SESSION DE PRINTEMPS

COMMISSION PERMANENTE

Strasbourg, le 1 mars 2006 CPR (12) 5 PART 2

Les produits du terroir face à la mondialisation 12

Rapporteur : Susan BOLAM (Royaume-Uni)
Chambre des régions, Groupe du Parti populaire européen (PPE/DC)

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EXPOSE DES MOTIFS

1. Introduction

La Commission « Culture et Education » de la Chambre des Régions, avait pris, lors de sa réunion du 15 octobre 2003, la décision, confirmée le 30 septembre 2004 à Saratov, de rédiger, après la tenue à Milan les 12 et 13 novembre 2004 de la Conférence sur la promotion des produits du terroir face à la mondialisation : éduquer le palais, un rapport sur les produits du terroir face à la mondialisation ; ce document tiendrait compte des discussions et des conclusions de ladite conférence, ainsi que de celles du Colloque sur les produits du terroir à l’heure de la mondialisation, organisé à Versailles le 6 juin 2003, où la Commission avait aussi été représentée. M. Luciano VALAGUZZA (Italie, R. NI) a été nommé rapporteur à cet effet.

M. David Lienas Toro, directeur général du « groupe Pòsit », a également apporté sa contribution au rapport. Par ailleurs, le mandat de M. Valaguzza arrivant à échéance avant la présentation du rapport à la Commission, il a été convenu, à la réunion à Strasbourg du 7 avril 2005, de nommer Mme Sue BOLAM (Royaume Uni, R, PPE/DC) comme co-rapporteur.

Les territoires et terroirs doivent tous, depuis toujours, la spécificité de leurs productions et partant leurs spécialités aux ressources disponibles, à la topographie locale et au climat. Au cours du 20e siècle, et, par suite de la mondialisation, bon nombre d’aliments de ce type allaient être produits à grande échelle. La normalisation des techniques de production et la production en série, fondée sur l’utilisation de nouvelles techniques et de méthodes industrielles, ont permis d’améliorer la rentabilité. Et d’obtenir ainsi un produit de qualité, mais un produit uniforme, dépourvu de caractère. Ce qui faisait toute la différence d’un produit par rapport à un autre a disparu.

Les produits du terroir sont ceux qui continuent d’être élaborés par les techniques traditionnelles en usage depuis des siècles. Les producteurs tiennent compte, à l’évidence, des avancées technologiques et les appliquent au processus de production, mais veillent néanmoins à ce que le produit en question soit essentiellement obtenu par des méthodes traditionnelles.

Un produit régional possède une identité qui lui est propre. C’est le cas, par exemple, d’un légume produit dans une région donnée, introuvable ailleurs, parce que seule la région en question offre les conditions pédologiques et climatiques idéales pour le faire pousser. Dans la catégorie des « produits régionaux » entrent également ceux uniques en leur genre et élaborés dans une région donnée qui sont issus de la transformation d’un ou plusieurs aliments (par exemple, le fromage).

Les produits alimentaires traditionnels ne se distinguent pas de ceux fabriqués en série par leur plus grande attractivité ou par l’échelle de leur production, mais par le fait qu’ils contribuent à la conservation d’une identité culturelle, d’un style de vie associé aux produits régionaux, et de coutumes et traditions dont procèdent la richesse et la diversité de notre culture.

2. Le contrôle sanitaire des produits alimentaires

Depuis quelques dizaines d’années, on constate que la population se préoccupe de plus en plus de la qualité et de la sécurité de son alimentation. Certains événements, comme les récents cas de grippe aviaire, la crise de l’ESB (maladie de la « vache folle ») ou la contamination de produits alimentaires par les dioxines ont eu un grand impact dans tous les pays européens et ont ajouté à ce sentiment d'inquiétude. Les consommateurs exigent aujourd’hui des produits de plus grande qualité, conformes aux normes d’hygiène les plus strictes. Ils recherchent désormais des produits authentiques et aiment à retrouver les saveurs de leur enfance. C’est la raison pour laquelle ils apprécient les produits qui stimulent les papilles. Ils veulent cependant avoir la certitude que les aliments qu’ils mangent sont sains ou, du moins, connaître leurs éventuelles incidences sur la santé.

Du fait de la disparition des frontières dans l’UE, il est évident qu’un problème sanitaire survenant dans l’un des pays de ce vaste marché commun peut dorénavant se propager rapidement aux autres.

C’est pourquoi l’UE a pris des mesures en vue de contrôler toutes les phases de la production alimentaire et de s’assurer que tous les produits alimentaires sont fabriqués dans les meilleures conditions d’hygiène possibles.

L’Office alimentaire et vétérinaire (OAV), dont le siège est à Dublin, est chargé de veiller au respect des normes de sécurité et de qualité durant le processus d’élaboration de tous les types de produits alimentaires, du champ du producteur à la table du consommateur, ce qui lui permet de contrôler la fabrication dans son ensemble.

Toutefois, il ne suffit pas de vérifier le respect des normes de sécurité alimentaire pour améliorer la qualité des produits. Il existe également, au sein de l’UE, un programme actif de recherche-développement qui finance des projets de recherche visant à améliorer la valeur nutritionnelle de l’alimentation et ses bienfaits pour la santé, ainsi qu’à faire connaître les qualités objectives des produits traditionnels.

La recherche dans le domaine de l’alimentation contribue à améliorer la santé et le bien-être des consommateurs européens. L’Europe agit maintenant de différentes manières pour protéger sa population : les autorités européennes contrôlent les produits importés et appliquent des règles rigoureuses s’agissant d’autoriser ceux-ci à pénétrer dans son espace. En outre, elles remontent à l’origine des produits importés et pratiquent des contrôles stricts aux frontières européennes pour empêcher l’entrée de produits d’origine incertaine ou provenant de pays où le contrôle sanitaire des produits alimentaires laisse à désirer. Il va sans dire que toutes les denrées alimentaires soupçonnées d’être contaminées sont retournées à l'exportateur.

Les autorités européennes se préoccupent à présent des pesticides utilisés dans l’agriculture et d’autres produits servant à obtenir des végétaux plus gros et de même forme. Ces produits, qui ont commencé à être utilisés durant la période d’après-guerre suite à l'invention du DDT par P. Müller, ont déjà tué non seulement des insectes, mais aussi des êtres humains. Du fait de leur évaporation et de leur mode d’épandage, ils peuvent contaminer l’eau, le sol, et l’atmosphère. Ils peuvent aussi polluer les denrées alimentaires, car ils ont une très faible capacité de biodégradation. En ce sens, il nous faut souligner que les pesticides peuvent se transmettre tout au long de la chaîne alimentaire. Par conséquent, on peut les trouver en faibles quantités dans les végétaux, mais en plus grandes quantités chez les animaux, notamment ceux qui, comme l’homme, se nourrissent d’autres animaux.

Au lieu d’utiliser des pesticides chimiques, d’aucuns sont passés à l’agriculture biologique, qui fait appel à d’autres techniques de contrôle bio-environnemental telles que les pesticides biologiques, la biotechnologie, la stérilisation chimique et la destruction des insectes nuisibles par radiation.

L’autre grand problème apparu ces dernières années est lié aux animaux. L’ESB en est le principal exemple, mais il existe malheureusement de nombreuses autres maladies analogues. Si l’origine de la grippe aviaire est encore mal définie, il a été démontré en revanche que la maladie dite « de la vache folle » était due au changement de régime alimentaire des animaux, et en l’occurrence, au passage à une nourriture à base non végétale pour les vaches (et d’autres animaux d’élevage). Aujourd’hui, de meilleures normes sont en place pour prévenir la réapparition de maladies de type ESB.

En tout état de cause, les autorités européennes doivent rester vigilantes, étant donné le risque d’apparition de maladies liées aux aliments, dont certaines peuvent toucher l’Europe, en dépit de contrôles rigoureux aux frontières. C’est ce qui est arrivé avec la grippe aviaire, causée par les oiseaux migrateurs qui traversent l’Europe pour rejoindre les régions plus chaudes.

3. Qualité ou quantité ?

Le contrôle sanitaire doit être instauré dès le début de la chaîne de production, c’est-à-dire dans les élevages, les champs et les ports. Au travers de politiques comme la PAC (Politique agricole commune), l’UE a, ces dernières années, encouragé les producteurs à améliorer la qualité de leurs produits.

A l’origine, les politiques européennes visaient à inciter à la production. La politique agricole commune, par exemple, était axée sur le maintien des prix et les agriculteurs étaient assurés de tirer un certain niveau de revenu de la vente de leurs produits. Dans ces conditions, ils ont eu tendance à produire le plus possible afin de maximiser ce revenu. Les surplus agricoles ont alors inondé le marché et fait chuter les prix. Parallélement, la production de masse s’est traduite par une perte de saveur des aliments.

Au Salon international de l’alimentation et des boissons de Barcelone, M. Franz Fischler, Commissaire européen chargé de l’agriculture, de la pêche et du développement rural a souligné que la qualité de l’alimentation était l’un des principaux moyens de protéger le consommateur et de garantir la sécurité de l’alimentation. Il a mentionné en particulier les produits traditionnels de l’UE, de même que l’accroissement de la demande de produits de ce type, obtenus par des méthodes traditionnelles.

Aujourd’hui, l’Europe propose des mesures incitatives aux agriculteurs qui accordent davantage d’importance à la qualité qu’à la quantité : les surplus ne sont plus rachetés et les prix ne sont plus maintenus. En outre, les agriculteurs reçoivent davantage d’aides financières s’ils ne dépassent pas certains quotas. De cette manière, les producteurs s’adaptent au marché et cherchent à répondre à la nouvelle demande des consommateurs, qui privilégient dorénavant la qualité, la variété et, surtout, l’authenticité des produits. D’où l’augmentation de la demande de produits régionaux : ils sont généralement identifiables parce qu’ils répondent à des normes de qualité très élevées, parce qu’ils sont uniques et se distinguent par une grande diversité. Si l’on prend l’exemple du vin, il s’agit dans la plupart des cas, d’un produit propre à une région donnée, dont il existe toutefois de nombreuses sortes. Mentionnons le cas du Tokay hongrois ou du Riesling, produits tous deux en Allemagne et en Alsace et copiés dans le monde entier.

Beaucoup de pays européens ont par ailleurs lancé une série de mesures en vue d’obtenir une alimentation animale plus satisfaisante, garantissant ainsi un renforcement des contrôles sanitaires et des produits de qualité supérieure.

Ces mesures ont amélioré (ou à tout le moins maintenu) le revenu de l’agriculteur : les consommateurs sont en effet disposés à payer plus pour des produits de meilleure qualité. Les plans de développement rural en Europe ont également des répercussions sur le niveau de vie des agriculteurs et des éleveurs : ils reçoivent des aides financières pour améliorer la qualité de leurs produits, mais ils bénéficient aussi en parallèle d’aides à la commercialisation, ce qui leur permet d’augmenter leurs marges sur les prix. Des fonds ont par ailleurs été affectés à l’ouverture du marché à certains produits, notamment aux produits régionaux dont la qualité est très appréciée par le consommateur.

S’agissant du goût, les pays européens ont recours à une politique de fiabilité (des produits contrôlés, sûrs) et de diversité : les pays européens ayant chacun ses traditions en la matière, les produits ne sont pas tous fabriqués de la même manière. D’où une multitude de produits portant le même nom, mais fabriqués selon des méthodes différentes. Les pays reconnaissent mutuellement leurs produits, même si les procédés de fabrication diffèrent quelque peu. L’Emmental est à cet égard un excellent exemple : originaire de Suisse, il est aussi produit en France et en Allemagne. Grâce au système d’étiquetage en vigueur dans l’UE, les producteurs français et allemands sont autorisés à le fabriquer, pour autant que l’origine du produit soit clairement indiquée sur l’étiquette. Le consommateur est alors en mesure d’acheter à sa guise l’un ou l’autre produit, en sachant que, bien qu’il s’agisse du même produit, son goût variera, selon qu’il aura été fabriqué en France, en Allemagne ou en Suisse.

L’étiquetage joue donc un rôle clé dans la commercialisation. Il permet au consommateur d’identifier le produit et de le distinguer, s’il s’agit d’un produit unique. L’UE a intensifié ses négociations avec l’Organisation mondiale du commerce en vue de renforcer la protection des produits régionaux de qualité. L’UE a approuvé en 2003 une liste de 41 produits régionaux de qualité, dans le but d’en protéger les appellations.

Cette liste regroupe des produits européens de qualité avérée dont les appellations d’origine ont fait l’objet d’une exploitation abusive, tels que le fromage de Roquefort, le jambon de Parme ou les vins de la Rioja. Afin d’empêcher l’usurpation d’autres indications géographiques, l’UE est en train de négocier avec d’autres pays la création d’un registre multilatéral des indications géographiques et l’extension à d’autres produits de la protection des vins et spiritueux.

Outre les vins et spiritueux, auxquelles s’appliquent des normes de production très strictes qui garantissent l’origine indiquée sur l’étiquette, les viandes, en particulier le bœuf, font également l’objet de contrôles très rigoureux qui ne sont pas uniquement d’ordre sanitaire. Chaque producteur doit respecter une série de critères techniques pour pouvoir prétendre aux subventions de l’Etat et garantir l’authenticité du produit. Il en va de même pour les céréales, les fruits et les légumes, qui ne peuvent être commercialisés que dans le respect de certaines conditions sanitaires, mais aussi de forme et de qualité.

En ce qui concerne les produits régionaux, certains pays européens ont adopté depuis les années 90 des mesures d’aide aux fabricants de produits de qualité. Ces mesures sont prises dans l’intérêt du consommateur, qui bénéficie de produits alimentaires savoureux, dont la forme et la texture satisfaisont à de strictes normes sanitaires. Le but de ces dispositions est de protéger les produits qui proviennent d’une région particulière ou qui sont fabriqués selon des méthodes traditionnelles.

C’est ainsi que trois labels de qualité ont été créés3 :

Il existe de plus une liste de produits européens entrant aussi bien dans la catégorie AOP/IGP 4 que STG5 :

Un autre règlement6 concernant le mode de production biologique des produits agricoles et des denrées alimentaires définit et protège le nom d’un mode de production. Les produits biologiques peuvent aussi être protégés par les appellations AOP, IGP et STG et commercialisés sous ces labels, à condition de répondre aux critères exigés et d’être enregistrés comme tels. La sensibilisation des consommateurs aux problèmes de sécurité alimentaire et aux enjeux environnementaux a contribué à la croissance de l’agriculture biologique au cours des dernières années en Europe. Ce mode de production, qui ne représentait que 3 % environ de la surface agricole utile totale de l'UE en 2000, n’a cessé de s’étendre depuis, l’agriculture biologique représentant aujourd’hui l’un des secteurs agricoles les plus dynamiques de l’UE. Ce secteur s’est développé de 25 % par an entre 1993 et 1998 et de 30 % depuis 1998, selon les estimations. Aujourd’hui, il semble toutefois stagner dans certains Etats membres. L’agriculture biologique doit être comprise comme faisant partie intégrante d’un mode de production agricole durable et comme une alternative viable aux approches plus traditionnelles de l’agriculture. Depuis l’entrée en vigueur en 1992 de la législation européenne sur l’agriculture biologique, des dizaines de milliers d’exploitations se sont converties à ce système de culture, encouragées par l’intérêt croissant des consommateurs pour les produits issus de l’agriculture biologique et par une demande accrue.

Le caractère durable de l’agriculture et de l’environnement est un objectif politique majeur de la politique agricole commune actuelle : « Le développement durable doit concilier la production de denrées alimentaires, la conservation de ressources limitées et la protection du milieu naturel, de manière à pouvoir répondre aux besoins du présent sans compromettre la capacité des futures générations à répondre à leurs propres besoins».
Cet objectif exige des agriculteurs qu'ils réfléchissent à l'incidence de leurs activités sur l'avenir de l'agriculture et à la façon dont leurs méthodes façonnent l'environnement. L'agriculture biologique a donc suscité un intérêt renouvelé de la part des agriculteurs, des consommateurs et des décideurs politiques

L’utilisation des labels est facultative : les producteurs qui tiennent à protéger leurs produits en tant qu’AOP, IGP ou STG sont tenus de déposer une demande comprenant le cahier de charges tel que spécifié par le règlement n° 2081/92.

La demande doit être envoyée à l'autorité nationale compétente (http://europa.eu.int/comm/agriculture/foodqual/protec/national/index_fr.htm) qui l’étudie et la transmet à la Commission européenne. Elle fait ensuite l’objet de diverses procédures de contrôle au niveau européen. Une fois protégées, les dénominations de produits sont inscrites dans le Registre des appellations d’origine protégées et des indications géographiques protégées. Cette inscription confère aux producteurs le droit exclusif d’utiliser la dénomination en question. Ce droit n’est cependant pas réservé aux producteurs qui ont fait la demande, mais à tous ceux dont les produits remplissent les conditions spécifiées dans la demande.

4. La protection de l’environnement

On a constaté récemment une augmentation notable de la demande de produits issus de l’agriculture biologique, n’utilisant ni herbicides, ni pesticides ni médicaments vétérinaires, autant de substances fréquemment utilisées dans l’agriculture traditionnelle qui présentent un réel danger pour le sol et les aquifères. S’agissant des animaux, ils doivent être nourris d’aliments traditionnels, tels que l’herbe pour les vaches et les agneaux et les graines pour les volailles. Des problèmes subsistent toutefois en ce qui concerne les poissons biologiques élevés dans des fermes piscicoles.

Aujourd’hui, les produits biologiques représentent jusqu’à 40 % des ventes agricoles annuelles, et ce secteur prend toujours plus d’importance sur l’ensemble du marché de l’Union européenne. Qui plus est, ces produits contribuent à la protection du milieu naturel grâce à leur production moins nocive pour l’environnement et pour l’alimentation que les autres modes de production.

Nombre de produits assimilés à l’agriculture biologique sont des produits régionaux. On redécouvre des espèces et des variétés et, même s’ils peuvent être fabriqués en moins grandes quantités, ces produits ont un goût et des textures plus intenses. Dans certaines exploitations françaises et espagnoles, quelques variétés de légumes de culture difficile ont été réintroduites. Ces légumes sont commercialisés depuis quelques années sous leur forme mini ou baby. Ils sont généralement issus d’une production biologique, et certaines variétés délicieuses et très recherchées ont été retrouvées. De par leur nature particulière, ces produits peuvent être vendus à un prix plus élevé que les mêmes légumes de taille normale, ce qui permet à l’exploitation de ne pas être déficitaire. Des plans d’action locaux pour la protection de l’environnement et de la santé, de même que le programme Agenda 21 local, sont actuellement mis en oeuvre dans toute l’Europe. Des politiques alimentaires locales s’emploient à promouvoir une production alimentaire durable. La culture, la commercialisation et la consommation de ces produits sont bénéfiques non seulement pour l’économie locale, mais également pour un environnement durable ; elles réduisent notablement le risque de maladies graves.

Les autorités européennes s’inquiètent également de la contamination des sols par le lisier de porc, ainsi que des problèmes que pourrait poser sa pénétration dans la nappe phréatique. Une telle pollution pourrait en outre s’étendre aux exploitations voisines. C’est pourquoi de nombreux pays européens ont mis en œuvre des programmes ambitieux pour traiter le lisier de porc afin de protéger l’agriculture et notre santé.

5. Fast food ou alimentation traditionnelle ?

Au sens large du terme, le fast food a toujours existé, puisque les hommes ont, de tout temps, su confectionner des plats destinés à une consommation immédiate. Le döner kebab (dans la mesure où la viande est déjà rôtie), ou encore, le sandwich au fromage, sont en effet des exemples de fast food « traditionnel ». De nos jours, le problème tient au fait que le terme de fast food est associé, non plus simplement au plat simple susceptible d’être cuit et consommé en peu de temps, mais aussi au fast food américain.

Le fast food américain est codifié en fonction des schémas culturels nord-américains, et il modifie les préférences alimentaires, débouchant au final sur une certaine uniformité.
Pour Andy Warhol, « ce qui compte, dans n’importe quelle ville du monde, c’est de savoir qu’elle a un McDonald’s » . L’artiste adorait manifestement le fast food américain, mais nous sommes loin d’être tous de son avis. Pour la plupart d’entre nous, se rendre dans une nouvelle ville, c’est vivre de nouvelles expériences, découvrir de nouveaux lieux et, bien sûr, se nourrir différemment.

Le fast food américain, c’est plus qu’un certain type de sandwiches, de salades ou de pizzas, c’est aussi un mode de vie. C’est l’une des raisons pour lesquelles, il est si largement accepté dans le monde. Les saveurs sucrées, la présentation de la nourriture et le décor dans lequel elle est servie sont autant d’éléments synonymes pour le client d’un retour en enfance. C’est de plus une alimentation bon marché. L’est-elle vraiment ? L’Europe a, sans le savoir, une longue expérience du fast food, sans jamais l’avoir appelé ainsi (par exemple, le fish and chips britannique). Ce type de « fast food européen » n’est pas cher du tout. Manger des crevettes et des harengs vapeur aux Pays-Bas est très bon marché. Dans bien des pays méditerranéens, on peut se nourrir à bon compte d’une multitude de sandwiches aux légumes, au fromage, à la saucisse, au jambon ou au poisson.

Le consommateur s’est toutefois détourné du « fast food  européen » ces dernières décennies, mais pas de manière définitive, puisqu’il semble y revenir et l’apprécier à nouveau.

Cette évolution s’explique principalement par deux raisons. La première a trait à la santé : il a été amplement prouvé qu’ en général, le fast food nord-américain n’est pas très sain. De nos jours, les consommateurs sont plus attentifs à leurs besoins, et s’efforcent de trouver d’autres formules privilégiant la valeur nutritive des aliments. C’est l’une des raisons pour lesquelles les fast food diversifient maintenant leur carte, en proposant, outre leurs plats traditionnels, une gamme de nouveaux produits inspirés du régime alimentaire méditerranéen dont l’intérêt pour la santé n’est plus à démontrer.

La seconde raison tient au fait que les consommateurs veulent aujourd’hui de l’ « authentique ». Au hamburger, ils préfèrent par conséquent le sandwich à la saucisse du pays, au fromage du terroir, etc.… ou un beignet ou encore une crêpe. Les produits locaux occupent ainsi une large place dans les aliments consommés en Europe. A l’évidence, ces nouvelles préférences gastronomiques ont également pour effet de promouvoir des mets traditionnels de pays non européens, comme le Liban, l’Inde, le Pakistan ou le Maroc, dont certains plats préparés sont assimilables au fast food.

L’alimentation traditionnelle n’est pas toujours « lente » ( slow food ), mais les grands groupes américains de « fast food » ont mis au point une stratégie commerciale efficace qui conduit les consommateurs, surtout les jeunes, à penser que le type d’alimentation qu’ils vendent est la seule qui soit rapide. En fait, ils vendent l’idée que leurs produits sont économiques, étudiés, originaux et prêts à être consommés en vitesse. C’est à nous de changer ce point de vue, de défendre l’alimentation européenne et de soutenir les produits locaux, qui font véritablement la différence.

6. Les produits traditionnels font-ils partie intégrante de notre patrimoine local ?

Chaque pays possède un certain nombre de produits qui ne sont fabriqués que par lui et qu’on ne trouve nulle part ailleurs. On considère que ces produits font partie du patrimoine alimentaire local. Certains d’entre eux sont connus dans le monde entier. D’ailleurs, les produits qui font la réputation d’une région ou d’un pays sont automatiquement associés à ceux-ci dans l’esprit du consommateur. On ne peut bien souvent penser à un produit sans évoquer le pays ou à la ville dont il est provient. Tel est le cas, par exemple, de fromages français comme le roquefort, le brie ou le camembert, du cognac français, du whisky ou du saumon écossais, du saumon norvégien, du yaourt ou de la feta grecque, de la mozzarella italienne, du serrano ou des vins rouges espagnols, des saucisses allemandes et autrichiennes, des chocolats belges, du tokay hongrois, etc.…

Ces produits locaux, connus dans le monde entier, sont souvent les symboles de tel ou tel pays, région ou ville. Ils sont synonymes d’excellence et on les mentionne immédiatement pour désigner le fleuron de telle ou telle production. Si l’on songe au fromage bleu, par exemple, on évoque la France et son roquefort, l’Italie et son gorgonzola ou la Grande-Bretagne et son stilton. Ce qui ne veut pas dire pour autant que d’autres pays européens n’ont pas de bons fromages bleus. Si ces trois produits régionaux nous viennent immédiatement à l’esprit, c’est en raison de leur qualité et de leur renom. Chacun d’eux est une spécialité qui représente une région dans le monde entier.

Il existe beaucoup d’excellents produits régionaux en Europe, quand bien même certains ne sont pas aussi connus que les trois précités. Pour en revenir aux fromages bleus, l’Espagne a le cabrales, l‘Allemagne, le montagnolo, le Danemark, le mycella, et l’Irlande le Cashel irish blue. Il incombe aux autorités européennes de faire connaître dans le monde entier ces excellents et authentiques produits régionaux .

La gastronomie locale peut devenir un label de qualité pour une région ou un pays. Elle fait partie de la culture et de l’histoire du lieu et, à ce titre, elle doit être préservée dans l’intérêt de la diversité culturelle européenne.

7. Les défis de la mondialisation

· Produits européens ou américains ?

L’Europe et l’Amérique du Nord ont mis au point de remarquables techniques en vue de d’améliorer la qualité des produits de l’agriculture et de l’élevage. De nombreuses exploitations et entreprises agricoles proposent au consommateur d’excellents produits, d’où un relèvement constant de la qualité des produits alimentaires locaux.

Certains produits sont fabriqués principalement en Europe depuis des siècles. Ils font partie intégrante de la culture européenne. Il s’agit souvent de spécialités locales qui bénéficient d’une protection légale comme le champagne français.

Les producteurs des autres pays d’Europe et d’Amérique du Nord reconnaissent l’excellence du champagne et savent qu'il est vivement apprécié des consommateurs. Ils ont ainsi trouvé des lieux comme la Californie qui ont un climat analogue à celui de la Champagne, pour y produire le même breuvage. Ils ne peuvent toutefois pas l’appeler « champagne », puisque l’appellation est exclusivement réservée au produit français. Ils peuvent simplement indiquer que le produit a été fabriqué suivant la méthode champenoise, ceci afin de protéger la qualité du produit original français. Prenons l’exemple du Cava, sorte de champagne produit en Espagne. A côté de quelques très bons cavas qui n’ont rien à envier au champagne, il y en existe beaucoup d’autres qui ne sauraient soutenir la comparaison. L’une des raisons en est que le cava est souvent commercialisé moins de trois ans après sa fabrication, alors que le champagne français doit vieillir au moins trois ans avant de pouvoir être vendu.

L’Europe a intensifié ses négociations avec l’OMC (Organisation Mondiale du Commerce) en vue de renforcer la protection des produits régionaux de qualité et de faire en sorte que l’appellation d’origine leur soit réservée. Dans ces conditions, seul le jambon de Parme produit à Parme pourra désormais porter cette appellation. Le jambon produit au Canada, quasiment analogue au jambon italien et portant actuellement l’étiquette « jambon de Parme », ne pourra plus être appelé ainsi.

· Aller au restaurant, un nouveau mode de vie

De nos jours, la plupart des gens n’ont pas beaucoup de temps et ne peuvent déjeuner chez eux. Certains emportent sur le lieu de travail un repas qu’ils ont confectionné chez eux ou se contentent d’un sandwich, mais la majorité va au restaurant à midi.

Or, manger au restaurant est cher et peut être nuisible à la santé des clients qui n’optent pas pour un établissement de qualité (attentif, par exemple, au type de matière grasse utilisé…) ou qui choisissent des plats peu nutritifs.

De nos jours, les restaurants sont de plus en plus à l’écoute des besoins de leur clientèle. Ils s’efforcent bien entendu de proposer des plats savoureux, mais ils s’emploient aussi à préparer des mets « sains ». Par ailleurs, ils font tout pour offrir une carte variée, afin que les clients puissent trouver chez eux une alimentation équilibrée.

Le fast food américain est en train de perdre du terrain par rapport à la cuisine traditionnelle. Le régime méditerranéen et les produits alimentaires locaux gagnent en popularité. Le consommateur apprécie de manger de temps en temps un plat ou un produit différent mais, en général, il préfère ceux auxquels son corps et son esprit sont habitués, en d’autres termes, l’alimentation de son enfance. D’où l’importance grandissante que revêtent à ses yeux les produits du terroir.

· L’alimentation « traditionnelle » coûte-t-elle cher ?

Il va sans dire que certains des produits consommés dans le cadre d’une alimentation traditionnelle sont coûteux. Mais beaucoup ne le sont pas. Pour trouver les meilleurs produits, il n’est pas nécessaire de choisir les plus chers. Il est préférable de viser les produits fabriqués localement et de les acheter en saison, lorsqu’ils sont à maturité.

Chacun sait que les marchés doivent être mondialisés, mais que les produits alimentaires doivent également demeurer locaux. N’importe quel produit peut être acheté pour ainsi dire partout dans le monde, mais les meilleurs produits sont généralement ceux que les gens trouvent près de chez eux. Les petits producteurs locaux sont rarement en mesure d’exporter leurs produits et doivent les vendre sur les marchés voisins. Il s’agit de produits de qualité, souvent moins chers que les produits importés.

· Cuisine traditionnelle et cuisine moderne

La cuisine moderne se garde de « surcuire » les aliments. Elle cherche à créer des saveurs nouvelles et intenses, et elle s’efforce de procurer au consommateur des sensations inconnues comme celle d’un contraste entre les textures ou les saveurs (sucré-salé). Nombre de chefs contemporains pratiquent aujourd’hui ce qu’ils appellent une « cuisine fusion », qui mélange les ingrédients et les recettes de différents pays.

Ferran Adrià, l’un des grands chefs d’aujourd’hui, auquel l’on doit les plats « déconstruits », a mis au point des textures nouvelles pour des ingrédients et des plats que nous n’étions habitués à manger que d’une certaine façon. C’est ainsi qu’il confectionne un « air » de carottes, sorte de jus de carottes préparé de manière à produire une multitude de bulles. Ferran Adrià sert ainsi à ses clients des bulles d’air parfumées à la carotte.

On a tendance à penser que ce type de cuisine ne doit son succès qu’à son caractère résolument novateur, et à ses plats inédits, or elle le doit, en réalité, essentiellement aux ingrédients de base qu’elle emploie : la plupart des chefs les plus cotés utilisent des produits de qualité. Ils veulent offrir une cuisine différente et choisissent dans bien des cas d’acheter des produits locaux, et principalement, des produits que la plupart des clients ne connaissent guère. Ils jouent ainsi un rôle de catalyseurs pour les petits fabricants de produits de terroir de qualité, et ils élargissent les horizons de leurs clients en leur faisant redécouvrir des ingrédients utilisés depuis des siècles , des ingrédients qui appartiennent à notre culture et à notre histoire, mais qui étaient en quelque sorte tombés dans l’oubli.

8. Les produits régionaux et le secteur de la restauration

On a constaté ces dernières années une évolution de la clientèle des restaurants en Europe. Le consommateur moyen dispose désormais d’un revenu plus élevé, a beaucoup voyagé, s’est forgé sa propre opinion et exige des produits de meilleure qualité. Le touriste comme le client local font le choix de la qualité.

La qualité des services proposés par les restaurants revêt de plus en plus d’importance. Aujourd’hui les clients ne veulent plus simplement se nourrir, ils veulent aussi que le repas soit sain, de bonne qualité, correctement cuisiné et servi.

C’est la raison pour laquelle nombre de nouveaux chefs recherchent l’authenticité des produits. Ils veulent revenir aux saveurs traditionnelles qui ont procuré tant de plaisir à leurs grands-parents. Ils feront donc tout naturellement appel aux producteurs régionaux ou locaux, dont ils reconnaissent l’originalité et l’excellence des produits.

Paradoxalement, les produits régionaux traditionnels les plus appréciés, qui font depuis longtemps partie de notre histoire et de notre culture, sont aujourd’hui inconnus de la plupart des gens. Or, il est véritablement important de savoir que ces produits font partie de l’histoire des différents pays et, par conséquent, de leur identité culturelle. La gastronomie est un élément incontestable de notre culture et de notre identité nationales.

Les restaurateurs connaissent des fournisseurs spécialisés, ce qui leur permet de se procurer des produits difficiles à trouver. Ils restent cependant peu accessibles au consommateur ordinaire, ou d’un prix très élevé. C’est ainsi que l’on se retrouve parfois dans des situations paradoxales comme celle, pour un citoyen autrichien, d’avoir énormément de difficultés à se procurer toute une série de produits du terroir européens. En revanche, dans un des bons restaurants de sa ville il pourra prendre en entrée un succulent saumon écossais ou norvégien, des belons ou des huîtres de Galice, puis du bœuf allemand, le tout arrosé d’un vin français ou espagnol, et pour finir, un fromage grec, italien ou français et du chocolat belge.

Diverses régions de l’UE ont axé leurs efforts sur la gastronomie afin d’attirer les touristes, dont certains ne voyagent que pour apprendre à connaître les produits d’une région ; il existe même plusieurs itinéraires gastronomiques qui s’emploient ainsi à promouvoir la diversité culturelle de l’Europe.

9. Conclusion

Pendant des siècles, l’Europe a occupé une place prépondérante dans le monde à de nombreux égards. Aujourd’hui, le mode de vie américain, la mondialisation, l’aspiration à découvrir de nouvelles saveurs et de nouveaux ingrédients ont relégué l’Europe, sont alimentation et sa cuisine à un rôle de moindre importance. Les restaurants européens sont toujours considérés comme les meilleurs du monde, mais les meilleurs d’entre eux, attirés par la « cuisine fusion », se mettent également à utiliser de nouveaux produits.

Au lieu d’adopter la cuisine orientale, africaine et américaine, les Européens devraient s’appuyer sur leur propre patrimoine culinaire et protéger et promouvoir leurs produits ancestraux. Comme la plupart des gens ne les connaissent guère et qu’ils sont pour la plupart d’excellente qualité, ils sont susceptibles de satisfaire des consommateurs toujours à l’affût de saveurs nouvelles et différentes. L’Europe doit prendre position face à la mondialisation et la standardisation des produits en défendant l’excellence de ses produits régionaux.

L’Europe doit préférer la qualité à la quantité et encourager l’utilisation des labels sur tout le continent, ce qui permettrait aux consommateurs de reconnaître les meilleurs produits. Ce serait aussi un bon moyen de leur faire mieux connaître les différentes régions d’Europe, et non seulement leur géographie, mais aussi les produits qu’elles proposent, et qui font partie intégrante de leur culture.

Dans ce but, l’Europe doit donner aux producteurs les moyens d’améliorer leur productivité sur le plan qualitatif et non quantitatif. De telles mesures permettraient surtout de renforcer la sécurité alimentaire, de promouvoir une alimentation plus saine et de soutenir les modes de production traditionnels.

Il en résulterait une offre plus large de produits sur nos marchés, une meilleure qualité et des prix probablement plus intéressants. Les économies locales en ressentiraient sans aucun doute les effets positifs. Enfin, une meilleure connaissance des produits régionaux et une sensibilisation à ceux-ci contribueraient à enrichir la culture de tous les Européens.

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1 Pour débat à la Commission Permanente (Voir Article 15 du Règlement intérieur) Délai de dépôt des amendements : au plus tard à 16 heures la veille du jour où le débat est ouvert sur les textes auxquels ils se réfèrent (Article 27 du Règlement intérieur)

2 Pour débat à la Commission permanente – voir Article 15 du Règlement intérieur du Congrès - Les éventuelles objections à la procédure en Commission permanente doivent parvenir au Directeur exécutif du Congrès une semaine avant la réunion de la Commission permanente ; si 5 membres du Congrès présentent des objections, le rapport sera soumis à la session plénière.

3 Règlement n° 2081/92 du Conseil relatif à la protection des indications géographiques et des appellations d’origine des produits agricoles et des denrées alimentaires (AOP et IGP, voir ci-dessous). Il régit la protection des appellations des produits alimentaires. Le Règlement n° 2082/92 prévoit un système d'attestations de spécificité des produits agricoles et des denrées alimentaires (STG, voir ci-dessous). Il traite également de la protection des recettes traditionnelles
4 Par catégorie : http://europa.eu.int/comm/agriculture/qual/en/1bbaa_en.htm; Par pays : http://europa.eu.int/comm/agriculture/qual/en/1bbab_en.htm 5 http://europa.eu.int/comm/agriculture/qual/en/1bbb1_en.htm 6 N°. 2092/91