CPR (10) 4 – Partie II - Le rôle des autorités territoriales dans la gestion des bassins fluviaux (16/04/03)

Rapporteurs : Carolina W. JACOBS (Pays-Bas) et Liviu Nicolae DRAGNEA (Roumanie)

EXPOSE DES MOTIFS

1. Introduction

Le bassin du Danube couvre dix-huit Etats qui se trouvent à des étapes de développement différentes et présentent des systèmes politiques très variés. Il y a seulement dix ans que le partage géographique lié à la guerre froide, qui coupait en deux le bassin du Danube, a été levé. Comme le montre l’exemple du bassin du Rhin, dix ans représentent un temps très court pour le développement d’une gestion intégrée et coopérative d’un bassin fluvial. Dix ans, c’est aussi très court lorsqu’il s’agit d’introduire une économie de marché, ainsi qu’un système démocratique et décentralisé de gouvernement, et de faire évoluer la relation fondamentale entre société humaine et environnement d’une relation d’exploitation à une relation d’interdépendance et de respect. Ce sont autant de développements qui sont intervenus simultanément et avec des degrés d’avancement variables dans chacun des Etats du bassin.

La gestion intégrée des ressources en eau nécessite un réseau complexe de décideurs, d’autorités publiques à différents niveaux, de spécialistes, d’investisseurs et de consommateurs pleinement informés et faisant preuve d’une attitude responsable à l’égard de l’utilisation et de la conservation de l’eau. Dans tout bassin fluvial traversant des frontières administratives ou politiques, la coopération étroite entre les régions et le développement d’une gestion conjointe entre elles sont aussi des conditions indispensables à la mise en œuvre d’une gestion intégrée des ressources en eau. Lorsque les régions concernées appartiennent à des Etats différents, les défis à surmonter sont plus importants puisqu’il est alors nécessaire de développer une coopération multilatérale entre Etats, sans pour autant négliger le niveau régional où une grande partie des tâches pratiques de gestion intégrée des ressources en eau doivent être mises en œuvre.

Ces défis sont précisément ceux auxquels les Etats et les régions du bassin du Rhin et du bassin du Danube doivent répondre. Les deux fleuves ont été marqués par les développements de l’histoire européenne, sur lesquels ils ont aussi exercé une influence essentielle, notamment en ce qui concerne les frontières, les cultures et l’évolution démographique du continent ; les relations entre les Etats et les régions qui bordent ces deux grands fleuves européens connaissent depuis des siècles des phases de coopération et de conflit. Depuis la fin de la deuxième guerre mondiale jusqu’au début des années 90, la majorité des Etats du bassin du Danube étaient des républiques socialistes centralisées, membres du Pacte de Varsovie, et ceci a eu des conséquences très importantes sur le mode de gestion des ressources en eau et, en particulier, une très forte diminution de la participation du public, des autorités territoriales et des administrateurs au processus de décision. Pendant la même période, la démocratie représentative s’est renforcée dans les Etats riverains du Rhin ; la prospérité accrue et les progrès de l’intégration européenne, parallèlement aux débuts du mouvement écologiste, ont conduit au développement d’un programme sans précédent de réhabilitation du fleuve.

En 1971, le public et les gouvernements du bassin du Rhin se sont alarmés du problème dramatique de la qualité de l’eau, ce qui a conduit les Etats à prendre des mesures concrètes pour réduire la pollution du fleuve. De 1971 à 1985, les pays riverains ont dépensé environ 40 milliards de dollars pour la construction d’un système d’usines de traitement des eaux ; toutefois, jusqu’en 1986, en l’absence d’un plan intégré et d’un projet à long terme pour le bassin fluvial, aucun véritable progrès n’a été enregistré dans l’épuration du Rhin. Il a fallu un accident grave, l’incendie de l’usine chimique Sandoz, qui a dévasté la vie aquatique du fleuve en 1986, pour que la question de la pollution du Rhin se voie reconnaître, grâce à la publicité et à l’attention politique obtenues à cette occasion, une plus grande priorité au niveau national et régional. Dès 1987, trois conférences ministérielles avaient été organisées pour répondre au problème du Rhin et un Programme d’action pour le Rhin mis sur pied. Par la suite, les très graves inondations de 1993 et 1995 ont attiré l’attention sur la nécessité d’une action coopérative pour la prévention des inondations et l’aménagement de l’espace du bassin ; le Plan d’action pour la prévention des inondations du Rhin a été adopté en 1998.

La transformation du Rhin d’« égout de l’Europe », qui horrifiait le public dans les années 70, en un fleuve transfrontalier relativement propre ayant atteint la plupart de ses objectifs en matière de pollution et de prévention des inondations, et dans lequel le saumon nage de nouveau, a fait de l’initiative de réhabilitation du Rhin un modèle pour les grands bassins fluviaux du monde entier ; elle a aussi joué un rôle déterminant dans le processus ayant conduit à l’élaboration de la Directive-cadre sur l’eau (DCE) de l’Union européenne, qui représente un véritable pas en avant. Bien qu’il soit naturellement impossible de transposer tel quel dans un autre contexte un modèle ayant fait ses preuves dans un bassin fluvial particulier, il est certainement utile d’identifier les éléments du programme de réhabilitation du Rhin qui en ont permis le succès et de déterminer dans quelle mesure l’expérience acquise pourrait être mise au service d’autres bassins fluviaux comme celui du Danube.

Au moment où l’Union européenne s’apprête à s’élargir en direction de l’Europe centrale et orientale, la comparaison entre ces deux fleuves apparaît d’autant plus pertinente que la planification et la gestion futures des ressources en eau des deux bassins seront largement dictées par les dispositions de la Directive-cadre sur l’eau de l’UE, qui est entrée en vigueur en 2001. Pour les Etats candidats à l’adhésion à l’UE du bassin du Danube, le respect de ces dispositions est le principal objectif des politiques dans le domaine de l’eau et il guide aujourd’hui le processus décisionnel de ces pays.

L’élargissement de l’UE représente à la fois un énorme défi et une très grande opportunité pour l’Europe de l’Est et, en particulier, pour le bassin du Danube. Des progrès substantiels sur la voie de la coopération entre les Etats riverains du Danube ont été réalisés au cours des dix dernières années, notamment avec la Convention de coopération pour la protection et l’utilisation viable du bassin du Danube (1994), la Convention pour la protection de la mer Noire contre la pollution et la création de la Commission internationale pour la protection du Danube1 ; toutefois, malgré l’existence de ce cadre institutionnel, la coordination entre les différentes initiatives et leur mise en œuvre sont demeurées insuffisantes. Les projets prioritaires identifiés dans les stratégies et programmes environnementaux élaborés par la Commission du Danube n’ont attiré jusqu’ici que des investissements limités et la détérioration de l’environnement et les problèmes de santé n’ont toujours pas été enrayés et continuent à s’aggraver dans de nombreuses parties de la région.

Tout comme le Rhin dans les années 70, le Danube est soumis à des pressions croissantes liées à l’alimentation en eau potable, à l’irrigation, aux activités industrielles, à la pêche, au tourisme, à la production d’électricité et à la navigation et il sert aussi trop souvent de déversoir à des eaux usées non traitées. Comme dans le cas du Rhin également, la réhabilitation du Danube nécessite une approche intégrée à l’échelle de l’ensemble du bassin fluvial et une participation et un engagement vigoureux de l’ensemble des gouvernements nationaux, des pouvoirs régionaux et du public. S’agissant de ces deux dernières catégories d’acteurs, cependant, on observe de nombreuses insuffisances dans la mise en œuvre de la réforme de la gestion de l’eau, pourtant si nécessaire. Il est fréquent, en effet, que les institutions mises en place pour faciliter la coopération entre cours d’eau transfrontaliers concentrent leurs efforts sur l’Etat, qui leur paraît devoir constituer le maillon le plus important, en oubliant que la participation du public et le rôle pratique des autorités locales et régionales à l’intérieur des Etats riverains sont également essentiels, et doivent être intégrés dans le processus dès le début, car c’est au niveau local et régional que doivent être appliqués les accords et les politiques.

Les collectivités locales et régionales des Etats d’Europe centrale et orientale (PECO) du bassin du Danube sont aujourd’hui confrontées à de nouveaux défis ; leurs rôles ont été fondamentalement modifiés par la transition politique intervenue au cours de la dernière décennie. Dans le domaine de la gestion des ressources en eau, la décentralisation rapide de l’autorité gouvernementale a permis aux autorités locales et régionales d’acquérir une plus grande autonomie dans la gestion des ressources naturelles et la fourniture de services aux communautés locales. Cette évolution est positive et constitue un aspect essentiel du progrès vers la démocratie mais, en l’absence du renforcement correspondant des capacités institutionnelles, techniques et financières de nombreuses autorités territoriales, la décentralisation a entraîné à certains niveaux une désintégration et même une détérioration de la gestion et des équipements municipaux et régionaux dans le domaine de l’eau. La nécessité de respecter les normes de la Directive-cadre sur l’eau de l’UE fait peser des pressions accrues sur les autorités territoriales et suscite parmi elles une inquiétude sur les moyens d’obtenir les ressources nécessaires pour moderniser une infrastructure inadaptée et mettre en œuvre les indispensables réformes. C’est ainsi qu’a été posée la question d’une éventuelle participation du secteur privé dans les services des eaux, ainsi que des modalités de cette participation. Le rôle essentiel des autorités locales et régionales dans l’application des normes de l’UE nécessitera aussi une coopération interrégionale accrue, y compris au niveau transfrontalier, et un renforcement des processus décisionnels et des activités de développement de programmes au sein des institutions transnationales du bassin du Danube comme la Commission du Danube.

Un élément positif est que les dispositions simplifiées de la DCE de l’UE fournissent aux régions des PECO un cadre clair tant sur le plan légal que sur celui des politiques ; comme, en outre, la Directive soutient le principe de subsidiarité, les besoins des autorités territoriales seront pris en compte dans les mécanismes mis en place pour faciliter l’élargissement de l’UE. Le resserrement des liens avec l’UE et l’alignement des politiques permettront aussi aux régions du bassin du Danube d’accéder plus facilement aux technologies, aux instruments d’aide à la décision et à l’expérience des régions des bassins transfrontaliers d’Europe de l’Ouest et, en particulier, du bassin du Rhin où les régions ont joué un rôle déterminant dans la réussite de la mise en œuvre de la gestion intégrée des ressources en eau et de procédures décisionnelles démocratiques.

Alors que dans le bassin du Rhin, les pays riverains ont été conduits à améliorer la gestion de l’eau et à renforcer leur coopération en réponse à un événement négatif, la catastrophe Sandoz, la réhabilitation du Danube a la chance d’être rendue possible par deux processus particulièrement positifs de l’histoire européenne récente : la démocratisation des anciens Etats membres du Pacte de Varsovie et l’élargissement de l’Union européenne.

Seulement environ 60 % de la population des pays candidats à l'Union européenne ont accès à des ressources en eau transportées par des canalisations, un peu plus de 40 % des déchets liquides sont traités et le Danube, ses affluents et son delta continuent d'avoir des niveaux de pollution inacceptables et de souffrir de l'absence d'une gestion coordonnée intégrée. Comme le montre l’exemple du bassin du Rhin, plusieurs décennies et des ressources financières importantes et soutenues peuvent être nécessaires pour parvenir à instaurer des mécanismes de coopération et une gestion intégrée des ressources en eau dans le cas d’un grand cours d’eau transfrontalier ; toutefois, la situation sociale et écologique à laquelle est confrontée la région du Danube et de la mer Noire exige, même si les Etats et les régions doivent effectivement se mettre d’accord sur un projet à long terme, de ne pas perdre de temps et de n’épargner aucun effort pour mettre en œuvre des réformes et des programmes visant à protéger la région de toute détérioration supplémentaire et à réhabiliter le bassin du Danube.

Pour atteindre cet objectif, les populations et les autorités du bassin du Danube, au lieu de se focaliser sur les différences de points de vue, apparemment inconciliables et sources de multiples controverses, au sujet du partage ou de la répartition des ressources en eau entre les divers régions ou pays, devraient faire porter leur attention sur la définition de modalités équitables de partage des avantages qui résulteraient d’une gestion intégrée des ressources en eau et s’efforcer de compenser leurs désavantages et points faibles respectifs par la coopération et l’échange d’idées. Les autorités territoriales doivent jouer un rôle essentiel dans ce processus et y être pleinement impliquées.

2. Cadre et contexte de ce rapport

En 2001, le Congrès a lancé une importante activité dans le domaine de la gestion des eaux des bassins fluviaux. Cette activité avait pour objectif principal d’analyser la situation du bassin du Danube et d’examiner les bonnes pratiques du bassin du Rhin, dans l’idée d’étendre ces pratiques au bassin du Danube.

Cette activité, menée sur la base de l’étude sur « Le rôle des autorités territoriales dans la gestion des bassins fluviaux : une analyse du Danube fondée sur l'expérience du Rhin », a donné lieu à une large consultation et à un travail approfondi d’enquête dans l’ensemble du bassin du Danube, qui ont été réalisés par Green Cross International, et s’est appuyée sur l’expérience du bassin du Rhin qui lui a permis d’établir d’importantes comparaisons, grâce notamment à l’aide des experts de la province de Gelderland aux Pays-Bas.

La consultation dans le bassin du Danube a été menée à trois niveaux :

1. Un questionnaire sur le rôle des autorités régionales dans la gestion des cours d’eau a été envoyé aux autorités régionales de 16 pays (Allemagne, Autriche, Bosnie et Herzégovine, Bulgarie, Croatie, France, Hongrie, Italie, Moldova, Pays-Bas, République tchèque, République de Yougoslavie, Roumanie, Slovaquie, Suisse, Ukraine). Ce questionnaire visait à :

identifier les différents niveaux de responsabilité des autorités régionales en matière de gestion des ressources en eau ;
obtenir des informations sur les difficultés les plus graves rencontrées dans la gestion des bassins fluviaux et des services d’eau ;
recueillir des propositions utiles en relation avec certains aspects du futur projet sur le bassin du Danube.

Bien que le taux de réponse au questionnaire ait été décevant, puisque trente régions seulement l’ont retourné rempli, les réponses reçues, pleines d’intérêt, couvrent une gamme étendue de régions, tant d’un point de vue géographique – sont représentés neuf Etats faisant partie de l’UE, des Etats candidats à l’adhésion à l’UE ou des Etats ex-soviétiques de la CEI – que du point de vue de la structure de gestion et des capacités financières et techniques. Les réponses à ce questionnaire détaillé fournissent, par conséquent, une vue transversale utile des différents problèmes et niveaux de responsabilités existant dans des régions très disséminées (voir annexe 1).

2. Un projet pilote a été mis en œuvre dans le département de Maramures en Roumanie, près de la frontière hongroise, où des questionnaires plus détaillés portant sur la gestion, le financement et le processus décisionnel dans le domaine de l’eau ont été distribués en personne avec l’aide de bénévoles et la coopération des autorités régionales. L’un des questionnaires était adressé aux autorités locales et régionales et l’autre aux habitants de la région. 500 exemplaires de chacun des questionnaires ont été distribués avec un taux de réponse de près de 100%. Les réponses aux questionnaires ont permis d’obtenir des renseignements approfondis sur les problèmes, les réclamations spécifiques et le niveau d’information des autorités publiques et des habitants des villes, petites et grandes, et des zones rurales (voir annexe II).

3. En Hongrie, deux processus de consultation ont été menés parallèlement. Le premier s’est déroulé parmi les experts, les autorités et les acteurs concernés du bassin de Kapos, un sous-bassin d’alimentation du Danube, et était axé sur la collecte d’expériences en matière de développement des aires d’alimentation et de prévention ou de résolution des conflits dans le bassin. Le second était axé sur l’expérience d’un échantillon transversal d’autorités locales et régionales et de consommateurs du point de vue du fonctionnement des services d’eau, tant publics que privés, en Hongrie (voir annexe III).

Outre le processus de consultation, des études ont été menées sur « Droit international et européen, privatisation et rôle des pouvoirs locaux et régionaux dans le bassin du Danube », ainsi que sur les particularités du système de gestion des ressources en eau et du cadre légal correspondant en Roumanie et en Hongrie. Le choix de ces deux Etats riverains comme Etats pilotes représentatifs à cette étape du projet tient à plusieurs raisons, en particulier le fait qu’ils couvrent à eux deux plus de 30% de l’ensemble du bassin du Danube et aussi qu’ils représentent des niveaux de développement différents, la Hongrie faisant partie des premiers pays candidats à l’adhésion à l’UE, tandis que la Roumanie travaille encore à la mise en œuvre des conditions environnementales, économiques et autres nécessaires à l’adhésion et connaît de graves problèmes dans le domaine de l’eau. Toutefois, malgré les différences qui existent entre ces deux pays sur le plan économique, leur interdépendance est apparue clairement lors de la contamination de Baia Mare (Aurul) par du cyanure en 2000, qui a entraîné la destruction de presque toute la flore et la faune de la Tisza, un important affluent du Danube. La Hongrie et la Roumanie se situent toutes deux presque entièrement dans le bassin du Danube qui constitue, par conséquent, la caractéristique naturelle la plus importante des deux Etats.

Ce projet s’est efforcé d’identifier les problèmes les plus pressants auxquels doivent faire face les autorités locales et régionales et les habitants du bassin du Danube et plus particulièrement les défis nouveaux liés à la décentralisation, à l’évolution de la législation et des engagements nationaux et internationaux, au développement de la privatisation et à la nécessité d’appliquer la Directive-cadre sur l’eau de l’Union européenne.

Les 10-12 avril 2003, le Congrès a organisé, en coopération avec le Conseil départemental de Teleorman (Roumanie) et la province de Gelderland, une conférence à Turnu Magurele, afin de finaliser le rapport en consultation avec les autorités gouvernementales, les spécialistes de la gestion des bassins fluviaux et les organisations non-gouvernementales. La Déclaration finale de la Conférence de Turnu Magurele est présentée en annexe à la Résolution du Congrès et peut être considérée comme l’une des parties les plus importantes de ce document.

La Résolution et la Recommandation ont été toutes deux approuvées par la Commission du développement durable de la Chambre des Régions lors de la réunion qui s’est tenue à Strasbourg le 24 avril 2003.

3. La coopération dans le bassin international du Rhin

Cette section présente un tableau d’ensemble de la coopération entre les différentes organisations des pays riverains du bassin du Rhin. Ce tableau constitue un cadre de référence pouvant servir de modèle pour le processus en cours dans le bassin international du Danube.

Cadres institutionnels et traités

Les cadres institutionnels et traités les plus importants du point de vue de la coopération dans le bassin international du Rhin sont les suivants :

Commission internationale pour la protection du Rhin
En 1950, un certain nombre d’Etats riverains du Rhin ont institué entre eux une première coopération sur une base volontaire. Cette coopération a abouti à la création formelle de la Commission internationale pour la protection du Rhin en 1963.
Les objectifs communs à l’ensemble des participants à la Commission internationale pour la protection du Rhin sont les suivants :
le développement durable de l’écosystème du Rhin, en particulier à l’aide du maintien et de l’amélioration de la qualité de l’eau, des fonctions naturelles, des phénomènes d’interaction d’un pays à l’autre et des habitats naturels, de la protection des populations d’organismes et de la diversité des espèces, et de la gestion rationnelle et respectueuse de l’environnement des ressources en eau, notamment par la prise en compte des critères écologiques lors de la mise en œuvre de mesures techniques de prévention des inondations, de navigation ou d’utilisation de l’énergie hydroélectrique, par exemple ;
la production d’eau potable à partir des eaux du Rhin ;
l’amélioration de la qualité des sédiments afin de permettre le dépôt ou l’épandage des matériaux de dragage sans risques pour l’environnement ;
la prévention générale des inondations en prenant en compte les critères écologiques ;
la restauration de la mer du Nord en combinant les mesures au niveau du bassin du Rhin et d’autres mesures de protection.

Traité frontalier entre le Royaume des Pays-Bas et la République fédérale d’Allemagne
Ce traité de 1960 définit, entre autres, les modalités d’accès et d’utilisation appropriées
de tous les cours d’eau transfrontaliers entre les Pays-Bas et l’Allemagne, à l’exception du Rhin, de l’Ems et du Dollard. Le traité porte en particulier sur les points suivants :
s’agissant de la gestion des eaux, il exige de chacune des parties qu’elle prenne en compte de manière adéquate les intérêts de l’autre partie de l’autre côté de la frontière ;
il prévoit également que des accords pourront être signés entre les deux parties pour la mise en œuvre de projets spécifiques visant à améliorer la gestion de l’eau ;
il définit en outre les modalités d’arbitrage en cas de désaccord ou de litiges entre les parties ;
le contrôle de l’application du traité est confié à une commission, elle-même divisée en sous-commissions.

Cadres institutionnels et traités définissent les contraintes devant guider les politiques dans les différentes régions du bassin international du Rhin et les mesures correspondantes. Des plans ont été développés et des mesures adoptées sur la base des cadres et traités présentés succinctement ci-dessus. Beaucoup a déjà été réalisé sur le plan matériel, notamment la construction de stations de pompage et l’amélioration de la gestion des eaux, et aussi du point de vue de la coopération transfrontière entre régions et organisations, par exemple au niveau des régions européennes.

L’expérience de travail dans le cadre du traité frontalier est une expérience positive et est considérée comme une première étape en vue du travail dans les sous-bassins d’alimentation.

Il est important, lors de la définition des objectifs et afin d’assurer leur réalisation, de diviser la totalité du bassin international en unités faciles à gérer, c’est-à-dire en sous-bassins. Ces unités doivent reposer, d’une manière générale, sur les limites hydrologiques, ce qui veut dire qu’en principe, elles ne correspondent pas aux frontières nationales ou régionales.

Cette approche à partir des aires d’alimentation repose sur l’idée d’interdépendance dans la gestion de l’eau. Les éléments en jeu sont la prévention des inondations, les aspects écologiques, le volume et la qualité des eaux de surface, ainsi que l’espace nécessaire pour la prise en compte de ces divers aspects.

La coopération dans les sous-bassins d’alimentation peut se développer sur la base d’intérêts communs, en utilisant comme point de départ les traités susmentionnés.

Coopération et interdépendance dans la gestion de l’eau

Les cadres institutionnels et les traités ont été développés sur la base d’un besoin de coopérer. Au cours des dernières années, ils ont acquis une place dans la réglementation européenne, en particulier grâce à la Directive-cadre sur l’eau en tant qu’instrument international de gestion de l’eau. Cette directive définit un cadre pour la protection des eaux de surface, des eaux de transition, des eaux côtières et des eaux souterraines. L’objectif le plus important du point de vue de l’environnement est d’améliorer l’état des eaux naturelles de surface et le potentiel écologique des eaux non-naturelles. La Directive-cadre sur l’eau vise également à l’harmonisation des législations européennes en matière d’eau, qui sont actuellement très disparates. En travaillant au niveau des sous-bassins ou aires d’alimentation, les régions européennes participent au développement des mesures concernant l’ensemble du bassin. Ce processus n’a pas à suivre une ligne prédéfinie ; il peut être déterminé en consultation avec les régions.

Coopération entre la province hollandaise de Gelderland et le Land allemand de Rhénanie du Nord-Westphalie

La coopération entre la province hollandaise de Gelderland et le Land allemand de Rhénanie du Nord-Westphalie est un exemple de coopération basée sur des intérêts communs en matière de gestion de l’eau dans une partie du bassin international du Rhin.

Bien que la gestion de l’eau dans les deux pays concernés repose sur une législation et une structure organisationnelle différentes, les accords en vigueur au niveau du bassin international du Rhin offrent un terrain commun suffisant pour permettre à la province de Gelderland et au Land de Rhénanie du Nord-Westphalie de contribuer conjointement aux objectifs généraux définis par la Commission internationale pour la protection du Rhin.

Afin que la coopération puisse se poursuivre de la manière la plus harmonieuse possible, il est important d’analyser la structure organisationnelle des régions concernées et d’identifier les formes de coopération possibles. Les systèmes de gestion de l’eau sont organisés de manière très différente aux Pays-Bas et en Allemagne. Aux Pays-Bas, la gestion de l’eau est confiée au niveau local à des autorités spécifiques élues et disposant de leur propre système d’imposition. De ce fait, la participation locale est réelle et les autorités locales indépendantes jouent un rôle dans le développement des politiques en matière de gestion des ressources en eau. En Allemagne, la gestion de l’eau au niveau local dépend plus fortement des échelons supérieurs du gouvernement et, par conséquent, les possibilités d’influer sur l’élaboration des politiques sont moins évidentes ; les organisations chargées de la gestion de l’eau peuvent être décrites comme des organes exécutifs.

Participation locale

La participation locale et celle du public en général sont importantes pour parvenir à une gestion viable des ressources en eau. La gestion de l’eau, après tout, a des effets directs sur la qualité de la vie. Pour atteindre cet objectif, il est important de déterminer comment et à quel niveau les acteurs directement concernés peuvent exercer une influence en ce domaine. Ceci est possible grâce à l’application du principe de subsidiarité.

Afin de développer la participation au niveau local, il est nécessaire de mettre en place des cadres transfrontaliers pour soutenir les initiatives locales et régionales. Ce soutien ne doit pas prendre uniquement la forme d’un soutien matériel et financier ; il doit aussi permettre d’établir et de maintenir des contacts et d’apprendre les uns des autres. De telles activités contribuent certainement au développement des régions et doivent déboucher éventuellement sur des actions de coopération.

L’Union européenne joue un rôle important dans le domaine de la gestion des ressources en eau et, en particulier, sert de cadre à un grand nombre de projets de développement régional et local. Le Conseil de l’Europe peut aussi indiquer certains cadres possibles. Le processus de démocratisation est un objectif important du Conseil de l’Europe. L’approche de la gestion de l’eau actuellement en cours de discussion s’inscrit aussi de manière fonctionnelle dans ce processus en raison de l’impact immédiat qu’elle peut avoir sur l’environnement et la vie des individus. La coopération entre les différentes régions du Conseil peut, par conséquent, offrir certaines opportunités.

Toutefois, les Etats membres, les autorités régionales et les autorités locales conservent leurs propres responsabilités et devront rendre des comptes sur la manière dont elles les ont remplies. Les initiatives transfrontalières peuvent être lancées dans le cadre des responsabilités légales de chacune des ces autorités et contribuer, par-là même, à l’objectif global. Ces initiatives locales et régionales, en outre, contribuent à la formulation des idées et éventuellement à la modulation de la stratégie au niveau des aires d’alimentation.

Comme indiqué plus haut, la coopération entre les régions d’Allemagne et des Pays-Bas ne s’est pas développée à partir d’une initiative de haut en bas ; elle a résulté d’un besoin naturel, d’un sentiment de responsabilité et de la volonté de créer des conditions favorables à une gestion transfrontalière durable des ressources en eau. Cette coopération, ainsi que les projets et les mesures qui en sont issus, bien qu’ayant une dimension essentiellement régionale, s’inscrivent néanmoins dans un cadre plus général et sont soutenus par l’UE et la Commission internationale de protection du Rhin.

Où en sommes-nous aujourd’hui et qu’avons-nous appris ?

Le bassin international du Rhin a été divisé de manière provisoire en plusieurs aires d’alimentation et des projets de coopération ont été lancés entre les différentes régions. Les activités de coopération ont permis aux divers partenaires de comprendre qu’il n’est pas nécessaire de tout réinventer chacun de son côté et que les parties concernées doivent s’efforcer de discuter entre elles afin de parvenir à une compréhension commune des problèmes. Ce type d’action a abouti dans le bassin du Rhin à la mise en place d’un programme européen (IRMA) qui, en débloquant des ressources financières, a stimulé la coopération entre les régions dans les domaines de la prévention des inondations, des échanges d’informations et de connaissances, de l’adoption de mesures spécifiques et du développement de projets phares. Ceci a conduit à la définition du principe « retenir-contenir-assécher » (retain-contain-drain) qui a été accepté comme principe directeur au niveau de l’ensemble du bassin.

Les différences d’organisation et de culture ont été prises en compte dans cette initiative européenne. Ceci a, sans aucun doute, favorisé le renforcement de la coopération dans le bassin international du Rhin. Une initiative européenne semblable sera-t-elle également possible à l’avenir dans le bassin du Danube ?

4. Les défis qui se posent aux autorités territoriales du bassin du Danube

Quatre facteurs d’évolution très positifs et liés entre eux ont modifié de manière fondamentale le mode de gestion des ressources en eau et des bassins fluviaux dans le bassin du Danube et le rôle des autorités régionales en ce domaine :

La démocratie : l’obligation pour le gouvernement de rendre des comptes au public et, conformément à la Convention sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement (Convention d’Aarhus), l’engagement d’assurer la participation de la collectivité et son accès à l’information au sujet des ressources naturelles ont été très nettement renforcés. En tant que formes les plus directes de représentation des citoyens, les autorités locales et régionales constituent évidemment le cadre le mieux approprié pour répercuter les intérêts et les besoins du public et les promouvoir. On peut considérer que la gestion des ressources en eau est le meilleur moyen de cultiver les pratiques de bonne gestion en raison du caractère indispensable de ces ressources pour la vie humaine. Aux Pays-Bas, par exemple, on a pu affirmer que la gestion de l’eau au moyen des Waterschappen ou « commissions de l’eau » était à la base du processus démocratique.

La décentralisation : ce processus est intervenu dans tous les domaines mais, s’agissant de la gestion de l’eau, il a pris dans beaucoup de pays un tour particulièrement radical : les autorités locales et régionales, qui avaient auparavant très peu de responsabilités en ce domaine, sont devenues d’un seul coup les principaux gestionnaires de cette ressource. Le principe de subsidiarité, qui exige que les décisions et les initiatives soient prises à un niveau approprié, le plus proche possible du citoyen, fait l’objet d’une reconnaissance croissante dans le droit international et il en est fait mention dans le préambule de la Directive-cadre sur l’eau de l’UE.

La gestion intégrée des ressources en eau : la gestion intégrée des ressources en eau est un processus visant à promouvoir la gestion et le développement coordonnés des ressources hydriques, afin de maximiser le bien-être économique et social et d’ouvrir la voie à un développement durable, équitable, sans mettre en danger la viabilité des écosystèmes les plus importants. Ce système de gestion est aujourd’hui reconnu comme une bonne pratique dans la gestion des bassins fluviaux, ce qui montre la prise de conscience et le souci accru de l’interdépendance des aspects sociaux et environnementaux de la gestion de l’eau.

L’élargissement de l’Union européenne : ce processus aura pour effet de rapprocher les Etats de l’Est et de l’Ouest de l’Europe et les régions du bassin du Danube et de supprimer les problèmes liés aux différences de politiques et de priorités dans le domaine de l’eau entre pays, puisque chaque Etat sera tenu de respecter des conditions et des principes généraux de gestion identiques, l’aspect le plus important étant la reconnaissance que l’ensemble du bassin constitue une unité logique de gestion et de planification des ressources en eau. Même les Etats non-candidats à l’adhésion à l’UE du bassin du Danube se sont engagés à respecter la Directive-cadre sur l’eau de l’UE en tant que cadre devant guider la gestion de la totalité du bassin du Danube.

L’ensemble des problèmes et des défis auxquels doivent répondre les autorités locales et régionales, et dont on trouvera un bref aperçu ci-dessous, résultent essentiellement de la combinaison de ces quatre facteurs d’évolution et, pour surmonter ces défis, il est nécessaire de bien comprendre les effets et les opportunités qui résultent de ces facteurs. Les autorités territoriales des Etats du bassin du Danube sont de plus en plus responsables de l’alimentation en eau, du traitement des eaux usées, du maintien de la qualité de l’eau, de l’aménagement de l’espace, de la protection de la santé et de la sécurité publiques et elles ont aussi, à des degrés divers dans tout le bassin, la charge des aspects environnementaux de la gestion des ressources en eau, qui peuvent inclure la prévention des inondations et le contrôle de la pollution. L’ensemble de ces services présentent un intérêt essentiel pour le public et sont déterminants pour assurer le développement économique durable de tous les Etats du bassin ; c’est pourquoi il est indispensable de trouver les moyens de résoudre les obstacles et les insuffisances qui empêchent actuellement les autorités territoriales de remplir leurs très importantes responsabilités en ce domaine. Il convient de noter, cependant, que la série de problèmes présentés ci-dessous constitue, ce qui est inévitable, une généralisation ; la plupart des régions, en effet, ne souffrent pas de la totalité des problèmes mentionnés, qui sont ceux qui ont été identifiés comme graves et affectant un grand nombre de régions dans le bassin du Danube.

Aperçu des défis et des problèmes à surmonter

a. Transfert rapide des responsabilités

Au cours des 100 dernières années, plusieurs changements profonds, avec leurs conséquences sociales et économiques, sont intervenus dans la gestion régionale de l’eau dans le bassin du Danube. Le premier de ces changements est l’introduction d’une régulation du fleuve à grande échelle et d’un contrôle des inondations qui a nécessité une modification importante des caractéristiques naturelles du lit des cours d’eau existants, en particulier dans les régions de basses plaines du bassin. Ces développements avaient pour objectif principal d’étendre les surfaces agricoles et d’assurer la culture intensive de produits faciles à commercialiser. L’une des conséquences des travaux réalisés dans ce contexte, qui visaient également à améliorer la sécurité des personnes et des biens et à accélérer le progrès économique et social, est que les communautés qui ont bénéficié de ces interventions dans la gestion de l’eau sont aussi celles qui ont dû en subir les charges et les risques. Après la deuxième guerre mondiale, lorsque sont apparus les systèmes étatiques centralisés, l’Etat est devenu l’acteur prédominant, tant du point de vue des responsabilités que de la prise en charge des coûts. Dans de nombreux cas, les projets de développement et d’aménagement du territoire à grande échelle (construction d’infrastructures, développement des communautés locales) ont eu lieu dans d’anciennes zones d’inondation converties en terres utilisables. C’est la raison pour laquelle le maintien de la sécurité des communautés et des biens a été géré de manière de plus en plus centralisée.

Les dix dernières années ont vu se produire des changements rapides et essentiels dans le système politique et, par voie de conséquence, dans la répartition des responsabilités et des coûts concernant la gestion des ressources en eau. Le rôle quasiment exclusif de l’Etat a cédé la place à des structures de gestion reposant sur une répartition des responsabilités et une autonomie renforcée au niveau régional. Ceci a nécessité le développement de réseaux de partenariat, de systèmes de subventions et de modes de régulation nouveaux et plus complexes (ce processus se poursuit encore actuellement) et a accru potentiellement le risque de conflits entre les parties et les acteurs toujours plus nombreux qui sont impliqués dans la gestion de l’eau car, dans de nombreux Etats, il n’existe toujours pas de cadre légal ou réglementaire bien défini. Les problèmes ont en outre été aggravés dans de nombreux cas par la suppression des mécanismes pervers d’incitation et de subvention, qui existaient dans les domaines de l’agriculture, de la production d’énergie et de l’eau, avant la mise en place d’un cadre réglementaire et le développement de capacités institutionnelles de gestion de l’environnement au niveau local et régional. Un certain délai est nécessaire pour que les parties acceptent leurs nouveaux rôles et responsabilités et apprennent à s’y adapter.

b. Caractère incohérent et imprévisible de la législation et des politiques

Dans certains cas, l’introduction de législations et de politiques nouvelles et changeantes en matière d’eau a abouti à des contradictions, à une confusion et même à des conflits entre différents échelons des pouvoirs publics et ceci a freiné le développement de la gestion intégrée des ressources en eau et de la coopération transfrontière. La clarification du cadre légal dans chaque pays sera vraisemblablement un processus à moyen ou à long terme mais le recensement des contradictions légales spécifiques peut et doit être réalisé immédiatement. Ces problèmes varient d’un Etat à l’autre. En Roumanie, l’« ordonnance 32 » de 2002, une fois ratifiée par le parlement, modifiera de manière fondamentale les principes régissant l’alimentation en eau et les systèmes d’égouts dans l’ensemble du pays. Cette ordonnance devra être compatible avec la législation existante sur la gestion des ressources en eau et la fourniture des services publics et s’accompagner d’un cadre réglementaire adéquat. En Hongrie, la législation et la réglementation définissant la participation des gouvernements régionaux aux services d’eau et de traitement des eaux usées ont fait l’objet de modifications répétées. Une modification trop fréquente de la législation rend la planification et le financement à long terme difficiles et l’imprévisibilité qui en résulte est peu attrayante pour les investisseurs privés. En outre, l’incompatibilité entre les principes internationaux, la politique de l’UE, les accords au niveau du bassin fluvial, les traités bilatéraux et les législations nationales représente une source potentielle de conflit, y compris à propos de questions fondamentales comme, par exemple, l’application du principe du « pollueur payeur ».

Manque d’intégration des politiques

Un autre problème étroitement lié à celui des incohérences et contradictions évoquées ci-dessus est celui du manque d’intégration des politiques de gestion des différents aspects des ressources en eau. Principalement du fait de la décentralisation, encore une fois, divers aspects essentiels de la gestion intégrée des ressources en eau se trouvent entre les mains d’autorités différentes ainsi que, dans certains cas, de personnes privées, de propriétaires fonciers et d’entreprises. Les activités agricoles, la pollution industrielle, l’aménagement du territoire, la sylviculture, le tourisme, les transports, la protection de la faune et de la flore, par exemple, constituent autant d’aspects interdépendants qui doivent être pris en compte conjointement dans la planification de la gestion d’un bassin fluvial. Malheureusement, la décentralisation s’est accompagnée dans certains cas d’un processus de désintégration. Les nouvelles structures de propriété, notamment du point de vue de l’occupation des terres agricoles, et le transfert du contrôle des services de l’eau et du traitement des eaux usées aux autorités régionales ont eu, d’un certain point de vue, pour effet d’accroître l’instabilité du système et ont affecté de manière négative le niveau de professionnalisme, de sécurité et d’efficacité de la gestion des ressources en eau. En Hongrie, par exemple, avant 1992, l’alimentation en eau était assurée par 28 entreprises départementales et cinq entreprises d’Etat, alors qu’on compte aujourd’hui 400 compagnies des eaux appartenant à des autorités locales ou régionales, auxquelles s’ajoutent les cinq entreprises d’Etat ; des changements d’une telle envergure ne peuvent se produire aussi rapidement sans susciter certaines difficultés.

On peut, bien entendu, considérer qu’il s’agit, là aussi, de problèmes transitoires et inévitables compte tenu des changements intervenus ; ces problèmes n’en sont pas moins inquiétants et nécessiteront de la part des autorités régionales une réflexion approfondie pour parvenir à intégrer pleinement les décisions concernant les services publics locaux et leurs fonctions de gestion des ressources hydriques transfrontières. Ceci exige un haut niveau d’expertise et de coordination au sein des autorités régionales et entre elles. Les autorités régionales semblent aujourd’hui concentrer l’essentiel de leurs efforts sur la fourniture au jour le jour d’eau potable et ne pas voir la relation étroite existant entre cette activité et la préservation des ressources en eau et de l’intégrité des bassins fluviaux de leur région. Les autorités régionales doivent donc développer un projet à long terme pour le bassin et établir un lien entre les décisions qu’elles prennent au sujet de l’eau transportée par des canalisations et la préservation des eaux naturelles du Danube et de ses affluents.

Insuffisance de la coopération et des échanges interrégionaux ; coexistence de systèmes de gestion différents dans le bassin fluvial

Les processus simultanés de décentralisation et d’internationalisation qui sont intervenus dans le bassin du Danube (notamment en relation avec la Convention de coopération pour la protection et l’utilisation viable du bassin du Danube, l’élargissement de l’UE et les conventions internationales comme la Convention d’Aarhus et la Convention Ramsar) ont conduit, dans le cas du premier, à un renforcement des responsabilités des autorités locales et régionales et, dans le cas du second, à un accroissement de la coopération au niveau inter-étatique mais la mise en relation pratique de ces deux processus est encore loin d’être satisfaisante. Bien que, dans un bassin fluvial fortement interdépendant comme l’est le bassin du Danube, tout problème affectant une région affecte nécessairement l’ensemble des régions, l’accent n’est pas encore mis de façon suffisante sur la coopération, l’information et les échanges directs d’expérience entre les régions, tant à l’intérieur des Etats riverains du Danube qu’entre eux, et il n’existe pas non plus de cadres institutionnels suffisants pour assurer la coopération interrégionale. Ce problème est aggravé par l’existence de systèmes d’administration et de gestion de l’eau différents dans chacun des Etats riverains du Danube. Ces systèmes vont d’organisations fortement centralisées (comme en Croatie) à des systèmes dans lesquels la responsabilité première revient aujourd’hui aux autorités locales et régionales (comme en Hongrie), ou encore à des systèmes de type purement fédéral (comme les Länder allemands et les cantons suisses), ce qui complique la coopération entre les régions et l’identification des homologues car les responsabilités et les compétences varient dans chacun d’eux.

L’enquête portant sur l’ensemble du bassin fait apparaître des différences très nettes à ce propos : la coopération et le dialogue directs semblent bien établis entre la province de Salzbourg et le Land de Bavière et la région de Haute Autriche fait aussi état de bonnes relations de coopération avec les régions voisines mais, dans les réponses des régions situées plus à l’Est, la situation n’est pas décrite en des termes aussi positifs. Il semble n’y avoir pratiquement aucune coordination interrégionale directe, ni même de discussions entre régions voisines appartenant à des Etats différents, malgré le besoin évident de tels contacts pour l’établissement de systèmes d’alerte en cas d’inondation et pour le contrôle des contaminations. Ce besoin, cependant, n’a pas été considéré comme prioritaire dans le financement ou le développement des cadres institutionnels pour la gestion de l’eau. Certaines questions qui pourraient être traitées de manière plus efficace au moyen d’actions conjointes ou d’une coordination entre deux régions situées de part et d’autre d’une frontière, ou par plusieurs régions ayant en commun un même sous-bassin, sont encore traitées au niveau du gouvernement central, souvent sans consultation adéquate des régions en question ou du public. Le fait que les représentants des gouvernements nationaux chargés des accords et problèmes bilatéraux en matière d’eau soient souvent des personnes différentes de celles qui s’occupent des négociations multilatérales prête également à inquiétude. Ceci peut en effet conduire à des incohérences entre accords et engagements bilatéraux et multilatéraux et compliquer encore la tâche des autorités locales et régionales chargées de mettre en œuvre ces engagements sur le terrain.

L’une des tâches principales des autorités régionales est l’établissement d’un plan de développement régional et, à l’intérieur de celui-ci, d’un plan régional de gestion de l’eau s’appliquant au territoire de la région. Il est difficile actuellement d’obtenir des informations sur les plans des régions voisines et impossible, par conséquent, d’harmoniser les différents objectifs régionaux et de définir un calendrier commun pour leur mise en œuvre. Le processus de division du bassin du Danube en 15 sous-bassins, en cours actuellement, devrait aider à résoudre les conflits d’intérêts résultant de la non-coïncidence des frontières régionales et nationales avec les aires naturelles d’alimentation. Les commissions créées pour chaque sous-bassin, dont un grand nombre seront transfrontières, devraient regrouper à la fois des représentants régionaux et des représentants nationaux et avoir notamment pour objectif principal le renforcement de la coordination et des échanges d’information interrégionaux. A l’intérieur de ces sous-bassins et entre eux, les régions des différents Etats ayant des problèmes communs liés, par exemple, à la localisation des grandes zones urbaines, aux zones humides, aux risques d’inondations ou aux zones industrielles, et aussi les régions limitrophes devraient être particulièrement encouragées à mettre en commun leur expérience et à développer des systèmes de coopération. Des liens étroits devront aussi être établis entre les commissions des 15 sous-bassins et la Commission du Danube, qui a été chargée de surveiller l’application de la DCE dans le bassin du Danube.

Le difficile équilibre à trouver entre les responsabilités régionales, nationales ou à l’échelle de l’ensemble du bassin fluvial n’est pas particulier au Danube mais concerne tous les Etats situés à l’intérieur de bassins transfrontières. Les Pays-Bas, par exemple, ont une longue expérience en matière d’intégration et de mise en œuvre de politiques nationales de l’eau dans quatre bassins fluviaux internationaux (Scheldt, Meuse, Rhin et Ems). La responsabilité de la gestion opérationnelle de la politique nationale concernant un bassin fluvial relève à la fois de l’Etat, des provinces et des « commissions de l’eau », tandis que la notification des objectifs environnementaux et des mesures adoptées à l’Union européenne et les activités de contrôle et de suivi sont la tâche du gouvernement national. Ceci nécessite évidemment un travail important de coordination et il existe, par conséquent, une somme de connaissances institutionnelles en ce domaine qui pourraient être très utiles aux Etats riverains du Danube.

En outre, depuis une dizaine d’années, la Commission internationale pour la protection du Rhin s’est ouverte de plus en plus à divers acteurs non-étatiques avec qui elle a engagé des discussions, notamment en leur accordant le statut d’observateur. Plusieurs commissions apparentées comme la Commission centrale de la navigation sur le Rhin, la Commission Moselle et Sarre, la Commission du Lac de Constance et même la Commission de l’Elbe disposent du statut d’observateur auprès de l’Assemblée plénière et de la réunion des ministres de la Commission internationale de protection du Rhin depuis le début des années 90 et des organisations non-gouvernementales s’occupant directement de problèmes concernant le Rhin ont été invitées aux deux réunions depuis 1998. La Commission internationale de protection du Rhin bénéficie également de la participation directe de plusieurs régions et associations régionales, dont certaines comme la RIWA aux Pays-Bas, l’ARW en Allemagne du Nord et l’IAWR, l’association régionale couvrant l’ensemble du bassin fluvial, ont été créées bien avant le début de la coopération formelle entre Etats dans le bassin du Rhin. Les modalités d’intégration des autorités et associations régionales au sein des processus de coopération entre Etats, qui ont fait leur preuve dans le bassin du Rhin, pourraient intéresser également le bassin du Danube. Un organisme homologue de l’IAWR pour le Danube, l’IAWD, a déjà été créé grâce aux liens étroits entre la ville de Vienne et le bassin du Rhin qui a facilité la création de cette association : il s’agit là d’un bon exemple de coopération et d’échanges Ouest-Est.

Deux développements seront nécessaires pour répondre à ce problème : le premier est le renforcement de la coopération interrégionale, qui sera difficile à réaliser puisqu’il n’existe encore ni cadres institutionnels, ni traditions établies de participation des régions à des discussions au niveau international ; le deuxième est l’incitation des régions à participer plus activement à la coopération et aux processus décisionnels à l’échelle du bassin fluvial, qui sont restés jusqu’ici essentiellement l’apanage de l’Etat, le pouvoir de décision et l’information restant concentrés dans les capitales, bien que la mise en œuvre des accords relève de plus en plus de la responsabilité des autorités locales et régionales. Un processus de dévolution en termes de pouvoir, d’accès à l’information et de ressources financières est donc nécessaire pour assurer la mise en œuvre du principe de subsidiarité qui devient aujourd’hui la norme dans le domaine de la gestion de l’eau en Europe.

Manque de moyens financiers

La quasi-totalité des autorités régionales interrogées dans l’ensemble du bassin s’accordent à reconnaître que le manque de moyens financiers est la raison principale de leur incapacité à mener à bien la réforme de la gestion de l’eau et le développement des infrastructures, pourtant si nécessaires. Dans les cas les plus graves, qui ne sont pas rares, l’accès de tous à l’eau potable est remis en cause par la détérioration de la situation financière des services municipaux et régionaux de l’eau et de traitement des eaux usées, qui pose également un risque pour la santé publique et pour l’environnement. L’enquête réalisée auprès des habitants du département de Maramures en Roumanie a montré que l’amélioration de la qualité de l’eau et des services correspondants est considérée comme une priorité essentielle par la population, et vient même avant d’autres services essentiels comme l’électricité et le transport, mais ceci ne se reflète pas toujours dans l’allocation des budgets relatifs au développement régional et aux services, ce qui aboutit à un écart entre les préoccupations du public et les dépenses de l’Etat.

Les ressources de l’UE (PHARE, TACIS, ISPA) sont limitées et allouées uniquement dans le cadre de quelques grands projets d’investissement et ne tiennent donc pas toujours compte des problèmes prioritaires identifiés dans les plans de gestion des ressources en eau des régions. Certaines autorités locales et régionales qui bénéficiaient auparavant d’un soutien ont vu cette aide supprimée ou réduite ; le volume des fonds disponibles varie d’une année sur l’autre et l’obtention de subventions est soumise à des procédures de demande longues et compliquées.

La plupart des autorités locales et régionales reposent encore fortement sur le soutien de l’Etat à la fois pour construire et entretenir les infrastructures et pour subventionner les coûts d’exploitation mais ce soutien est parfois imprévisible et généralement subordonné à la prise en charge d’une partie des coûts par chaque région. En Hongrie, par exemple, les autorités territoriales peuvent obtenir une aide gouvernementale à hauteur de 80-85% du montant de leur projet d’investissement. Une autorité régionale qui souhaite effectuer un investissement doit déposer une demande d’aide correspondant au montant du projet auprès d’au moins quatre sources gouvernementales de financement. Les contributions des usagers doivent représenter 20-25% du montant du projet mais, dans beaucoup de cas, il est difficile de rassembler les fonds correspondants (en partie à cause du nombre de factures d’eau impayées) et ceci se traduit souvent par des retards dans les projets ou par leur abandon. Les autorités territoriales consacrent un temps important à la préparation des dossiers de demande d’aide et sont souvent déçues. Le manque de ressources financières propres empêche les autorités locales et régionales d’être véritablement autonomes ou de remplir de manière efficace leurs obligations en matière de gestion de l’eau.

Les systèmes d’allocation des ressources financières de l’Etat aux autorités locales et régionales doivent être simplifiés et adaptés afin de faciliter la tâche des régions ; ils doivent aussi être orientés vers les régions qui connaissent les besoins les plus pressants du point de vue du bien-être public et de l’environnement. Les autorités doivent être suffisamment informées et préparées à utiliser au mieux les systèmes d’allocation des fonds publics. Les autorités locales et régionales doivent également exprimer les souhaits des collectivités et faire pression sur le gouvernement central pour qu’il accorde une plus grande priorité à la gestion de l’eau et aux services correspondants.

Les autorités territoriales, en outre, doivent acquérir une plus grande autonomie financière. Ceci exige de pouvoir recourir à des sources plus variées et plus directes de financement, afin de réduire la dépendance à l’égard de l’Etat. Un aspect important de ce point de vue est la mise en place d’une tarification adéquate des services d’eau et des services de traitement des eaux usées aussi bien pour le public en général que pour les usagers industriels et agricoles (voir plus bas section i), ainsi que l’application du principe du « pollueur payeur » qui peut constituer une source importante de revenus et une incitation à réduire la pollution. Les autorités territoriales doivent être informées de l’existence d’autres sources de financement et, le cas échéant, coordonner leurs demandes de financement ou le développement de leurs propositions d’investissement avec d’autres régions, afin de regrouper plus efficacement leurs ressources.

Dans de nombreuses régions du bassin du Danube, les petites et moyennes municipalités ont particulièrement du mal à obtenir le financement dont elles ont besoin. En Roumanie, par exemple, 17 municipalités de plus de 150.000 habitants ont bénéficié de programmes d’investissement pour la réhabilitation de leurs infrastructures d’eau et de traitement des eaux usées. Toutefois, sur les 263 agglomérations urbaines que compte le pays, 230 sont considérées comme petites ou moyennes et n’ont donc pu attirer de ressources financières des institutions financières internationales ou du secteur privé. Ayant accès uniquement à des contributions forfaitaires de l’Etat, ces municipalités ont peu investi au cours de la dernière décennie et leurs infrastructures, ainsi que la qualité de leurs services, sont aujourd’hui d’un niveau très bas. Ces villes, cependant, doivent respecter les normes nationales et, à l’avenir, les normes européennes concernant l’eau potable et le traitement des eaux usées, assurer un niveau de vie adéquat à leurs habitants et protéger leur santé. Les fonds disponibles à l’intention des zones rurales ont aussi diminué régulièrement au cours des dix dernières années et il en est résulté d’importantes lacunes dans les services. Des efforts particuliers doivent donc être mis en œuvre pour assurer que les petites communes et les régions rurales puissent recueillir les fonds dont elles ont besoin pour investir dans les infrastructures de l’eau ; ceci exige l’adoption et la mise en œuvre de politiques soigneusement conçues et visant à répondre aux besoins réels de la population par la mise en place de services abordables et accessibles à tous.

D’autres sources d’aide financière peuvent être envisagées et notamment les projets d’aide et de coopération entre régions à l’intérieur d’un même pays ou d’un pays à l’autre, par exemple avec des régions d’Europe de l’Ouest. Il existe déjà de nombreux exemples de telles initiatives au niveau régional. On peut citer, en particulier, le projet de coopération entre la Lettonie et le Land de Rhénanie du Nord en Allemagne, financé dans le cadre du programme TACIS, qui vise à partager l’expertise considérable de la région de Rhénanie du Nord en matière de gestion de l’eau et à établir des relations de partenariat au niveau des autorités locales et régionales. Un autre exemple intéressant est celui de la coopération entre la province de Gelderland aux Pays-Bas, dans le bassin du Rhin, et Lublin en Pologne, dans le bassin de la Vistule, qui est axée sur les échanges en matière de politiques, la formation des autorités locales et régionales et l’identification de sources potentielles de financement en vue de projets futurs.

Inadaptation des ressources institutionnelles et humaines

Les résultats des enquêtes montrent clairement que, dans beaucoup de cas, les autorités locales et régionales ne disposent pas de capacités institutionnelles suffisantes pour gérer les nombreuses responsabilités en matière de gestion de l’eau qui leur ont été récemment dévolues. Certaines régions, par exemple le département de Galati en Roumanie, ont la chance d’accueillir un centre de recherche sur l’environnement ou l’eau pouvant leur offrir certaines facilités et constituer une source d’information et d’expertise locale mais la majorité font état de l’absence de telles ressources et ceci a un impact très négatif sur la gestion de l’eau. Pour que les autorités locales et régionales puissent jouer, comme on l’espère, un rôle essentiel dans la gestion de l’eau du bassin du Danube, elles doivent bénéficier du soutien institutionnel nécessaire à leur information et à leur participation aux multiples activités, réunions et processus permanents de développement des politiques. Ceci requiert à la fois des moyens financiers et l’engagement de la part des autorités territoriales à renforcer leurs capacités en ce domaine. En outre, dans les régions ou les villes où certains services d’alimentation en eau ont été privatisés, il est essentiel que les autorités locales ou régionales aient la capacité institutionnelle de mettre en œuvre et de faire respecter la réglementation par les entreprises privées. Tel n’est pas le cas actuellement dans de nombreuses régions (voir plus bas section i).

Un grand nombre des autorités territoriales interrogées au cours de l’enquête font état d’un grave manque de connaissances et de compétences pratiques dans la gestion des ressources en eau en indiquant que ce problème est aussi grave que celui du manque de moyens financiers. La rotation rapide du personnel est un aspect qui ressort clairement de l’enquête approfondie menée dans le département de Maramures en Roumanie et ce problème se retrouve vraisemblablement dans l’ensemble du bassin. De même que dans beaucoup d’autres régions du monde, il est de plus en plus difficile d’offrir des incitations et des perspectives de carrière suffisantes pour attirer les professionnels les plus qualifiés vers la fonction publique et les encourager à rester sur place. La conséquence en est le manque de connaissances et d’expériences cumulatives et le manque de formation des personnes occupant des postes administratifs ou de décision. La mise en place de programmes de formation spécialisée à l’intention des représentants et du personnel des autorités territoriales, qui pourraient être parrainés et organisés par les autorités régionales disposant de meilleures ressources (en particulier, encore une fois, les régions des Etats membres de l’UE), permettrait de contribuer à résoudre ce problème.

Manque d’information et de données de bonne qualité

Ce problème existe à deux niveaux distincts mais liés entre eux. Le premier est le fait que de nombreuses collectivités locales et régionales des PECO riverains du Danube, qui sont maintenant responsables de certains aspects essentiels de la gestion de l’eau, font était d’un manque d’informations adaptées sur de nombreuses questions fondamentales telles que : les changements introduits dans la législation nationale, les dispositions de la DCE, les modalités d’accès aux subventions et prêts de l’UE et d’autres organisations, la privatisation et la réglementation des services d’eau et les méthodes visant à assurer la participation du public aux processus décisionnels. Cet aspect du problème devrait être pris en compte et résolu par les ministères chargés des affaires régionales et certaines instances internationales comme la Commission européenne, ainsi que par les associations existant au niveau du bassin (ICPRD, IAWD) et les organismes nationaux qui s’occupent d’élaborer des politiques, des stratégies et des accords nouveaux. La diffusion d’informations en direction des régions devrait constituer une activité normale de ces organismes. Toutefois, il est également important que les autorités locales et régionales adoptent une attitude proactive à cet égard, sollicitent elles-mêmes l’information et s’informent par d’autres moyens et à partir d’autres sources que la seule documentation reçue du gouvernement. L’une des activités proposées à l’issue de ce projet de recherche et de consultation est l’élaboration de manuels d’information à l’intention des autorités locales et régionales, adaptés aux besoins des autorités territoriales des différents Etats du bassin du Danube et dans leur langue. Les enquêtes montrent qu’une telle initiative serait bien reçue.

Le second aspect de ce problème est peut-être plus grave et plus difficile à résoudre. Les nombreux événements dramatiques et les crises qui se sont produits récemment dans le bassin du Danube (les problèmes liés aux conflits des Balkans pendant les années 90, la contamination de Baia Mare par du cyanure en 2000 et les graves inondations de 2002) ont montré que les mécanismes actuellement en place pour l’échange rapide d’information et l’action coordonnée sont insuffisants pour empêcher de graves dommages transfrontaliers. Les autorités locales et régionales sont souvent le premier point d’information en cas de contamination ou d’alerte à l’inondation dans leur région et elles ont également la responsabilité de prévenir les habitants des risques éventuels ; il est donc impératif qu’elles soient reliées efficacement au réseau d’information du bassin et disposent de leur propre système de communication.

La mise en place de systèmes d’alerte interrégionaux et inter-étatiques efficaces est heureusement un domaine dans lequel le bassin du Danube a déjà pu bénéficier de l’expérience du Rhin. Le modèle d’alarme développé pour le contrôle de la pollution du Rhin couvre le bassin du Rhin du lac de Constance jusqu’à la mer du Nord, ainsi que plusieurs de ses affluents (Aar, Neckar, Main et Moselle), et les données prises en compte dans ce modèle comprennent l’emplacement et les conditions de la pollution initiale, la vitesse de décomposition et la capacité de dérive des substances toxiques, les niveaux d’eau et le degré de dispersion. Si nécessaire, la progression de la vague de pollution peut être calculée de la source à la mer du Nord et, par conséquent, la vitesse d’écoulement et le temps d’arrivée prévu des substances toxiques peuvent être calculés avec précision. Le système d’alarme du Rhin a servi de modèle à la conception d’un système d’alarme pour le Danube mais le système du Danube va plus loin dans la mesure où il permet également de calculer les mouvements de produits polluants à travers le fleuve. Cet aspect supplémentaire a également été inclus dans la version la plus récente du système d’alarme du Rhin, ce qui constitue un excellent exemple de coopération mutuellement profitable entre bassins fluviaux. Les autorités locales et régionales du Danube doivent donc être intégrées dans ce système d’alarme et d’autres facilités importantes d’échange de données, comme cela a été le cas dans le bassin du Rhin.

Avec les progrès de la fiabilité et de l’accessibilité des données concernant différents aspects du bassin du Danube, notamment grâce au développement de plans de gestion intégrés du bassin, l’utilisation de systèmes sophistiqués de soutien à la décision devrait maintenant se répandre et améliorer la qualité de la gestion transfrontière et interrégionale de l’eau, comme cela a déjà été fait dans le bassin du Rhin et d’autres bassins fluviaux. L’accès à ce type d’outils (systèmes d’information géographique et systèmes de soutien à la décision) aidera les autorités locales et régionales à répondre aux nouveaux défis qui se posent à elles en matière de gestion, à surveiller les impacts liés aux activités humaines et à acquérir une meilleure compréhension des nombreux aspects interdépendants des ressources d’eau dans le bassin du Danube et dans les sous-bassins d’alimentation. Dans le bassin du Rhin, les initiatives visant à assurer la pleine intégration des systèmes d’information et des systèmes de soutien à la décision dans les processus décisionnels ont été, pour une large part, le fait des régions et, en particulier, de la province de Gelderland aux Pays-Bas.

Manque de fiabilité des systèmes d’information et de participation du public

Le niveau de participation du public varie énormément tout au long du bassin et cette participation est en général insuffisamment organisée ou manque de transparence. Certaines régions font état de processus d’information et de consultation complexes et multiformes faisant appel notamment à des campagnes d’information sur divers médias (presse écrite, télévision, Internet, radio, etc.), à des auditions publiques régulières et à des équipements permanents de consultation. D’autres régions reconnaissent n’informer aucunement le public et ne pas assurer sa participation. L’enquête fait apparaître un certain niveau de corrélation mais non une uniformité entre les régions d’un même pays ; et les autorités de Maramures en Roumanie ont indiqué qu’elles étaient favorables à la participation du public mais ne savaient encore quelles initiatives prendre en ce sens.

Il est essentiel que les autorités locales et régionales mettent en place des systèmes efficaces d’information et développent des méthodes transparentes pour assurer une participation active et permanente du public et qu’elles répondent aux préoccupations des citoyens à l’égard des ressources en eau et des services en ce domaine. Les citoyens doivent être informés non seulement des décisions prises mais aussi du processus décisionnel lui-même, afin de pouvoir jouer un rôle dans ce processus. Une large acceptation des résultats du processus décisionnel par le public est l’indication de la qualité du processus de décision. Tout comme les décisions du gouvernement central doivent, pour être acceptées, impliquer une certaine participation des administrateurs régionaux, les décisions des régions doivent être prises avec la participation des personnes les plus directement concernées. Il convient en particulier de poser les questions suivantes au sujet du processus de décision : les groupes d’intérêt concernés ont-ils eu la possibilité de présenter leur opinion et ces intérêts ont-ils été pris en compte dans les politiques ? Des auditions publiques formelles ont-elles eu lieu ? D’autres propositions ont-elles été présentées au public ? En cas d’incidences négatives du plan de gestion pour certains habitants, un dédommagement a-t-il été proposé ? Existe-t-il un système clair permettant aux citoyens de soumettre leurs objections à un projet ou de faire appel à un tribunal administratif ou civil ?

Du fait de la rapidité des réformes législatives intervenues dans beaucoup d’Etats, de nombreux acteurs ont le sentiment de ne pas avoir été suffisamment consultés et, bien que leurs droits à l’information et à la consultation se soient énormément renforcés au cours de la dernière décennie, le manque de ressources et les systèmes de participation établis font que, dans beaucoup de régions, peu de choses ont changé en ce domaine. Les autorités régionales, en tant qu’instances de représentation directe de leurs communautés ont la responsabilité d’assurer la pleine participation du public aux processus de décision et de mise en œuvre des programmes, en particulier dans un domaine aussi important que celui de l’eau. Pour améliorer la compréhension des problèmes liés à la gestion de l’eau, des programmes spéciaux d’information et d’éducation devraient être développés à l’avenir en direction des enfants et des jeunes, à l’intérieur ou à l’extérieur de l’école.

Gestion des prix, développement de partenariats et réglementation du secteur privé

Il est aujourd’hui nécessaire de passer d’une gestion basée sur l’offre à une gestion basée sur la demande. La tarification inadaptée en vigueur actuellement favorise le gaspillage d’eau, entretient les pratiques inefficaces d’utilisation de l’eau et accroît les pressions sur les ressources en eau, ce qui entraîne inévitablement des conflits entre des utilisations et des usagers différents. Les instruments économiques rationnels, comme les tarifs de consommation d’eau incluant des incitations en faveur de la conservation et des systèmes appropriés de sanction, constituent un élément indispensable d’une gestion efficace de l’eau, notamment pour veiller à ce que les services d’eau (mais non l’eau à l’état naturel) soient traités comme un bien économique et utilisés de manière efficace. Dans le même temps, des tarifs de base doivent être mis en place afin d’assurer la fourniture d’un volume d’eau suffisant aux personnes démunies ou vulnérables. La gestion basée sur la demande devrait aussi permettre de réduire le coût marginal de l’eau, en différant ou même en supprimant le besoin de renforcer l’alimentation en eau par un pompage et un stockage accrus. Le changement de la tarification aura pour effet de modifier la manière dont l’eau est perçue par le public, ainsi que par les grands consommateurs d’eau de l’industrie et de l’agriculture, et de renforcer la valeur accordée à cette ressource essentielle et limitée.

La fixation des tarifs de l’eau et des services de traitement des eaux usées est confiée à des organismes différents dans chacun des Etats du Danube et répond aussi à des modalités différentes lorsque les services ont été privatisés. Les autorités locales ou régionales, lorsqu’elles en ont la responsabilité, se trouvent confrontées à un grand nombre de problèmes complexes. En Hongrie, le transfert de propriété des services d’eau aux autorités locales s’est accompagné du droit de fixer les tarifs au niveau local. 80% des services d’eau du pays sont aujourd’hui délivrés par 400 entreprises d’utilité publique appartenant aux autorités locales et les 20% restants sont assurés par les cinq entreprises d’utilité publique qui sont demeurées la propriété de l’Etat, celui-ci jouant un rôle de contrôle des tarifs. L’Etat influe également sur les méthodes de tarification des collectivités locales au moyen du système de subventions ; toutefois, ces méthodes ne sont pas réglementées au niveau central. En Roumanie, la fixation des prix est aussi confiée aux autorités territoriales par l’« ordonnance 32 ».

Les autorités territoriales doivent parvenir à un équilibre entre divers intérêts. Leur responsabilité en matière de fourniture d’eau correspond à un intérêt social général. Elles ont aussi un intérêt spécifique en tant que propriétaires d’entreprises d’utilité publique. Leur rôle en matière de fixation des tarifs leur confère également une responsabilité et un intérêt économiques. De par leurs fonctions de protection de la qualité de l’eau et des caractéristiques naturelles de leur région, elles doivent en outre prendre en compte l’intérêt de l’environnement. La fixation des tarifs est donc un travail d’équilibre entre ces diverses considérations, qui exige certaines compétences économiques pour le calcul des coûts devant être couverts par les tarifs, et peut être source de nombreuses difficultés pour les autorités territoriales. Que faire, par exemple, dans le cas où la mise en place de services de protection de l’environnement risquerait d’entraîner un prix inabordable des services d’eau ? Quelle attitude l’autorité doit-elle adopter face à la pression des citoyens exigeant des prix peu élevés ?

Le caractère de monopole des équipements en eau est également source de nombreux problèmes, en particulier lorsque l’autorité locale qui fixe les prix est aussi le propriétaire de l’ensemble des équipements et services d’eau de la région. Les consommateurs mécontents des services qui leur sont fournis ne peuvent se tourner vers un autre fournisseur. Il est donc nécessaire de mettre en place certaines mesures permettant, d’une part, aux consommateurs de faire connaître leur point de vue et, d’autre part, aux autorités locales ou régionales, dont beaucoup ne disposent pas du personnel qualifié nécessaire, de résister à la pression politique des citoyens exigeant des prix excessivement bas, au détriment de la qualité des services du point de vue de l’ensemble des membres de la communauté ou de l’environnement. Telle est la tâche, en Roumanie, de l’Autorité nationale de régulation des services municipaux, créée récemment pour contrôler, en particulier, la tarification des services d’eau dans l’ensemble du pays. Toutefois, d’une manière générale, les méthodes de tarification ne sont soumises à aucune régulation, pas même sous la forme de simples recommandations, et le contrôle public demeure en ce domaine insuffisant.

Il est essentiel d’assurer l’information du public au sujet des politiques et des raisons justifiant leur adoption. Le public doit comprendre que les prix plus élevés qu’on lui demande de payer permettent de dégager des revenus en vue d’une amélioration de la qualité des services et de la protection de la qualité de l’eau ; il doit aussi avoir la possibilité de déposer un recours et d’exiger que des mesures soient prises si ces promesses ne sont pas tenues. L’enquête menée dans le département de Maramures, en Roumanie, a montré que plus de 70% des habitants seraient prêts à payer des tarifs plus élevés pour des services de meilleure qualité, alors même que nombre d’entre eux considèrent que les tarifs actuels sont trop élevés, compte tenu du niveau des services reçus. Les autorités locales et régionales doivent mener des campagnes de sensibilisation afin de lutter contre l’augmentation des factures impayées, avec les problèmes de liquidités qui en résultent pour les fournisseurs de services. En Hongrie, les factures impayées sont devenues un problème grave car les prix ont considérablement augmenté alors même que la qualité des services baissait du point de vue du consommateur, dont les ressources, en outre, diminuaient du fait de la situation économique du pays.

Les charges relatives à l’eau et au traitement des eaux usées sont élevées par rapport aux revenus de la population. En Hongrie, ces charges représentent en moyenne 2% du revenu individuel, alors qu’elles atteignent en moyenne 0,5 à 1% seulement au sein de l’Union européenne. Dans le département de Maramures, en Roumanie, 87% des personnes interrogées ont déclaré que leur famille ne disposait pas d’un revenu suffisant pour couvrir les dépenses mensuelles (64% ont déclaré disposer d’un revenu inférieur à 170 Euros par mois), dont 30% correspondent aux aménités telles que l’eau, l’électricité ou le gaz, ce qui en fait les dépenses les plus importantes dans chaque foyer. Cette réalité constitue manifestement un énorme défi pour les pouvoirs publics qui doivent à la fois protéger la santé et le bien-être de leurs citoyens, en particulier les plus pauvres, et gérer des services d’eau efficaces et rentables.

Le recours à un processus décisionnel ouvert en relation avec les activités et politiques importantes offre également l’opportunité d’une participation constructive du secteur privé, qui peut être une source d’innovation, de créativité et d’investissements. Toutefois, il est extrêmement préoccupant de constater que la privatisation des services de l’eau et du traitement des eaux usées, en particulier dans les grandes villes du bassin du Danube (Budapest, Pécs, Bucarest, Sofia), semble intervenir en l’absence d’une information ou d’une participation adéquates du public, ceci pouvant se traduire par une régulation et une protection insuffisantes du consommateur et, par conséquent, être source de conflits. La privatisation est souvent décidée dans un contexte de pénurie de capitaux, imposant ainsi une lourde responsabilité à l’autorité publique responsable, et ceci peut aussi être une incitation à mener à bien le projet de privatisation sans véritablement consulter le public ou sans réellement étudier d’autres options. Les contrats avec le secteur privé doivent aussi être élaborés très soigneusement, sur la base de l’information nécessaire et en toute connaissance des éventuelles conséquences de différentes options. De nombreuses questions sont en fait réglées actuellement de manière extra-contractelle, en raison des incertitudes pesant sur la relation entre l’autorité locale et l’opérateur. Cette situation incertaine est une source potentielle de conflits.

Ce rapport n’a pas pour objet de formuler une opinion ou un jugement au sujet des aspects positifs ou négatifs de la privatisation mais cherche simplement à refléter les préoccupations des personnes et des autorités consultées. C’est pourquoi il recommande, en cas de projet de privatisation, de mener à bien un véritable processus de consultation avec les personnes directement concernées et de veiller à ce que l’autorité en question bénéficie de toute l’information nécessaire et, en particulier, de conseils juridiques spécialisés en vue de l’élaboration des contrats. Il est également essentiel que l’autorité locale ou régionale dispose des capacités techniques et institutionnelles nécessaires pour assurer le contrôle de l’opérateur privé et de la possibilité d’imposer certaines conditions contractuelles. Dans le bassin du Danube, le public a fortement résisté à la privatisation des services d’eau dans les grandes villes et ceci a des incidences négatives sur l’aptitude des consommateurs à payer et, par conséquent, sur le bon fonctionnement de l’entreprise privée et sur les capacités de régulation des autorités locales ou régionales. En Hongrie, où le processus de privatisation est le plus avancé, les opposants à ce processus soulignent l’absence d’un cadre juridique adéquat pour la privatisation des services publics des eaux et le fait que le public, en général, n’a pas été suffisamment informé puisque aucune campagne publique n’a été organisée à ce propos. Dans le département de Maramures, en Roumanie, où les services de l’eau sont contrôlés par les pouvoirs publics, les personnes interrogées ont exprimé l’opinion que des fournisseurs privés assureraient un meilleur service. Ceci montre qu’il existe une diversité d’opinions à ce propos dans le bassin du Danube ; un travail général d’information est donc nécessaire en ce domaine, en direction à la fois du public et du personnel des autorités locales et régionales. Il n’est pas souhaitable que les autorités locales et régionales se tournent vers le secteur privé dans l’urgence, sous la pression conjuguée du manque de moyens financiers et des difficultés à appliquer des normes de plus en plus exigeantes, plutôt qu’à l’issue d’un processus décisionnel rationnel, informé et basé sur la participation. La privatisation est une question complexe et il est dans l’intérêt des autorités locales non seulement de recevoir une information technique à ce sujet mais aussi de pouvoir débattre de cette question avec d’autres autorités ayant dû prendre des décisions comparables ou bénéficiant d’une expérience plus longue de contacts ou de collaboration avec le secteur privé. De cette façon, chaque région n’aura pas à apprendre uniquement de ses propres erreurs, mais pourra apprendre aussi à partir des erreurs et des succès d’autres régions.

Regagner / conserver la confiance du public et des consommateurs

Que les services des eaux soient publics ou gérés par le privé, il est essentiel que toutes les décisions et les activités soient entièrement transparentes et que le public puisse accéder facilement à l’information. L’incapacité de certaines autorités locales et régionales à fournir les ressources financières, humaines et techniques nécessaires pour remplir leurs nouvelles responsabilités en matière de gestion des ressources en eau et de fourniture de services a entraîné un quasi-effondrement des services dans certaines régions et ceci s’est accompagné d’une absence de protection des consommateurs et de l’environnement et d’une perte de confiance dans la capacité des autorités publiques à fournir ces services essentiels.

Le détournement de fonds publics dans le secteur de l’eau est un problème auquel doivent faire face les pouvoirs publics dans le monde entier. Les autorités locales et régionales du bassin du Danube, au fur et à mesure que s’accroissent leurs responsabilités budgétaires, voient aussi s’accroître leurs obligations de rendre des comptes au public. Toute transaction doit être entièrement transparente et les sanctions en cas de corruption ou de détournement de fonds, sous quelque forme que ce soit, doivent être sévères. Toutes les enquêtes réalisées en ce domaine montrent que les citoyens considèrent la gestion des ressources en eau et les services d’alimentation en eau de la plus haute importance non seulement pour eux-mêmes mais pour l’ensemble de leur région ; la manière, par conséquent, dont les autorités locales et régionales gèrent ces ressources est un facteur essentiel d’évaluation de la réussite ou de l’échec de leur gestion pour le public et elle affecte directement le niveau de confiance de ce dernier à l’égard des pouvoirs publics.

5. Conclusion

La Résolution et la Recommandation soulignent l’ensemble des problèmes énumérés ci-dessus et tentent de formuler des propositions concrètes pour aider à les résoudre. Compte tenu du nombre et de l’ampleur de ces problèmes, leur solution ne saurait être immédiate. La Résolution du Congrès, cependant, avance deux idées d’action immédiate, et la Conférence de Turnu Magurele a lancé en fait deux propositions :

la première est la création à Turnu Magurele (Roumanie) d’un Centre pour les pouvoirs locaux et régionaux du bassin du Danube qui aurait pour tâche de coopérer avec les institutions compétentes et les organisations internationales chargées de la gestion des ressources en eau et de lancer et de suivre des projets concrets dans le bassin ;
la seconde est la création d’un réseau européen regroupant les principales autorités de gestion fluviale des Etats membres du Conseil de l’Europe, afin de favoriser les échanges d’informations et la coopération, d’encourager le développement de partenariats pour une gestion avisée des bassins fluviaux et de renforcer le rôle des autorités locales et régionales dans les activités de gestion.

L’espoir qui anime ces propositions est que leur mise en œuvre pourra contribuer à la réhabilitation écologique du Danube et d’autres fleuves européens car ceux-ci représentent une source de vie essentielle pour les populations d’Europe.

1 Pour de plus amples informations sur la Commission internationale pour la protection du Danube et sur les autres institutions et dispositions légales concernant la gestion du bassin du Danube, notamment la Directive-cadre sur l’eau de l’Union européenne, se reporter au rapport sur les aspects légaux qui a été élaboré dans le cadre de ce projet.