35e Session du Congrès (6-8 novembre 2018)
Présentation de Xavier CADORET (France, SOC, L)
Seul le prononcé fait foi
Rapport d’information sur les élections locales tenues en Tunisie le 6 mai 2018
Chers collègues,
Pour ce dernier point de l’ordre du jour de la 35e Session du Congrès, j’ai le plaisir de vous présenter la synthèse de la Mission d’évaluation électorale que le Congrès a effectuée en Tunisie ce printemps en vue d’évaluer le scrutin du 6 mai. Il s’agissait des toutes premières élections locales depuis le Printemps arabe de 2011.
Peut-être vous souvenez-vous qu’à la suite de l’invitation des autorités tunisiennes à observer ces élections nous avons eu plusieurs discussions sur la réponse à donner à cette invitation et, si nous l’acceptions, sur la manière de financer la mission.
Après plusieurs contacts de notre Secrétaire général avec les États membres du Conseil de l’Europe en vue de collecter des contributions volontaires pour cette mission – démarches qui hélas n’ont pas permis d’obtenir le soutien désiré – il a été décidé de déployer une mission d’évaluation ad hoc, de portée réduite, financée sur le budget ordinaire du Congrès.
Rétrospectivement, je pense que c’est en effet ce qu’il fallait faire, et cette mission doit aussi être considérée comme une contribution aux activités du Congrès dans la région du sud de la Méditerranée.
Ces élections ayant été reportées à plusieurs reprises pour des raisons techniques, et compte tenu de la fragilité générale du cadre institutionnel, je pense qu’il était particulièrement important que l’Europe apporte son soutien à ce pays qui connaît – tant sur la plan géopolitique que socio-économique – une situation extrêmement difficile. La présence d’un groupe de plus d’une centaine de parlementaires de l’Union européenne venus eux aussi pour observer cette élection témoigne de cette même conviction.
Comparée à cette présence massive de l’UE, la Délégation que nous avons déployée du 4 au 7 mai était de taille modeste. Outre le Porte-parole thématique sur l’observation d’élections, Stewart DICKSON, elle incluait aussi Luc MARTENS, de Belgique, Tania GROPPI, conseillère du Congrès sur les questions constitutionnelles, trois membres du Secrétariat, un photographe de la Direction de la communication du Conseil de l’Europe et moi-même. Je dirais que nous formions une équipe d’observation restreinte mais efficace, et nous avons réussi à observer le scrutin dans une cinquantaine de bureaux de vote de Tunis et des environs, ainsi que de Bizerte, Beja, Kairouan et Sousse.
Dans l’ensemble, nous pouvons affirmer que les élections ont été bien organisées, transparentes et globalement conformes aux normes internationales. Hormis quelques défauts d’organisation ponctuels, il n’y a pas eu de problème majeur le jour du scrutin, ce qui nous a permis de conclure que ces élections avaient été un succès au regard de la situation générale difficile du pays.
Nous avons aussi estimé que les bons résultats obtenus par des candidats véritablement indépendants permettaient d’être raisonnablement optimistes quant aux progrès de la démocratie. Les candidats indépendants peuvent être considérés comme les vrais gagnants de ces élections, ce qui en soi est déjà une avancée majeure.
Cela étant, 34 % seulement des électeurs ont exercé leur droit de vote, ce qui est le signe manifeste d’une désillusion des citoyens à l’égard de la politique – signe qu’on ne saurait ignorer dans une jeune démocratie telle que la Tunisie.
Globalement, des améliorations sont nécessaires dans des domaines importants, en particulier pour ce qui concerne les exigences légales applicables à la compilation des listes de candidats, qui dans la pratique s’est avérée complexe et, dans une certaine mesure, excessivement restrictive.
Un cadre réglementaire simplifié est également recommandé concernant les médias, afin de garantir une campagne électorale pleinement compétitive et de renforcer le rôle des médias dans la création d’un environnement véritablement démocratique. Une meilleure couverture des élections locales dans les médias peut contribuer à renforcer l’intérêt à leur égard et donc à augmenter le taux de participation électorale.
Concernant la campagne électorale, une meilleure coordination entre les instances électorales régionales (les « IRIE ») est nécessaire, en particulier pour l’application des normes relatives aux activités de campagne. L’ISIE, l’organe central d’administration des élections, devrait être encouragée à jouer pleinement son rôle de coordination vis-à-vis des organes régionaux.
Concernant l’affectation des électeurs à des bureaux de vote spécifiques selon leur tranche d’âge, cette solution a engendré des files d’attente dans certains bureaux réservés aux personnes âgées, tandis que d’autres bureaux réservés aux jeunes étaient vides. Cette pratique devrait être révisée avant les prochaines élections municipales. De plus, dans la mesure du possible, l’accès des personnes handicapées aux bureaux de vote devrait être amélioré.
Dans l’ensemble, les autorités tunisiennes devraient s’employer, suffisamment de temps avant les prochaines élections municipales, à régler le problème de l’utilisation abusive de ressources administratives pendant les processus électoraux et à identifier les défauts d’organisation.
J’ajouterais que d’autres réformes entreprises entre-temps par les autorités tunisiennes, par exemple la loi institutionnelle sur l’organisation des partis politiques et leur financement, dont la Commission de Venise du Conseil de l’Europe a indiqué récemment qu’elle aurait dans l’ensemble un effet positif sur la transparence du financement des partis et la lutte contre la corruption, nous permettent d’espérer d’autres progrès.
À moyen terme, jusqu’aux prochaines élections municipales, les autorités tunisiennes devraient s’employer à renforcer encore la démocratie territoriale et la décentralisation. Convenablement mises en œuvre, celles-ci recèlent un potentiel extraordinaire pour le pays et pourraient amener une véritable révolution.
Pour toutes ces raisons, le Congrès s’engage à soutenir la Tunisie, au moyen notamment des activités que nous déployons dans le cadre du Partenariat sud-méditerranéen.
Je vous remercie de votre attention.