Politiques de transport intégrées - CG (9) 10 Partie II

Rapporteurs :
Gheorghe Ciuhandu (Roumanie)
et Keith Whitmore (Royaume-Uni)

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EXPOSE DES MOTIFS

1. INTRODUCTION

Les modes de déplacement des personnes et de transport des marchandises d'un endroit à l'autre dans les villes sont essentiels pour la réalisation des objectifs du développement urbain durable. En fait, le principal objectif visé et le défi que doivent relever aujourd'hui les responsables des politiques des transports et des politiques foncières est de s'assurer qu'un nombre croissant de résidents des zones urbaines et suburbaines, dans toutes les couches socio-économiques, ont accès aux services et aux activités qui font partie intégrante de leur vie quotidienne, tout en réduisant au minimum les incidences négatives des transports sur l'environnement, l'équité, l'économie et la santé.

De l'avis général, pour parvenir à un transport durable dans les zones urbaines, il faut mettre en œuvre des panoplies intégrées de mesures – autrement dit, un ensemble de mesures réglementaires, tarifaires et technologiques, en autres, applicables dans tous les secteurs – qui donnent les signaux corrects, tant du côté de l'offre que du côté de la demande, aux marchés des transports et de la planification urbaine. La mise en œuvre de ces panoplies de mesures vise à réussir à intégrer la planification foncière et la planification des transports, à gérer les déplacements des véhicules individuels, à optimiser le recours aux transports publics et à encourager la marche à pied et le cyclisme dans les zones urbaines.

La mise en œuvre dans plusieurs secteurs de panoplies de mesures intégrées s'est toutefois avérée plus facile en paroles qu'en actes dans un grand nombre de villes européennes. Pour définir et appliquer efficacement des stratégies durables des pouvoirs publics en matière de déplacements urbains, il importe de concilier les intérêts divers et hétérogènes du grand nombre d'acteurs intervenant dans le système de transports urbains – notamment les administrations nationales, régionales et locales, les responsables politiques, les organismes chargés de la planification des transports publics et de l'aménagement du territoire, les autorités compétentes en matière d'environnement et les groupes de pression, les opérateurs de transport et d'autres prestataires de services du secteur privé, ainsi que les promoteurs immobiliers et les voyageurs. Or, la coordination et la coopération entre toutes ces parties intéressées représentent une tâche complexe qui réclame souvent des ressources considérables.

L'expérience acquise par les différents pays européens concernant les meilleures pratiques montre que, alors que de nombreuses régions et villes sont en train d’élaborer des plans d'action pour rendre plus durables les transports urbains, il est souvent beaucoup plus ardu de passer de la théorie à la pratique. Tous les niveaux d'administration - national, régional et local – ont un rôle important à jouer pour faire en sorte que des moyens d'action efficaces soient recensés et appliqués. Bien que la plupart des pays confèrent la majeure partie des responsabilités des politiques de planification urbaine et des transports aux régions et aux municipalités, le rôle de l’État peut être aussi un facteur déterminant pour parvenir au développement durable dans les zones urbaines. Il appartient notamment à l’État de mettre en place un cadre d'action général et intégré tenant compte des différents secteurs qui servira de base pour les régions et les villes, et de transmettre aux régions et aux villes les messages appropriés par le biais d'incitations ciblées et du financement de projets en faveur du développement durable.

Le présent rapport a pour but d’analyser comment les différents niveaux des administrations peuvent améliorer les chances de réussite de la mise en œuvre de stratégies intégrées en faveur du transport urbain durable.

2. TRANSPORTS URBAINS : TENDANCES ET CONSEQUENCES

2.1 Aménagement urbain et taux de motorisation

Dans une majorité d'agglomérations européenne il y avait une "suburbanisation" continue due à la migration de la population urbaine vers les banlieues au cours de la dernière décennie, s’accompagnant d’une baisse du nombre de résidents en centre-ville. Une majorité de métropoles ont fait état d'une croissance notable de la population dans les périphéries urbaines.

Dans quelques pays, le réaménagement du noyau central des villes en voie de dégradation semble avoir fait revenir certains résidents des quartiers péri-urbains. En outre, des politiques des transports efficaces ainsi que des mesures visant à réduire les nuisances sonores semblent attirer à nouveau une partie de la population vers le cœur des villes.

Sauf dans les villes finlandaises et suédoises, le taux de motorisation au sein de l'UE s'accroît depuis 1990 dans presque tous les pays d’Europe. Le taux de motorisation moyen dans les villes de l'UE est de 0.41 voiture/personne, la fourchette se situant entre 0.60 voiture/personne à Genève, Odense et Weimar et 0.30 voiture/personne à Athènes, Séville, Dublin et Amsterdam, par exemple. Les pays d’Europe Centrale et de l’Est, candidats à l'adhésion ont signalé un accroissement moyen de plus de 30 pour cent portant le taux de motorisation moyen à 0.29 voiture/personne. Les autres PECO ont montré des accroissements du même ordre même si les taux de motorisation sont nettement plus faibles, avec un ratio moyen de voitures par personne s'établissant à 0.17.

Le taux de motorisation est généralement le plus faible dans les centres-villes, où des transports publics sont disponibles et les espaces de stationnement sont plus chers ; ce taux atteint son niveau le plus élevé dans les zones suburbaines mal desservies par les transports collectifs. Bien que les coûts de l'usage de l'automobile aient augmenté dans certains pays par suite des hausses des taxes sur les carburants à la fin des années 90, ils sont inférieurs, en termes réels, aux plus hauts niveaux enregistrés par le passé. Dans le même temps, en moyenne, la qualité des voitures particulières s'est améliorée en termes de confort, de durabilité et d’équipement en dispositifs auxiliaires, ce qui leur confère une plus grande valeur aux yeux des acheteurs et augmente leur attrait, au détriment des transports publics.

2.2 Voiture particulière contre transport public

Bien que le total des trajets par personne et par jour soit resté stable lors de la dernière décennie, les déplacements en voiture particulière dans les zones urbaines se sont considérablement accrus au sein de l'Union européenne, dans les pays candidats à l'adhésion à l'UE et dans d'autres PECO. Les trajets effectués par personne en voiture ont littéralement explosé dans les pays d’Europe de l’Est et Centrale, la mobilité automobile moyenne ayant fait un bond de 70 %, durant cette période. Le développement de l'usage de l'automobile a été principalement concentré dans les zones suburbaines, ce qui génère aussi des déplacements entre les banlieues et les villes dans les régions à forte densité de population. L’allongement des trajets effectués en voiture depuis 1990 dans la grande majorité des zones urbaines a augmenté, avoisinant 20 %, et qui semble lié au phénomène de "suburbanisation" dont il est fait mention auparavant.

En même temps, un recul général des déplacements effectués par les transports publics pendant les années 90, a été noté bien qu'aucune variation n'ait été enregistrée dans les pays de l’Union européenne. Dans les grandes et très grandes zones urbaines, l'offre de transports publics semble s'être améliorée dans l'ensemble dans les années 90, tandis que les villes petites et moyennes enregistrent des résultats moins favorables. Cependant, les efforts déployés pour améliorer l'offre au sein de l'UE ne se traduisent pas toujours par des progrès au niveau de la demande. La demande de transports publics semble diminuer plus rapidement que l'offre dans la plupart des pays candidats à l'adhésion à l'UE, sans doute en raison de l'augmentation du taux de motorisation. Dans ces pays, toutes les zones urbaines ont enregistré une baisse du nombre de ces trajets -- souvent assez importante. En dépit de ces baisses souvent très importantes, les niveaux de fréquentation dans les pays candidats à l'adhésion restent, en moyenne, très supérieurs à ceux de l'Europe occidentale.

Il y a des disparités considérables des pourcentages de trajets effectués à pied et à bicyclette dans les villes européennes, mais la tendance générale est à la baisse. Les Pays-Bas affichent le plus grand nombre de trajets à bicyclette en Europe pour des distances inférieures ou égales à 7 km, et on observe une légère hausse (25 % de tous les trajets au niveau national, 7 % des distances parcourues en voyageurs-km). Le nombre moyen de trajets à pied a baissé de 10 % durant la dernière décennie. Au sein de l'Union européenne, la marche à pied a globalement régressé pendant cette période, le nombre de trajets/p/j étant passé de 0.86 à 0.82. La même orientation générale à la baisse a été observée dans les PECO.

Depuis que les trajets domicile-travail et les déplacements de loisir en voiture se sont allongés et que le nombre de trajets courts pour lesquels l’automobile s’est substituée à la marche à pied a augmenté, les encombrements sont plus fréquents. Dans certaines régions urbaines, on signale que les encombrements se prolongent sur des périodes de plus en plus longues et qu’ils sont plus fréquents. Dans de nombreuses villes, les encombrements les plus graves se sont déplacés du centre-ville vers les corridors radiaux suburbains d’accès aux agglomérations, et en particulier vers les itinéraires concentriques de banlieue à banlieue. Dans les PECO, la gravité du problème de la congestion est encore plus grande que dans les villes des pays de l'OCDE fortement motorisées.

2.3 Pollution atmosphérique, nuisances acoustiques et sécurité routière

L'ozone semble poser le plus grave problème de pollution atmosphérique dans les zones urbaines, même si d’autres examens nationaux font état de progrès concernant la qualité de l'air, les nuisances acoustiques et les accidents, qui sont le fruit des mesures prises en faveur du développement durable. En dépit de l'amélioration globale de la qualité de l'air dans les villes, il existe toujours de très fréquents et persistants dépassements des valeurs limites concernant la teneur de l'air ambiant en particules dans les zones urbaines et en NOx à proximité des grands axes routiers.

La réduction du bruit est un domaine prioritaire qui devra retenir l'attention de la plupart des pays européens. Plusieurs villes ont récemment progressé dans ce domaine, mais signalé que des problèmes se poseront à l'avenir. Les nuisances acoustiques se sont généralement déplacées des routes locales vers les autoroutes, où il serait possible en général de réduire les nuisances en construisant des murs antibruit. Même si le problème est moins généralisé sur les routes de moindre importance, il est plus difficile de s'y attaquer dans les petites artères, en raison surtout du coût des murs antibruit par rapport au volume de la circulation.

Apparemment, la taille de la ville est un facteur important qui conditionne l'idée que l'on se fait de ces problèmes : la pollution et la congestion sont jugées plus graves dans les grandes villes et beaucoup moins dans les zones urbaines petites et moyennes.

Dans beaucoup de pays européens, on a assisté à un découplage des tendances des chiffres d’accidents de la route et du volume du trafic automobile. Les Pays-Bas, l'Italie et la Suisse ont signalé des améliorations réelles en matière d'accidents de la route, tandis que la Norvège et la Finlande font état de tendances fluctuantes des chiffres d'accidents et de décès. Dans certains pays candidats à l'adhésion à l'UE, le nombre d'accidents de la route augmente proportionnellement au trafic automobile et les taux d'accidents sont beaucoup plus élevés, dans l'ensemble, que dans les pays occidentaux. Cela tient essentiellement aux insuffisances de la sensibilisation à la sécurité routière et de la formation à la conduite, mais le mauvais état des voitures et des routes entre en jeu également.

3. MESURES PRISES FACE AUX PROBLEMES DE TRANSPORTS

Confrontés à des pressions persistantes dues aux évolutions que l'on vient de décrire en matière de transports urbains et d'aménagement de l'espace, nombre de pays européens, de régions et de villes s'emploient à trouver des solutions pour favoriser la mise en place de structures des déplacements plus durables dans les zones urbaines. Malgré les nombreuses difficultés que soulève la mise en œuvre des politiques, on a constaté des avancées concrètes lors de la dernière décennie.

3.1 Mise en œuvre d’une stratégie de transport intégrée

Bien que peu de régions/zones urbaines semblent avoir effectivement déjà entrepris la mise en œuvre d’une stratégie de transport intégré, la plupart des pays ont mis au point ou sont en train de définir des approches fondées sur des éléments de la stratégie. Les pays et les villes ayant plus d'expérience en matière des politiques de transport urbain durable appliquent à titre expérimental des approches novatrices, notamment l'intégration de la politique foncière et de celle des transports, l’imposition de restrictions strictes de stationnement et la création de parcs de dissuasion, ainsi que l'utilisation de la télématique dans les transports publics. Un petit nombre de pays s'emploient à trouver les moyens d'intégrer la tarification de la congestion et d'autres formules tarifaires dans leurs panoplies de mesures.

Certes, la mise en œuvre des politiques de transport intégrées s’impose pour déboucher sur des réductions à long terme des déplacements en voiture et sur un développement durable des zones urbaines, mais des progrès importants sont toutefois possibles à un stade plus précoce en appliquant un train de mesures inspirées des meilleures pratiques qui donnent les signaux appropriés aux usagers et aux parties prenantes du système de transports.

3.2 Décentralisation et relations entre les administrations nationales et locales

La tendance générale est à la décentralisation des pouvoirs et des responsabilités en matière de transports urbains et de gestion de l'environnement, en veillant à préserver l’équilibre entre les domaines de compétence et la portée des problèmes à résoudre. Plusieurs PECO ont toutefois signalé des problèmes persistants dans le processus de décentralisation, évoquant notamment l'impossibilité de transférer des ressources ou de déléguer les pouvoirs permettant de collecter des recettes qui vont de pair avec les nouvelles responsabilités dévolues aux autorités locales en matière de transports urbains; en conséquence, ces dernières disposent de ressources extrêmement insuffisantes, notamment pour financer les transports publics.

C’est habituellement au niveau de la planification que s’articulent les relations des administrations nationales et locales dans nombre de pays. Les Pays-Bas décrivent une approche évolutive des interactions institutionnelles qui fait intervenir la négociation plutôt que des directives de planification, et dans laquelle les administrations nationales, régionales et locales s’appuient ensemble sur des stratégies communes de transport durable.

Plusieurs pays reconnaissent l'importance que revêtent les politiques nationales spécifiques pour guider l’élaboration des politiques locales des transports -- et surtout celle du cadre national régissant les taxes et redevances applicables aux transports, ainsi que l’importance des lois sur la pureté de l'air qui confèrent des compétences précises aux autorités locales. Dans le domaine de la planification, l’élaboration conjointe des plans de mobilité urbaine par les autorités régionales et locales récemment imposée par l’État -- par exemple, en France, en Italie et en Belgique – se révèle être un outil puissant pour placer le développement durable au premier rang des priorités dans le processus décisionnel concernant les transports urbains.

3.3 Intégration de la planification des transports et de l’aménagement foncier

Les plans de mobilité urbaine devraient contribuer à améliorer l'intégration de la planification des transports et de la planification foncière, facteur essentiel pour parvenir à des structures des déplacements urbains durables. La Norvège et les Pays-Bas font état de la plus grande expérience en la matière, encore que les efforts visant à attirer les entreprises pour qu'elles s'implantent en certains lieux aient conduit les collectivités locales à rivaliser entre elles en offrant des dérogations aux conditions requises dans le cadre de la planification. La prolifération observée dans les années 90 des grands centres commerciaux à la périphérie des villes -- qui génère beaucoup de déplacements -- était révélatrice de l'intégration insuffisante de l’aménagement foncier avec la planification des transports : elle a poussé certains pays à interdire systématiquement les aménagements de cette nature, tant que ne seraient pas formulées des actions envisageables plus efficaces.

D'un point de vue plus général, beaucoup considèrent que l'étalement urbain est le signe que les effets des décisions de planification sur les réseaux de transport n’ont pas été pris en considération de façon appropriée. C’est donc là un enjeu majeur, aussi bien dans les procédures d'évaluation des projets d'infrastructure que dans le processus intégré de décision des pouvoirs publics. L'expansion des zones urbaines est induite par des forces puissantes, notamment : la valeur que nombre de personnes attribuent au fait de vivre dans des zones à faible densité de population ; l'intérêt qu'ont les autorités locales à attirer les entreprises pour élargir leur assiette fiscale, en particulier dans les zones résidentielles périphériques où les ressources fiscales sont maigres ; le consentement des entreprises à payer pour s'implanter le long des routes radiales qui procurent dès le départ de grandes facilités d'accès ; et enfin, les politiques sociales encourageant l'accession à la propriété en offrant des crédits pour se loger à bas coût, souvent dans des zones périphériques vierges. La rénovation des centres-villes et des proches banlieues pour augmenter leur attrait aux yeux des résidents (à revenu plus élevé) est une politique corrective qui a donné de bons résultats dans certaines villes européennes, en inversant la tendance au dépeuplement du noyau central des villes. Le réaménagement de friches industrielles pour y implanter des entreprises, bien qu'il soit coûteux, surtout lorsque les terres sont contaminées en raison de l'activité industrielle passée, s'est également soldé par certains succès notables, par exemple dans les docks de Londres.

3.4 Consultation publique

Améliorer les procédures de consultation du public est une priorité pour les pouvoirs publics dans nombre de pays européens. La Suisse applique de longue date une méthode complexe de consultation publique particulièrement efficace, ce dont témoigne le nombre de personnes qualifiées employées pour mener des débats soigneusement structurés avec le public. En outre, on estime que la consultation y engage beaucoup plus les décideurs que dans d'autres pays. En France, certains plans de mobilité urbaine déjà préparés sont porteurs d'innovation en la matière, mais leur coût représente une contrainte -- la consultation pour le plan de mobilité urbaine de la région parisienne revient à 1.8 millions d'euros.

Il est de plus en plus largement admis que l'action des pouvoirs publics ne suffit pas pour mettre en œuvre une politique de transport durable ; en effet, celle-ci exige aussi des changements de comportement : c'est pourquoi l'implication des acteurs eux-mêmes est essentielle. La Suisse a posé les premiers jalons de la négociation avec les entreprises commerciales, les employeurs et les sociétés immobilières privées afin de planifier une utilisation plus rationnelle des infrastructures de transport et une atténuation de l'impact sur l'environnement. Certaines grandes entreprises renommées réexaminent systématiquement les aspects environnementaux de leurs politiques des transports, tant pour le fret que pour les trajets domicile-travail. En Pologne, certaines administrations locales, notamment dans la capitale Varsovie, ont décidé de recourir à une procédure faisant intervenir de multiples parties prenantes pour faire face aux problèmes complexes qui se posent dans le domaine des transports.

3.5 Améliorer les transports publics

De nombreuses villes suisses, néerlandaises et françaises sont dotées de systèmes de transports publics de grande qualité. De même, des zones urbaines en Allemagne, en Italie et en Finlande, entre autres, sont bien placées à cet égard. La fréquence du service, la grande qualité des véhicules et les systèmes intégrés de délivrance des billets pour tous les modes de transports publics jouent un rôle important dans la plupart de ces villes. En Suisse, des correspondances pratiques et sans attente entre les services de trains et d'autobus sont progressivement mises en place dans tout le pays. La plupart des villes européennes -- notamment dans les pays candidats à l'adhésion à l'UE et dans d'autres PECO -- accordent la priorité aux mesures visant à améliorer les transports publics pendant les années 90. et améliore les services de transports publics qui reste une priorité absolue dans la décennie à venir.

Les politiques nationales qui subventionnent les tarifs des services de transports urbains par rail et autobus peuvent jouer un rôle décisif. Les villes auxquelles a été conféré le pouvoir de collecter leurs propres recettes par le biais d'impôts locaux spécifiques liés aux transports ont généralement pu garder en place des tarifs bon marché, tout en améliorant les services et en augmentant la fréquentation des trains, des métros et des tramways, au moins (avec les autobus, les résultats ont souvent été obtenus plus lentement). A titre d’exemple, les transports publics dans la région parisienne sont financés à hauteur d'un tiers au moyen des recettes de la tarification, d'un tiers à partir d'un impôt local frappant les entreprises spécialement affectées aux transports et d'un tiers sur les recettes budgétaires générales. Au Royaume-Uni, il est prévu d'accorder à des villes des pouvoirs de financement en affectant le produit des redevances de transport aux dépenses dans ce secteur. Dans d'autres villes, les autorités disposent rarement de ressources pour subventionner les tarifs et l'intervention de l’État pourrait avoir une influence considérable en stoppant les spirales descendantes de la baisse de fréquentation, des déficits croissants, des tarifs en hausse et des services en déclin.

D'après l'expérience récente, il est rentable de réorienter le soutien financier vers un niveau d’administration inférieur. Les enseignements à tirer de la régionalisation des dépenses du secteur ferroviaire en Allemagne, en France et en Suisse sont instructifs. En effet, le remplacement des transferts de l’État aux chemins de fer nationaux par des transferts des administrations régionales pour l'achat de services aux branches régionales des entreprises ferroviaires a généralement donné lieu à une amélioration des services et à de nouveaux investissements dans les services ferroviaires régionaux.

La Suisse a mis au point diverses formes novatrices de gestion de la mobilité qui visent à accroître la part des transports publics en établissant des relations de coopération entre les entreprises, les opérateurs de transport et les administrations locales. Les hôtels dans les stations de ski, par exemple, ou les organisateurs de grandes manifestations sportives ou musicales, offrent aux clients des titres d’abonnement gratuits pour les transports publics et rémunèrent les entreprises ferroviaires et les compagnies d'autobus dans le cadre d'accords de promotion commerciale conjointe.

L’autre aspect financier de la question est le contrôle des coûts. Les expériences britanniques (en dehors de Londres) et suédoise, qui ont introduit les appels d’offres et la privatisation dans les services d'autobus, ont donné de très bons résultats, voie qu’empruntent actuellement d'autres pays, notamment les Pays-Bas et l'Italie, quoique plus progressivement.

3.6 Gestion de la circulation

La gestion de la capacité de stationnement dans les rues a été à la base de la régulation de la circulation dans de nombreuses villes d'Europe occidentale pendant de nombreuses années. On trouve les exemples les plus efficaces de politiques sévères en matière de stationnement dans les centres de certaines grandes zones urbaines d'Europe, notamment Londres, Vienne ainsi qu’en Suisse, où des zones urbaines beaucoup plus petites ont mis en place des politiques strictes de stationnement. Pour que ces politiques réussissent à modérer la circulation, il est essentiel de veiller à la cohérence de la structure tarifaire et de la disponibilité d'espaces de stationnement dans toute la zone réglementée. Il importe aussi de créer des incitations et d'attribuer des compétences permettant d'assurer efficacement le respect de la réglementation. Certaines autorités locales suisses négocient même à l'heure actuelle avec les propriétaires de bâtiments de certains endroits pour réduire la capacité de stationnement et adopter le stationnement payant hors rue.
La régulation intelligente des feux de circulation est un autre outil important en ce domaine. Nombre de villes installent actuellement des systèmes qui reconnaissent les autobus et les tramways aux carrefours et leur donnent la priorité. Il est également possible de programmer les feux de circulation et de concevoir des tracés des rues de manière à dissuader les automobilistes de se rendre dans les zones sensibles et à orienter les flux de circulation selon des schémas optimaux pour gérer la congestion et enrayer la pollution. Une signalisation intelligente prévenant les conducteurs des encombrements et proposant des itinéraires de substitution peut s’avérer utile en complément. Par ailleurs, la signalisation électronique aux arrêts d'autobus indiquant l'heure d'arrivée de l'autobus suivant peut grandement améliorer la qualité du service et constituer un facteur d’attraction qui fait augmenter la fréquentation. De nombreuses villes utilisent ces outils "intelligents" de gestion de la circulation. Turin, notamment, a fait la démonstration d'un ensemble de mesures efficaces. Plusieurs villes européennes ont lancé des initiatives de cette nature, et d'autres mettront en place ces systèmes à l'avenir.

3.7 Tarification d’usage de la voirie et de la congestion

Aucune ville européenne n'a encore adopté la tarification routière pour gérer la circulation urbaine. C'est peut-être Londres qui a le plus progressé vers l’adoption d'un système de tarification dans quelques quartiers centraux, encore que les gros problèmes de congestion se posent dans les banlieues proches et périurbaines, sur les routes radiales et dans les grandes artères périphériques. Le gouvernement néerlandais travaille depuis un certain nombre d'années à l'élaboration de programmes de tarification routière urbaine et interurbaine. Il a éprouvé des difficultés à les faire accepter par les autorités locales, mais des progrès ont été réalisés pour emporter une adhésion politique plus large en liant la perception de péages ou une tarification routière plus généralisée au financement d’investissements dans les systèmes de transports locaux. L'affectation des recettes de la tarification routière au financement d’investissements dans les transports locaux a également intéressé plusieurs villes provinciales du Royaume-Uni, mais l'incitation offerte a été quelque peu réduite lorsque l’État a ultérieurement alloué des crédits à cet effet.

La Norvège applique la tarification au cordon sur les routes urbaines pour mobiliser des ressources afin de financer de gros investissements dans les infrastructures routières. Ces péages, perçus à la traversée d’une ligne cordon ceinturant le centre, ont récemment été différenciés pour gérer la circulation aux heures de pointe. Des systèmes de tarification de la congestion plus généralisés sont envisagés et devraient remplacer la tarification au cordon actuellement en place. L'Italie a adopté un cadre juridique pour l'adoption de la régulation électronique de l'accès aux centres-villes et plusieurs agglomérations ont commencé à mettre en place des systèmes de tarification au cordon, mais leur mise en œuvre a été retardée, en attendant l’issue de plusieurs recours en justice. Techniquement, à Rome et à Bologne, les systèmes sont prêts à fonctionner.

3.8 Politiques relatives au changement climatique

Peu de pays ont fait mention du problème de changement climatique. Le Royaume-Uni a effectivement instauré dans les années 90 un "coefficient d'indexation supérieur à l'inflation du droit d’accises sur le carburant" qui a entraîné une augmentation importante du prix de l'essence et du gazole en termes réels, mais il a été abandonné en l'an 2000 face aux contestations provoquées par les prix élevés des carburants. Parallèlement à la suppression du coefficient d'indexation, des incitations complémentaires en faveur de voitures moins « énergivores » ont été adoptées en modulant le droit d’accises sur le véhicule -- tout d'abord, en fonction de la cylindrée du moteur, puis en fonction des émissions de CO2.

L’importance insuffisante accordée aux émissions de CO2 au niveau urbain tient à ce que le changement climatique est perçu comme un problème national et non local. Il semble que l’on n’ait pas encore bien assimilé le fait que les mesures prises pour s'attaquer aux problèmes urbains, notamment de nombreuses mesures de lutte contre la pollution atmosphérique et la congestion, et de gestion de la circulation ainsi que les mesures visant à influencer le style de conduite et l'entretien des véhicules, ont également un impact important sur les émissions de CO2. A l'évidence, les programmes nationaux relatifs au changement climatique ont un rôle à jouer pour aider les politiques de transports urbains, ou peut-être -- inversement -- les initiatives prises à l'échelon local dans les zones urbaines doivent être mieux prises en compte dans les programmes nationaux.

3.9 Priorités des autorités locales

La préoccupation principale des pouvoirs locaux européens en matière de transport urbain durable est d'empêcher la pollution et la détérioration de l'environnement. Un grand nombre de villes ont pris des mesures dans ce domaine dans les années 90. Les transports publics et la réduction du trafic automobile sont les prochains éléments clé de la politique dans toute l'Europe. La gestion de la circulation, une meilleure planification, la maîtrise de l'étalement urbain, la gestion de la mobilité et le développement des infrastructures routières étaient souvent des aspects prioritaires, mais un peu moins que les trois problèmes évoqués en premier lieu. L'action en faveur du cyclisme et de la marche à pied était relativement reléguée à l’arrière-plan dans les statistiques, et la gestion du stationnement n'y figurait pratiquement pas. Une priorité qui ressort pour les PECO est la création d'espaces verts et de ceintures vertes dans les zones urbaines.

4. DEFIS A RELEVER POUR METTRE EN ŒUVRE DES POLITIQUES DE TRANSPORT DURABLE

Le chapitre précédent montre bien que les pays progressent dans l'élaboration de plans d'action pour faire face à la congestion, à l'étalement urbain et aux problèmes d'environnement associés à des structures des déplacements urbains non durables. Cependant, les tendances qui se dessinent dans le chapitre 2 montrent qu'il subsiste de graves difficultés d'application et que l'on a du mal à retrouver dans les données les effets des mesures prises par les pouvoirs publics. Ce chapitre met en exergue certains des principaux défis à relever pour mettre en œuvre des politiques de transport urbain durable.

Les problèmes de mise en œuvre ne sont pas identiques, ni ressentis de la même façon dans tous les pays. Des structures économiques et politiques particulières, ainsi que des facteurs socioculturels régionaux, peuvent être à l'origine de problèmes spécifiques dans l'application des mesures. Si nombre des difficultés de mise en œuvre sont les mêmes pour toutes les régions et toutes les villes d’Europe -- l'opposition aux mesures de tarification et le manque d'une véritable volonté politique, par exemple, sont des obstacles à la mise en œuvre communs à de nombreuses régions --, quelques-uns de ces problèmes se posent de manière plus aiguë dans certains pays et régions en particulier. Les pays d'Europe centrale et orientale, par exemple, se heurtent à de très divers obstacles institutionnels, notamment une décentralisation incomplète ou parfois excessive des pouvoirs institutionnels définis à l'époque de l'économie planifiée. Ces carences institutionnelles expliquent en partie pourquoi les PECO éprouvent tant de difficultés à faire face à la forte croissance de l'usage de l'automobile et de la congestion et à améliorer leurs systèmes de transports publics. Ces problèmes, s’ils ne sont nullement l'apanage de ces régions, représentent toutefois des caractéristiques intrinsèques de leur expérience du moment.

Dans le même ordre d’idées, la taille et la configuration économique des villes et des zones urbaines dépendent beaucoup de la façon dont les stratégies des pouvoirs publics sont conçues et mises en œuvre. La Finlande, par exemple, est un grand pays dont la population est relativement faible et dispersée. En effet, les grandes zones urbaines y sont peu nombreuses, et les villes sont trop petites pour pouvoir envisager des systèmes de transports publics intégrés. Par exemple, Les "traits particuliers" de la Finlande contrastent toutefois avec ceux des Pays-Bas, pays densément peuplé, de faible superficie, avec de grandes "mégalopoles" à l'ouest et des systèmes de transports publics urbains et interurbains très développés. Par conséquent, les stratégies de transports urbains et d'aménagement de l'espace aux Pays-Bas seront nécessairement conçues et appliquées différemment de celles de la Finlande. C’est un cas qu’il y a peut être lieu de mentionner lorsque l'on examine comment et pourquoi certaines politiques sont appliquées ou ne le sont pas dans différentes zones urbaines et dans divers pays.

La complexité de la mise en œuvre des stratégies semble découler en partie de la difficulté à dégager une convergence de vues sur les problèmes particuliers à régler. Un vaste débat porte, par exemple, sur ce que serait un niveau acceptable de congestion et, par voie de conséquence, sur la sévérité des mesures à prendre pour restreindre l'usage de l'automobile dans les villes et leurs périphéries. De façon analogue, les avantages et les inconvénients de l'étalement urbain ne font pas clairement l'unanimité. Bien que les tendances récentes laissent entrevoir que les problèmes de circulation se posent le plus gravement à l'heure actuelle à l'extérieur des centres-villes (les mesures prises pour s'attaquer à la congestion en centre-ville semblent relativement efficaces dans la plupart des pays), l'importance de l'expansion qu’il conviendrait d’autoriser ou non dans les franges urbaines est source de polémique.

Néanmoins, on s’accorde plus ou moins à reconnaître ce qu'implique une stratégie de transport urbain durable : maximiser le recours aux transports publics, maîtriser l'utilisation de véhicules individuels dans les zones urbaines au moyen de la gestion intégrée de la circulation et de la mobilité, réduire au minimum l'étalement urbain grâce à l'intégration de la planification foncière et de celle des transports. Ces initiatives portent leurs fruits du point de vue de la protection de l'environnement en améliorant la qualité de l'air ainsi qu’en réduisant la consommation de carburant, les émissions de CO2 et les nuisances sonores.

En ayant ces objectifs présents à l'esprit, le premier écueil réel à surmonter pour mettre en œuvre les panoplies des mesures en faveur du transport urbain durable tient peut-être au consensus à trouver, dans une certaine mesure du moins, entre les décideurs, le public et d'autres parties intéressées du système de transports, à propos de ce qui n’est pas durable dans le système et de ce qu'il faut faire pour y remédier. L'implication volontariste, cohérente et bien organisée de tous les acteurs du système de transports urbains -- qu’ils relèvent ou non des administrations publiques, sans laisser de côté les partenariats avec le secteur privé et d'autres organismes publics -- s'avère essentielle pour comprendre la nature des problèmes et définir des solutions possibles, efficaces et applicables en pratique. Au niveau national, on connaît des cas exemplaires de meilleures pratiques en matière de recherche de consensus. Les Pays-Bas, par exemple, font appel depuis de nombreuses années à une procédure globale et intégrée de planification et de consultation pour l'élaboration de stratégies-cadres applicables aux transports, à l'environnement et à l'aménagement de l'espace, qui font intervenir tous les niveaux et secteurs de l'administration.

Néanmoins, pour bien réfléchie qu’elle soit, une stratégie n’offre pas de garanties quant à son application. L’un des motifs est peut-être que, fréquemment, lors de la définition des stratégies, on ne tient pas compte comme il convient des facteurs qui entrent en jeu dans la mise en œuvre -- qu'ils soient d'ordre institutionnel, financier ou politique. Ainsi, les problèmes de mise en œuvre sont en réalité le reflet d'un processus décisionnel qui laisse à désirer.

4.1 Cadre d’action national

Il est indispensable de disposer d’un cadre d'action national souple et favorable pour l'aménagement du territoire et les transports urbains. Dans beaucoup de pays européens, néanmoins, il s’avère que l’État n’est guère concerné par les problèmes de transports urbains -- ceux-ci relevant exclusivement des institutions municipales ou régionales. Les politiques de transports urbains sont, par nature, de portée locale. Comme on l'a suggéré plus haut, elles doivent être taillées sur mesure pour bien cadrer avec les «traits particuliers» et le contexte d'une zone urbaine donnée. De surcroît, pour cette raison justement, c'est généralement à l’échelon local et régional que l’efficacité de la mise en œuvre est optimale. Cependant, les incidences à long terme et l'efficacité des politiques et des mesures appliquées aux niveaux local et régional -- notamment, les initiatives visant à limiter l’implantation des grands centres commerciaux à la périphérie urbaine ou la création de ceintures vertes, les améliorations des transports publics locaux ou les mesures de tarification, de la congestion par exemple, pour gérer l'usage de l'automobile -- risquent d'être compromises si, à l'échelon national, le cadre d'action dans lequel s'inscrit la planification spatiale, le financement et l'investissement à l’échelle du pays, ainsi que les systèmes de formation des prix, n'accompagnent ni ne viennent étayer ces initiatives locales des pouvoirs publics.

Un cadre d'action national pour la planification urbaine et l'élaboration des politiques des transports peut aussi créer des articulations entre les objectifs nationaux en matière de transports, d'environnement et de santé et les objectifs visés aux niveaux régional et local. Il permettrait ainsi de mieux cerner comment les politiques urbaines d’aménagement spatial et de planification des transports contribuent, par exemple, à la réalisation des objectifs nationaux ayant trait aux émissions de gaz à effet de serre et à la politique relative au changement climatique, aux pluies acides et au morcellement des terres, entre autres.

4.2 Politiques d’intégration et de coordination

Pour parvenir au développement durable, il faut que l'élaboration des politiques des transports urbains soit envisagée dans une optique holistique : la planification des transports, l'aménagement de l'espace et la protection de l'environnement ne doivent plus être entrepris isolément, les politiques visant des éléments et des modes particuliers du système de transports devront être considérées comme un ensemble, étant donné que leurs incidences relatives déterminent le dosage approprié de politiques propices au développement durable.

Faute de coordonner suffisamment les politiques, l'efficacité de l'ensemble de mesures est compromise et les objectifs visés risquent de ne pas être atteints. Une stratégie associant des mesures d'incitation et de dissuasion est nécessaire pour dissuader les voyageurs d’utiliser excessivement l'automobile en appliquant des mesures de gestion du stationnement, ou par le biais des prix des carburants ou de la tarification de la congestion, par exemple, et également pour attirer ou renvoyer les voyageurs vers d'autres moyens de transport à l'aide de mesures favorisant la sécurité et l'efficacité du système de transports publics, améliorant les conditions pour la marche à pied et le cyclisme, ainsi que limitant ou interdisant l'usage de l'automobile dans certaines parties des centres-villes. En général, les mesures d'attraction, telles que les améliorations des transports publics, n'entraînent pas à elles seules la réduction de la congestion recherchée, mais certains pays et villes continuent d'espérer le contraire. Un mécanisme d'accompagnement pour mettre un frein à l'usage de l'automobile est généralement indispensable pour induire les modifications souhaitées de la répartition modale.

Le type de coordination des politiques que l'on vient de décrire se heurte à un certain nombre d'obstacles qui entravent la mise en œuvre, plus ou moins considérables selon le cadre institutionnel et la structure du processus décisionnel du pays. L'intégration et la coordination des politiques appellent une certaine transparence dans leur élaboration, qui permette d'évaluer les objectifs du système de transports urbains comme un ensemble. Elles réclament un discernement objectif de la nature des problèmes et de leurs interdépendances, ainsi qu'une connaissance des répercussions des différents types d'instruments utilisés par les pouvoirs publics (par exemple, tarification, réglementation, initiatives volontaires) et de leur efficacité potentielle lorsqu'ils sont appliqués simultanément. Il faut également un engagement politique sans faille pour faire en sorte que les mesures moins populaires de ces panoplies, qui sont néanmoins essentielles (souvent les instruments liés à la tarification), aillent de pair avec des éléments plus acceptables au plan politique (par exemple, les améliorations concernant les transports publics, la marche à pied et l'usage de la bicyclette, entre autres). Pour que la mise en œuvre devienne effective, il est indispensable de définir les ressources -- financières et autres -- et de les engager en ayant présente à l'esprit la panoplie complète des mesures. C'est là l'une des raisons pour lesquelles il est essentiel de parvenir dès le début à un certain degré d’accord sur les objectifs.

4.3 La coopération entre les différentes branches et niveaux d'administration

L'un des plus grands défis à relever pour mettre en œuvre les stratégies de transport urbain durable est de surmonter les obstacles institutionnels et organisationnels. La coordination et la coopération entre les différentes branches et niveaux d'administration, ainsi qu'une consultation et une communication efficaces entre les autorités et le public, peuvent s'avérer déterminantes pour l'application ou non des politiques. Cette coopération est essentielle pour faire en sorte que les ensembles de mesures complémentaires conçues pour favoriser le développement durable -- et non des "mesures isolées" – soient mises en œuvre.

Dans nombre de pays, il n'y a pas encore de cadre institutionnel permettant d'élaborer et de mettre en œuvre des plans globaux et intégrés qui s'attaquent à tous les aspects connexes des transports urbains (planification spatiale, transports publics, circulation, stationnement, etc.). En conséquence, faute de coopération entre les différents ministères (par exemple Environnement, Transports, Aménagement du territoire, Finances), l’État donne des messages confus et/ou incohérents aux autorités locales en ce qui concerne les priorités d'action et les procédures.
La difficulté tient, en partie, à ce que la planification intervient à différents niveaux d'administration selon les secteurs, de sorte que la coordination peut s'avérer complexe. Par exemple, la planification des transports dans les zones urbaines s'effectue aux niveaux local, régional et national (en fonction du type de projet ou d'investissement), tandis que la planification urbaine relève, dans une large mesure, des administrations locales, même s'il est de plus en plus largement admis que la planification spatiale stratégique doit être conçue aux niveaux régional et national.

De nouveaux arrangements organisationnels peuvent être nécessaires pour faciliter la communication et la coordination entre les responsables de la planification et de l'exécution des politiques de transports, d'aménagement de l'espace et d'environnement. Par exemple, le Royaume-Uni a pris l'initiative de regrouper les institutions gouvernementales responsables de l'environnement, des transports et de la planification spatiale au sein du seul ministère de l'Environnement, des Transports et des Régions. De même, la Suisse a créé le Département fédéral de l'Environnement, des Transports, de l’Énergie et de la Communication, qui comprend l'Office fédéral du Développement territorial, l'Office fédéral des Transports et d’autres instances.

Dans un certain nombre de pays, notamment (mais pas exclusivement) en Europe centrale et orientale, le pouvoir de décision en matière de transports urbains a été délégué par l’État aux administrations régionales et locales, souvent sans leur accorder le contrôle correspondant sur les sources de financement. En conséquence, certaines administrations nationales se sont dégagées de leurs responsabilités eu égard aux problèmes de transports urbains, souvent sous le prétexte de la réforme de la réglementation qu'a entraîné la transition, tandis que les administrations locales et régionales ne sont, en fait, pas à même d'assumer pleinement la responsabilité de résoudre les problèmes parce que les ressources financières dont elles disposent sont trop limitées.

Le retrait presque complet de l’État dans le domaine des transports urbains a beaucoup nui au système des transports urbains dans nombre de ces pays. En Pologne comme en Hongrie, par exemple, depuis le début de la période de transition, la carence des pouvoirs publics au niveau national a sérieusement compromis les efforts déployés pour entretenir et améliorer les systèmes de transports publics urbains et la voirie. En l'absence de dispositions juridiques ou réglementaires régissant le soutien national aux projets de transports locaux (sauf pour de rares grands projets de transports publics urbains), l'incapacité des autorités locales à réunir des capitaux pour pallier la perte des subventions et des investissements de l’État s'est traduite par une bataille perdue d'avance contre le développement interrompu de l'usage de l'automobile dans les zones urbaines, au détriment des systèmes de transports publics.

Il s’agit, certes, d'un problème institutionnel, mais la décentralisation entraîne d'ordinaire de nouvelles réformes des régimes fiscaux et réglementaires, de sorte qu'il n'est pas simple de remédier à la situation. Au contraire, il se dresse alors un obstacle fondamental à la mise en œuvre des grandes améliorations nécessaires dans les transports urbains dans ces pays. Des initiatives sont engagées dans les deux pays susmentionnés pour redéfinir un rôle constructif de l’État dans le domaine des transports urbains.

En revanche, une décentralisation incomplète peut aussi déboucher sur une intervention excessive et souvent contre-productive de l’État dans les transports locaux, alors que ce sont les autorités locales qui se trouvent le mieux à même de superviser et de mettre en œuvre efficacement les mesures voulues, notamment en matière de stationnement, de marche à pied et de cyclisme, ou d’exploitation des transports publics.

L’État soutient les entreprises de transports publics urbains, par exemple, en allouant d'importantes subventions de fonctionnement qui risquent d'avoir un effet dissuasif allant à l’encontre des efforts déployés pour améliorer l'efficacité par rapport aux coûts de l’exploitation des transports publics. En outre, l'imposition par l’État de plafonds de tarification sans verser de compensation à la mesure du manque à gagner des organismes chargés des transports publics (spécialement dans les PECO) peut également aggraver des difficultés financières qui sont souvent déjà extrêmement graves.

Tandis que l’État a un rôle évident à jouer en créant un cadre d'action global, comme on l'a dit plus haut, la définition des politiques et des mesures précises au niveau des collectivités locales est souvent mieux assurée par les autorités régionales et locales, qui se trouvent en bonne position pour tirer parti des plus grandes chances et possibilités d’initiative locale. Dans certains pays, les responsabilités de l'élaboration des politiques sont définies et attribuées "de la base au sommet", c'est-à-dire qu'elles reposent sur la prise de décisions aux niveaux local et régional. En Suisse, par exemple, les rôles et les pouvoirs institutionnels sont attribués depuis toujours "de la base au sommet", les niveaux inférieurs d'administration accordant un pouvoir spécifique à l’administration nationale

Au niveau local ou régional, à défaut de recourir à une méthode de planification coordonnée tenant compte de toutes les considérations relatives aux transports (routier et transports publics), à l'aménagement de l'espace et à l’environnement, on risque d’aboutir à un processus décisionnel fragmentaire, par mode et par secteur, qui empêche la mise au point et l'application de plans intégrés et globaux s'attaquant à tous les aspects des déplacements urbains.

En outre, le manque de coordination des politiques de transports urbains et d'aménagement de l'espace entre les collectivités locales qui constituent une zone métropolitaine peut entraîner de graves problèmes d'organisation et des inefficacités, par exemple, dans la mise à disposition de services de transports publics. Le stationnement est un autre domaine dans lequel l’absence de coopération entre les administrations locales dans une région urbaine donnée risque de créer des rivalités qui, dans certains cas, peuvent se solder par des pertes économiques pour les zones urbaines qui perçoivent des redevances de stationnement élevées dans le but de dissuader les automobilistes d'utiliser leur véhicule.

La création d'une entité unique peut faire beaucoup avancer la coopération institutionnelle, non seulement entre les organismes chargés de la planification, mais aussi avec d'autres institutions municipales, notamment les services de police chargés de faire respecter les politiques de stationnement et de circulation. Un certain nombre de zones urbaines dans le monde cherchent actuellement à concevoir de nouvelles structures coordonnées pour résoudre les problèmes de transport, entre autre Dublin.

4.4 Réussir à mobiliser le soutien de l’opinion

Réussir à mobiliser le soutien de l’opinion, y compris des groupes d’intérêt et de pression, de la presse et des usagers -- en faveur de politiques de transport urbain durable -- est souvent une tâche complexe et délicate sur le plan politique. Une compréhension insuffisante des raisons justifiant certaines mesures ou de leurs avantages attendus peuvent susciter une résistance de la part de ces différents secteurs de l’opinion. Cela tient souvent au caractère inadapté de la communication sur les mesures en question et au fait que l’opinion n’a pas été suffisamment associée à ces mesures ou de manière inefficace.

La diversité et les divergences de vues de ces différents groupes sont telles qu’il faut consacrer parfois beaucoup de temps et des ressources considérables à l’explication des objectifs visés par les mesures et des stratégies elles-mêmes.

Le fait d’associer ces groupes aux différents stades de la définition des problèmes et des stratégies ainsi qu’à la mise en œuvre des mesures peut tout à la fois faciliter, et dans de nombreux cas, compliquer aussi cette mise en œuvre, notamment lorsqu’il s’agit de mesures à caractère restrictif comme les mécanismes de tarification. Il est cependant manifeste que l’ensemble des citoyens et des entreprises touchés par les politiques en question doit être associé de manière efficace au processus de planification et de mise en œuvre de ces politiques si l’on veut qu’elles aient des chances d’être effectivement appliquées.

La participation du public à l’élaboration des politiques et à la mise en œuvre de projets, qui est exigée dans de nombreux pays peut, si elle est effective, aider à repérer les choix judicieux à faire en matière de déplacements urbains et d’aménagement foncier au niveau local. Le fait d’offrir à un stade précoce, la possibilité aux citoyens et aux entreprises visés par les mesures, d’exprimer leurs inquiétudes quant aux incidences de ces mesures, en veillant à ce que les consultations se déroulent selon des procédures transparentes et bien conçues, peut faciliter la mise en œuvre de panoplies de mesures en faveur des déplacements urbains et de l’aménagement foncier.

La Suisse, parmi d’autres pays, possède une longue tradition de consultations publiques et d’association des acteurs concernés à toutes les étapes : identification des problèmes, fixation des objectifs, définition des stratégies et mise en œuvre des politiques. Cette approche dynamique et globale de l’élaboration et de la mise en œuvre des politiques a permis le règlement de conflits -- souvent imputables aux divergences de points de vue inévitables entre les différents groupes concernés par les transports urbains -- et qui autrement auraient compromis les possibilités de mise en œuvre des politiques envisagées.

Les partenariats entre le secteur public et le secteur privé conçus en vue de coordonner la planification foncière et celle des transports, qui associent les organismes de planification, les commerçants, les employeurs et les promoteurs de projets immobiliers commerciaux et résidentiels peuvent offrir des moyens efficaces, et s’inscrivant dans la durée, de faciliter la mise en œuvre de politiques. Ces «partenaires» de l’administration doivent avoir «adhéré» aux objectifs des politiques envisagées à un stade suffisamment précoce toutefois pour pouvoir se reconnaître comme bénéficiaires des résultats. Les partenariats de ce type font preuve de leur efficacité dans de nombreuses zones urbaines dans des pays tels que la Suisse, la France et la Pologne.

Il conviendrait de ne pas sous-estimer, comme le font souvent les décideurs, l’utilité d’une information et d’une communication efficace et cohérente sur les politiques de déplacement durable. Il est difficile, même dans les contextes les plus favorables, c’est-à-dire dans les pays qui ont une longue tradition de transports publics, de changer les habitudes et les comportements en matière de déplacement -- c’est-à-dire de convaincre les automobilistes d’emprunter les transports publics. Et cela est même encore plus difficile si le public -- les clients du système de transport -- ne perçoit pas clairement les objectifs visés par ces politiques et les avantages recherchés. Il est possible en œuvrant avec les parties intéressées au système de transport ainsi que dans le cadre de partenariats, de trouver des formules novatrices pour bien expliquer les avantages des stratégies de transport urbain durable.

4.5 Cadre juridique ou réglementaire

Il n’est pas possible, si l’on ne dispose pas de cadres juridiques et de procédures réglementaires clairement définis, de réussir à intégrer les politiques d’aménagement de l’espace et des transports, par exemple ou d’associer efficacement des entités privées à la gestion du service des transports publics. Des stratégies durables de déplacements urbains qui proposent des actions de ce genre peuvent nécessiter un certain degré de réforme de la réglementation nationale ou l’adoption de textes législatifs complémentaires.

Il est indispensable de bien définir les objectifs et les procédures applicables aux obligations de service public et au lancement d’appels d’offre concurrentiels pour réussir à mettre en œuvre de dispositifs associant le secteur privé à la prestation de transports publics. De nombreux pays soucieux d’améliorer l’efficacité et la qualité des services de transport public et de leur exploitation, s’engagent dans cette direction. Ils se heurtent à des difficultés lorsque leurs cadres juridiques ne définissaient pas clairement les rôles et les compétences respectives des différentes entités publiques et privées concernées. L’Union européenne a entrepris de revoir la législation sur les appels d’offre publics et la sous-traitance, ce qui devrait aboutir à la formulation d’orientations sur ces questions.

Les initiatives destinées à enrayer l’expansion de l’utilisation de l’automobile, à gérer la demande de déplacements et à encourager la marche à pied et l’usage de la bicyclette devraient aussi être soutenues et facilitées par les cadres réglementaires et juridiques des pays. Outre les incitations économiques destinées à freiner l’utilisation de la voiture, comme la tarification des routes et des encombrements ainsi que la taxation des carburants, qui demandent à être mises en œuvre à l’échelle de l’économie afin d’éviter des distorsions, d’autres moyens de gestion de la demande de transport, comme les formules de covoiturage, les plans de mobilité des entreprises et le télétravail, doivent s’appuyer sur un cadre législatif et réglementaire national pour pouvoir être efficacement mis en œuvre au niveau local. Ces différents moyens d’action supposent entre autres, la participation du secteur privé et exigent une coordination à l’échelon national des mesures relevant de la politique sociale et du travail et de celles qui relèvent de la politique des transports.

Le cadre réglementaire devrait aussi définir des normes techniques pour les véhicules et les carburants et prévoir un contrôle rigoureux de leur application aux flottes de véhicules publics et privés. De même, il faudrait intégrer dans les politiques des transports et d’aménagement foncier les objectifs visés sur le plan de la qualité de l’air, des niveaux sonores et de l’environnement et contrôler les moyens pris pour les atteindre.

Un cadre juridique et réglementaire cohérent au niveau national ne devrait cependant pas être dépourvu de souplesse et permettre d’encourager les municipalités et les régions à trouver des solutions nouvelles à leurs problèmes particuliers de transport urbain. L’imposition de limites légales et juridictionnelles au niveau national peut exiger l’adoption de textes législatifs d’habilitation, qui sont le seul moyen dans certains systèmes très centralisés, de déléguer des pouvoirs aux niveaux inférieurs d’administration. Il conviendrait de prévoir dans le cadre réglementaire des domaines dans lesquels il serait souhaitable (et nécessaire) de laisser place aux initiatives locales ou régionales (par exemple, politique de stationnement, dispositifs de tarification de certains itinéraires locaux/ encombrements).

4.6 Dispositif de tarification/fiscalité

Etroitement liée aux obstacles mentionnés ci-dessus, est la pénurie d’une structure cohérente de tarification et de fiscalité permettant d’envoyer les signaux voulus aux décideurs -- individus et entreprises -- pour les aider dans leur choix de lieux d’implantation et de modes de déplacement dans les villes et autour des villes ou pour encourager ces modes.

Le manque de coordination -- entre les secteurs et entre les niveaux d’administration – des mesures ayant trait à la fiscalité et aux prix dans les domaines de l’aménagement foncier (immobilier) et des transports peut, par exemple, encourager la rivalité entre les collectivités locales au niveau de l’impôt et des emplois, et contrecarrer ainsi les tentatives visant à décourager la réalisation de projets de construction de commerces et de logements à la périphérie urbaine.

Par ailleurs, dans certains pays, des mesures fiscales en faveur de l’immobilier et du logement peuvent, dans certaines circonstances avoir pour effet implicite d’encourager les habitants à s’installer en dehors des zones urbaines et d’aller donc à l’encontre des stratégies visant à lutter contre la congestion et la prolifération anarchique du tissu urbain.

On peut citer à cet égard l’exemple des mesures de déduction fiscale des intérêts sur les prêts au logement. Pour simplifier les choses, on peut dire que ces déductions qui encouragent les particuliers à devenir propriétaires de leur logement peuvent ce faisant, les encourager aussi à acquérir des maisons, plus vastes situées à la périphérie urbaine qui, sur certains marchés, sont considérées comme de meilleurs placements immobiliers que des appartements plus petits situés dans des immeubles urbains en copropriété. Dans ces cas-là, ces déductions fiscales peuvent en fait encourager l’étalement des villes. Les déductions fiscales accordées aux propriétaires au titre de la dépréciation de l’immobilier peuvent avoir les mêmes effets sur le tissu urbain.

D’autres distorsions, peut-être plus courantes dans certains pays européens, résultent des déductions fiscales accordées au titre des frais de déplacement domicile-travail qui constituent une subvention pour les salariés éloignés de leur lieu de travail.

Ces exemples montrent les effets négatifs que peuvent exercer certaines mesures de déduction fiscale dans les domaines du logement et des transports. Ils soulignent la nécessité d’adopter une vue globale des politiques suivies dans ces deux secteurs, afin de déterminer les domaines dans lesquels les mesures à adopter renforcent les incitations en faveur de l’adoption de décisions propres à favoriser un développement durable et ceux dans lesquels elles entrent en conflit et favorisent l’adoption de décisions non souhaitables.

Financement des transports publics

La recherche de ressources pour financer l’amélioration des transports publics est un souci majeur des pouvoirs publics au niveau national, régional et local et l’un des facteurs déterminants de la mise en œuvre de stratégies nationales de développement de transport urbain durable. S’il est vrai qu’il n’existe pas un modèle unique venir, la question de savoir comment financer les coûts d’investissement et les coûts d’exploitation, et sur quels fonds (par exemple, budget central, budgets régionaux ou locaux, entreprises privées, usagers) se pose dans la plupart des pays.

Le principe «utilisateur payeur» est largement accepté par de nombreux décideurs politiques et opérateurs de transport (mais moins par les «usagers», ce qui n’est guère surprenant) qui considèrent que les redevances versées par les usagers doivent couvrir les coûts d’exploitation des transports publics et, dans certaines conditions, les coûts d’investissement. D’après ce que l’on sait, la mise en œuvre de programmes d’amélioration des transports publics se heurte en fait souvent à la difficulté de concilier les besoins de financement avec le prix que «l’usager» peut, ou accepte de payer, outre les financements publics et, dans certains cas, les financements privés.

La participation des pouvoirs publics à l’échelon central dans les transports publics locaux et régionaux constitue un élément déterminant des modalités de mise en œuvre de ces programmes. La participation nationale, par exemple au financement non seulement des coûts d’investissement, mais aussi des coûts d’exploitation des transports publics locaux peut, comme on l’a signalé plus haut, constituer dans certains cas des incitations pour les exploitants de transport public, sous formes de recettes garanties, mais peut aussi les dissuader de chercher à optimiser leurs coûts.

Par ailleurs, les obligations du service public, c’est-à-dire l’offre de tarifs réduits et d’autres avantages relevant de la politique sociale, doivent être examinées avec soin afin d’éviter de créer des distorsions de concurrence et de porter préjudice aux organismes de transport public.

L’adoption d’une vue plus large de «l’usager», qui engloberait non seulement les clients du système de transport public mais aussi ceux qui bénéficient d’autres aspects de la mobilité des habitants des villes peut mériter de retenir l’attention. En effet, une «approche intégrée de la formation des prix», qui préconiserait l’affectation de ressources provenant d’autres éléments du système (par exemple, les redevances versées par les usagers de la route, les tarifs intégrés de transport public, les coûts de stationnement, les fonds de protection de l’environnement), au financement des transports publics, pourrait constituer un élément de la solution au problème de financement.

Le recours à d’autres sources de financement des transports publics, par le biais de la fiscalité directe et indirecte (par exemple, sur les carburants, les entreprises) demande à être soigneusement étudié afin d’éviter que de telles mesures n’engendrent des effets de distorsion économique et de s’assurer qu’elles sont équitables et peuvent être justifiées sur le plan social.

4.7 Flux de financements et d’investissements

Une affectation peu judicieuse des flux financiers peut faire échouer les mesures destinées à favoriser un développement durable des transports urbains. Ce problème est lié à la fois au cadre institutionnel et législatif/réglementaire ainsi qu’à la structure de la fiscalité examinés ci-dessus. Il est aussi intrinsèquement lié à la planification stratégique des transports urbains durables aux niveaux d’administration nationale, régionale et locale.

Parmi les exemples, on peut citer l’affectation des recettes provenant des dispositifs de tarification des routes, de la congestion ou du stationnement au profit d’autres territoires que ceux où ils sont appliqués, ce qui a pour effet d’empêcher le public de bien comprendre la raison d’être des mesures destinées à encourager la réduction de la circulation automobile, qui dès lors deviennent inopérantes. De même, une affectation déséquilibrée des financements (investissement ou autres) entre différents modes de transport -- qui est souvent due à une mauvaise coordination entre les organismes de planification respectifs -- peut compromettre l’efficacité du système de transports urbains. Les investissements et les financements de l’Etat central, souvent ciblé sur les capitales – sont parfois effectués au détriment des besoins de financement des villes d’importance secondaire et tertiaire. C’est, jusqu’à un certain point logique que les fonds nationaux soient pour la plupart affectés aux capitales en raison de l’importance stratégique de ces dernières. De fait, le financement sur des fonds publics nationaux d’investissements et de subventions en faveur des réseaux ferroviaires urbains et régionaux, par exemple, que l’on observe surtout dans les très grandes villes ou les capitales -- signifie que le niveau des financements nationaux peut être plus élevé dans ces zones urbaines. Toutefois, une concentration excessive de ces fonds publics nationaux dans les capitales peut compromettre l’efficacité de l’utilisation de ces ressources et conduire à laisser échapper des occasions de financer des améliorations dans d’autres zones urbaines importantes.

4.8 Obstacles d’ordre analytique

Le souci d’assurer un développement durable dans les zones urbaines a contribué à accroître la complexité de l’analyse. De ce fait, les processus de décision fondés sur ces analyses sont aussi devenus plus complexes. Des outils et des procédures analytiques couramment utilisés et conçus pour évaluer les investissements d’infrastructure et d’autres mesures en faveur des zones urbaines servent maintenant à prendre en considération tout un ensemble d’externalités comme les incidences sur l’environnement, la prolifération anarchiques du tissu urbain et des facteurs socio-économiques liés à la croissance urbaine. Ces méthodologies, comme les analyses coûts-avantages- et multicritères apparaissent toutefois peu adaptées sur leur forme actuelle, à l’appréhension des priorités d’action à long terme et pluri-sectorielles pour les villes qui sont fondées sur les principes du développement durable.

On peut notamment citer l’exemple des analyses sur la prolifération anarchique du tissu urbain. Les hypothèses prises en compte dans les méthodes d’évaluation des besoins en infrastructures des zones urbaines, notamment au sujet des gains de temps escomptés, risquent parfois de favoriser en fait l’étalement urbain. En effet, les nouvelles infrastructures routières conçues pour permettre d’accélérer la vitesse moyenne des trajets quotidiens peuvent aboutir non pas à réduire le temps de ces déplacements, comme le montre sans doute l’analyse -- mais plutôt, en raison des hypothèses retenues au sujet des budgets temps de déplacement -- contribuer à l’extension des zones urbaines en encourageant la construction de logements encore plus éloignés des centre-villes.

Par ailleurs, ces outils analytiques sont mal conçus pour mesurer les incidences de panoplies de mesures intégrées. Les lacunes de ces méthodologies ne devraient pas cependant occulter le fait qu’elles puissent donner les réponses «justes» au sujet du développement durable mais qui apparaissent difficiles à mettre en œuvre ou peu commodes pour les décideurs.

Les données sur les déplacements urbains et l’aménagement foncier sont insuffisantes, tant en quantité qu’en qualité, et ne sont souvent pas disponibles sous des formes utiles. Il s’agit là d’un obstacle majeur à la compréhension des tendances d’évolution des déplacements urbains et des forces qui sont à l’œuvre. Cet obstacle tient sans aucun doute plusieurs causes, notamment : les méthodes de collecte de données sont souvent incompatibles à l’intérieur des villes et entre ces dernières ; les mesures et définitions divergent d’une ville à l’autre et ne correspondent souvent pas à celles qui sont demandées dans les enquêtes statistiques ; par ailleurs, dans certains pays, les opérateurs privés de transport public ne communiquent pas, pour des raisons de confidentialité, de données sur les grandes tendances d’évolution de la fréquentation des transports publics. De ce fait, les possibilités de suivre les effets des politiques fondées sur les statistiques des transports et d’aménagement de l’espace se trouvent sérieusement compromises et il devient pratiquement impossible de faire des comparaisons internationales.

4.9 Une volonté politique

Enfin, le dernier élément à signaler dans cette énumération des principaux facteurs qui font obstacle à la mise en œuvre de mesures requises est le manque de détermination politique qui peut porter un coup fatal aux stratégies destinées à favoriser le développement durable des transports urbains.

La crainte des répercussions politiques conduit souvent les autorités publiques à ne s’engager qu’en faveur des mesures qui «sont les plus faciles à vendre au plan politique» c’est-à-dire celles qui sont politiquement les moins risqués, par exemple les mesures «d’amélioration» des infrastructures pour les transports publics, les piétons ou les cyclistes par rapport à celles qui sont politiquement plus sensibles comme les mesures de tarification et de taxation.

On cite souvent, comme exemple du déclin du courage en politique, l’absence de détermination à faire respecter les restrictions de la politique foncière, notamment lorsque de grands promoteurs commerciaux désireux de s’implanter dans les ceintures vertes situées à la périphérie des villes font miroiter, en échange de dérogations, des possibilités de créations d’emplois et d’autres avantages (recettes fiscales…) à des municipalités souvent avides de ressources. Dès qu’une dérogation est accordée, l’assouplissement du régime devient rapidement la norme, portant un coup fatal à la politique de protection des ceintures vertes.

Les engagements pris à un niveau national ou international (par exemple sur les objectifs visés dans le domaine de l’environnement, ou les objectifs visés au plan national en matière de mobilité) qui ne tiennent pas compte des possibilités effectives de mise en œuvre dans des régions et des villes données, sont souvent difficiles à respecter et finissent fréquemment par être abandonnés.

Il est donc indispensable de procéder aux consultations voulues et de parvenir à dégager des consensus entre les différents secteurs ministériels concernés dans des domaines comme celui de la taxation des carburants, qui relèvent de décisions touchant à la fiscalité, à l’énergie, aux transports et à l’environnement. Si toutes les instances concernées ne sont pas animées d’une volonté durablement affirmée de mettre en œuvre ces mesures fiscales difficiles à faire accepter, elles risquent de céder aux pressions en période de crise, on peut mentionner l’exemple de la «crise» des prix du carburant de septembre 2000, lorsque les mesures de taxation du carburant prises dans un certain nombre des pays européens n’ont pas résisté aux pressions exercées par les fluctuations des prix du marché du pétrole.

Seule la volonté de mettre en œuvre toute la panoplie de politiques et de mesures en faveur des modes de transport urbain -- non pas uniquement celles qui sont le moins risquées au plan politique – permettra, en dernière instance, d’enclencher les changements propres à assurer un développement durable des transports urbains sur le plan économique, social et de l’environnement.

5. CONCLUSIONS

Étant donné que près des trois quarts de la population des pays d’Europe résident dans des zones urbaines, la structure et les incidences des déplacements urbains et de l’aménagement de l’espace intéressent presque tous les secteurs de l’économie, tous les niveaux d’administration, et surtout les voyageurs eux-mêmes. En fait, les enseignements apportés par diverses études montrent bien que les problèmes de transports urbains et de planification foncière ne sont pas uniquement urbains : en effet, leurs conséquences économiques, sociales et écologiques se font sentir bien au-delà des juridictions géographiques des villes et des agglomérations, puisqu’elles touchent aussi les régions et les pays dans leur ensemble. Les politiques conçues pour façonner les structures des déplacements et l’aménagement foncier de manière à maximiser les avantages des transports en limitant le plus possible leurs incidences négatives dépassent largement aussi le rayon d’action des autorités locales, pour s’étendre jusqu’au niveau des régions et de l’État.

Compte tenu du large éventail de secteurs et d’acteurs économiques qui peuvent être touchés par les activités menées dans les domaines des transports urbains et de l’aménagement de l’espace, il faut mettre au point un ensemble d’instruments d’action complémentaires qui offre des incitations claires et bien ciblées à atténuer les répercussions des transports urbains et de l’aménagement foncier. Cela suppose une meilleure intégration de la planification des transports et de la planification foncière -- aussi bien au niveau stratégique national qu’aux niveaux régional et local. A cet effet, il faut trouver des moyens de maîtriser le développement de l’usage de l’automobile -- vraiment spectaculaire dans beaucoup de zones urbaines dans toute l’Europe -- et de favoriser d’autres modes de déplacement en remplacement de la voiture, c’est-à-dire les transports publics, la marche à pied et la bicyclette, afin que chaque usager puisse avoir le choix entre diverses options. Les instruments fiscaux et tarifaires, les outils juridiques et réglementaires, les technologies disponibles et l’information du public font partie des moyens d’action auxquels peuvent faire appel les pouvoirs publics.

Comme il est précisé plus haut, il est certainement plus facile de débattre d’une approche pluri- sectorielle et intégrée que de la mettre en œuvre. La complexité de l’application pratique des stratégies intégrées en faveur du transport durable -- aux plans institutionnel, juridique, réglementaire, ou fiscal -- peut être redoutable. Nombre de pays européen s’emploient toutefois à définir comment mieux structurer leurs cadres décisionnels afin de rendre possible une meilleure intégration des politiques -- grâce à une coopération plus poussée en amont, entre institutions et secteurs. Parallèlement, la mise en œuvre de mesures inspirées des meilleures pratiques, déjà testées et dont les résultats ont été vérifiés, peut être une démarche qui va dans le bon sens.

Bien que l’action des pouvoirs publics ne soit décidément pas suffisante, à elle seule, pour réaliser les changements que nécessite le développement durable dans les villes, un cadre d’action précisant des objectifs clairs à long terme pour les transports urbains -- définis de concert avec les parties prenantes des secteurs public et privé -- peut établir les paramètres essentiels pour la mise en œuvre de politiques intégrées de transport urbain durable. Cependant, un engagement politique solide à long terme s’impose pour pouvoir mener une action coordonnée. C’est pourquoi les administrations, à tous les niveaux, se doivent de continuer à œuvrer avec les acteurs politiques pour relever ce défi particulier de la mise en œuvre des politiques.