne l’ont pas encore fait à signer et à ratifier le Protocole additionnel à la Charte sur le droit de participer aux affaires des collectivités locales.


EXPOSÉ DES MOTIFS

Table des matières

1.......... SUIVI DE LA MISE EN ŒUVRE DE LA CHARTE EUROPÉENNE DE L’AUTONOMIE LOCALE. 8

A.......... Introduction. 9

B.......... Recommandations/rapports adoptés en 2021-2024. 10

C......... Problèmes récurrents et évolutions positives. 9

D......... Conclusions. 22

2.......... OBSERVATION DES ÉLECTIONS LOCALES ET RÉGIONALES DANS LES ÉTATS MEMBRES DU CONSEIL DE L’EUROPE ET AU-DELÀ. 25

Recommandations/rapports adoptés en 2021-2024. 25

Problèmes récurrents et évolutions positives


1.    SUIVI DE LA MISE EN ŒUVRE DE LA CHARTE EUROPÉENNE DE L’AUTONOMIE LOCALE

A.     INTRODUCTION

1.      Conformément à la Résolution 467/2021 du Congrès, la commission de suivi du Congrès établit, tous les trois ans, des rapports périodiques qui recensent les domaines de la Charte européenne de l’autonomie locale (ci-après « la Charte ») dont la mise en œuvre pose le plus de difficultés aux États membres. Ces rapports périodiques se fondent sur l’analyse des données issues des rapports par pays du Congrès, des recommandations et des résolutions adoptées au cours de la période considérée à la suite des missions de suivi et d’observation des élections du Congrès et de ses visites de post-suivi et d’enquête.

2.      S’ils mettent en évidence les principaux problèmes qui se posent de manière récurrente aux États membres lors de la mise en œuvre de la Charte, les rapports périodiques fournissent également des exemples de bonnes pratiques et d’évolutions positives, de manière à encourager les États membres dans leurs efforts pour respecter leurs obligations et engagements au titre de la Charte. En outre, en mesurant régulièrement la santé de la démocratie locale, les rapports ont vocation à servir de mécanisme d’alerte précoce pour détecter les tendances négatives et recommander des améliorations afin de prévenir le recul démocratique sur le continent européen et d’y résister, conformément aux décisions du Sommet de Reykjavík du Conseil de l’Europe.

3.      Il s’agit du troisième rapport périodique préparé par la commission de suivi qui conduit tous les trois ans une analyse de la mise en œuvre de la Charte par les États membres du Conseil de l’Europe ; ce rapport couvre la période allant de 2021 à 2024. Son élaboration a été grandement facilitée par l’utilisation de Carta-Monitor, un outil en ligne mis au point par le Congrès qui permet une analyse comparative, article par article, de l’application de la Charte dans les États membres.

4.      Le précédent rapport a été élaboré sur la base des évaluations consécutives aux missions de suivi et d’observation des élections menées par le Congrès entre 2017 et 2020. Il recensait les problèmes récurrents suivants : le caractère insuffisant des ressources financières dont disposent les collectivités locales et régionales ; la définition, l’attribution et l’exercice restreints des compétences locales ; le manque de consultation ; la non-applicabilité directe de la Charte dans les systèmes juridiques nationaux des États membres du Conseil de l’Europe. Il attirait en outre l’attention sur le fait que les États montraient de plus en plus de carences systématiques dans la mise en œuvre de l’article 7 de la Charte relatif au statut des élus locaux, qui apparaissait comme une difficulté émergente en lien avec l’application de la Charte.

5.      S’agissant de l’applicabilité directe de la Charte, sur la base des conclusions des rapports de suivi adoptés au cours de la période considérée, il convient de noter avec satisfaction que le cadre juridique de la plupart des pays protège les droits des collectivités locales, bien que le degré de cette protection varie d’un pays à l’autre. Dans la plupart des États, ce sont les cours constitutionnelles qui assurent cette protection ; dans d’autres, ce sont les tribunaux administratifs. L’applicabilité directe de la Charte doit encore être assurée dans certains pays.

6.      En 2020, les activités de suivi et d’observation des élections du Congrès ont été entravées par les mesures de confinement et les restrictions de déplacement imposées dans le contexte de la pandémie de covid-19. Le Congrès a malgré tout poursuivi ses activités de suivi et d’observation des élections locales et régionales à distance pendant la crise sanitaire et rapidement repris ses activités sur place en 2021, dès que la situation l’a permis.

7.      Depuis 2021, le Congrès a suivi l’application de la Charte dans 31 États membres et mené 15 missions d’observation électorale.


B.     RECOMMANDATIONS/RAPPORTS ADOPTÉS EN 2021-2024

8.      Rapports de suivi, de post-suivi et d’enquête :

·           2024 :

-       Suivi de l’application de la Charte européenne de l’autonomie locale en Finlande

-       Suivi de l’application de la Charte européenne de l’autonomie locale en Lettonie

-       Suivi de l’application de la Charte européenne de l’autonomie locale en Islande

-       Suivi de l’application de la Charte européenne de l’autonomie locale à Malte

-       Suivi de l’application de la Charte européenne de l’autonomie locale en Croatie

-       Recommandation 508 (2024)

-       Suivi de l’application de la Charte européenne de l’autonomie locale en France

-       Recommandation 507 (2024)

-       Suivi de l’application de la Charte européenne de l’autonomie locale au Monténégro

-       Recommandation 506 (2024)

-       Suivi de l’application de la Charte européenne de l’autonomie locale en Andorre

-       Recommandation 505 (2024)

-       Suivi de l’application de la Charte européenne de l’autonomie locale en Norvège

-       Recommandation 504 (2024)

-       Suivi de l’application de la Charte européenne de l’autonomie locale en Italie

-       Recommandation 503 (2024)

·           2023 :

-       Suivi de l’application de la Charte européenne de l’autonomie locale en République slovaque

Recommandation 500 (2023)

-       Suivi de l’application de la Charte européenne de l’autonomie locale en Irlande

Recommandation 499(2023)

-       Suivi de l’application de la Charte européenne de l’autonomie locale en Estonie

Recommandation 496 (2023)

-       Suivi de l’application de la Charte européenne de l’autonomie locale en Roumanie

Recommandation 494(2023)

·           2022 :

-       Suivi de l’application de la Charte européenne de l’autonomie locale en Belgique

Recommandation 487 (2022)

-       Suivi de l’application de la Charte européenne de l’autonomie locale en République tchèque

Recommandation 486(2022)

-       Suivi de l’application de la Charte européenne de l’autonomie locale en Suède

Recommandation 485(2022)

-       Suivi de l’application de la Charte européenne de l’autonomie locale au Danemark

Recommandation 479(2022)

-       Suivi de l’application de la Charte européenne de l’autonomie locale au Royaume-Uni

Recommandation 474(2022)

-       Suivi de l’application de la Charte européenne de l’autonomie locale en Türkiye

Recommandation 471(2022) + Résolution 479(2022)

-       Suivi de l’application de la Charte européenne de l’autonomie locale au Luxembourg

Recommandation 470(2022)

-       Suivi de l’application de la Charte européenne de l’autonomie locale en Allemagne

Recommandation 469(2022)


·           2021 :

-       Suivi de l’application de la Charte européenne de l’autonomie locale en Albanie

Recommandation 468 (2021)

-       Suivi de l’application de la Charte européenne de l’autonomie locale à Chypre

Recommandation 467(2021)

-       Suivi de l’application de la Charte européenne de l’autonomie locale en Macédoine du Nord

Recommandation 466 (2021)

-       Suivi de l’application de la Charte européenne de l’autonomie locale en Espagne

Recommandation 465 (2021)

-       Suivi de l’application de la Charte européenne de l’autonomie locale aux Pays-Bas

Recommandation 464 (2021)

-       Suivi de l’application de la Charte européenne de l’autonomie locale en Azerbaïdjan

Recommandation (461)2021)

-       Suivi de l’application de la Charte européenne de l’autonomie locale en Bulgarie

Recommandation 460(2021)

-       Suivi de l’application de la Charte européenne de l’autonomie locale en Arménie

Recommandation 456(2021)

-       Suivi de l’application de la Charte européenne de l’autonomie en Hongrie

Recommandation 451 (2021)

C.     PROBLÈMES RÉCURRENTS ET ÉVOLUTIONS POSITIVES

Article 9. Ressources financières des collectivités locales

Article 9 – Ressources financières des collectivités locales

1     Les collectivités locales ont droit, dans le cadre de la politique économique nationale, à des ressources propres suffisantes dont elles peuvent disposer librement dans l’exercice de leurs compétences.

2     Les ressources financières des collectivités locales doivent être proportionnées aux compétences prévues par la Constitution ou la loi.

3     Une partie au moins des ressources financières des collectivités locales doit provenir de redevances et d’impôts locaux dont elles ont le pouvoir de fixer le taux, dans les limites de la loi.

4     Les systèmes financiers sur lesquels reposent les ressources dont disposent les collectivités locales doivent être de nature suffisamment diversifiée et évolutive pour leur permettre de suivre, autant que possible dans la pratique, l’évolution réelle des coûts de l’exercice de leurs compétences.

5     La protection des collectivités locales financièrement plus faibles appelle la mise en place de procédures de péréquation financière ou des mesures équivalentes destinées à corriger les effets de la répartition inégale des sources potentielles de financement ainsi que des charges qui leur incombent. De telles procédures ou mesures ne doivent pas réduire la liberté d’option des collectivités locales dans leur propre domaine de responsabilité.

6     Les collectivités locales doivent être consultées, d’une manière appropriée, sur les modalités de l’attribution à celles-ci des ressources distribuées.

7     Dans la mesure du possible, les subventions accordées aux collectivités locales ne doivent pas être destinées au financement de projets spécifiques. L’octroi de subventions ne doit pas porter atteinte à la liberté fondamentale de la politique des collectivités locales dans leur propre domaine de compétence.

9.      Au cours de la période de référence, l’article 9 portant sur les ressources financières des collectivités locales est resté l’une des dispositions de la Charte les plus souvent enfreintes, malgré le nombre relativement faible de réserves émises par les pays membres.

10.    Plus précisément, les articles 9.1 et 9.2 de la Charte, qui portent respectivement sur la question des ressources propres « suffisantes » des collectivités locales et sur le principe de proportionnalité entre ressources et compétences, sont les dispositions les plus souvent enfreintes. L’autonomie financière est inhérente au principe de l’autonomie locale et indispensable à l’exercice d’un large éventail de responsabilités dans le domaine des affaires publiques locales. Une grande majorité d’États membres ont toutefois du mal à en assurer le respect dans la pratique, bien que certains d’entre eux aient entouré ce principe de garanties légales et parfois constitutionnelles. Même les États où l’autonomie financière est un principe consacré par la loi n’ont souvent pas réussi à doter les collectivités locales de la capacité financière dont elles ont besoin pour exercer dûment leurs fonctions. L’insuffisance des moyens financiers des collectivités locales est souvent liée au niveau limité de leurs ressources propres, ce qui entraîne soit une sous-performance, soit une dépendance disproportionnée à l’égard des transferts de l’État.

11.    Le déclenchement de la crise sanitaire a exacerbé les difficultés financières de nombreuses collectivités locales et régionales, entravant leur capacité à financer leurs tâches obligatoires et leurs compétences propres. Plusieurs facteurs ont contribué à cette situation - notamment les pouvoirs limités des autorités infranationales en matière de levée d’impôts, l’inadéquation entre les ressources locales disponibles et les dépenses prioritaires ainsi que la nécessité de financer les tâches déléguées à partir des budgets locaux en raison des dotations suffisantes allouées à ce titre par le pouvoir central – réduisant d’autant la marge de manœuvre des collectivités locales. En outre, bien que dans la plupart des États les collectivités locales aient le pouvoir de lever des impôts, la faible part des recettes locales « propres » issues des impôts locaux dans certains pays a encore réduit l’autonomie financière locale, augmentant la dépendance des autorités infranationales à l’égard des dotations et des transferts du pouvoir central.

12.    Le vieillissement de la population et l’augmentation du coût des soins de santé et des services sociaux ont accentué les difficultés financières, en particulier pour les petites communes qui s’efforcent d’apporter des réponses de qualité aux besoins de la population et d’atteindre l’équilibre budgétaire.

13.    Dans de nombreux pays européens, les répercussions de la guerre d’agression à grande échelle menée par la Russie contre l’Ukraine et les risques liés au changement climatique ont fragilisé plus encore la situation financière des collectivités locales et régionales, fragilité déjà mise en évidence au cours de la période de référence précédente. De nombreuses communes font face à une diminution de leurs recettes et à une augmentation de leurs dépenses sous l’effet de l’inflation, à la flambée des prix de l’énergie, à la hausse des taux d’intérêt et à la nécessité urgente de répondre aux besoins des citoyens dans un contexte incertain et imprévisible.

14.    Dans de nombreux pays, les fonds alloués par le pouvoir central aux collectivités locales et régionales ne couvraient souvent pas les coûts réels liés à la prestation des services délégués. Plusieurs communes ont donc continué à exercer de nombreuses tâches sans bénéficier de financements proportionnés, même en période de crise.

15.    Dans plusieurs États, la capacité à générer des recettes restait très variable selon les communes, entravant les efforts de décentralisation et freinant la croissance économique et le potentiel de développement.

16.    Dans certains pays, la faible latitude des communes pour fixer le taux d’imposition et des redevances ne leur permettait pas de disposer d’une autonomie financière. Dans d’autres, les autorités régionales n’étaient pas habilitées à lever des impôts. La recentralisation de la prise de décision en matière fiscale et l’insuffisance de la décentralisation budgétaire dans certains autres États ont entravé la mise en œuvre de l’article 9.3. Des difficultés de recouvrement de certains impôts, tel que l’impôt foncier, ont été observées en raison du manque de fiabilité des informations cadastrales fournies par l’État, obérant plus encore les finances des collectivités locales.


17.    En outre, le Congrès a observé que la tendance était à la recentralisation des ressources financières dans certains pays, que ceux-ci ont justifiée au nom de la récession économique, de l’insuffisance des ressources financières publiques ou de la nécessité de les utiliser plus efficacement ; cette recentralisation a entraîné une diminution plus importante encore des ressources des collectivités locales et donc limité leur marge de manœuvre. En outre, l’insuffisance des ressources financières des collectivités locales a empêché de nombreuses communes et régions de planifier et de réaliser des investissements essentiels, notamment dans des domaines essentiels tels que l’adaptation au changement climatique, les évolutions démographiques, le développement technologique et la numérisation. Par conséquent, de nombreux pays ont fait de la viabilité des ressources financières des collectivités locales une priorité.

18.    La plupart des gouvernements centraux ont pris des mesures pour alléger la charge financière pesant sur les finances des collectivités locales en période de crise et pour réduire les risques menaçant la stabilité des finances publiques aux niveaux local et national ; cependant, certaines décisions ont, de manière non intentionnelle, limité l’autonomie financière. Par exemple, dans certains pays, les dotations à l’éducation n’étaient pas en adéquation avec le coût réel des services, alourdissant la charge financière des collectivités locales sans leur offrir de compensation adéquate.

19.    Par ailleurs, si les États ont pour la plupart cherché à compenser par des transferts la baisse des recettes locales directement ou indirectement liée aux crises, la dépendance croissante que certaines collectivités locales ont développée à l’égard des transferts réservés a réduit leur autonomie financière ; ainsi, au lieu d’être dotées d’une véritable autonomie, les collectivités territoriales sont devenues des « agents » des priorités fixées par l’État. La dépendance excessive vis-à-vis des dotations réservées ainsi que d’autres mesures restrictives ont considérablement réduit la liberté des collectivités locales dans le choix des dépenses prioritaires. Dans certains pays, les communes ne disposaient que d’une faible marge de manœuvre pour déterminer les dépenses prioritaires, en particulier lorsque les activités correspondantes sont financées au moyen de transferts de l’État. Cette situation est contraire aux principes énoncés à l’article 9.7, qui préconise expressément que les dotations accordées par les autorités de niveau supérieur soient inconditionnelles et non réservées.

20.    En outre, certains pays ont continué d’appliquer des critères inadaptés et opaques pour la répartition des ressources financières entre les collectivités locales, aggravant l’insuffisance de leur financement et exposant parfois l’attribution des dotations à l’ingérence politique.

21.    Dans la plupart des pays, le système de financement des collectivités locales était relativement diversifié. Toutefois, faute d’adaptabilité aux changements et d’indexation régulière sur l’inflation et les évolutions sociétales, l’autonomie financière locale s’est trouvée réduite et ne répondait pas aux critères d’« évolutivité ».

22.    Les systèmes de péréquation ne sont manifestement pas parvenus à corriger les effets de la répartition inégale des sources potentielles de financement et de la charge financière qui en découle pour les communes (en particulier les petites communes et les communes rurales). Dans certains pays, les mécanismes de péréquation ne sont pas suffisamment transparents ni prévisibles, et entretiennent la dépendance des autorités infranationales à l’égard du financement de l’État.

23.    Le Congrès a recensé les points suivants comme étant les principaux problèmes liés aux ressources financières des autorités infranationales :

-        les ressources propres limitées des collectivités locales et leur part minime dans les budgets locaux ;

-        l’inadéquation/l’insuffisance du financement par les États du coût de l’exécution des tâches déléguées ;

-        le faible niveau d’autonomie financière des collectivités locales en raison de la forte dépendance des communes à l’égard des transferts financiers provenant du budget de l’État ;

-        la faible marge de manœuvre des communes en ce qui concerne la définition des dépenses prioritaires, en particulier lorsque les activités correspondantes sont financées au moyen de transferts de l’État ;

-        la dépendance financière accrue des budgets des collectivités locales à l’égard des transferts, dotations et subventions de l’État ;

-        la capacité financière insuffisante des petites communes pour assurer la bonne exécution de leurs fonctions ;

-        la faible part des ressources communales provenant de redevances et d’impôts locaux ;

-        la réduction de la part des recettes fiscales allouée aux collectivités locales ;

-        le manque de pouvoir décisionnel au niveau local en ce qui concerne les redevances et les impôts locaux ; 

-        l’opacité et l’ambiguïté qui caractérisent les procédures d’attribution des dotations ;

-        le manque de diversification et d’évolutivité des ressources financières des autorités infranationales ;

-        l’imposition de règles budgétaires strictes qui entravent l’autonomie locale ;

-        l’inefficacité des mécanismes de péréquation financière pour corriger les disparités territoriales ;

-        l’accès restreint aux marchés des capitaux et les réglementations budgétaires strictes.

24.    À la lumière de ce qui précède, le Congrès a formulé une série de recommandations à l’intention des gouvernements centraux, visant à remédier aux problèmes recensés, notamment :

-       intégrer les principes d’adéquation et de proportionnalité des ressources financières des collectivités locales dans les cadres législatifs ;

-       fournir aux autorités infranationales des ressources financières suffisantes pour leur permettre de régler et de gérer, sous leur propre responsabilité, une part importante des affaires publiques ;

-       veiller à ce que tout transfert de compétences à des entités infranationales s’accompagne de dotations financières proportionnées ;

-       réduire l’attribution de dotations et de transferts réservés afin d’accroître l’indépendance et la viabilité financières des autorités infranationales ;

-       revoir les conditions qui s’appliquent en matière de fiscalité locale et étudier les possibilités de diversification des recettes ;

-       réexaminer les critères sur lesquels se fondent les systèmes de péréquation afin de les rendre plus efficaces pour corriger les inégalités entre les collectivités locales au profit de celles financièrement plus faibles ;

-       modifier la législation afin d’étendre les pouvoirs d’imposition des collectivités locales, de manière à renforcer leur autonomie budgétaire ;

-       accroître le pouvoir décisionnel des collectivités locales et régionales en matière budgétaire afin de favoriser leur adaptabilité et leur autonomie financière ;

-       renforcer la capacité budgétaire des collectivités locales pour leur permettre d’assumer les coûts de la prestation des services et leur assurer une plus grande résilience financière ;

-       procéder à des évaluations périodiques des implications financières des politiques ayant une incidence sur les ressources locales afin d’assurer une compensation équitable des pertes de recettes ;

-       uniformiser les critères d’attribution des dotations afin d’assurer un accès équitable à toutes les communes ;

-       améliorer la prévisibilité, la stabilité et l’équité des systèmes de transfert intergouvernemental ;

-       mettre en œuvre un processus consultatif pour l’indexation des dotations de l’État ;

-       moderniser les mécanismes de péréquation ;

-       mettre en place des mesures visant à prévenir l’endettement excessif des communes ;

-       renforcer l’interaction entre l’État et les collectivités locales en matière budgétaire en procédant à un examen de la législation.

25.    L’article 9.6 relatif aux consultations budgétaires, qui constitue un sujet de préoccupation majeur dans la mise en œuvre de la Charte, sera analysé de manière plus approfondie dans le chapitre suivant du présent rapport, consacré à la consultation.


Évolutions positives

26.    En dépit des efforts observés dans plusieurs pays pour faire face aux difficultés financières rencontrées par les collectivités locales et régionales, seuls trois États ont pleinement respecté l’ensemble des dispositions ratifiées de l’article 9 de la Charte au cours de la période de référence. Dans quelques pays seulement, les collectivités locales ont réussi à maintenir la bonne situation financière dont elles avaient besoin pour exercer les compétences qui leur sont dévolues dans des conditions globalement satisfaisantes.

27.    Le Congrès salue les réformes entreprises par certains pays qui ont porté sur les compétences des communes et les finances locales et permis d’accomplir des progrès à cet égard, en augmentant les recettes des régions ordinaires et des collectivités locales.

28.    En outre, bien que l’adéquation des ressources des administrations infranationales soit une source permanente de débat dans beaucoup de pays européens, de nombreuses collectivités locales et régionales s’accordent sur le fait que les enseignements positifs qu’elles ont tirés de leur expérience de lutte contre la pandémie les ont dotées des bons outils pour améliorer leur résistance aux chocs extérieurs et être mieux préparées à faire face aux multiples crises qui ont suivi.

Consultation des collectivités locales par les autorités de niveau supérieur

Article 4 de la Charte – Portée de l’autonomie locale

6     Les collectivités locales doivent être consultées, autant qu’il est possible, en temps utile et de façon appropriée, au cours des processus de planification et de décision pour toutes les questions qui les concernent directement.

Article 5 de la Charte – Protection des limites territoriales des collectivités locales

Pour toute modification des limites territoriales locales, les collectivités locales concernées doivent être consultées préalablement, éventuellement par voie de référendum là où la loi le permet.

Article 9 de la Charte – Les ressources financières des collectivités locales

6     Les collectivités locales doivent être consultées, d’une manière appropriée, sur les modalités de l’attribution à celles-ci des ressources distribuées.

29.    De manière générale, des difficultés continuaient de se poser dans de nombreux États en ce qui concerne le droit des collectivités locales d’être consultées par les autorités de niveau supérieur sur toutes les questions qui les concernent directement. Le droit à la consultation, pierre angulaire de la Charte, figure parmi les dispositions les plus fréquemment enfreintes, juste derrière celles de l’article 9.

30.    Dans certains pays, le principal obstacle au respect de cet article tenait à l’absence de procédures de consultation prescrites par la loi et de mécanismes formels de communication entre le gouvernement central et les collectivités territoriales, ainsi que leurs associations respectives. Et lorsqu’il était prévu par la loi, le processus de consultation était parfois défaillant, qu’il s’agisse de son calendrier ou de son exhaustivité, en particulier sur les questions financières, notamment en période de crise.

31.    Dans certains pays, la dynamique de consultation était souvent fortement influencée par les jeux politiques, si bien qu’il était difficile pour les collectivités locales proches des partis d’opposition de dialoguer efficacement avec le gouvernement. En outre, l’efficacité du processus de consultation et la difficulté apparente à intégrer les résultats de la consultation dans la législation ou les politiques adoptées ultérieurement sont restées source de préoccupation.

32.    Il est arrivé trop souvent que des lois ayant une incidence sur l’autonomie locale soient adoptées dans des situations d’urgence, sans consultation appropriée, pour que leur adoption puisse être justifiée par le principe de nécessité et d’urgence. Les collectivités locales de certains pays ont dès lors exprimé des réserves quant à l’adoption accélérée ou rapide de mesures législatives dans des situations qui ne justifiaient pas de décisions urgentes.

33.    Souvent, les insuffisances constatées dans les pratiques générales de consultation, donnant lieu à des violations de l’article 4.6, ont également été observées au niveau des processus de consultation relatifs à l’attribution des ressources financières (article 9.6), en particulier dans le contexte des mesures d’austérité, des initiatives de réduction des déficits et des réformes financières. Un processus de consultation plus opportun, plus pertinent et plus approfondi reste à l’évidence nécessaire pour donner aux autorités infranationales les moyens d’agir, en particulier pour la mise en œuvre judicieuse de ces réformes. Dans certains cas, faute de mécanismes de consultation appropriés sur les questions relatives aux dotations et aux redevances, des associations de collectivités locales et régionales ont saisi la Cour constitutionnelle pour dénoncer l’absence de consultation appropriée.

34.    Bien que comparativement moins nombreuses, les violations de l’article 5 relatif à la consultation sur les modifications des limites territoriales locales ont mobilisé l’attention lors des réformes administratives et territoriales majeures. Il est malheureusement arrivé que, plutôt que d’en être directement informées, des communes apprennent par les médias les processus de fusion en cours, ce qui a nui à l’ensemble du processus de réforme.

35.    De manière générale, le Congrès a observé que la société revendiquait de plus en plus que les communautés et les citoyens concernés soient davantage associés au processus de consultation, ce que des référendums locaux et d’autres instruments participatifs devraient permettre de faciliter. Il est également essentiel de sensibiliser la population non seulement aux avantages des fusions de communes, mais aussi à la nécessité de mettre en place des processus démocratiques, inclusifs et participatifs pour leur réalisation.

36.    En outre, face aux défis multidimensionnels tels que le changement climatique et la transformation numérique, qui nécessitent une gouvernance à plusieurs niveaux, les autorités centrales devraient considérer la consultation comme indispensable à l’élaboration et à la mise en œuvre de politiques efficaces d’atténuation et de développement.

37.    Ainsi, au cours de la période de référence, plusieurs manquements aux exigences de la Charte en matière de consultation ont été identifiés, notamment :

-          l’absence de mécanismes institutionnalisés et garantis légalement, permettant une consultation régulière entre le pouvoir central et les collectivités locales sur les questions concernant celles‑ci ;

-          l’absence de procédures systématiques de consultation formelle sur toutes les questions intéressant les autorités infranationales ;

-          le fait que les mécanismes de consultation des principales associations nationales des collectivités territoriales soient avant tout utilisés comme des canaux d’information plutôt que comme des cadres de discussion et de négociation de fond ;

-          le fait que les consultations n’interviennent pas de manière systématique et régulière et soient souvent caractérisées par des délais courts qui empêchent les collectivités locales de fournir un retour d’information significatif ;

-          le caractère peu clair des procédures de consultation des collectivités locales au sujet des modifications de leurs limites territoriales ;

-          des délais de consultation courts, coïncidant parfois avec des jours fériés, qui nuisent à l’efficacité du processus de consultation ;

-          la participation limitée des associations à l’estimation des incidences financières de toute nouvelle législation de l’État qui sera mise en œuvre au niveau local.

38.          Les principales recommandations formulées par le Congrès pour améliorer le respect des articles susmentionnés de la Charte préconisaient notamment :

-          d’établir un cadre juridique pour formaliser la consultation des collectivités locales et régionales et de leurs associations sur toutes les questions qui les concernent directement afin de rendre la procédure de consultation contraignante et systémique ;

-          de codifier dans la loi les mécanismes de consultation des collectivités locales ;

-          de mettre en œuvre de véritables mécanismes de consultation des associations représentatives des collectivités locales et régionales pour favoriser l’instauration d’un dialogue et d’un partenariat sur toutes les questions les concernant, y compris sur les finances publiques, de sorte que les collectivités territoriales soient considérées comme de véritables partenaires dans la gouvernance ;

-          de mettre en place un mécanisme permanent de consultation, au niveau ministériel, pour associer systématiquement les collectivités locales aux consultations sur les projets de loi qui les concernent ;

-          de veiller à ce que la consultation intervienne en temps opportun et sans exception qui ne soit pas fondée sur des raisons objectives (par exemple, une urgence), afin de permettre aux collectivités locales et à leurs associations de contribuer de manière significative au processus ;

-          de renforcer la consultation des collectivités locales au niveau fédéral, notamment en ce qui concerne les décisions ayant une incidence sur la protection sociale ou la protection de l’environnement, qui peuvent affecter de manière significative la situation financière des comtés et des communes.

Évolutions positives

39.    Si la consultation reste un problème récurrent majeur de non-respect de la Charte, le Congrès souligne que certains pays ont développé une culture de consultation et de coopération entre le gouvernement central et les collectivités locales. Ils ont institutionnalisé plusieurs procédures de consultation sur des questions intéressant les collectivités locales et associé activement les associations au processus de consultation.

40.    Dans certains pays où le respect de l’article 5 n’avait pas été assuré lors des réformes administratives et territoriales, des progrès notables ont été enregistrés par la suite. Dans un autre pays, la culture de consultation et de dialogue étroit entre l’État et les collectivités locales, répondant à une longue tradition et facilitée par les dimensions réduites du pays, a permis de renforcer les contacts directs et les relations interpersonnelles.

41.    Le Congrès s’est félicité de la diversité des activités de consultation et des accords entre les différents niveaux d’administration dans certains États, ainsi que du contrôle juridictionnel dont ces activités font l’objet. Des groupes de travail conjoints ont été créés dans certains pays pour échanger des informations et assurer la coordination des activités, en particulier dans le cadre des efforts de décentralisation, en assurant un dialogue permanent entre les trois niveaux de gouvernement, que ce soit en temps normal ou dans les situations d’urgence. En conclusion, le suivi a révélé qu’en dépit des difficultés rencontrées, les droits de participation et de consultation des associations de collectivités locales et régionales ont généralement été renforcés dans plusieurs pays.

Compétences locales et régionales

Article 3 de la Charte – Concept de l’autonomie locale

1   Par autonomie locale, on entend le droit et la capacité effective pour les collectivités locales de régler et de gérer, dans le cadre de la loi, sous leur propre responsabilité et au profit de leurs populations, une part importante des affaires publiques.

Article 4 – Portée de l’autonomie locale

2   Les collectivités locales ont, dans le cadre de la loi, toute latitude pour exercer leur initiative pour toute question qui n’est pas exclue de leur compétence ou attribuée à une autre autorité.

4   Les compétences confiées aux collectivités locales doivent être normalement pleines et entières. Elles ne peuvent être mises en cause ou limitées par une autre autorité, centrale ou régionale, que dans le cadre de la loi.

5   En cas de délégation des pouvoirs par une autorité centrale ou régionale, les collectivités locales doivent jouir, autant qu’il est possible, de la liberté d’adapter leur exercice aux conditions locales.


Article 8 – Contrôle administratif des actes des collectivités locales

3   Le contrôle administratif des collectivités locales doit être exercé dans le respect d’une proportionnalité entre l’ampleur de l’intervention de l’autorité de contrôle et l’importance des intérêts qu’elle entend préserver.

42.    Le précédent rapport a mis en évidence la tendance persistante à la recentralisation dans certains États, soulevant la question de savoir si cette tendance allait encore s’intensifier dans le sillage de la pandémie. En effet, une recentralisation des compétences des collectivités locales a été observée dans certains pays, où des compétences essentielles, telles que l’aménagement du territoire, leur ont été retirées, en violation du principe de subsidiarité. Dans certains pays, les collectivités locales restent privées de compétences essentielles, sans qu’aucun transfert significatif de compétences n’ait lieu.

43.    Dans d’autres pays, les efforts de décentralisation ont été entravés par la fragmentation des communes. Le Congrès a recommandé de continuer de soutenir la coopération intercommunale et d’encourager les fusions de communes, et ce pour favoriser la décentralisation grâce à une augmentation de la population et de la superficie des nouvelles unités d’autonomie.

44.    En outre, il apparaît que l’accent mis sur l’organisation efficace des services publics a conduit à un durcissement de la réglementation applicable aux communes, compliquant la délicate recherche d’un équilibre entre l’autonomie locale et la nécessité d’assurer un niveau égal de services publics, en particulier dans la période post-covid.

45.    D’une manière générale, au cours de la période considérée, les questions au cœur des préoccupations des autorités infranationales de plusieurs pays sont passées de la recentralisation des compétences à leur surréglementation par le pouvoir central, ce qui semble poser des défis croissants à l’autonomie locale aujourd’hui. Dans toute l’Europe, cette surréglementation pèse de plus en plus sur les collectivités locales et régionales et entraîne une bureaucratisation et des coûts supplémentaires, laissant peu de place à l’adaptation aux besoins locaux. Cette tendance a été observée même dans les pays où les collectivités locales jouissent d’un solide statut.

46.    Dans certains pays, les autorités infranationales sont de surcroît confrontées à une surcharge de tâches, bien qu’elles gèrent une part importante des affaires publiques et qu’elles jouissent d’une grande autonomie financière.  Dans d’autres États, l’attribution ad hoc de missions aux collectivités locales sans leur assurer le financement nécessaire les limite dans l’exercice de leurs compétences.

47.    Le chevauchement des compétences et l’éparpillement des responsabilités réduisent les pouvoirs de décision des collectivités locales en ce qui concerne la fourniture des services publics. De nombreuses collectivités locales ne disposent pas d’une marge de manœuvre suffisante pour adapter les compétences qui leur sont déléguées aux conditions locales.

48.    Un contrôle disproportionné exacerbe les problèmes de surréglementation et de chevauchement des compétences, même dans les pays où le niveau de démocratie locale est élevé, en raison d’une législation dense et stricte. Dans un pays, les communes doivent obtenir l’autorisation du pouvoir central pour exercer certaines fonctions communales, comme le financement de projets d’investissements communaux. Dans un autre, le système de nomination des bourgmestres reste contraire à l’article 8.3 de la Charte, en cela qu’il permet une intervention disproportionnée de l’État dans les affaires locales.

49.    Dans plusieurs cas, la faible autonomie financière et la forte dépendance vis-à-vis des financements nationaux, conjuguées à une réglementation excessive et à un contrôle disproportionné, ont limité les performances effectives des collectivités locales et entraîné une violation de l’article 3.1 de la Charte, même dans les pays où la législation était techniquement conforme à la Charte.


50.    Le Congrès a recensé les insuffisantes suivantes dans la mise en œuvre des dispositions des articles 4, 3.1 et 8.3 de la Charte :

-            le manque de flexibilité et de latitude dans les tâches dévolues aux communes par le pouvoir central, qui découle principalement de la surréglementation et de la bureaucratisation ;

-            la recentralisation des compétences des collectivités locales, notamment dans des domaines essentiels tels que l’aménagement du territoire ;

-            les pouvoirs étendus de contrôle et d’instruction de l’administration centrale et des ministères de tutelle sur les collectivités locales, limitant l’autonomie et la marge d’initiative de ces dernières ;

-            la répartition mal définie des compétences et des fonctions entre les communes et les autorités exécutives locales et le manque de clarté des relations concrètes qu’elles entretiennent ;

-            la portée limitée de l’autonomie locale, lorsque les conseils locaux ne sont pas habilités à régler et à gérer une part substantielle des affaires publiques relevant de leur responsabilité. Le retrait de certaines fonctions aux conseils locaux, en violation du principe de subsidiarité ;

-            la délimitation peu claire des compétences et des responsabilités entre les différents niveaux d’autorité publique, donnant lieu à des chevauchements, et l’attribution de tâches déléguées aux autorités infranationales sans leur laisser suffisamment de marge d’appréciation pour adapter leur exercice aux conditions locales ;

-            le fait que la tutelle administrative sur les activités et les décisions des collectivités locales reste inscrite dans la Constitution et appliquée en pratique. La surrèglementation et l’interventionnisme de l’État dans l’élaboration des décisions des collectivités locales limitent la capacité de ces dernières à exercer des compétences pleines et entières.

51.    Le Congrès a formulé plusieurs recommandations visant à remédier à ces problèmes récurrents :

-          entreprendre des réformes de simplification administrative pour remédier à la bureaucratie et la réglementation excessives, en donnant aux collectivités locales une plus grande flexibilité pour s’adapter aux conditions locales et effectuer les tâches déléguées avec efficacité ;

-          éviter la surréglementation dans la délégation des compétences aux collectivités territoriales afin de leur permettre davantage de liberté pour adapter l’exercice de ces compétences aux conditions locales ;

-          clarifier la répartition des compétences entre les différents niveaux d’autorité publique afin d’éliminer les chevauchements de responsabilités ;

-          revoir les cadres de collaboration et la répartition des tâches entre les communes et les régions en matière de prestation de soins de santé, en concertation avec les associations de collectivités locales et régionales, afin d’améliorer la coopération et de renforcer le système de soins de santé ;

-          donner aux collectivités locales davantage de latitude pour adapter l’exercice des compétences qui leur sont déléguées aux conditions locales ;

-          conférer des pouvoirs plus importants aux autorités infranationales ;

-          veiller à ce que les tâches dévolues aux communes s’accompagnent des financements nécessaires à leur exécution et soient conformes aux dispositions légales ;

-          poursuivre les efforts de décentralisation, en approfondissant les principes de l’autonomie locale et régionale et tout en ancrant explicitement le principe de subsidiarité dans la législation ;

-          relancer les précédentes initiatives de décentralisation et poursuivre la réforme de l’autonomie locale en concertation avec les communes et leurs associations ;

-          veiller à ce que les collectivités locales puissent exercer leurs compétences sans avoir à se soumettre à une approbation ministérielle ;

-          donner aux collectivités locales et régionales une marge de manœuvre suffisante lorsque de nouvelles obligations leur sont imposées ;

-          renforcer l’autonomie locale en veillant à ce que la législation ne soit ni trop dense ni trop spécifique;

-          clarifier l’étendue du contrôle exercé par l’État sur les collectivités locales afin qu’il reste proportionné aux intérêts qu’il vise à protéger ;

-          réviser la législation permettant la dissolution des organes de représentation locale et la révocation des maires ou des préfets sans contrôle juridictionnel préalable, afin qu’elle respecte le principe de proportionnalité énoncé à l’article 8.3 de la Charte.

Évolutions positives :

52.    Malgré les difficultés qu’ils rencontrent pour s’acquitter de leur obligation d’assurer la capacité effective des collectivités locales, plusieurs États ont été félicités par le Congrès pour leurs projets d’intensification de la décentralisation et la mise en place d’initiatives stratégiques destinées à réformer l’administration publique.

53.    Le Congrès a salué les progrès notables accomplis dans un autre pays après la mise en œuvre d’une stratégie de décentralisation, prévoyant la délégation de compétences et le transfert de responsabilités aux collectivités locales, en particulier dans les domaines de l’éducation, de la santé publique et des services sociaux. Un autre État présente un niveau satisfaisant de démocratie locale, comme en témoignent les pouvoirs étendus et les ressources financières dont jouissent les comtés et les communes, qui leur permet d’exercer ces pouvoirs dans des conditions satisfaisantes.

Article 7.     Statut des élus

Article 7 – Conditions de l’exercice des responsabilités au niveau local

1          Le statut des élus locaux doit assurer le libre exercice de leur mandat.

2.         Il doit permettre la compensation financière adéquate des frais entraînés par l’exercice du mandat ainsi que, le cas échéant, la compensation financière des gains perdus ou une rémunération du travail accompli et une couverture sociale correspondante.

54.    D’une manière générale, l’article 7, relatif aux conditions dans lesquelles les élus locaux exercent leurs fonctions, ne figurait pas parmi les dispositions de la Charte qui ont été les plus souvent enfreintes au cours de la période considérée.

55.    Cependant, le Congrès a une nouvelle fois observé que, dans plusieurs pays européens, les maires et les élus locaux sont de plus en plus visés par des propos haineux et des menaces, souvent diffusés via internet et les réseaux sociaux, et subissent des pressions indues et parfois même des agressions physiques de la part de membres de la société. Cela compromet leur capacité à exercer des mandats locaux et sape les fondements de la gouvernance démocratique locale. Le contexte sécuritaire suscite donc des préoccupations et devrait être étroitement surveillé par le pouvoir central afin de protéger les élus locaux de toute agression physique.

56.    Face à l’augmentation des menaces et des agressions auxquelles sont exposées les maires, en particulier dans le contexte de la pandémie de covid-19 et de la guerre d’agression menée par la Russie contre l’Ukraine, le Congrès a examiné cette question de manière approfondie dans un rapport publié en 2022 intitulé « Discours de haine et fausses informations : impact sur les conditions d’exercice des élus locaux et régionaux ». Le rapport souligne que les discours de haine et les fausses informations visant les responsables politiques locaux et régionaux peuvent prendre diverses formes, telles que la menace, le harcèlement, les abus et la diffamation, et affectent les conditions dans lesquelles ils exercent leurs fonctions. Ce phénomène est d’autant plus marqué en ligne, où la propagation des informations est amplifiée. Les menaces en ligne peuvent dégénérer en agressions physiques et produire un effet paralysant sur les démocraties européennes et la vie politique, créant un climat de travail toxique et perturbant la cohésion sociale. En définitive, les discours de haine et les fausses informations portent atteinte à la liberté d’expression, qui est un droit fondamental dans les sociétés démocratiques consacré par l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme. Les États membres doivent donc ménager un équilibre entre ce droit et la nécessité de juguler les discours de haine et les fausses informations et de protéger les victimes, en particulier les élus appartenant à des groupes vulnérables. Le rapport formule une série de recommandations pour lutter contre ces phénomènes et préconise notamment de mettre en œuvre au niveau national des stratégies globales de lutte contre les discours de haine et les fausses informations visant les responsables politiques locaux et régionaux, de réviser les mesures de droit administratif, civil et pénal pour contrer les menaces et la violence dirigées contre ces représentants, de garantir la conduite d’enquêtes effectives, de lutter contre la cybercriminalité et de soutenir les mesures déployées par les collectivités locales en favorisant le dialogue et la coopération multiniveaux et multipartites et en les dotant des moyens d’action nécessaires. Il appelle également à sensibiliser le grand public, à promouvoir un débat ouvert, à encourager l’échange de bonnes pratiques et à mettre en place des mesures techniques pour lutter contre l’utilisation abusive de l’intelligence artificielle à des fins de désinformation.

57.    Plus précisément, les résultats du suivi ont mis en évidence une tendance constante dans un pays au cours des dernières années, où les maires et les conseillers municipaux sont suspendus de leurs fonctions sur décision des autorités de l’État et remplacés par des responsables non élus lorsqu’ils font l’objet d’enquêtes particulières, telles que celles liées au terrorisme ou aux infractions commises dans l’exercice de leurs fonctions.

58.    Cette situation n’est pas satisfaisante en raison du recours systématique à des mesures qui, du point de vue de la démocratie locale, devraient rester l’exception et ne devraient pas porter atteinte au choix démocratique des citoyens.

59.    En outre, les élus locaux ont été de plus en plus nombreux à signaler au Congrès qu’il leur était difficile d’obtenir ce qu’ils considèrent comme une rémunération juste et appropriée, compte tenu de leurs responsabilités et de leur charge de travail croissantes. Dans certains pays, ces difficultés ont été exacerbées par une réduction du nombre de collectivités locales ou d’élus locaux, ce qui a alourdi la charge pesant sur les responsables restants.

60.    De plus, dans certains pays, le montant des indemnités pour l’exercice de mandats et fonctions exécutives locales semble trop faible au vu des tensions existantes sur le marché de l’emploi et du niveau des rémunérations ; les fonctions électives locales en deviennent beaucoup moins attrayantes et les règles du jeu s’en trouvent faussées, certaines catégories de personnes se voyant privées de la possibilité de s’engager dans la vie politique locale pour des raisons purement matérielles. Il n’est pas facile de faire participer les jeunes, les enfants et les familles, à la vie politique locale, et les mandats électifs sont souvent exercés par des retraités ou des agents publics. Il arrive que les conseillers ne soient pas autorisés légalement à s’absenter de leur travail pour assister aux réunions du conseil ; cette situation empêche les employé·es du secteur privé de se porter candidat·es à des élections.

61.    La polarisation de la scène politique nationale figure elle aussi de plus en plus parmi les griefs formulés et semble se répercuter au niveau local, créant un climat politique tout aussi hostile de défiance et de tensions entre les élus locaux du parti au pouvoir et ceux de l’opposition. Dans certains pays, le gouvernement central conserve la possibilité légale de dissoudre les organes élus locaux et de révoquer les maires, ouvrant la voie aux abus politiques. La combinaison de ces facteurs se traduit, dans certains cas, par un faible niveau d’intérêt pour la politique locale ainsi que par une faible participation des citoyens aux élections locales et régionales.

62.    Dans ses recommandations de suivi adressées aux États membres, le Congrès a préconisé une série de mesures visant à améliorer le statut des élus locaux, à favoriser et à maintenir un environnement sûr et permettant aux collectivités locales d’exercer leurs fonctions librement, sans insécurité ni violence. Il recommandait notamment :

-          de mettre en place une base législative claire et précise sur les conditions d’exercice des élus locaux, notamment en ce qui concerne la réglementation relative au « temps libre » que les employeurs du secteur privé doivent accorder aux élus pour faciliter leur participation dans les affaires locales ;

-          de mettre en place un dispositif renforçant l’action juridique et allongeant les délais de prescription afin de mieux protéger pénalement les maires qui font l’objet d’attaques et d’agressions de la part des citoyens dans l’exercice de leurs fonctions publiques ; envisager l’introduction d’un type spécifique d’infraction s’appliquant à ces cas ;

-          d’assurer une rémunération équitable et suffisante aux élus des provinces et des villes métropolitaines ;

-          de supprimer la possibilité pour l’administration centrale de nommer les bourgmestres et les échevins et de dissoudre les conseils communaux ;

-          de réviser la législation, afin de définir dans la loi les conditions d’exercice des élus locaux, en précisant leurs droits et obligations et en appliquant les garanties nécessaires leur permettant d’exercer librement leurs fonctions, afin de définir plus précisément un « statut » des élus locaux.

-          de revaloriser le montant des indemnités pour l’exercice de mandats électifs et fonctions exécutives locales afin de renforcer l’attractivité de ces missions ;

-          de mettre un terme à la pratique permettant de suspendre un maire sans décision de justice, en mettant tout en œuvre pour concilier la lutte légitime contre le terrorisme et les exigences de la vie démocratique locale. Il importe par conséquent de n’avoir recours à la suspension de maire que de manière aussi prudente et restrictive que possible, avec pour objectif de respecter la présomption d’innocence et le système des élus démocratiques ;

-          de veiller à ce que les candidat·es qui ont été autorisés à se présenter aux élections et qui les ont remportées jouissent effectivement du droit d’exercer leur mandat ;

-          de préciser la procédure de révocation des président(e)s de municipalité dans les cas où ils/elles peuvent être démis(es) de leurs fonctions.

Évolutions positives

63.    Face à la montée des discours de haine et des agressions visant des élus locaux, un pays a mis en place un service d’assistance téléphonique. Il permet aux élus locaux de signaler les cas de comportements menaçants et agressifs et de demander conseil sur la manière de gérer ce genre de situation.

64.    Un autre pays a mis en œuvre plusieurs mesures au niveau national pour renforcer les mécanismes existants de protection des élus. Il a notamment adopté un plan national de prévention et de lutte contre la violence à l’égard des élus. Ce plan s’appuie sur un centre d’analyse et de lutte contre les atteintes aux élus, chargé de coordonner toutes les initiatives menées à l’échelon national pour assurer la sécurité des élus. Il a en outre adopté une législation complémentaire pour renforcer la sécurité et la protection des élus.

Applicabilité directe de la Charte

65.    Dans certains pays, la Charte continue d’être fréquemment invoquée dans les procédures judiciaires opposant l’État aux communes/régions et est largement citée dans plusieurs décisions des juridictions compétentes. Toutefois, la jurisprudence de la Cour constitutionnelle de quelques États ne reconnaît pas la force juridique de la Charte, privant dès lors les collectivités locales et régionales de sa protection.

66.    Le Congrès a par conséquent recommandé de réexaminer la force juridique de la Charte afin de s’assurer que les collectivités locales puissent bénéficier de sa protection juridique. Il a en outre préconisé de doter les collectivités locales d’un droit de recours direct devant la Cour constitutionnelle lorsqu’une loi porte atteinte à leur statut constitutionnel, à la Charte ou aux deux.

D.         CONCLUSIONS

67.    Depuis la publication du précédent rapport périodique en 2021, l’Europe a connu d’importants bouleversements politiques, économiques et sociaux sous l’effet de la crise sanitaire, de l’accueil des migrants et réfugiés, du changement climatique, de la guerre d’agression russe contre l’Ukraine et des difficultés liées au coût de la vie et aux prix de l’énergie qui ont suivi. Ces pressions ont modifié le contexte dans lequel opèrent les autorités nationales et les collectivités locales et régionales et ont eu une incidence considérable sur leurs activités et leurs ressources. Elles ont mis en évidence l’impératif de cultiver la résilience, la flexibilité et la durabilité à tous les niveaux de gouvernance, tout en respectant l’engagement de promouvoir une gouvernance démocratique et responsable, ainsi que le respect des droits humains et de l’État de droit.

68.    Comme l’a souligné le précédent rapport périodique, avant la pandémie de covid-19 et la guerre d’agression à grande échelle de la Russie contre l’Ukraine, de nombreux pays montraient déjà d’importantes carences dans la mise en œuvre des dispositions de la Charte, en ce qui concerne à la fois l’attribution des compétences locales et l’adéquation des ressources financières dont disposent les autorités infranationales. Ces insuffisances étaient, dans certains cas, dues à des mesures d’austérité et des programmes de rationalisation adoptés au niveau national pour faire face aux retombées de la crise financière en Europe.

69.    Les difficultés préexistantes concernant le financement des administrations infranationales ont été exacerbées par les récentes crises qui se sont succédé. Bien que les collectivités locales aient été en première ligne des efforts de lutte contre la pandémie et aient contribué de manière essentielle aux mesures de relance qui ont suivi la crise sanitaire, elles ont fait face à des difficultés financières qui sont allées en s’intensifiant.

70.    Bien que de nombreux gouvernements centraux se soient efforcés d’alléger la pression financière pesant sur les autorités infranationales, certains d’entre eux ont également eu recours à la recentralisation des ressources financières, souvent sans compenser de manière adéquate l’augmentation du coût des services assurés par les collectivités locales. En outre, de nombreux États ont durci leur contrôle de l’utilisation des ressources financières au niveau local et la réglementation des tâches déléguées et des compétences propres des collectivités locales. Bien que ces mesures soient souvent justifiées par la recherche d’une optimisation financière et d’une uniformisation de la prestation de services, elles portent souvent atteinte à l’autonomie locale. Dans certains pays, le Congrès a recommandé l’adoption d’une approche globale plutôt que parcellaire de la réforme des finances publiques des autorités infranationales et mis en garde contre une réglementation excessive pour résoudre ces questions complexes.

71.    Par ailleurs, le problème du non-respect de l’exigence d’une consultation des collectivités locales et régionales en temps utile et de manière appropriée sur les questions qui les concernent a continué de se poser pendant et après la pandémie. Si la communication entre les autorités nationales et infranationales a bien fonctionné dans certains États, dans d’autres, la manière dont le gouvernement central a géré la crise de la covid-19 a mis cette communication à rude épreuve, entraînant une détérioration des relations et une érosion de la confiance. La plupart des autorités centrales doivent à l’évidence redoubler d’efforts pour favoriser une véritable culture du partenariat et développer une gouvernance à plusieurs niveaux, essentielle pour relever les défis en matière de santé, de sécurité, de migration et de climat.

72.    En outre, dans un contexte d’instabilité politique chronique et de polarisation croissante à tous les niveaux de gouvernement dans de nombreux États membres, les élus locaux et régionaux sont de plus en plus exposés à la désinformation, aux discours de haine, aux menaces, à la violence verbale sur les médias sociaux et aux agressions physiques, ce qui nuit à leurs conditions de travail et à leur capacité à s’acquitter de leurs mandats et responsabilités au niveau local. Ce phénomène est susceptible d’entraver de manière significative les processus politiques à tous les niveaux de gouvernement, en exacerbant les défis existants découlant d’un climat social tendu, des contraintes financières, des préoccupations liées au climat et à la sécurité auxquels sont en proie les démocraties européennes. La prolifération du discours de haine et de la désinformation a donné lieu à la publication d’un rapport spécifique du Congrès en 2022[4]qui souligne l’urgence de s’attaquer à ce problème.

73.    Malgré un paysage géopolitique complexe et en constante évolution, certains pays ont poursuivi leurs efforts de décentralisation, mettant en œuvre des réformes visant à renforcer la démocratie locale et à améliorer la participation des citoyens aux affaires publiques locales. Des progrès ont été constatés en ce qui concerne la mise en conformité des législations et des pratiques nationales avec les principes de la Charte, assurant à certains États membres une conformité générale.

74.    En outre, au cours de la période de référence, le Congrès a salué l’adoption par certains États membres de mesures significatives pour renforcer la démocratie locale. L’Italie a par exemple réintroduit un mode de suffrage direct pour l’élection des organes directeurs des provinces et des villes métropolitaines, la Bulgarie a ratifié l’article 7.2 de la Charte, la Suède a mis en place une véritable autonomie régionale pour renforcer la responsabilité démocratique locale dans le développement régional, la Tchéquie a favorisé une utilisation efficace de la technologie pour faciliter une plus grande participation des citoyens à la gouvernance et le Danemark a assuré une mise en œuvre exemplaire des principes de la Charte. Le Congrès a également salué le droit de l’Union des communes du Monténégro de saisir directement la Cour constitutionnelle, y voyant une bonne pratique à reproduire ailleurs. Il convient de noter que dans la plupart des pays, les associations de collectivités locales et régionales restent activement investies.

75.    Depuis 2021, deux autres pays - l’Italie et le Portugal - ont ratifié le Protocole additionnel à la Charte sur le droit de participer aux affaires des collectivités locales.

76.    En conclusion du Sommet de Reykjavík en mai 2023, les chefs d’État et de gouvernement du Conseil de l’Europe se sont engagés à soutenir le rôle essentiel de la gouvernance à plusieurs niveaux dans la réalisation de la vision de l’Organisation, entre autres par le biais du rôle du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux dans la mise en œuvre de la Charte européenne de l’autonomie locale. Pour respecter cet engagement, le Congrès continuera de suivre de près la mise en œuvre de la Charte dans le cadre de ses activités de suivi et de post-suivi, en mettant l’accent sur les problèmes récurrents. Ses recommandations permettront d’anticiper les risques et pourront servir de système d’alerte précoce pour le Comité des Ministres sur les tendances inquiétantes de la démocratie locale au sein des États membres, souvent révélatrices d’une possible érosion démocratique et d’une fragilité institutionnelle accrue, observées dans certaines régions d’Europe.

77.    Les recommandations de suivi du Congrès, ainsi que le partage des meilleures pratiques en matière d’autonomie locale, contribueront à l’adoption en temps utile de mesures et dispositifs d’action rapide pour lutter contre le recul démocratique et respecter l’engagement de préserver et renforcer la démocratie et la bonne gouvernance à tous les niveaux, dans toute l’Europe, conformément aux Principes de Reykjavík pour la démocratie.


2.    OBSERVATION DES ÉLECTIONS LOCALES ET RÉGIONALES DANS LES ÉTATS MEMBRES DU CONSEIL DE L’EUROPE ET AU-DELÀ

A.     INTRODUCTION

78.    Au cours de la période de référence, le Congrès a adopté 15 rapports d’observation électorale et quatre rapports sur des questions transversales liées aux élections locales et régionales. Le précédent rapport avait recensé cinq grands problèmes liés aux élections locales et régionales : l’exactitude des listes électorales, l’utilisation abusive des ressources administratives, la politisation de l’administration électorale, la confiance du public dans le processus électoral et l’égalité des chances pour l’ensemble des candidat·es.

79.    Grâce aux efforts déployés aux niveaux national et international, certains États membres ont réalisé d’importants progrès sur les points soulevés dans les recommandations du Congrès, ce qui constitue une évolution positive. Toutefois, les cinq principaux problèmes récurrents constatés lors de la précédente période de référence sont restés d’actualité au cours de la période de référence 2021-2024, alors que le recul de la démocratie à tous les niveaux de gouvernement semblait s’accentuer, malgré des différences visibles entre les États membres. En outre, d’autres tendances inquiétantes sont apparues au cours de la période de référence, marquée par la pandémie de covid-19 et la guerre d’agression de la Fédération de Russie contre l’Ukraine et leurs conséquences (cyberattaques, désinformation, ingérence, personnes déplacées, etc.). Ces événements ont eu une incidence majeure sur les élections locales et régionales dans tous les États membres et ont remis en cause la participation et la confiance de l’électorat dans la démocratie représentative, y compris au niveau infranational. Face à ces tendances, les chefs d’État et de gouvernement du Conseil de l’Europe se sont engagés, dans les Principes de Reykjavík pour la démocratie adoptés en mai 2023, à renforcer la démocratie à tous les niveaux de gouvernement, notamment par le biais d’élections libres et équitables.

Principes de Reykjavík pour la démocratie (2023)

« Ensemble, nous nous engageons à respecter les Principes de Reykjavík énoncés ci-après :

1. permettre et encourager activement la participation démocratique, aux niveaux national, régional et local, par l’intermédiaire d’élections libres et équitables organiser les élections et référendums conformément aux normes internationales et prendre toutes les mesures adéquates pour prévenir toute ingérence dans les systèmes et processus électoraux.

2. les élections doivent être fondées sur le respect des normes pertinentes en matière de droits de l’homme, en particulier de la liberté d’expression, de la liberté de réunion et de la liberté d’association, notamment pour la création de partis politiques et d’associations conformément aux normes nationales et internationales.

B.     RECOMMANDATIONS/RAPPORTS ADOPTÉS EN 2021-2024

A.     Rapports par pays :

2024 :

République de Moldova, élections locales, 5 novembre 2023

Recommandation 509(2024) CPL(2024)46-04

2023 :

Allemagne, élections du conseil régional et des assemblées de district de Berlin, 12 février 2023

Recommandation 489 (2023) – CG(2023)44

Slovénie, élections locales, 20 novembre 2022

Recommandation 490 (2023) CPL(2023)44-02

Bosnie-Herzégovine, élections cantonales, 2 octobre 2022

Recommandation 491 (2023) CPR(2023)44-02

Albanie, élections locales, 14 mai 2023

Recommandation 497 (2023) CPL(2023)45-04

Arménie, élections au Conseil des anciens de la ville d’Erevan, 17 septembre 2023

Recommandation 501(2023) CPL(2023)45-02

2022 :

Royaume du Maroc, élections communales et régionales, 8 septembre 2021

CG(2022)42-19

Danemark, élections locales et régionales, 16 novembre 2021

Recommandation 475(2022) CG(2022)42-17

Géorgie, élections locales, 2 octobre 2021

Recommandation 477(2022) CPL(2022)42-02

Arménie, élections locales partielles, 5 décembre 2021

CPL(2022)42-04

Albanie, élections locales partielles, 6 mars 2022

CPL(2022)43-03

Serbie, élections locales partielles, 3 avril 2022

Recommandation 482 (2022) CPL(2022)43-02

Pays-Bas, élections locales, 16 mars 2022

Recommandation 488 (2022) CG(2022)43-19

2021 :

Bosnie-Herzégovine, élections locales partielles, 15 novembre 2020         

CG-MON(2021)18-09

Bosnie-Herzégovine, élections locales à Mostar, 20 décembre 2020

CG-MON(2021)18-09

B.     Rapports transversaux :

2022 :

Au-delà des élections : l’utilisation de méthodes délibératives dans les municipalités et régions européennes

Recommandation 472 (2022) - Résolution 480 (2022) - CG(2022)42-12

La situation des candidats indépendants et de l’opposition lors des élections locales et régionales

Recommandation 476 (2022) - Résolution 482- CG(2022)42-13

Résolution sur le Code de bonne conduite en matière référendaire révisé

Résolution 484 (2022) - CG(2022)43-21

2021 :

La tenue de référendums au niveau local

Recommandation 459 (2021) - Résolution 472 (2021) - CG(2021)40-11

C.     PROBLÈMES RÉCURRENTS ET ÉVOLUTIONS POSITIVES

-     Inexactitude des listes électorales et droit de vote aux niveaux local et régional

80.    Le Congrès porte un intérêt particulier à l’exactitude des listes électorales lors d’élections locales et régionales, étant convaincu que les questions locales doivent être réglées par l’électorat vivant réellement dans la localité concernée. Il devrait par conséquent exister un lien « véritable » entre les électeurs et électrices et la commune/région où ils exercent leur droit de vote, comme indiqué dans la Résolution 378 (2015) du Congrès. Ce lien véritable, souvent une résidence permanente, est primordial pour garantir que les élections locales et régionales reflètent la volonté de la population, conformément au Protocole additionnel à la Charte européenne de l’autonomie locale sur le droit de participer aux affaires des collectivités locales.

81.    Toutefois, comme relevé au cours de la période de référence précédente, des problèmes liés à l’exactitude et à la fiabilité des listes électorales ont été régulièrement observés lors des missions d’observation électorale du Congrès. Quel que soit le système d’inscription des électeurs - passif ou actif - le Congrès a observé des difficultés liées aux listes électorales dans certains pays, en dépit du fait que s’appliquent des législations électorales et des critères en matière de résidence très différents. Dans les contextes très polarisés, les listes électorales sont particulièrement susceptibles de susciter d’importantes controverses. Des listes inexactes peuvent être perçues, à tort ou à raison, comme étant dictées par des intérêts politiques visant à modifier la composition de l’électorat local. Celles-ci peuvent ainsi ébranler la confiance des votants dans le processus et les résultats. À cet égard, le Congrès a notamment recommandé de réviser les dispositions légales relatives aux critères de résidence pour l’inscription sur les listes électorales, de poursuivre les efforts visant à améliorer l’exactitude des listes électorales en procédant à des audits complets ou d’appuyer les efforts visant à prévenir les inscriptions frauduleuses.

82.    La question des électeurs résidant de facto à l’étranger, mais inscrits comme résidents et votant le jour du scrutin a remis en cause la représentativité des élections locales dans les pays comptant d’importantes diasporas, comme l’indique la Résolution 378 (2015) du Congrès. La présence sur les listes électorales d’électeurs résidant de facto à l’étranger pose également problème du point de vue de l’efficacité de la gestion des élections, de l’intégrité et de la transparence des processus électoraux et de la prévention de la fraude ou de la manipulation. Le calcul du taux de participation peut également s’en trouver faussé. Selon certaines allégations, le transport d’électeurs résidant à l’étranger, dont des membres des communautés roms, aurait été organisé dans certains États membres.

83.    Des allégations faisant état d’électeurs décédés ou fantômes inscrits sur les listes ou de centaines de personnes inscrites frauduleusement à une même adresse ont également été signalées et constatées lors de missions du Congrès. Selon le contexte, les manipulations des listes électorales peuvent prendre diverses formes, comme l’inscription d’électeurs dans bureaux de vote/communes différents ou l’enregistrement des forces de sécurité dans certaines circonscriptions pour modifier la composition habituelle de l’électorat local et ainsi avantager de manière indue certain·es candidat·es. Des inscriptions frauduleuses ont également été organisées à grande échelle dans les territoires occupés de l’Ukraine lors des pseudo-élections locales et régionales et des référendums de 2022, en flagrante violation des normes électorales internationales.

84.    La question de l’exactitude des listes électorales doit également être envisagée sous l’angle des défis à long terme auxquels se heurte le droit de vote aux niveaux local et régional. Dans certains pays, un nombre important d’électeurs se sont vus privés de la possibilité de voter en raison de restrictions liées à un handicap, à un déplacement interne, à des difficultés pour s’inscrire en tant que représentants de minorités ou à des obstacles administratifs (analphabétisme, nécessité de présenter un document d’identité ou démarches complexes pour obtenir un justificatif de domicile, etc.).

85.    De manière générale, des efforts soutenus et proactifs sont nécessaires pour procéder de manière systématique à l’actualisation et à la vérification de la résidence permanente effective des électeurs, pour radier des listes les électeurs décédés ou fantômes, pour informer les électeurs des délais pour s’inscrire et pour enquêter sur les pratiques frauduleuses et les sanctionner. Cette responsabilité incombe principalement à l’administration électorale, mais aussi aux collectivités locales et régionales chargées de la tenue des registres de population. Elle exige de la transparence, des efforts soutenus de la part de l’administration électorale entre les périodes électorales et un dialogue fondé sur la recherche du consensus entre partis.

Évolutions positives

86.    Le Congrès a pu observer que des efforts en ce sens avaient été entrepris dans les pays où un grand nombre d’électeurs décédés ou de non-résidents étaient inscrits sur les listes (Albanie, Bosnie-Herzégovine). Il a également constaté que des quelques mesures juridiques avaient été prises dans certains pays pour mettre un terme aux déplacements frauduleux d’électeurs (République de Moldova, Serbie). Ces efforts sont louables et contribuent à restaurer la confiance des électeurs. La volonté d’accroître la transparence de l’administration électorale en la matière, observée dans de nombreux États membres, constitue également une avancée positive.

87.    Compte tenu de l’importance de cette question pour la démocratie locale et régionale, le Congrès continuera, dans ses recommandations aux États membres, de porter la question de l’inexactitude des listes électorales à l’attention des autorités dès lors qu’elle se posera et s’emploiera à mettre à jour son rapport thématique de 2015 sur ce sujet.

Résolution 378 (2015) du Congrès : Listes électorales et électeurs résidant de facto à l’étranger

Protocole additionnel sur le droit de participer aux affaires des collectivités locales

Code de bonne conduite en matière électorale (Commission de Venise) – le suffrage universel

Ce principe soumet le droit de vote et le droit d’éligibilité à un certain nombre de conditions, par exemple d’âge, de nationalité et de résidence. La résidence est comprise ici comme la résidence habituelle. Une durée de résidence ne peut être imposée, pour les nationaux, que pour les élections locales et régionales. Cette durée ne devrait pas dépasser six mois ; une durée plus longue peut être prévue uniquement en vue d’assurer la protection des minorités nationales. Le droit de vote et d’éligibilité peut être accordé aux citoyens résidant à l’étranger.

-     Utilisation abusive des ressources administratives et des fonctions officielles

88.    Le Congrès reconnaît que dans le cas d’élections locales et régionales, les relations, parfois aussi bien professionnelles que personnelles, qu’entretiennent les élu·es sortants, les candidat·es, les fonctionnaires, les agents publics et les électeurs et électrices sont souvent beaucoup plus étroites que lors d’élections nationales, comme le souligne la Résolution 402 (2016) du Congrès. De nombreux responsables locaux et régionaux cumulent des fonctions électorales et des fonctions spécifiquement locales, telles que la passation de marchés et la gestion du personnel. L’utilisation abusive de ressources administratives ou publiques est donc un problème qui se pose tout particulièrement aux niveaux local et régional, notamment pendant les campagnes électorales. Les rapports d’observation électorale font état d’une série de problèmes récurrents, allant d’activités de campagne anticipées et de pressions exercées sur les agents publics à l’utilisation de ressources ou de fonds publics, en passant par l’affichage de matériel de campagne sur des bâtiments publics. Le Congrès a observé que ces pratiques avaient cours aussi bien dans les nouvelles démocraties que dans certains pays ayant une longue tradition démocratique. En effet, dans de trop nombreux États membres, l’utilisation des ressources administratives est considérée comme un outil de campagne ordinaire et un avantage naturel du mandat électif. Elle est donc très répandue et n’est souvent que peu, voire pas du tout, encadrée par la réglementation.

89.    En réalité, l’utilisation des ressources administratives profite injustement aux candidat·es sortants et fait pencher la balance en leur faveur, en particulier lorsque la campagne est courte. Ces pratiques vont à l’encontre des normes électorales de neutralité, d’égalité et d’équité entre les candidat·es. Cet avantage tend à s’accentuer au fil des mandats, empêchant les nouveaux candidats, en particulier les indépendants, les femmes et les jeunes, de se présenter aux élections dans les mêmes conditions que les élus sortants en exercice depuis longtemps.

90.    Au cours de la période de référence, outre l’utilisation abusive de ressources administratives par des élus et des agents publics locaux, les délégations d’observation électorale du Congrès ont constaté des cas d’abus de fonctions officielles lors d’élections locales et régionales. Dans de nombreux cas, l’abus de fonctions officielles a contribué à flouter plus encore la distinction entre l’État et le parti ou la coalition au pouvoir. Cela a souvent mené à donner une dimension nationale aux campagnes politiques, au détriment des enjeux locaux. De nombreux présidents et ministres, bien qu’ils n’aient pas été candidats aux élections locales, ont mis leurs fonctions, leurs ressources, leurs administrations, les événements subventionnés par l’État et la couverture médiatique au service des candidat·es de leur parti, ce qui a indûment fait pencher la balance. Ils ont dans certains cas conditionné l’octroi d’importantes dotations ou l’attribution de projets majeurs à la victoire de leur candidat préféré, ce que les délégations d’observation électorale du Congrès ont déploré. Cet avantage indu s’est souvent étendu au paysage médiatique au niveau national, où le traitement des candidats n’a pas toujours été impartial. Dans les contextes fortement polarisés, ces avantages (fonctions officielles, médias et abus de fonction) se sont souvent cumulés au niveau local et ont amplifié les avantages des candidats sortants.  Cela a pu porter préjudice à la démocratie locale.

91.    À cet égard, le Congrès a recommandé à plusieurs reprises de mettre en œuvre la législation et la réglementation en vigueur relatives à l’utilisation abusive des ressources publiques ou d’en renforcer l’efficacité et de garantir la conduite d’enquêtes en temps opportun et l’imposition de sanctions dissuasives en cas de violation.

Évolutions positives

92.    S’agissant des points positifs, le Congrès a continué d’observer de nombreuses bonnes pratiques visant à lutter contre l’utilisation abusive des ressources publiques. La plupart des pays où il s’est rendu sont désormais dotés de dispositions légales visant à limiter les avantages indus (Albanie, République de Moldova), mais leur application et leur suivi font encore parfois défaut. Les bonnes pratiques suivantes ont notamment été recensées : certains candidats ont été priés de démissionner de leurs fonctions publiques en amont de la campagne, des ministres ont été invités à observer une période de silence électoral, le nombre de mandats de maire a été plafonné, des déclarations de patrimoine supplémentaires ont été exigées et/ou des mesures ont été prises pour empêcher l’utilisation des canaux d’information officiels (pages officielles sur les médias sociaux, sites web, publications, etc.).  

Résolution 402 (2016) du Congrès : L’utilisation abusive de ressources administratives pendant les processus électoraux : le rôle des élus et agents publics locaux et régionaux

Code de bonne conduite en matière électorale (Commission de Venise) – l’égalité des chances

L’égalité des chances doit être assurée entre les partis et les candidats. Elle implique la neutralité des autorités publiques, en particulier relativement :

i. à la campagne électorale ;

ii. à la couverture par les médias, notamment les médias publics ;

iii. au financement public des partis et campagnes.

-     Politisation de l’administration électorale

93.    Si les États membres disposent d’une importante marge de manœuvre en matière d’administration des élections, le professionnalisme, l’impartialité et la transparence à tous les niveaux de l’administration électorale restent cependant fondamentaux pour assurer la confiance du public dans les processus électoraux et les résultats des élections. Le Code de bonne conduite en matière électorale indique que les partis politiques doivent être associés aux travaux de l’administration électorale ; or le Congrès a observé de nombreux cas où la composition de l’administration électorale était encore trop perçue comme favorisant le parti ou la coalition au pouvoir. Dans plusieurs cas, cette question s’est posée à la fois au niveau central et au niveau local lors de missions d’observation du Congrès, l’amenant à s’interroger sur la capacité des administrations électorales à agir en toute impartialité dans des contextes très polarisés. Ce fut particulièrement problématique dans le cas de plaintes et recours lorsque certaines administrations ont adopté des décisions incohérentes.

94.    Les administrations électorales disposent d’un pouvoir réglementaire en ce qui concerne les étapes les plus sensibles du processus électoral, notamment l’inscription des électeurs et des candidats. Le professionnalisme dont elles font preuve le jour du scrutin a également une influence directe sur la confiance des électeurs dans les processus électoraux et sur l’acceptation générale des résultats. Si les démocraties établies de longue date jouissent généralement d’une certaine confiance pour l’organisation du scrutin, d’autres pays où le contexte politique est très conflictuel ont quant à eux des difficultés à mettre en place des commissions indépendantes. En outre, dans les États membres où les collectivités locales sont fortement dépendantes du pouvoir central, la neutralité du rôle des fonctionnaires de l’administration électorale peut parfois être mise en doute. Dans d’autres pays, en raison des conflits opposant les représentants des partis au pouvoir et de l’opposition au sein des commissions électorales, il a parfois été nécessaire d’inclure des membres plus indépendants (par exemple, des juges, des fonctionnaires de confiance, des membres de la société civile) afin de résoudre les blocages politiques et de parvenir à un consensus. 

95.    Quel que soit le système en place, le Congrès a régulièrement appelé à la dépolitisation de l’administration électorale de manière à renforcer la confiance dans le processus électoral. En effet, le Congrès a observé des cas où des candidats étaient membres de l’administration électorale, des manœuvres de nomination et d’échange de sièges, des révocations ou des nominations tardives et des confrontations le jour du scrutin. À la suite de missions d’observation, le Congrès a, entre autres, recommandé expressément de réviser les modalités de nomination, de retrait et de révocation des membres des commissions électorales à tous les niveaux et d’accroître le professionnalisme de l’administration électorale par des formations supplémentaires (et parfois obligatoires). Parallèlement, dans certaines des élections observées, l’équilibre entre les hommes et les femmes aux postes de décision a continué d’être évalué négativement.

96.    En outre, les travaux des administrations électorales ont parfois manqué de transparence. Les nominations politiques ou les évolutions permanentes du cadre juridique régissant les procédures et le recrutement des membres de l’administration n’ont pas contribué à renforcer la confiance du public.

Évolutions positives

97.    Au cours des quatre dernières années, le Congrès a constaté avec satisfaction que les efforts d’intégration des nouvelles technologies dans les processus électoraux avaient permis aux administrations électorales de toute l’Europe d’améliorer la transparence de leurs travaux sur certains aspects essentiels du processus (Géorgie, Albanie, Arménie). Les procès-verbaux, enregistrements ou retransmissions en direct des réunions, l’accès aux registres électoraux en ligne ou aux rapports financiers des partis politiques, la publication opportune des décisions sur les plaintes et les recours ont été évalués positivement par de nombreux observateurs du Congrès et interlocuteurs rencontrés au cours des missions. Le Congrès a également observé que certains pays s’étaient employés à mettre en place des programmes de formation complets et spécifiques (République de Moldova, Géorgie, Arménie). Il a également constaté que, dans des Etats membres avec un niveau élevé de confiance dans les élections, les administrations électorales s’étaient aussi engagées à plus de transparence dans leur travail.

Code de bonne conduite en matière électorale (Commission de Venise) – l’organisation du scrutin par un organe impartial

Seules la transparence, l’impartialité et l’indépendance à l’égard de toute manipulation politique assureront la bonne administration du processus électoral, de la période précédant les élections jusqu’à la fin du traitement des résultats. Dès lors, la création de commissions électorales indépendantes et impartiales, du niveau national au niveau du bureau de vote, est indispensable pour garantir des élections régulières ou du moins pour que de lourds soupçons d’irrégularités ne pèsent pas sur le processus électoral.

-     Confiance du public dans les processus électoraux et stabilité du cadre juridique

98.    La confiance dans les processus électoraux est directement liée à la propension des électeurs à se forger une opinion selon leurs convictions et à l’exprimer librement le jour du scrutin. Lors de la période de référence, la corruption électorale est restée relativement limitée et certaines mesures positives ont été prises par les États membres. Le Congrès a recommandé dans certains cas que les garanties prévues par le cadre juridique soient complétées par des enquêtes approfondies et des sanctions dissuasives.

99.    S’agissant de la liberté des électeurs de se forger leur propre opinion, la situation de la démocratie locale reste étroitement liée à la situation de la liberté d’expression et d’information aux niveaux local et national. Des informations impartiales, factuelles et équilibrées permettent aux électeurs de comparer les programmes et les politiques défendus par les candidats, mais aussi d’évaluer le travail accompli au cours du dernier mandat. Malheureusement, les observateurs du Congrès ont constaté avec inquiétude une détérioration de la situation générale des médias dans de nombreux pays visités. Dans un nombre significatif de ces pays, les médias, outre le fait de favoriser les candidats sortants ou de laisser des intérêts politiques ou commerciaux dicter leurs lignes éditoriales, ont également vu leurs ressources diminuer et leur indépendance éditoriale se réduire. Les manœuvres d’intimidation et les menaces ont plus particulièrement visé les journalistes locaux qui enquêtaient sur les affaires de corruption ou qui demandaient des comptes, en particulier pendant les campagnes électorales. En outre, le Congrès a observé plusieurs cas où les partis politiques ont refusé de participer aux débats télévisés et n’ont communiqué que des contenus ou des discours élaborés à l’avance. Cette pratique est préjudiciable à la démocratie locale, car ces contenus ne peuvent pas facilement être vérifiés et des questions sur les enjeux locaux ne peuvent pas être posées directement aux candidats. Cette tendance a été exacerbée par l’utilisation des médias sociaux pendant les campagnes. En outre, au détriment de la démocratie locale, les observateurs du Congrès ont souvent assisté à des campagnes menées par des responsables politiques nationaux (et/ou sur des thèmes nationaux) qui n’abordaient pas les priorités et problématiques locales, notamment lorsque les élections nationales se tenaient concomitamment. Ces situations n’ont pas permis aux électeurs de prendre une décision en toute connaissance de cause.

100.  S’agissant de la libre expression de l’opinion des électeurs le jour du scrutin, comme lors de la période de référence précédente, plusieurs délégations du Congrès ont observé - ou ont été informées - de pratiques irrégulières et abusives visant à influencer les électeurs dans leur vote. Il s’agissait notamment d’achat de votes, de menaces, de pressions exercées par un employeur, de rassemblements et de transports frauduleux d’électeurs, d’abus de l’assistance pour électeurs porteurs de handicaps, ou d’autres formes d’intimidation. Bien qu’il soit difficile pour les observateurs internationaux d’assurer le suivi de ces cas, les délégations du Congrès ont souvent constaté l’absence d’enquêtes cohérentes, alors même que les États ont l’obligation de prévenir et de sanctionner efficacement ces violations. Ces pratiques ont atteint leur paroxysme au cours de la période considérée dans les territoires occupés de l’Ukraine où des pseudo-élections et des référendums ont été organisés au mépris total des normes internationales en la matière (Recommandation 459 (2021) du Congrès).

101.  Il est en outre largement reconnu que la stabilité du droit électoral constitue un principe essentiel pour garantir la confiance du public dans les processus électoraux. Malheureusement, lors de la période de référence, quelques États membres ont modifié les règles du jeu dans les mois qui ont précédé l’élection. S’ils ne reposent pas sur un large consensus, les changements de dernière minute sont non seulement une source de confusion et de difficultés pour les électeurs, les candidats et l’administration électorale, mais ils peuvent également être perçus comme étant dictés par des considérations politiques ; les électeurs peuvent alors avoir l’impression que leur vote n’a que peu de poids dans les résultats finaux.

102.  En ce qui constitue une avancée significative, une déclaration interprétative révisée du Code de bonne conduite en matière électorale de la Commission de Venise sur la stabilité du droit électoral a été adoptée en juin 2024. Celle-ci élargit les aspects fondamentaux auxquels le principe d’un an est censé s’appliquer pour inclure les règles qui déterminent le droit de vote et d’éligibilité, la délimitation des circonscriptions et la répartition des sièges, les aspects essentiels du processus de vote, les règles concernant l’administration des élections ou le règlement des litiges électoraux et l’accès aux médias audiovisuels.

103.  S’il est largement admis que l’observation des élections constitue un baromètre des avancées démocratiques et un instrument essentiel pour améliorer la confiance dans les processus électoraux, l’on ne peut que regretter que le cadre institutionnel de l’observation des élections fasse encore parfois défaut, en particulier dans les démocraties bien établies. Le Congrès a observé des restrictions au droit d’observer des élections, qui sont contraires au Document de Copenhague, et a été informé d’attaques inacceptables visant les observateurs nationaux. Il convient de renforcer le statut des observateurs nationaux pour contribuer aux initiatives visant plus largement à lutter contre les irrégularités et la fraude électorale, et notamment à surveiller l’utilisation des nouvelles technologies dans les processus électoraux. Sur un plan positif en 2022, les Rapporteurs spéciaux des Nations unies sur la situation des défenseurs des droits humains et sur les droits à la liberté de réunion pacifique et d’association ont expressément reconnu les observateurs et observatrices électoraux, en particulier les observateurs citoyens non partisans, comme des défenseurs des droits humains et appelé les États membres à « permettre l’observation indépendante et impartiale du scrutin par tous les observateurs, y compris étrangers ».

104.  Le Congrès a en outre déploré que de nombreux États membres ne l’aient pas systématiquement invité à observer les élections locales et régionales au cours de la période de référence. Cette situation devrait être améliorée avec l’envoi d’invitations plus systématique pour permettre au Congrès de s’acquitter pleinement de sa mission institutionnelle de gardien de la démocratie locale et régionale et de mettre davantage en lumière les bonnes pratiques, les progrès et les problèmes récurrents observés dans tous les États membres. Le Congrès s’est en effet engagé à observer les processus électoraux dans tous les États membres de manière équilibrée et systématique. Le Congrès a vivement apprécié les invitations adressées par plusieurs États membres (dont, par exemple, le Royaume du Maroc, la Norvège, le Danemark et l’Allemagne), qui témoignent de la volonté des pays à réfléchir à leurs pratiques électorales.

105.  Enfin, l’intégrité des processus démocratiques est intrinsèquement liée au respect de l’État de droit, y compris aux niveaux local et régional (services de police, tribunaux, etc.). En effet, selon les observateurs du Congrès, il est essentiel de procéder à des contrôles juridictionnels efficaces et indépendants en cas d’inexactitudes ou d’erreurs pour garantir la confiance du public dans les élections (comme cela a été observé, par exemple, à Berlin). La conduite d’enquêtes diligentes et l’application de sanctions dissuasives ont contribué à renforcer la confiance dans le processus, tandis qu’au contraire, dans quelques cas observés, des décisions contradictoires ou incohérentes concernant des plaintes et des recours ont eu tendance à mettre plus encore en doute l’impartialité de l’administration.

Évolutions positives

106.  Grâce aux initiatives prises aux échelons locaux, nationaux, et internationaux, le Congrès a observé dans de nombreux cas un plus grand professionnalisme dans la gestion des procédures électorales et relevé que des dispositions pratiques avaient été utilement mises en place pour limiter les possibilités de fraude électorale le jour du scrutin. Des mesures ont par exemple été prises pour garantir le secret du vote en revoyant la configuration des bureaux de vote, en interdisant le vote familial et collectif ou en encadrant mieux le vote assisté (Albanie, Arménie). Dans certains cas, le cadre juridique a été renforcé afin d’y inclure des garanties plus solides contre l’achat de votes, les actes d’intimidation, l’acheminement d’électeurs par bus, l’orientation de leur vote ou les rassemblements aux abords des bureaux de vote (Géorgie, République de Moldova). En outre, comme évoqué plus haut, les électeurs ont accueilli favorablement les améliorations technologiques, estimant qu’elles permettaient dans une certaine mesure d’améliorer la transparence et l’intégrité du processus, grâce à l’identification électronique des électeurs et/ou à l’installation de caméras vidéo dans les bureaux de vote (Albanie, Arménie, Géorgie, République de Moldova). Le Congrès a également salué le niveau élevé de confiance des électeurs dans certains Etats membres où les procédures électorales restent non atteintes par la polarisation politique (Danemark, Pays-Bas). Comme le préconise le Congrès dans certaines de ses recommandations, des initiatives d’éducation des électeurs doivent encore être menées pour les informer de leurs droits et leur permettre d’avoir une bonne connaissance de toutes les procédures de vote.

Recommandation 459(2021) du Congrès sur la tenue de référendums au niveau local

Code de bonne conduite en matière électorale (Commission de Venise) – le suffrage libre

Le suffrage libre comporte deux aspects : la libre formation de la volonté de l’électeur ; la libre expression de cette volonté, soit le caractère libre de la procédure de vote et la réalité des résultats proclamés. Les autorités publiques ont un devoir de neutralité. Celui-ci porte notamment sur : les médias, l’affichage, le droit de manifester sur la voie publique ou le financement des partis et des candidats. Les autorités publiques ont des obligations positives concernant les candidatures, les listes de candidats, les minorités nationales, etc.

-     Égalité des chances entre tous les candidats

107. Dans sa Recommandation 476 (2022), le Congrès a souligné l’importance de favoriser le pluralisme politique lors des élections locales et régionales, en encourageant la participation de candidats indépendants et en facilitant celle de candidats qui représentent les opinions de l’opposition en général. Cette recommandation a été adoptée après qu’il a été reconnu que les candidats indépendants, bien qu’ils contribuent à créer un véritable pluralisme politique au niveau local, se heurtent pourtant souvent à des obstacles administratifs ou juridiques, ce qui peut entraîner un rétrécissement de l’espace politique laissé à l’opposition.

108. Cette prise de conscience découle du principe établi depuis longtemps par le Congrès selon lequel tous les candidats doivent pouvoir se présenter à des élections démocratiques sur un pied d’égalité, sans pression ni discrimination, comme le prévoit l’article 3.2 de la Charte européenne de l’autonomie locale et comme le réaffirme l’article 1 du Protocole additionnel sur le droit de participer aux affaires des collectivités locales. En particulier, tous les candidats doivent être soumis aux mêmes règles avant, pendant et après les élections.

109. Malheureusement, au cours de la période de référence, les délégations d’observation électorale du Congrès ont constaté dans certains cas une absence d’équité dans la législation et dans la pratique. Afin d’attirer l’attention sur la situation particulière des candidats indépendants, le Congrès a adopté au cours de la période considérée un rapport transversal mettant en évidence des cas où l’accès au financement public et aux médias n’était pas assuré dans les mêmes conditions pour les candidats indépendants ou de l’opposition et, respectivement, pour les candidats de partis politiques ou du parti au pouvoir. Cette question est étroitement liée à l’avantage dont bénéficient les candidats sortants et à l’utilisation abusive des ressources administratives abordées plus en détail ci-dessus. Si dans certains des pays visités les exigences administratives et légales restent très contraignantes, le Congrès s’est félicité qu’elles aient été allégées dans d’autres (République de Moldova).

110. En parallèle, le Congrès a également recommandé, dans presque toutes les observations formulées au cours de la période de référence, de renforcer les cadres juridiques et le contrôle du financement des partis et des campagnes afin de garantir des conditions plus équitables entre les candidats. En effet, la réglementation en la matière est souvent restée insuffisante pour créer des conditions équitables. Et dans les pays où cet aspect était réglementé, les autorités n’ont pas toujours enquêté sur les infractions et/ou n’ont que ponctuellement sanctionné les violations constatées de manière opportune et dissuasive. Compte tenu de la multiplicité des pratiques, réglementations et plafonds qui sont appliqués en Europe, le Congrès souligne que les financements non réglementés à l’échelon territorial peuvent favoriser les influences indues et la corruption. Selon le contexte, les recommandations du Congrès en la matière ont porté sur le renforcement du cadre réglementaire ou des mécanismes de surveillance et de contrôle du financement des partis et des campagnes, sur la mise en place de dispositions relatives aux périodes préélectorales, sur l’établissement ou l’abaissement d’un plafond pour les dépenses, sur la réalisation d’enquêtes en temps utile et sur l’introduction de règles relatives à la présentation de rapports financiers intermédiaires.

111. Enfin, les observateurs du Congrès ont souvent recommandé que des mesures soient prises pour accroître et renforcer la participation des femmes et des jeunes aux élections et lors de l’attribution des sièges. Ces recommandations visaient à inverser les effets dissuasifs que ces catégories subissent tout particulièrement lorsqu’elles se présentent à des élections. En effet, la faible représentation des femmes et des jeunes dans la politique locale et régionale n’est pas de nature à favoriser une participation égale et active. Une large proportion de la population reste exclue de la prise de décision sur les questions qui la touchent de près. De nombreux États membres ont expérimenté avec succès la mise en place de quotas de femmes au niveau local (50 % en Albanie, 40 % en Bosnie-Herzégovine, République de Moldova, et Slovénie, des sièges réservés au Royaume du Maroc, des systèmes de placement alterné, etc.), alors que d’autres ont préféré laisser cette responsabilité aux partis politiques (Allemagne, Danemark). En l’occurrence, les progrès observés lors des missions du Congrès sont restés limités. Le Congrès a souligné que, conformément aux normes internationales, les États ont l’obligation positive de garantir l’égalité entre les femmes et les hommes, en particulier si celle-ci est inscrite dans la constitution d’un pays. Le Congrès a dès lors recommandé à plusieurs reprises de renforcer la participation des femmes à la vie politique locale, notamment en instaurant un quota minimum de 30 % de femmes.

Évolutions positives

112. Comme indiqué plus haut, des progrès ont été accomplis pour retirer les exigences contraignantes imposées aux candidats indépendants et pour mettre en œuvre des mesures visant à renforcer la participation des femmes à la vie politique locale. Au niveau de la transparence du financement des partis et des campagnes, les observateurs du Congrès ont perçu certains progrès, notamment en matière d’obligation de déclaration, ainsi qu’il est possible de le noter dans certains rapports du GRECO, même si les acteurs politiques ont parfois réussi à contourner les règles. Le Congrès reconnaît qu’un subtil équilibre doit par ailleurs être trouvé afin d’éviter des dispositions trop contraignantes et complexes en matière de financement des partis et des campagnes, qui pourraient peser lourdement sur les petits partis et les candidats indépendants.

113.Compte tenu de l’importance de cette question pour la démocratie locale et régionale, le Congrès continuera de la porter à l’attention des autorités dans ses recommandations en la matière aux États membres et travaillera à l’adoption d’un rapport thématique sur le financement des partis et des campagnes aux niveaux local et régional après 2025.

Charte européenne de l’autonomie locale, article 3.2

Ce droit est exercé par des conseils ou assemblées composés de membres élus au suffrage libre, secret, égalitaire, direct et universel et pouvant disposer d’organes exécutifs responsables devant eux. Cette disposition ne porte pas préjudice au recours aux assemblées de citoyens, au référendum ou à toute autre forme de participation directe des citoyens là où elle est permise par la loi.

Recommandation 476 (2022) du Congrès : La situation des candidats indépendants et de l’opposition lors des élections locales et régionales 

Code de bonne conduite en matière électorale (Commission de Venise) – le financement

La transparence se situe à deux niveaux. Le premier concerne les comptes des campagnes, qui doivent figurer dans une comptabilité spéciale et soigneusement tenue. Un dépassement substantiel des normes, ou un écart par rapport aux plafonds de dépenses figurant dans la loi, peuvent donner lieu à l’annulation d’une élection. Le deuxième niveau consiste à surveiller la situation financière de l’élu avant et après son mandat. Une commission pour la transparence financière prend acte des déclarations des élus. Celles-ci sont confidentielles, mais le dossier peut, le cas échéant, être transmis au Parquet.

-     Nouvelles tendances et sources de préoccupation

114. Les problèmes évoqués ci-dessus sont restés d’actualité au cours de la période de référence 2021‑2024, malgré des différences notables entre États membres. Des défis majeurs se sont également fait jour pendant cette période et seront surveillés par le Congrès au cours de la prochaine période de référence. En effet, la pandémie de Covid-19 et la guerre d’agression de la Fédération de Russie contre l’Ukraine et leurs conséquences (cyberattaques, désinformation, ingérence, personnes déplacées, etc.) ont eu d’importants retentissements sur les élections aux niveaux local et régional dans tous les États membres. Face à de nombreux États membres adoptant des mesures d’état d’urgence et reportant les scrutins locaux, le Congrès a insisté « sur un noyau essentiel de principes qui doivent être respectés en toutes circonstances pour les élections, y compris aux niveaux local et régional, pour qu’elles soient considérées comme légitimes et bénéficient de la confiance du public dans un environnement politique démocratique, pluraliste et responsable » (Recommandation 444 (2020) du Congrès).

Détérioration du climat de campagne

115. La détérioration du climat des campagnes électorales et le recours accru à des campagnes de dénigrement figurent au rang des nouvelles sources de préoccupation apparues au cours de la période de référence 2021-2024. Bien que l’on sache que dans les campagnes électorales, la confrontation politique fait dans une certaine mesure partie du jeu, les délégations du Congrès ont constaté avec inquiétude que le climat de la campagne en Europe, notamment aux niveaux local et régional, était de plus en plus marqué par une forte polarisation, des discours de haine, la diffamation, le dénigrement ou le ciblage des opposants politiques. Les campagnes de désinformation, amplifiées par les nouvelles techniques des médias sociaux, ont également été utilisées pendant les campagnes électorales pour calomnier des opposants. Les délégations du Congrès ont observé avec inquiétude dans presque tous les États membres, y compris dans les pays où la politique locale repose sur le consensus, une augmentation du discours de haine et de la désinformation pendant les campagnes électorales, principalement en ligne et sur les médias sociaux. Ces stratégies, outre le fait qu’elles privent les électeurs de campagnes locales fondées sur des programmes, ont également un effet paralysant sur les démocraties européennes et la vie politique aux niveaux local et régional, la peur pouvant conduire de potentiels candidats à s’abstenir de briguer des mandats politiques (Recommandation 478 (2022) du Congrès).

116. Les États membres peinent encore à lutter contre la désinformation et les campagnes de dénigrement et ont du mal à trouver le juste équilibre entre liberté d’expression, diffamation et sanctions. De nombreux États membres soumettent en effet la liberté d’expression à certaines restrictions légales ; bien qu’elles puissent être acceptables, ces restrictions peuvent également favoriser l’autocensure et les abus et étouffer la liberté d’expression. Par ailleurs, si en règle générale les législations nationales interdisent expressément les discours de haine, la surveillance et la réglementation des plateformes de médias sociaux restent difficiles à mettre en œuvre en raison de la nature de celles-ci (anonymat, instantanéité, propriété étrangère, etc.). Dans les recommandations adressées dans les rapports d’observation électorale au cours de la période de référence, le Congrès a préconisé notamment la mise en place de mesures efficaces pour lutter contre le discours de haine et les fausses informations en ligne pendant les campagnes électorales comme moyen de diminuer la polarisation, l’imposition de sanctions efficaces et la réduction des délais de traitement des cas de discours de haine.

Ingérence étrangère dans les processus électoraux locaux et régionaux

117. Parallèlement, fort de son expérience en matière d’observation électorale, le Congrès reconnait que les élections locales et régionales ne sont pas à l’abri d’une ingérence étrangère cherchant à influencer la volonté des électeurs et les processus décisionnels, comme cela a été observé dans certains États membres. Dans les élections nationales, ces ingérences ne sont pas des phénomènes nouveaux, mais sous l’effet des évolutions récentes, notamment l’expansion des nouvelles technologies, elles ont gagné en ampleur et en portée, comme cela a été observé de manière notable lors des élections (locales et nationales) en République de Moldova, en Ukraine, en France, au Royaume-Uni, en Allemagne et dans d’autres États membres du Conseil de l’Europe. La guerre d’agression que la Fédération de Russie mène contre l’Ukraine depuis 2022, la polarisation accrue du paysage géopolitique et le développement des compétences techniques de certains acteurs étrangers ont clairement contribué à rendre l’issue des élections plus imprévisible. Les élections locales et régionales sont en fait souvent perçues comme une première étape vers l’accès à une certaine légitimité et certaines responsabilités politiques, et donc comme un bon point d’entrée pour une ingérence étrangère dans les processus décisionnels. Les ingérences étrangères dans les processus électoraux sont multiformes, peuvent être réglementées ou non et être le fait d’acteurs étatiques ou non étatiques ; elles allient souvent le financement de candidats, la corruption électorale, les campagnes de désinformation et les cyberattaques visant des infrastructures numériques.

118. L’année 2024 constituera un test décisif pour les systèmes démocratiques à tous les niveaux de gouvernement, car de nombreuses élections locales et régionales auront lieu, se tenant pour certaines en même temps que les élections au Parlement européen. Aussi, face à la rapidité avec laquelle ce défi évolue, le Congrès œuvrera à l’adoption d’un rapport thématique sur les ingérences étrangères dans les processus locaux et régionaux en 2025. Si l’utilisation de l’intelligence artificielle dans les processus électoraux constitue elle aussi un nouveau défi, il est trop tôt pour mesurer ses répercussions sur les élections ; le Congrès suivra néanmoins les développements liés à l’intelligence artificielle au cours de la prochaine période de référence.

Évolutions positives : l’inclusivité des élections locales et régionales

119.  Lors de la plupart des missions d’observation électorale, le Congrès a pris acte avec satisfaction des mesures prises par les autorités pour améliorer la participation des électeurs porteurs de handicap aux processus locaux et régionaux. En effet, si le Congrès a souvent recommandé d’améliorer l’accessibilité des bureaux de vote, il a également salué les initiatives mises en place pour prévenir l’utilisation abusive du vote assisté, pour développer le recours aux urnes mobiles, pour améliorer la lisibilité des bulletins de vote (y compris en braille) et pour aménager les bureaux de vote de manière à permettre aux électeurs de voter avec le minimum d’aide possible. S’il estime que davantage pourrait être fait dans ce domaine, notamment en supprimant les restrictions au droit de vote et en facilitant la participation en tant que candidats, le Congrès se félicite néanmoins de ces avancées qui contribuent à des processus électoraux plus inclusifs.

Recommandation 444(2020) du Congrès « Élections locales et régionales lors de crises majeures » 

Recommandation 478 (2022) du Congrès, « Discours de haine et fausses informations : impact sur les conditions d’exercice des élus locaux et régionaux ».

S’il est indéniable que les réseaux sociaux offrent de nombreuses possibilités aux élus, les responsables politiques locaux et régionaux européens sont de plus en plus exposés à des campagnes de haine et de désinformation virulentes en ligne. Ce phénomène est d’autant plus marqué au moment des campagnes électorales, qui se sont progressivement déplacées vers l’espace en ligne en raison de la pandémie de covid- 19. Dans la sphère virtuelle, où la diffusion des informations est démultipliée et les obligations légales souvent floues, les discours de haine et les fausses informations se propagent plus rapidement et empruntent des canaux et des plateformes de réseaux sociaux en pleine évolution.

D.    CONCLUSIONS

120.   Au cours de la période couverte par le présent rapport, le Congrès a observé avec satisfaction les progrès réalisés en matière de procédures électorales le jour du scrutin et de transparence du travail des administrations électorales. Il a salué les efforts déployés dans presque tous les États membres visités pour améliorer l'inclusivité des élections locales et régionales.

121.   Toutefois, dans le contexte actuel de recul de la démocratie à tous les niveaux de gouvernement, des efforts supplémentaires seront nécessaires pour faire en sorte que les cinq questions récurrentes identifiées au cours de la période 2021-2024 soient traitées de manière plus frontale au cours de la prochaine période de référence. Ces efforts sont essentiels pour résister à l'érosion de la confiance des électeurs dans les processus démocratiques et dans leurs autorités locales et régionales.

122.   Dans le même temps, le Congrès note l'émergence de certaines tendances potentiellement préjudiciables (détérioration des environnements de campagne, augmentation de l'influence étrangère, défis liés à l'intelligence artificielle, etc.) qui pourraient avoir un impact sur les élections locales et régionales à l'avenir et il suivra attentivement ces tendances au cours de la prochaine période.

123.   Enfin, afin de remplir son mandat institutionnel de gardien de la démocratie locale et régionale et de mettre plus clairement en lumière les meilleures pratiques dans tous les États membres, le Congrès attire l'attention des autorités sur la nécessité de recevoir des invitations plus systématiques de la part de tous les États membres et pour ceux-ci de s'engager plus activement dans les activités post-électorales. Ce n'est qu'à cette condition que le Congrès pourra véritablement suivre les questions récurrentes et les évolutions positives, conformément aux Principes de Reykjavik pour la démocratie.



[1]. L : Chambre des pouvoirs locaux / R : Chambre des régions

PPE/CCE : Groupe du Parti populaire européen du Congrès.

SOC/V/DP : Groupe des Socialistes, Verts et Démocrates progressistes.

GILD : Groupe indépendant libéral et démocratique.

CRE : Groupe des Conservateurs et Réformistes européens.

NI : Membre n’appartenant à aucun groupe politique du Congrès.

[2] Discussion et adoption par le Congrès le 16 octobre 2024 (voir le document CG(2024)47-20, exposé des motifs), corapporteurs : Thibaut GUIGNARD, France (L, PPE/CCE) et Stewart DICKSON, Royaume-Uni (R, GILD).

[3] Discussion et adoption par le Congrès le 16 octobre 2024 (voir le document CG(2024)47-20, exposé des motifs), corapporteurs : Thibaut GUIGNARD, France (L, PPE/CCE) et Stewart DICKSON, Royaume-Uni (R, GILD).

[4]. Rapport du Congrès « Discours de haine et fausses informations : impact sur les conditions d’exercice des élus locaux et régionaux », disponible à l’adresse :  https://search.coe.int/congress?i=0900001680a85bff