Les villes européennes à l'aube du XXIe siècle - CPL (3) 4 Partie II

Rapporteur: Mme O. Bennett (Irlande)

EXPOSE DES MOTIFS

Introduction

La Conférence de Plovdiv était l'une des premières grandes conférences internationales sur les villes et les questions urbaines organisées par le CPLRE depuis la décision adoptée par les pays membres du Conseil de l'Europe à Vienne en 1993, à inclure la protection du milieu naturel et bâti parmi les priorités de l'Organisation, une initiative due en grande partie aux autorités bulgares.

La conférence était organisée par le CPLRE en collaboration avec le ministère bulgare de l'Aménagement du territoire, du Logement et de la Construction, la Communauté urbaine de Sofia et le Forum européen des capitales de l'Europe unie.

Cette dernière organisation regroupe des urbanistes et d'autres professionnels concernés par le développement urbain, qui mettent en commun leur expérience et encouragent la coopération sur les questions urbaines en Europe. A la suite de la Conférence de Plovdiv, le Forum envisage à présent la création, à Sofia, d'un centre d'urbanisme et d'aménagement du territoire, un projet dont nous espérons qu'il pourra se réaliser.

La Conférence de Plovdiv s'inscrivait dans le cadre du programme de coopération du Conseil de l'Europe en matière de démocratie locale (LODE) qui vise à aider les collectivités locales des nouvelles démocraties de l'Europe centrale et orientale dans la mise en place de leurs institutions et de leur législation. Cette conférence a ainsi donné l'occasion à un grand nombre de partenaires et d'intervenants, issus précisément de cette partie de l'Europe, de prendre part à des discussions à l'échelle internationale.

La conférence a réuni environ 150 participants Ä des représentants des gouvernements et des collectivités locales, des membres des métiers de l'architecture, des urbanistes, des ingénieurs des travaux publics, des architectes-paysagistes ainsi que des membres de divers établissements d'enseignement supérieur, d'organisations non gouvernementales et d'associations nationales de collectivités locales.

La conférence a également permis d'accorder une place de premier plan à la Charte urbaine européenne, qui, depuis son adoption en 1992 par l'ancienne conférence permanente, représente en quelque sorte la carte de visite du Conseil de l'Europe pour les questions urbaines. Comme on s'en rappelle, la Charte urbaine européenne rassemble l'essentiel du travail effectué par le CPLRE sur les questions urbaines depuis 1986 sous la forme d'orientations générales adressées aux collectivités locales et destinées à servir de base aux municipalités dans l'élaboration de leur politique de développement urbain.

La charte traduit bien l'esprit et la vocation du Conseil de l'Europe par l'importance qu'elle accorde à la défense des droits de l'homme et des libertés civiles. Aussi, le CPLRE considère-t-il ce texte comme l'équivalent, pour l'environnement bâti, de la Convention européenne des Droits de l'Homme et de sa propre Charte européenne de l'autonomie locale.

La situation dans les villes

La population européenne, dans sa grande majorité, vit aujourd'hui dans les villes, d'où l'attention croissante portée en Europe aux questions urbaines, aussi bien par les hommes politiques et les médias que par l'ensemble de la population.

Depuis des siècles, les villes sont des lieux de diversité et de créativité, des vecteurs du développement économique et commercial, des centres de distribution et de concentration de biens et de services, mais aussi de regroupement humain. Elles sont malheureusement aussi le lieu où certains des problèmes qui caractérisent actuellement notre société Ä le chômage, la criminalité, la mauvaise qualité de l'environnement et du logement, l'exclusion sociale, la toxicomanie Ä sont les plus visibles et les plus durement ressentis. En toute logique, l'attention des responsables politiques s'est donc portée sur la résolution de ces problèmes, qui risquent sinon de saper les bases de la société civile, telle que nous la connaissons aujourd'hui en Europe.

Les organisations internationales et les politiques urbaines

La plupart des organisations internationales, suivant en cela l'exemple de nombreux gouvernements ont consolidé et/ou créé ces dernières années des entités ou des organes dont les activités sont axées précisément sur les questions urbaines. Au niveau national, un grand nombre de ces entités ont été instituées sur une base multisectorielle, avec des représentants de différents ministères.

L'Union européenne, poussée par le Parlement européen et le Comité des régions, envisage l'élaboration d'un programme portant sur les questions urbaines et a d'ores et déjà apporté son soutien au projet des villes «Vers un développement durable», créé à la suite de la conférence qui a eu lieu à Aarhus en 1994. L'OCDE dispose depuis longtemps d'un groupe des affaires urbaines qui examine les possibilités de coopération intergouvernementale et encourage l'intégration, dans les politiques urbaines, des objectifs économiques nationaux ou internationaux. L'OMS a créé son réseau «Villes saines», un programme auquel le CPLRE a collaboré en organisant à Vienne, en 1989, une Conférence mixte sur la santé dans les villes.

La Commission économique pour l'Europe des Nations Unies dispose à Genève d'une Commission des établissements humains, un organisme intergouvernemental qui cherche de plus en plus à conférer également une dimension locale à ses activités. Cependant, l'initiative majeure des Nations Unies à l'heure actuelle, est l'organisation, à Istanbul, de la grande conférence internationale, Habitat II, qui doit permettre d'engager une réflexion globale sur les villes.

L'on ne saurait dire encore si les conclusions de la Conférence Habitat rencontreront le même écho qu'Action 21, le texte adopté au Sommet de Rio. L'intérêt suscité par les questions urbaines, ne fait, quant à lui, aucun doute.

Il convient de souligner, comme cela avait déjà été fait à Rio, que c'est dans les villes que le combat pour le développement durable sera mené. Les villes sont, après tout, les plus gros consommateurs et producteurs d'énergie et constituent des sources de pollution majeure. C'est dans les villes aussi, que 70 % de la population européenne vit, travaille et joue.

La coopération entre les villes

La conséquence de cette attention internationale accrue est le développement considérable, ces dernières années, de la coopération transfrontalière des villes ainsi que la création de réseaux répondant à toutes sortes de besoins Ä coopération économique, contacts politiques, échanges culturels Ä et qui dépassent le cadre traditionnel des jumelages où l'on organisait des visites de chorales et de groupes de danse folklorique. Qu'elle se fasse avec ou sans le soutien des gouvernements nationaux, cette coopération est une réalité politique et dans la plupart des pays, l'aspiration légitime des municipalités à nouer des liens de coopération par-delà les frontières ne se heurte plus à aucun problème. Cela n'est cependant pas encore vrai pour tous les pays. La question de l'élaboration d'un instrument international permettant à ces intentions et à ces espoirs de se concrétiser a été débattue lors d'une conférence organisée à Lausanne, avec la participation de ma collègue de la délégation suisse du CPLRE, Mme Jaggi.

Le rôle des collectivités locales

La structure générale et l'organisation de l'administration d'un pays est certes l'affaire des gouvernements nationaux mais c'est au niveau local que les vrais problèmes se posent et que l'on mesure l'efficacité des politiques nationales. Les collectivités locales sont confrontées jour après jour aux problèmes que rencontrent les citoyens dans leur vie quotidienne et les problèmes urbains sont en première ligne. Néanmoins, pour accomplir pleinement leur tâche, ces dernières doivent non seulement jouir d'une indépendance politique suffisante, mais également disposer des ressources nécessaires, qu'elles proviennent du budget de l'Etat ou des impôts locaux.

Vers une politique européenne de l'urbanisme

Il existe en Europe un certain nombre d'institutions qui travaillent à l'élaboration d'une stratégie européenne de l'aménagement du territoire. Le Conseil de l'Europe, par exemple, organise la Conférence européenne des ministres responsables de l'aménagement du territoire qui a posé, au fil des années, de nombreux jalons sur cette voie.

Une politique globale de l'urbanisme a également été évoquée, mais elle rencontre inévitablement un certain nombre d'obstacles, en raison des différents stades de développement urbain et de la grande variété des situations dans les villes.

Si des progrès sont possibles, c'est maintenant qu'il faut les réaliser. La situation créée par les bouleversements structurels, politiques et économiques en Europe centrale et orientale fait naître des espoirs et ouvre des possibilités. Elle montre aussi que l'urbanisme, au sens le plus large, joue aujourd'hui un rôle essentiel dans l'évolution des sociétés. C'est maintenant ou jamais qu'il faut définir une politique globale de l'urbanisme et de l'aménagement du territoire pour une Europe élargie. Pour y parvenir, il faut cependant qu'au préalable une véritable révolution s'opère dans les mentalités des urbanistes et au niveau des collectivités locales, faute de quoi l'occasion sera perdue.

Ce sont là quelques-unes des raisons qui soulignent l'opportunité de la Conférence de Plovdiv.

La Conférence de Plovdiv en tant que réponse

Il convient ici de citer l'excellent préambule à la déclaration finale, rédigé par nos hôtes bulgares, et qui résume bien l'esprit de la conférence.

«Nous approchons aujourd'hui de la fin du XXe siècle. Ce fut un siècle remarquable: le siècle de l'atome, de la conquête de l'espace, du laser, du génie génétique; le siècle de l'information et celui du pétrole, des records de vitesse et du triomphalisme dans l'aménagement.

En cette fin de XXe siècle, la majeure partie de la population de l'Europe vit dans les villes, un phénomène qui s'impose de plus en plus comme un facteur déterminant à l'échelle européenne. Les villes ont la faculté d'être tout à la fois stables et de pouvoir se développer rapidement. Les cités d'Europe se sont constamment modifiées, bien qu'à des vitesses et selon des trajectoires différentes, tout au long du siècle. Certaines ont connu des transformations radicales, d'autres n'ont pas bougé, ou très peu, comme pétrifiées dans le temps.

A l'aube du troisième millénaire, il est à craindre que les conséquences d'un urbanisme mal maîtrisé et les changements politiques, économiques et sociaux ne se traduisent par des pertes irréparables dans la culture urbaine traditionnelle de l'Europe.

Le XXe siècle est aussi celui de la dégradation de l'environnement à l'échelle mondiale. L'épuisement des ressources naturelles a provoqué une crise générale, qui menace non seulement la qualité de la vie, mais la vie elle-même. Répondre aux besoins des générations actuelles sans porter atteinte au droit des générations futures de satisfaire les leurs, telle est la leçon qui se dégage du développement urbain au XXe siècle, et que nous devons transmettre à la postérité.

L'expérience urbanistique du XXe siècle nous enseigne également qu'il est nécessaire:

Ä d'économiser l'énergie de manière à en conserver pour les générations futures;

Ä de penser le développement urbain dans la continuité afin de préserver les valeurs matérielles et culturelles qui façonnent le tissu urbain: configuration et paysage urbains, fonctions traditionnelles, valeurs individuelles, respect de l'environnement, etc.;

Ä d'intégrer les nouvelles infrastructures urbaines d'une manière qui ne nuise pas au patrimoine culturel et historique;

Ä d'assurer une stabilité et un développement économique qui prenne en compte la dimension humaine, de lutter contre les problèmes et les conflits sociaux et ethniques, de préserver et de développer la culture et l'identité des villes;

Ä de décentraliser la gestion de la vie publique et d'élargir les compétences des collectivités territoriales pour leur permettre de remplir leur mission.

Le XXe siècle était également celui de la recherche de la ville idéale. Nous avons tous vu des projets de villes futuristes destinées à remplacer les structures urbaines actuelles, jugées inaptes à répondre aux besoins de l'homme. Mais ces projets sont restés lettre morte, et l'humanité poursuit sa quête de la ville idéale, qui n'existe aujourd'hui encore qu'au royaume des rêves.

Quelle forme les villes du XXIe siècle prendront-elles? Devons-nous laisser un avenir inconnu en décider, ou faut-il chercher dès à présent à améliorer la qualité de la vie dans les villes? Quelles nouvelles idées et théories pouvons-nous transmettre au siècle qui s'annonce ?

Ces différentes questions ont été débattues durant les trois jours de la conférence. Beaucoup sont demeurées sans réponse, d'autres ont suscité des réactions contradictoires.

En dépit de certaines divergences, les participants à la conférence ont exprimé le désir unanime de s'informer et de s'aider mutuellement à cerner, à étudier et à résoudre les problèmes des villes d'Europe à la fin de ce siècle.

En particulier, ils adressent un certain nombre de recommandations détaillées sur les quatre thèmes de la conférence aux gouvernements des pays d'Europe, aux collectivités locales et régionales, aux architectes, ingénieurs, urbanistes, économistes, sociologues, responsables politiques ainsi qu'à tous les acteurs de la vie dans les villes, afin qu'ils conjuguent leurs efforts pour assurer le développement et la modernisation des villes en veillant à la fois à la préservation des valeurs universelles et au respect des différences, et qu'ils contribuent au renforcement des liens entre les villes pour créer l'Europe véritablement unie de demain.»

Thèmes

L'un des thèmes principaux de la Conférence de Plovdiv était la définition d'une politique européenne des villes. La Charte urbaine européenne a été présentée par le rapporteur du CPLRE, Mme Storelli, qui a beaucoup contribué ces dernières années aux travaux du CPLRE sur les questions urbaines. Au cours des débats, la question du développement durable a été soulevée et le Dr Premzl, adjoint au maire de Maribor, a profité de l'occasion pour souligner qu'il revient aux habitants des villes et aux administrations territoriales à tous les échelons de définir ensemble les buts, les objectifs et les critères d'un développement urbain durable.

L'un des principaux outils du CPLRE est la Charte européenne de l'autonomie locale et bon nombre d'intervenants ont mis l'accent sur le partenariat, la mise en place de collectivités locales démocratiquement élues, la solidarité ainsi que sur la nécessité de donner aux collectivités locales les moyens de mener à bien leur politique d'urbanisme. Les deux chartes, la Charte de l'autonomie locale et la Charte urbaine, se complètent mutuellement et doivent être considérées comme un tout. Elles ont d'ailleurs fait l'objet d'une table ronde, organisée par le CPLRE à la Conférence Habitat II.

Le lien entre démocratie locale et développement urbain a été particulièrement bien mis en évidence à Plovdiv par le regretté David Fryer, secrétaire général du Conseil européen des urbanistes, qui a fait progresser la réflexion internationale sur l'avenir des villes et dont le décès brutal, après la Conférence de Plovdiv, a plongé dans la tristesse tous les membres du Congrès qui le connaissaient.

Plusieurs études de cas sur les politiques actuellement menées dans divers pays en matière urbaine, dont la France et la Bulgarie, ont été présentées pour illustrer le thème de la politique européenne des villes.

Le représentant permanent de la Pologne auprès du Conseil de l'Europe, M. Regulski, a présenté une excellente contribution sur les pays d'Europe centrale et orientale qui lui a permis de souligner un certain nombre de points. La réforme démocratique et le passage de l'économie centralisée et de la planification à la décentralisation de l'administration étatique et à la privatisation de l'économie font apparaître de nouveaux enjeux. Il s'agit aujourd'hui d'adapter les villes aux nouvelles aspirations des populations en matière de qualité de vie, de soutenir l'économie de marché, de favoriser les valeurs démocratiques et de protéger l'environnement. Ces objectifs doivent se traduire par une réorganisation des institutions et des procédures de planification et par la mise en place, pour les urbanistes, d'une formation intensive, qui les prépare à leurs nouvelles tâches, les familiarise avec les nouvelles orientations mais qui provoque aussi et surtout une évolution des mentalités dans la profession, qui serait ainsi davantage à l'écoute des besoins de la communauté.

Un certain nombre d'études de cas ont été présentées ensuite sur les projets actuellement en cours en matière d'urbanisme dans les pays d'Europe centrale et orientale.

La conférence a abordé dans un deuxième temps la protection du patrimoine architectural en Europe.

Depuis 1975, année européenne du patrimoine architectural, le Conseil de l'Europe se consacre avec succès à la conservation du patrimoine architectural et culturel. Initialement axés sur des monuments et des bâtiments à l'architecturale exceptionnelle, les mouvements en faveur de la conservation en général, et le Conseil de l'Europe en particulier, ont progressivement étendu leurs domaines d'activités jusqu'à englober des zones bâties, en ville pour la plupart, qui ne se distinguent pas nécessairement sur le plan architectural mais dont la construction s'est étalée sur des décennies, voire des siècles, et auxquelles la population attache de ce fait une grande importance sociale et esthétique.

Le Conseil de l'Europe a poursuivi ses efforts en adoptant des textes tels que la Convention pour la sauvegarde du patrimoine architectural de l'Europe (Grenade), en instituant un comité intergouvernemental et une conférence ministérielle à intervalles réguliers et en élaborant des programmes diversifiés d'assistance technique et de sensibilisation au patrimoine.

Le CPLRE a lui-même apporté sa pierre à l'édifice en réunissant des colloques sur les villes historiques, les derniers ayant eu lieu à Cambridge et Istanbul. Ces rencontres portaient sur des problèmes actuels tels que l'incidence du tourisme sur les villes historiques (Cambridge, 1986) et la recherche d'un équilibre entre la conservation des ensembles anciens et le développement économique (Istanbul, 1992).

Outre le Conseil de l'Europe, d'autres organisations telles que Europa Nostra ont également pris des initiatives dans ce domaine. La plupart des pays ont à présent adopté une législation stricte, accompagnée de mesures financières adéquates, visant à protéger le patrimoine. Dans de nombreux pays, des associations pour la protection des villes historiques se sont créées.

Le sujet, on le voit, est bien connu et a déjà été abondamment débattu. La raison pour laquelle il a néanmoins été inclus dans la Conférence de Plovdiv est que la question de la sauvegarde du patrimoine se pose de manière aiguë dans les nouvelles démocraties de l'Europe centrale et orientale. Ces pays ont en effet hérité d'un patrimoine historique particulièrement riche mais la plupart ne disposent ni des ressources économiques nécessaires, ni de la législation appropriée, pour les entretenir ou les restaurer. La contribution de la Bulgarie sur la situation actuelle en matière de protection du patrimoine et la présentation de plusieurs études de cas d'autres pays, dont une consacrée à Strasbourg, ont donc suscité beaucoup d'intérêt.

Le Dr Parker a présenté un remarquable panorama international des mécanismes actuels ou prévus en matière législative et financière pour la conservation du patrimoine. Mme Branchesi a évoqué les moyens de sensibiliser le public et de l'associer à la sauvegarde du patrimoine en soulignant le rôle essentiel de l'éducation à cet égard ainsi que la nécessité de faire du patrimoine un outil pédagogique.

D'autres études de cas ont été présentées par la Turquie et la France.

Le troisième thème à l'ordre du jour de la conférence était le rapport entre qualité de l'environnement bâti et cohésion sociale.

L'existence d'un lien entre les deux a toujours été reconnue. Les émeutes qui ont éclaté à la fin des années 70 et au début des années 80 dans certaines villes du Royaume-Uni telles que Brixton, Tottenham et Liverpool étaient dues en partie à l'accumulation des handicaps chez certaines catégories de populations, enfermées dans le cercle vicieux de la pauvreté et du chômage et que la fracture sociale a privées de toute perspective d'avenir, mais aussi, et peut-être surtout, à la confrontation quotidienne avec un environnement terne, ennuyeux et agressif.

Bien que nul n'ignore plus aujourd'hui les conséquences néfastes d'un tel environnement sur le comportement humain, comme en témoignent les expressions «espace vital» et «jungle urbaine», les architectes et les urbanistes ne se sont pas toujours souciés, lorsqu'ils ont aménagé l'environnement physique de leurs concitoyens, des conséquences humaines de leurs interventions.

Un réseau routier qui impose à la collectivité des aménagements trop lourds, d'un coût social élevé, qui néglige les besoins des piétons et crée un déséquilibre entre les différentes catégories d'usagers des rues et des routes, peut être un facteur important de dislocation. Les conséquences au quotidien en sont l'accroissement des risques, la multiplication des tracas, la dégradation de l'environnement et la pollution sonore et visuelle.

Il est clair que la mémoire collective des citadins est gravement lésée par la destruction ou la transformation radicale d'environnements familiers ou par des programmes de démolition d'îlots insalubres qui, parce que mal conçus, ne font qu'isoler les individus de leurs amis et de leur famille et dissoudre les liens qui réunissaient la communauté. La démolition a des conséquences qui vont bien au-delà de la destruction d'un bâtiment, elle peut réduire l'aptitude des habitants à faire face à la maladie ou au handicap, en les privant de structures qui leur étaient familières. Cette perte n'est pas toujours compensée par la nouvelle construction ou par les programmes de logements à grande échelle, dont la qualité architecturale et technique laisse souvent beaucoup à désirer.

Dans certains pays, les problèmes ne se situent pas simplement dans les quartiers du centre ville, mais également dans les banlieues ou dans certaines cités-dortoirs où l'éloignement du lieu de travail, la disparition des traditions et des repères et l'insuffisance des services de base et des moyens de transports peuvent conduire à l'isolement social.

Il est clair, en revanche, qu'un bon aménagement urbain, un environnement bien conçu, des constructions à taille humaine, la préservation des styles architecturaux locaux et des constructions traditionnelles, l'aménagement d'espaces verts, peuvent contribuer au bien-être des citoyens. Un paysage urbain est acceptable lorsqu'il constitue un cadre de vie dans lequel les habitants se sentent culturellement enracinés où se mêlent les bâtiments, les arbres, les routes, les espaces, les habitants et la circulation automobile et où l'on peut, sans risque, grâce notamment à un éclairage approprié, s'attarder sur les places et dans les parcs publics, devenus plus accueillants.

L'un des premiers objectifs de l'urbanisme doit être de produire un environnement social stimulant, qui laisse chacun libre de s'exprimer, qui engendre non seulement un sentiment d'appartenance et de fierté chez les habitants mais également de sécurité et qui respecte l'identité de la ville. Dans les secteurs urbains en difficulté, la politique urbaine doit d'abord se traduire par des actions de proximité qui sachent exploiter les ressources disponibles sur place.

Nombre de ces aspects ont été soulignés par les délégués présents à la Conférence de Plovdiv. Le Dr Raev, représentant permanent de la Bulgarie auprès du Conseil de l'Europe et l'un des principaux initiateurs de la conférence, est même allé jusqu'à établir un parallèle entre la qualité esthétique de l'environnement bâti et le comportement des citoyens. Un environnement dans lequel des bâtiments nouveaux s'intègrent harmonieusement à un cadre plus ancien, qui allie esthétique et progrès, peut contribuer à faire naître un comportement plus responsable et à développer le sens de la citoyenneté.

Jacqueline Miller a présenté à ce propos une excellente étude de cas sur l'incidence sociale de l'environnement en Belgique.

Le quatrième thème de la conférence concernait l'intégration de l'architecture contemporaine dans les ensembles anciens.

Les participants ont insisté sur la nécessité d'harmoniser l'architecture des bâtiments modernes avec celle des édifices plus anciens qui les entourent. Voici quelques-unes des remarques les plus pertinentes formulées au cours de la conférence:

Trop souvent, les constructions modernes réalisées dans des ensembles anciens sont à la fois inadéquates et esthétiquement offensantes. Certaines tours ont été élevées dans le mépris total des règles en matière de construction, d'architecture ou d'isolation sonore. Ces ensembles et les espaces environnants sont souvent laissés à l'abandon et les résidents sont confrontés à un environnement qui leur échappe, où les relations informelles, les possibilités d'aménagement des logements et la gestion de l'immeuble habité deviennent de plus en plus difficiles. On voit partout les signes extérieurs d'une situation d'anarchie, que ce soit dans la pollution des espaces communs, dégradés par les détritus ou dans les actes de vandalisme et les graffitis.

Les nouvelles constructions implantées dans des ensembles anciens doivent respecter le cadre dans lequel elles s'inscrivent tant en termes de hauteur, de proportions et

de forme que de matériaux, de couleur et de style architectural; elles doivent s'harmoniser avec leur environnement, le caractère de la rue, le mode de vie et le type d'éclairage.

L'agencement et les matériaux de construction des infrastructures accompagnant les nouvelles constructions (routes, services, aires de stationnement et voies d'accès piétonnes) doivent s'intégrer dans le tissu urbain. La destination des nouvelles constructions doit en outre être complémentaire des services déjà en place dans le quartier.

Table ronde sur l'architecture contemporaine et les ensembles anciens

L'un des points marquants de la conférence était la table ronde présidée par le Dr Raev, autour de laquelle se sont retrouvés d'éminents architectes de divers pays en vue d'identifier les tendances actuellement prédominantes dans l'architecture contemporaine et de déterminer la meilleure manière de les intégrer dans des cadres plus anciens. Ont participé à cette discussion, entre autres, le professeur Böhm, le professeur Hahn et Wolfgang Pehnt, d'Allemagne.

Conclusion

Avant de clore la conférence, les participants ont souhaité adresser au Comité des Ministres et au Congrès un certain nombre de recommandations visant à renforcer l'importance des activités consacrées aux questions urbaines au sein du Conseil de l'Europe et à les intégrer dans des programmes de coopération avec l'Europe centrale et orientale.

Jusqu'ici, le CPLRE a concentré son aide aux pays d'Europe centrale et orientale sur la mise en place des institutions, la répartition des compétences territoriales et l'instauration de collectivités locales disposant de pouvoirs et de moyens élargis. Inévitablement pourtant, les activités envisagées devront également englober la planification de l'utilisation des sols, les bâtiments anciens, les transports, l'environnement urbain, la toxicomanie et la criminalité. Il ne fait aucun doute que les collectivités locales nouvellement élues seront d'abord confrontées à ce type de problèmes.

Les participants ont également demandé au Comité des Ministres de créer une commission intersectorielle sur la ville. Je formule en outre l'espoir, dans la résolution et la recommandation qui accompagnent mon rapport, que le Congrès acceptera de constituer un nouveau groupe de travail sur les politiques de la ville qui prendrait le relais de l'actuel groupe de travail sur la Charte urbaine européenne, qui a rempli son mandat. La création d'un tel groupe de travail, disposant d'un mandat élargi, serait la meilleure manière de répondre aux problèmes urbains et à l'intérêt que suscitent actuellement ces questions dans le monde politique en Europe.

Il convient également, à mon avis, de soutenir l'initiative du Forum européen des capitales de l'Europe unie, de créer à Sofia un centre d'urbanisme et d'aménagement du territoire pour les pays d'Europe centrale et orientale.

Enfin, je considère pour ma part que les documents et les rapports présentés à cette conférence reflètent bien la pensée et les politiques actuelles en matière de développement urbain en Europe. Ils sont actuellement rassemblés et seront publiés sous forme de condensé.