Les enjeux de la démocratie locale en Europe du Sud-Est - CG (11) 7 Partie II

Rapporteur:
Stefan SOFIANSKI, Bulgarie,
Chambre des pouvoirs locaux
Groupe politique : PPE/DC

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EXPOSE DES MOTIFS

INTRODUCTION

Une coopération étendue s’est développée entre le Congrès et les autorités concernées des pays de l’Europe du Sud-Est. Le Conseil de l’Europe et le Congrès ont conçu et dirigé plusieurs activités en vue de promouvoir et d’encourager la démocratie locale et les administration locales, de prêter assistance à l’élaboration de la nouvelle législation et de conforter sa mise en application. De grands programmes de partenariat ont été mis sur pied par le biais des Agences de la démocratie locale. Cependant, en dépit d’une collaboration étroite et continue, des problèmes de démocratie locale, souvent de première importance, persistent encore.

Le présent rapport a pour objet de donner un aperçu succinct des tendances collectives et individuelles de la démocratie locale et régionale dans certains pays de l’Europe du Sud-Est et d’indiquer quelques directions dans lesquelles les activités ultérieures et l’assistance du Congrès seraient le plus en demande et le plus utiles.

A cet effet, le rapport est centré sur la démocratie locale, qui est la base de toute décentralisation. Il s’est s’efforcé de rassembler et d’analyser certains points préoccupants et d’identifier les évolutions positives en vue de dresser un bilan approfondi de la situation.

La plupart des pays de cette région ont adopté ou modifié depuis peu une nouvelle législation concernant les pouvoirs locaux et régionaux dans un objectif de conformité avec la Charte. Toutefois, la mise en œuvre de cette nouvelle législation s’est révélée difficile et quelquefois incohérente. On trouvera ici un tour d’horizon rapide des problèmes concernant la décentralisation, les financements et la propriété et enfin, la question des prestations de services aux citoyens. Ces sujets, extraits essentiellement des rapports de suivi, ont été sélectionnés parce qu’ils sont un sujet de préoccupation pour les pays et, en conséquence, ils méritent un coup de projecteur.

Il convient également d’insister sur le fait que la collecte d’informations exactes a été d’une extrême difficulté, et que si le présent rapport devait se développer et couvrir plus de terrain, il faudrait envisager de faire des visites de contact dans les pays concernés.

RESUME GENERAL

Le défi majeur que les collectivités locales de la région se doivent de relever est celui d’arracher leur indépendance politique au pouvoir central. Les pouvoirs actuels, pourtant légalement impartis aux autorités locales, ne sont pas suffisamment garantis en raison de l’adoption de lois spéciales et de ressources financières et humaines trop limitées. Bien que techniquement indépendantes les collectivités locales sont faibles, leurs ressources sont extrêmement réduites et le contexte leur est défavorable.

La population, souvent découragée par les performances des pouvoirs locaux, ne leur attribue pas toujours un rôle politique important et, de ce fait, s’intéresse peu aux élections locales. Qui plus est, il a été observé que, dans un grand nombre de pays, les questions d’autonomie locale sont appréhendées de façon partisane, et que certains maires de l’opposition rencontrent des difficultés.

Le degré d’autonomie des autorités locales varie considérablement selon les pays. La loi manque souvent de clarté à cet égard. Lorsque les compétences des collectivités locales et éventuellement des régions sont définies, elles le sont de manière si large qu’elles ne suffisent pas à identifier clairement, en termes opérationnels, les pouvoirs qui leur sont attribués.

Le besoin de disposer d’une administration locale plus forte est généralement admis et le processus de réforme est en cours. La nécessité de transférer la responsabilité de l’administration centrale aux collectivités locales est elle aussi reconnue. Mais, dans bien des cas, ce transfert n’a été accompagné ni d’un transfert financier ni d’un soutien administratif.

Dans l’ensemble, les pouvoirs délégués aux autorités locales sont substantiels et pertinents dans la plupart des pays concernés. Cependant, les autorités centrales ne prennent pas en considération le coût élevé des services que les collectivités locales doivent assurer. Sans les ressources qui leur seraient nécessaires, les collectivités locales sont dans l’incapacité d’assurer le fonctionnement de certaines prestations et de maintenir les équipements publics au niveau de qualité prescrit.

Les pouvoirs locaux de l’Europe du Sud-Est, et c’est là l’un de leurs principaux traits, dépendent lourdement de l’Etat sur le plan financier. Cette dépendance varie selon l’importance et la taille de la commune, en d’autres termes de sa capacité d’obtenir des recettes provenant de redevances et d’impôt locaux, de droits, de l’activité commerciale de la commune, de la privatisation d’entreprises locales et autres sources à leur disposition. Il est également clair que des procédures budgétaires transparentes et des relations d’une autre nature entre l’administration centrale et les administrations locales en matière de transferts financiers sont des préalables à toute réforme.

Les pouvoirs locaux devraient être incités à gérer les collectivités locales de manière responsable, économique, ouverte, en tenant compte de ce que souhaite leurs administrés qui attendent d’eux qu’ils agissent de manière correcte, équitable et utile. Les responsabilités devraient être clarifiées et les citoyens jouir du droit de contester les actions des autorités locales qu’ils désapprouvent et de prévenir les errements d’une mauvaise gestion en les rappelant à leur devoir.

La participation effective des citoyens est essentielle à une bonne gouvernance et peut jouer un rôle important dans la gestion d’une collectivité locale. Il est donc crucial de promouvoir et d’encourager la participation active des citoyens. Cela peut aller du partage de l’information à la consultation en passant par des formes actives de participation susceptibles d’exercer une influence sur les services publics et les politiques.

Au dire des experts, une bonne gestion du niveau local est la clé de la coexistence pacifique et sur ce point la participation réelle à la vie publique des communautés ethniques est indispensable, quel que soit le contexte. Dans l’Europe du Sud-Est, les acteurs locaux ont affaire à des problèmes particuliers, car les systèmes dans lesquels ils exercent sont la plupart du temps à cours d’argent et fonctionnent dans des situations post conflictuelles où les tensions intercommunautaires sont vives, si bien que les processus de réconciliation ont encore beaucoup de chemin à faire. Pourtant, les pouvoirs locaux et la société civile ont un rôle d’une importance capitale à jouer en faisant en sorte que des communautés différentes coexistent pacifiquement et que tous les droits fondamentaux des personnes soient respectés.

CADRE POLITIQUE ET JURIDIQUE

La démocratie locale en Europe du Sud-Est connaît un développement très rapide. Néanmoins, il n’est pas facile de présenter un aperçu général d’un cadre politique et juridique de l’autonomie locale universellement valable, car la situation varie d’un pays à l’autre, quoique chacun d’eux aient des problèmes analogues.

La majorité des pays de l’Europe du Sud-Est ont ratifié la Charte européenne de l’autonomie locale au cours des cinq dernières années et ont fait un effort significatif pour modifier le cadre juridique et mettre à jour leur législation pour remplir les conditions de la Charte. En règle générale, la législation nouvellement élaborée et adoptée semble satisfaire à ces conditions et paraît compatible avec la Charte, mais nombres d’experts et de visites de suivi ont révélé parfois de graves lacunes dans le domaine de la démocratie locale. Le plus souvent, les problèmes sont liés à la mise en œuvre de la Charte et à l’application des législations nouvelles, ou nouvellement modifiées, concernant l’administration locale.

Le grand problème des collectivités locales de la région demeure celui de leur dépendance politique vis-à-vis du pouvoir central. En vertu de la Charte, les pouvoirs locaux sont considérés comme des organes politiques qui exercent le droit à l’autonomie locale sur la base d’un mandat politique qui leur est conféré par des élections locales, en conséquence de quoi ils administrent et exécutent la politique locale et gèrent les affaires publiques à ce niveau. Les pouvoirs actuels des autorités locales, pourtant énoncés par la loi, ne sont pas suffisamment solides parce que la législation sectorielle n’est pas en harmonie avec les principes de la législation sur l’autonomie locale récemment adoptée et parce que les ressources financières et humaines sont insuffisantes. Bien que techniquement indépendantes, les collectivités régionales demeurent faibles du fait de leurs maigres ressources et d’un environnement défavorable.

Les pouvoirs locaux essaient de gagner du terrain en tirant parti au mieux de la nouvelle législation et des réformes en cours. Cependant, ils sont largement perçus comme des entités administratives et non pas politiques. Les responsabilités des pouvoirs locaux varient donc considérablement, mais souvent les collectivités locales ne sont pas considérées comme un véritable pouvoir local. Un autre problème, qui renforce la faiblesse des pouvoirs locaux, est l’instabilité du découpage territorial et la création de nouvelles entités (Bosnie-Herzégovine, l’« ex République yougoslave de Macédoine », etc.) et/ou régions (Albanie, Croatie). Ces nouvelles entités et régions sont très souvent instituées sans aucune mesure de soutien appropriée et en souffrent.

Souvent la législation ne donne pas d’indication claire sur la répartition des pouvoirs, sur les relations entre les niveaux local et régional/central et les règles régissant le financement des pouvoirs locaux. Il est caractéristique que certains Etats préfèrent maintenir au niveau national des compétences dans le domaine du fonctionnement de l’autonomie locale (Croatie) et que d’autres n’en ont pratiquement aucune (Bosnie-Herzégovine).

Par ailleurs, de nombreux pays tentent de maintenir un juste équilibre entre les institutions locales. Selon la Charte, une assemblée locale librement élue devrait fixer des objectifs politiques que l’exécutif local serait tenu de mettre en œuvre. Bien que cette idée soit généralement acceptée, l’instabilité de la loi électorale, susceptible de changer d’une élection à l’autre, ne contribue pas à atteindre ce but; quant à la nécessité d’un contrôle effectif exercé par l’assemblée sur l’exécutif, il arrive souvent qu’il ne soit pas énoncé clairement dans la législation. Ce manque de clarté a souvent été utilisé à des fins politiques.

La population, souvent découragée par les performances des pouvoirs locaux, ne leur attribue pas un rôle politique significatif et de ce fait s’intéresse peu aux élections locales. En général, la participation est faible et les taux d’abstention en augmentation. Il est donc difficile d’amener le public à s’intéresser à la politique locale et à l’élaboration des politiques.

De surcroît, on a observé que, dans un grand nombre de pays, les questions d’autonomie locale étaient appréhendées de façon partisane, et que certains maires de l’opposition rencontraient de grandes difficultés. Cette approche devrait être évitée et les fonctionnaires de l’administration locale devraient demeurer politiquement neutres.

GARANTIES CONCERNANT L’AUTONOMIE LOCALE, PROTECTION JURIDIQUE DE L’AUTONOMIE LOCALE

Le droit des citoyens à l’autonomie locale et les garanties concernant l’autonomie et la protection juridique de l’autonomie locale sont prévus par la Constitution de chaque pays. Le plus souvent, la définition est claire.

Dans tous les pays concernés, les principes de l’autonomie locale sont stipulés dans la législation qui dispose tout à fait clairement que les communes sont autonomes et ont le droit d’exercer leurs fonctions constitutionnelles et régulatrices. Formellement, les communes ne sont pas subordonnées aux autorités de l’Etat en ce qui concerne les affaires relevant de leur juridiction législative et constitutionnelle.

Des dispositions législatives importantes confèrent aux autorités locales des pouvoirs généraux pour traiter les affaires d’intérêt local. D’habitude, la structure du pouvoir local est déterminée par les statuts et autres actes adoptés par les pouvoirs locaux eux-mêmes. C’est sur la base de ces statuts que les pouvoirs locaux jouissent d’un statut légal et exercent leurs fonctions. Cependant, la meilleure garantie d’indépendance est la reconnaissance et la définition légale des pouvoirs et des ressources des autorités locales fournies par l’Etat au titre de l’autonomie locale. En règle générale, les dispositions constitutionnelles fournissent une base acceptable et des garanties pour le fonctionnement de l’autonomie locale.

En principe, le droit des pouvoirs locaux aux recours judiciaires est assuré. Les conflits concernant la légalité des actes des collectivités locales doivent être déférés par les autorités de l’Etat à la Cour constitutionnelle ou à tout autre organe judiciaire compétent. On peut douter, cependant, que les Cours constitutionnelles soient les juridictions les plus appropriés pour se pencher sur les relations entre collectivités locales et administrations centrales.

La primauté du droit international étant reconnue, il s’ensuit qu’il est éventuellement possible que la Charte européenne de l’autonomie locale soit prise en considération par les tribunaux des pays qui l’ont ratifiée.

DEGRE D’AUTONOMIE ET POUVOIRS DELEGUES

Le degré d’autonomie des pouvoirs locaux varie considérablement d’un pays à l’autre. A cet égard, il est assez rare que les définitions fournies par la loi soient claires. Lorsque les tâches des collectivités locales et éventuellement des régions sont définies, on à affaire à des définitions si larges qu’elles ne suffisent pas, en termes opérationnels, à identifier clairement les pouvoirs attribués aux autorités locales.

L’autonomie et les pouvoirs des autorités locales semblent être assurés par divers moyens juridiques, mais, en pratique, leur mise en œuvre est problématique. En général, il incombe aux collectivités locales de gérer les affaires d’importance locale, relevant essentiellement des secteurs de la culture, du sport, de la sécurité sociale et de la protection sociale, ainsi que de l’enseignement préscolaire et primaire. Dans certains pays, les autorités locales sont également responsables des services publics, de l’urbanisme, de l’information, de l’environnement, de l’assistance judiciaire, des secours aux sinistrés, du tourisme et du sport. Les municipalités elles-mêmes sont responsables de la gestion des municipalités et de la planification. Chose assez exceptionnelle, la législation du Monténégro mentionne aussi la promotion du développement économique local.

La loi attribue en général aux collectivités locales des compétences dans divers domaines, mais toute une série de lois particulières infirment les dispositions importantes. En règle générale, les lois touchant aux secteurs de l’éducation, de la culture, de la santé, etc. attribuent à l’exécutif central des pouvoirs qui se superposent à ceux des régions et des collectivités locales. Il serait particulièrement souhaitable que les législateurs révisent les projets de loi sur ce point afin de définir clairement les compétences des différents niveaux de pouvoir et de stipuler les moyens à affecter aux autorités locales. En réalité, rares sont les compétences transférées aux villes qui correspondent vraiment à la mise en œuvre décentralisée d’activités gérées au niveau central. En conséquence de quoi, la compétence exclusive des collectivités locales ne porte que sur un nombre limité des responsabilités qui leur avaient été initialement attribuées.

Dans certains cas, l’existence des régions, avec leurs règles de compétence qui interagissent avec celles des collectivités locales, complique la situation. En Albanie, par exemple, les compétences régionales sont définies de manière vague, ne sont pas spécifiées dans la Constitution et ne sont pas non plus élaborées dans la loi, qui ne fait que reprendre à son compte une formulation plutôt imprécise. En même temps, la loi souligne le principe de subsidiarité en attribuant la plus grande partie des compétences d’intérêt local aux collectivités locales et aux conseils régionaux qui n’administrent les affaires locales que dans leurs juridictions.

En Roumanie, selon la Constitution et la loi sur l’autonomie locale, les compétences des comtés sont assez modestes et sont liées à la coordination des activités des pouvoirs locaux de base.

La législation croate, bien qu’elle définisse la région comme un unité naturelle, historique, géographique, sociale et autonome, n’est pas claire dans sa relation avec les collectivités locales et laisse dans le flou la responsabilité des sphères de compétences communes. Des compétences comme l’éducation, la santé, la planification urbaine et l'aménagement du territoire, le développement économique, les transports et les programmes de développement dans les secteurs d’activités mentionnés appartiennent légalement aux régions. Cependant, les collectivités locales jouissent de compétences analogues.

A l’inverse des tendances à la régionalisation dans certains pays voisins, en Serbie et au Monténégro, certaines grandes villes délèguent un certain degré d’autonomie à des collectivités locales de moindre dimension. Celles-ci sont libres d’adopter leurs propres règles, mais elles ont un statut légal et peuvent collecter des fonds.

Dans l’ensemble, les pouvoirs délégués aux autorités locales sont substantiels et pertinents dans la majorité des pays concernés. Cependant, les autorités centrales ne tiennent pas souvent compte du coût élevé des services que les collectivités locales sont tenues de gérer. En l’absence de ressources nécessaires, elles sont dans l’incapacité d’assurer le fonctionnement de certaines prestations et de maintenir les services publics au niveau prescrit.

La plupart des pays de l’Europe du Sud-Est sont confrontés à un grave problème: la pauvreté de la population. Les fonds collectés par les collectivités locales sont misérables, ce qui fait qu’elles dépendent lourdement des financements qui leur sont alloués. Dans des situations économiques assez difficiles, les pouvoirs attribués aux autorités locales ne correspondent pas à la réalité du terrain.

CONTROLE PAR LES AUTORITES CENTRALES ET COOPERATION MUNICIPALITES / GOUVERNEMENTS

Le concept de contrôle jouait un rôle clé dans le fonctionnement des anciens régimes totalitaires. Il permettait, entre autres, d’intégrer les affaires administratives dans une approche gestionnaire qui embrassait tout et était justifié par le principe de discrétion. Sous un régime démocratique et dans un Etat fondé sur la primauté du droit, le contrôle continue certes à avoir sa place, mais sa nature change radicalement; car dans le domaine législatif, en effet, il se borne à contrôler la légalité des actes des organes de l’administration locale dans les limites où la loi l’y autorise.

Le besoin de disposer d’une administration locale plus forte est généralement admis et le processus de réforme est en cours. La nécessité du transfert de responsabilités de l’administration centrale aux collectivités locales est généralement reconnue. Mais dans bien des cas, cette opération ne s’est pas accompagnée d’un transfert de moyens financiers et d’un appui administratif. Ces lacunes ont pour effet que les pouvoirs locaux ne peuvent pas gérer correctement les services transférés. Là où ces transferts ont pris place, le processus s’est révélé extrêmement délicat et compliqué. Avant de procéder au transfert ou de créer de nouveaux services soumis à la gestion des pouvoirs locaux, les autorités centrales auraient dû indiquer la source des financements à laquelle recourir dans le cadre d’une stratégie cohérente de décentralisation. Il est donc indispensable de définir les compétences et les objectifs.

Dans les pays concernés, on tend à penser que la nouvelle législation n’a pas modifié substantiellement les pouvoirs des autorités locales. La situation précédente s’est certes améliorée, mais l’adjonction de nombreux détails vise surtout à limiter leurs compétences. La ligne de démarcation entre les pouvoirs de l’Etat et ceux des autorités locales demeure imprécise. Parfois, la situation ne s’améliore pas en se bornant à procéder à la « réécriture » de la loi sur l’autonomie locale. La liberté politique et l’autonomie ne sont pas qu’une question quantitative de compétences et de ressources. Cependant, les autorités locales en raison de moyens financiers qui ne leur permettent pas de financer leurs actions, demeurent de facto sous le contrôle de l’Etat. Et c’est pour la même raison que l’Etat se permet d’intervenir dans des affaires relevant de la compétence des pouvoirs locaux.

La superposition des responsabilités locales avec celles des pouvoirs centraux et régionaux constitue l’un des principaux problèmes. Ces responsabilités sont en général prévues dans la loi et doivent être exercées en conformité avec la loi. Mais la loi est rarement claire à ce sujet. Pour résoudre le problème, il faudrait que des dispositions légales définissent de manière parfaitement claire les compétences des pouvoirs locaux, leur portée et leurs limites ; il faudrait également décider si elles sont obligatoires ou optionnelles, définir les obligations qui s’y attachent compte tenu d’autres autorités administratives et du public, ainsi que la manière dont ces pouvoirs coïncident avec ceux d’autres pouvoirs publics.

Le manque de fonds est encore un aspect qui ne contribue pas à réduire la dépendance. Le trait saillant des collectivités locales est de dépendre lourdement des finances de l’Etat. Bien entendu, cette dépendance varie en fonction de l’importance et de la taille de la ville, en d’autres termes de sa capacité de produire des recettes provenant de redevances et d'impôts locaux, de droits, de l’activité commerciale municipale, de la privatisation d’entreprises locales et autres sources qui lui son propres.

L’attribution de compétences additionnelles aux pouvoirs locaux est directement liée à la capacité des collectivités locales de collecter des fonds, capacité dûment prise en compte dès lors qu’il s’agit de leur déléguer des pouvoirs supplémentaires. Certaines collectivités locales tirent jusqu’à 80 % de leur revenu de leurs fonds propres, le reste provenant du budget de l’Etat. A l’autre bout de l’échelle, il y a de petites villes qui dépendent presque entièrement de l’aide financière de l’Etat. Entre les deux extrêmes, les disparités sont énormes. Il arrive que des collectivités locales n’aient pas les moyens de percevoir leurs propres taxes et recettes. En ce cas, c’est le Trésor public qui perçoit les redevances et impôts locaux et reverse ensuite le produit de la collecte aux collectivités locales qui dépendent donc de l’Etat même pour l’aspect organisationnel de leur fiscalité.

Il conviendrait, pour résoudre ces problèmes, de commencer par élaborer et mettre en œuvre des stratégies nationales définissant les priorités de la décentralisation. Ces stratégies devraient, notamment, s’efforcer de remédier au manque de coordination qui complique l’application des lois concernées, à l’absence de consultations et de programmes de communication au niveau local et tenir compte de l’écart qui existe entre les ambitions politiques des autorités centrales et la réalité locale. Il conviendrait également de mettre en œuvre un suivi des procédures et accorder une attention particulière à la formation/recyclage du personnel local.

COOPERATION ENTRE LES MUNICIPALITES ET ASSOCIATIONS DE COLLECTIVITES LOCALES

Il arrive parfois que les collectivités locales se trouvent dans une situation où, quels que soient leurs efforts et leur bonne volonté, les autorités centrales cessent d’être des interlocuteurs crédibles pour les pouvoirs locaux. Par voie de conséquence, elles s’efforcent d’ouvrir de nouvelles pistes qui leur permettront d’agir en dehors du cadre administratif ordinaire. Jusqu’il y a peu, les pouvoirs publics et les citoyens eux-mêmes se sont très peu intéressés aux associations et autres groupes plus informels. Cependant, on a fini par comprendre que les associations étaient importantes, car on s’est peu à peu aperçu qu’elles étaient ce qu’il y avait de plus proche des citoyens et qu’elles étaient les mieux placées pour favoriser une cohésion durable dans un contexte multiculturel.

Les collectivités locales utilisent souvent le fait que la loi les autorise à coopérer dans le cadre de la réalisation de leurs plans et programmes de développement d’intérêt public, en mettant en commun leurs ressources et leurs services. Rien ne les empêche non plus de former des associations et d’adhérer à des organisations internationales de pouvoirs locaux et de collaborer avec les autorités locales d’autres régions. C’est ainsi qu’une série d’associations de communes/municipalités se sont créées sur une base purement géographique ou d’intérêts communs.

Il existe des associations pratiquement dans tous les pays. La Bulgarie est un bon exemple de ce type de coopération car, à côté de l’Association nationale des villes bulgares, il en existe aussi de plus petites (Association des villes bulgares riveraines du Danube, Association des villes de la mer Noire, Association des villes du massif des Rhodopes, etc.). En Republika Srpska, une Association des villes et collectivités locales réunit 59 communes sur 64. A travers cette association, les maires de Republika Srpska peuvent exercer une pression politique et négocier une meilleure affectation des recettes. Dans la Fédération de Bosnie-Herzégovine, il existe une Association des collectivités locales et des villes de Bosnie-Herzégovine. Des contacts entre l’Association de la Republika Srpska et l’Association de la Fédération contribuent de manière positive au développement de la coopération entre les entités et les organisations internationales. Un organe de coordination des Association des villes et collectivités locales des deux entités a été créé pour examiner des problèmes communs et faciliter la coopération entre collectivités locales.

Il faut que les pouvoirs locaux et régionaux de l’Europe du Sud-Est accordent une attention particulière à la question des réfugiés et des personnes déplacées. Encourager le retour durable des réfugiés ou l’intégration des personnes déplacées est également un préalable pour faire en sorte que ces victimes du conflit passé soient intégrées dans la collectivité locale.

Les associations de collectivités locales ont toutes sortes d’activités, tant au niveau de la représentation qu’au niveau organisationnel. En ce qui concerne la représentation, le principal objectif des associations est d’être reconnues par les institutions gouvernementales comme la voix des collectivités locales. Les associations essaient d’agir comme des groupes de pression auprès du gouvernement et du parlement. Quant au niveau organisationnel, elles organisent des programmes de formation pour les maires et les élus, apportent une aide ciblée à leurs membres et créent des réseaux d’échanges d’informations entre collectivités locales. Elles diffusent de l’information et publient des bulletins au sujet des décrets, ordonnances et réglementations pris par les collectivités locales membres et organisent des activités communes.

A l’instigation du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux, un réseau d’ «Agences de la démocratie locale» » a été constitué; il comporte plusieurs Agences créées sur la base de partenariats entre des villes et des régions, actifs en Croatie, en Bosnie-Herzégovine, en Serbie-Monténégro, au Kosovo et dans «l’ex-République yougoslave de Macédoine ». Ces agences ont un rôle de centres locaux pour la réalisation de projets de développement économiques, sociaux et culturels, en partenariat avec les collectivités locales et d’autres partenaires publics et privés, dans la région ainsi qu’en Europe1.

PROBLEMES DE PAUVRETE ET MANQUE DE FINANCEMENTS PUBLICS

Les changements sociaux et économiques que l’Europe du Sud-Est a connus ont débouché sur une réforme de l’administration publique. Au début, les réformes ont essentiellement porté sur le niveau central de l’administration et ce n’est que plus tard qu’elles ont touché le niveau local. La décentralisation a porté sur la réforme de la propriété et le transfert du droit de propriété.

La crise économique des années de transition et les taux de chômage élevés qui s’ensuivirent sont des traits caractéristiques de tous les pays concernés. Cette situation associée à de faibles recettes fiscales et à des subventions défaillantes ont incité les collectivités locales à chercher de nouvelles sources de développement économique. Cependant, au stade actuel du développement, il est malaisé de trouver des caractéristiques purement communes. Tous ces changements se sont déroulés dans des situations de crise économique dans tous les pays d’Europe du Sud-Est. En outre, de nombreux éléments de réforme aux niveaux central et local ont été ignorés.

Les réformes financières des collectivités locales font l’objet de débats constants. Les finances locales souffrent d’une pénurie générale de ressources publiques. La plupart des pays connaissent de graves problèmes de pauvreté dans leur population. Les collectivités locales viennent donc au premier rang quand il s’agit de répondre aux besoins publics. La population attend des collectivités locales qu’elles prennent des mesures dans les domaines de l’éducation, de la santé, du logement et de la protection sociale, mais il n’est pas rare que les maigres budgets de ces dernières ne leur permettent même pas d’entretenir les équipements publics, et le fonctionnement de certains services est déjà en deçà des normes prescrites.

L’une des principales difficultés des pouvoirs locaux est l’énorme disparité des situations économiques d’une collectivité locale à l’autre. Il leur est très difficile de faire démarrer l’économie locale. Même si le système fiscal semble généreux pour la collectivité au regard de la situation économique actuelle, les impôts produisent peu de recettes. Comme la contribution des citoyens est dérisoire, il faudrait envisager une autre solution, car il ne sert à rien d’accorder aux collectivités locales le droit de lever de nouveaux impôts en addition de ceux que l’Etat a déjà prélevé. La réforme des finances locales devrait comporter l’attribution effective de sources de revenu de l’Etat aux autorités locales. Il faudrait créer diverses structures institutionnelles pour faire en sorte que les collectivités locales et régionales soient consultées sur les modalités de l'attribution à celles-ci de leurs ressources propres et redistribuées. Qui plus est, les autorités locales doivent avoir le droit d’être consultées sur tous les changements législatifs susceptibles d’avoir un effet sur les réglementations régissant les finances de l’administration locale.

Le processus de réforme des finances locales implique plus que la création de nouvelles institutions, il devrait aussi répondre au développement de services locaux adaptés aux circonstances économiques et sociales. On ne peut se contenter d’une simple copie des modèles en vigueur dans les pays de l’Europe occidentale et essayer de les rendre applicables à la situation qui prévaut dans la plupart des pays concernés, lesquels ne pourront faire l’économie de politiques spécifiques de stabilisation économique

L’autonomie financière d’une collectivité territoriale donnée dépend de sa capacité de décider seule de ses activités et de les mettre en œuvre dans le cadre des ressources dont elles disposent. Par conséquent, étant donné que toute activité entraîne des dépenses, les pouvoirs locaux et régionaux devraient être en mesure de planifier, de réaliser et de financer eux mêmes leurs activités. Le droit des autorités d’établir leur propre budget, sur la base de ressources financières prévues et ventilées comme elles l’ont décidé, est essentiel pour toute autonomie financière. Dans certains pays, les budgets des collectivités locales sont fixés par la législation nationale, et la loi sur la limitation de la dépense de consommation publique dresse pour chaque collectivité locale une liste des points inscrits dans la dépense autorisée. Les limites mises au pouvoir discrétionnaire des autorités locales à réguler leurs finances sont quelquefois nécessaires pour stabiliser le niveau de la dépense, réduire le déficit public, assurer la stabilité des prix et la solidité de la monnaie nationale. Le développement de la décentralisation fiscale doit tenir compte des ces légitimes considérations tout en garantissant aux autorités locales les moyens dont elles ont besoin.

La plupart des pays ont adopté un système de subventions globales pour remplacer les subsides, ce qui ne limite pas nécessairement la participation de l’Etat aux budgets locaux. Des règles normatives sont généralement décidées par le parlement et les collectivités locales doivent solliciter de l’aide conformément aux conditions prescrites. A part les subventions normatives générales, des subventions spéciales ont été introduites à des fins particulières. Toutefois, ce système demeure imparfait parce que les énormes différences de moyens entre collectivités locales ne permettent pas d'équilibrer les subventions de l’Etat. En outre, l’augmentation des subventions entraîne un surcroît de ponction sur le budget de l’Etat et, par ailleurs il arrive souvent que les subventions ne correspondent pas aux besoins et soient trop étroitement contrôlées par le gouvernement qui parfois ajuste ses financements en fonction du contexte politique.

Du fait d’une situation économique particulièrement éprouvante dans certains pays, il conviendrait de trouver une solution et un accès à des ressources suffisantes pour qu’ils puissent remplir leurs obligations en toute indépendance. Malheureusement, les systèmes actuels de distribution des subventions publiques, les règles fiscales et les contributions volontaires ne le leur permettent pas. Les recettes fiscales sont insuffisantes, les contributions volontaires faibles et les subventions incertaines. Cette imprévisibilité permanente ne permet même pas, quelque fois, aux collectivités locales d’établir leur budget.

PROPRIETE ET INFRASTRUCTURE

La Charte européenne de l’autonomie locale, bien qu’elle ne le formule pas explicitement, lie la propriété et les droits de propriété des autorités locales à leur droit et à leur capacité de régler et de gérer une part substantielle des affaires publiques sous leur propre responsabilité et dans l’intérêt de la population locale.

Le pouvoir réel des autorités locales dépend beaucoup de leur autonomie financière et celle-ci dépend à son tour du droit de propriété. La transformation du régime de la propriété a été un élément majeur du passage à l’économie de marché et à la démocratie. Cette transformation a induit des changements d’une importance cruciale dans la structure des relations à la propriété; elle a modifié divers aspects des administrations locales et en a fait des propriétaires responsables de leurs actions.

Dans les régimes précédents, les autorités locales ne possédaient pas de biens propres car tout était propriété de l’Etat. Les années de transition ont été marquées par un transfert de propriété continu et par l’utilisation de la propriété municipale pour améliorer la situation financière des administrations locales. Dans de nombreux cas, lors de la mise en place des collectivités locales, elles ne possédaient rien et les autorités centrales eurent à prendre des mesures juridiques pour légaliser la décentralisation de la propriété dévolue désormais aux collectivités locales. A des degrés différents, chaque pays a dû faire face non seulement à la restauration de la propriété municipale, nationalisée sous le régime précédent, mais aussi au transfert d’autres biens nécessaires à l’exécution des nouvelles fonctions attribuées aux collectivités locales.

Dans tous les pays concernés, la collectivité locale jouit du statut de personne morale et en tant que telle peut posséder des biens. Certains Etats n’ont qu’une seule forme de propriété municipale (Croatie) et d’autres en ont deux (Albanie, Bulgarie, « l’ex-République yougoslave de Macédoine », Roumanie). Quelle que soit la forme de la propriété municipale, les pouvoirs locaux peuvent disposer librement de leurs biens conformément aux principes susmentionnés de l’autonomie locale. Les experts estiment généralement que l’égalité de traitement entre l’Etat et les pouvoirs locaux quant au régime de la propriété est un élément positif à retenir.

Les dispositions législatives diffèrent, mais, en général, les pouvoirs locaux ne jouissent pas d’une forme spéciale de droits de propriété. Toutes les questions de propriété sont réglementées sur la même base légale et les droits de propriété des personnes morales publiques comme l’Etat et les collectivités locales suivent les règles du droit civil ; la principale différence résidant dans la finalité de l’exercice de ces droits (les personnes morales publiques exercent leurs droits de propriété dans l’intérêt public). Dans la majorité des Etats, les collectivités locales peuvent posséder toutes sortes de biens tangibles et intangibles. Cependant, dans certains pays, certains biens ne peuvent être que la propriété de l’Etat (Albanie, Bulgarie, Roumanie). En Albanie, le pouvoir central est, par exemple propriétaire de biens immobiliers d’intérêt général (Loi N° 8652 sur l’organisation et le fonctionnement de l’administration locale). Par contre, les collectivités locales peuvent posséder des biens tangibles ou intangibles, mobiliers ou immobiliers. Dans « l’ex-République yougoslave de Macédoine », les services publics locaux peuvent aussi être la propriété de collectivités locales. De même, en vertu de la loi de 2001 sur les terrains bâtis, les collectivités locales peuvent être propriétaires de rues, de routes locales, de réseaux d’égout, de conduites d’adduction d’eau, de marchés de fruits et légumes et de bestiaux, etc. Dans d’autres pays, des éléments analogues font également partie des biens possédés par les pouvoirs locaux, auxquels s’ajoutent des bâtiments administratifs, des équipements et des institutions publics locaux, ainsi que des objets mobiliers nécessaires aux activités administratives. La Bosnie-Herzégovine est un cas à part. En effet, la question du patrimoine (anciennement propriété de l’Etat de Bosnie-Herzégovine) des biens municipaux, des services publics et d'autres formes de propriété commune, n’a pas été réglée, d’où une incertitude fondamentale concernant de nombreuses sources de recettes municipales ainsi que sur le potentiel de développement économique.

L’approche adoptée pour procéder au transfert de propriété est en général vivement critiquée par les collectivités locales pour sa lenteur et sa complexité. Dans certains pays, l’Etat et les entreprises d’Etat contrôlent encore 80 % de la propriété. Les collectivités locales ont leurs biens propres mais le processus d’identification et l’efficacité des transferts aux collectivités locales ne sont pas satisfaisants.

Il y a un besoin pressant d’une législation sur la répartition de la propriété entre l’Etat et les collectivités locales, conforme au principe de subsidiarité et subordonnée à l’affectation de ressources adéquates. Le législateur devrait aussi clarifier les questions de propriété dans le secteur privé pour éviter de compliquer inutilement l’investissement direct d’entreprises étrangères. En réalité, la situation varie d’un pays à l’autre. Dans « l’ex-République yougoslave de Macédoine », les autorités centrales se sont emparés de nombreux éléments du patrimoine municipal, dont des biens financés sur des ressources municipales, comme les équipements sportifs de Skopje (Rapport de suivi 2000 CPL (7) 8 Partie II). Une faible proportion seulement de ces biens a été rendue à la ville. Les collectivités locales se plaignent, cependant, de devoir financer même les réparations les plus urgentes.

SOURCES DE REVENU

On peut affirmer sans crainte de se tromper que l’une des principales caractéristiques des pouvoirs locaux est de dépendre lourdement de l’Etat. Toutefois, cette dépendance varie en fonction de l’importance et de la taille de la collectivité locale et, par voie de conséquence, de sa capacité d’obtenir des recettes provenant de redevances et d'impôts locaux, de droits, de l’activités commerciale municipale, de la privatisation d’entreprises locales et autres sources qui lui son propres. Il est également évident que des procédures budgétaires transparentes et la révision des relations entre administrations centrales et locales en matière de transferts financiers sont des préalables indispensables à la réforme. L’une des principales incitations à l’intégrité locale est la définition de règles claires qui éviteront à une administration régionale ou centrale d’avoir à procéder systématiquement au sauvetage financier des collectivités locales lorsqu’elles sont en difficulté sur ce point, notamment si lesdites difficultés ont pour cause la corruption.

Les impôts demeurent la principale source de revenu mais il arrive que les collectivités locales n’aient pas les moyens de collecter leur propres impôts et recettes. C’est alors l’administration fiscale de l’Etat qui se charge de les collecter à leur place et de leur en reverser le produit, ce qui bien entendu ne manque pas d’accentuer leur dépendance sur le plan organisationnel. De même, au vu de la situation économique actuelle des pays concernés, aucun de ces impôts ne produit des recettes satisfaisantes – et dans certaines collectivités locales ils n’en produisent aucune – et jamais ils ne produisent des fonds suffisamment abondants pour satisfaire aux besoins des autorités locales.

Le principe de la redistribution des fonds par l’Etat paraît extrêmement vague. Les subventions et transferts de l’Etat constituent une source substantielle de financement des budgets locaux et correspondent à une partie des fonctions publiques. Elles fournissent un revenu aux budgets municipaux et compensent financièrement l’exercice des nouveaux pouvoirs et les responsabilités déléguées aux autorités locales. Ce genre d’arrangement permet aux collectivités locales d’exercer une compétence qui autrement excèderait leurs capacités. Elles bénéficient également de subventions ciblées ou spécifiques qui sont en général affectées. Les transferts servent par ailleurs à compenser les inégalités qui frappent les collectivités locales du fait de leur taille et de leur potentiel de recettes locales. Les subventions, cependant, sont rarement basées sur des critères objectifs tenant compte des caractéristiques de la collectivité locale bénéficiaire. Il est donc très clair qu’il ne faudrait pas modifier la ligne qui sépare les compétences de l’Etat de celles de l’autorité locale sans examiner en même temps l’affectation des ressources financières.

Selon les experts, le ratio entre les ressources propres des collectivités locales et les subventions de l’Etat est déséquilibré et penche en faveur des subventions, en particulier pour les petites et moyennes collectivités locales .De ce fait, les ressources propres de ces dernières ne sont pas toujours visibles. Par ailleurs, les ressources, y compris les subventions de l’Etat, ne semblent pas toujours appropriées aux responsabilités dont les collectivités locales doivent s’acquitter eu égard, en particulier, aux compétences partagées. Les collectivités locales se plaignent à cet égard d’avoir à mettre en oeuvre des projets sans en avoir les moyens financiers. Les experts ont également fait remarquer que certaines collectivités locales bénéficient d’un traitement de faveur sur la base de leurs opinions politiques, ce qui se traduit en termes quantitatifs par des subventions et des transferts provenant du pouvoir central.

TRANSPARENCE ET RESPONSABILITE A L’EGARD DU PUBLIC

La transparence et la responsabilité de l’administration locale à l’égard du public ne sont pas encore bien comprises. Nombre d’administrations locales traînent après elles un legs qui les incitent à agir comme des agents de l’administration centrale et n’ont pas encore réussi à se débarrasser d’une culture de gouvernement cadenassée. La transparence et l’accès à des informations fiables et faciles à comprendre sont pourtant une condition importante à remplir pour instaurer un régime local d’intégrité. Il convient de promouvoir la bonne gouvernance et de réduire la corruption locale en améliorant la transparence et la fiabilité des organes de l’administration locale.

L’incapacité de l’administration locale est souvent invoquée comme étant le premier motif pour reculer devant une décentralisation fiscale, politique et fonctionnelle. La faiblesse du contrôle fiscal contribue à affaiblir l’environnement macroéconomique, caractérisé par une forte inflation et des taux d’intérêts élevés; une mauvaise gestion budgétaire peut entraîner des services inefficients ou de la corruption et une planification politique médiocre débouche souvent sur le gaspillage d’un argent public dépensé sur des éléments non prioritaires.

La transparence ne doit pas concerner que les assemblées élues mais s’étendre à chaque citoyen en particulier en tant que principal destinataire et caution. Les maires élus au suffrage universel doivent faire rapport au public comme à l’administration centrale. Selon les experts, trois facteurs au moins définissent le niveau d’information du public, ce sont la volonté politique, le coût financier, la viabilité technique de la production de l’information et des normes de communication prescrites. En général, les gouvernements nationaux ont des normes de communication très basses qui n’incitent pas les autorités locales à la transparence. En règle générale, les autorités locales qui dispensent une information de très bonne qualité le font de leur propre initiative.

L’attitude des organisations régionales non gouvernementales, des médias et des divers groupes d’intérêt est plutôt passive. Ils ont tous l’air de croire qu’il n’appartient qu’à l’administration d’assurer la transparence et d’avoir des responsabilités à l’égard du public et qu’eux ne sont pas en mesure de faire quoi que ce soit à ce sujet. La participation civique à la prise de décision locale est faible et le contrôle qu’exerce le public sur l’administration ne l’est pas moins. Une telle situation nourrit la corruption et entraîne le déclin de l’efficacité de l’administration locale et des réformes en général.

Les autorités locales devraient être incitées à gérer leurs communautés de manière responsable, économique, ouverte, en tenant compte de ce que souhaite leurs administrés qui attendent d’eux qu’ils agissent de manière correcte, équitable et utile. Les compétences devraient être clarifiées et les citoyens disposer de moyens leur permettant de contester les actions de l’administration locale qu’ils désapprouvent et de prévenir les errements d’une mauvaise gestion en rappelant les responsables à leur devoir.

Pour obtenir une attitude plus responsable et un meilleur service, il est indispensable que la société civile s’engage tout entière dans l’évaluation de la qualité des services dispensés. Les principes de transparence et de responsabilité démocratique sont de la plus haute importance dans une réforme institutionnelle. La responsabilité publique et démocratique à tous les niveaux de la hiérarchie gouvernementale est un préalable à toute amélioration majeure de la performance du secteur public. La responsabilité démocratique peut consister à s’efforcer d’augmenter la participation des citoyens et d’améliorer les modalités selon lesquelles ils pourraient faire de la participation un outil permettant de tenir une administration locale pour responsable de ce qu’elle fait. Les élections locales, pense-t-on, sont la forme de responsabilité la plus courante et la plus puissante, mais d’autres mécanismes tels les conseils de citoyens peuvent aussi exercer une influence.

L’Etat a transféré un grand nombre de tâches aux pouvoirs locaux tout en se réservant un droit de contrôle et le droit de donner des instructions sur la manière de procéder pour les réaliser. Beaucoup des tâches déléguées sont non seulement lourdement réglementées mais aussi financées en partie par l’Etat. Il devient alors impossible pour le citoyen moyen et quelquefois même pour le conseil local de déterminer qui a décidé quoi et donc être tenu pour responsable. La clarté de l’action et l’accès des citoyens à l’information sont donc de la plus haute importance. Le niveau et le détail de cette information devraient suffire à évaluer la responsabilité de l’administration en matière financière et de l’emploi des fonds, y compris en ce qui concerne certains aspects de la corruption et l'efficacité des services dispensés par ses soins.

Les organisations non gouvernementales internationales et locales pourraient aussi contribuer de manière positive à la transparence et à la responsabilité à l’égard du public. Par exemple, à la lumière des résultats d’une enquête menée sur le système national d’intégrité, Transparence- Serbie a identifié comme prochaines activités, l’évaluation de :

- la mise en œuvre de la stratégie nationale de lutte contre la corruption,
- l’assistance fournie aux ministères pour l’élaboration de plans d’action anti-corruption,
- l’assistance fournie pour l’application de la loi sur les conflits d’intérêts et du code de conduite,
- la campagne de sensibilisation du public,
- les pressions exercées pour obtenir le libre accès à l’information,
- le suivi de l’application de la loi sur le financement des partis politiques,
- les pratiques des marchés publics.

Dans « l’ex-République yougoslave de Macédoine », un très vaste programme de renforcement des institutions de l’administration locale par le biais du développement des capacités, de la transparence et de la responsabilité financière a été lancé par le gouvernement, en collaboration avec des partenaires internationaux. L’objectif est de conforter les capacités des employés des administrations locales dans le domaine de la gestion fiscale fiable et transparente, car il s’agit d’un préalable indispensable à une gestion effective décentralisée et à une gouvernance locale participative. Des programmes similaires sont en cours et diverses organisations non gouvernementales internationales sont également actives dans ce domaine dans d’autres pays de l’Europe du Sud-Est.

Une société civile active et bien informée est le catalyseur de la bonne gouvernance. Le peu d’empressement à diffuser des informations plonge ses racines dans une tradition autoritaire qui place l’Etat au sommet de la société. Le droit des citoyens à consulter les registres publics doit être inscrit dans la loi. Dans la plupart des pays, aucune loi sur la liberté de l’information n’a été adoptée. Toute personne qui demande à consulter ces documents doit exposer toutes les raisons pour lesquelles elle souhaite les consulter ou expliquer ce qu’elle veut en faire. Les organes gouvernementaux n’ont le droit de refuser les documents demandés que si leur publication irait à l’encontre de l’ordre public ou constituerait clairement un viol de la vie privée. Par conséquent, le droit d’accès à l’information gouvernementale est crucial pour la transparence de l’administration publique et pour déceler l’inconduite et la corruption des responsables.

En règle générale, devraient être rendus publics les documents suivants: budget annuel exécuté et budget prévisionnel, rôle des employés avec mention du total des salaires, primes comprises, liste des biens, procédures des marchés publics, coûts unitaires des activités et normes des travaux publics, situation financière mensuelle ou trimestrielle, indicateurs des résultats de l’exécution des services de base. Ces informations devraient être présentées sous une forme facilement compréhensible de façon à ce que le public ne puisse avoir aucun doute sur leur sens. Malheureusement, ces informations, lorsqu’elle sont disponibles sont de mauvaise qualité et les gens finissent pas s’en désintéresser. L’imposition de certaines obligations aux autorités locales, de faire rapport et de consulter leurs administrés sont justifiées et nécessaires.

PARTICIPATION DES CITOYENS A LA PRISE DE DECISION LOCALE

La décentralisation est souvent considérée comme un instrument visant à renforcer la participation des citoyens à la prise de décision en matière de politique publique, ce qui reviendrait à accéder à une autre étape de la démocratisation, améliorerait la crédibilité de l’Etat et serait la garantie sociale de l’efficience et de l’efficacité des politiques publiques. Un nouveau projet de loi, par exemple, donnerait aux citoyens l’occasion de participer activement à la prise de décision locale. Mais bien des obstacles se dressent devant un tel programme et de nouvelles stratégies et méthodes s’imposent.

Les modalités selon lesquelles les particuliers pourraient participer à l’administration locale et influencer la prise de décision sont nombreuses. Les pouvoirs locaux devraient élaborer une stratégie propre à améliorer les processus de gouvernance donnant aux citoyens le sentiment qu’ils sont réellement capables d’influencer les processus de décision et leurs résultats.

La participation effective des citoyens est essentielle pour une bonne gouvernance, outre le fait qu’ils peuvent jouer un rôle important dans la gestion de la collectivité locale. L’administration locale a donc tout intérêt à promouvoir et à soutenir une participation active des citoyens. La participation publique peut aller du partage de l’information à des formes actives de participation susceptibles d’exercer une influence sur les services publics et les politiques

Il convient d’accorder une attention particulière à la participation des minorités nationales, car les instruments du Conseil de l’Europe contiennent des dispositions particulièrement importantes en ce qui concerne la gouvernance locale et le droit des minorités à une participation effective à la vie publique. La création de conditions permettant une participation pleine et effective des communautés minoritaires est essentielle au fonctionnement des démocraties, et à cet effet il conviendrait d’examiner les besoins de groupes victimes d’un double désavantage, par exemple les femmes et les enfants des minorités. L’article 15, par exemple, de la Convention -cadre du Conseil de l’Europe pour la protection des minorités nationales demande que les Parties «s'engagent à créer les conditions nécessaires à la participation effective des personnes appartenant à des minorités nationales à la vie culturelle, sociale et économique, ainsi qu'aux affaires publiques, en particulier celles les concernant ». Afin de créer les conditions nécessaires, le Rapport explicatif suggère que les Parties pourraient promouvoir notamment la consultation avec les communautés minoritaires sur les affaires les concernant, l’association de ces minorités à l’élaboration, à la mise en œuvre et à l’évaluation des plans et programmes de développement national et régional susceptibles de les toucher directement et leur participation effective aux processus de prise de décision au niveau local.

Les pouvoirs locaux et régionaux de l’Europe du Sud-Est doivent aussi accorder une attention particulière au problème des réfugiés et des personnes déplacées. La promotion d’un retour durable des réfugiés ou l’intégration des personnes déplacées est également un préalable à remplir pour que ces victimes du conflit passé soient intégrées dans la communauté locale.

Selon les experts, une gestion effective au niveau local est la clé de la coexistence pacifique à travers la participation active de chaque communauté ethnique à la vie publique, quel que soit le contexte. Dans l’Europe du Sud-Est, les acteurs locaux ont affaire à des problèmes particuliers, car les systèmes dans lesquels ils exercent sont à cours d’argent et se trouvent dans des situations post-conflictuelles où les relations intercommunautaires sont très tendues, si bien que les processus de réconciliation ont encore beaucoup de chemin à accomplir. Pourtant, les pouvoirs locaux et la société civile peuvent jouer un rôle d’une importance capitale en faisant en sorte que des communautés différentes coexistent pacifiquement et en veillant à ce que tous les droits fondamentaux des personnes soient respectés.

Les Agences de la démocratie locale (voir ci-dessus) peuvent concourir à atteindre ces objectifs. Elles ont pris ces dix dernières années plusieurs initiatives visant à améliorer la participation des citoyens, des jeunes et des minorités à la vie publique, notamment à l’aide du Programme du Conseil de l’Europe sur les mesures de confiance, qui a également lancé, en Bulgarie et en Roumanie, des projets pilotes relatifs au développement de la citoyenneté démocratique, soutenus par un leadership local énergique. Sont également en cours, en Serbie-Monténégro et en Bosnie-Herzégovine, une campagne de sensibilisation et une évaluation des besoins en matière d’engagement communautaire, avec le soutien elles aussi d’un bon leadership.

ROLE DES MEDIAS

On ne peut sous-estimer le rôle des médias dans le développement de la démocratie locale. De surcroît, avec l’essor des techniques modernes de communication, la diffusion les échanges d’informations ne font que s’amplifier. C’est par l’intermédiaire des médias que de nombreux messages politiques pourraient être transmis et la coopération entre les villes ou transfrontalière se réaliser d’autant plus facilement.

L’audiovisuel a un rôle important à jouer dans le développement de la démocratie locale en Europe du Sud-Est. Tous les pays de cette partie de l’Europe possèdent des stations de télévision commerciales, tant au niveau national que local. Les stations radio se multiplient, notamment aux niveaux local et régional. La presse écrite se développe et la pénétration d’Internet augmente rapidement.

Les principes fondamentaux du journalisme exigent, entre autres, une vérification indépendante des informations, un esprit ouvert quel que soit le sujet abordé afin d’éviter les jugements précipités et de laisser les faits se décanter. Le non-respect de ces principes reconnus entraîne invariablement des rumeurs, des accusations fausses, des articles superficiels et, en mettant les choses au pire, le risque de tomber dans la propagande. Il faut comprendre aussi que laisser reposer les choses et ne pas rendre publiques certaines informations est bon pour le grand public et que la transparence n’est pas toujours la réponse correcte. Les émissions d’informations télévisées peuvent offrir des explications et des reportages qui éclairent l’audience. Mais cet avantage n’arrive pas seul, car dans son sillage peut se faufiler aussi la tromperie et une désinformation délibérée. Il est dommage qu’une certaine presse, au lieu de se borner à présenter les faits, semble préférer créer un climat de mensonges et de haine afin de pousser la vente de leur journal.

Des réformes démocratiques dans le domaine de la liberté d’expression demandent du temps. Le processus exige un engagement de longue durée et une approche stratégique. Malgré des progrès, les médias de l’Europe du Sud sont gênés dans leur développement par la dépendance économique, le manque de formation des journalistes, la faiblesse des structures professionnelles, et souvent par un cadre législatif peu clair et encore non achevé.

Le Conseil de l’Europe accorde une attention particulière au développement des médias dans le Sud-Est européen. Le groupe de travail des médias est l’un des six objectifs fondamentaux du Pacte de Stabilité de l’Europe du Sud-Est. Grâce à la coopération qui s’est nouée entre des donateurs, des organisations internationales et les pays bénéficiaires, une assistance a été fournie aux médias indépendants et professionnels de la Moldova à l’Albanie.

Une vaste gamme d’activités a été déployée par le Conseil de l’Europe en Europe du Sud-Est , dans le cadre du programme du Pacte de Stabilité. Les trois domaines ci-après revêtent, estime-t-on, une importance particulière: la législation sur la radiodiffusion, les lois sur la diffamation et l’application des lois sur l’accès à l’information afin d’améliorer la transparence et de lutter contre la corruption.

Les programmes du Conseil de l’Europe visent à établir un cadre régulateur de la liberté d’expression et des médias, conforme aux normes qu’il a définies. Ce cadre normatif est un pas en avant qui facilitera le développement de médias professionnels et indépendants, propres à encourager un climat de tolérance et de compréhension mutuelle.

Tous les gouvernements des pays concernés se sont engagés à mettre sur pied des services de radiodiffusion publics. Un cadre juridique qui régule les questions afférentes aux médias est indispensable pour assurer la liberté d’expression, la protection des sources, l’accès à l’information et le pluralisme des groupes de médias; presque tous les pays d’Europe du Sud-Est en sont d’ailleurs pourvus. La législation sur les nouveaux médias, adoptée au Monténégro, en 2002, est l’une des plus récentes de la zone. En Serbie, deux nouvelles lois sur les télécommunications et l’information publique ont été adoptées récemment.

Le passage d’un service de radiodiffusion d’Etat à un service public est un processus dynamique. L’indépendance de l’Autorité de la radiodiffusion devrait être légalement garantie et répercutée dans sa structure, sa procédure de recrutement, l’élection de ses membres et son financement. Il convient de prévoir des financements réguliers et diversifiés pour les services de la radiodiffusion publique mais il faut les protéger aussi contre la concurrence déloyale de radiodiffuseurs présents sur le marché. Il serait opportun que certaines organisations non gouvernementales actives dans le secteur médiatique du sud-est européen accentuent leurs efforts pour que les organisations intergouvernementales soient informées de la situation et, le cas échéant, puissent intervenir.

Pour compléter le processus, les pays de la région devraient adopter une loi sur la liberté de l’information selon laquelle tout un chacun aurait le droit d’accéder librement à l’information gouvernementale. On devrait pouvoir accéder non seulement aux informations d’intérêt public ou à celles de certaines autorités publiques, mais à toutes les informations détenues par toutes les autorités quelles qu’elles soient. Une fois ces lois adoptées, des mesures deviennent indispensables pour assurer leur mise en application.

COOPERATION TRANSFRONTALIERE ET EUROREGIONS

Des décennies durant, il n’y a eu de coopération entre les villes de la région qu’à l’intérieur des frontières d’un Etat fédéral. L’effondrement de la République fédérale et socialiste de Yougoslavie et l’émergence de plusieurs pays indépendants ont signifié que, pour avoir une chance de se poursuivre, la coopération préexistante devait surmonter un certain nombre d’obstacles liés à la création de frontières internationales. Par ailleurs, les conflits, qui ont sévi dans la zone pendant des années, ont laissé en héritage la méfiance et la peur. Et les apaiser a pris du temps. Enfin, comme certains pays de la région ont fait preuve de plus de dynamisme et de détermination que d’autres pour engager des réformes politiques et de libéralisation de l’économie, certains d’entre eux sont devenus des pôles d’attraction pour des pouvoirs locaux et régionaux qui souhaitaient le développement d’une coopération internationale susceptible de mettre au défi la division traditionnelle du « centre » et de la « périphérie ».

Ces événements se sont traduits par l’adoption de quelques nouveaux modes d'action dans toute la région. Tout d’abord, même si les lois relatives aux compétences et responsabilités municipales ne diffèrent pas radicalement d’un pays à l’autre – subordonnées qu’elles sont aux bons résultats des réformes législatives en cours dans un certains nombre de pays : Bosnie-Herzégovine, Serbie, Monténégro, Croatie – la coopération transfrontalière de ville à ville est encore relativement limitée. Le manque de ressources et la capacité limitée de gérer les affaires municipales, plutôt que des compétences différentes semblent la principale raison pour le développement médiocre de la coopération entre les villes. A cet égard, l’absence d’un cadre juridique clair pour la coopération transfrontalière est perçue par les collectivités locales comme un obstacle majeur. La Convention-cadre du Conseil de l'Europe dite "de Madrid" fournit la sécurité juridique requise; cependant, elle n’a pas encore été ratifiée par tous les pays de la région (« l’ex-République yougoslave de Macédoine », Serbie-Monténégro, Bosnie-Herzégovine), leurs autorités municipales et territoriales ne disposant pas d’une base légale pour entrer dans des accords formalisés et nouer des partenariats avec leurs voisins.

Ensuite, le développement rapide de formes de coopération entre divers partenaires, à la fois institutionnels et de la société civile, a entraîné la création de plusieurs entités dites « Eurorégions ». Un compte non exhaustif les porte à 10. On peut citer comme des exemples récents d’Eurorégions, Euro Balkans, (Nis-Skopje-Sofia), Danube 21 et Nestos-Mesta auxquelles on pourrait ajouter les Eurorégions DKMT (Dunav-Kris-Mures-Tisza) relativement plus anciennes, tandis que l’Eurorégion Prespa-Ohrid est encore à l’examen. L’Eurorégion Belasica, crée à Kilkis, est une unité formée de trois organisations transfrontalières à but non lucratif qui sont en fait des réseaux de pouvoirs locaux, de partenaires socio-économiques. Dans le cadre de la frontière commune entre «l’ex-République yougoslave de Macédoine », la Grèce et la Bulgarie. C’est l’une des rares Eurorégions actives des Balkans et l’une des très rares regroupant des membres de l’Union européenne et de pays non membres. D’autres exemples à prendre en compte sont des Eurorégions comme Dunav-Kris,Itsza, Drina-Sava-Majevica, etc.

Les Eurorégions sont la réponse des pouvoirs locaux et régionaux à la stagnation de la coopération institutionnelle entre pays de la même région et le résultat de leur recherche de solutions originales, face à la lenteur du développement économique et social. Malgré une architecture juridique parfois imparfaite ou incomplète, les Eurorégions sont une tentative originale de forger de nouvelles solidarités et des liens sociaux, économiques et culturels à travers les frontières, impliquant des acteurs politiques, économiques et éducatifs, c’est-à-dire des comtés et des provinces, des communes et leurs associations. Elles sont parfois établies sur une base ad hoc avec une couverture géographique limitée, des chambres de commerce, des universités, des ONG, etc.

Les Eurorégions n’ont aucun pouvoir politique et les compétences des pouvoirs locaux et régionaux qui les composent sont la limite posée à leurs activités. Dans les limites de la portée géographique de leur coopération, les structures transfrontalières sont des arrangements de coopération transfrontalière des collectivités et autorités territoriales visant à promouvoir des intérêts communs et à améliorer le niveau de vie des populations des régions frontalières.

Lorsqu’elles ont des structures plus intégrées, les Eurorégions paraissent avoir un objectif plus général de promotion d’intérêts communs par le biais de la coopération transfrontalière. Ces activités s’étendent non seulement au développement socio-économique et à la coopération culturelle, mais aussi à d’autres domaines d’intérêt général pour les populations des régions frontalières, comme les affaires sociales, les soins de santé, l’éducation et la formation, la gestion des déchets, la conservation de la nature et la gestion des paysages, le tourisme et les loisirs, la coopération en cas de catastrophe naturelle et les transports. Elles diffèrent également dans la pratique de leurs activités transfrontalières. Alors que certaines d’entre elles se bornent à échanger des informations, à des activités de consultation et à entreprendre des études, d’autres semblent être capables de gérer et de mettre en œuvre des projets concrets.

Si tous les pays de la région n’ont pas encore signé ou ratifié la Convention-cadre européenne et ses protocoles, en particulier le Protocole additionnel sur le statut juridique des organes de coopération transfrontalière, c’est parce qu’ils redoutent, entre autres, que des collectivités locales ou des autorités voisines puissent créer des organes de coopération sur la base d’affinités et d’intérêts ethniques.

Cette préoccupation mérite d’être prise au sérieux. La réponse réside, non dans la pénurie financière des collectivités locales et dans la capacité réduite de conclure des accords, mais dans la conclusion d’accords interétatiques, initiés par les Etats eux-mêmes, qui spécifieraient les domaines de coopération et la portée d’une coopération entamée avec les autorités locales.

La Déclaration politique adoptée le 5 novembre 2003 à Chişinău par le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe reconnaît le rôle positif de la coopération transfrontalière interterritoriale visant à surmonter les récentes divisions et à promouvoir la réconciliation et la coopération entre pays de l’Europe du Sud-Est et leurs voisins. Elle incite les pays concernés à signer et ratifier, le cas échéant, la Convention-cadre de Madrid et ses protocoles pour négocier et conclure des accords interétatiques sur un certain nombre de sujets, en vue d’encourager le développement social et économique de la région et réduire les obstacles que les frontières internationales imposent à leurs citoyens (un passeport au lieu d’une carte d’identité, visa exigé, nombre limité de moyens pour traverser la frontière, infrastructure inadéquate aux points de passage de la frontière).

Les premiers entretiens entre pays concernés ont eu lieu à l’initiative du Secrétariat du Conseil de l’Europe comme la Déclaration le recommande à juste titre. On espère que cette activité permettra d’identifier des sujets concrets menant à conclure des accords entre les pays concernés, bilatéraux ou multilatéraux si nécessaire, couvrant les domaines prioritaires de coopération comme la culture, l’éducation, la protection de l’environnement, la planification des espaces, les mouvements de marchandises et ceux des personnes, etc.

Le Pacte de Stabilité - à travers les Tables de Travail I et II - et plusieurs ONG, comme la Fondation Soros et l'Institut Est-Ouest, se sont attaqués à la question de la coopération transfrontalière et ont engagé une coopération directe avec les autorités locales et les Eurorégions. Les conclusions de la conférence d’Osijek (Croatie), les 18-19 novembre 2002, insistent sur la nécessité de se pencher sur la mise au point du cadre institutionnel des dites Eurorégions et de chercher une reconnaissance adéquate du « facteur eurorégional » par les Etats de la région et les agences européennes et internationales impliquées dans le renforcement de la stabilité et le développement de la région.

Plus récemment, la communication de la Commission européenne sur la nouvelle politique de voisinage de l'Union Européenne et le Rapport 2003 sur la cohésion de l’Union européenne (Rapport Barnier) suggèrent l’un et l’autre qu’il faudra trouver des solutions au problème de la promotion d’un développement économique et social équilibré des régions qui longent les nouvelles frontières extérieures de l’Union européenne élargie, en impliquant les autorités limitrophes. Il faudra donc à nouveau examiner attentivement le rôle des Eurorégions et les méthodes et moyens à employer pour qu’elles puissent jouer un rôle significatif dans la gestion des projets de développement.

REMARQUES PARTICULIERES

La logique du présent rapport consiste à donner un aperçu des tendances générales dans le domaine du développement de la démocratie locale dans l’Europe du Sud-Est et ne vise aucun pays en particulier. Cependant, au cours des derniers mois, certains développements sont intervenus qui méritent d’être mentionnés dans ce chapitre.

Dans « l’ex- République yougoslave de Macédoine », après un délai de plusieurs mois, les trois Lois de l’autonomie locale ont entamé leur itinéraire parlementaire. Il est encourageant de signaler que, en accord avec l’Article 5 de la Charte européenne sur l’autonomie locale, une consultation publique générale sur le projet de loi sur l’Organisation territoriale des collectivités locales est en cours. Les référendums ont, dans de nombreux cas, retenus les besoins des petites localités. Dans d’autres, ils ont malheureusement révélé que c’est pour des raisons ethniques que l’on s’opposait à la modification des limites territoriales. Dans certaines collectivités locales, le groupe ethnique majoritaire risquait de devenir un groupe ethnique minoritaire dans l’organisation proposée. On sait aussi que dans certains endroits, les minorités ethniques ont boycotté les référendums. Le gouvernement a réaffirmé que, avant que les propositions finales soient soumises au parlement, il sera tenu compte des consultations et des référendums qui ont déjà eu lieu. Quant au projet de loi de la Ville de Skopje, les réactions des maires sur le nouveau tracé des limites municipales de Skopje sont mitigées. Les maires des partis d’opposition, albanais et macédoniens, sont opposés aux modifications proposées pour Skopje. D’autres maires reconnaissent que la nouvelle loi donnera des avantages financiers à Skopje. Certaines parties de la loi proposée demande à être clarifiées. Les maires de Skopje acceptent le fait qu’ils n’auront pas les mêmes compétences s’ils deviennent maires d’autres communes, néanmoins ils estiment que tous les maires de l'"ex-République yougoslave de Macédoine" devraient avoir le même statut. Le nombre final de sous-municipalités n’a pas encore été fixé, alors que certains partis albanais demandent que les municipalités extérieures à Skopje soient incorporées dans la Ville. En ce qui concerne le projet de loi sur les finances de l’autonomie locale, certains points demeurent peu clairs, notamment en relation avec les finances des sous-municipalités de Skopje. Le ministère des finances va continuer à étudier la question et peut-être aussi les experts du Conseil de l’Europe vont-ils être impliqués avant la seconde lecture de la loi.

En Serbie-Monténégro, il semble que, de l’avis général, il faille effectivement mettre en œuvre la législation sur l’autonomie, et divers acteurs internationaux insistent sur l’importance de la décentralisation et de la démocratisation de l’autonomie locale. Le Monténégro a très récemment adopté une série de lois ambitieuses définissant le cadre de la décentralisation et de l’autonomie locale; le même processus est en cours en Serbie. Cependant, les réformes en la matière ont un itinéraire assez lent et développer plus encore la législation dans le domaine de l’administration locale est une nécessité absolue pour édifier une société vraiment démocratique et représentative. Il ne fait aucun doute qu’il vaut mieux structurer l’organisation de la société civile, améliorer l’accès et la participation à l’administration locale, améliorer la solidité juridique et financière de cette dernière et chercher comment accroître l’influence des autorités locales au niveau national. Les autorités locales ont besoin d’être mieux formées pour exercer leurs tâches de manière professionnelle et efficiente au bénéfice de leur collectivité.

Une mention particulière doit être faite sur la région du Sandjak, avec sa capitale Novi Pazar. Même en comparant avec les standards de la Serbie-Monténégro, cette région est particulièrement sous-développée et a un niveau élevé de chômage. La région est multiethnique et située aux frontières du Kosovo, en partie en Serbie et en partie au Monténégro. Ses représentants politiques se plaignent du manque de soutien, de la part de la Serbie-Monténégro, mais aussi de la communauté internationale. La population vit à la limite du seuil de pauvreté, ce qui a un impact néfaste sur le développement de l'économie locale. La région souhaiterait également bénéficier de l'implantation d'une Agence de la démocratie locale. La situation de cette région située à des frontières difficiles ainsi qu'un manque de décentralisation, conduit à une situation dans laquelle les populations de la région considèrent qu'il n'y a pas d'espoir d'un avenir positif pour elle.

Contrairement à d’autres entités de la région, aucune décentralisation n’a eu lieu jusqu’ici au Kosovo, bien que sa structure actuelle brille par ses carences. La plupart des municipalités sont trop étendues et les services administratifs de mauvaise qualité. Les gains résultant des économies d’échelle sont largement compensés par un déficit démocratique dû à une représentation territoriale inappropriée dans les assemblées municipales, à l'éloignement d’une grande partie de la population et à l’absence de participation et de contrôle public. La qualité des services dans ces unités est en général mauvaise. Il leur faut s’occuper de trop de gens et une grande partie de la population est loin du centre municipal. Le système électoral local a renforcé cette organisation relativement centralisée, car il repose sur des listes closes de partis politiques, en ignorant complètement le principe du découpage électoral. Si bien que les communautés locales ont été effectivement marginalisées du fait du processus de prise de décision.

Bien que réglementation de la MINUK n° 2000/45 sur l’autonomie des collectivités locales au Kosovo suive de très près la Charte européenne de l’autonomie locale, ses dispositions ont été très inégalement appliquées en raison du manque de clarté des compétences spécifiées et de l’absence d’un mécanisme d’application approprié.

Les collectivités locales ont des difficultés à définir la propriété municipale et n’ont pas su mettre en place un système permettant d’identifier et de protéger les biens municipaux. Les règles contradictoires qui régissent les services publics et les infrastructures font régner la confusion dans la relation entre collectivités locales et entreprises publiques. Les collectivités locales n’ont d’ailleurs pas réussi à mettre un terme à la construction illégale.

A la demande de la MINUK, le Conseil de l’Europe a récemment élaboré une proposition de réforme visant à rapprocher de la population la prise de décision et la gestion, à améliorer peu à peu la qualité de l’administration locale et à restaurer un tant soit peu la confiance des citoyens dans leurs représentants et leurs fonctionnaires et à renforcer la stabilité des institutions démocratiques du Kosovo, en particulier dans le domaine des relations interethniques. Mais il n’est pas du tout sûr que ces propositions atteignent le stade de la mise en œuvre car le climat politique du Kosovo a un effet négatif persistant sur les efforts qui ont été faits pour rationaliser les débats sur la réforme de l’administration locale.

La Mission de décentralisation du Conseil de l’Europe au Kosovo souligne dans son rapport que, fondée essentiellement sur le principe de subsidiarité et les critères de la Charte de l’autonomie locale, la réforme proposée vise avant tout à rapprocher les citoyens du processus de prise de décision, à améliorer la qualité des services publics et l'efficacité de l’administration. A cet effet, il a été proposé d’ajouter un nouvel échelon à la structure administrative locale, au niveau sous-municipal, tout en maintenant les collectivités locales existantes dans leur fonction d’élément principal de l’administration locale; il s’agirait de créer quelque 180 unités sous-municipales, assorties de conseils et de responsables élus. On a souligné que le Kosovo nécessite une administration locale efficace adaptée aux besoins des administrés, que les services devraient être plus proches de la population pour que cette dernière puisse exercer une influence sur ces services et avoir son mot à dire sur la manière dont ils sont conçus. Le principe directeur derrière la réforme de l’administration locale devrait être d’assurer une gestion locale plus efficace et responsable, d’améliorer l’exécution des services publics et de faire en sorte que les hommes politiques locaux soient à même de progresser dans l’exercice de leurs responsabilités. Malheureusement le rapport du Conseil de l’Europe élaboré en novembre n’a pas abouti. Il s’est heurté à l’opposition de l’Association des municipalités du Kosovo et de l’Assemblée du Kosovo. Il y a donc nécessité absolue d’examiner la situation et de progresser.

CONCLUSIONS

Les autorités locales de l’Europe du Sud-Est connaissent un développement rapide. Elles ont, cependant, à faire face à de nombreux obstacles de nature politique, économique et pratique. Nombre de problèmes sont dans l’attente de solutions durables.

La nécessité de renforcer les diverses composantes de l’administration locale est indéniable. A bien des égards, les collectivités locales restent faibles et la nécessité de transférer des pouvoirs additionnels et des ressources importantes au niveau local est évidente.

La communauté internationale – Union européenne, Conseil de l’Europe, Pacte de Stabilité – devrait confirmer son soutien aux processus de réformes engagés dans la plupart des pays en vue de réaliser une décentralisation solide et équilibrée aux niveaux institutionnel et fiscal. Les pouvoirs publics chargés de la mise en œuvre de l’autonomie locale des pays de la région devraient être encouragés à réaffirmer par une déclaration politique leur engagement à réaliser le processus de réforme jusqu’à une mise en œuvre réussie.

La législation devrait clarifier les pouvoirs et les responsabilités des différents niveaux d’autorité et régler la nature et l’étendue du contrôle que les échelons supérieurs de l’administration exercent sur les pouvoirs locaux ainsi que les relations des divers échelons administratifs entre eux.

Il faudrait que, dans certains pays, la législation soit modifiée pour être en accord avec la Charte européenne de l’autonomie locale et que des mesures soient prises pour garantir qu’elle s’applique à toutes les affaires qui relèvent de la démocratie locale et régionale.

Le transfert de responsabilités du niveau central au niveau local devrait être réel et soutenu par des moyens financiers et logistiques. Les autorités centrales et locales devraient avoir des méthodes de travail plus transparentes.

Il faudrait encourager le resserrement des liens et la coopération transfrontalière et interterritoriale. Les initiatives prises sur ce point par les collectivités locales dans différents pays de l’Europe du Sud-Est doivent être appréciées et encouragées.

Les Eurorégions méritent d’être encouragées sous réserve que le cadre juridique qui a présidé à leur création et au sein duquel elles fonctionnent soit adéquat. Les mesures initiales prises pour donner un suivi à la Déclaration politique de Chişinău (de la ratification de la Convention-cadre européenne de Madrid et ses Protocoles à la conclusion éventuelle de nouveaux accords entre Etats) sont les bienvenues et devraient se poursuivre.

Le rôle des médias ne devrait pas être sous-estimé en ce qui concerne les problèmes de transparence et de responsabilité à l’égard du public, ainsi que l’établissement de nouveaux contacts entre collectivités locales. Les médias semblent les mieux placés pour promouvoir ces points

Enfin, il est clair que devant les difficultés financières auxquelles sont confrontées aujourd’hui les collectivités locales, il pourrait être présomptueux pour l’instant de mettre l’accent sur la nécessité d’améliorer l’offre de service aux citoyens, mais il n’en demeure pas moins qu’il s’agit d’un objectif de première importance.

1 Pour de plus amples informations, voir le document CG (10) 8, rapport d’information sur le 10ème Anniversaire du Programme ADL présenté par Yavuz Mildon à la Session plénière du Congrès, en 2003, et le site Internet de l’Association ADL: www.ldaonline.org