Rapporteur : M. Jacques-Médéric CHEVROT (France)
Co-Rapporteur: M. Martin HABERMANN (Allemagne)
EXPOSE DES MOTIFS
LES REGIONS DE L'EUROPE DANS LA TRANSFORMATION INDUSTRIELLE, TECHNOLOGIQUE ET ENVIRONNEMENTALE
La coopération régionale et interrégionale s'est considérablement renforcée ces dernières années et contribue, d'une manière générale, directement à la stabilité des structures démocratiques et à la mise en oeuvre des réformes administratives et économiques. Elle tend à développer un réseau de solidarité et de partenariat entre les régions d'Europe et vise en premier lieu l'assistance mutuelle dans la défense des intérêts légitimes de ce niveau régional, résultant de l'application du principe de subsidiarité.
Lorsque la Chambre des Régions du Conseil de l'Europe s'est engagée, en 1994, en complément des travaux entrepris au plan politique, à promouvoir la coopération économique des Régions en Europe et notamment entre celles de l'Europe occidentale et celles des nouveaux pays membres du Conseil de l'Europe en Europe centrale et orientale, le succès et la rapidité des initiatives qui se sont développées depuis cette décision étaient imprévisibles.
Les régions disposent de potentialités économiques et de compétences propres pouvant être mobilisées au plan européen dans le cadre d'un système de coopération interrégionale en tant que forces complémentaires aux efforts des institutions gouvernementales au niveau national. Dans de nombreux cas, les régions demandent que leur soit reconnu le droit d'entretenir et d'intensifier les relations directes entre elles, sans intervention de l'Etat, afin de pouvoir réagir à leur niveau et dans le cadre de leurs compétences politiques et économiques aux exigences de la nouvelle situation en Europe.
Les régions peuvent ainsi contribuer, sur la base d'une solidarité régionale paneuropéenne, à un objectif politique principal du Conseil de l'Europe qui est la stabilité et la sécurité démocratiques de l'Europe. Cette stabilité peut être atteinte par un développement économique et social fondé sur les principes de l'Etat de droit, des Droits de l'Homme et ceux de la démocratie pluraliste.
Les nouveaux pays membres du Conseil de l'Europe en Europe centrale et orientale, traversent depuis quelques années des périodes difficiles de transition administrative, économique et institutionnelle, allant de pair avec les réformes démocratiques profondes. Dans le souci de faciliter cette transition, la Chambre des Régions appuyée par un groupe de travail qui a pour mandat la promotion de la coopération économique Est/Ouest a pris la décision de lancer un programme d'activités dans les domaines socio-économiques. Ce groupe a mis en exergue les problèmes-clé de la transition économique des nouveaux pays membres et a soutenu l'organisation périodique de rencontres entre responsables politiques et économiques des régions.
Il est cependant devenu apparent que les problèmes de la transition économique et industrielle n'étaient pas seulement une préoccupation majeure des collectivités territoriales en Europe centrale et orientale, mais qu'ils représentaient également une tâche importante pour certaines régions de l'Europe de l'Ouest se trouvant elles aussi confrontées aux divers problèmes de restructuration de leur tissu économique et industriel afin de l'adapter aux nouveaux besoins résultant de l'ouverture des marchés sur le plan mondial. Ceci concerne notamment les régions dominées par l'industrie du textile et celles dont les équipements de l'industrie du charbon et de l'acier sont vétustes.
Dans cette constellation, il n'est pas étonnant que se soit la ville de Dortmund, métropole industrielle du Land de la Rhénanie du Nord-Westphalie, située dans la Ruhr en Allemagne, qui se soit engagée à organiser le deuxième Forum économique des Régions d'Europe destiné à analyser les expériences et perspectives de la restructuration industrielle.
Le Maire de Dortmund, M. Günter SAMTLEBE, appuyé par le Président du Land de Nordrhein-Westpfalen, avait lancé en janvier 1996 à Genève à l'issue des travaux des Premières Rencontres des Régions d'Europe, l'invitation à tenir le prochain Forum dans sa ville. Il n'a pas hésité à déployer des efforts considérables pour permettre l'organisation de ce deuxième Forum dans un court délai de six mois. Ainsi les régions d'Europe ont pu se rencontrer du 23 au 26 juin 1996 à Dortmund, dans les locaux de la foire des Westphalen-Hallen.
Le programme (voir en annexe) a été conçu de manière à répondre aux besoins des délégations régionales, à savoir leur permettre de discuter ensemble des grands sujets d'intérêt commun et d'approfondir des questions économiques, commerciales et techniques dans le cadre d'une série de groupes de travail. Ainsi, neuf ateliers se sont tenus, traitant de sujets spécifiques tels que:
1. la restructuration économique des régions du point de vue des entreprises et le passage de la production industrielle de masse aux technologies de pointe,
2. la privatisation d'entreprises publiques et la création de PME - PMI,
3. la distribution du travail au niveau international et les nouvelles communications multimédia,
4. les services publics face aux nouvelles formes d'approvisionnement et de traitement de l'eau et des déchets,
5. l'importance du secteur tertiaire pour la modernisation de l'économie régionale,
6. la maîtrise des problèmes de l'environnement par l'application de techniques et procédés industriels nouveaux,
7. l'importance du secteur bancaire pour la mutation industrielle,
8. la responsabilité sociale dans la restructuration économique industrielle et la création d'un dialogue social,
9. la recherche scientifique et les transferts des technologies dans la restructuration régionale.
Lors des séances plénières, des personnalités politiques européennes du plus haut niveau se sont adressées aux participants:
- M. Johannes RAU, Chef du Gouvernement de la Région Rhénanie du Nord-Westphalie, a clairement mis en lumière les grands défis auxquels doivent faire face aujourd'hui les Régions tant au plan national qu'européen,
- M. Klaus HÄNSCH, Président du Parlement européen, a présenté un exposé portant sur "L'Europe à la croisée des chemins - le défi que devra relever l'Union Européenne à la fin du siècle",
- Mme Monika WULF-MATHIES, Membre de la Commission européenne, responsable de la politique régionale, a présenté ses réflexions sur "La politique structurelle européenne et le rôle des régions",
- M. H. SWOBODA, du Land et de la ville de Vienne (Autriche) a souligné l'importance que ses autorités attachent à ce programme et a soumis l'invitation à tenir le 4ème Forum en 1997, dans sa région.
Le programme du Forum a été complété par des exposés et des échanges qui se sont tenus aux stands d'exposition et de présentation à travers lesquels 80 sociétés et entreprises se sont fait connaître.
A l'issue des délibérations du Forum, des conclusions ont été présentées sous forme de "Déclaration de Dortmund" qui résume les débats et fait état des constatations auxquelles sont parvenus les participants. (voir Déclaration en annexe au projet de Recommandation et de Résolution).
Les deux conclusions majeures résultant directement du Forum sont:
- l'approfondissement de la coopération avec les collectivités régionales de la Fédération de Russie et de la Communauté des Etats Indépendants dans le cadre d'un Forum à organiser à Moscou les 25 et 26 novembre 1996,
- la poursuite du programme des Rencontres économiques Est/Ouest avec l'organisation du 4ème Forum qui se tiendra en 1997 à Vienne (Autriche).
Les travaux du Forum de Dortmund et ses conclusions témoignent du fort intérêt qui existe, tant auprès des responsables politiques qu'au niveau des décideurs économiques et industriels, de saisir toute occasion pour se rencontrer, pour approfondir les contacts et développer des dialogues, voire de créer des partenariats pour permettre aux régions de participer activement à la création de la nouvelle Europe, que se soit au plan politique ou au plan économique.
Une attention particulière et prioritaire devrait être accordée dans ce cadre à la nécessité d'instaurer une coopération entre les secteurs publics et les secteurs privés. Les collectivités publiques ne peuvent pas se substituer aux fonctions accomplies par le secteur privé et les acteurs du secteur privé ont besoin d'un soutien et d'un encadrement appropriés pour développer leurs propres projets. Une coopération permanente et intense entre secteur public et privé s'impose.
Les thèmes abordés ont fait ressortir qu'un rôle important incombait aux autorités régionales dans la restructuration du tissu économique régional en liaison avec les Chambres de commerce et d'industrie. Les formes d'intervention qui sont à leur disposition varient entre la gestion directe d'activités économiques et les interventions fondées sur un éventail d'outils différents tels que les aides directes ou indirectes aux entreprises, les aides générales ou immatérielles. Parmi les aides directes, on peut mentionner par exemple les subventions, primes ou garanties d'emprunts, voire la mise à disposition de terrains à prix avantageux ou d'usines-relais. Les possibilités d'aides indirectes sont plus nombreuses: on peut citer les aménagements de zones industrielles et commerciales, les aides à la formation professionnelle, aux infrastructures d'accueil ou encore aux partenariats entre services publics et entreprises. Il est également devenu évident qu'il n'est pas suffisant de se limiter à un seul type d'aide, mais qu'il faut plutôt appliquer un système d'aides croisées, celles-ci devant cependant être continuellement adaptées aux changements structurels et aux développements conjoncturels.
Une attention particulière doit être accordée au développement des nouvelles technologies et à la promotion des PME-PMI dans ce domaine. Ce sont les petites entreprises qui procèdent le plus rapidement aux restructurations, qui s'adaptent avec le plus de flexibilité aux nouvelles exigences du marché et qui peuvent par conséquent créer plus rapidement de nouveaux emplois, notamment dans le domaine des nouvelles professions résultant de l'informatisation de la société.
La privatisation d'entreprises publiques crée des problèmes considérables aux autorités locales et régionales, notamment en ce qui concerne la gestion des structures existantes pendant les périodes de transition. Privatiser les entreprises telles que les fournisseurs d'électricité ou d'eau, nécessite l'application des critères du marché à un secteur pour lequel les nouveaux pays membres disposent rarement de l'expérience et du personnel qualifié approprié. La formation du personnel dans les administrations est par conséquent un domaine clé pour faciliter la privatisation et la gestion de ces nouvelles unités économiques selon les lois de l'économie de marché. A ce titre, les associations internationales des régions ont un rôle clé à jouer dans l'organisation de la formation des personnels administratifs. Il y a lieu de mentionner également le Réseau Européen des Institutions de Formation des Collectivités Territoriales (ENTO) qui est soutenu directement par le Congrès. Les centres régionaux de formation coopèrent dans ce cadre et représentent un élément important de cette coopération.
Toute politique d'assistance des collectivités locales et régionales doit tenir compte des exigences d'une politique de protection de l'environnement et de développement durable. Le Forum a fait la démonstration que l'intégration des politiques de l'environnement dans l'économie n'est pas seulement souhaitable, mais nécessaire, et que cette nécessité apporterait également des avantages au plan économique, dans la mesure où les effets économiques positifs se font sentir à moyen et à long terme. La gestion de l'environnement est devenue aujourd'hui une préoccupation majeure des pouvoirs locaux et régionaux, et des progrès considérables ont pu être constatés notamment dans les secteurs tels que le transport, l'énergie, la gestion et le traitement de l'eau, même si subsistent des contestations écologistes des grandes infrastructures, des TGV ou des canaux à grand gabarit (Canal Rhin-Main-Danube ou canal Rhin-Rhône).
L'intégration de considérations écologiques dans les politiques sectorielles apparait comme la voie la plus efficace pour contribuer à un développement durable, dans la mesure où l'on devrait prévenir la dégradation de l'environnement plutôt que d'y remédier après avoir constaté les dégâts.
L'intégration des considérations écologiques dans les stratégies économiques peut également apporter une contribution importante au développement de nouvelles industries qui peuvent être considérées comme des secteurs de croissance, créateurs d'emplois.
Intégrer les normes écologiques dans une économie de transition représente cependant une tâche complexe qui demande également une formation spécifique tendant à convaincre les décideurs de l'utilité de cette politique. Les autorités locales et régionales ont un rôle important à jouer dans ce secteur.
De son côté la technologie s'est adaptée aux nouvelles exigences écologiques et a développé des solutions qui sont devenues des points d'appui pour de nouvelles industries de croissance. La maîtrise des problèmes de l'environnement devrait être par conséquent engagée à plusieurs niveaux: celui de la formation et de l'information, de la promotion de nouvelles techniques et de l'application de nouveaux procédés industriels.
La recherche scientifique est étroitement liée à ces processus. Les régions en transition ne devraient pas seulement moderniser leurs structures économiques actuelles, mais procéder à une diversification de leurs composantes. Toute politique de développement régional dans ce domaine, devrait tenir compte de l'importance que représente la recherche pour la croissance économique, et promouvoir la création et l'implantation de structures d'enseignement et de recherche sur son territoire. L'informatisation des procédés industriels et de la vie du citoyen en général, représente un paramètre qui devrait trouver sa place dans les politiques de développement régional.
La coopération européenne a besoin de structures décentralisées et diversifiées pour procéder davantage à l'échange d'informations et d'expériences. De multiples organismes existent déjà en Europe de l'Ouest formant un réseau très dense de points de contact, de bureaux et d'observatoires qui fournissent des conseils et prêtent assistance aux milieux économiques lors de la recherche de contacts et de partenaires. L'extension du cadre géographique à la dimension de la nouvelle Europe rend nécessaire de réserver à l'avenir une place appropriée aux régions d'Europe centrale et orientale dans le processus de la coopération européenne et de leur confier des tâches et des fonctions spécifiques dans l'organisation de cette coopération. Dans cette perspective, dans les régions particulièrement motivées de l'Europe centrale et orientale, il y a lieu de prévoir la création de structures de coopération pouvant compléter le réseau de contacts de l'Europe de l'Ouest et l'étendre vers les nouveaux pays membres du Conseil de l'Europe. La création, dans les régions d'Europe centrale et orientale, d'observatoires et de bureaux de liaisons pour le développement de contacts économiques et la promotion de partenariats, représente ainsi une contribution substantielle pour leur développement, leur stabilité socio-économique et leur intégration dans l'économie européenne.
En conclusion, on peut constater que le Forum de Dortmund a constitué une étape importante dans la mise en oeuvre des recommandations formulées à l'occasion des premières rencontres économiques Est/Ouest des régions qui se sont réunies en janvier à Genève. A cette occasion le voeu de lancer un vaste mouvement d'activités dans tous les secteurs socio-économiques pour lesquels les collectivités locales et régionales ont développé des compétences a été formulé.
Le fait que le troisième Forum se tiendra au mois de novembre de cette année à Moscou, réunissant à nouveau les acteurs politiques et économiques des régions d'Europe, témoigne de la nouvelle dynamique que le Congrès a pu déclencher dans ce nouveau domaine de coopération.
Il serait souhaitable que d'autres régions, notamment dans l'Europe du Sud, suivent ces exemples et s'engagent à poursuivre la série des Rencontres pour assurer à ce programme une permanence qui, dans sa finalité, servira à stabiliser les nouvelles démocraties et à améliorer le bien-être des citoyens dans toutes les régions de l'Europe.
1 Discussion par le Congrès et adoption le 31 mai 2005, 1re séance (voir doc. CG (12) 4, projet de recommandation présenté par H. Skard (Norvège, L, SOC ) et G. Krug (Allemagne, R, SOC), rapporteurs.