Les relations entre les citoyens, l’assemblée et l’exécutif dans la démocratie locale (le cadre institutionnel de la démocratie locale) - CPL (9) 2 Partie II

Application de l’article 3.2 de la Charte sur la base du 5ème Rapport général sur le contrôle de la mise en œuvre de la Charte européenne de l'autonomie locale

Rapporteur : M. Anders KNAPE (Suède)

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EXPOSE DES MOTIFS

1. Remarques liminaires

1. L'une des principales responsabilités statutaires de la Commission institutionnelle de la Chambre des pouvoirs locaux est le contrôle politique de la mise en œuvre de la Charte européenne de l'autonomie locale (ci–après dénommée la Charte). Cette responsabilité découle de l'article 2.3 de la Résolution statutaire (2000) 1 relative au CPLRE adoptée par le Comité des Ministres du Conseil de l'Europe le 15 mars 2000 selon laquelle: «le Congrès… veille, en particulier, à la mise en œuvre effective de la Charte européenne de l'autonomie locale». De plus l'article 36.1 du Règlement intérieur du Congrès dispose que: «la Commission institutionnelle de la Chambre des pouvoirs locaux remplit la fonction de suivi de la Charte européenne de l'autonomie locale avec ses experts indépendants».

2. Il est important de souligner que le Congrès, qui est composé d'élus locaux et régionaux, est chargé au sein du Conseil de l'Europe de contrôler la mise en œuvre des principes d’un traité international.

3. Comme le montre le texte du règlement intérieur, cette tâche est accomplie par le Congrès avec l'aide du groupe d'experts indépendants sur la Charte par l'adoption périodique de rapports généraux et de recommandations sur la mise en œuvre des principes de la Charte dans les Etats membres du Conseil de l'Europe qui l'ont signée et ratifiée. Il convient de rappeler qu'à ce jour, 39 pays ont signé la Charte et 35 l'ont ratifiée. Le Congrès a jusqu'à présent adopté quatre rapports généraux sur la mise en œuvre de la Charte (portant respectivement sur l'incorporation de la Charte dans les ordonnancements juridiques des Etats l'ayant ratifiée, les contrôles exercés sur les collectivités locales, les finances et les compétences des collectivités locales).

4. Ces rapports ont pour principal objectif d'examiner dans le détail les fondements juridiques de l'autonomie locale et les conditions dans lesquelles elle fonctionne dans les Etats qui ont simplement signé la Charte. La procédure d'examen sert plutôt d'incitation politique. Elle respecte divers modèles et pratiques d'autonomie locale dans les différents Etats européens. En conséquence, le Congrès s'efforce de tenir compte des caractéristiques propres à chaque Etat et d'interpréter les dispositions de la Charte de manière évolutive.

5. Le sujet du cinquième rapport général sur la mise en œuvre de la Charte a été arrêté à l'occasion de la réunion de la Commission institutionnelle de la Chambre des pouvoirs locaux tenue à Strasbourg le 3 octobre 2000. Il a été retenu en raison de son importance et de l'existence de difficultés d'interprétation de la notion de responsabilité des organes exécutifs des collectivités locales contenue dans l'article 3.2 de la Charte selon lequel «Ce droit est exercé par des conseils ou assemblées composés de membres élus au suffrage libre, secret, égalitaire, direct et universel et pouvant disposer d'organes exécutifs responsables devant eux. Cette disposition ne porte pas préjudice aux assemblées de citoyens, au référendum ou à toute autre forme de participation directe des citoyens là où elle est permise par la loi». Ce sujet est apparu d'autant plus important et intéressant que l'organisation de la démocratie locale est une préoccupation tout à fait actuelle et qu'elle évolue très rapidement dans de nombreux pays européens.

6. A la demande de la Commission, le Professeur Philippe De Bruycker, de l'Université libre de Bruxelles, a préparé un questionnaire que la Commission a approuvé le 8 novembre 2000. Après un premier contact informel à Bruxelles et à l'invitation du rapporteur, le Président du groupe d'experts, M. Alain Delcamp, et M. De Bruycker se sont rendus en Suède le 28 mars 2001 pour discuter des problèmes politiques soulevés par le cinquième rapport et de la méthode à suivre pour son élaboration. Trente–trois réponses ont été reçues par les pays suivants: Albanie, Autriche, Belgique, Bulgarie, Croatie, Chypre, République tchèque, Danemark, Estonie, Finlande, France, Allemagne, Grèce, Hongrie, Islande, Irlande, Italie, Lettonie, Lituanie, Luxembourg, Macédoine, Malte, Pays–Bas, Norvège, Pologne, Portugal, Roumanie, Slovénie, Espagne, Suède, Turquie, Ukraine et Royaume–Uni. Un avant–projet de synthèse des différents rapports nationaux a été soumis au groupe lors d'une réunion qui s'est tenue à Strasbourg les 6 et 7 novembre 2001 en présence du rapporteur. Au cours de cette réunion, les membres du groupe ont exprimé leurs points de vue à propos des orientations du rapport. Le rapport final comprend également une analyse et une proposition d'interprétation de l'article 3.2 de la Charte tenant compte des résultats de l'étude technique présentée par M. Gerhard Engel sur la base des travaux du professeur Eivind Smith sur la compatibilité avec l'article 3.2 de la nomination de fonctionnaires à la tête des organes exécutifs des collectivités locales. De nombreux éléments de cette étude se retrouvent dans le présent rapport et il convient de remercier sincèrement MM. Engel et Smith pour leur importante contribution à l'élaboration du présent rapport. Le deuxième projet de rapport a été examiné avec les experts lors d'une réunion tenue à Strasbourg le 11 mars 2002.

7. Avant de présenter mes observations et conclusions sur l'interprétation de l'article 3.2 de la Charte, je souhaiterais remercier le Professeur Philippe De Bruycker et tous les autres membres du groupe d'experts indépendants pour l'aide précieuse qu'ils ont apportée dans l'élaboration du présent rapport.

8. Je souhaiterais souligner que la mission fondamentale qui consiste à gérer les affaires publiques au niveau local, telle qu'elle est énoncée dans le texte de la Charte, est un enjeu politique majeure. Elle permet de répondre aux besoins de la vie quotidienne des citoyens d'une manière plus démocratique et efficace. Cette procédure de suivi exercée par le Congrès ne devrait pas être sous-estimée. Je me félicite de pouvoir me servir de l'analyse du groupe d'experts indépendants comme point de départ de la recommandation au sujet de laquelle le Congrès est appelé à voter.

9. Avant de formuler des observations sur certaines de mes constatations et sur les questions essentielles relatives à l'organisation de la démocratie locale, je souhaiterais faire part de quelques–uns de mes points de vue fondamentaux sur le rôle des collectivités locales dans la vie publique:

- Il est important que les collectivités locales soient considérées comme des organes politiques. A mon avis, dans la perspective de la démocratie locale, les assemblées librement élues sont les principaux acteurs dans le processus de prise de décisions. L'élection confère assurément une légitimité politique à ces organes;

- Il est tout aussi important de noter que l'article 3.2 de la Charte est déterminant s'agissant d'accorder à l'assemblée le droit d'exercer l'autonomie locale donc la responsabilité démocratique ultime mais il est souple pour ce qui est de la définition de l'organe exécutif dont les assemblées locales peuvent disposer et qui est responsable devant ces dernières.

2. Les collectivités locales sont des organes politiques

10. Je crois comprendre que la Charte repose sur le principe selon lequel les collectivités locales sont des organes politiques qui peuvent naturellement accomplir des tâches administratives. La notion d'autonomie locale telle qu'elle est énoncée dans le préambule de la Charte et à l'article 3.1 repose sur le droit politique et la capacité à réglementer et à gérer une partie importante des affaires publiques sous la responsabilité propre des collectivités locales et dans l'intérêt de la population locale.

11. Les élus locaux exercent le droit d'autonomie locale sur la base du mandat politique qui leur a été confié à la suite d'élections locales libres. En conséquence, une assemblée élue librement devrait détenir le pouvoir local ultime. Ses décisions devraient avoir des effets sur l'administration et sur le pouvoir exécutif. En d'autres termes, seules les assemblées locales peuvent être considérées comme détentrices du droit d'exercer le droit à l'autonomie locale et donc gérer les affaires publiques au niveau local. A cet égard, je souhaiterais également souligner le rôle des partis politiques dans la vie publique locale. Ces partis, qui n'ont pas nécessairement le monopole, offrent à la population une tribune utile pour exprimer ses points de vue sur la manière dont les affaires locales devraient être gérées.

12. Toutefois, l'administration et l'exécution de la politique locale ne devraient pas être négligées ou jugées moins importantes. J'estime que les collectivités locales devraient être considérées comme des organes politiques exerçant parallèlement des fonctions administratives et exécutives.

3. L'Assemblée et l'organe exécutif

13. Comme le rapport des experts le montre, l'idée que l'assemblée locale constitue l'organe suprême responsable de l'ensemble des affaires locales semble bien ancrée dans de nombreux pays, au-delà même de la catégorie des régimes d'assemblée. La suprématie de l'assemblée semble relativement générale dans tous les Etats membres du Conseil de l'Europe.

14. Il s'agit d'un point commun important dans la mesure où le principe de base devrait être le suivant: l'assemblée représentative étant l'organe suprême des collectivités locales, il est naturel qu'elle traite des questions les plus importantes comme bien sûr la fixation d'objectifs politiques, le vote du budget et des impôts locaux, l'urbanisme, l'approbation des politiques locales, l'approbation des comptes rendus annuels de l'organe exécutif.

15. Si d'une manière générale l'assemblée devrait être chargée d'élaborer les règles et de superviser les politiques (c'est–à–dire d'accomplir des fonctions de supervision), l'organe exécutif devrait être chargé de les mettre en œuvre en prenant les décisions nécessaires.

16. Toutefois, il est regrettable que dans certains cas, la suprématie de l'organe exécutif semble être inévitable pour un certain nombre de raisons spécifiques, dont l'inefficacité ou l'inexistence d'un mécanisme de supervision de l'organe exécutif par l'assemblée, la brièveté du mandat des membres de l'assemblée, l'absence de traditions démocratiques profondément ancrées et les caractéristiques du système de gestion.

17. En notre qualité de responsables politiques, nous savons tous que l'organe exécutif peut dans la pratique contrôler l'information, le temps et les ressources. A cet égard, l'assemblée devrait pouvoir exercer un contrôle démocratique sur l'organe exécutif de manière à permettre aux élus locaux d'avoir réellement leur mot à dire sur la manière de gérer les affaires locales, d'avoir accès à l'information et d'avoir le droit d'examiner toute question présentant un intérêt local.

18. Je pense que le Congrès devrait se féliciter des discussions qui portent actuellement dans de nombreux pays sur le rééquilibrage du système en faveur de l'assemblée. Il conviendrait de rechercher un tel équilibre entre les institutions au niveau local d'une manière plus générale.

19. Plusieurs méthodes sont concevables à cette fin. La première question qui se pose est celle de savoir si l'assemblée ne peut pas être déchargée de certaines tâches de gestion de manière à pouvoir se concentrer sur ses fonctions de supervision. La délégation de tâche de l'Assemblée à l'organe exécutif est une possibilité qui mérite d'être examinée dans ce contexte. Il serait également utile d'envisager d'alléger la charge de travail de l'assemblée, ce qui permettrait d'améliorer l'efficacité de la gestion locale même s'il est naturellement impossible de déléguer certaines compétences essentielles, en matière par exemple de budget, de fiscalité, d'urbanisme, d'approbation des politiques locales, d'approbation des comptes annuels par l'organe exécutif. Deuxièmement, on pourrait essayer d'améliorer l'efficacité de la supervision exercée par l'assemblée sur l'organe exécutif. On pourrait proposer que l'organe exécutif local présente un programme politique au début de son mandat (ce pourrait être une condition légale) et rende compte à l'assemblée périodiquement. Ce mécanisme devrait garantir la transparence du processus décisionnel et permettre un contrôle efficace régulier de l'organe exécutif.

20. Outre ces considérations sur les mécanismes pratiques et juridiques du contrôle effectif de l'organe exécutif, je souhaiterais également souligner plus précisément que la mission fondamentale de l'assemblée est d'énoncer des objectifs politiques et des directives que l'organe exécutif doit mettre en œuvre. C'est l'assemblée, et non l'organe exécutif, qui doit définir les priorités politiques fondamentales au niveau local. La réalisation et l'exécution de ces objectifs doivent être contrôlées. A cet égard, la Charte indique clairement que les organes exécutifs sont responsables devant l'assemblée.

21. Il va sans dire que de nombreuses dispositions pratiques concernant l'organisation de la démocratie locale peuvent s'expliquer en termes historiques. Elles reflètent également une série de traditions institutionnelles dans les Etats membres. Dans certains pays, on trouve des exemples de pouvoirs locaux jouant un rôle double. En pareil cas, une réforme peut s'avérer nécessaire afin de répartir plus clairement et de façon plus transparente les compétences entre l'assemblée et l'organe exécutif.

4. Responsabilité de l'organe exécutif

22. La question de la responsabilité de l'organe exécutif devant l'assemblée élue est au cœur même de l'article 3.2 de la Charte.

23. La quasi-totalité des experts a considéré que l'exécutif local était, dans leur système national, responsable devant l'assemblée locale.

24. A mon avis, dans un système fondé sur la démocratie, l'organe exécutif devrait être politiquement responsable devant l'assemblée, quel que soit son mécanisme d'élection ou de désignation.

25. D'un point de vue purement juridique, il semble que la Charte soit souple s'agissant des formes d'élection ou de désignation de l'organe exécutif local. Elle permet d'envisager différentes solutions tant que ces dernières demeurent acceptables d'un point de vue démocratique. La Charte ne s'étend guère sur les formes d'élection ou de désignation de l'organe exécutif. Toutefois, compte tenu de l'expérience de la plupart des Etats membres du Conseil de l'Europe, une procédure qui ne prévoit pas l'élection de l'organe exécutif ne semble plus appropriée dans le contexte d'une démocratie locale moderne. La Charte indique également clairement que quelle que soit sa forme, l'organe exécutif local doit être responsable devant l'assemblée. On peut aussi penser que la forme de responsabilité peut varier et dépendre du mode de désignation de l'organe exécutif. A cet égard, il est possible de distinguer quatre grands modes de désignation: l'organe exécutif est élu ou désigné par l'assemblée; l'organe exécutif est directement élu par la population locale; l'organe exécutif est désigné par les autorités nationales ou régionales (ou par une autorité nationale indépendante); les fonctions exécutives sont assurées par l'assemblée elle–même.

26. Sauf dans le cas où l’organe exécutif est désigné par l’autorité supérieure, il pourrait être possible d'engager la responsabilité de l’organe exécutif sans que l’assemblée doive nécessairement le révoquer. On ne peut exclure non plus la possibilité que la législation nationale prévoie une telle procédure.

27. Comme indiqué ci-dessus, l’obligation de responsabilité peut être satisfaite par d’autres moyens, par exemple en la prévoyant dans la législation et en appliquant différents instruments visant à garantir un contrôle effectif de l’assemblée sur l’organe exécutif. Ce serait là une exigence minimum. La procédure de révocation pourrait toujours en fin de compte être mise en œuvre moyennant l’exercice des différents droits de l’assemblée.

28. De plus, la loi peut garantir d’autres mécanismes pour veiller à la transparence et au contrôle effectif de l’organe exécutif, comme le droit de poser des questions à l’exécutif, celui de demander une réunion de l’assemblée et celui d’ajouter un point à l’ordre du jour.

29. S’agissant des différentes formes d’élection ou de désignation des organes exécutifs, il est possible de faire les suggestions suivantes:

29.1. A mon avis, l’organe exécutif devrait être élu, soit par l’assemblée, soit par la population. Toutefois, s'il n’est pas élu mais désigné par une autorité nationale, voire régionale, la législation nationale devrait prévoir expressément une procédure de révocation individuelle de l’organe exécutif par l’organe représentatif.

29.2. Si la population élit directement l’organe exécutif, des règles claires devraient régir l’obligation de rendre des comptes et garantir parallèlement le contrôle effectif de l’organe exécutif par l’assemblée. Il va sans dire que les priorités budgétaires et politiques de la ville devraient relever de l’assemblée municipale. D’autres mécanismes pourraient être concevables comme la tenue d’élections simultanées au suffrage direct de l’organe exécutif et de l’assemblée, la dissolution de l’assemblée (ou la révocation parallèle du maire et de l’assemblée ou la révocation de l’organe exécutif en accord avec la population locale) en vue de nouvelles élections locales.

29.3. Si l’organe exécutif est élu par l’assemblée (ou en son sein comme c'est le cas), sa composition devrait être modifiée dans le délai obligatoire uniquement si la majorité politique à l’assemblée change, ce qui garantirait la stabilité démocratique des collectivités locales. Agir « mal » n’est pas une raison suffisante pour révoquer un organe exécutif, il faut que ce dernier ait enfreint la loi ou ait commis une faute.

30. Renvoyer au libellé de la Résolution statutaire 2000 (1) du Congrès et à l’article 263 du Traité instituant la Communauté européenne est peut-être le meilleur moyen d'interpréter l’article 3.2 de la Charte européenne de l’autonomie locale. Ces documents soulignent l’importance du mandat politique et la subordination de l’organe exécutif en exigeant des membres du CPLRE et du Comité des régions qu’ils désignent des représentants qui soient titulaires d'un mandat électoral ou qu'ils soient politiquement responsables devant une assemblée élue.

Annexe

RAPPORT DE SYNTHESE sur "Le cadre institutionnel de la démocratie locale" (Application de l’Article 3.2 de la Charte)

Rapport établi par le Professeur Philippe DE BRUYCKER

1. INTRODUCTION

1. Le sujet du cinquième rapport général sur l'application de la Charte (après les quatre premiers rapports portant respectivement sur l'incorporation de la Charte dans les ordonnancements juridiques des Etats l'ayant ratifiée, les contrôles exercés sur les collectivités locales, les finances et les compétences des collectivités locales) a été arrêté à l'occasion d’une réunion à Strasbourg le 3 octobre 2000. Il a été retenu en raison de son importance et de l’existence de difficultés d’interprétation de la notion de responsabilité des organes exécutifs des collectivités locales contenue dans l’article 3.2 de la Charte selon lequel « Ce droit est exercé par des conseils ou assemblées composés de membres élus au suffrage libre, secret, égalitaire, direct et universel et pouvant disposer d’organes exécutifs responsables devant eux. Cette disposition ne porte pas préjudice aux assemblées de citoyens, au référendum ou à toute autre forme de participation directe des citoyens là où elle est permise par la loi ». Ce sujet est apparu d’autant plus important et intéressant que l’organisation de la démocratie locale est une préoccupation de pleine actualité et qu’elle évolue très rapidement dans nombre d’Etats européens :

2.
· l’Espagne sort à peine d’une série de réformes législatives qui se sont concrétisées entre 1997 et 1999 au travers d’un accord politique appelé « pacte local » et se sont traduites par un renforcement tant de la position des maires que des prérogatives de contrôle des assemblées locales.
· des réformes sont également en cours aux Pays-Bas où, suite à des débats approfondis nourris par un volumineux rapport d’une commission d’études présidée par un universitaire et publié en janvier 2000, une loi visant à introduire plus de dualisme dans l’organisation des communes néerlandaises est entrée en vigueur le 7 mars 2002.
· le Royaume-Uni, de même que l’Irlande, traverse aussi une phase de réformes extrêmement importantes visant à la création d’un véritable exécutif local dans le cadre d’un système dont l’originalité est certainement de laisser un choix aux collectivités locales entre différents modèles.
· les lander autrichiens peuvent depuis une révision constitutionnelle de 1994 prévoir que le maire sera directement élu.
· des réformes sont discutées en Belgique : le transfert de la compétence d’organisation des pouvoirs locaux du pouvoir fédéral vers les Régions intervenu en janvier 2002 donne à des courants d’opinion favorables à l’élection directe des bourgmestres l’occasion de s’exprimer, en particulier du coté flamand où la volonté d’aller en ce sens paraît assez forte.
· un courant d’opinion favorable à une telle réforme se manifeste également en Lituanie.
· dans d’autres Etats, il s’agit de corriger les défauts de législations récentes ayant consacré une démocratie locale de type présidentiel. Ainsi, la Slovénie connaît ces dernières années un débat portant sur les blocages pouvant résulter de l’opposition entre le maire directement élu et l’assemblée, question qui pose également problème en Italie depuis l’élection directe des maires depuis 1993 et n’a pas reçu de réponse satisfaisante.

3. Après quelques remarques relatives aux problèmes méthodologiques rencontrés dans la préparation du rapport (2), le rapport comprend deux parties : l’une est consacrée aux relations entre les collectivités locales et les citoyens (3), l’autre, qui forme le cœur de la question étudiée, au cadre institutionnel de la démocratie locale représentative (4). Le lecteur trouvera également dans une dernière partie (5) une analyse et une interprétation de l’article 3.2 de la Charte tenant compte des résultats de l’étude technique « sur la compatibilité de la nomination des fonctionnaires à la tête des organes exécutifs des collectivités locales avec l’article 3.2 de la Charte locale » présentée par le Dr. Gerhard Engel sur la base des travaux du Professeur Eivind Smith. Ce collègue qui retrouvera nombre des éléments de son étude dans cette partie doit être sincèrement remercié pour son importante contribution à ce rapport.

2. LES PROBLEMES METHODOLOGIQUES RENCONTRES DANS LA PREPARATION DU RAPPORT

4. La préparation d’un tel rapport dont une grande part relève du droit comparé a été considérablement facilitée par le fait que les experts ont en général respecté la structure du questionnaire qui leur avait été préalablement envoyé. Nombre de problèmes méthodologiques sont cependant apparus.

5. Le premier problème est double. Un rapport dont la dimension essentielle est le droit comparé doit forcément intégrer une dimension théorique visant à ramener la diversité des situations dans le grand nombre Etats pris en compte à un nombre limité de modèles permettant de qualifier les différents systèmes et de présenter de manière synthétique les convergences et divergences apparaissant à l’occasion de leur confrontation. Les difficultés classiques liées à la simplification que suppose nécessairement une telle opération de comparaison ont été aggravées par le fait que le traitement d’un thème tel que l’organisation institutionnelle de la démocratie locale entreprend de transposer des notions propres au droit constitutionnel (comme celles de régime parlementaire ou présidentiel ou de séparation des pouvoirs) dans le domaine du droit administratif. Même si la plupart des experts ont accepté de se livrer à l’exercice de qualification de la démocratie locale qui leur était demandé à l’exception notable de l’expert britannique à qui le local « government by committee » est apparu irréductible à tout modèle, un sentiment général exprimant certaines difficultés ou de réelles réticences à caractériser l’organisation des collectivités locales dans des termes empruntés au droit constitutionnel a été exprimé.

6. Ce sentiment tient en grande partie au fait que les collectivités locales sont traditionnellement considérées comme des organes administratifs et non politiques. Une telle vision qui a été très longtemps dominante ne peut aujourd’hui plus être défendue pour la raison que l’autonomie locale est définie par la Charte européenne comme, sous réserve de la problématique de l’organisation de l’exécutif qui figure au cœur de ce rapport, un droit exercé au nom de collectivités territoriales par l’entremise de responsables élus par la population assumant un rôle qui serait en leur absence tenu par des fonctionnaires nommés par le pouvoir central, de sorte qu’on n’aperçoit aucune raison valable de les envisager comme des organes administratifs plutôt que politiques. Le présent rapport proposant de penser la démocratie locale en termes constitutionnels s’inscrit d’ailleurs dans un processus de constitution d’un « droit constitutionnel local » déjà engagé dans certains Etats membres sous l’influence de la jurisprudence constitutionnelle (par exemple en France). L’objectif est à la fois de dégager les différents types de démocratie locale et leurs fondements ainsi que de mieux comprendre la portée des réformes engagées dans de nombreux Etats membres du Conseil de l’Europe dont les tenants et aboutissants n’apparaissent aujourd’hui pas clairement. La problématique de la responsabilité de l’organe exécutif local devant l’assemblée s’inscrit parfaitement dans ce cadre : cette notion qui fonde en droit constitutionnel la distinction entre les régimes parlementaire et présidentiel constitue précisément le nœud de la question de l’interprétation de l’article 3.2 de la Charte locale. Il n’en reste pas moins vrai que les qualifications retenues (parlementaire, présidentiel,…) doivent être utilisées en sachant qu’elles prétendent moins décrire un idéal-type qui existerait à l’état pur que des modèles généraux identifiés par un certain nombre de caractéristiques s’inscrivant dans le cadre d’une opposition relevant plus d’une question de degré que de nature. De telles nuances qui s’appliquent également à ces classifications lorsqu’elles sont utilisées en droit constitutionnel, ne permettent pas de considérer comme illégitime ou inopérante leur transposition au domaine des collectivités locales.

7. Le deuxième problème qui renvoie à des questions de concepts ainsi que de traductions peut être illustré par les notions de maire et d’exécutif. Le terme de maire qui est assez largement répandu est utilisé pour désigner des fonctions fort différentes allant du véritable responsable politique à la tête d’une collectivité locale à celle d’organe représentatif remplissant un rôle honorifique pour l’essentiel. Comme on peut le découvrir à la lecture des rapports nationaux qui nous sont parvenus, il en va de manière semblable pour la notion d’exécutif qui n’a pas été comprise par un assez grand nombre d’experts pour qui elles renvoient aux fonctionnaires chargés de la mise en œuvre des politiques locales. Sans doute convient-il pour clarifier cette question essentielle de faire une distinction entre l’exécutif au sens fonctionnel, c’est-à-dire l’ensemble des organes et services appelés à mettre en application les décisions de l’assemblée, qui peut effectivement recouvrir l’administration municipale et l’exécutif dans un sens organique et plus restreint renvoyant à l’organe politique chargé de la mise en œuvre des politiques locales.

8. Un troisième problème concerne l’ampleur du rapport qui a au départ sans doute été conçu de manière trop ambitieuse. L’objectif à la base du questionnaire long de quatre pages et comprenant trente-sept questions envoyé à chacun des experts provenant d’un Etat signataire de la Charte européenne de l’autonomie locale était initialement de couvrir tous les niveaux de collectivités territoriales ne constituant pas un niveau fédéral ou régional caractéristique de l’Etat composé. Si certains experts se sont effectivement donnés la peine de préciser de manière parfois remarquablement détaillée leurs réponses en fonction du nombre de niveaux de collectivité existants dans leur Etat (ce qui peut aller jusqu’à trois dans certains cas) ou de la diversité des règles applicables dans les Etats fédéraux en fonction des compétences réservées aux entités fédérées1, nombre d’entre eux se sont concentrés sur les collectivités de base et n’ont pas donné d’indications sur les niveaux supérieurs. Bien qu’il serait incontestablement intéressant de mettre en évidence les différences de conception qui peuvent exister entre les différents niveaux de collectivités pour ce qui est de l’organisation institutionnelle de la démocratie territoriale, le rapport se concentre sur le niveau des communes ou municipalités formant le socle de la décentralisation tout en donnant parfois quelques renseignements sur les autres niveaux de collectivités.

3. LA DEMOCRATIE LOCALE ET LES RELATIONS AVEC LES CITOYENS

3.1 Démocratie représentative et démocratie directe

9. La démocratie locale repose dans tous les Etats sur la représentation de la collectivité territoriale au travers de l’assemblée directement élue par les citoyens. Ce principe fondamental étant acquis depuis longtemps dans nombre d’Etats européens, sauf le cas particulier de Malte et sous réserve de l’expérience communiste passée des Etats d’Europe centrale et orientale, la question qui se pose est de savoir dans quelle mesure il tolère et se combine avec les techniques de démocratie directe.

10. Rares sont les Etats dans lesquels la démocratie directe correspond à une tradition historique. La Croatie et la Macédoine, voire la Slovénie et les « länder » allemands de Bavière et de Baden-Württemberg, apparaissent comme des exceptions qui ne sont sans doute pas étrangères à l’expérience particulière de la Yougoslavie. On relèvera avec intérêt qu’il ne semble pas y avoir de grande différence à ce sujet entre le niveau central et le niveau local, la proximité des collectivités locales par rapport aux citoyens ne constituant pas un facteur déterminant de nature à favoriser le recours à la technique du referendum, ni d’ailleurs comme on le verra la participation aux élections (infra). Dans l’immense majorité des communes européennes, tant la taille de la population que la complexité des affaires à traiter empêchent d’envisager la démocratie directe à l’état pur, soit la réunion des citoyens pour gérer les affaire locales. Les communes espagnoles de moins de 100 habitants sont cependant gérées par un conseil ouvert composé des citoyens du village appelés à prendre les décisions que nécessite la gestion des affaires municipales, de même que les paroisses portugaises de maximum 150 habitants. En Autriche, les citoyens peuvent être appelés à se réunir en assemblée sans toutefois être amenés à prendre des décisions, s’agissant plutôt de forums de discussion. Il en va de même en Macédoine où des assemblées d’habitants peuvent être convoquées à la demande de 10% des électeurs ainsi qu’en Slovénie sur demande de 5% des électeurs.

11. Une analyse de la démocratie directe suppose qu’on précise une question de vocabulaire tenant à la signification du terme de référendum qui peut, si l’on n’y prend garde, obscurcir l’analyse comparative. Bien qu’il puisse parfois être employé dans un autre sens dans le droit interne des Etats membres du Conseil de l’Europe, nous proposons de réserver son utilisation aux seules procédures au terme desquelles la population locale est amenée à prendre une véritable décision liant les autorités locales et utiliserons en conséquence l’expression « consultation populaire »2 pour désigner les procédures au terme desquelles la population n’est appelée qu’à émettre un simple avis ne liant pas les élus locaux, seuls maîtres en droit de la décision finale.

12. L’Allemagne, l’Autriche3, la Bulgarie, la République tchèque, la Croatie, l’Espagne, la Finlande, la Hongrie, l’Islande, l’Italie, la Macédoine, Malte, la Pologne, la Roumanie, la Slovénie et l’Ukraine autorisent le recours à des référendums locaux ; ceux-ci ne semblent pas exclus en Estonie, en Lituanie ou au Royaume-Uni où il n’existe cependant aucun encadrement légal et où la pratique est quasi inexistante. L’intégration du référendum dans la démocratie locale ne signifie cependant nullement que la démocratie directe correspond à une réalité. En effet, malgré l’absence de données chiffrées4 sauf pour le Luxembourg où six consultations populaires ont été dénombrées depuis 1988, Malte où un seul référendum est signalé à La Valletta, la Suède où les assemblées locales n’ont accepté d’organiser une consultation populaire que dans deux cas sur environ septante demandes introduites par les citoyens, il ressort de l’ensemble des rapports que les techniques de démocratie directe sont très peu utilisées dans la pratique, de sorte que leur impact sur le système représentatif reste très faible. On peut certes retirer l’impression de l’observation de l’évolution du droit positif que le recours aux techniques de démocratie directe (principalement la consultation populaire) est encouragé dans quelques Etats comme l’Autriche depuis 1984, la Belgique depuis 1995, la France depuis 1992, le Luxembourg depuis 1988, les Pays-Bas depuis 2001 et l’Ukraine depuis 1997. Encore convient-il de nuancer ces encouragements qui traduisent dans les cas de la Belgique, la France, le Luxembourg plutôt la levée officielle du monopole absolu en faveur de la démocratie représentative par la mise en place d’un encadrement législatif plus ou moins strict des pratiques de consultation populaire auparavant simplement tolérées. L’Autriche, ainsi que l’Italie dans une mesure moindre, semblent être les seuls Etats où les diverses techniques de démocratie directe sont de plus en plus employées depuis les années 1980, sachant qu’en Espagne, les citoyens sont souvent appelés à donner leur avis de manière informelle sur des questions d’importance mineure, mais qui les concernent directement (comme par exemple la dénomination d’une rue). Pour la raison que c’est l’existence même des collectivités locales qui est en cause dans les opérations de fusion ou défusion des communes, certains Etats (par exemple Chypre, Estonie) prévoient une consultation de la population locale dans ces hypothèses. Un frein à dû être introduit en République tchèque pour prévenir l’apparition de communes de moins de 300 habitants par voie de référendum.

13. Les référendums ou consultations populaires peuvent être organisés sur l’initiative d’un certain nombre de personnes (procédure dite dans ce cas d’initiative populaire). Les seuils exigés par les Etats se révèlent assez variables : entre 10 et 20% des habitants au niveau communal en Belgique, 6 et 30% en République tchèque, 20% des électeurs en Croatie, entre 10 et 25% en Hongrie, entre 20 et 25% au Luxembourg, 20% en Macédoine, 8% des électeurs avec un maximum exigé de 5000 au Portugal, 5% des électeurs en Slovénie. Malte ne connaît que le referendum abrogatoire à la demande de 10% des habitants d’une commune, de même que la Slovénie. Le Danemark, la Finlande, la Roumanie et la Suède ne reconnaissent par contre pas l’initiative populaire, seule la collectivité locale pouvant initier une consultation populaire ou un référendum, tandis qu’en France 20% des électeurs peuvent effectivement demander une consultation populaire sans que le conseil municipal soit cependant tenu de donner suite à leur demande. Des seuils autorisant le dépouillement des résultats sont parfois prévus : entre 20% et 10% des habitants au niveau communal en Belgique, 50% en Macédoine et en Roumanie. Certains Etats mettent également le droit de pétition en œuvre d’une manière particulière en reconnaissant aux citoyens le droit de demander aux collectivités locales de statuer sur une question précise : ainsi en Croatie à la demande de 10% des électeurs, en Estonie, en Finlande à la demande de 2% des électeurs, en Macédoine à la demande de 10% des électeurs, en Slovénie et en Hongrie à la demande de 5% des électeurs. Une proposition en vue de reconnaître une telle prérogative à chaque habitant a été émise en Suède. A la différence des procédures référendaires, ce sont bien les organes représentatifs de la collectivité locale et non la population qui sont appelés à trancher la question dans ce type de mécanisme.

14. L’analyse de cet encadrement législatif peut susciter deux réflexions. Premièrement, des réformes législatives ne semblent pas être de nature à impulser un véritable changement dans la vie politique quand la démocratie directe ne correspond pas à une véritable tradition historique et est ancrée dans les mœurs et les esprits plutôt que dans les textes, ce qui n’est pas du tout le cas dans nombre d’Etats comme certains experts y insistent (Albanie, République tchèque, Danemark, Lituanie). Secondement, l’encadrement législatif de la démocratie directe peut paradoxalement se révéler être un carcan peu propice à son épanouissement au niveau local, le législateur érigeant parfois des limites trop strictes par une peur exagérée des excès.

15. La démocratie représentative conserve encore dans treize Etats membres du Conseil de l’Europe ne tolérant que le recours à la consultation populaire, le monopole du pouvoir décisionnel : il s’agit de la Belgique, du Danemark, de la France, la Grèce, l’Irlande, la Lettonie, le Luxembourg, la Norvège, les Pays-Bas5, le Portugal et la Suède, sans compter que Chypre ne fait recours à aucune de ces deux formes de démocratie directe, de même que la Turquie sauf quelques exceptions, notamment en milieu rural.

16. De manière générale, le scrutin proportionnel apparaît dans ¾ des Etats comme un standard européen. Les modes de scrutin utilisés aux différents niveaux de pouvoir sont en général similaires. L’Ukraine se singularise par une très grande instabilité dans la législation électorale qui change pour chaque scrutin et est aujourd’hui à nouveau en voie d’être réformée. Neuf Etats ont recours à un mode de scrutin majoritaire (France avec des variantes selon les niveaux de pouvoir et la taille des communes, Royaume-Uni, Hongrie pour les communes de moins de 10.000 habitants, Luxembourg pour les communes de moins de 3500 habitants, Slovénie pour les petites communes, Pologne pour les communes de moins de 20.000 habitants, Ukraine et Grèce) ou mixte (Hongrie pour les communes de plus de 10.000 habitants) avec néanmoins prépondérance du système majoritaire (Italie et France pour les communes de plus de 3500 habitants). Dans ce groupe d’Etats, on relèvera qu’une certaine dose de proportionnelle apparaît en fonction de l’augmentation de la taille des collectivités. Des seuils électoraux existent en Croatie, en Estonie, en Roumanie (5%), en France (3% pour les régions) et en Suède (3% pour les comtés).

17. La durée des mandats varie entre 3 et 6 années :

· 3 ans : Albanie, Estonie, Lituanie, Malte ;
· 4 ans ; Norvège, Islande, Irlande, Grèce, Bulgarie, République tchèque, Croatie, Danemark, Espagne, Finlande, Lettonie, Macédoine, Pays-Bas, Pologne, Portugal, Roumanie, Slovénie, Suède, Ukraine ;
· 5 ans : Chypre, France pour ce qui concerne les régions, Turquie ;
· 6 ans : Belgique, France pour les communes et départements, Luxembourg.

18. Selon les Lander, la durée des mandats varie de 4 à 6 ans en Allemagne et de 5 à 6 années en Autriche .

19. Seuls neuf Etats dont la plupart sont d’Europe du Nord (la Norvège, l’Irlande, le Danemark, l’Estonie, la Finlande, les Pays-Bas, la Suède ainsi que le Portugal et la Hongrie) accordent aux étrangers (au sens de ressortissants de pays tiers à l’Union européenne pour les Etats qui en sont membres) le droit de vote aux élections locales à certaines conditions. Il en va de même à Malte sous réserve de réciprocité, ainsi qu’au Royaume-Uni pour les citoyens du Commonwealth.

20. En règle générale, le vote n’est pas obligatoire, sauf dans deux lander autrichiens et cinq Etats : Chypre, la Grèce, la Turquie, le Luxembourg et la Belgique, ce qui n’empêche pas un taux d’absentéisme de 35 à 40% en Turquie et de 15% pour les élections communales de 1994 en Région wallonne (Belgique) ainsi qu’au Luxembourg en 1999. Dans tous les autres Etats où le vote n’est pas obligatoire, le taux d’abstention a été de/entre :

· aux environs de 15% en Bulgarie ;
· 17,7% en Islande en 1998 et 18,6% en Suède avec une nette tendance à la hausse entre 1982 et 1998, sachant que les élections pour tous les niveaux de pouvoir se tiennent le même jour ;
· 10 et 30% en Autriche ;
· plus ou moins 30% au Danemark, en Italie et à Malte ;
· 30 à 40% en France et en Ukraine ;
· 35,97% en Espagne en 1999 ;
· 38% en Lettonie en 2001 avec une légère tendance à la baisse et en Albanie en 2000 ;
· 40% en Macédoine, au Portugal et en Norvège ;
· 41,7% en Slovénie ;
· 42,3% aux Pays-Bas en 2002 ;
· 44,1% en Finlande en 1999 ;
· 48% en 2001 en Croatie ;
· 49,15% en 2000 en Roumanie ;
· et 50% en Irlande en 1999 ;
· 51,2% en Estonie avec une nette tendance à la hausse par rapport à 1989 (28%) ;
· 54,34% en Hongrie en 1998 ;
· 60% au Royaume-Uni et 60,1% en Lituanie en 1997.

21. Même s’il paraît souhaitable d’engager de nouvelles études plus approfondies permettant des comparaisons dans le temps ainsi qu’entre les diverses élections, il existe incontestablement une tendance générale à la hausse du taux d’abstention. Par ailleurs, les nouvelles démocraties d’Europe centrale et orientale se caractérisent par rapport à l’Europe occidentale par un taux d’abstention plus élevé , celui-ci pouvant cependant connaître des variations aussi fortes que rapidesPar rapport aux élections nationales, le taux d’abstention aux élections locales est plus élevé de 10 à 15% en Norvège et au Danemark, de 15% en Roumanie, de 20% en Slovénie, de 20 à 30% aux Pays-Bas et de 30% en Hongrie. Une telle situation se rencontre également en Lettonie, en Macédoine, en Pologne et au Royaume-Uni sans que des chiffres précis soient mentionnés. A l’inverse, le taux d’abstention est un peu plus bas aux élections locales qu’aux élections centrales en Albanie, en Estonie et en Italie. Il n’y pas de différence sensible pour ce qui concerne le taux d’abstention entre les élections en France et au Portugal. Outre des taux d’abstention alarmants supérieurs à 50% dans six Etats, on retiendra que l’idée de proximité des collectivités locales par rapport aux citoyens est contredite par un taux d’abstention plus élevé aux élections locales que nationales dans neuf Etats, l’inverse étant seulement vrai dans trois Etats.

22. Pour ce qui concerne les procédures de contrôle de la régularité des élections, les Etats peuvent être classés en deux catégories : d’une part, ceux dans lesquels les recours sont adressés au juge (Grèce, Espagne, Finlande, France, Hongrie, Italie, Luxembourg, Portugal), ce qui peut recouvrir la Cour suprême (Autriche, Chypre) ; d’autre part, ceux dans lesquels ils sont adressés à des organes spécialisés en matière électorale (éventuellement un ministre comme en Islande et en Norvège), en particulier des Commissions électorales constituées aux différents niveaux de pouvoir comme en Albanie, Croatie, Estonie, Lettonie, Lituanie, Macédoine, à Malte, aux Pays-Bas, en Roumanie, en Slovénie, en Suède, en Turquie et en Ukraine ; en Belgique, il s’agit de l’exécutif de la province pour ce qui concerne les élections communales et de l’assemblée elle-même pour ce qui concerne les provinces, de même qu’au Danemark. Un recours en appel devant un juge semble dans ces cas néanmoins garanti dans la plupart des Etats.

3.2 Les relations entre les collectivités locales et les citoyens

23. Indépendamment des procédures de démocratie directe, il est difficile de synthétiser les formes selon lesquelles la population peut être associée à la mise en œuvre des politiques locales qui sont d’ailleurs ignorées par la Charte, laquelle peut sur ce point paraître quelque peu dépassée. En dehors des compétences d’intérêt mixte (à la fois central et local) dans le champ desquelles les procédures d’association des populations concernées à la prise de décision sont fréquemment réglées de manière précise au niveau supérieur (notamment pour ce qui concerne les enquêtes publiques en matière d’aménagement du territoire, d’environnement, etc), la réglementation est dans une très large mesure abandonnée à la discrétion des collectivités locales, ce qui paraît normal et souhaitable dans le champ de leurs compétences autonomes et explique que le présent rapport devra se limiter à quelques indications générales à propos d’une pratique foisonnante qui se caractérise par une multitude d’initiatives.

24. Les conseils consultatifs sont assez répandus en Belgique, en Italie, en Espagne, au Portugal, en France dans les villes d’une certaine importance ainsi qu’au Danemark pour les personnes âgées ou les étrangers. Il semble par contre que la population soit assez peu associée à la mise en œuvre des politiques locales à Chypre et en Turquie. Pour ce qui concerne les actes réglementaires des collectivités locales, la publicité est en général réglée au niveau central, mais elle peut aussi être abandonnée à la discrétion des collectivités locales (Chypre, Ukraine), le principe étant dans ce cas affirmé par la loi en Croatie, Estonie et Hongrie. Les modes de publicité sont assez diversifiés et évolutifs. Le plus traditionnel est la consignation dans un registre officiel accompagné de l’affichage (à tout le moins de l’objet du règlement) sur des panneaux ou dans des locaux appartenant aux collectivités locales (Belgique, France, Luxembourg) et le plus moderne la diffusion sur des sites internet des collectivités (ce sur quoi les experts de Croatie, d’Estonie, de Finlande, d’Irlande, d’Islande, de Lettonie, des Pays-Bas insistent particulièrement, ce qui ne veut bien évidemment pas dire que ce mode de diffusion est ignoré dans les autres Etats), en passant par la diffusion par voie d’insertion dans la presse locale (Roumanie) ou régionale ou encore dans un bulletin d’information publié par la collectivité locale elle-même à des fins de communication publique. L’obligation d’éditer un véritable bulletin officiel est, à l’exception de la Macédoine, très peu répandue au niveau des collectivités territoriales, ce qui peut s’expliquer par le fait que celles-ci sont amenées à prendre nettement moins de décisions de portée générale que le pouvoir central et est bien évidemment fonction de leur taille (ainsi, il existe en Belgique un journal officiel appelé mémorial administratif au niveau des 10 provinces, mais pas au niveau des 589 communes et en France un recueil des décisions dans les communes de plus de 3500 habitants). Pour le reste, les règles sur la transparence administrative prévoyant le droit des citoyens d’accéder aux documents administratifs s’appliquent aux collectivités locales, qu’il s’agisse de règles générales applicables à toute l’administration publique ou de règles spécifiques aux collectivités locales.

25. L’existence au niveau local d’une institution comme l’ombudsman ou le médiateur dépend bien évidemment des traditions administratives propres à chaque Etat ainsi que de la taille des collectivités. Celles-ci sont en principe libres d’instituer un médiateur si elles le souhaitent : c’est le cas dans plusieurs communes belges, dans de nombreuses communes italiennes où existe un « défenseur civique », ainsi qu’au Royaume-Uni aux différents niveaux de pouvoir. A Chypre, la compétence du médiateur central a été explicitement étendue aux communes, tandis que ces collectivités n’échappent pas à la compétence des médiateurs mis en place par l’Etat et, le cas échéant, par les Communautés autonomes en Espagne, ni à celle de l’ombudsman national en Estonie, en Irlande, en Islande, en Macédoine, en Norvège, à Malte, en Roumanie et en Suède ; un projet existe en ce sens au Luxembourg. Aux Pays-Bas, les communes peuvent moyennant paiement utiliser les services de l’ombudsman national.

26. Rares sont les Etats où une obligation générale d’informer la population sur leur politique globale est imposée aux collectivités locales. Seuls quelques cas peuvent être signalés :

- en Lituanie, un rapport doit être dressé à l’attention du public par les assemblées locales annuellement, de même qu’en Roumanie, en Macédoine et en Lettonie depuis 2002 ;
- la loi danoise contient des dispositions obligeant les collectivités locales à rendre compte tous les deux ans de la situation et de l’évolution des principaux services publics locaux, qu’ils soient exercés par la collectivité directement ou par voie de délégation.
- la loi espagnole du 2 avril 1985 contient une disposition générale qui mérite d’être mentionnée en tant que principe général : son article 69 précise que « Les collectivités locales doivent faciliter l’information la plus ample possible sur leurs activités ainsi que la participation de tous les habitants aux affaires locales ».
- une obligation semblable existe en Finlande et en Norvège.
- au Royaume-Uni, les contribuables doivent être informés de la manière dont le produit de leurs impôts est utilisé et les nouveaux organes exécutifs seront soumis à l’obligation de publier leurs propositions à l’avance et de donner une publicité aux décisions prises.
- bien qu’il soit impossible de synthétiser les règles applicables en la matière qui dépendent du niveau des différents lander, le droit autrichien impose en général aux communes l’obligation d’informer les habitants concernés par un projet particulier ou des obligations particulières d’informer et même de consulter certains groupes spécifiques comme les jeunes, les personnes handicapées ou âgées, etc.

27. Une telle obligation est parfois prévue au profit des membres des assemblées locales. Ainsi en Belgique l’exécutif provincial doit-il présenter dans les trois mois de sa mise en place un programme de politique générale qui sera publié au mémorial administratif, tandis que les communes doivent annexer aux budget et comptes un rapport semblable qui est bien évidemment public. L’expert français signale qu’il existe une série de rapports obligatoires de ce type au sein des différents niveaux de collectivités, mais que ceux-ci ne circulent guère à l’extérieur, de sorte qu’ils ne jouent qu’un rôle très limité dans l’information des citoyens

28. Des bulletins d’informations sont publiés par nombre de collectivités locales (notamment en Estonie, France, Hongrie, à Malte et en Lettonie) sans que cela corresponde à une obligation légale. L’expert finlandais rapporte que de tels bulletins deviennent assez rares pour la raison qu’il s’agit d’une technique d’information assez inefficace et obsolète, tandis que l’expert français signale qu’il s’agit souvent de publication à vantant les réalisations de la collectivité plutôt que d’une information objective. L’expert hongrois signale l’obligation pour les collectivités locales d’organiser au moins une fois par an une audition publique à l’attention de la population. Les experts letton et roumain insistent encore sur le fait que les élus locaux doivent se tenir durant certaines heures à la disposition de la population pour répondre à des questions.

29. On peut encore ajouter que la population se voit reconnaître la possibilité d’interroger les responsables locaux au cours des réunions de l’assemblée en Albanie, en Lettonie, en Macédoine, à Malte et au Portugal. Ce droit est aussi organisé par les collectivités locales elles-mêmes, ce qui est effectivement le cas en Autriche au début de la séance de l’assemblée, en Belgique, au Danemark et aux Pays-Bas.

4. L’ORGANISATION INSTITUTIONNELLE DE LA DEMOCRATIE LOCALE REPRESENTATIVE

4.1. Les différents types de démocratie locale représentative

30. Il est bien connu en droit constitutionnel que les critères par lesquels on tente classiquement de distinguer entre les régimes parlementaire et présidentiel renvoient aux relations qu’entretiennent l’exécutif et le législatif et à la séparation entre ces pouvoirs, sachant que l’opposition entre ces deux formes de démocratie est plus une question de degré que de nature. Dans le régime parlementaire, l’exécutif est responsable devant l’assemblée et peut être renversé par celle-ci selon des conditions et modalités variables, tandis que dans le régime présidentiel, l’exécutif jouit d’une nette indépendance organique par rapport à l’assemblée et ne peut voir sa responsabilité engagée devant celle-ci que dans des cas beaucoup plus limités et selon une procédure relevant du droit pénal plutôt que du domaine politique. Le critère du pouvoir de dissolution de l’assemblée par l’exécutif en principe présent dans le régime parlementaire et absent dans le régime présidentiel vient compléter le critère premier de la responsabilité. Les éléments utilisés dans les rapports nationaux par les experts pour départager les deux formes de démocratie locale qui leur étaient proposées renvoient plutôt au mode de désignation de l’exécutif. Celui-ci est considéré comme de nature plutôt parlementaire s’il est élu par l’assemblée et de nature plutôt présidentielle s’il est directement élu par le peuple comme l’assemblée.

31. De même que pour ce qui est de la qualification des démocraties locales, certains experts n’acceptent qu’avec réticence d’utiliser la séparation des pouvoirs pour caractériser les relations entre les organes locaux exécutif et délibératif, arguant du fait qu’il ne s’agit pas d’organes qui peuvent s’apparenter à de véritables gouvernement et parlement. Comme il est bien connu, la séparation des pouvoirs recouvre un enjeu très discuté au sein du Congrès des Pouvoirs Locaux et Régionaux de l’Europe pour ce qui est de la possibilité de voir la responsabilité politique de l’organe exécutif mise en cause par l’assemblée (infra). La Charte locale se prononce certes en faveur de l’existence d’une « responsabilité » de l’organe exécutif, mais elle n’indique pas les modalités selon lesquelles celle-ci peut être mise en œuvre.

La référence à la classification des régimes en parlementaire et présidentiel, outre qu’elle ne rend pas compte de la plus grande diversité des situations sur le plan local ne sera donc utilisée que comme une référence formelle.

32. Les démocraties locales de nature plutôt parlementaire se rencontrent en Albanie, Belgique, Croatie, Danemark, Estonie, Finlande (aux yeux de l’expert pour la raison que l’exécutif local peut être démis par l’assemblée), Irlande, Islande, Lettonie, Lituanie (avec néanmoins une tendance à la domination du maire en fonction des circonstances politiques), Luxembourg, Malte, Pologne, République tchèque, Roumanie pour ce qui concerne uniquement le niveau des départements, Suède, ainsi qu’en Espagne et en France, mais selon les experts de ces deux derniers Etats uniquement d’un point de vue théorique. Par contre, la Hongrie, l’Italie (depuis une réforme de 1993), la Macédoine, la Turquie, l’Ukraine ainsi que le Portugal et la Roumanie pour ce qui concerne uniquement les communes connaissent des démocraties locales de nature plutôt présidentielle. Le modèle parlementaire semble plus répandu que le modèle présidentiel : le premier est en effet implanté dans 18 Etats, le second dans seulement sept, même si l’on peut récemment observer une tendance à son extension depuis les années nonante (quatre Etats d’Europe centrale et orientale au cours de la dernière décennie; Italie depuis 1993 ; éventuellement Irlande, Belgique et Lituanie si les réformes projetées dans ces Etats devaient aboutir durant les prochaines années ; limité initialement à la Bavière et au Baden-Württemberg, il s’est généralisé dans les autres lander allemands au cours des années 90). La distribution des Etats entre les deux groupes ne paraît pas suivre une logique particulière, sauf que le modèle parlementaire paraît fort implanté dans l’Union européenne, à l’exception de l’Italie et du Portugal.

33. L’Europe du Nord (Etats scandinaves ainsi que Royaume-Uni sous réserve des réformes en cours) apparaît comme une catégorie à part entière trouvant son unité au travers de l’idée de ce qu’on nomme en droit constitutionnel le régime d’assemblée. La suprématie de l’assemblée se traduit concrètement, ainsi que nous le verrons en analysant les différents types d’organe exécutifs existants, par la désignation de plusieurs comités exécutifs, lesquels sont parfois composés proportionnellement aux rapports de force politiques existants au sein de l’assemblée (Danemark, Suède). Le qualificatif « moniste » par opposition à « dualiste » est parfois utilisé (principalement aux Pays-Bas) pour désigner ce type d’organisation6 dont le Danemark semble offrir un exemple caractéristique. Il reste que les experts provenant des Etats concernés insistent également sur certaines différences qui les distingueraient les uns des autres, la Finlande étant de ce point de vue présentée comme mixte et la Suède comme un système dualiste.

34. L’idée que l’assemblée locale constitue l’organe suprême est ancrée dans nombre d’Etats au-delà même de la catégorie des régimes d’assemblée. Il est vrai que nombre de Constitutions nationales ne consacrent au niveau local que l’existence d’une assemblée et ignorent complètement celle de l’exécutif. La suprématie de l’assemblée constitue cependant le point à partir duquel nombre d’experts diagnostiquent un divorce entre le droit et le fait (notamment en Turquie ainsi qu’en Irlande en raison du rôle des city managers) qui touche principalement les démocraties locales parlementaires, l’exécutif ayant tendance à concentrer la réalité du pouvoir par rapport à l’assemblée pour toute une série de raisons diverses : technicité des questions à trancher, importance du nombre des points à traiter, concentration des moyens d’expertise entre ses mains (Belgique, Estonie, Malte, Pays-Bas). L’Espagne et la France sont dans la réalité et, contrairement à la théorie, considérées comme étant de nature plutôt présidentielle que parlementaire en raison respectivement de la confection des listes des candidats aux élections qualifiées de fermées parce qu’elle est aux mains des partis politiques en Espagne et de l’absence de tradition de contrôle de l’exécutif par l’assemblée en France.

4.2. La place et le fonctionnement de l’assemblée locale

35. L’importance accordée à l’assemblée locale en tant qu’organe représentatif de la démocratie locale peut être évaluée au regard d’une série d’éléments que nous avons tenté de sérier.

4.2.1 Les prérogatives attachées à la qualité de membre de l’assemblée

36. De manière générale, on ne relève pas, sauf sur un point qui ne semble cependant pas poser de problème en pratique, de divergences significatives entre les Etats qui reconnaissent tous de manière semblable aux membres des assemblées locales les prérogatives suivantes :

· l’accès aux documents et informations administratives : le droit des membres des assemblées d’avoir accès aux documents administratifs a perdu de sa spécificité au fur et à meure que le droit d’accès de tout citoyen aux documents administratifs a progressé. Il ne leur est cependant pas reconnu à Chypre relativement aux questions qui ne figurent pas à l’ordre du jour des collectivités. On relèvera qu’en France une note de synthèse explicative doit dans les communes de plus de 3500 habitants être adressée aux conseillers municipaux avec l’ordre du jour des séances. En Lituanie ce droit inclut celui de demander des explications aux fonctionnaires locaux et Aux Pays-Bas les membres de l’assemblée ont le droit d’être assistés dans leurs tâches par les fonctionnaires locaux.
· le droit de visiter les organes administratifs et locaux des collectivités : ce droit n’est pas reconnu dans plusieurs Etats comme l’Autriche, Chypre, la Finlande, la France, le Luxembourg, les Pays-Bas, la Roumanie, la Suède et le Royaume-Uni, mais il ne semble pas poser de problème en pratique dans la mesure où les membres des assemblées ne devraient en principe pas rencontrer d’opposition s’ils souhaitent procéder à de telles visites.
· le droit de poser des questions à l’exécutif : ce droit est reconnu de manière générale dans tous les Etats sous une forme écrite ou orale ; il est formellement organisé sur le modèle parlementaire du question-time en Belgique (directement par la loi pour les provinces et éventuellement par le règlement d’ordre intérieur pour ce qui concerne les communes), Croatie, France, Finlande, Italie, au Luxembourg, en Suède et au Royaume-Uni.
· le droit de provoquer la convocation d’une assemblée : le nombre requis pour convoquer une assemblée est de cinq au Royaume-Uni, et varie entre un cinquième des membres de l’assemblée (Pays-Bas), un quart (Autriche selon les lander, Belgique, Espagne, Finlande, Macédoine), un tiers (Autriche selon les lander, Danemark, France, Portugal, Roumanie, Suède, Ukraine) et la moitié (Chypre).
· le droit de faire inscrire un point à l’ordre du jour : ce droit n’est reconnu individuellement à tout membre de l’assemblée qu’en Belgique, au Danemark, en Lituanie, au Luxembourg, à Malte et en Macédoine. Dans les autres Etats, les règles relatives à la convocation de l’assemblée s’appliquent également à la confection de l’ordre du jour.

37. Relevons qu’aux Pays-Bas où le souci de renforcer la démocratie locale est à l’ordre du jour les membres de l’assemblée peuvent être assistés dans l’accomplissement de leurs tâches par des fonctionnaires locaux.

4.2.2 Les liens organiques entre l’assemblée et l’organe exécutif

38. Alors qu’elles sont rarement prises en considération, la situation de l’assemblée est bien évidemment affectée par les règles organiques régissant ses rapports avec les membres de l’organe exécutif. Les élus appelés à remplir une fonction au sein de l’exécutif local continuent en général à faire partie de l’assemblée et cumulent donc une double qualité, ce qui constitue bien évidemment la règle dans les Etats connaissant ce que nous avons appelé un régime d’assemblée. Il n’en va autrement qu’en Bulgarie, en Croatie, au Portugal, en Lituanie, aux Pays-Bas et au Luxembourg où les membres concernés sont remplacés par leur suppléant ; une réforme prévoyant que les membres de l’assemblée désignés comme échevin cessent de faire partie de l’assemblée vient d’entrer en vigueur aux Pays-Bas le 7 mars 2002 dans le but d’introduire plus de dualisme dans la démocratie locale.

39. La façon dont sa présidence est organisée est encore plus significative de l’autonomie dont l’assemblée dispose dans la réalité. La formule selon laquelle le chef de l’organe exécutif est automatiquement appelé à remplir cette fonction apparaît comme la plus employée, sous la réserve que, dans quelques Etats, le maire, tout en présidant l’assemblée, n’est pas véritablement considéré comme un de ses membres et n’y a pas droit de vote (Pays-Bas et Slovénie où la loi a été amendée pour éviter les problèmes de cohabitation entre un maire et une assemblée d’orientation politique différente). La singularité d’un tel choix ne manque pas d’apparaître au regard de la fonction de contrôle de l’organe exécutif dévolu à l’assemblée et devrait être prise en considération dans le débat sur l’amélioration de la qualité de la démocratie locale. Un bloc significatif de onze Etats où un président est élu par l’assemblée indépendamment de la fonction de chef de l’exécutif, fait néanmoins exception : l’Islande, la Grèce, la Bulgarie, l’Albanie, l’Italie, la Macédoine, le Portugal, la Roumanie pour ce qui concerne les communes, la Suède où le Président élu est en général un politicien expérimenté mais sans grande influence politique, ainsi que le Royaume-Uni et l’Irlande.

4.2.3 La publicité des réunions de l’assemblée

40. On ne sera bien pas surpris d’apprendre que la publicité est de règle pour les réunions de l’assemblée locale et le huis clos l’exception. Cette règle est en général imposée par la loi, pour certains Etats sans que les experts aient signalé l’existence d’exceptions (France). La conséquence logique qui en découle est que les assemblées ne peuvent pas décider librement des points sur lesquels elles délibèrent à huis clos (Autriche, Danemark, Italie, Lituanie). Celui-ci peut et même doit être observé dans les quelques cas prévus par la loi, notamment les questions relatives au personnel (Autriche, Belgique), la vie privée ou la protection des intérêts économiques (Danemark) et les droits fondamentaux de citoyens (Espagne).

41. Les assemblées sont néanmoins dans certains Etats investies du pouvoir de décider sur quels points elles entendent délibérer à huis clos (Albanie, Chypre, Hongrie, Pays-Bas à la demande seulement d’un cinquième des membres présents, Roumanie), parfois à une majorité spéciale (3/4 en Grèce, 2/3 en Belgique et au Luxembourg) et uniquement pour certains motifs précis (Belgique, Luxembourg, Macédoine) comme l’ordre public ou les inconvénients graves qui résulteraient de la publicité. A l’inverse, il est explicitement précisé que la publicité ne peut connaître aucune dérogation pour l’examen des budgets et des comptes en Autriche, en Belgique, en Macédoine, aux Pays-Bas et en Roumanie. Si les réunions sont en principe publiques, il arrive en Ukraine dans certaines municipalités que seuls les journalistes et pas les citoyens soient autorisés à suivre les débats.

4.2.4 Les règles de délibération de l’assemblée

42. La règle de base est bien évidemment que les décisions sont adoptées à la majorité des membres présents, sous réserve des exigences de quorum qui n’ont pas été analysées par souci de simplicité. Il existe cependant dans quelques Etats des cas dans lesquels l’assemblée ne peut prendre de décision que si une majorité spéciale est réunie :

· 3/5 en Albanie pour ce qui concerne les propriétés publiques et les impôts ;
· En Espagne, une majorité des 2/3 des membres de l’assemblée pour la modification du territoire, l’organisation des collectivités infra-communales et la modification du nom de la commune ;
· En Finlande et en Ukraine, une majorité des 2/3 des membres de l’assemblée pour la révocation du maire ;
· En Italie et en Slovénie, une majorité des 2/3 pour l’approbation du statut de la commune ;
· En Roumanie une majorité des 2/3 pour les emprunts, la gestion du domaine public et privé, les programmes de développement, l’urbanisme et l’aménagement du territoire, les associations ou coopération avec d’autres autorités publiques, les dons et legs, la révocation des adjoints au maire et la révocation du secrétaire communal ;
· Au Royaume-Uni une majorité des 2/3 pour faire prévaloir les vues de l’assemblée sur celles de l’exécutif.
· Il existe également des règles de majorité spéciale en Autriche, en Croatie, au Portugal et en Hongrie.

4.2.5 La fréquence des réunions de l’assemblée

43. La fréquence annuelle des réunions de l’assemblée est également significative de l’importance accordée à l’assemblée en tant qu’organe représentatif de la démocratie locale. Aucun standard européen ne se dégage au regard des règles applicables dans les Etats du Conseil de l’Europe comme les données suivantes en témoignent :

· au moins une fois par mois : Grèce, Albanie, Belgique sauf durant les mois de juillet et août pour cause de vacances, Chypre, Danemark sauf en juillet, Espagne pour les communes de plus de 20.000 habitants, Lettonie, Malte, Roumanie pour les communes ;
· tous les deux mois : Bulgarie, Espagne pour les communes entre 5000 et 20000 habitants, Hongrie, Roumanie pour les départements ;
· tous les trois mois : Islande, Autriche, Croatie, Espagne pour les communes de moins de 5000 habitants, France, Lituanie, Luxembourg, Macédoine, Slovénie, Ukraine ;
· 5 fois par an au Portugal pour les communes ;
· aucun minimum légal n’est prévu en Norvège, en Finlande, Italie, Pays-Bas, Suède (où 47 conseils municipaux se sont réunis moins de sept fois durant l’année 2000, ce qui a été considéré comme insuffisant par la Commission pour la démocratie locale) et au Royaume-Uni.

44. Il convient néanmoins d’insister sur le fait que ces données se rapportent au nombre minimal de réunions imposé par la loi et que, dans la pratique, les assemblées locales semblent se réunir en général une fois par mois. De plus, pour évaluer de manière précise l’importance réelle du travail de l’assemblée, il conviendrait de tenir compte des séances des commissions spécialisées ne réunissant qu’une partie de ses membres mais pouvant bien évidemment accomplir des tâches de préparation des délibérations de l’assemblée extrêmement importantes.

4.2.6 La place dévolue à l’opposition politique minoritaire au sein des collectivités locales

45. Dans la plupart des Etats, aucune règle particulière n’est prévue au profit de l’opposition pour l’aider à contrôler l’action de la majorité en place. Cette situation doit néanmoins être appréhendée dans le cadre du scrutin proportionnel qui, ainsi que nous l’avons vu, (supra) est de règle dans la plupart des Etats et a pour conséquence que les majorités sont le plus souvent des coalitions et que l’opposition n’est pas réduite à la portion congrue par les effets du mode de scrutin. A Chypre, il n’existe d’ailleurs fréquemment pas de majorité stable au niveau communal et l’exécutif est donc souvent à la recherche d’une majorité susceptible d’avaliser ses propositions, de même qu’il n’est pas rare en Finlande que des coalitions temporaires ou ad hoc se forment. Dans certains Etats (Belgique, Danemark, Finlande, France pour les communes de plus de 3500 habitants, Pays-Bas), il est prévu que les commissions de l’assemblée doivent obligatoirement être composées proportionnellement à sa composition, ce qui garantit la présence de l’opposition en leur sein et lui permet dans certains cas d’être parfaitement informée des affaires de la collectivité ; en Belgique, les législations récentes visent de plus en plus à assurer au moins la représentation de chaque groupe politique dans les organismes dépendant de la commune (régies, intercommunales) et des règles particulières s’attachent à faire respecter le pluralisme par la représentation de toutes les tendances idéologiques et philosophiques dans les organismes chargés de la gestion des équipements et services culturels au sens large.

46. Cinq Etats se singularisent par des efforts visant à favoriser la capacité de contrôle de l’opposition :

· Même si ces initiatives peuvent paraître modestes ou être considérés comme relevant du simple bon sens, la France se signale depuis le début des années nonante par des temps de question-réponse réservés aux conseillers municipaux, une séance annuelle de l’assemblée spécialement consacrée à l’examen de propositions émanant de l’opposition ainsi que l’aménagement de possibilités d’expression de l’opposition dans les bulletins d’information publiés par les communes;
· en Suède, plusieurs municipalités ou comtés ont mis en place un système permettant à des membres de l’opposition d’être rémunérés à temps plein ou partiel et aidés par des secrétaires politiques salariés par la municipalité ;
· Dans trois Etats (Espagne, Suède et France), les groupes politiques locaux bénéficient d’un certain support pour les aider à assumer leur rôle : en Espagne, le législateur a établi le principe d’égalité des groupes politiques permettant à chacun d’entre eux de recevoir des fonds municipaux pour financer leurs activités : il en va de même en France pour ce qui concerne du matériel, des locaux et même du personnel dans les communes de plus de 100.000 habitants ainsi qu’en Suède pour ce qui concerne des crédits et des locaux dans les municipalités ;
· en Italie, la présidence des commissions exerçant des fonctions de contrôle doit être attribuée à l’opposition ;
· Il peut arriver dans certaines communes portugaises ou roumaines qu’un membre de l’opposition soit nommé adjoint au maire, de même qu’il est traditionnel en Islande qu’un siège soit réservé au sein de l’exécutif au plus important parti minoritaire.

4.3 L’exécutif local

47. L’analyse de l’exécutif local exige une précision terminologique essentielle pour la bonne compréhension de la question. L’emploi du terme « exécutif » peut en effet engendrer une certaine confusion dans la mesure l’exercice de comparaison des systèmes de démocratie locale entre les Etats membres du Conseil de l’Europe a montré que l’expression renvoie à la fonction exécutive au niveau local. Comme l’emploi du terme « executive » en anglais est manifestement porteur d’ambiguïté, il importe de préciser que l’exécutif local s’entend dans le cadre du présent rapport au sens organique et recouvre uniquement les mandataires politiques formant le « gouvernement » local, et non au sens fonctionnel recouvrant également l’administration locale composée de fonctionnaires en principe neutres sur le plan politique. Il convient également d’être attentif au fait que l’emploi pour décrire la démocratie locale dans les différents Etats membres du Conseil de l’Europe d’un vocabulaire commun dans les langues de travail que sont l’anglais et le français peut générer des confusions dans la mesure où des termes identiques ne renvoient pas forcément aux mêmes réalités. Songeons par exemple au fait qu’on emploie le même mot de « maire » en France, de « mayor » au Royaume-Uni pour désigner des personnes assumant des fonctions très différentes.

4.3.1 Les discussions existentielles à propos de l’organe exécutif

48. Aussi curieux que cela puisse paraître à bien des observateurs pour qui l’organe exécutif constitue un élément familier jouant un rôle essentiel et même, dans bien des cas, prépondérant dans la démocratie locale d’une manière semblable à ce qui se produit au niveau étatique, une discussion sur le point de savoir s’il existe véritablement un organe exécutif local existe à propos de certains Etats, même s’il est unanimement admis que des fonctions de nature exécutive doivent nécessairement être assumées par un organe. Celle-ci peut d’ailleurs être alimentée par l'article 3.2 de la Charte européenne de l'autonomie locale selon lequel le droit à l’autonomie locale “est exercé par des conseils ou assemblées composés de membres élus au suffrage libre, secret, égalitaire, direct et universel et pouvant disposer d'organes exécutifs responsables devant eux…”. L’emploi du verbe “pouvant” disposer suggère en effet que la collectivité locale peut se passer d’exécutif et n’être dotée comme seul organe que d’un conseil ou d’une assemblée.

49. D’après l’ensemble des réponses reçues de la part des experts interrogés, la Croatie semble être le seul Etat où absolument aucun organe exécutif n’existe dans certaines collectivités locales ne pratiquant pour autant pas la démocratie directe : dans les communes de moins de 3000 habitants, l’assemblée exécute elle-même ses décisions, les communes entre 3001 et 10.000 habitants se voyant offrir le choix de déterminer dans leur statut si elles élisent un organe exécutif ou si les fonctions exécutives sont exercées par l’assemblée. Il est vrai que l’opinion existe à propos de quelques Etats, en particulier scandinaves, qu’il n’existerait pas d’organe exécutif dans les collectivités locales. C’est notamment l’opinion exprimée par l’expert danois qui souligne que s’il existe un maire élu par l’assemblée en son sein et qui se trouve à la tête de l’administration de la collectivité, le pouvoir exécutif est exercé par des comités composés de 5 à 7 membres désignés par l’assemblée en sein. Il est cependant remarquable qu’une opinion exactement inverse soit exprimée à propos de la Suède qui connaît pourtant un système relativement semblable ; l’expert provenant de cet Etat considère en effet qu’il n’y a pas un, mais bien plusieurs organes exécutifs désignés par l’assemblée à la proportionnelle, la particularité du système suédois étant que les membres de ces « executive boards » ne doivent pas nécessairement faire partie de l’assemblée et qu’ils sont autonomes par rapport à celle-ci.

50. On ne voit pas pourquoi ces comités qui, ainsi que nous l’avons déjà indiqué, sont caractéristiques de ce que nous avons appelé les régimes d’assemblée (supra), ne pourraient pas être considérés comme des organes exécutifs, même s’il s’agit, comme c’est fréquemment le cas, d’une sorte d’exécutif éclaté entre plusieurs comités, ce qui expliquerait aisément le fait qu’ils exercent une moindre influence que les organes exécutifs qu’on rencontre traditionnellement dans la plupart des Etats membres du Conseil de l’Europe. On peut d’ailleurs se demander si les rédacteurs de la Charte locale n’ont pas songé à cette forme d’organisation assez particulière de l’exécutif local comme en témoigne l’utilisation à l’article 3.2 de la Charte locale d’un pluriel dans l’expression « pouvant disposer d’organes exécutifs ». Il reste bien évidemment qu’à l’exception de l’Irlande qui connaît le système particulier du « city manager », le modèle le plus répandu est bien évidemment celui de l’exécutif unique (mais pouvant être aussi bien individuel que collégial) et organiquement différencié de l’assemblée.

4.3.2 L’éventualité d’un dédoublement fonctionnel de l’organe exécutif

51. Le dédoublement fonctionnel vise l’hypothèse dans laquelle une collectivité locale est amenée à exercer des compétences au nom et pour le compte d’un pouvoir supérieur des compétences dans l’exercice desquelles les organes locaux se trouvent en principe soumis au pouvoir hiérarchique de l’autorité supérieure. Cette forme particulière d’organisation qui ne se distingue pas toujours nettement dans ses modalités de fonctionnement (en termes de contrôle, de financement, de responsabilité,…) des compétences relevant de l’autonomie locale, est parfois considérée comme un héritage caractéristique du modèle napoléonien, mais il s’agit également d’une technique d’administration propre aux Etats fédéraux qui peut même être considérée comme une forme particulière de mise en œuvre du principe de subsidiarité dans l’exécution des politiques publiques.

52. Bien qu’il ne soit pas certain que la question posée à propos de cette problématique complexe et abstraite a été interprétée de la même manière par tous les experts consultés, il semble bien que les Etats se divisent à cet égard en deux groupes : l’Allemagne, la Belgique, la Bulgarie, la Grèce, l’Espagne, la France pour ce qui concerne uniquement le niveau communal, la Hongrie, l’Italie, la Lituanie, le Luxembourg, la Roumanie pour ce qui concerne uniquement le niveau communal ainsi que la Turquie pour ce qui concerne uniquement le niveau provincial, , connaissent tous des formes de dédoublement fonctionnel ; par contre, Chypre, l’Islande, la Norvège, la Finlande, la Lettonie, la Macédoine sauf pour quelques exceptions très limitées, la Suède et le Royaume-Uni ne connaissent pas cette technique. On relèvera que l’Ukraine forme un cas tout à fait particulier inquiétant du point de vue de l’autonomie locale puisque 75 à 80% des compétences exercées au niveau local sont considérées comme déléguées par le pouvoir central et que certains pans de l’administration locale connaissent une double subordination (collectivité locale et pouvoir central), ce qui peut par exemple mener à ce que le chef du département local des finances soit nommé par le Ministre des finances.

4.3.3 Le fonctionnement de l’exécutif

53. L’objectif poursuivi dans cette partie du rapport était de déterminer si l’exécutif fonctionne de manière collégiale ou individuelle. La simplicité de cette problématique n’est qu’apparente comme les réponses parfois difficiles à interpréter qui ont été données par les experts en témoignent. Les Etats se divisent à cet égard en deux groupes à peu près égaux :

· L’organe exécutif est collégial en Belgique, en Islande, en Norvège, en République tchèque sauf dans les communes où l’assemblée compte moins de 15 membres, en Autriche, en Estonie, en Finlande, en Italie, au Luxembourg, aux Pays-Bas et au Portugal. Les décisions sont théoriquement prises suite à un vote, sauf en Suède où l’organe délibère par consensus (et où il est arrivé que 4 membres sur 7 ( !) émettent une opinion dissidente) ;
· L’organe exécutif est considéré comme individuel et présenté comme formé uniquement d’un maire à Chypre, en Croatie, en Espagne, en France, en Hongrie, en Lettonie, en Lituanie, en Macédoine, en Roumanie, en Albanie et en Turquie et d’un manager en Irlande qui constitue à cet égard un cas particulier.

54. La situation est plus complexe que la dichotomie individuel / collégial le laisse présumer. On relèvera en effet que l’existence d’adjoints au chef de l’exécutif (comme c’est par exemple le cas en France avec le maire) n’empêche pas que l’organe exécutif soit considéré comme individuel. C’est que la qualification de l’organe exécutif est également fonction du mode de désignation des membres de l’exécutif entourant le chef, ainsi que du mode de dévolution des compétences au sein même de l’organe exécutif. Ainsi, il est évident qu’un système dans lequel les adjoints sont désignés par le chef de l’exécutif et/ou tiennent leurs compétences d’une délégation que celui-ci leur octroie7, est significatif de la prééminence d’un homme et explique que la dynamique de l’organe exécutif sera celle d’un organe individuel plutôt que collégial. Le vocabulaire désignant les personnes impliquées dans la fonction exécutive peut d’ailleurs constituer une indication, l’emploi du terme « adjoint » indiquant clairement la prééminence du rôle du maire. Il convient également de tenir compte du fait que l’existence d’un organe exécutif véritablement collégial n’empêche pas que son chef puisse également se voir attribuer par des textes légaux des compétences qui lui sont considérées comme propres et qu’il exercera seul, éventuellement dans le cadre d'un dédoublement fonctionnel pour le compte d’une autorité supérieure (supra).

4.3.4 Le mode de désignation de l’exécutif

55. La distinction essentielle à faire à cet égard oppose les systèmes dans lesquels l’exécutif est indirectement élu par l’assemblée locale et ceux dans lesquels il (à tout le moins pour ce qui concerne son chef) est directement élu par la population. Le système de l’élection indirecte du maire qui est le plus traditionnel est utilisé dans onze Etats s’agissant de la République tchèque, du Danemark, l’Espagne8, l’Estonie, la Finlande, la France, la Lettonie, la Lituanie, l’Islande, la Norvège et la Suède.

56. Le second système de l’élection directe du maire par la population qui est en nette expansion depuis les années 1990 est utilisé dans treize Etats : en Allemagne dans la plupart des lander, en Autriche pour ce qui concerne six lander suite à la possibilité offerte par la Constitution depuis 1994, en Albanie, en Bulgarie, en Hongrie, en Italie depuis 1993, en Macédoine, en Slovénie, en Roumanie, en Turquie, en Ukraine ainsi qu’au Royaume-Uni selon les « nouveaux arrangements » ; son introduction fait l’objet de discussions au sein des trois Régions qui composent la Belgique fédérale ainsi qu’en Lituanie. Relevons qu’au Portugal l’ensemble de l’exécutif est élu directement au scrutin proportionnel, le candidat en tête de la liste ayant obtenu le plus de suffrages devenant automatiquement maire. Bien que le système électoral soit normalement aménagé pour fournir à l’exécutif directement élu une majorité (en particulier en Italie et en Turquie), certaines difficultés sont apparues dans quelques Etats pratiquant le système de l’élection directe (notamment en Hongrie et en Macédoine), non pas tellement à cause de l’élection simultanée d’un maire et d’une assemblée d’orientation politique différente (encore que cette situation ne soit pas rare en Allemagne) , mais en raison de la survenance ultérieurement de tensions au sein de la majorité soutenant le maire. Elles ont résolues soit par l’aménagement du système par le législateur (Slovénie où elles ont été résolues par l’attribution de la présidence de l’assemblée au maire élu directement ainsi que Autriche au niveau des lander concernés), soit doivent l’être par la voie de négociation politique (Roumanie où les cas extrêmes peuvent cependant être résolus par la révocation du maire ou la dissolution de l’assemblée locale ainsi que Ukraine où la solution ultime de la révocation du maire est également possible, celui-ci disposant également du pouvoir de provoquer un référendum sur la dissolution avant terme du conseil).

57. Il reste encore un troisième système dans lequel le chef de l’exécutif local est nommé par le pouvoir central. Celui-ci n’est plus utilisé que dans un nombre très limité d’Etats. En Belgique, le bourgmestre est nommé par le Roi (c’est-à-dire le ministre de l’Intérieur), ce qui n’empêche pas que les échevins qui composent avec celui-ci l’exécutif collégial soient élus par le conseil communal en son sein9. Il en va de même aux Pays-Bas. Au Luxembourg, tous les membres de l’exécutif local, en ce compris les échevins, sont nommés respectivement par le Grand-Duc et le ministre de l’Intérieur. Les différentes modalités de la nomination des membres de l’exécutif par le pouvoir central méritent d’être signalées pour la raison qu’elles entrent en ligne de compte pour l’étude des relations entre l’assemblée et l’exécutif (infra) :

· en Belgique, la nomination fait l’objet d’un acte de présentation officiel par les membres du conseil communal, le candidat présenté devant légalement avoir recueilli au moins la signature de la majorité des élus de sa liste et en fait d’une majorité au sein du Conseil communal. La présentation fait l’objet d’un avis du gouverneur de province. Le Roi n’est juridiquement pas lié par cette présentation dont il est cependant tenu compte dans la plupart des cas pour nommer des bourgmestres disposant d’une majorité pour appuyer leur politique. Il peut être amené à s’en écarter si le candidat présenté ne présente pas les aptitudes requises, en particulier sur le plan moral (en pratique, la nomination de personnalités faisant l’objet de poursuites judiciaires est retardée).
· au Luxembourg, la nomination fait l’objet d’une présentation écrite au ministre, mais cette procédure n’est qu’officieuse alors que la nécessité de nommer des bourgmestres appuyés par une majorité se fait d’autant plus sentir que l’exécutif peut faire l’objet d’une motion de censure au sein du conseil communal.
· aux Pays-Bas, la nomination était jusqu’ici précédée par un profil de fonctions établi par l’assemblée municipale et par une recommandation établie à l’adresse de la Reine par le commissaire du gouvernement dans la province. Cette procédure qui fait depuis longtemps l’objet de controverses vient d’être modifiée par une loi du 16 juillet 2001 prévoyant que le conseil doit recommander deux noms au ministre de l’Intérieur et peut décider d’organiser un référendum au sujet de la question de savoir lequel des deux candidats doit être placé en première place ; le conseil doit prendre en compte le résultat si le taux de participation est supérieur à 30% et le ministre de l’Intérieur doit l’accepter sauf dans des cas spéciaux. On relèvera derrière cette procédure en apparence similaire dans ces trois Etats que les Pays-Bas se caractérisent par un système très particulier où le bourgmestre est, plutôt qu’un homme politique, une sorte de haut fonctionnaire indépendant poursuivant une carrière l’amenant à exercer ses fonctions successivement dans plusieurs communes néerlandaises.

58. Il convient de remarquer que le mode de désignation des membres de l’exécutif n’est pas nécessairement identique à celui de son chef. En Espagne, les adjoints sont nommés et révoqués par le maire alors que celui-ci est désigné par l’assemblée. Il s’agit sans aucun doute là d’autant d’éléments complémentaires au mode de désignation du chef de l’exécutif qu’il convient de prendre en compte dès lorsqu’il s’agit d’évaluer la nature plutôt parlementaire ou plutôt présidentielle des différentes formes de démocratie locale au sein des Etats membres du Conseil de l’Europe.

4.4 Les relations entre l’assemblée et l’exécutif

4.4.1 La répartition des compétences entre l’assemblée et l’exécutif

59. Il ne semble guère exister de principes explicites présidant à la répartition des compétences qui fait souvent l’objet d’une double énumération, certaines matières étant attribuées à l’assemblée, tandis que d’autres le sont à l’exécutif. Si l’assemblée est généralement chargée de faire les règlements et l’exécutif de les mettre en œuvre en prenant les décisions individuelles qui s’imposent, il existe des exceptions à ce principe (Chypre), en particulier pour ce qui est de la gestion du personnel (Malte, Belgique) ou du patrimoine immobilier (Lituanie) qui constituent des matières dans lesquelles certaines décisions individuelles de peuvent revenir à l’assemblée.

60. L’idée de base est que l’assemblée représentative étant l’organe suprême de la collectivité locale, elle est naturellement appelée à traiter des questions les plus importantes, comme, de toute évidence, les questions budgétaires10 ou fiscales. Il arrive également dans certains Etats que toute question qui n’est pas explicitement attribuée à un organe relève par défaut de l’assemblée au titre des compétences résiduelles, l’exécutif ne disposant que de compétences attribuées (c’est notamment le cas en Belgique, en France, en Grèce, au Luxembourg, aux Pays-Bas, en Estonie depuis un amendement à la loi sur les pouvoirs locaux adopté en 1999 ainsi que dans les pays nordiques connaissant un système moniste basé sur la prédominance de l’assemblée).

4.4.2 La prédominance de l’exécutif par rapport à l’assemblée

61. Le constat selon lequel l’exécutif domine l’assemblée semble être assez général. Compréhensible dans le cadre des régimes à tendance présidentielle où l’élection directe confère logiquement à l’exécutif une autonomie constituant un objectif affiché, cette réalité s’inscrit par contre en contradiction avec la théorie à la base des systèmes de nature parlementaire ou de tendance moniste. Si la prédominance de l’exécutif apparaît dans ces derniers cas comme une conséquence difficilement évitable, au niveau local aussi bien qu’au niveau central, du mode de relations qui se nouent entre un organe représentatif et un organe exécutif, certaines causes spécifiques comme l’inefficacité (France) ou l’inexistence (Turquie) des moyens de contrôle dont dispose l’assemblée, la brièveté des mandats des membres de l’assemblée qui n’est élue que pour trois années dans le cas de l’Estonie, l’absence de traditions démocratiques (Albanie) ou encore les particularités du système du city manager (Irlande) sont avancées pour expliquer cette situation.

62. Un débat sur le rééquilibrage du système au profit de l’assemblée existe dans certains Etats sans cependant que le rôle dominant de l’exécutif soit véritablement remis en cause. C’est le cas en Espagne depuis 1997 avec les réformes engagées dans le cadre du « pacte local », aux Pays-Bas dans le cadre des réformes en cours d’examen suite à l’important rapport « Dualisme en lokale democratie » d’une commission d’experts ayant débouché sur une nouvelle loi sur le dualisme du gouvernement local entrée en vigueur le 7 mars 2002, au Royaume-Uni suite au white paper « Local Leadership : local choice » ainsi qu’en Irlande à propos de laquelle on peut cependant se demander s’il sera possible de changer le système du city manager profondément ancré dans les habitudes du pays.

Plusieurs pistes sont envisageables. On peut tout d’abord poser la question de savoir si l’assemblée ne peut pas être déchargée de certaines tâches de gestion dans le but de lui permettre de se concentrer sur ses fonctions de contrôle. L’utilisation par l’assemblée de délégations en faveur de l’exécutif constitue à cet égard un paramètre intéressant. Les Etats se partagent à cet égard en deux groupes : d’un coté ceux où les délégations de compétences sont interdites (Chypre, Grèce, Italie, Lettonie, Luxembourg, Malte, Portugal, Roumanie, Slovénie, Ukraine), de l’autre ceux dans lesquels elles sont autorisées (Croatie, Espagne pour toutes les compétences pour lesquelles ce n’est pas interdit expressément par la loi, Estonie, Lituanie, Turquie) et même fréquemment utilisées (France, Espagne en matière de marchés publics et de personnel, Hongrie, Pays-Bas) dans l’objectif de décharger l’assemblée de tâches trop lourdes et d’accroître l’effectivité de la gestion locale, sachant cependant que certaines compétences fondamentales (budget, fiscalité) ne peuvent jamais faire l’objet d’une délégation. On peut ensuite tenter de favoriser le contrôle effectif de l’exécutif par l’assemblée. Les Etats dans lesquels l’exécutif local doit présenter un programme politique au début de son mandat sont rares. C’est le cas en Belgique pour ce qui concerne uniquement les provinces, en France pour ce qui concerne uniquement les régions, en Italie, en Albanie au niveau communal, au Luxembourg ainsi qu’aux Pays-Bas s’agissant cependant dans ce dernier Etat d’une simple pratique. Il arrive également que l’exécutif doive faire rapport dans certaines occasions particulières (France, Portugal, Roumanie, Turquie au début de l’année pour ce qui concerne l’année écoulée et où ce rapport politiquement important fait l’objet d’un vote, Ukraine), notamment au moment de l’adoption du budget (en Belgique pour ce qui concerne les communes, en Finlande et en Suède).

4.4.3 La problématique de la responsabilité de l’organe exécutif devant l’assemblée

63. La quasi totalité des experts ont considéré que l’exécutif local est dans leur système responsable devant l’assemblée locale. Pour répondre positivement à la question posée à ce sujet, ils se sont en général fondés sur l’obligation imposée à l’exécutif d’informer l’assemblée ou de répondre aux questions posées par ses membres (Lettonie, Pays-Bas) ainsi que, bien évidemment, sur le pouvoir reconnu à l’assemblée de démettre l’exécutif selon des modalités sur lesquelles nous reviendrons (infra) ou encore la possibilité pour l’assemblée de remplacer le maire si celui-ci manque gravement ou de manière répétée aux obligations que lui impose la loi sur le gouvernement local (sachant que, dans certains Etats comme le Danemark, cette décision doit avant d’entrer en vigueur être confirmée d’abord par le ministre de l’Intérieur, ensuite par un juge).

64. Seuls quelques experts ont considéré que l’exécutif n’était pas responsable devant l’assemblée (Chypre, Grèce), en faisant valoir que l’obligation de l’exécutif d’informer l’assemblée ou de répondre aux questions de ses membres était trop limitée pour fonder formellement une véritable responsabilité au sens parlementaire du terme (Belgique, France). D’autres experts émettent un avis différent pour leur pays, mais il semble bien que ce soit l’ambiguïté de la notion même de responsabilité qui soit en cause. Ces différences préfigurent les difficultés d’interprétation de l’article 3.2 de la Charte que nous tenterons de résoudre dans la dernière partie de ce rapport. L’ « irresponsabilité » de l’exécutif est expliquée soit par l’idée que la politisation est peu propice à une bonne gestion administrative (Belgique), soit par la conception traditionnelle que les collectivités locales sont des organes administratifs et non politiques (France). Les situations de blocage qui peuvent survenir entre l’exécutif et l’assemblée sont résolues par le pouvoir central qui peut intervenir soit en dissolvant l’assemblée, soit en révoquant l’exécutif dans les cas limités où son comportement peut justifier une telle sanction (France, Roumanie).

4.4.4 La mise en œuvre de la responsabilité de l’exécutif devant l’assemblée

65. Le vote d’une motion de méfiance ne requiert en général que la majorité des membres de l’assemblée (Croatie, Estonie, Finlande, Lituanie), sauf en Autriche où la majorité requise est des 2/3 ; au Luxembourg où le système a été introduit en 1988, la motion ne peut être adoptée qu’après un rejet du budget par l’assemblée. Alors qu’on pouvait s’attendre à ce que le souci de continuité de la gestion soit pris en considération dans le cas d’organes traditionnellement considérés comme de nature plus administrative que politique, il est surprenant que la motion de censure ne doive pas être constructive, sauf en Espagne11. On relèvera avec intérêt que la responsabilité politique de l’exécutif peut également être engagée dans certains des Etats où il est élu directement par la population :

· le maire peut être démis par une majorité des 2/3 (3/4 dans les villes métropoles) de l’assemblée en Turquie et par une majorité des membres de l’assemblée en Ukraine ;
· dans les lander autrichiens concernés, l’adoption d’une motion de méfiance doit être confirmée par un référendum à la majorité absolue ;
· en Italie, le vote par l’assemblée d’une motion de censure à la majorité absolue entraîne automatiquement la dissolution de l’assemblée et donc l’organisation de nouvelles élections.

5. L’INTERPRETATION DE L’ARTICLE 3.2 DE LA CHARTE EUROPEENNE DE L’AUTONOMIE LOCALE : LA PROBLEMATIQUE DE LA RESPONSABILITE DE L’ORGANE EXECUTIF AU REGARD DE SON MODE DE DESIGNATION

66. L'article 3.2 de la Charte européenne de l'autonomie locale indique que le droit à l’autonomie locale « est exercé par des conseils ou assemblées composés de membres élus au suffrage libre, secret, égalitaire, direct et universel et pouvant disposer d'organes exécutifs responsables devant eux. Cette disposition ne porte pas préjudice au recours aux assemblées de citoyens, au référendum ou à toute autre forme de participation directe des citoyens là où elle est permise par la loi ». Cette disposition qui n’est précisée ou complétée par aucune autre disposition de la Charte, s’avère aussi essentielle que délicate à interpréter pour ce qui est de la question fondamentale de savoir ce que signifie et ce qu’implique précisément l’exigence de responsabilité de l’organe exécutif devant les conseils ou assemblées.

5.1 L'Exécutif doit-il pouvoir être renversé par l’assemblée pour que l’exigence de responsabilité devant celle-ci soit satisfaite ?

67. Toute la question est de savoir quel est le degré de responsabilité nécessaire pour satisfaire aux exigences de la Charte. Faut-il nécessairement que l’exécutif puisse être renversé par l’assemblée pour qu’il soit considéré comme responsable devant elle ? Ainsi qu’on l’a déjà indiqué, la Charte ne fournit à cet égard aucune explication et doit donc être interprétée, ce qui constitue une opération juridique particulièrement délicate dans laquelle plusieurs éléments entrent en ligne de compte.

68. Il y a avant tout le sens usuel de la notion de responsabilité. Celle-ci semble à tout le moins pouvoir recouvrir deux significations différentes. Elle peut d’abord signifier simplement un organe qui doit rendre compte de ses actes. Cette interprétation trouve un appui dans le rapport explicatif de la Charte qui emploie apparemment le mot « subordonné » en lieu et place de responsable12. En ce sens, un organe exécutif serait responsable devant l’assemblée dans la mesure où il est soumis à ses décisions et doit justifier devant elle la manière dont il remplit sa tâche. Entendue de cette manière, la notion de responsabilité est proche de la notion anglo-saxonne d'« accountability ». Il apparaît cependant que cette obligation de rendre des comptes n’acquiert sa véritable signification que si l’exécutif peut être renversé par l’assemblée au cas où il n’accomplirait pas sa mission de la manière que celle-ci souhaite. Cette forme de responsabilité politique recouvre précisément le second sens possible de la notion. Elle s’entend par référence aux exigences traditionnelles du régime parlementaire. Cette seconde interprétation correspond au sens commun de la notion juridique de responsabilité en droit public pour ce qui concerne l’organisation des pouvoirs. Certains lui opposeront l’idée qu’il est peu vraisemblable que les auteurs de la Charte locale aient employé ce terme dans un sens aussi exigeant pour la raison qu’une telle responsabilité des exécutifs locaux ne correspond pas au niveau local à la tradition propre au droit administratif, ce à quoi d’autres rétorqueront qu’une telle conception est dépassée, la Charte européenne de l’autonomie locale et le Congrès des Pouvoirs Locaux et Régionaux du Conseil de l’Europe concevant indubitablement les collectivités locales comme des organes politiques.

69. On ne peut manquer de relever qu’aucun Etat n’a jusqu’ici jugé nécessaire de formuler une réserve à propos de l’exigence de responsabilité formulée à l’article 3.2 à l’occasion de la ratification de la Charte, ce qui laisse présumer que leur système juridique semble, à tout le moins à leurs yeux, conforme à cette disposition. La législation des Etats ayant ratifié la Charte et son évolution éventuelle pour ce qui concerne les relations entre l’assemblée et l’exécutif au niveau local constituent effectivement des éléments d’interprétation de l’article 3.2, sachant qu’on imagine mal que la notion de responsabilité recouvre un sens différent selon les Etats dans lesquels cette disposition est appliquée pour la raison qu’un tel système ne serait guère cohérent. Ajoutons encore qu’on ne peut à cet égard pas tenir compte des règles permettant de démettre le maire ou le membre d’un organe exécutif en raison d'une conduite illégale ou contraire aux bonnes moeurs qui constituent des formes de contrôle de tutelle sur les personnes ne pouvant être mises en œuvre que dans des cas particuliers ou des circonstances assez exceptionnelles (Danemark, Bulgarie) et ne permettant pas, en raison de leur portée limitée, de considérer qu’il serait ainsi véritablement satisfait à l’exigence de responsabilité. Dès lors que l’on laisse de coté aussi bien les Etats n’ayant pas encore ratifié la Charte13 que ceux dans lesquels l’exécutif est directement élu par la population pour les raisons que nous indiquerons (infra), le groupe de ceux qui ne connaissent pas de possibilité de renversement de l’exécutif par l’assemblée se limite aujourd’hui, d’après les rapports qui ont été préparés par les membres du groupe d’experts, à Chypre, la Bulgarie, le Danemark, la Norvège, les Pays-Bas et le Royaume-Uni, soit 6 Etats sur les 34 ayant ratifié la Charte. On peut être tenté d’ajouter à propos du Danemark, de la Norvège et du Royaume-Uni que la question de la responsabilité ne se pose pas véritablement dans le cas de ces démocraties locales basées sur le régime d’assemblée pour la raison précise que l’exécutif ne se distinguerait pas véritablement de l’assemblée, même si l’argument paraîtra quelque peu formel à ceux considérant qu’il existe au fond dans ces cas autant d’organes exécutifs que de comités spécialisés (supra). On relèvera cependant avec intérêt que le Royaume-Uni et la Norvège illustrent, au travers des cas expérimentaux de quelques collectivités locales, l’amorce d’une tendance à la constitution d’exécutifs organiquement séparés de l’assemblée se caractérisant précisément par une responsabilité politique accrue devant celle-ci .

70. L’évolution des législations étatiques semble ainsi pencher en faveur de la seconde interprétation de la notion de responsabilité impliquant la possibilité pour l’assemblée de démettre, dans le respect des modalités éventuellement prévues par les textes, l’organe exécutif de ses fonctions. Cette exigence paraîtra logiquement d’autant plus forte dans les cas où l’exécutif local n’a pas été élu par l’assemblée locale, mais bien nommé par le pouvoir central. Au premier abord, ce type de désignation paraît en effet difficilement compatible avec l’autonomie locale qui tire sa substance de l’élection des représentants par la population de la collectivité locale, ce qui constitue précisément l’élément empêchant la formation de tout lien hiérarchique entre ceux-ci et le pouvoir central. On retiendra pour autant que la nomination par le pouvoir central ne peut en soi être considérée comme contraire à la Charte dès lors que le statut légal de l’organe exécutif lui assure le degré d’autonomie requis par celle-ci14.

71. Le Conseil de l’Europe s’est lui-même déjà engagé dans la voie consistant à considérer qu’un organe exécutif doit pouvoir être révoqué pour être véritablement considéré comme responsable devant l’assemblée locale. Selon l’article 2, §1er de l’annexe à la Résolution statutaire (2000)1 intitulée Charte du Congrès des Pouvoirs Locaux et Régionaux du Conseil de l’Europe, « Sauf exception prévue par une disposition transitoire de la présente Charte, le C.P.L.R.E. est composé de représentants devant être choisis parmi les personnes disposant d’un mandat électif au sein des collectivités locales ou régionales ». Or, une disposition transitoire a effectivement été adoptée en vue de préciser que « En exception à l’article 2, §1er, les personnes non élues disposant d’un mandat de responsable devant un organe local ou régional élu pourront être représentantes au Congrès, à condition qu’elles puissent être révoquées individuellement par, ou à la suite d’une décision de cet organe directement élu, et que ce pouvoir de révocation soit prévu dans le droit ». Sans aucun doute une telle disposition qui vient d’être adoptée par le Comité des ministres le 15 mars 2000 mérite-elle d’être prise en considération pour dégager l’interprétation actuelle à donner de l’article 3.2 de la Charte européenne de l’autonomie locale. Si le Congrès des pouvoirs locaux s’engageait dans cette voie, il ne ferait que s’inscrire dans le sillage du Comité des Régions de l’Union européenne qui a proposé et obtenu en 2001 que l’article 263 du Traité instituant la Communauté européenne qui indiquait simplement que le Comité des Régions est composé de représentants des collectivités locales et régionales soit modifié par le Traité de Nice afin de préciser que les représentants des collectivités locales et régionales doivent soit être titulaires d’un mandat électoral, soit être politiquement responsables devant une assemblée élue pour pouvoir siéger en son sein.

5.2 La liberté de principe quant à l’organisation de l’organe exécutif

72. Selon la Charte, il apparaît que le législateur national ou éventuellement la collectivité locale elle-même sont libres d'organiser l’organe exécutif à leur manière. Ainsi que nous l’avons vu, ils peuvent décider par principe de ne pas disposer d’organe exécutif et s'ils décident d’en créer un, ce qui est le cas dans l’immense majorité des collectivités locales, ils jouissent d'un vaste éventail d'options, quitte même à éclater la fonction exécutive entre plusieurs comités dans le cadre de ce que nous avons appelé un régime d’assemblée. Cette liberté de choix correspond à la diversité des systèmes d’organisation de l’exécutif existant dans les différents Etats membres du Conseil de l’Europe et qui a été synthétisée dans le présent rapport. Ainsi, la fonction exécutive peut- elle être confiée, avec des prérogatives plus ou moins étendues, à un maire ou à un organe collégial ou encore la gestion des affaires de la municipalité peut-elle relever d'une administration soumise à un haut fonctionnaire apolitique.

73. Contrairement à ce qui est précisé au sujet des conseils ou assemblées dont les membres doivent être élus au suffrage direct, la désignation des organes exécutifs est totalement passée sous silence par l’article 3.2 de la Charte, Il en résulte logiquement que l'exigence de responsabilité figurant à l’article 3.2 de la Charte ne peut pas être interprétée de manière telle qu’on en viendrait soit à prohiber, soit à imposer certains modes de désignation de l’organe exécutif. C’est que la Charte est en principe indifférente au procédé de désignation de l’exécutif. Comme nous allons le voir en passant en revue les différents cas de figure rencontrés dans les Etats membres du Conseil de l’Europe, il n’existe pas de lien nécessaire et univoque entre les différents modes de désignation et l’exigence de responsabilité devant l’assemblée. La seule limitation à cette liberté d'organisation figure à l'article 3.2 de la Charte locale et concerne l’agencement des relations entre l’assemblée et l’exécutif : dans la mesure où un organe exécutif est établi, il doit être organisé de manière à ce qu'il soit responsable devant l’assemblée de la manière que nous venons d’indiquer

74. Il en va tout d’abord ainsi pour ce qui concerne le procédé de la nomination par le pouvoir central. Si, dans le silence des textes, un organe exécutif nommé par le pouvoir central, ne pourra en principe pas être révoqué par l’assemblée locale en vertu du principe du parallélisme des procédures, il n’en va pas forcément ainsi. Un texte peut en effet prévoir qu’un organe nommé par le pouvoir central pourra être renversé par l’assemblée. On prendra pour exemple d’une telle situation celle du collège des bourgmestres et échevins au Luxembourg depuis la révision de la loi communale intervenue en 1988. Un organe exécutif nommé par le pouvoir central et ne pouvant pas être démis par l’assemblée ne répond pas aux exigences de la Charte non seulement pour ce qui concerne l’exigence de responsabilité devant l’assemblée mais plus généralement au regard de l’existence de collectivités locales « dotées d'organes de décision démocratiquement constitués » selon les termes du préambule de la Charte européenne de l’autonomie locale.

75. Il en va également ainsi pour ce qui concerne l’idée que l’exécutif devrait être élu par l’assemblée ou éventuellement la population. L’élection par l’assemblée ne garantit pas que l’exécutif pourra ensuite être révoqué par celle-ci. Le mode de nomination d’un organe n’entraîne en effet pas forcément des conséquences déterminantes pour son statut. On connaît par exemple dans divers Etats membres du Conseil de l’Europe des organes qui sont, d’un point de vue juridique, totalement indépendants du pouvoir qui les nomme et qui sont d’ailleurs pour cette raison appelés « autorités administratives indépendantes ». Tout dépend d’abord du contenu des normes régissant le statut des organes concernés et ensuite de l’environnement juridique dans lequel ils s’insèrent en cas de silence des textes. On prendra précisément pour exemple d’une telle situation le fait que le silence des textes sur la possibilité de révocation de l’exécutif par l’assemblée qui l’élit, est en général interprété comme ne permettant pas cette révocation pour la raison que les collectivités locales sont traditionnellement appréhendées, ainsi que nous l’avons déjà souligné, comme des organes administratifs au sein desquels l’idée de responsabilité politique cède le pas devant les impératifs de continuité de la gestion administrative.

76. Il n’en va pas différemment pour ce qui concerne les cas dans lesquels l’exécutif est directement élu par la population. Au premier abord, on peut penser que ce mode de nomination pose problème au regard de l’exigence de responsabilité devant l’assemblée. Peut-on en effet concevoir qu’un exécutif directement élu par la population puisse être ensuite démis par une assemblée ? Aussi curieux que cela puisse paraître, de telles situations se rencontrent dans la pratique et nous en avons donné quelques exemples (supra). On relèvera cependant que certaines modalités particulières sont prévues pour préserver la cohérence du système, comme la nécessité de confirmer la décision de révocation de l’assemblée par un référendum en Autriche ou encore la dissolution automatique de l’assemblée prenant une telle décision et donc la convocation des électeurs pour arbitrer ce différend entre deux organes directement élus en Italie. Il reste que le système de l’élection directe de l’exécutif par la population satisfait aux exigences de la Charte locale, même si cet organe ne peut pas être renversé par l’assemblée. Sans qu’il soit besoin de gloser sur la question de savoir si cette exigence doit par nature être écartée dans le cas des organes directement élus, une réponse est nous semble-t-il fournie par la seconde phrase de l'article 3.2 de la Charte qui précise explicitement que les dispositions de la première phrase -et donc l’exigence de responsabilité qu’elle contient- « ne portent pas préjudice au recours à des assemblées de citoyens, au référendum ou à toute autre forme de participation directe des citoyens là où elle est permise par la loi. ». On peut certes faire observer que les interventions de la population évoquées couvrent uniquement des formes de démocratie directe ; l’élément significatif est cependant qu’une décision prise par la population permet d’écarter l’exigence de responsabilité devant l’assemblée ; or, l’élection directe de l’exécutif constitue bien une décision prise par la population qui peut nous semble-t-il être considérée comme une forme de participation directe à la gestion des affaires de la collectivité locale. En réalité, outre que la Charte est plus que laconique pour ce qui concerne les organes des collectivités locales15, son texte a vieilli et se trouve sur ce point dépassé par les événements ; les auteurs de l’article 3.2 n’ont, au moment de la signature de la Charte en 1985, vraisemblablement pas songé en posant l’exigence de la responsabilité de l’organe exécutif devant l’assemblée, aux cas où celui-ci est directement élu pour la raison que ce mode de désignation était à l’époque peu usité et que rien ne laissait prévoir l’engouement qu’il suscite ces dernières années. Dans ces cas, la question de la responsabilité de l’exécutif se pose moins en termes de possibilité pour l’assemblée de le démettre qu’en termes de moyens de contrôler effectivement son action de manière à ce qu’il soit toujours satisfait aux exigences de l’article 3.2 qui, il convient de ne pas l’oublier, investit prioritairement les conseils ou les assemblées de l’exercice du droit à l’autonomie locale. Ainsi, un système dans lequel l’organe exécutif, quand bien même il est directement élu par la population, concentrerait l’essentiel des attributions, pourrait-il être considéré comme contraire à l’article 3.2 de la Charte16.

1 Cette difficulté soulignée par l’expert allemand qui n’apparaît pas toujours aux yeux des représentants des Etats unitaires est souvent sous-estimée.

2 Il apparaît par ailleurs que la démarcation entre la consultation populaire et les procédures d’enquête publique n’est pas toujours claire.

3 Sauf dans trois « länder » qui ne prévoient que le recours à la consultation populaire.

4 Soit que celles-ci n’ont pas été mentionnées par les experts, soit qu’elles ne sont pas disponibles faute de collectes organisées.

5 Sauf dans le cadre de la procédure de désignation des bourgmestres dans le cadre de laquelle un référendum peut être organisé ; il est envisagé de modifier la Constitution pour introduire le référendum en 2005.

6 Une organisation de type moniste se traduit également par le fait que l’assemblée détient toutes les compétences locales qui ne sont pas explicitement attribuées à l’organe exécutif.

7 L’expert français précise ainsi que les assemblées locales chargées d’élire les adjoints n’ont pas d’influence sur l’étendue des délégations que le maire leur accorder.

8 Sauf dans les communes de moins de 100 habitants où il peut être directement élu par les habitants, le maire est élu à la majorité absolue par l’assemblée parmi les têtes de liste des partis politiques ; à défaut de majorité absolue, le conseiller qui est à la tête de la liste qui a obtenu le plus grand nombre de voix est proclamé maire.

9 Il en va de même avec le gouverneur qui est cependant le représentant du pouvoir central dans la province alors que le bourgmestre est avant tout un organe communal.

10 On relèvera à cet égard le problème relevé par l’expert ukrainien qui signale que les décisions de l’assemblée sont très générales, même en matière financière où le budget n’est pas détaillé et peut tenir en seulement deux ou trois pages.

11 où le maire peut également poser la question de confiance à l’assemblée au moment de l’adoption de certains actes importants.

12 Selon le rapport explicatif « ce droit (à l’autonomie locale) implique normalement l’existence d’une assemblée représentative avec ou sans organes exécutifs subordonnés,… ».

13 Il paraît logique d’écarter de l’examen dont question les Etats n’ayant que signé la Charte, de même que tous ceux qui ne l’ont même pas signée, pour la raison qu’ils ne se sont pas engagés à respecter ses principes sur le plan juridique et qu’on peut dès lors difficilement prétendre tirer de leur système juridique des conclusions quant à l’interprétation de son texte.

14 C’est-à-dire que cet organe ne peut pas être considéré comme étant le représentant de l’autorité supérieure avant d’être celui de la collectivité locale et qu’il doit échapper au pouvoir hiérarchique de celle-ci pour ne subir dans son action que le contrôle limité autorisé par l’article 8 de la Charte.

15 L’article 3 qui est le seul à en traiter est d’ailleurs intitulé fort généralement « Concept de l’autonomie locale ».

16 Afin de mieux cerner cette problématique nouvelle débouchant sur la question de l’équilibre à trouver entre les organes des collectivités locales en cas d’élection directe de l’exécutif par la population, il paraît opportun de proposer l’organisation d’une conférence européenne au cours de laquelle des élus et experts provenant des divers Etats ayant récemment opté pour ce système auraient l’occasion de rendre compte précisément de leur expérience en vue d’expliciter de manière détaillée les conséquences tant en droit qu’en fait de ce type de réforme et de souligner ses avantages et ses inconvénients par rapport au système classique de désignation de l’exécutif par l’assemblée.