Le projet de Convention européenne du paysage - CG (5) 8 Partie II

Rapporteur: Pierre HITIER1 (France)

EXPOSÉ DES MOTIFS

I. LE PAYSAGE : NOTRE CADRE DE VIE DE DEMAIN

Par son projet de Convention européenne du paysage, le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux (CPLRE) souhaite que la prise en compte des paysages par les pouvoirs publics devienne une priorité politique puisque la qualité du paysage contribue de façon essentielle au bien-être des citoyens ainsi qu'à la consolidation de l'identité européenne.

S'occuper des paysages signifie protéger les valeurs spirituelles et les sentiments qui lient les citoyens à leur cadre de vie de tous les jours et contribuer à leur sérénité face à une société qui s'exprime trop souvent uniquement en termes de valeurs boursières et d'offres commerciales. Cela représente un monde virtuel et superficiel, parfois très loin des besoins intimes des êtres humains.

Ces valeurs matérielles produisent, dans la plupart des cas, des paysages dégradés par l'extension incontrôlée de l'urbanisation, la prolifération d'aires d'activité commerciale, le prodigieux essor de l'affichage publicitaire, le développement parfois aberrant d'infrastructures de transport et de production d'énergie, la création de stations touristiques non durables, la simplification des paysages agraires, l'abandon de certaines régions rurales, l'extension de forêts ou de friches, la destruction de ces forêts par les incendies, l'exploitation sauvage du sol ou l'abandon de zones minières. Ces facteurs enlaidissent et banalisent nos paysages, réduisent considérablement la diversité des lieux et leurs caractères indigènes, affaiblissent l'identité et le sentiment d'appartenance des habitants et éloignent les visiteurs étrangers.

Le mode de vie d'un bon nombre des citoyens européens s'est réduit aux publicités, aux hot-dogs, aux hypermarchés et aux faux mythes de la télévision et d'un certain cinéma. Ce mode de vie est malheureusement en train de devenir une aspiration collective. Il a certes ralenti par la crise, mais il s'est déjà traduit dans une occupation fulminante de l'espace qui n'a guère laissé le temps à la réflexion et à l'action paysagères.

En revanche, les hommes et les femmes ont besoin de valeurs spirituelles qui les mobilisent et qui les motivent à construire et à entreprendre ensemble en vue de l'Europe de demain. Mais pourquoi se borner aux rêvasseries des grandes productions cinématographiques, aux hypermarchés et aux offres commerciales pour voir nos aspirations les plus profondes se réaliser? Pourquoi ne pas se mobiliser ensemble autour d'un "Grand Projet Paneuropéen" afin de relever notre identité et notre esprit européens ?

L'un des problèmes majeurs auxquels les responsables politiques sont confrontés aujourd'hui est celui du chômage. Ce fléau a également des effets destructifs surtout sur les conditions psychologiques de millions de nos concitoyens. L'exclusion due au chômage se traduit dans de très nombreux cas par une sorte de dépression individuelle et sociale qui aggrave les conséquences matérielles du non-travail.
Offrir aux citoyens européens l'opportunité de jouer un rôle actif dans l'évolution de leurs paysages constitue un projet socio-économique de grande envergure démocratique qui peut mobiliser des ressources humaines et financières très importantes. Etant donné la pluridisciplinarité du paysage, ce projet peut en fait donner lieu à la création d'un très grand nombre d'emplois dans les secteurs industriel, agricole et des services.

C'est probablement la motivation qui nous anime à déclarer que, par l'adoption de la Convention, l'on pourrait entamer une entreprise environnementale paneuropéenne comparable au projet de la Monnaie unique européenne décidée par le traité de Maastricht.

Une telle entreprise pourrait ainsi représenter le «Grand Projet Paneuropéen», projet que les citoyens de notre Europe seraient appelés à réaliser chez eux, sur notre continent, et non pas à vivre en tant que rêve, de façon virtuelle, devant un simple écran électronique ou publicitaire.

Le paysage n'est pas un rêve, il doit devenir une des bases de notre mode de vie européen futur. Une culture nouvelle doit être fondée, une relation profonde entre les citoyens européens et leur environnement doit être créée. Dans un certain nombre d'Etat européens, ce mode de vie, cette culture, cette relation existent déjà. Ces Etats ont une grande responsabilité. Ils représentent un modèle et doivent partager leurs expériences dans un cadre européen avec les autres Etats encore à la recherche de leur identité. «Europe unie» signifie pour nous solidarité, échange, ouverture dans et pour la diversité.

Nous avons trop longtemps considéré le paysage comme la Cendrillon des intérêts environnementaux. Aujourd'hui, par le projet de Convention européenne du paysage, nous avons la possibilité de lui restituer sa fonction centrale par rapport au bien-être des citoyens.

En tant qu'organe représentatif des intérêts des collectivités territoriales, de par son initiative visant l'adoption d'une convention européenne sur le paysage, le Congrès a pris conscience de l'importance que les populations européennes accordent à leur cadre de vie. Elles exigent désormais que les politiques qui ont un impact sur le territoire soient reconsidérées, afin de tenir compte de leurs exigences concernant la qualité de leur cadre de vie. Elles estiment que cette qualité repose, entre autres, sur le sentiment issu de la perception, notamment visuelle, de l'environnement qui les entoure, à savoir le paysage. Elles ont pris conscience que la qualité et la diversité de nombreux paysages se réduisent sous l'effet de facteurs aussi nombreux que variés et que ce phénomène porte atteinte à la qualité de leur vie de tous les jours.

Par son initiative, le Congrès a donc à la fois assumé une responsabilité et relevé un défi. Les élus locaux et régionaux qui siègent au Congrès sont responsables de l'administration des villes et des territoires qui les entourent. De ce fait, leur engagement politique vise l'amélioration de la qualité de vie des citoyens dans ces villes et ces territoires.

Dans le cadre de cet engagement politique, les membres du Congrès prêtent une attention particulière à la qualité de vie des citoyens dont ils administrent les intérêts. Celle-ci dépend de plusieurs facteurs spirituels. Parmi ceux-ci, le cadre de vie représente un facteur essentiel puisqu'il a une influence déterminante sur la qualité de la relation sensible qui existe entre les citoyens et le territoire, à savoir le paysage.

L'initiative du Congrès répond à l'exigence d'offrir aux populations européennes une garantie juridique internationale en vue de la satisfaction de leurs exigences concernant leur cadre de vie et leurs paysages. Cette réponse souhaite combler un vide juridique étant donné l'absence, à l'échelle européenne, d'une référence spécifique et complète entièrement consacrée à la conservation, à la gestion et à la mise en valeur du paysage européen dans les instruments juridiques internationaux en matière d'environnement, d'aménagement du territoire et de patrimoine culturel. Les instruments existants ont souvent une portée géographique limitée, s'adressent à des aspects partiels de la problématique paysagère ou l'abordent en vue de la protection et de la gestion d'autres intérêts relatifs au territoire.

Une convention internationale constitue un instrument juridique vivant, qui évolue avec l'objet de ses dispositions. Il est essentiel qu'un instrument juridique international visant la prise en compte des valeurs et intérêts paysagers, puisse évoluer avec le caractère variable de ces valeurs et ces intérêts. Un instrument international en matière de paysage dépourvu d'un caractère juridique contraignant et d'un système de suivi ad hoc, risque de rester lettre morte, une séquence de recommandations sans moteur, qui, dans le temps, risquent de perdre le contact avec les problèmes qu'elles s'efforcent de résoudre.

Les activités des autorités publiques en matière de paysage ne doivent plus rester seulement un champ d'étude ou un domaine d'intervention restreint, apanage exclusif de certains organismes scientifiques spécialisés. Le paysage doit devenir un sujet politique d'intérêt général parce qu'il contribue de façon très importante au bien-être des citoyens européens et que ces derniers ne peuvent plus accepter de «subir leurs paysages» en tant que résultat d'évolutions de nature technique et économique décidées sans eux. Le paysage est l'affaire de tous les citoyens, une occasion de démocratie et notamment de démocratie locale et régionale.

II. FONDEMENTS ET PROCEDURES D'ETABLISSEMNT DU PROJET DE CONVENTION EUROPEENNE DU PAYSAGE

En mars 1994, quelques semaines avant la première Session Plénière du Congrès, l'ancienne Conférence permanente des pouvoirs locaux et régionaux de l'Europe a adopté la Résolution 256 (1994) sur la 3e Conférence des régions méditerranéennes. Dans ce texte, l'ancienne Conférence permanente a invité le Congrès à élaborer, sur la base de la Charte du paysage méditerranéen - adoptée à Séville par les régions Andalousie (Espagne), Languedoc-Roussillon (France) et Toscane (Italie) - une Convention-cadre sur la gestion et la protection du paysage naturel et culturel de toute l'Europe.

Un an plus tard, suite à la première Conférence des Ministres européens de l'environnement qui s'est tenue à Dob_íš en juin 1991, l'Agence européenne de l'environnement de l'Union Européenne a publié "L'environnement de l'Europe, le Rapport de Dob_íš", qui représente une analyse approfondie de l'état et des perspectives de l'environnement dans la "Grande Europe". Le chapitre 8 de ce texte est consacré à la question du paysage et dans ses conclusions il exprime le souhait que le Conseil de l'Europe prenne l'initiative d'élaborer une convention européenne sur le paysage rural.

Au cours de 1995, l'UICN a publié le document "Des Parcs pour la vie : des actions pour les aires protégées d'Europe" avec le soutien, entre autres, de l'Agence suédoise de protection de l'environnement, du Ministère néerlandais de l'agriculture, de l'aménagement du territoire et de la pêche, du Ministère norvegien de l'environnement, de la Countryside Commission anglaise, du Ministère allemand de l'environnement, de la conservation de la nature et la sécurité nucleaire, du Ministère français de l'environnement et du Fonds mondial pour la nature (WWF). Ce texte préconise la mise en oeuvre d'une Convention internationale sur la protection des paysages ruraux en Europe à laquelle participerait le Conseil de l'Europe.

Sur la base de ces recommandations et des considérations exprimées dans le chapitre I de cet exposé des motifs, le Congrès a décidé d'élaborer un projet de Convention européenne du paysage en vue de son adoption par le Comité des Ministres du Conseil de l'Europe. Afin d'élaborer ce projet, en septembre 1994 le Congrès a mis en place un Groupe de travail ad hoc. En novembre de cette même année a eu lieu la première réunion de ce Groupe composé de membres de la Chambre des pouvoirs locaux et de la Chambre des Régions du Congrès. En application du principe de la consultation et de la participation, plusieurs institutions internationales, nationales et régionales ont été invitées à participer aux travaux de ce Groupe de travail. Parmi celles-ci rappelons ici : l'Assemblée parlementaire et le Comité du Patrimoine Culturel du Conseil de l'Europe, le Comité du Conseil de l'Europe responsable des activités en matière de diversité biologique et paysagère, le Centre du patrimoine mondial de l'Unesco, l'UICN, le Comité des Régions et la Commission européenne de l'Union Européenne, le Bureau de la Stratégie paneuropéenne pour la diversité biologique et paysagère et les Régions Andalousie, Languedoc-Roussillon, et Toscane.

En raison de la complexité scientifique du sujet et de la diversité des approches juridiques nationales le concernant, le Groupe de travail a élaboré, en tant que documents préparatoires, une version complète du projet de Convention en termes non juridiques et une étude de droit comparé européen du paysage. Cette étude a été élaborée afin de connaître les conditions juridiques et pratiques relatives à la protection, la gestion et l'aménagement du paysage dans les Etats membres du Conseil de l'Europe.

Par ailleurs, au cours de ses travaux le Groupe de travail susmentionné a fait constamment référence aux textes juridiques déjà existants au niveau international et national dans ce domaine. Parmi ces textes figurent - outre la Convention concernant la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel de l'Unesco -, la Convention pour la sauvegarde du patrimoine architectural de l'Europe, la Convention relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l'Europe, la Convention européenne pour la protection du patrimoine archéologique, la Recommandation 95 (9) du Comité des Ministres relative à la conservation des sites culturels intégrée aux politiques du paysage, la Recommandation (79) 9 du Comité des Ministres concernant la fiche d'identification et d'évaluation des paysages naturels en vue de leur protection, la Charte du Paysage Méditerranéen, le Règlement des Communautés Européennes concernant les méthodes de production compatibles avec les exigences de l'environnement ainsi que l'entretien de l'espace naturel, la Directive des Communautés Européennes concernant la conservation des habitats naturels et semi-naturels, la Directive des Communautés Européennes concernant l'étude d'impact environnemental ainsi que d'autres textes importants de droit national, communautaire et international

Etant donné les exigences de démocratie ainsi que la spécificité, la polyvalence et la variété des valeurs et des intérêts paysagers à prendre en compte, dans le cadre de son programme de consultation au sujet du projet de Convention, le Groupe de travail a organisé à Strasbourg deux auditions spécifiques. La première, à l'intention des organismes scientifiques nationaux et régionaux privés et publics et des organisations non gouvernementales européennes intéressées a eu lieu les 8 et 9 novembre 1995 ; la deuxième, tenue le 24 mars 1997 était destinée aux Organisations internationales et aux autorités régionales européennes concernées.

Suite à ces auditions, à l'occasion de sa 4e Session plénière qui s'est tenue à Strasbourg du 3 au 5 juin 1997, le Congrès a adopté l'avant-projet de Convention européenne du paysage dans le cadre de sa Résolution 53 (1997). Le projet de Convention exprimé dans un langage non juridique et l'étude de droit comparé européen du paysage susmentionnés sont présentés en tant qu'annexes à l'exposé de motifs de cette Résolution.

A cette même occasion, par sa Recommandation 31 (1997), le Congrès a demandé à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe d'examiner l'avant-projet de Convention européenne du paysage contenu dans la Résolution 53 (1997), d'exprimer un avis, et, si possible, d'y apporter un soutien. Cette demande d'avis et de soutien a également été adressée par le Congrès au Comité des Régions de l'Union Européenne.

Par ailleurs, avant de recommander au Comité des Ministres l'adoption de la Convention européenne du paysage, le Congrès a décidé, toujours par sa Résolution 53 (1997), de consulter les représentants des ministères nationaux concernés. C'est pourquoi, il a chargé le Groupe de travail d'organiser une Conférence de consultation à l'intention de ces représentants ainsi que des principales organisations internationales et non gouvernementales techniquement qualifiées dans le domaine du paysage.
Suite à l'invitation du Ministère italien des Biens culturels et environnementaux, cette importante conférence s'est tenue à Florence (Italie) du 2 au 4 avril 1998.

Par cette Conférence de consultation - à l'organisation de laquelle a également participé la Région Toscane avec la contribution de la Commune de Florence - le Congrès a pu établir un dialogue constructif avec les autorités gouvernementales des Etats membres du Conseil de l'Europe responsables des questions relatives au paysage. En particulier, grâce à cet échange de vue ouvert et informel entre, d'une part, les membres du Groupe de travail et les experts les assistant dans la préparation du projet de Convention et, d'autre part, les représentants des ministères chargés de la question du paysage, le Congrès a pu comprendre les exigences de ces Etats en ce qui concerne l'établissement de règles communes visant la protection, la gestion et l'aménagement de leurs paysages par le droit international.

Sur la base des résultats très encourageants de la Conférence de Florence et de l'avis très favorable des institutions internationales concernées sur l'avant-projet de Convention2 et compte tenu des propositions reçues lors des Auditions susmentionnées, le Groupe de travail a élaboré le projet final de Convention européenne du paysage en vue de son adoption par le Congrès dans le cadre du projet de Recommandation présenté à l'occasion de sa 5e session plénière (Strasbourg, 26-28 mai 1998).

Dans ce texte, il est proposé de recommander au Comité des Ministres du Conseil de l'Europe :

a. d'examiner le projet de Convention européenne du paysage en vue de son adoption comme Convention du Conseil de l'Europe déjà, si possible, à l'occasion de la campagne sur le patrimoine commun décidé par les Chefs d'Etat et de gouvernement lors de leur 2e Sommet à Strasbourg en octobre 1997, en tenant compte du projet de rapport explicatif du projet de convention qui figure en annexe à l'exposé de motifs de la recommandation;

b. etant donné la complexité du thème et la nature pluridisciplinaire de l'objet du projet de Convention européenne du paysage, dans le cadre des activités intergouvernementales visant l'examen du projet de Convention européenne du paysage, de saisir de façon parallèle le Comité du patrimoine culturel et le Comité pour les activités du Conseil de l'Europe en matière de diversité biologique et paysagère de ce projet ;

c. d'inviter le Congrès à présenter le projet de Convention mentionné ci-dessus dans le cadre des activités intergouvernementales paneuropéennes concernant le paysage en tant que contribution spécifique d'un organe du Conseil de l'Europe ;

Le projet de Recommandation invite par ailleurs l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe à soutenir le projet de Convention européenne du paysage en vue de son adoption par le Comité des Ministres.

III. L'OBJET DES DISPOSITIONS DU PROJET DE CONVENTION

L'un des premiers objectifs du projet de Convention est représenté par la reconnaissance d'un rôle actif des citoyens pour les décisions qui concernent leurs paysages. Une telle reconnaissance peut leur donner l'occasion de s'identifier avec les territoires et les villes où ils travaillent et se recréent. En renforçant la relation des citoyens avec leur lieux de vie, ils seront en mesure de consolider à la fois leurs identité et diversité locales et régionales en vue de leur épanouissement personnel et social. Cet épanouissement peut représenter une occasion de développent durable car la qualité du paysage constitue un élément essentiel en vue de la réussite des initiatives économiques et sociales de caractère privé et public.

Dans un objectif de démocratie, le projet de Convention ne cesse d'insister sur l'importance de la participation des populations aux décisions concernant les paysages. Il convient de favoriser cette participation en informant le public, en associant tous les organismes représentatifs aux consultations, en ayant recours aux médias et en menant des activités éducatives à tous les niveaux.

Les populations doivent pouvoir s'exprimer selon des procédures de consultation démocratiques afin que les pouvoirs publics puissent décider et agir en fonction de leurs aspirations. En particulier, le projet de Convention insiste sur la participation des citoyens aux processus d'identification, d'évaluation des paysages et à la détermination des mesures d'intervention sur ces derniers.

Il est nécessaire de relever le niveau des compétences techniques, en matière de connaissance et de gestion des paysages, d'un grand nombre d'organismes publics et d'organisations représentatives. Les problèmes posés par les transformations des paysages doivent être abordés également, dans les disciplines concernées et avec un matériel pédagogique adapté, dans le cadre des établissements d'enseignement de tous niveaux, afin que les élèves, futurs citoyens, aient conscience des problèmes de leur futur cadre de vie.

Etant donné que la prise en compte des valeurs paysagères par les pouvoirs publics doit être considérée en tant que projet politique de nature socio-économique visant le bien-être individuel et social de tous les citoyens, le champ d'action du projet de Convention concerne la totalité de la dimension paysagère du territoire des Etats.

Uniquement cette extension de l'action publique en matière de paysage peut restituer au paysage sa fonction propulsive en vue du développent de nos sociétés. Cette extension est en fait en mesure de contribuer à la construction d'une Europe où les individus ont la possibilité de déterminer les caractéristiques fondamentales de leurs lieux de vie. Ces dernières ne seront plus imposées par un développement économique déséquilibré par rapport aux territoires qu'il affecte. Ces caractéristiques pourront finalement refléter les véritables aspirations des citoyens.

A cet égard, il est proposé que la future Convention européenne du paysage s'applique à tout le territoire européen, qu'il s'agisse des espaces ruraux cultivés ou naturels, des espaces urbains et périurbains. Elle ne sera pas limitée aux seuls éléments culturels ou artificiels, ou aux seuls éléments naturels du paysage: elle visera l'ensemble de ces éléments et les relations qui existent entre eux. Cette couverture géographique globale s'explique aussi par le fait que les paysages ruraux et urbains sont entremêlés de façon complexe, que la plupart des européens vivent dans de grandes ou de petites villes dans lesquelles la qualité des paysages exerce une forte influence sur la vie des habitants, et que les paysages ruraux et urbains revêtent une importance considérable dans la conscience européenne. Cette couverture géographique est également motivée par les profondes transformations que subissent les paysages européens, et en particulier les paysages périurbains.

La Convention ne devra concerner donc pas seulement le domaine de la protection des paysages remarquables ou exceptionnels, mais également l'aménagement de tous les paysages, car ceux-ci contribuent à la qualité de vie des populations européennes. Elle devra exiger une attitude prospective de la part de tous ceux dont les décisions ont une incidence sur les paysages. Elle pourra avoir des conséquences dans de très nombreux domaines relevant de la politique publique ou d'actions privées, depuis le niveau local jusqu'au niveau européen.

Outre leur importance locale, les paysages d'Europe sont importants pour l'ensemble de la population européenne, qui, de plus en plus mobile, est amenée à les apprécier. Ces paysages sont ainsi appréciés au-delà de l'espace qui les porte et des frontières nationales. Par ailleurs, certains paysages présentent des caractères identiques de part et d'autre des frontières. Le projet de Convention se préoccupe donc également des aspirations des populations extérieures et propose des mesures transfrontalières.

Comme déjà mis en évidence, le champ d'application du projet de Convention concerne la totalité des territoires européens. Toutefois, certains paysages présentent des caractères exceptionnels et revêtent ainsi un intérêt pour l'ensemble de l'Europe. Cet intérêt résulte de leur spécificité, de leur rareté, du fait qu'ils représentent des oeuvres élaborées par des activités ou des modes de vie menacés de disparition, du témoignage des efforts de sociétés antérieures ou de leur inventivité particulière.

Afin de préserver ces paysages, le projet de Convention propose de publier une Liste des paysages d'intérêt européen. Cette solution, déjà préconisée par le Comité du Patrimoine Mondial de l'Unesco, compléterait, à l'échelle européenne, la Liste du Patrimoine mondial établie dans le cadre de la Convention concernant la protection et la gestion du patrimoine mondial culturel et naturel. Par ailleurs, cette liste pourrait également être utilisée comme base de réflexion et comme modèle, afin de sensibiliser le public aux questions concernant les paysages et assurer une bonne administration des autres paysages. Dans le cadre de son établissement, le Conseil de l'Europe serait en mesure d'offrir aux Parties contractantes son expérience dans le domaine de la préservation des sites naturels et culturels de valeur exceptionnelle.

Toujours dans le cadre de la coopération internationale, le projet de Convention présente également une démarche très originale visant la reconnaissance des efforts que réalisent les collectivités locales et régionales pour entretenir des paysages "ordinaires" et contribuer à ce qu'ils soient reconnus localement comme un cadre de vie de qualité. A cette fin, il propose d'attribuer le "Prix européen du paysage" aux autorités locales et/ou régionales qui se sont distinguées dans des activités de protection, gestion et/ou aménagement de leurs paysages. Ces paysages peuvent ensuite être utilisés comme exemples destinés à sensibiliser d'autres collectivités locales ou régionales aux moyens politiques, administratifs, juridiques, économiques et techniques qui permettent d'assurer un entretien des paysages dont elles ont la charge.

Le fait d'étendre le champ d'application de l'action des pouvoirs publics en matière de paysage à la totalité de la dimension paysagère de leur territoire national, ne signifie pas appliquer les mêmes mesures et politiques sur l'ensemble des paysages.

Ces mesures et ces politiques devront pouvoir se référer à des paysages qui, selon leurs caractéristiques, nécessiteront des interventions diversifiées qui vont de la plus stricte conservation à la véritable création en passant par la protection, la gestion et l'aménagement.

Aux termes du projet de Convention européenne du paysage, les activités paysagères ne doivent pas se résumer à des mesures de protection des paysages qui s'opposent parfois au développement économique et social. L'action sur le paysage doit être envisagée de manière dynamique et prospective selon trois orientations principales: protection, gestion et aménagement. Ces principes impliquent que tous ceux dont les décisions ont une influence sur les paysages doivent avoir une vision prospective des paysages et déterminer quels sont les caractères des paysages qui seront transmis aux générations futures.

La protection doit être réservée notamment à des paysages dont le caractère estimé exceptionnel, en raison de la configuration naturelle ou culturelle, ou en raison des valeurs que lui attribuent les sociétés, est menacé par des pressions nouvelles qui, en outre, risquent d'en interdire l'accès aux populations. Ce type d'action doit s'accompagner de mesures d'entretien et d'accessibilité garantissant cette protection.

La gestion des paysages consiste davantage en des actions ou des mesures visant à accompagner les transformations induites par les nécessités économiques et sociales, toujours dans une perspective de développement durable. Ces actions et mesures pourront concerner l'organisation de ces paysages ou les éléments de leur composition ou s'exercer sur les facteurs de transformation afin de maîtriser les processus d'évolution; elles devront toujours tendre à améliorer la qualité des paysages en fonction des aspirations des populations résidentes ou extérieures.

L'aménagement des paysages doit être envisagée comme l'élaboration de véritables projets d'aménagement paysager du territoire, tenant compte des paysages existants mais présentant un caractère prospectif particulièrement affirmé. C'est notamment dans les régions les plus touchées par le changement économique et social récent et dans des régions fortement détériorées ou socialement défavorisées (banlieues, espaces périurbains, littoraux) que ces projets d'aménagement territorial et paysager s'imposent, visant à restructurer profondément des paysages dégradés. Ces projets doivent en outre s'accompagner de mesures destinées à améliorer la situation des populations concernées.

En vue de la mise en place des activités de protection, gestion et aménagement du paysage, le projet de Convention propose des moyens d'intervention consistant en des mesures juridiques et/ou financières. Toutefois, afin de tenir compte de la diversité des paysages et des différentes traditions nationales visant leur sauvegarde, le projet de Convention se limite à offrir, dans le cadre d'une annexe, un éventail de solutions différentes dont les futures Parties à la Convention pourront s'inspirer en fonction de leurs besoins particuliers. Nous sommes d'avis que cette solution représente un choix équilibré car elle tient compte des traditions, des méthodes et des pratiques existant dans chaque Etat en la matière.

ANNEXE

Projet de rapport explicatif
du projet de Convention européenne du paysage

CONTENU

Rapport explicatif

Origines de la Convention
Remarques générales
Commentaire sur les dispositions de la Convention
Commentaire sur l'annexe à la Convention

I. ORIGINES DE LA CONVENTION

En mars 1994, quelques semaines avant la première Session Plénière du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l'Europe, l'ancienne Conférence permanente des pouvoirs locaux et régionaux de l'Europe a adopté la Résolution 256 (1994) sur la 3e Conférence des régions méditerranéennes. Dans ce texte, l'ancienne Conférence permanente a invité le Congrès à élaborer, sur la base de la Charte du paysage méditerranéen - adoptée à Séville par les régions Andalousie (Espagne), Languedoc-Roussillon (France) et Toscane (Italie) - une Convention-cadre sur la gestion et la protection du paysage naturel et culturel de toute l'Europe.

Un an plus tard, suite à la première Conférence des Ministres européens de l'environnement qui s'est tenue à Dob_íš en juin 1991, l'Agence européenne de l'environnement de l'Union Européenne a publié "L'environnement de l'Europe, le Rapport de Dob_íš", qui représente une analyse approfondie de l'état et des perspectives de l'environnement dans la "Grande Europe". Le chapitre 8 de ce texte est consacré à la question du paysage et dans ses conclusions il exprime le souhait que le Conseil de l'Europe prenne l'initiative d'élaborer une convention européenne sur le paysage rural.

Au cours de 1995, l'Union mondiale pour la nature (UICN) a publié le document "Des Parcs pour la vie : des actions pour les aires protégées d'Europe" avec le soutien, entre autres, de l'Agence suédoise de protection de l'environnement, du Ministère néerlandais de l'agriculture, de l'aménagement du territoire et de la pêche, du Ministère norvegien de l'environnement, de la Countryside Commission anglaise, du Ministère allemand de l'environnement, de la conservation de la nature et la sécurité nucleaire, du Ministère français de l'environnement et du Fonds mondial pour la nature (WWF). Ce texte préconise la mise en oeuvre d'une Convention internationale sur la protection des paysages ruraux en Europe à laquelle participerait le Conseil de l'Europe.

Sur la base de ces recommandations et d'une demande sociale croissante, le Congrès a décidé d'élaborer un projet de Convention européenne du paysage en vue de son adoption par le Comité des Ministres du Conseil de l'Europe. Afin d'élaborer ce projet, en septembre 1994 le Congrès a mis en place un Groupe de travail ad hoc. En novembre de cette même année a eu lieu la première réunion de ce Groupe composé de membres de la Chambre des pouvoirs locaux et de la Chambre des Régions du Congrès. En application du principe de la consultation et de la participation, plusieurs institutions internationales, nationales et régionales ont été invitées à participer aux travaux de ce Groupe de travail. Parmi celles-ci rappelons ici : l'Assemblée parlementaire et le Comité du Patrimoine Culturel du Conseil de l'Europe, le Comité du Conseil de l'Europe responsable des activités en matière de diversité biologique et paysagère, le Centre du patrimoine mondial de l'Unesco, l'UICN, le Comité des Régions et la Commission européenne de l'Union Européenne, le Bureau de la Stratégie paneuropéenne pour la diversité biologique et paysagère et les Régions Andalousie, Languedoc-Roussillon, et Toscane.

En raison de la complexité scientifique du sujet et de la diversité des approches juridiques nationales le concernant, le Groupe de travail a élaboré, en tant que documents préparatoires, une version complète du projet de Convention en termes non juridiques et une étude de droit comparé européen du paysage. Cette étude a été élaborée afin de connaître les conditions juridiques et pratiques relatives à la protection, la gestion et l'aménagement du paysage dans les Etats membres du Conseil de l'Europe.

Par ailleurs, au cours de ses travaux le Groupe de travail susmentionné a fait constamment référence aux textes juridiques déjà existants au niveau international et national dans ce domaine. Parmi ces textes figurent - outre la Convention concernant la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel de l'Unesco -, la Convention pour la sauvegarde du patrimoine architectural de l'Europe, la Convention relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l'Europe, la Convention européenne pour la protection du patrimoine archéologique, la Recommandation 95 (9) du Comité des Ministres relative à la conservation des sites culturels intégrée aux politiques du paysage, la Recommandation (79) 9 du Comité des Ministres concernant la fiche d'identification et d'évaluation des paysages naturels en vue de leur protection, la Charte du Paysage Méditerranéen, le Règlement des Communautés Européennes concernant les méthodes de production compatibles avec les exigences de l'environnement ainsi que l'entretien de l'espace naturel, la Directive des Communautés Européennes concernant la conservation des habitats naturels et semi-naturels, la Directive des Communautés Européennes concernant l'étude d'impact environnemental ainsi que d'autres textes importants de droit national, communautaire et international

Etant donné les exigences de démocratie ainsi que la spécificité, la polyvalence et la variété des valeurs et des intérêts paysagers à prendre en compte, dans le cadre de son programme de consultation au sujet du projet de Convention, le Groupe de travail a organisé à Strasbourg deux auditions spécifiques. La première, à l'intention des organismes scientifiques nationaux et régionaux privés et publics et des organisations non gouvernementales européennes intéressées a eu lieu les 8 et 9 novembre 1995 ; la deuxième, tenue le 24 mars 1997 était destinée aux Organisations internationales et aux autorités régionales européennes concernées.

Suite à ces auditions, à l'occasion de sa 4e Session plénière qui s'est tenue à Strasbourg du 3 au 5 juin 1997, le Congrès a adopté l'avant-projet de Convention européenne du paysage dans le cadre de sa Résolution 53 (1997). Le projet de Convention exprimé dans un langage non juridique et l'étude de droit comparé européen du paysage susmentionnés sont présentés en tant qu'annexes à l'exposé de motifs de cette Résolution [CG (4) 6 Partie II].

A cette même occasion, par sa Recommandation 31 (1997), le Congrès a demandé à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe d'examiner l'avant-projet de Convention européenne du paysage contenu dans la Résolution 53 (1997), d'exprimer un avis, et, si possible, d'y apporter un soutien. Cette demande d'avis et de soutien a également été adressée par le Congrès au Comité des Régions de l'Union Européenne.

Par ailleurs, avant de recommander au Comité des Ministres l'adoption de la Convention européenne du paysage, le Congrès a décidé, toujours par sa Résolution 53 (1997), de consulter les représentants des ministères nationaux concernés. C'est pourquoi, il a chargé le Groupe de travail d'organiser une Conférence de consultation à l'intention de ces représentants ainsi que des principales organisations internationales et non gouvernementales techniquement qualifiées dans le domaine du paysage.
Suite à l'invitation du Ministère italien des Biens culturels et environnementaux, cette importante conférence s'est tenue à Florence (Italie) du 2 au 4 avril 1998.

Par cette Conférence de consultation, le Congrès a pu établir un dialogue constructif avec les autorités gouvernementales des Etats membres du Conseil de l'Europe responsables des questions relatives au paysage. En particulier, grâce à cet échange de vue ouvert et informel entre, d'une part, les membres du Groupe de travail et les experts les assistant dans la préparation du projet de Convention et, d'autre part, les représentants des ministères chargés de la question du paysage, le Congrès a pu comprendre les exigences de ces Etats en ce qui concerne l'établissement de règles communes visant la protection, la gestion et l'aménagement de leurs paysages par le droit international.

Sur la base des résultats très encourageants de la Conférence de Florence et de l'avis très favorable des institutions internationales concernées sur l'avant-projet de Convention3 et compte tenu des propositions reçues lors des Auditions susmentionnées, le Groupe de travail a élaboré le projet final de Convention européenne du paysage en vue de son adoption par le Congrès dans le cadre du projet de Recommandation présenté à l'occasion de sa 5e session plénière (Strasbourg, 26-28 mai 1998).

Cette recommandation, adoptée par le CPLRE le 27 mai 1998, a demandé au Comité des Ministres du Conseil de l'Europe d'examiner le projet de Convention européenne du paysage en vue de son adoption comme Convention du Conseil de l'Europe déjà, si possible, à l'occasion de la campagne sur le patrimoine commun décidé par les Chefs d'Etat et de gouvernement lors de leur 2e Sommet à Strasbourg en octobre 1997.
La recommandation susmentionnée a invité par ailleurs l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe à soutenir le projet de Convention européenne du paysage en vue de son adoption par le Comité des Ministres.

II. REMARQUES GENERALES

Les populations européennes demandent que les politiques et les instruments qui ont un impact sur le territoire tiennent compte de leurs exigences concernant la qualité de ce cadre de vie. Elles estiment que cette qualité repose, entre autres, sur le sentiment issu de la perception, notamment visuelle, de l'environnement qui les entoure, à savoir le paysage et elles ont pris conscience que la qualité et la diversité de nombreux paysages se réduisent sous l'effet de facteurs aussi nombreux que variés et que ce phénomène porte atteinte à la qualité de leur vie de tous les jours.

Les activités des autorités publiques en matière de paysage ne doivent plus rester seulement un champ d'étude ou un domaine d'intervention restreint, apanage exclusif de certains organismes scientifiques spécialisés.

Le paysage doit devenir un sujet politique d'intérêt général parce qu'il contribue de façon très importante au bien-être des citoyens européens et que des derniers ne peuvent plus accepter de «subir leurs paysages» en tant que résultat d'évolutions de nature technique et économique décidées sans eux. Le paysage est l'affaire de tous les citoyens, une occasion de démocratie et notamment de démocratie locale et régionale.

La reconnaissance d'un rôle actif des citoyens pour les décisions qui concernent leurs paysages, peut leur donner l'occasion de s'identifier avec les territoires et les villes où ils travaillent et se recréent. En renforçant la relation des citoyens avec leur lieux de vie, ils seront en mesure de consolider à la fois leurs identité et diversité locales et régionales en vue de leur épanouissement personnel, social et culturel. Cet épanouissement peut représenter une occasion de développement durable car la qualité du paysage constitue un élément essentiel en vue de la réussite des initiatives économiques et sociales de caractère privé et public.

L'objectif général de la Convention est d'enjoindre les pouvoirs publics de mettre en oeuvre, aux niveaux local, régional, national et international, des politiques et des mesures destinées à protéger, gérer et aménager les paysages d'Europe, afin d'améliorer leur qualité et de veiller à ce que les populations, les institutions et les collectivités territoriales reconnaissent leur valeur et leur intérêt.

Le champ d'action des politiques et mesures mentionnées ci-dessus doit se référer à la totalité de la dimension paysagère du territoire des États. À cet égard, la Convention s'applique à l'ensemble du territoire européen, qu'il s'agisse des espaces naturels, ruraux, urbains ou périurbains. Elle ne saurait être limitée aux seuls éléments culturels ou artificiels, ou aux seuls éléments naturels du paysage: elle se réfère à l'ensemble de ces éléments et aux relations entre eux.

L'extension du champ d'application de l'action des pouvoirs publics en matière de paysage à la totalité de la dimension paysagère de leur territoire national, ne signifie pas appliquer les mêmes mesures et politiques sur l'ensemble des paysages : ces mesures et ces politiques devront pouvoir se référer à des paysages qui, selon leurs caractéristiques, nécessiteront des interventions diversifiées qui vont de la plus stricte conservation à la véritable création en passant par la protection, la gestion et l'aménagement.

La Convention exige une attitude tournée vers l'avenir de la part de toutes les personnes dont les décisions influencent la protection, la gestion ou l'aménagement des paysages. Elle a des conséquences pour de nombreux domaines de la politique et de l'action publique ou privée, du niveau local au niveau européen.

Les paysages d'Europe présentent un intérêt local, mais ont aussi une valeur pour l'ensemble de la population européenne. Ils sont appréciés au delà du territoire qu'ils recouvrent et des frontières nationales. En outre, certains paysages présentent des caractéristiques communes de part et d'autre d'une frontière et des mesures transfrontalières sont alors nécessaires pour appliquer les principes d'action. Enfin, les paysages sont exposés aux influences, favorables ou défavorables, de processus qui peuvent se déclencher dans d'autres zones et font sentir leurs effets au delà des frontières. C'est pourquoi il est légitime de s'occuper des paysages au niveau européen.

Plusieurs instruments juridiques internationaux ont une certaine incidence sur le paysage, soit directement, soit indirectement. Toutefois, aucun instrument juridique international ne traite de manière directe, spécifique et complète des paysages européens et de leur préservation, malgré leur inestimable valeur culturelle et naturelle et les nombreuses menaces qui pèsent sur eux. La Convention est destinée à combler cette grave lacune.

Une convention internationale constitue un instrument juridique vivant, qui évolue avec l'objet de ses dispositions. Il est essentiel qu'un instrument juridique international visant la prise en compte des valeurs et intérêts paysagers, puisse évoluer avec le caractère variable de ces valeurs et ces intérêts. Un instrument international en matière de paysage dépourvu d'un caractère juridique contraignant et d'un système de suivi ad hoc, risque de rester lettre morte, une séquence de recommandations sans moteur, qui, dans le temps, risquent de perdre le contact avec les problèmes qu'elles s'efforcent de résoudre.

Une convention présente aussi l'avantage de s'appliquer pendant une durée indéterminée et d'être mise en oeuvre sous la direction d'une entité internationale, en l'espèce le Comité des Ministres du Conseil de l'Europe, qui peut veiller à ce que l'interprétation du texte s'adapte à l'évolution des idées relatives au paysage.
La Convention européenne du paysage est considérée comme le complément d'instruments juridiques internationaux, tels que :

a. la Convention de l'Unesco concernant la protection du patrimoine mondial culturel et naturel (Paris, 1972),

b. la Convention du Conseil de l'Europe relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l'Europe (Berne, septembre 1979)

c. la Convention du Conseil de l'Europe pour la sauvegarde du patrimoine architectural de l'Europe (Grenade, octobre 1985),

et d'initiatives internationales comme la Stratégie paneuropéenne de la diversité biologique et paysagère. La Convention européenne du paysage prévoit que des liens formels soient établis, s'il y a lieu, entre les mécanismes de la Convention et ces autres instruments ou initiatives.

Dans la Convention européenne du paysage, les mesures à prendre par les États signataires sont décrites en termes assez généraux, car les moyens juridiques, administratifs, fiscaux et financiers mis en place dans chaque pays aux fins de la Convention doivent s'inscrire le plus harmonieusement possible dans les traditions nationales. De plus, en vertu du principe de subsidiarité, la responsabilité des mesures en faveur du paysage incombe aux pouvoirs publics de niveau local et régional, et pas seulement de niveau national et international.

Le texte de la Convention européenne du paysage comporte un préambule et quatre parties principales:

a. le chapitre I, qui définit les objectifs et le champ d'application de la Convention, ainsi que des termes clés,

b. le chapitre II, qui énumère les mesures à prendre au niveau national,

c. le chapitre III, qui précise les fondements de la coopération européenne et les mesures à prendre au niveau international, ainsi que le rôle du Comité des Ministres du Conseil de l'Europe,

d. le chapitre IV, qui traite des procédures d'adoption de la Convention et de questions connexes.

Une annexe donne des exemples de mesures qui peuvent être prises en vue de la protection, de la gestion et de l'aménagement des paysages. Elle propose des orientations aux États membres, collectivités territoriales et autres instances qui étudient les moyens d'atteindre les objectifs de la Convention.

III. COMMENTAIRE SUR LES DISPOSITIONS DE LA CONVENTION

Chapitre I - Dispositions générales

Article 1

Cet article définit une série de termes employés dans la Convention afin d'en garantir une interprétation uniforme par tous ceux qui entendent œuvrer pour le bon état des paysages européens.

Le terme "paysage" est défini comme une zone ou un espace, pouvant inclure les eaux côtières et/ou intérieures, tel que perçu par les êtres humains, et dont l'aspect résulte de l'action de facteurs naturels et culturels (c'est-à-dire humains). Cette définition tient compte de l'idée que les paysages évoluent dans le temps, sous l'effet des forces naturelles et de l'action des êtres humains. Elle souligne également l'idée que le paysage forme un tout dont les éléments naturels et culturels sont considérés ensemble et non séparément.

L'article 1 se poursuit par des définitions se rapportant à trois expressions qui reviennent fréquemment dans la Convention, à savoir "protection", "gestion" et "aménagement" du paysage ;

a. "Protection paysagère" : mesures prises dans le but de préserver le caractère et la qualité existants d'un paysage auquel les personnes qui y vivent ou un public plus large attachent une grande valeur du fait de sa forme naturelle ou culturelle particulière.

b. "Gestion paysagère" : mesures prises conformément au principe de développement durable pour assurer l'entretien régulier d'un paysage et veiller à ce qu'il évolue harmonieusement et de manière à satisfaire les besoins économiques et sociaux.

c. "Aménagement paysager" : processus formel d'étude, de conception et de construction par lequel de nouveaux paysages sont créés de manière à répondre aux aspirations de la population locale.

Dans chaque zone paysagère, l'équilibre entre ces trois types d'activités dépendra du caractère de ladite zone et des objectifs définis relativement à son futur paysage. Certaines zones (par exemple certains parcs nationaux) peuvent mériter une protection très rigoureuse. A l'opposé, il peut y avoir des zones dont le paysage extrêmement abîmé demande à être entièrement remodelé. La plupart des paysages ont besoin d'une combinaison des trois modes d'action, et tous les paysages ont besoin d'un certain degré de gestion, car aucune partie du continent européen - qui est exploité intensivement - n'échappe à des changements naturels ou à l'influence de facteurs humains.

Dans la recherche d'un juste équilibre entre protection, gestion et aménagement d'un paysage, il faut garder à l'esprit que l'on ne cherche pas à préserver ou "geler" des paysages à un stade donné de leur longue évolution. Les paysages ont toujours changé, tant sous l'effet de processus naturels que de l'action humaine. En réalité, l'objectif devrait être de gérer les changements à venir en reconnaissant la grande diversité et la qualité des paysages dont nous héritons et en s'efforçant de préserver, voire enrichir, cette diversité et cette qualité au lieu de les laisser péricliter.

Enfin, il est donné une définition du terme "objectif de qualité paysagère". Aux termes de l'article 6.IV de la Convention, cet objectif doit être formulé par les autorités publiques en coopération étroite avec la population locale, afin de traduire les aspirations de celle-ci concernant l'avenir des paysages qui forment son cadre de vie.
Article 2

Cet article précise que la Convention s'applique à tout le territoire européen et porte sur les espaces naturels, ruraux, urbains et périurbains. Elle concerne aussi bien les paysages ordinaires que les paysages remarquables, car tous sont déterminants pour la qualité du cadre de vie des populations en Europe. Elle englobe donc paysages ordinaires, remarquables et exceptionnels. Ce vaste domaine d'application est justifié par les raisons suivantes : tout paysage constitue un cadre de vie pour la population locale ; il existe des interconnections complexes entre paysages urbains et ruraux ; la plupart des Européens vivent dans des villes (grandes ou petites), dont la qualité paysagère influe énormément sur leur existence ; enfin, les paysages ruraux occupent une place importante dans la sensibilité européenne. Il est également justifié par les modifications profondes que connaissent actuellement les paysages européens, notamment périurbains.

Article 3

Cet article énonce l'objectif de la Convention, à savoir inviter les Etats Parties à assurer la protection, la gestion et l'aménagement des paysages européens par l'adoption de mesures nationales et la mise en place d'une coopération internationale. Le chapitre II (articles 4 à 6) et le chapitre III (articles 7 à 12) de la Convention portent respectivement sur les mesures nationales et la coopération internationale.

Chapitre II - Mesures nationales

Article 4

Aux termes de cet article, tout Etat Partie devra définir, dans son ordre juridique, l'échelon administratif le plus approprié pour l'adoption de mesures relatives au paysage, en gardant à l'esprit le principe de subsidiarité énoncé par la Charte européenne de l'autonomie locale. Il s'ensuit que les collectivités locales et régionales, ainsi que leurs groupements, doivent être assurés d'une participation officielle à la mise en œuvre de la Convention.

Les autorités locales et régionales disposent des attributions administratives et des ressources humaines et financières nécessaires. La protection, la gestion et l'aménagement des paysages seront plus efficaces si la responsabilité de ces opérations est confiée - dans le cadre législatif posé au niveau national - aux autorités qui sont le plus en prise sur les réalités des zones concernées et les plus proches de la population qui contribue à la création d'un paysage et le côtoie chaque jour. Chaque pays doit définir précisément les tâches et les mesures attribuées à chaque niveau (national, régional, local), et énoncer des règles pour la coordination de ces mesures entre les différents niveaux, notamment en ce qui concerne les instruments relatifs à l'urbanisme et à l'aménagement du territoire.

Article 5

Cet article donne un aperçu des mesures nécessaires à la mise en œuvre de la Convention dans chaque Etat Partie. Ces mesures sont les suivantes :

a. établir le principe juridique selon lequel le paysage est une composante essentielle du cadre de vie des populations, expression de la diversité de leur patrimoine culturel, environnemental, social et économique commun, et fondement de leur identité locale. Notons que de nombreux Etats européens se réfèrent d'ores et déjà au paysage dans leur constitution ou dans leur législation sur le patrimoine naturel ou culturel, ou sur l'environnement ;

b. formuler et mettre en œuvre des politiques visant la protection, la gestion et l'aménagement des paysages dans le respect des dispositions de la Convention ;

c. mettre en place des procédures de participation du public, des collectivités locales et régionales, et des autres acteurs concernés, par la définition et la mise en œuvre des politiques susmentionnées. Le paysage est un élément qui touche l'ensemble de la population : l'entretien du paysage appelle un partenariat entre un large éventail d'individus et d'organisations ;

d. prendre en compte systématiquement le paysage dans les politiques de l'Etat en matière d'aménagement du territoire et d'urbanisme, dans ses politiques culturelle, environnementale, agricole, sociale et économique, ainsi que dans les autres politiques sectorielles pouvant avoir un effet direct ou indirect sur le paysage. L'idée qui sous-tend cette disposition est que le paysage n'est pas un thème restreint à considérer comme un domaine spécialisé relevant des affaires publiques. Au contraire, c'est un concept et une réalité très vastes, et le paysage peut être touché en bien ou en mal par des mesures plurisectorielles. D'où la nécessité que les gouvernements veillent à ce que les objectifs liés au paysage soient pris en compte dans tous les secteurs pertinents de la vie publique.

Article 6

Cet article a trait aux mesures particulières que les Etats Parties devront prendre aux niveaux national, régional ou local.

Paragraphe I

Ce paragraphe porte sur la question clé de la sensibilisation. Le paysage appartient pour partie à tout citoyen, lequel a le devoir d'en prendre soin. Aussi le bon état des paysages est-il étroitement lié au niveau de sensibilisation. Il est donc demandé aux Etats Parties de s'engager à organiser des campagnes d'information et de sensibilisation du public, des représentants élus et des associations, sur la valeur des paysages présents et à venir.

Paragraphe II

Ce paragraphe est consacré à la formation et à l'éducation. La protection, la gestion et l'aménagement des paysages peuvent être une question complexe impliquant de multiples organes publics et privés et des travaux pluridisciplinaires intéressant de nombreuses professions. Les Etats Parties sont donc invités à :

a. mettre en place une formation de qualité pour les spécialistes de la connaissance et de l'intervention sur les paysages ;

b. favoriser les programmes pluridisciplinaires de formation continue sur les questions paysagères pour les élus et le personnel technique des autorités locales, régionales et nationales, et des autres entités publiques ou privées concernées. L'objet de cet effort est d'améliorer les compétences techniques des organes responsables en matière de paysage. Ces organes peuvent être par exemple des organisations professionnelles chargées de l'aménagement du territoire, de l'environnement et de la gestion du patrimoine ; concernées par l'utilisation des terres aux fins de l'agriculture, du tourisme ou de l'industrie ; ou encore impliquées dans les travaux de construction et d'infrastructures ;

c. développer des enseignements scolaires et universitaires abordant, dans les disciplines intéressées, les valeurs attachées au paysage et les questions relatives à sa protection, sa gestion et son aménagement, de sorte que les jeunes prennent conscience des problèmes liés à l'environnement qu'ils rencontreront un jour en tant que citoyens.

Paragraphe III

Ce paragraphe expose la nature des travaux nécessaires pour identifier et évaluer les paysages en vue de donner des bases solides à une action à long terme visant à protéger et améliorer leur qualité. Cette action doit s'appuyer sur une connaissance approfondie des particularités de chaque paysage, de son processus d'évolution et de la valeur que la population lui attache.

Le sous-paragraphe 1a. engage les Etats Parties à entreprendre des recherches et des études qui permettront d'identifier les paysages et d'analyser leurs particularités, ainsi que les dynamiques et les pressions qui les modifient. Certains pays ont, à l'échelon national, accompli un travail d'examen et de recensement des paysages. Ce travail a révélé le caractère spécifique des paysages de différentes zones, chacun possédant son propre alliage d'éléments naturels et d'éléments artificiels. Des techniques modernes de topographie informatique et des systèmes d'information géographique sont employés pour mettre en évidence les spécificités d'un paysage (relief, schéma de peuplement, principales utilisations du sol, présence ou absence de caractéristiques telles que haies ou terrasses, patrimoine lié à d'anciennes activités humaines ou à des habitats pour les espèces sauvages, etc.). Combinée à un travail effectué sur le terrain par des professionnels et à des enquêtes au sein de la population locale, cette étude topographique permet de mettre en évidence les éléments qui différencient le paysage d'une zone de celui d'une autre zone.

Le sous-paragraphe 1b engage les Etats Parties à déterminer la valeur ou la qualité des paysages ainsi identifiés en tenant compte de la valeur spécifique que leur attribuent le public et les acteurs concernés, tels ceux qui sont propriétaires fonciers ou qui interviennent dans son utilisation et sa gestion. L'objet de cette évaluation est de fournir une base qui permette de déterminer quels éléments, dans le paysage d'une zone, sont si précieux qu'il y a lieu de les protéger, quelles caractéristiques appellent une gestion destinée à préserver la qualité du paysage, et quels éléments ou zones méritent que l'on envisage leur mise en valeur. Ce processus doit tenir compte des points de vue de la population locale concernant le paysage et les intérêts sectoriels ; or, ces points de vue peuvent être très extrêmement variés et subjectifs. C'est pourquoi il serait peut-être judicieux de commencer l'évaluation en s'appuyant sur des critères objectifs, puis de confronter les résultats aux différentes valeurs que la population locale attribue au paysage et à des intérêts d'autres types. Cette comparaison pourrait faire l'objet d'une enquête publique dans le cadre de laquelle tout un chacun pourrait exprimer son avis et/ou négocier avec les différents acteurs concernés. La participation du public à ce type de processus pourrait être encouragée par l'information du public, la consultation de tous les organes représentatifs, le recours aux médias et aux campagnes de sensibilisation menées à tous les niveaux.

Le sous-paragraphe 2 évoque à cet égard les apports de l'échange international d'expériences et d'idées qui est prévu par les articles suivants. Il n'existe aucune méthode reconnue par tous pour étudier, identifier et évaluer les paysages ; en revanche, il existe un corpus très important de connaissances, qui devrait être exploité. La coopération internationale encouragera les pays à prendre des mesures ; elle assurera la mise en commun des connaissances et des expériences concernant les paysages et leur valeur, ainsi que les problèmes et politiques actuels ; enfin, elle permettra de déterminer quels paysages ou problèmes justifient une attention internationale.

Paragraphe IV

Ce paragraphe engage les Etats Parties à définir pour les paysages identifiés et évalués des objectifs de qualité paysagère, et ce en consultant la population locale. Préalablement à l'adoption de toute mesure pour la protection, la gestion et l'aménagement des paysages d'une région, il est essentiel de donner au public une définition claire des objectifs à atteindre. Ceux-ci doivent être définis et exposés par l'autorité locale ou spéciale concernée, après consultation du public et prise en compte de tous les intérêts pertinents. Les objectifs peuvent être fixés dans le cadre plus général d'une politique poursuivie par les collectivités régionales ou l'autorité centrale. La définition des objectifs doit exposer clairement les caractéristiques et qualités particulières du paysage en question, l'idée générale de la politique concernant ce paysage, et les éléments spécifiques du paysage visés par la protection, la gestion ou l'aménagement. La définition doit ensuite indiquer quels sont les instruments que l'on entend utiliser pour atteindre les objectifs fixés.

Paragraphe V

Ce paragraphe engage les Etats Parties à prendre des mesures législatives, administratives, fiscales ou financières spécifiques concernant la protection, la gestion et l'aménagement des paysages. Ces mesures sont extrêmement variées, et les Etats membres font œuvre de précurseurs en la matière. L'Annexe à la Convention (qui est commentée ci-après) donne en exemple des mesures afin d'aider les Etats membres, les collectivités régionales et locales et les autres acteurs, lorsqu'ils s'interrogeront sur la façon de poursuivre les objectifs de la Convention. Il appartient à chaque Etat d'élaborer et d'adopter un éventail de mesures qui réponde aux besoins de ses paysages et soit conforme à ses traditions juridiques et autres.

Chapitre III - Coopération européenne

Article 7

Cet article expose le fondement du caractère international de la Convention en constatant officiellement que les paysages européens constituent une ressource commune, un patrimoine culturel, social et économique que partage l'ensemble des populations européennes. Il s'ensuit que tous les pays européens ont le devoir de coopérer dans la protection, la gestion et l'aménagement de ce patrimoine commun. Cette dimension européenne est soulignée dans les Remarques générales figurant ci-dessus. L'entretien des paysages à travers l'Europe peut être guidé et amélioré par un échange international d'expériences et d'idées.

Article 8

Cet article engage les Etats Parties à :

a. se prêter une assistance technique et scientifique mutuelle par l'échange d'expériences et de travaux de recherche en matière de paysage ;

b. favoriser les échanges de spécialistes du paysage, notamment aux fins de la formation et de l'information ;

c. échanger des informations sur toutes les questions visées par les dispositions de la Convention.

Ces dernières années, on a constaté une extension considérable de l'intérêt - politique, professionnel et universitaire - que suscitent les questions paysagères ; d'où le développement d'un ensemble d'expériences et de compétences techniques dont les Etats membres, les collectivités locales et régionales, et les autres acteurs peuvent s'inspirer pour la mise en œuvre de la Convention. Dans le même temps, les moyens disponibles pour cet échange d'idées - et pour les aspects techniques de l'étude paysagère - ont été améliorés radicalement par le progrès des communications électroniques et l'arrivée de l'Internet. Grâce à cette évolution, l'échange d'idées et l'assistance mutuelle peuvent s'opérer sur une base bien plus large qu'il y a ne serait-ce qu'une décennie ; c'est ainsi que dans toute l'Europe, les acteurs locaux peuvent participer à cet échange qui permet d'instaurer une véritable "démocratie paysagère".

Article 9

Cet article engage les Parties à mettre au point des programmes transfrontaliers pour l'identification, l'évaluation, la protection, la gestion et l'aménagement des paysages transfrontaliers. Dans l'élaboration de ces programmes, les Parties sont invitées à s'appuyer le plus possible sur les collectivités locales et régionales, conformément aux termes de la Convention-cadre européenne sur la coopération transfrontalière des collectivités ou autorités territoriales.

Article 10

Cet article charge le Comité des Ministres du Conseil de l'Europe de promouvoir et de suivre l'application de la Convention. A cet effet, le Comité des Ministres pourra solliciter l'aide d'autres instances du Conseil de l'Europe, comme le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux de l'Europe et les comités directeurs intergouvernementaux. L'objectif est d'établir à l'échelle européenne un dispositif dont le rôle est de veiller à la mise en œuvre de la Convention. Ce mécanisme devra :

a. laisser clairement les grandes décisions aux Etats membres, en particulier ceux qui sont parties à la Convention ;

b. établir des liens avec d'autres initiatives internationales, telle la Stratégie paneuropéenne de la diversité biologique et paysagère;

c. être perçu comme englobant tous les paysages d'Europe, embrassant la culture et la nature, et travaillant sur une base véritablement pluridisciplinaire ;

d. mobiliser les énergies des collectivités locales et régionales, et exploiter les compétences techniques et l'énergie des organisations internationales non gouvernementales et des experts ;

e. requérir l'appui du grand réseau paneuropéen qui regroupe les organes engagés dans la recherche, la politique et la pratique en matière paysagère, afin de relever les normes et de sensibiliser les populations européennes.

Les tâches qui incomberont au Comité des Ministres en vue de promouvoir et de suivre l'application de la Convention sont exposées au paragraphe 2. Elles traduisent l'ampleur du grand défi que cherche à relever la Convention, c'est-à-dire rendre le public et les hommes politiques plus conscients du patrimoine paysager européen, et encourager, dans tous les pays, les actions qui visent à préserver la qualité des paysages par une application rigoureuse des principes contenus dans la Convention. Le rôle du Comité des Ministres est d'encourager, de stimuler et de dynamiser l'action et l'innovation dans toute l'Europe, pour assurer le bon état de tous les paysages. Il s'appuiera pour cela sur la science et le professionnalisme, afin de garantir la qualité du travail et d'atteindre un certain degré de cohérence entre les réalisations des différentes régions d'Europe.

Le Comité des Ministres est donc habilité à guider sur le plan intellectuel le processus européen que la Convention vise à engager. Ce rôle moteur se traduira par la préparation et l'adoption de lignes directrices pour les travaux à effectuer au niveau national, et notamment l'identification et l'évaluation des paysages, la définition d'objectifs de qualité paysagère et les mesures concrètes en faveur de la protection, de la gestion et de l'aménagement des paysages. Le Comité devra publier ces lignes directrices et adresser des recommandations aux Etats Parties relativement aux mesures qu'ils peuvent prendre dans le domaine du paysage. Il pourra en particulier attirer l'attention de ces Etats sur les paysages menacés. Il pourra favoriser les programmes visant à sensibiliser le public au sujet des paysages, à former des spécialistes en matière de paysage, et à permettre l'échange d'informations et de travaux de recherche.

Le Comité des Ministres aura également un rôle crucial à jouer dans la mise en œuvre des mesures à prendre à l'échelle européenne. Il encouragera la coopération entre Etats membres, et notamment l'assistance mutuelle et l'échange d'informations et de compétences ; il soutiendra les programmes pour la protection, la gestion et l'aménagement des paysages transfrontaliers. Il établira des critères pour l'attribution du "Prix européen du paysage" (voir article 11 ci-après) et surveillera la désignation du vainqueur. De même, il formulera des critères d'inscription sur la "Liste des paysages d'intérêt européen" (voir article 12 ci-après) et surveillera cette procédure. Il pourra faciliter la coopération européenne dans le domaine du paysage, notamment en suscitant des contributions financières volontaires de la part d'organes publics ou privés, qui s'ajouteront aux contributions normales des Etats Parties. Il pourra, par exemple, créer un Fonds pour les paysages européens, financé notamment par des entités commerciales ou caritatives, et destiné à encourager des mesures diverses en faveur du paysage.

Article 11

Cet article dispose que le Comité des Ministres décernera un "Prix européen du paysage" à une collectivité locale ou régionale, ou à un groupement de telles collectivités (au sein d'un seul pays ou sur une base transfrontalière) qui a mis en place une politique ou des mesures visant la protection, la gestion et/ou l'aménagement de ses paysages faisant la preuve d'une efficacité durable et pouvant servir d'exemple aux autres collectivités à travers l'Europe.

Ce Prix vise à stimuler un processus que pourraient lancer les Etats dans toute l'Europe pour encourager et reconnaître que telle ou telle collectivité locale ou régionale pratique une gestion exemplaire de ses paysages. Le "Prix européen du paysage" pourrait ainsi "couronner" un processus géré au niveau national comportant éventuellement l'organisation de concours nationaux identiques et un soutien financier aux collectivités locales et régionales concernées.

Le paragraphe 1 permet aux collectivités locales et régionales et à leurs groupements de concourir pour le Prix par le biais de leur Etat membre. L'Etat Partie pourra ainsi évaluer les candidatures, éventuellement dans le cadre d'un concours national pouvant donner lieu à des prix ou récompenses, et présenter au Comité des Ministres le gagnant national ou un nombre limité de candidats en vue de l'attribution du Prix européen.

Les paragraphes 2 à 4 habilitent le Comité des Ministres à définir et publier les critères selon lesquels les candidats au Prix seront évalués, à recevoir des nominations de la part des Etats et à décerner le Prix.

Le paragraphe 5 dispose que les collectivités ou groupements qui remporteront le Prix devront s'engager à assurer la protection, la gestion et l'aménagement des paysages concernés de manière durable.

Article 12

Cet article prévoit la création, par le Comité des Ministres, d'une "Liste des paysages d'intérêt européen". Comme cela a déjà été souligné dans le présent rapport explicatif, la Convention est destinée à encourager la protection, la gestion et l'aménagement de tous les paysages d'Europe. Cependant, certains paysages présentent un intérêt pour toute l'Europe. Cet intérêt peut tenir à différents éléments: les paysages sont spécifiques; ils sont rares; ils sont le résultat d'activités ou des modes de vie menacés de disparition; ils témoignent des efforts ou des motivations de sociétés anciennes ou d'un courant contemporain présentant un intérêt significatif; ils ont inspiré des écrivains et des artistes, attiré des visiteurs ou acquis un renom qui s'étend bien au delà de leur région.

Aux termes du paragraphe 1, un moyen de reconnaître l'intérêt de ces paysages est de les inscrire sur une Liste des paysages d'intérêt européen, ce qui permet d'attirer l'attention sur leur importance particulière et de leur garantir le degré élevé de protection que leur importance justifie.

Le paragraphe 2 habilite le Comité des Ministres à définir et publier des critères de sélection des paysages d'intérêt européen. Ces paysages doivent déjà avoir été reconnus pour leur importance particulière à l'échelle nationale.

Dans les paragraphes 3 et 4, il est stipulé que les États Parties sont habilités à proposer que des paysages soient inscrits sur la Liste des paysages d'intérêt européen; deux ou plusieurs États peuvent présenter une proposition commune dans le cas d'un paysage transfrontalier. Chaque proposition doit être accompagnée de documents techniques identifiant et évaluant le paysage en question et justifiant de l'intérêt qu'il présente par rapport aux critères publiés par le Comité des Ministres.

En vertu des paragraphes 5 et 6, le Comité des Ministres est tenu de consulter ensuite l'État Partie concerné, ainsi que les collectivités territoriales et les organisations intéressées, avant de décider ou non de l'inscription sur la Liste des paysages d'intérêt européen. Un paysage ne peut être inscrit sur la Liste qu'avec l'accord de l'État concerné.

Les paragraphes 7 à 9 décrivent les conséquences de l'inscription d'un paysage sur la Liste des paysages d'intérêt européen. L'inscription vise à garantir que ces paysages bénéficient de mesures de protection particulières, soient gérés de manière exemplaire et jouent un rôle dans les campagnes d'information et de sensibilisation du public. Lorsqu'un paysage est inscrit sur la Liste, l'État concerné s'engage à le protéger spécialement, en respectant les conditions fixées par le Comité des Ministres, et à présenter à ce dernier, tous les trois ans, un rapport faisant le point sur la protection. Le Comité des Ministres est habilité à rayer un paysage de la Liste si les conditions ou critères ne sont pas remplis.

Les paragraphes 10 à 12 traitent des relations entre (d'une part) la Liste des paysages d'intérêt européen qui pourrait être créée et (d'autre part) la Liste du patrimoine mondial établie en vertu de la Convention de l'Unesco concernant la protection du patrimoine mondial culturel et naturel. Ces dernières années, plusieurs paysages, en Europe et ailleurs, ont été inscrits sur la Liste du patrimoine mondial, sur la base des critères fixés par l'Unesco. Il convient d'éviter que l'application des deux conventions ne soit une source de confusion ou de conflit. Par conséquent, aux termes des paragraphes 10 à 12, l'inscription d'un paysage sur la Liste des paysages d'intérêt européen peut être indépendante de son inscription sur la Liste du patrimoine mondial ou s'y ajouter, et il conviendra d'établir une collaboration étroite entre le Comité des Ministres et le Comité du patrimoine mondial de l'Unesco, en concluant éventuellement un accord formel. En outre, ces dispositions prévoient aussi des relations entre le Comité des Ministres et d'autres organisations internationales ou programmes intergouvernementaux se consacrant à la protection, à la gestion et à l'aménagement des paysages en Europe. Parmi ces programmes pourrait notamment figurer la Stratégie paneuropéenne de la diversité biologique et paysagère.

Chapitre IV – Clauses finales

Articles 13 à 19

Les clauses finales faisant l'objet des articles 13 à 19 suivent le modèle utilisé dans les conventions et accords élaborés par le Conseil de l'Europe.

IV. COMMENTAIRE SUR L'ANNEXE À LA CONVENTION

L'annexe à la Convention donne des exemples de moyens juridiques, administratifs, fiscaux ou financiers spécifiques que les États Parties peuvent mettre en place en vue de la protection, de la gestion et de l'aménagement des paysages. Ces mesures, très variées, ont été expérimentées dans les États membres. L'annexe n'en fournit pas la liste exhaustive, pas plus qu'elle n'impose d'obligation précise aux États Parties; elle est plutôt destinée à aider les États, les collectivités territoriales et les autres instances à trouver des moyens d'atteindre les objectifs de la Convention. Il appartient à chaque État d'élaborer et de mettre en oeuvre des mesures adaptées à ses besoins en matière de paysages et à ses traditions, notamment juridiques.

La 1re disposition traite de l'élaboration de plans ou de programmes de longue durée visant à déterminer les caractères des paysages qui seront transmis aux générations futures. On peut voir dans ces plans ou programmes une version formelle des objectifs prévus à l'article 6.IV de la Convention. Ils peuvent être particulièrement utiles dans le cas des zones - notamment périurbaines – qui sont soumises à des changements progressifs ou brutaux. Ces zones nécessitent parfois un programme global en faveur du développement économique et social, ainsi que de la protection, de la gestion et de l'aménagement des paysages. Il s'agit de concilier parfaitement, dans un plan ou programme unique, le développement requis et l'évolution du paysage.

La 2e disposition prévoit la création de nouveaux paysages dans les zones particulièrement dégradées - par exemple du fait du développement industriel, de l'exploitation minière ou d'activités militaires -, dans les zones qui connaissent une évolution rapide de leurs paysages - comme les zones périurbaines - et dans les zones qui offrent de nouvelles possibilités – notamment les terres conquises sur la mer. Il est particulièrement nécessaire de formuler des objectifs clairs et à long terme concernant la mise en valeur de ces zones, d'élaborer, en plein accord avec les populations locales, des plans et programmes permettant de réaliser ces objectifs, et enfin d'établir une étroite collaboration entre tous les organismes publics et privés pour appliquer les programmes. Tous les acteurs doivent veiller à la qualité et à l'originalité des paysages créés en respectant les contraintes imposées par la nature et en essayant d'exprimer les cultures nationales sous des formes modernes mais durables.

La 3e disposition concerne l'intégration des considérations paysagères dans les politiques s'appliquant aux espaces qui bénéficient déjà d'un régime de protection comme zones naturelles ou sites culturels. En effet, il existe en Europe des zones et sites nombreux et variés qui ont été classés en raison de leur valeur en tant qu'habitats d'espèces sauvages, de leur beauté naturelle ou de leur patrimoine culturel. La notion de paysage dépasse certains des objectifs que poursuit la protection de ces espaces: elle englobe nature et culture et renferme l'idée de développement durable. Les gouvernements et les collectivités locales voudront peut-être élargir les objectifs et programmes concernant ces zones, afin qu'ils recouvrent la notion de paysage dans son intégralité.

La 4e disposition traite de la possibilité d'édicter un statut spécial pour certains paysages en vue de les protéger durablement. Ce statut spécial peut se justifier par la rareté ou la qualité particulière du paysage, son intérêt culturel ou naturel ou une autre caractéristique. Le statut implique parfois un degré élevé de protection - par exemple lorsque la zone est classée parc régional ou réserve - ou en revanche la nécessité de modifier totalement et d'assainir le milieu – lorsqu'il est particulièrement dégradé du fait d'activités industrielles ou extractives - ou encore une autre combinaison de mesures. À l'issue de la procédure qui consiste à identifier et évaluer un paysage et à formuler des objectifs concernant son évolution, les autorités compétentes estimeront peut-être que le meilleur moyen d'atteindre ces objectifs est de soumettre le paysage à un régime spécial en le classant. Ce régime doit être prévu par des lois nationales ou régionales ou des dispositions locales. Il convient de ne classer une zone qu'après avoir consulté la population locale et toutes les parties intéressées et diffusé des informations claires sur les mesures de protection, de gestion et d'aménagement qui accompagneront le classement. Les autorités compétentes doivent ensuite veiller à ce que soient réunies les conditions - mécanismes, compétences, ressources - nécessaires à l'application effective de ces mesures.

La 5e disposition concerne l'intégration des politiques et des objectifs paysagers dans toutes les activités liées à l'urbanisme et à l'aménagement du territoire. Ces activités appartiennent à un domaine de l'administration publique qui détermine en grande partie la mise en place d'infrastructures, les programmes d'aménagement et l'utilisation des sols. L'intégration de considérations paysagères dans ces activités constitue donc un bon moyen d'empêcher l'adoption de mesures qui nuiraient à la qualité des paysages et, plus positivement, d'encourager les initiatives allant dans le sens de la protection, de la gestion et de l'aménagement des paysages. Il est donc indispensable que les dispositions relatives à l'urbanisme et à l'aménagement du territoire, aux niveaux national, régional et local, tiennent compte de la qualité et de la diversité des paysages et des objectifs liés à leur protection, leur gestion et leur aménagement. Par conséquent, tous les niveaux d'administration doivent élaborer des politiques paysagères, qui vont d'une politique d'aménagement générale ou d'une "loi-cadre" nationale ou régionale à des dispositions locales, telles que des plans d'aménagement et des mécanismes de maîtrise des aménagements, qui respectent les principes du développement durable.

La 5e disposition mentionne aussi l'inclusion des considérations paysagères dans les études d'impact sur l'environnement (EIE), qui occupent désormais une grande place dans les procédures d'aménagement du territoire. Les règlements de la Commission européenne concernant les EIE font référence au paysage et leur champ d'application s'élargit progressivement. Les États membres et les collectivités territoriales peuvent s'en inspirer pour mener leurs études d'impact.

La 6e disposition concerne l'intégration des politiques paysagères dans toutes les activités menées par les pouvoirs publics aux niveaux national, régional et local. Parmi ces activités figurent les programmes portant sur la réalisation de grands ouvrages publics et la mise en place d'infrastructures, les politiques sectorielles concernant (par exemple) l'environnement, l'agriculture, la sylviculture, les transports et le développement industriel et touristique, ainsi que la participation à des programmes internationaux comme ceux que finance l'Union européenne. Ces politiques et programmes peuvent avoir une influence déterminante, favorable ou défavorable, sur la qualité et la diversité du paysage. Depuis quelques années, les gouvernements sont plus soucieux d'intégrer les considérations paysagères dans leurs programmes. Voici quelques exemples de cette évolution.

a. Dans les programmes nationaux en matière de sylviculture, la monoculture et les coupes claires à grande échelle sont remplacées par des mélanges plus variés d'essences endémiques et des coupes et plantations qui préservent la qualité du paysage.

b. Lors de la construction de réservoirs devant assurer l'approvisionnement en eau, les pouvoirs publics accordent plus d'attention à l'aménagement paysager des abords et à l'usage récréatif du plan d'eau et de ses rives.

c. Concernant les autoroutes, le tracé et l'aménagement sont conçus de façon à mettre le paysage en valeur et à offrir une vue agréable à l'automobiliste.

Dans toute l'Europe, il est nécessaire d'opérer des changements de ce type afin de donner une plus grande place aux considérations paysagères lors de la conception des ouvrages publics.

La 7e disposition est consacrée aux mesures d'incitation financière et fiscale visant à encourager les propriétaires fonciers, notamment les particuliers, à protéger, gérer et mettre en valeur les paysages. Ces mesures devront s'adapter aux différents types de paysages et aux besoins spécifiques des communautés locales. Elles peuvent prendre des formes variées: subventions finançant en partie des travaux d'entretien de paysages culturels, de monuments historiques ou d'habitats naturels; versements effectués dans le cadre de contrats définis dans la 8e disposition (voir ci-dessous); ou mesures d'incitation fiscale destinées à assurer la protection de paysages intéressants. Le système britannique d'"exonération des droits de succession" permet aux propriétaires de paysages dont le gouvernement a reconnu l'intérêt de ne pas payer de droits de succession sur ces terrains; en échange, le propriétaire conclut avec l'État un accord en vertu duquel il s'engage à entretenir les paysages le mieux possible et à les rendre accessibles au public sans les mettre en danger.

La 8e disposition concerne la passation de contrats, destinés à assurer la protection, la gestion et l'aménagement des paysages, entre (d'une part) des organismes publics ou privés et (d'autre part) des agriculteurs, des propriétaires fonciers et des organisations non gouvernementales. Parmi ces contrats figurent notamment les programmes "agro-environnementaux" financés par l'Union européenne et nombre de ses États membres. L'objectif de ces programmes est d'encourager les agriculteurs et les autres propriétaires ou gestionnaires de terrains à protéger et à mettre en valeur, ou même à recréer, des éléments du paysage qui présentent un intérêt et sont caractéristiques d'une région donnée. Les programmes reposent sur la constatation selon laquelle beaucoup des paysages culturels les plus remarquables d'Europe sont le résultat de mode de vie traditionnels pratiqués dans les campagnes et portent leur empreinte. La protection de ces paysages passe par le maintien, sous une forme moderne, du mode de vie qui les a façonnés; mais des éléments comme les terrasses et les murs de pierres sèches, ou même des villages entiers, disparaîtront s'ils ne sont pas entretenus. Il s'agit de permettre aux populations de conserver un mode de vie traditionnel qui leur assure des revenus suffisants. En vertu des contrats, les agriculteurs et les propriétaires fonciers s'engagent à préserver certains éléments du paysage et perçoivent en échange des fonds qui leur sont versés chaque année ou ponctuellement par les organismes publics.

La 9e disposition décrit les responsabilités du particulier propriétaire d'un bien en matière de protection, de gestion et d'aménagement des paysages. Les organismes publics peuvent consulter le propriétaire et l'associer à l'identification et à l'évaluation des paysages et à la formulation des objectifs concernant leur évolution; ils pourront ensuite l'inviter à participer à la mise en oeuvre des mesures permettant d'atteindre ces objectifs.

La 10e disposition concerne les terrains dont les propriétaires ou gestionnaires sont des autorités nationales, régionales ou locales ou d'autres organismes publics, semi-publics ou sans buts lucratifs. Parmi ces terrains figurent un grand nombre de parcs nationaux, réserves naturelles ou parcs régionaux d'Europe, mais aussi des zones essentiellement destinées à un usage déterminé (défense, éducation, approvisionnement en eau, production d'électricité, etc.). De tels sites fournissent aux organismes concernés une excellente occasion de montrer comment bien entretenir les paysages et éventuellement de les ouvrir au public. De même, les autres organismes publics ou privés, comme les compagnies de chemin de fer, les sociétés minières, les compagnies d'électricité et les banques, améliorent leur image si elles veillent à ce que leurs terrains soient protégés, gérés et aménagés selon les principes du développement durable. Les États membres peuvent encourager tous les organismes publics, semi-publics et sans buts lucratifs, ainsi que les grandes entreprises privées à prendre des mesures exemplaires en la matière.

La 11e disposition traite des autres moyens dont disposent les pouvoirs publics pour protéger des paysages exceptionnels ou gravement menacés. Ces moyens sont notamment les suivants: mesures d'incitation fiscale, comme celles qui sont mentionnées dans la 7e disposition (voir ci-dessus); mesures prises en vertu de dispositions relatives à l'urbanisme ou à l'aménagement du territoire; avis qualifiés et aide matérielle apportés aux propriétaires des terrains en question; ou décision de soumettre ces paysages à un régime spécial, en vertu duquel ils bénéficient d'un degré de protection et de financement plus élevé que les autres paysages. Les pouvoirs publics peuvent déléguer ces tâches à des organisations non gouvernementales.

La 12e disposition évoque la possibilité, pour les organismes publics ou semi-publics, d'acquérir un terrain dans le cas où cela constitue le meilleur ou le seul moyen de protéger un paysage gravement menacé d'être exploité de manière abusive, laissé à l'abandon ou mal utilisé. L'acquisition peut se faire à l'amiable. Ainsi, le National Trust britannique est devenu propriétaire de vastes étendues de paysages côtiers en Angleterre et au pays de Galles, qu'il a reçues ou achetées ou qui lui ont été cédées par l'État. Des opérations similaires ont été menées par le Conservatoire du littoral en France, le Fondo per l'Ambiente en Italie et Natuurmonumentum, organisme néerlandais de protection de la nature.

 

1 Etant donné qu'à l'occasion de la 5e session M. HITIER ne sera plus membre du Congrès, M. François PAOUR (France) présentera ce texte au nom du Groupe de Travail.

2 L'Assemblée parlementaire et le Comité du patrimoine culturel du Conseil de l'Europe, le Comité des Régions de l'Union Européenne, le Comité du patrimoine mondial de l'Unesco, la Commission pour les aires protégées et la Commission du Droit de l'Environnement de l'Union mondiale pour la nature (UICN) ont présenté leur avis officiel dans le cadre de la Conférence de Florence. A cette occasion, un certain nombre d'organisations non gouvernementales techniquement qualifiées dans le domaine du paysage ont également exprimé leur opinion favorable sur l'avant-projet de Convention.

3 L'Assemblée parlementaire et le Comité du patrimoine culturel du Conseil de l'Europe, le Comité des Régions de l'Union Européenne, le Comité du patrimoine mondial de l'Unesco, la Commission pour les aires protégées et la Commission du Droit de l'Environnement de l'Union mondiale pour la nature (UICN) ont présenté leur avis officiel dans le cadre de la Conférence de Florence. A cette occasion, un certain nombre d'organisations non gouvernementales techniquement qualifiées dans le domaine du paysage ont également exprimé leur opinion favorable sur l'avant-projet de Convention.