La police locale en Europe - CPL (11) 3 Partie II

Rapporteurs:
Pascal MANGIN, France,
Chambre des pouvoirs locaux
Groupe politique : PPE/DC

Sandra BARNES, Royaume Uni,
Chambre des pouvoirs locaux
Groupe politique : PPE/DC

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EXPOSE DES MOTIFS

1. Le Congrès se félicite de la présente Résolution sur la police locale en Europe.

Lors de sa dernière réunion qui s’est tenue en 2002, le Bureau de la Chambre des Pouvoirs locaux a décidé de rédiger une Résolution, une Recommandation, ainsi qu’un exposé des motifs sur la police locale en Europe.

Inspirée par les résultats de la Table ronde de Charleroi (voir ci-dessous point 4), cette décision s’inscrivait dans le droit fil des objectifs de la Chambre, c’est-à-dire le renforcement de la démocratie locale et la diversification de son action pour la prévention de la criminalité.

Le Bureau a estimé que cette action devait être conjointement menée par le Comité pour la Cohésion sociale concernant le rôle de la police locale sur le terrain au sein de leur collectivité, et par son Comité institutionnel, eu égard à la nécessité de discuter des rapports entre la police locale et d’autres instances policières, notamment au niveau national, ainsi qu’avec les pouvoirs politiques locaux.

Par conséquent, les deux Comités ont respectivement désigné Sandra Barnes, (Royaume-Uni) et Pascal Mangin (France) comme leurs Rapporteurs.

2. Rappelant les rapports et la série de conférences annuelles sur différents aspects de la prévention de la criminalité ainsi que le manuel sur les pouvoirs locaux et la prévention de la criminalité urbaine.

Ces dernières années, la Chambre a mis au point un programme de travail intensif sur la prévention de la criminalité.

Ceci s’est traduit par plusieurs conférences annuelles:

- Criminalité et insécurité urbaine en Europe: le rôle et les responsabilités des Pouvoirs locaux et régionaux; 26 - 28 février 1997, Erfurt (Allemagne)

- Combattre la criminalité et l’insécurité urbaine en Europe par la coopération entre les Pouvoirs locaux et la police; 29 avril – 1 mai 1998, Newcastle -upon- Tyne (Royaume-Uni)

- Le rôle des Pouvoirs locaux dans la lutte contre la criminalité, 16 - 48 septembre 1999, Petrozavodsk (Fédération de Russie)

- Les rapports entre environnement urbain physique, prévention et réduction de la criminalité; 19 - 21 octobre 2000, Szczecin (Pologne)

- Les Pouvoirs locaux et la prévention de la criminalité transfrontalière, 20-22 Septembre 2001, Enschede (Pays-Bas)

- Le rôle et les responsabilités des Pouvoirs locaux face au terrorisme; 20 - 21 septembre, Luxembourg

Les Déclarations finales de ces conférences ont été rassemblées en un volume unique disponible sur demande auprès du Secrétariat du Congrès.

En outre, des rapports ont respectivement été présentés durant les sessions plénières de la Chambre par Jan Mans (Pays-Bas) et Luisa Laurelli (Italie).
Les résultats de ces travaux ont été regroupés dans un Manuel sur la prévention de la criminalité qui est désormais largement traduit et diffusé.

Le programme de travail susmentionné a été mis en œuvre en coopération avec les organismes extérieurs concernés, dont le Forum européen pour la sécurité urbaine, lui-même un produit de la Chambre.

3. Rappelant aussi la table ronde, tenue à Charleroi les 22 et 23 novembre 2002, et qui a examiné : le rôle de la police locale en Europe.

Le Bureau de la Chambre a accepté l’invitation de la ville de Charleroi et du chef de la police locale à organiser une réunion rassemblant des participants ciblés sur le rôle et les responsabilités de la police locale en Europe.

Le choix de Charleroi a été guidé par un intérêt politique pour la réforme récente qu’a connue la Belgique et les succès de sa police locale, dirigée par Mme Francine Biot.

Les déclarations et le compte-rendu des débats de la Table ronde sont disponibles sur demande et constituent le point de départ de cette priorité de la Chambre.

4. Se félicitant de l'apport du Projet intégré II du Conseil de l’Europe « Réponses à la violence quotidienne dans une société démocratique ».

Les travaux de la Chambre sur la police locale ont largement bénéficié de l’aide théorique et financière du Projet intégré II du Conseil de l'Europe conçu par le Secrétaire général pour relier différents secteurs et services du Conseil de l'Europe travaillant sur des sujets connexes.

5. Exprime ses remerciements au groupe d’experts-consultants.

Le Secrétariat a répertorié et convié à la réunion plusieurs experts reconnus pour aider les Rapporteurs.

Il s'agit de : Mme Francine Biot (Belgique); M. Dirk van Nuffel (Belgique); M. Radim Bures (République tchèque); M. Jean-Louis Renier (France); M. Krists Leiskalas (Lettonie) ; M. Josie Brincat (Malte); M. Jan Swaan (Pays-Bas); M. Ole Johan Stromann, (Norvège); M. Robert Rybicki (Pologne); Pr. Adrian Beck (Royaume-Uni)

6. Tenant à souligner les considérations ci-après :

Selon l’usage, le projet de Résolution regroupe plusieurs considérations initiales sur divers aspects de la question avant de formuler directement des propositions d’orientation auprès des Pouvoirs locaux et du Congrès lui-même.

VERS UN RENFORCEMENT DE LA POLICE LOCALE

7. En Europe, les structures de la police varient considérablement, reflétant les traditions locales en la matière.

8. Certains pays sont dotés exclusivement d’une police nationale tandis que dans d’autres, il existe également une police régionale et/ou locale. Dans certains Etats, les structures de la police locale varient même d’une ville à l’autre ;

Les lois, les conceptions du maintien de l’ordre, les méthodes de travail, les structures organisationnelles, les moyens de surveillance de la société civile et de l’Etat, les modalités de l’équilibre des pouvoirs, varient tous énormément d’un pays européen à l’autre. C’est d’autant plus le cas depuis l’effondrement de l’Union soviétique en 1991 et avec l’intégration progressive dans le Conseil de l’Europe et, maintenant, dans l’Union européenne de nouveaux pays qui ont hérité de systèmes de justice pénale inspirés du système soviétique.
De nombreux pays européens, comme la France, l’Italie et l’Espagne, ont une longue tradition de centralisation poussée alors que le Royaume-Uni, l’Allemagne et, plus récemment, les Pays-bas et la Belgique ont adopté un système policier plus décentralisé, dont l’action est plus localisée et plus axée sur la prestation de services à la population, et ne se limite pas à la maîtrise de la criminalité et au maintien de l’ordre.
Les différences en matière de police en Europe font que certains modèles de police locale sont plus formels et contrôlés au niveau central que d’autres, plus informels et organisés au niveau local. Certains Etats membres ont, par exemple, décidé au niveau du pouvoir central (gouvernement) d’inscrire au rang de leurs priorités la coopération entre la police et des organisations non gouvernementales et d’introduire des programmes et/ou contrats de sécurité précisant en détail les principes de la coopération locale.

Quelques exemples:-

Belgique

La nouvelle structure policière dont la mise en place a débuté en janvier 2001 est constituée de deux niveaux, celui de la police locale et celui de la police fédérale.

La police locale compte 196 zones de police couvrant 589 villes et communes et assure toute les fonctions de police de base tant administratives et judiciaires. La fonction de police de base est l’ensemble des missions de police administrative et de police judiciaire nécessaire à la gestion des événements et des phénomènes locaux sur le territoire de la zone de police. Cela peut donc aller des missions de prévention pour la sécurité routière ou les incivilités aux missions de constat et d’enquête pour un meurtre par exemple. Elle doit également assumer certaines tâches policières de nature fédérale. Il peut s’agir du maintien de l’ordre lors de manifestations importantes ou lors de matches de football hors de son territoire.

La police fédérale accomplit des missions spécialisées de police judiciaire et de police administrative et coordonne les missions de coopération internationale. Par ailleurs, elle apporte un appui dans certaines circonstances à la police locale.

Ces deux niveaux sont autonomes et dépendent d’autorités distinctes.

- Au niveau fédéral, la police dépend pour sa gestion et ses missions de police administrative (par exemple : le maintien de l’ordre) du Ministre de l’Intérieur. Pour ses missions de police judiciaire qui s’exercent dans des domaines plus pointus tels que le blanchiment d’argent ou la criminalité organisée, elle dépend du Ministre de la justice. Elle est dirigée par un chef de corps, le commissaire général qui coordonne cinq directions générales (police judiciaire, police administrative, appui opérationnel, personnel et moyens matériels). Il est nommé par mandats de cinq ans.

- Au niveau local, la police est organisée en zone couvrant une ou plusieurs municipalités. Elle a vocation d’assurer la fonction de police de base et est placée sous l’autorité du Bourgmestre ou quand plusieurs petites communes ont dû s’associer pour former une zone, sous l’autorité du collège de police. Chaque corps de police locale est placé sous la direction d’un chef de corps nommé par mandats de cinq ans et responsable de l’exécution de la politique policière locale et plus particulièrement de l’exécution du plan zonal de sécurité.

La structure peut paraître complexe mais elle tente d’assurer une sécurité minimum et égale à tous les citoyens selon une « politique de sécurité intégrale».

Pour en souligner le caractère intégré, tous les policiers et policières ont un statut commun, la formation est uniformisée, il y a un seul code de déontologie et les informations policières sont gérées en commun. Une circulation maximale de l’information est prévue au sein des niveaux et entre les niveaux.

Pays-Bas

Les Pays-Bas comptent 25 unités régionales de police et l’Agence nationale des services de police (KLPD) qui s’acquitte de tâches spécialisées ou nationales ; elle collecte, classe, traite, gère, analyse et diffuse des informations et prend en charge d’autre tâches. La KLPD est dirigée par le ministère de l’intérieur et des relations au sein du royaume (depuis le 1er janvier 2000). Chacune des unités régionales est responsable d’une zone géographique et est dirigée par un conseil régional de la police, composé de maires et d’un procureur général. Ces conseils sont responsables (avec le ministre de la justice) de la qualité globale du maintien de l’ordre au Pays-Bas. Ils dirigent également chacune des unités régionales de police “de loin” – c’est-à-dire que leurs interventions sont limitées au strict nécessaire. Chaque unité est divisée en équipes de district, qui sont subdivisées pour la plupart en équipes (de quartier) responsables de zones géographiques plus petites. De nombreux quartiers sont à leur tour divisées en quartiers plus petits dont un policier prend en charge la sécurité. Chaque unité est chapeautée par un commissaire en chef.

Le gouvernement fixe les missions mais les forces de police sont responsables de leur gestion opérationnelle. Le ministère de l’intérieur et des relations au sein du royaume définit aussi les grandes orientations. En outre, le ministère précise les principes de gestion en vue de la transparence, de la qualité et de l’efficacité des services axée sur les objectifs. La gestion opérationnelle privilégie de plus en plus la performance et l’amélioration de la transparence, au sein de la police néerlandaise dans son ensemble et des forces régionales en particulier.

Norvège

La Norvège ne compte qu’une force de police, qui dépend du ministère de la justice et de la police. La Direction de la police nationale, dirigée par le Commissaire de police national, est chargée de diriger et de coordonner la police pour assurer un service fiable, efficace et flexible. L’organisation de la police locale se fonde sur des principes clairs de maintien de l’ordre au niveau local. Il existe 27 districts de police, chacun commandé par un Chef de police. Celui-ci a l’entière responsabilité du maintien de l’ordre sous toutes ses formes dans le district. Chaque district compte un siège central et plusieurs postes de police locaux. Les districts sont divisés en sous-districts, placés sous le commandement d’un lensmann (“police rurale”), ou disposant de postes de police locaux. Les sous-districts n’ont généralement qu’un poste de police, ce qui donne au total 410 postes de police dans tout le pays.

Royaume-Uni

Le Royaume-Uni compte 52 unités de police, organisées principalement au niveau local. La Metropolitan Police et la City of London Police sont responsables de la police à Londres; 43 unités assurent le maintien de l’ordre en Angleterre et au Pays de Galles et 8 unités régionales en Ecosse. Le Police Service of Northern Ireland (Services de police d’Irlande du Nord), qui a remplacé la Royal Ulster Constabulary (Gendarmerie royale de l’Ulster), a été créé en novembre 2001. En outre, il existe des unités de police spécialisées telles que la British Transport Police (police des transports), la Ministry of Defence Police (police du ministère de la défense), et la UK Atomic Energy Authority Constabulary (autorité de police de l’énergie atomique du Royaume-Uni).

En Angleterre et au Pays de Galles, chaque unité de police est dirigée par un Chief Constable (chef de police), qui est responsable de sa direction et de son fonctionnement. Le Chief Constable rend compte à l’Autorité de police, qui comprend en général 3 magistrats, 9 conseillers locaux et 5 membres indépendants. Le Home Office (ministère de l’intérieur) est l’instance du pouvoir central responsable du maintien de l’ordre en Angleterre et au Pays de Galles. En Ecosse, chaque unité est dirigée par un Chief Constable qui rend compte à une autorité de police composée de conseillers régionaux écossais. Le Secrétaire d’Etat pour l’Ecosse joue le même rôle que le Home Secretary (ministre de l’intérieur) en Angleterre et au Pays de Galles. En Irlande du Nord, l’autorité de police a été remplacée en novembre 2001 par un conseil de la police, organe public indépendant composé de 19 membres élus et indépendants, mis en place pour assurer un service de police efficace et impartial pour tous les habitants d’Irlande du Nord.

9. Dans de nombreux pays toutefois, la mise en place de forces de police locale ou de proximité se développe. Relevant des autorités locales, elles ont été créées en raison de leur bonne connaissance des quartiers, de leur sensibilité aux besoins locaux, de leur proximité avec les citoyens et de la nécessité de renforcer la police nationale.

10. L’expérience a été positive, permettant à la fois de faire baisser la criminalité et de renforcer la cohésion sociale.

Certains pays européens ont procédé ces dernières années à la création de forces de police locales, souvent sous le contrôle des pouvoirs locaux. Les raisons en sont les suivantes : l’impératif démocratique d’une police de proximité; la possibilité de mieux réagir face à une situation locale donnée que les forces de police nationales; et parfois simplement l’aide qu’elles apportent à d’autres instances policières en accomplissant des tâches ordinaires mais néanmoins importantes.

Eu égard au succès de l’expérience dans des pays où ont été créées des forces de police locales, certains des pays membres du Conseil de l'Europe les plus récents étudient également cette possibilité avec la plus grande attention.

Les résultats sont prometteurs. Nous avons par exemple pu constater en Belgique que la criminalité avait sensiblement baissé dans certaines villes. Les forces de police locales étant considérées comme un partenaire au sein de la collectivité locale qui travaille de concert avec d’autres professionnels, le sens de la cohésion sociale se trouve souvent renforcé au sein des collectivités dans lesquelles opèrent ces forces de l’ordre locales.

PARTENARIATS EN MATIÈRE DE POLICE LOCALE

11. Les stratégies pluri institutionnelles conduites par les autorités locales se multiplient pour répondre aux besoins de la collectivité en matière de sécurité, dans des sociétés toujours plus hétérogènes ;

Un des principaux éléments de cette approche est que la sécurité de la collectivité n’incombe pas seulement aux organes du système de justice pénale qui s’occupent de la prévention et de la détection de la criminalité, mais qu’il faut prendre en compte de très nombreux facteurs sociaux, économiques et politiques demandant une approche plus coordonnée. Il importe aussi de privilégier les stratégies locales qui reflètent et respectent les besoins des populations locales et des groupes minoritaires.

12. Les populations locales sont désormais considérées comme des acteurs de leur propre sécurité, par le biais de partenariats avec les autorités locales et la police.

Les collectivités locales jouent un rôle essentiel dans la coordination et l’organisation de ces actions, parfois dans le cadre d’une mission prévue par la loi.1 Un certain nombre de pays européens ont élaboré des mécanismes formalisés de coopération entre la police et les collectivités locales au niveau stratégique, par exemple en préparant des programmes de sécurité communs ou, à un niveau plus organisationnel, en participant à des conseils et comités locaux, visant certains groupes de la population, zones géographiques ou catégories d’infractions. Des associations et des organisations non gouvernementales ont aussi commencé à s’associer aux activités locales de prévention de la criminalité et d’organisation de la sécurité. Par exemple, en 1987, le Forum européen de la sécurité urbaine (FESU) a été créé pour réunir les maires de toute l’Europe et leur permettre de développer la sécurité locale grâce à des partenariats étroits mis en place entre villes.

13. La police locale s'inscrit dans une démarche qui reconnaît l'importance d'envisager les problèmes de la criminalité et de la sécurité des quartiers, dans un cadre social, économique et politique.

L’option politique la plus largement choisie ces dernières années pour combattre et réduire la criminalité pourrait être la création de partenariats au sein desquels les différents secteurs de la société ayant une influence sur l’environnement social et bâti conjuguent leurs efforts pour faire baisser la criminalité.

La prévention de la criminalité n’est plus considérée comme une fonction propre à la police. C’est là un défi communautaire qui appelle une réponse collective unanime, rassemblant des partenaires qui doivent la plus grande transparence aux pouvoirs politiques locaux.

14. La police tend de plus en plus à privilégier, non plus un modèle hautement centralisé et essentiellement réactif, mais un mode de fonctionnement qui encourage ses membres à être, physiquement et psychologiquement, plus proches de la population locale.

Cela suppose de fragmenter de grandes zones géographiques en unités plus restreintes, de poster des policiers dans des postes de police locaux, d’organiser davantage de patrouilles à pied et de faire de la police un élément intégré, visible et naturel de l’espace public des collectivités locales.

DÉFIS ET CHANCES À SAISIR DANS LA GRANDE EUROPE

15. Pour certains pays de l'Europe centrale et orientale, et notamment pour ceux qui sont en voie d’adhésion à l'Union européenne, la création d’une police locale adaptée constituera un grand défi mais aussi une chance à saisir.

La plupart de ces pays ont hérité de systèmes policiers centralisés et militarisés qui visent plutôt à servir les intérêts de l’Etat que ceux des citoyens. De longues traditions de répression et de contrôle politique ont laissé des obstacles de taille qui s’oppose au développement de la responsabilité et de la confiance au niveau local. D’ailleurs, certains des systèmes de police existants semblent faire preuve d’une très grande inertie et d’une très grande résistance au changement démocratique.2

16. Leur aptitude à tirer profit de l’expérience et de l’expertise des sociétés européennes ayant de longues traditions en matière de police locale est essentielle à cet égard.

Ce point soulève la question de la transférabilité des pratiques et solutions policières d’un pays à l’autre, et celle des conséquences de l’application dans des contextes particuliers de diverses politiques, stratégies et tactiques. Il faut aussi traiter le problème des traditions des sociétés en transition en matière de participation des citoyens à la prévention de la criminalité3, mais cela demanderait d’étudier attentivement les pratiques qui seraient appropriées ou possibles dans la nouvelle Europe.

17. La peur de la criminalité et un sentiment d'insécurité irraisonnés.

La perception qu’a le public de la criminalité est souvent subjective ; elle ne se base pas sur des statistiques réelles mais sur une succession d’incidents quotidiens et souvent dramatiques qui font la une des médias.

Quoique irrationnelle, il faut pourtant que les pouvoirs locaux et la police comprennent et combattent cette tendance, pour éviter non seulement toute angoisse superflue mais également des dépenses démesurées pour des mesures non indispensables, par exemple l’augmentation excessive du nombre de compagnies de sécurité privées opérant parfois en dehors de tout contrôle démocratique.

TENDANCES DE LA CRIMINALITÉ

18. Dans la plupart des pays européens, les statistiques récentes en matière de criminalité montraient une situation assez stable.

On trouvera ci-dessous des données indicatives sur les infractions enregistrées de 1995 à 2000; ces informations sont tirées du Recueil européen de statistiques relatives à la criminalité et à la justice pénale qui permet d’avoir un aperçu du problème de la criminalité, variable d’un pays européen à l’autre (Tableau 1).

Tableau 1 Total des infractions pénales pour 100.000 habitants4

Pays

1995

1996

1997

1998

1999

2000

% évolution
1995-2000

Albanie

196.8

159.2

192.7

176.8

163.0

148.9

-24

Arménie

297.1

367.7

365.8

319.8

299.8

360.3

21

Autriche

6,048.7

6,026.0

5,965.6

5,930.3

6,081.0

6,890.9

14

Belgique

7,439.1

7,569.5

8,268.2

8,594.7

8,557.6

N/A

N/A

Bulgarie

2,373.5

2,261.0

2,822.9

1,995.3

1,746.9

1,779.1

-25

Croatie

1,414.5

1,334.7

1,275.2

1,315.6

1,367.8

1,596.8

13

Chypre

552.2

613.0

525.6

576.6

558.8

574.7

4

République Tchèque

3,638.0

3,823.0

3,918.4

4,138.9

4,149.6

3,811.0

5

Danemark

10,300.1

10,043.4

10,051.8

9,414.4

9,290.1

9,447.3

-8

Estonie

2,666.9

2,409.7

2,810.0

3,156.1

3,579.1

4,037.7

51

Finlande

9,777.9

9,568.1

9,369.2

9,658.2

9,879.2

10,261.7

5

France

6,336.5

6,134.5

6,001.7

6,105.6

6,086.4

6,404.5

1

Géorgie

N/A

311.2

291.2

291.6

297.3

269.3

N/A

Allemagne

8,150.7

8,105.6

8,026.3

7,870.8

7,670.5

7,615.8

-7

Grèce

3,137.6

3,324.8

3,587.4

3,653.7

3,532.4

3,481.9

11

Hongrie

4,876.1

4,536.4

5,021.2

5,882.1

4,970.5

4,445.0

-9

Irlande

2,838.0

2,774.3

2,476.7

2,307.5

2,165.3

1,929.7

-32

Italie

3,959.8

4,225.9

4,249.9

4,218.0

4,123.0

N/A

N/A

Lettonie

1,551.6

1,530.7

1,492.2

1,486.6

1,812.8

2,087.3

35

Lituanie

1,655.9

1,858.1

2,076.1

2,146.0

2,123.4

2,274.9

37

Luxembourg

6,924.5

6,629.6

5,783.2

6,367.0

6,241.4

5,216.4

-25

Malte

N/A

N/A

N/A

3,834.0

4,123.7

4,344.5

N/A

Moldova

861.3

782.4

898.6

816.0

887.8

863.7

0

Pays-Bas

7,910.6

7,617.4

7,807.0

7,782.3

8,128.4

8,215.3

4

Norvège

9,189.5

9,401.3

9,796.7

10,076.8

9,814.0

10,136.9

10

Pologne

2,525.5

2,323.8

2,567.2

2,775.3

2,901.2

3,278.2

30

Portugal

3,275.9

3,229.1

3,218.1

3,407.1

3,615.0

3,615.5

10

Roumanie

1,309.0

1,421.5

1,600.3

1,773.1

1,619.3

1,578.4

21

Russie

1,860.5

1,776.6

1,626.8

1,756.9

2,048.8

2,022.2

9

Slovaquie

2,137.0

1,850.0

1,716.2

1,740.5

1,740.8

1,642.3

-23

Slovénie

2,018.6

1,987.6

2,015.3

2,920.4

3,283.2

3,614.3

79

Espagne

2,284.9

2,338.0

2,318.9

2,420.1

2,407.3

2,308.4

1

Suède

12,984.6

13,266.9

13,492.7

13,318.5

13,462.0

13,692.8

5

Suisse

4,255.9

4,348.6

4,686.2

4,594.9

4,294.3

3,731.6

-12

Turquie

479.3

553.9

617.3

562.9

681.0

711.5

48

RU : Angleterre et
Pays de Galles

9,831.0

9,675.1

8,703.1

9,752.7

10,090.7

9,817.3

0

RU: Irlande du Nord

4,284.4

4,253.7

3,706.2

6,724.5

7,323.9

7,354.2

72

RU: Ecosse

10,784.6

10,300.3

9,673.0

9,844.8

9,921.6

9,637.7

-11

Ukraine

1,250.8

1,213.2

1,168.5

1,152.2

1,127.2

1,126.3

-10

Moyenne

4,362

4,209

4,215

4,381

4,415

4,333

<-1

Globalement, on constate une stabilité relative du nombre, pour 100.000 habitants, des infractions enregistrées sur la période de cinq ans – le taux moyen est resté pratiquement le même : 4.300 infractions pour 100.000 habitants. Sur les 15 pays qui ont enregistré une augmentation importante, 9 sont des pays d’Europe centrale et orientale (Arménie, Croatie, Estonie, Lettonie, Lituanie, Pologne, Roumanie, Russie et Slovénie), trois autres sont des pays du Sud de l’Europe (Grèce, Turquie et Portugal), et les trois derniers sont des pays du Nord (Autriche, Irlande du Nord et Norvège). On peut certainement expliquer en partie la prépondérance des pays d’Europe centrale et orientale par leur histoire récente et le legs de l’Union soviétique dont les habitudes et la culture en matière de maintien de l’ordre n’encourageaient pas la proximité entre la population et la police et qui ont eu comme effet que les infractions n’étaient pas aussi souvent signalés qu’elles auraient dû l’être. Les augmentations enregistrées ces cinq dernières années peuvent donc résulter en partie d’un plus grande volonté de signaler les infractions sous le nouveau régime, bien que des études récentes fassent apparaître que la plupart de ces pays connaissent depuis 1991 une augmentation considérable des infractions, qui est due aux dysfonctionnements économiques et sociaux5. Il est plus difficile d’expliquer les augmentations constatées dans d’autres pays; il faudrait pour cela procéder à une analyse approfondie par pays.

Ce rapport fait aussi ressortir un fait intéressant, à savoir que les 12 pays qui on enregistré les taux de criminalité les plus élevés pour 100.000 habitants ces dernières années et pour lesquels on dispose de données (2000), sont tous situés en Europe occidentale (Autriche, Danemark, France, Finlande, Allemagne, Luxembourg, Pays-Bas, Norvège, Suède et Royaume-Uni). Ce sont aussi des pays qui ont une longue tradition en matière de stratégies de police locale qui ont commencé récemment à en mettre en place.

19. La population n’en est pas moins directement touchée et préoccupée par les agressions, les infractions liées à la drogue, les cambriolages et les vols de voitures.

Le tableau 2 présente des données sur les infractions pénales les plus fréquemment commises en Europe. Deux séries de données différentes ont été utilisées : les premières sont tirées du Recueil européen de statistiques relatives à la criminalité et à la justice pénale qui s’appuie sur les infractions enregistrées par la police et calculées pour 100.000 habitants; les deuxièmes sont basées sur des données collectées dans le cadre de l’Enquête internationale sur les victimes de crimes et délits. Elles sont souvent considérées comme un indicateur plus fiable car elles évitent les problèmes du non signalement des délits et de leur non enregistrement par la police (voir ci-dessous).

Table 2 Infractions les plus fréquentes en Europe

Taux

    par 100.000 habitants6

    Taux de victimisation7

1

    Cambriolages (y compris domestique)

Actes de vandalisme sur des véhicules

2

    Infractions routières

Vols de voiture

3

    Vols de véhicule à moteur

Vols sur les personnes

4

    Agressions

Vols de bicyclette

5

    Infractions liées à la drogue

Agressions et menaces

20. L’utilisation des statistiques policières pour comparer les taux de criminalité des différents pays peut conduire à des interprétations trompeuses en raison des différences touchant la définition, les méthodes de déclaration et d’enregistrement des infractions ainsi que l’importance du contexte socioculturel dans lequel opère la police.

Ainsi, le degré de confiance de la population dans la police peut avoir des répercussions considérables sur le taux de signalement des infractions. Il est aujourd’hui largement admis que les statistiques policières officielles ne donnent de la délinquance qu’un tableau incomplet (puisqu’il y manque les données sur les infractions non signalées) et parfois déformé (car présenté sous l’angle des priorités de la police et soumis à des influences politiques). En effet, les chiffres sur les infractions enregistrées sont souvent davantage une mesure de l’efficacité des services de police que le reflet véritable de la criminalité dans une société donnée8.

21. Il est à noter en outre qu’il existe des différences entre les données enregistrées par la police et celles que fournissent les victimes.

Bien souvent, les priorités de la police sont largement fonction d’objectifs déterminés à partir des statistiques sur la criminalité enregistrée :

Pour les victimes, les infractions touchant les véhicules automobiles (vandalisme et vols de voiture) viennent au premier rang, suivi par les vols sur les personnes et les vols de bicyclette.
Les infractions les plus fréquemment enregistrées par la police sont les cambriolages (y compris de domiciles privés), suivis par les infractions au code de la route, les vols de véhicules automobiles, les agressions et les infractions liées à la drogue.

L’une des principales différences entre ces deux perspectives est la gravité des infractions : du point de vue des victimes, la plupart des infractions dont elles ont fait l’expérience seraient considérées par la police comme relativement mineures – vols peu importants et vandalisme –alors que les données enregistrées par la police sont dominées par les infractions que celle-ci considère généralement comme plus sérieuses – vols de véhicules, cambriolages, agressions et trafic de drogue.

ENQUÊTES SUR LES VICTIMES

22. Les enquêtes sur les victimes sont souvent considérées comme un indicateur de la criminalité plus fiable que les statistiques policières car elles prennent en compte les infractions qui n’ont pas été signalées à la police et ne sont pas affectées par les évolutions dans les pratiques policières d’enregistrement des actes de délinquance.

23. Ces enquêtes apportent surtout des indications précises sur la situation locale que ne donnent pas les données sur la criminalité nationale, servent de courroie de transmission pour faire remonter les préoccupations et les besoins locaux et peuvent jouer un rôle essentiel pour parvenir à la transparence et à la responsabilisation au niveau local.

L’enquête internationale sur les victimes de crimes et délits (ICVS : International Crime Victim Survey) est considérée comme l’une des sources d’information les plus fiables pour réaliser des analyses comparatives des taux de victimisation selon les pays. Depuis la première enquête, effectuée en 1989, plusieurs autres se sont succédé (1992-1994, 1996-1997, 2000). Elles portent sur une soixantaine de pays, parmi lesquels des pays industrialisés, des pays en transition et des pays en développement. La dernière ICVS (2000) incluait dix-sept pays industrialisés, dont treize pays européens. D’après les résultats de cette enquête, la prévalence de la criminalité et de la délinquance (pourcentage de personnes ayant été victimes d’une infraction une fois ou plus dans l’échantillon interrogé) était la plus élevée en Angleterre et au pays de Galles (26 %), aux Pays-Bas (25 %), en Suède (25 %), en Ecosse (23 %), au Danemark (23 %) et en Pologne (23 %). Elle était plus faible en Belgique (21 %), en France (21 %), en Finlande (19 %), en Catalogne (Espagne) (19 %) et en Suisse (18 %). Le Portugal (15 %) et l’Irlande du Nord (15 %) enregistraient la prévalence la plus basse9.

Au Royaume-Uni, les différentes éditions de l’Enquête nationale sur la criminalité (BCS : British Crime Survey) ont permis de recueillir un grand nombre de données sur l’ampleur et la nature de la criminalité au niveau local. Les résultats de la BCS montrent que la population est particulièrement préoccupée par les troubles locaux et les comportements inciviques (bandes d’adolescents désœuvrés, rues jonchées d’ordures, personnes ivres ou créant du désordre dans les lieux publics) ; les minorités ethniques redoutent surtout les agressions racistes ; la perception de la criminalité et de la sécurité collective diffère considérablement selon le type de quartier où habitent les personnes interrogées10.

Les enquêtes sur les victimes peuvent donc s’avérer déterminantes, non seulement parce qu’elles facilitent l’établissement des priorités de la police au niveau local, mais aussi parce qu’elles font remonter aux organes compétents de précieuses informations qui leur permettent de savoir jusqu’à quel point ils répondent aux besoins des populations locales en matière de sécurité.

A la lumière des considérations ci-dessus, la Chambre ;

24. Encourage les autorités locales d'Europe à mettre en place des forces de police locales et, ce faisant, à reconnaître les principes suivants :

a. Assurer que la police locale est responsable devant l’autorité locale de leur communauté.

Il est essentiel que les forces de police locales répondent de leurs actes, du moins en partie devant les pouvoirs politiques locaux. Ceci va de soi dans certains pays où le maire est également chef de la police locale. Bien que cette orientation ne doive pas nécessairement être suivie partout, le maire et le Conseil local doivent collaborer avec la police locale et maintenir un dialogue permanent pour s’assurer qu’elle répond aux attentes de la communauté.

b. Enfin d'établir de bonnes relations avec la population locale, la police doit être à même de montrer son engagement à satisfaire les attentes et à tenir compte de l’avis des différents groupes de la population.

Il est demandé à la police de répondre aux besoins et aux attentes de la population de manière adaptée à leur intensité et à leur nature, de faire preuve d’une connaissance approfondie des diverses situations sociales et des différents besoins en matière de services, de traiter les personnes avec le respect et la courtoisie qui s’imposent, et de reconnaître l’importance de la contribution de chaque groupe à l’élucidation des faits et à la préservation de la qualité de vie11.

Un étude qualitative réalisée assez récemment au Royaume-Uni en vue de déterminer ce que le public attend de la police et comment elle la perçoit a montré que les besoins en matière de services variaient sensiblement selon les groupes sociaux (âge/étape de la vie, classe socio-économique et appartenance ethnique)12. L’une de ses principales conclusions était que, du fait de ces différences, il était nécessaire de comprendre la relation entre le contexte social et les demandes particulières qu’il engendre et d’élaborer des lignes directrices sur les modalités de prise en compte de ces demandes.

Les données de l’ICVS citées dans le présent rapport visent à illustrer ce que les populations attendent de leurs polices en Europe et dans quelle mesure ces attentes sont satisfaites. Ces données ne donnent pas une idée précise des différences locales, mais elles permettent des comparaisons générales entre pays européens pour ce qui est des demandes et des attentes du public. L’ICVS comprend toute une série de questions, portant entre autres sur les raisons qui poussent à signaler ou à ne pas signaler une infraction à la police, la satisfaction/le mécontentement à l’égard de la police et les besoins ressentis en matière d’aide aux victimes. Il est également demandé aux personnes interrogées d’évaluer la performance de la police (fait-elle du bon travail ?) ainsi que son utilité.

Niveau de satisfaction du public

Les données de l’ICVS révèlent que le niveau de satisfaction du public à l’égard de la police est dans l’ensemble beaucoup plus élevé en Europe occidentale que dans les pays en transition : 54 % des personnes interrogées dans les pays d’Europe occidentale estiment en effet que la police fait du bon travail, contre 23 % seulement dans les pays en transition13. Dans ces derniers, le sentiment que « la police ne fera rien » est par ailleurs beaucoup plus souvent invoqué comme raison de ne pas signaler une infraction.

Si la situation est particulièrement contrastée entre l’Europe occidentale et l’Europe centrale et orientale, il n’en existe pas moins des différences importantes dans l’évaluation de la performance et de l’utilité de la police à l’intérieur de l’Europe occidentale. Ainsi, l’utilité de la police est jugée assez grande en Finlande (85 %) et en Suède (84 %), mais assez faible aux Pays-Bas (43 %) et en Pologne (52 %). Sa performance, jugée très bonne en Écosse (77 %), est considérée comme médiocre au Portugal (45 %), en Pologne (46 %), aux Pays-Bas (52 %) et en Catalogne (53 %)14.

c. Les services de police doivent en particulier être sensibles aux attentes des habitants lorsqu’ils signalent des infractions et s’attacher, autant que possible, à y répondre.

Un facteur très important est à prendre en compte lorsqu’on étudie la relation entre la police et le public : il s’agit des attentes des citoyens lors d’une déclaration d’infraction. L’ICVS donne de précieuses indications sur les principales raisons qui poussent à signaler différents types d’infractions (tableau 3 ci-dessous).
Tableau 3 – Raisons de signaler une infraction à la police15

Type d’infraction

Raison pour la signaler

Agressions sexuelles et autres agressions/menaces

Eviter que les faits ne se répètent

Infractions contre les biens, vols

Besoins d’assistance pour récupérer les biens

Cambriolages ou vols à l’intérieur d’automobiles

Formalité exigée par la compagnie d’assurances

Tous actes confondus

Devoir de prévenir la police, soit parce que l’intéressé estime qu’une infraction comme celle dont il a été victime doit être signalée, soit parce que les faits sont graves
Espoir que les coupables seront arrêtés et sanctionnés

Il n’y a rien d’étonnant à ce que les attentes des citoyens varient selon le type d’infraction dont ils ont été victimes : après une agression grave, on souhaite que son auteur soit arrêté pour qu’il n’en commette pas de nouvelle, tandis que l’on signale un vol dans l’espoir de récupérer les biens disparus ou d’obtenir les documents nécessaires à une indemnisation par la compagnie d’assurances. Plus généralement, le public souhaite que les coupables soient arrêtés et sanctionnés et pense que signaler les infractions à la police est un devoir moral. Il importe par conséquent que les services de police soient conscients des attentes qui sous-tendent les déclarations d’infractions et s’emploient, dans la mesure du possible, à y répondre.

d. Il est essentiel que la police comprenne les motifs de mécontentement de la population et y apporte des solutions appropriées.

L’enquête ICVS est également intéressante parce qu’elle demande aux personnes interrogées de préciser les causes de leur mécontentement à l’égard de la police. Les trois réponses les plus fréquentes sont les suivantes :

Le tableau 4 présente quelques-uns des griefs spécifiques du public dans un certain nombre de pays participant à l’enquête.
Tableau 4 – Griefs selon les pays

Pays

Grief

Catalogne, Angleterre et pays de Galles, Finlande

La police n’a pas manifesté suffisamment d’intérêt

Portugal

Efforts insuffisants de la police

Irlande du Nord

Information insuffisante

Catalogne, Suède

Impolitesse

Suède, Irlande du Nord

Lenteur de l’intervention

S’il n’est peut-être pas pertinent de faire des comparaisons générales entre les pays figurant dans le tableau, ces données ont le mérite de montrer l’importance d’une analyse approfondie des préoccupations propres à chaque pays et des raisons de ces préoccupations. Il sera alors possible de concevoir des stratégies plus efficaces pour répondre aux besoins au niveau local.

Attentes du public en matière d’aide aux victimes

Globalement, les données de l’ICVS révèlent qu’une proportion non négligeable des victimes d’infraction en Europe attendent que la police leur apporte un soutien sous une forme ou sous une autre : une victime de cambriolage sur trois pense que cela lui aurait été utile ; la proportion est encore plus élevée (quatre sur dix) dans le cas des infractions avec contact telles que les agressions. C’est en Catalogne, en Pologne, au Portugal et en Irlande du Nord que les personnes interrogées ont exprimé le plus fortement le souhait d’obtenir davantage d’aide, et au Portugal et en Pologne que les victimes avaient l’impression d’avoir reçu le moins de soutien – ce qui met en évidence l’écart considérable qui existe dans ces pays entre les attentes du public et les services d’aide aux victimes disponibles.

e. La police locale doit être l'acteur essentiel d'une démarche pluri-institutionnelle en faveur de la sécurité locale, reconnaissant que la criminalité et la sécurité sont des facteurs de qualité de la vie, transcendant les barrières juridictionnelles, horizontalement et verticalement à la fois, reconnaissant le rôle capital de l'autorité politique, adaptant les stratégies aux besoins locaux à la lumière d'une analyse approfondie et à l’aide de plans ciblés, étoffant les capacités disponibles et mettant au point des outils et des indicateurs de performance.

La police ne peut prendre en charge à elle seule l’ensemble du contexte macrosocial de la criminalité.

On s’accorde actuellement à reconnaître qu’assurer la sécurité au niveau local requiert un cadre pluri-institutionnel, dans lequel divers organes collaborent entre eux et avec la population pour mettre au point des solutions à des problèmes déterminés (dont certains peuvent ne pas être directement liés à la criminalité), adaptées au contexte local. C’est au Royaume-Uni qu’est née la notion de « partenariat pluri-institutionnel »16, dont le gouvernement britannique encourage l’application depuis une dizaine d’années17. Cependant, des démarches du même type – plus souvent désignées par le terme de « problem-oriented policing » (POP) ou « police axée sur les problèmes » – se sont parallèlement développées en Amérique du Nord, tandis qu’elles gagnaient également du terrain dans d’autres pays européens18.

Dans cette optique, la police et ses partenaires locaux deviennent des co-acteurs de la prévention de la criminalité et de la sécurité publique. La formule du partenariat permet de coordonner les compétences et de mettre en commun les informations et les ressources. Elle doit être « privilégiée, car elle permet une approche globale de la criminalité, axée sur les problèmes au lieu d’être dictée par une structure administrative » 19. Ces dispositifs bénéficient généralement des financements des gouvernements centraux. L’approche pluri-institutionnelle vise essentiellement à optimiser la contribution de tous les partenaires clés à la prévention de la criminalité et à la sécurité de la collectivité et à donner à la population locale la possibilité de contribuer au processus. Elle reconnaît qu’« il n’est pas bon que la police s’approprie le problème de la criminalité, et avec lui l’information sur la criminalité et les troubles à l’ordre public »20. Il est par ailleurs de plus en plus largement admis que les questions relatives à la sécurité publique doivent être envisagées de manière globale, ce qui implique un certain partage de la responsabilité à l’égard de la qualité de vie de la collectivité et des individus.

Les autorités locales, la police, les services de probation, les autorités compétentes en matière de santé et d’éducation, les ONG et d’autres organes locaux, ainsi que les citoyens, ont chacun un rôle important à jouer au sein de ces partenariats.

Quelques exemples d’approche pluri-institutionnelle

Belgique

L’organisation actuelle de la police en Belgique fait l’objet d’une loi de 1998 et est la concrétisation d’un accord signé la même année entre tous les partis politiques de la majorité et quatre partis démocratiques de l’opposition. Accord pris après que des commissions parlementaires, telles que celles après l’affaire des « tueurs du Brabant Wallon » et l’affaire « Dutroux », aient mis en évidence que les structures n’étaient plus adéquates pour exécuter les nombreuses missions de police de la façon la plus performante. L’objectif était de fournir une police plus proche des citoyens et de leurs attentes, articulée autour de deux niveaux de police autonomes mais travaillant de manière intégrée et assurant une meilleure circulation et gestion de l’information.

Dans la nouvelle organisation le législateur s’est appliqué à mieux définir les missions des services de police et à décrire de manière précise les compétences octroyées aux fonctionnaires de police pour l’exercice de leur mission.

Les textes légaux insistent encore sur le principe de solidarité et subsidiarité entre services de police et sur la fonction de proximité de la police locale. Différentes circulaires décrivent les principes à appliquer, notamment en ce qui concerne le modèle choisi de « community policing » et l’importance du partenariat dans une gestion de politique de sécurité intégrale qui tient compte de trois angles d’incidence (l’insécurité objective ou de fait, l’insécurité subjective ou le sentiment d’insécurité et les risques d’insécurité).

Depuis 1992, la Belgique connaît les « commissions communales de prévention et de sécurité » composées de citoyens, de représentants du monde politique, associatif, judiciaire, policier, et des ministères concernés qui se réunissent une plusieurs fois par an afin de débattre des problèmes de sécurité.

A Charleroi, le développement du partenariat entre la police locale, la police fédérale, les autorités judiciaires, les services du « contrat de prévention et de sécurité », les associations de commerçants, les comités de quartiers, la population et les médias ont permis une réduction importante de la criminalité violente (vécue surtout en 2000 et début 2001) et de la criminalité urbaine même si cette réduction est moins spectaculaire.

Plus de la moitié des municipalités néerlandaises mettent en place leur propre politique de sécurité publique pour apporter une réponse directe aux questions locales. Afin de mener à bien cette politique, c’est la municipalité qui se charge de ‘diriger les opérations’ en déployant un certain nombre d’‘acteurs’, notamment la police et les partenaires sociaux (entreprises, secteurs de l’hôtellerie et de la restauration, établissements scolaires, associations de logement, etc.).

En Hollande, l’activité policière repose sur un élément essentiel, la ‘chaîne de coopération’ : quartier => école => police => services chargés de faire respecter la loi, etc. A Amsterdam, un modèle ‘à quatre composantes’ a été mis en place : police de ‘proximité’ ; police criminelle ; police de sécurité publique et police de contrôle.

Le pays a connu des expériences positives de mise en œuvre de projets pour la sécurité qui associent le public et d’autres partenaires au sein des quartiers, en ayant recours par exemple à des groupes de vigilance comme celui “des pères marocains”. L’objectif est de stimuler l’engagement local en faveur de la sécurité dans les quartiers, la communication et le respect mutuel.

Norvège

Le gouvernement et les ministères norvégiens attachent aujourd’hui davantage d’importance à la coopération inter-professionnelle et inter-institutionnelle pour la prévention de la criminalité. Aux termes de la loi relative à la police, cette dernière est chargée de coopérer avec d’autres organes pour prévenir le développement de la criminalité. L’objectif d’une structure inter-institutionnelle est de coordonner l’action des différents intervenants ainsi que de définir des objectifs précis pour prévenir la criminalité dans la collectivité locale et améliorer l’efficacité et la qualité de cette prévention. Les directives de la police citent les services de protection de l’enfance, les établissements scolaires et les services sociaux en particulier comme partenaires importants pour une coopération avec la police.

L’Unité norvégienne de prévention de la criminalité (KRAD) a fait l’expérience d’une coopération inter-institutionnelle par le biais du concept ‘SLT’ (coordination des mesures locales de prévention de la criminalité). Cette expérience a permis d’identifier plusieurs éléments essentiels pour la conception et la mise en place de la coopération SLT, à savoir notamment :

Royaume-Uni

En application de la loi sur la prévention de la criminalité et des troubles à l’ordre public (Crime and Disorder Act, 1998), les services de police locaux et les autorités de police collaborent avec d’autres intervenants tels que la municipalité, les services de probation, les services sanitaires, éducatifs et sociaux, les entreprises locales et la population locale dans son ensemble dans le cadre de partenariats (CRDP : Crime and Disorder Reduction Partnerships). Par exemple, les établissements scolaires, les services du conseil local et la population devraient être associés à la lutte contre la délinquance juvénile pour traiter l’ensemble des problèmes rencontrés par les jeunes et offrir à ces derniers les perspectives qu’ils sont en droit d’attendre. Au lieu de s’attaquer simplement à la criminalité liée à la drogue, la police devrait travailler avec les services de santé et de probation dans le cadre d’équipes de lutte contre la drogue (DAT : Drug Action Teams), afin de combattre la toxicomanie et de faire ainsi disparaître l’incitation à commettre des infractions pour acheter de la drogue. La responsabilité de l’établissement de ces partenariats incombe conjointement à la police et aux autorités locales. Aux termes de la loi, les partenariats sont tenus de procéder à un diagnostic de la criminalité dans les quartiers, de consulter la population, d’élaborer des stratégies locales définies à partir des résultats de ce diagnostic et de cette consultation, de les mettre en œuvre et d’en assurer le suivi21.

En vertu de la loi sur la prévention de la criminalité et des troubles à l’ordre public, les partenariats ont deux missions : la consultation et l’action. Ils établissent à cette fin des réseaux formels et informels s’appuyant sur divers canaux de communication : oraux, écrits et électroniques. Dans la pratique, cette communication ne va pas sans difficulté : la collaboration entre plusieurs organes ayant des approches et des préoccupations différentes est inévitablement source de problèmes. La question centrale et donc de savoir comment gérer efficacement ces multiples structures et acteurs. Les conflits d’idéologies, d’objectifs et de missions font souvent partie de la réalité du travail en partenariat22. D’autres problèmes sont communs à tous les partenariats : proportion élevée de discussion par rapport à l’action, délais excessifs entre la décision d’agir et l’action proprement dite, attitude plus ou moins favorable des administrations locales à l’égard du travail en partenariat23.

f. La police doit être comptable de ses actes et responsable devant la collectivité, sensible aux besoins locaux et à même de trouver des solutions applicables à l’échelon local.

Cette responsabilité est renforcée par la participation de la police à un partenariat reposant sur la confiance mutuelle, la communication et les valeurs partagées et par une interaction, une critique et une discussion régulières24. Il est nécessaire de faire en sorte que des mécanismes soient mis en place pour permettre au public de poser des questions et de surveiller dans quelle mesure les services de police locale répondent aux besoins identifiés. En outre, des efforts doivent être faits pour éviter une influence excessive des hommes politiques locaux ou autres groupes d’intérêt spécifiques.

Quelques exemples :

Belgique

La nouvelle police inscrit ses actions, ses priorités et les moyens qu’elle y consacre dans le respect de plans de sécurité qui sont autant d’ouvrages de référence pour elle-même comme pour les autorités et les citoyens. Ces plans de sécurité sont complétés par les plans d’actions qui décrivent plus concrètement les objectifs, les moyens, les indicateurs de mesure et les actions auxquelles chaque partenaire s’engage.

Dans chaque zone de police est instauré un conseil zonal de sécurité au sein duquel est organisée une concertation systématique entre le Bourgmestre, le Procureur du Roi, le chef de corps de la police locale et le directeur coordinateur et administratif pour l’arrondissement de la police fédérale. Cette concertation est organisée plus ou moins fréquemment selon la taille des zones. Les missions de ce conseil zonal sont la discussion et l’acceptation du plan zonal de sécurité, la promotion et la coordination optimale de l’exécution des missions administratives et judiciaires des deux niveaux de police et l’évaluation de l’exécution du plan zonal de sécurité. Ce qui veut dire que le chef de la police, responsable de l’exécution de la politique policière locale, doit officiellement et régulièrement rendre compte sur la manière dont les priorités ont été fixées et le travail policier régulier réalisé et donner une réponse pertinente à toutes les questions concernant le travail policier.

C’est dans cet esprit que sont conçus les plans zonaux de sécurité. Ils doivent être le résultat d’un processus efficace de préparation, de définition, d’exécution et d’évaluation de la politique policière. Outre l’utilisation de données statistiques, la rencontre et le questionnement de la population est nécessaire à la connaissance de ses besoins. A l’initiative du Ministère de l’Intérieur une enquête téléphonique est organisée régulièrement pour identifier les infractions les plus dérangeantes et tenter de connaître le degré du sentiment d’insécurité de la population ainsi que de la satisfaction qu’elle a du traitement des problèmes par les services policiers.

A Charleroi sont organisées par quartiers, des soirées qui regroupent : le Bourgmestre, les policiers de quartier, les services de l’administration communale et du « contrat de sécurité et de prévention » et la population qui y habite.

La proximité pouvant s’exprimer dans l’espace, dans le temps et dans la nature de la relation avec la population, chaque zone de police doit organiser l’accueil de la population dans un ou plusieurs postes de police (au moins un par commune) au minimum 12 heures par jour par du personnel formé à l’écoute et assurer un service d’intervention urgente 24/24 heures. Dans les zones plus importantes, l’accueil est organisé 24/24 heures.

Des services d’aide aux victimes chargés d’accueillir, aider ou orienter les personnes vers des agences plus spécialisées existent dans chaque arrondissement judiciaire et dans les zones de police locale.

Pays-Bas

Le maire qui est le responsable administratif de la police régionale doit rendre compte au conseil municipal. La police rend publics ses résultats et en particulier ceux des études qu’elle réalise. Des audits et des inspections/comparaisons avec d’autres forces de police et d’autres organisations sont également menés.

Satisfaire les besoins locaux est une priorité de l’activité policière ; bon nombre de ces besoins seront très spécifiques au contexte et influencés par les conditions socio-économiques dans lesquelles ils se font jour. Pour certaines forces de police traditionnellement centralisées, ceci peut causer des tensions entre les objectifs définis par les gouvernements et les institutions (souvent fondés sur les statistiques officielles sur la criminalité) et les besoins particuliers des collectivités. Ainsi, l’objectif national consistant à réduire les infractions liées aux automobiles peut ne pas être adapté à une collectivité où le taux de ces infractions est faible, mais qui est confrontée au problème particulier des conflits interethniques.

En outre, l’élaboration de solutions pour résoudre des problèmes particuliers doit également tenir compte du contexte dans lequel elles doivent être mises en oeuvre. Il ne fait aucun doute que des leçons peuvent être tirées de l’expérience des autres et des initiatives menées ailleurs avec succès, mais bon nombre devront être adaptées au contexte socio-économique dans lequel elles doivent être exploitées. Par exemple, l’utilisation des technologies de surveillance telles que la télévision en circuit fermé peut être parfaitement acceptable dans certaines collectivités, mais pour d’autres, elle peut être considérée comme totalement inappropriée et portant atteinte aux libertés.

Norvège

L’instauration de liens étroits avec les populations locales est considérée comme revêtant une importance particulière dans l’action policière en Norvège. Il est possible d’associer le public à la définition de priorités et à la résolution des problèmes par le biais de groupes de vigilance, de canaux de communication citoyens-police et police-citoyens (‘sondages de voisinage’, stages pour les citoyens, etc.).

Il existe un réseau de services pour répondre aux besoins de certains membres particulièrement vulnérables de la population. Par exemple, les services consultatifs pour les victimes d’infractions, qui sont des organisations locales inter-professionnelles/inter-institutionnelles, fournissent un soutien, des conseils et des orientations pratiques aux individus qui ont été victimes d’infractions, ainsi qu’à leurs proches, leurs amis et leurs collègues et à toute autre personne qui a été touchée d’une manière ou d’une autre par l’incident. Ces services sont surtout assurés dans les grandes agglomérations et proposent une assistance gratuite aux victimes d’infractions. Les services consultatifs visent également à améliorer la situation à long terme des victimes d’infractions en créant un réseau de partenaires compétents dans le but de sensibiliser le public aux problèmes rencontrés par les victimes d’infractions et d’aider celles-ci à obtenir l’assistance dont elles ont besoin.

Dans les années 1990, la police de proximité est devenue une question importante, caractérisée notamment par une approche à petite échelle, la priorité donnée à la prévention de la criminalité, la coopération avec d’autres partenaires et la participation du public à la définition des questions sur lesquelles la police doit concentrer ses efforts. Les policiers sont souvent connus personnellement de nombreux habitants des quartiers où ils sont affectés et des membres des groupes cibles et les policiers travaillant en contact direct avec la population et davantage responsabilisés sont généralement convaincus du bien-fondé de ce concept.

Il est reconnu que les questions de sécurité ne relèvent pas de la seule responsabilité de la police, mais de l’ensemble de la société. Les questions de sécurité sont abordées en associant la population à la résolution des problèmes qu’elle rencontre, en proposant des plates-formes de quartier et en mettant en place des plans de sécurité des quartiers. Il est primordial de bien connaître la situation locale pour pouvoir s’attaquer à la question de la criminalité. Les autorités locales, les autorités chargées du logement et les habitants appartenant à des groupes ‘d’inspection de quartiers’ réfléchissent aux problèmes locaux.

Royaume-Uni

Ces dernières années, la police au Royaume-Uni a subi des pressions contradictoires en raison de la nécessité de s’adapter à la fois aux exigences du gouvernement central et aux besoins des citoyens au niveau local. Il existe désormais un certain nombre de mécanismes qui permettent de favoriser la responsabilité locale en principe, bien qu’il soit largement reconnu que de nombreuses améliorations restent à apporter.

Les autorités de police locale font partie de la structure tripartite de la responsabilité de la police telle que mentionnée ci-dessus. En tant qu’organes élus localement, elles constituent une composante essentielle de la responsabilité locale et exigent du chef de la police et des agents qu’ils rendent compte de leur capacité à fournir des services de police locaux, en consultant par exemple les collectivités locales. Toutefois, certains avancent que la capacité des autorités de police à fonctionner en tant qu’organes représentatifs élus localement a récemment diminué, à la suite de réformes du gouvernement central donnant la priorité à un service de police qui soit réellement effectif et efficace25.

La tendance croissante à répartir les compétences en matière de service de police entre de multiples acteurs peut également avoir des conséquences sur la responsabilité locale. Ces acteurs peuvent être responsables plus directement envers les collectivités dans lesquelles ils exercent leurs fonctions26. Parallèlement, la ‘multiplication’ des intervenants (recours à des auxiliaires de sécurité ou à des gardiens de quartier dans certains cas) peut accentuer encore davantage l’éclatement de la fourniture de services de police27. Par ailleurs, on considère que les partenariats pour la lutte contre la criminalité et les troubles à l’ordre public peuvent améliorer la coordination locale des activités de police et de sécurité dans la collectivité28. La consultation peut en particulier être considérée comme un moyen potentiellement important de garantir la responsabilité locale, bien que jusqu’à présent, des éléments démontrent que la réussite des mécanismes de consultation est mitigée29.

Le ministère de l’Intérieur a récemment annoncé son intention ‘… de clarifier et de renforcer les modalités en matière de responsabilité dans un certain nombre de secteurs – le service de police en soi, les autorités de police et le travail d’autres partenaires qui contribuent à la sécurité des populations’30. Cet objectif doit être atteint en élaborant une approche ‘partant de la base’ ; les conseils de quartier (composés de bénévoles de la collectivité locale, de représentants de comités de vigilance, d’auxiliaires de police, de gardiens de quartier, de représentants d’associations locales de locataires et autres structures associatives locales concernées par les questions de sécurité locale), le travail en partenariat et les autorités de police joueront un rôle clé dans le cadre de cette approche.

En ce qui concerne la transparence de la police, la quantité d’informations sur ses activités mises à la disposition du public a augmenté et un certain nombre de mécanismes renforcent la transparence des procédures de police. La plupart des forces de police alimentent des sites Internet avec des informations sur leur organisation, leurs activités et leurs résultats au niveau local et diffusent des bulletins d’information présentant leurs activités. Toutes les forces de police élaborent un rapport annuel sur leurs activités, qui est rendu public. Certes, le développement des technologies de l’information et le renforcement de la responsabilité de la police locale ont tendance à favoriser une plus grande transparence, mais la réticence traditionnelle de certaines forces à partager des informations ainsi que le manque de fiabilité et l’inexactitude de certaines des données produites peuvent aller à l’encontre de cet objectif. En outre, une trop grande quantité d’informations ou de mauvaises informations pourraient s’avérer inutiles et déroutantes pour le public31.

Certains avancent que l’importance croissante accordée à la consultation ces dernières décennies a permis de mieux répondre aux besoins locaux en Angleterre et au pays de Galles32. La consultation n’est pas seulement un moyen d’expliquer ce que fait la police mais peut aussi être utilisée pour détecter les problèmes et les préoccupations de la population locale. Au Royaume-Uni, la police a mis en place des comités consultatifs depuis 20 ans. Une approche plus récente consiste à consulter le public sur les projets en matière d’action policière pour contribuer à la mise en place d’un programme d’action local, mais des préoccupations ont été exprimées sur le risque de voir passer au second plan ces consultations locales, en raison de l’influence grandissante d’un programme national définissant les missions de la police33.

Le rapport Patten (1999) sur le maintien de l’ordre en Irlande du Nord propose la mise sur pied de conseils de partenariat locaux visant à contribuer aux stratégies locales de police et à aider la police à planifier la fourniture de services locaux34. Les réunions organisées au niveau local entre les policiers et les autorités de police sont également considérées comme un moyen de veiller à ce que la police locale soit plus proche des populations locales et plus attentive à leurs besoins35.

Les nouvelles technologies de l’information permettent parfois de mieux répondre aux besoins de groupes particuliers. Par exemple, l’informatisation des dossiers permet à la police de fournir de meilleurs services aux victimes en leur communiquant plus rapidement des informations sur l’état d’avancement de leurs affaires36.

g. La police doit faire appel à des sources diversifiées pour recueillir des informations sur les besoins et les préoccupations des habitants, et en tenir compte pour décider de l’action à mener.

Pour pouvoir prendre les bonnes décisions, il est impératif d’avoir une solide base de connaissances, faute de quoi toute tentative d’amélioration risque d’être inadaptée et mal comprise. Grâce aux récentes évolutions des technologies de l’information, les services de police locale ont maintenant la possibilité sans précédent de recueillir et de partager des informations. Les organisations sont maintenant en mesure de comprendre de manière détaillée des problèmes très spécifiques en matière de criminalité et de sécurité. Actuellement, plusieurs Etats membres de l’UE utilisent un certain nombre de méthodes et d’outils analytiques pour collecter et traiter des informations : 37
· analyses des parties prenantes dans le cadre desquelles tous les partenaires principaux et secondaires peuvent être identifiés, que ce soit à des fins générales ou pour traiter des problèmes spécifiques ;
· analyse de la criminalité à partir des données des systèmes informatiques de la police, soit pour aider à la sélection des problèmes à résoudre en priorité soit pour permettre un dialogue direct avec d’autres autorités et des groupes de citoyens ;
· enquêtes auprès de la population (y compris des victimes) fournissant des informations sur les problèmes locaux et les relations entre les institutions et le public, notamment la qualité du service fourni par des organisations telles que la police ;
· services d’assistance téléphonique permettant au public de contacter la police de manière anonyme ;
· réunions qui rassemblent de manière formelle et informelle des institutions et des citoyens pour partager des informations.

Belgique

La préparation de la politique policière à suivre comprend deux phases : le scanning et l’analyse. Les diverses banques de données existantes sont scannées d’une manière systématique. Les diverses données sont répertoriées afin de détecter les phénomènes récurrents dans le temps aussi bien que dans l’espace. Vient en suite l’analyse du résultat du scanning qui se présente sous forme de simples chiffres et dont il est impossible d’en déduire directement la politique policière à suivre. Une bonne contextualisation et une approche plus analytique par phénomène sont nécessaires. Outre la fréquence des problèmes, une approche plus analytique de leur gravité, des dégâts sociaux causés, de l’importance que les autorités y accordent sur le plan politique, de la possibilité de contrôler les causes permet de déterminer les priorités.

Chaque police zonale alimente une banque nationale de données et reçoit, à sa demande et à la fréquence voulue, l’évolution quantitative et/ou spatio-temporelle des phénomènes criminels qui la concernent. Une analyse plus pointue sur les caractéristiques (profil d’auteur, mode opératoire, profil de victime) peut également être obtenue pour mieux cibler les actions préventives ou répressives des services de police et de leurs partenaires. Cette banque nationale de données criminelles est gérée par la police fédérale et les analyses sont fournies par ses services arrondissementaux.

Pays-Bas

La police réalise des « sondages » de voisinage afin de rassembler des informations sur les problèmes que rencontrent les gens dans le quartier. La participation et l’engagement des collectivités locales (« gemeente ») sont considérés comme important.
La police cherche à obtenir une vue de l’intérieur pour développer une police de proximité, et à recueillir des informations et un savoir sur les conséquences de cette méthode en termes de contacts avec les partenaires extérieurs et de perception de la sécurité dans le quartier. Il est prévu de mener des recherches sur les effets de la police de proximité, mais il faut encore définir ce qui doit être évalué : le sentiment de sécurité dans les quartiers, le recours aux connaissances des habitants du quartier dans les enquêtes en matière criminelle ou une plus grande accessibilité/proximité de la police.

Norvège

L’action policière axée sur les problèmes (POP) est considérée comme un élément essentiel de la stratégie policière en Norvège. La « Stratégie pour une action policière préventive 2000–2005 » met fortement l’accent sur l’utilisation de ce modèle.
La POP part du principe que l’expertise et les ressources policières sont trop fréquemment mobilisées après que l’infraction a été commise et que l’attribution des ressources est axée sur les enquêtes et les poursuites pénales plutôt que sur la prévention des infractions. L’approche POP est considérée comme une méthode permettant à la police de prendre des mesures contre les causes de la criminalité et l’insécurité. Le but stratégique est de faire en sorte que toute l’organisation du travail de la police soit axé sur la prévention et soit moins tourné vers les infractions, en vue de faire baisser la criminalité et d’améliorer le climat de sécurité. La POP se fonde sur une analyse des problèmes que l’on peut résumer de la façon suivante :

Un exemple de « police alimentée par le renseignement » est la stratégie visant à réduire la criminalité liée à l’alcoolisme dans les villes, qui implique de déterminer les différents « acteurs » concernés par le problème (restaurants, compagnies de taxis, collectivités locales, citoyens, organisations non gouvernementales, etc.), de les sensibiliser au problème et de prendre les mesures appropriées avec les autres parties intéressées.

Royaume-Uni

Grâce à l’élaboration de nouvelles approches en matière d’action policière, telles que l’approche POP et l’action policière alimentée par le renseignement (intelligence-led policing ou ILP) visant à accroître l’efficacité et l’utilité de la police, l’utilisation des informations pour fixer des objectifs et classer les activités par ordre de priorité est devenue de plus en plus importante pour l’action de la police au Royaume-Uni. Ces nouvelles approches s’appuient largement sur l’utilisation des outils analytiques et des technologies de l’information pour concevoir des stratégies policières.

L’approche POP a pour objectif de traiter systématiquement les problèmes pertinents qui se posent dans la collectivité, de détecter et de comprendre les problèmes ainsi que de trouver des réponses adaptées à partir de cette analyse38. L’activité policière alimentée par le renseignement consiste à ‘mener des actions policières concrètes de manière plus avisée, en faisant appel aux technologies de l’information les plus avancées et à des méthodes modernes’ et nécessite de dresser un tableau détaillé de la criminalité afin de s’y attaquer plus efficacement39.

Des approches reposant sur les technologies de l’information, et en particulier l’approche POP, peuvent être utilisées pour donner une vision plus claire des besoins locaux. Par exemple, une initiative POP menée dans le Surrey repose sur le concept selon lequel les ‘problèmes que connaît la région seront analysés attentivement par les policiers locaux, en étroite collaboration avec les habitants, afin de mieux adapter le cadre policier fondamental aux besoins de la population locale’40.

Cependant, la mise en œuvre de l’approche POP et de l’approche policière alimentée par le renseignement se heurte à divers problèmes culturels, analytiques/cognitifs, organisationnels et autres41. Une préoccupation commune à propos de l’approche POP est la nécessité de dispenser une formation spécialisée aux policiers concernés. D’autre part, dans la pratique, la population locale et les différents acteurs institutionnels (autorités locales, établissements scolaires, hôpitaux, services publics, entreprises locales et groupes sociaux, services de sécurité sociale et autres) ne sont pas toujours associés comme ils le devraient à cette démarche42.

Malgré les difficultés, la généralisation des démarches telles que l’approche POP qui reposent sur l’utilisation de l’information pour élaborer des stratégies locales, semble augurer d’un certain nombre d’améliorations en termes d’activités policières locales, car ces démarches mettent l’accent sur la résolution des problèmes au niveau de la collectivité, sur l’étude approfondie des situations et sur la compréhension du contexte local ainsi que sur la recherche de solutions adaptées.

h. Réduction de la peur de la criminalité.

La police locale est bien placée pour contribuer à réduire la peur de la criminalité.

Voici un exemple de méthodes ayant fait leurs preuves : contacts réguliers avec les médias pour garantir une couverture plus pondérée de la santé sociale d’une communauté, sans exagérer la gravité ou la fréquence des actes de délinquance.

Les conseils consultatifs de voisinage jouent un rôle important ; en effet, ils sont en mesure de prendre le pouls d’une communauté en s’assurant non seulement que les problèmes sont circonscrits, mais aussi en les ramenant à leurs justes proportions et en leur trouvant des solutions.

En tant que membre de confiance de la communauté, la police locale peut également décider d’organiser des réunions avec des travailleurs sociaux et d’autres personnes dont l’action touche directement à la communauté, notamment celles travaillant dans des quartiers difficiles.

i. La police locale doit avant tout assurer la protection des droits de l'homme.

Le respect des droits de l’homme doit être le fondement de l’action de la police locale.
La question du respect et de la protection des droits de l’homme dans le travail des services de police a pris une importance croissante au cours de la dernière décennie. Cela est dû en partie à la diversité de plus en plus grande des communautés vivant en Europe, et à l’émergence d’un ensemble de lois internationalement reconnues qui offre désormais une plus grande protection à l’individu et rend les organisations de plus en plus responsables de leurs actes.

En 1997, la Direction générale des droits de l’homme du Conseil de l'Europe a lancé le « Programme Police et droits de l’homme 1997-2000 » dans le but de sensibiliser les services de police de toute l’Europe aux normes relatives aux droits de l’homme. Il a été reconnu que, même si la question des droits de l'homme en matière policière constitue, en elle-même, un thème ancien, la traduction de la théorie de la protection des droits de l'homme en une série d'outils pour la pratique quotidienne demeure un défi requérant une attention considérable. Le Programme reconnaît que, chaque fois que la police « enquête sur des crimes présumés, chaque fois qu’elle exécute des décisions judiciaires et chaque fois qu’elle est en contact avec les citoyens au service desquels elle travaille, sa conduite symbolise la façon dont les droits de l’homme sont respectés et protégés dans chaque pays ».43 Il importe donc de souligner le fait que chaque policier doit connaître et comprendre à la fois les normes internationales relatives aux droits de l’homme et les dispositions légales de son propre pays en la matière, et comprendre comment celles-ci doivent être appliquées dans son travail quotidien et son interaction avec les citoyens.

Belgique

Chaque intervention de la police doit reposer sur une base légale et respecter des règles déontologiques. Les valeurs liées au métier de policier belge sont les suivantes :
- respecter et s’attacher à faire respecter les droits et libertés individuels ainsi que la dignité de chaque personne, spécialement en s’astreignant à un recours à la contrainte légale toujours réfléchi et limité au stricte nécessaire
- être loyal envers les institutions démocratiques
- être intègre, impartial, respectueux des normes à faire appliquer et avoir le ens des responsabilités
- être animé et faire montre d’un esprit de service caractérisé par :

- Promouvoir les relations internes fondées sur le respect mutuel et contribuer au bien être sur les lieux de travail.

C’est important parce que la police dispose du « monopole de la contrainte légitime » par son droit de fouille ou d’arrestation par exemple. La surveillance de la police est exercée par différents organes de contrôle. L’Inspection Générale de la police fédérale et de la police locale et le comité permanent de contrôle des services de police (en abrégé Comité P) sont les plus importants.

L’Inspection Générale relève des ministres de l’Intérieur et de la Justice et exerce une surveillance sur le fonctionnement de la police, en particulier sur l’exécution des lois, règlements et sur l’efficacité des services de police. Ses membres peuvent intervenir d’initiative ou à la demande des autorités compétentes.

Le Comité P relève du Parlement et n’a pas de fonction disciplinaire. Il poursuit deux objectifs :
- garantir la protection des droits que la constitution et la loi confèrent aux personnes
- assurer la coordination et l’efficacité des services de police. Il vérifie donc si les responsables politiques doivent parfaire, d’une façon ou d’une autre, le fonctionnement des services de police qui relèvent de leur compétence ou si des modifications de la législation applicable aux services en question doivent être apportées.

Il effectue si nécessaire des enquêtes de contrôle.

Pays-Bas

A Amsterdam, il existe une commission indépendante chargée de l’inspection des cellules de police. Ses membres ont le droit de s’entretenir avec toute personne détenue dans une cellule de police et leurs rapports sont rendus publics. La Commission des plaintes de la police est un service de conseils indépendant qui traite les plaintes déposées par des civils.

Norvège

La Direction de la police a élaboré un guide sur les valeurs fondamentales, les règles morales et l’éthique à l’intention des forces de police norvégiennes. Il a pour but d’aider la police locale dans ses efforts de sensibilisation à la déontologie. Aux fins de prévention, le document définissant la politique du personnel au sein des forces de l’ordre contient des principes éthiques pour l’exercice des fonctions des policiers. Ces principes éthiques mettent l’accent sur le fait que les policiers doivent :

Royaume-Uni

La Loi relative aux droits de l’homme (Human Rights Act) a été adoptée au Royaume-Uni en 1998. L’un de ses principes essentiels est celui de la proportionnalité, ou « la nécessité de trouver un juste équilibre entre la protection des droits individuels et les intérêts de la société au sens large ».44 Cette nouvelle exigence a été incluse dans les programmes de formation de la police, le processus d’évaluation des politiques et pratiques à l’aune d’un cadre éthique et des droits de l’homme et la codification de la prise de décision et des recueils de décisions.45 La réponse de la police vis-à-vis des droits de l’homme a semble-t-il également été renforcée par la suppression de l’immunité de la police et la création de l’obligation légale d’agir d’une manière respectueuse des droits de l’homme.46

La police a réexaminé ses pratiques afin de déterminer celles qui pourraient ne pas être compatibles avec la Convention européenne. Chaque service a désigné un « défenseur » des droits de l’homme – un haut fonctionnaire chargé d’organiser un audit des activités, dont certaines sont source d’inquiétude, notamment les actions de surveillance policière, l’interpellation et la fouille, le recours aux armes à feu et au gaz CS et le maintien de l’ordre public. L’une des conséquences de la Loi relative aux droits de l’homme est l’obligation pour la police d’expliquer et de justifier ses actes d’une manière plus précise qu’auparavant. La police ne peut avoir recours à la force que si cela est absolument nécessaire.47

Bien que les nouvelles dispositions légales constituent la base d’un plus grand respect des droits de l’homme par la police, elles n’entraînent pas de changements automatiques dans la culture et le comportement de cette dernière. Les problèmes de préjugés raciaux et de discrimination persistent et des questions se posent concernant le recours à la force et les politiques d’interpellation et de fouille par la police, malgré les changements positifs survenus dans la culture policière au cours de ces dernières décennies.48 Alors que les réformes actuelles encouragent une pratique policière plus égalitaire et plus juste entre les différentes communautés et promettent une plus grande protection et un meilleur respect des droits de l’homme pour tous, l’effet à long terme de l’approche de l’application des lois axée sur les droits de l’homme au Royaume-Uni reste encore incertain.

j. La police locale doit mener ses activités de sécurité locale de façon proactive, en privilégiant les contacts avec la population et en lui donnant des conseils en matière de prévention de la criminalité.

Belgique

Les services de police municipale peuvent se servir d’un certain nombre de moyens à cette fin, dont la sensibilisation du public et la diffusion d’informations sur la manière dont les citoyens peuvent se protéger eux-mêmes et protéger leurs biens. Cette approche peut aussi être importante en termes de contacts avec des groupes difficiles à atteindre ou des groupes vulnérables, qui prennent rarement d’eux-mêmes des initiatives pour établir des contacts. Même si certains estiment qu’il ne s’agit pas là à proprement parler d’une action policière (courses-poursuites et arrestation de délinquants), cela peut être un élément important pour établir des liens avec la population locale et garantir des niveaux élevés de responsabilité et de transparence.

La prévention des crimes est organisée de plusieurs manières. Certaines villes ont souscrit un « contrat de sécurité et de prévention » obtenant des subsides de l’Etat et libérant des fonds propre pour, par exemple :

- prévenir les délits en informant mieux la population sur les possibilités de la technologie actuelle et en prenant en charge une partie de l’installation
- engager des vigiles pour les parkings
- Coordonner des actions de prise en charge de population toxicomane ou de leur famille
- Coordonner des actions de prise en charge des victimes, …

Les services de police travaillent souvent en collaboration avec ces services dans le cadre de leurs compétences.

Mais la politique du « bleu en rue » est aussi appliquée dans le cadre de la lutte contre la criminalité violente notamment. Les policiers doivent assurer une présence sur le terrain qui soit rassurante pour la population et dissuasive pour les délinquants et veiller à éviter que ne se multiplient les petites infractions qui encouragent le sentiment d’insécurité.

A Charleroi par exemple, un responsable a été désigné pour coordonner des actions de sécurisation quotidienne et d’occupation de terrain, le nombre de patrouilles, de barrages, d’opérations ciblées a été multiplié par cinq grâce à une meilleure gestion des ressources humaines et des adaptations des horaires du personnel.

Une nouvelle organisation du travail en quartier vise à rendre l’inspecteur de quartier plus disponible et plus présent, à allonger les heures d’ouverture des postes de police et à les rendre accessible le week-end, à le faire plus participer à la vie de son quartier afin de mieux le connaître et mieux gérer les conflits naissants.

Pour ce qui concerne la délinquance routière, une piste d’éducation à la circulation routière a été créée et accueille les enfants de toutes les écoles élémentaires de la ville afin qu’ils intègrent les bons réflexes dès le plus jeune âge.

Pays-Bas

La mise en œuvre de la politique de sécurité publique est dans une large mesure une question relevant de la police aux Pays-Bas. La police est le premier point de contact avec les citoyens : les policiers sont présents dans les rues et peuvent donc facilement être abordés, ce qui renforce le sentiment de sécurité du public.
Les conseils en matière de prévention de la criminalité sont prodigués par des équipes de la police de proximité. Certains services de la police proposent un cours intitulé « La police au service des citoyens », qui est un cours sur huit semaines pendant lequel les citoyens peuvent découvrir tous les aspects du travail de la police. Des policiers municipaux parlent de sujets spécifiques comme la drogue, la police de la circulation, les enquêtes criminelles, la prévention, la criminalité de l’environnement, etc. en fonction du contexte et des problèmes locaux. Il est également possible d’observer le travail de la police sur le terrain.

Norvège

La prévention de la criminalité en Norvège dépend beaucoup des conditions locales. Cela signifie que les autorités centrales donnent rarement des instructions ou des directives mais contribuent davantage à la recherche, aux mesures d’incitation et au financement. Le rôle du gouvernement central n’est pas de donner des instructions aux autorités locales quant aux problèmes à résoudre ou à la conduite à tenir en matière de prévention de la criminalité. Cela ne veut pas dire que le gouvernement central ne fait rien, mais plutôt que le principe de l’autonomie locale en matière de prévention de la criminalité est solidement ancré.

Un modèle uniforme d’action en matière de prévention de la criminalité (le « Modèle nordique ») existe dans les cinq pays nordiques, mais l’orientation ainsi que les méthodes employées peuvent varier. Le Modèle nordique se caractérise par une forte interaction avec des secteurs indépendants du système judiciaire et un équilibre entre l’approche sociale et l’approche situationnelle de la prévention de la criminalité. En ce qui concerne la politique sociale, ce modèle vise à lutter contre la marginalisation, en soutenant les personnes socialement vulnérables et en garantissant à tous une égalité de chances en termes d’éducation et de possibilités de gagner sa vie. Il se fonde sur le contrôle social informel, et, comme c’est le cas de la prévention sociale pour les enfants et les adolescents, les citoyens participent activement au travail de prévention de la criminalité. Des efforts sont également déployés pour asseoir les mesures de prévention de la criminalité sur des connaissances/données spécifiques, comme la recherche nationale et internationale, etc. Enfin, le Modèle nordique accorde une haute priorité aux préoccupations de la population en matière de sécurité.

Royaume-Uni

La responsabilité de la prévention de la criminalité incombe au policier chargé de la prévention de la criminalité (CPO, crime prevention officer), dont les tâches incluent les enquêtes sur la sécurité, les conseils aux autorités locales en matière de prévention de la criminalité, des conférences sur la prévention de la criminalité et la protection personnelle, des conseils aux propriétaires de maisons, la diffusion d’ouvrages sur la prévention de la criminalité, la coopération avec les services sociaux chargés des enfants et des adolescents, le soutien des activités des groupes de prévention de la criminalité, etc. Jusqu’à très récemment, la prévention de la criminalité n’était pas considérée comme une priorité dans le travail de la police, et le poste de CPO n’était pas un choix de carrière très prisé dans la police, mais les comportements sont en train de changer avec les approches axées sur la sécurité de la collectivité et le partenariat, où la prévention de la criminalité fait partie intégrante de l’action pour la sécurité de la collectivité. Un nombre croissant de policiers sont détachés auprès des collectivités locales pour aider à coordonner le travail de réduction de la criminalité et de sécurité de la collectivité. Un autre facteur décisif dans ce changement a été l’introduction de l’approche POP, qui oriente la police vers la résolution des problèmes et/ou les causes profondes de la criminalité.49 En conséquence, le point de vue selon lequel la prévention de la criminalité est une tâche policière secondaire est en train de changer. On s’attend désormais à ce que la police prenne les opérations en main, avec les autorités locales, en matière de prévention de la criminalité au niveau local ; il s’agit là d’une transformation considérable dans la conception du rôle de la police, qui passe d’un rôle de lutte contre la criminalité à un rôle de résolution des problèmes, et d’un défi non négligeable pour les dirigeants de la police.

25. Demande aux pouvoirs locaux des pays membres d’encourager leurs autorités
nationales à :

Dans cette partie, la Chambre demande aux autorités nationales de ne pas se borner à créer une police locale mais aussi de définir une structure législative et un code d’usages et de veiller à ce que leur rôle dans la prévention de la criminalité soit reconnu et respecté.

26. Concernant le travail futur du Congrès, demande au Bureau de la Chambre des pouvoirs locaux à :

Dans cette partie, la Résolution évoque quelques points possibles du futur programme de travail sur la police locale de la Chambre – instauration de contacts bilatéraux à des fins de formation ; guide de bonnes pratiques ; soutien d’un travail en réseau des chefs de la police locale ; organisation d’une future conférence / table ronde.

Ces propositions seront examinée en détail par le Bureau et deux Comités.

 

1 Shaw, M. (2001) The Role of Local Government in Community Safety, Bureau of Justice Assistance, Office of Justice Programs, US Department of Justice, Crime Prevention Series, Issue 2, p.XI; le Royaume-Uni est un exemple de pays où la législation introduite récemmment par le gouvernement prévoit que le rôle principal dans le maintien de la sécurité publique incombe aux collectivités locales.

2 Foglesong, S. and Solomon, P. (2001) Crime, Criminal Justice and Criminology in Post-Soviet Ukraine, Issues in International Crime, Washington: National Institute of Justice, Office of Justice Programs.

3 Gilinskiy, Y. (1998) ‘Crime Prevention in Russia: Theory and Practice’, Security Journal, No.11, pp. 109-114.

4 Source: Conseil européen, Comité d’experts (2003) Recueil européen de statistiques relatives à la criminalité et à la justice pénale – 2003, WODC, Hague, London, Paris: Home Office, ESC-école des sciences criminelles. Pour interpréter ces données, il faut prendre en compte plusieurs éléments. La définition de certaines infractions dans plusieurs pays s’écarte de la définition “standard”. C’est un facteur important lorsque l’on compare les taux d’infraction enregistrés d’une pays à l’autre ; certains pays ont indiqué qu’il n’avaient pas de règles écrites  de comptage; le moment où les données sont enregistrées et les règles d’enregistrement des infractions multiples et en série varient d’un pays à l’autre.

5 Foglesong and Solomon (2001) op cit.

6 Conseil de l’Europe (2003) op cit.

7 Ce classement est fondé sur les taux de prévalence moyens calculés à partir des taux de prévalence par pays fournis par l’Enquête internationale sur les victimes des crimes et délits. Les taux de prévalence concernent le nombre de personne victimes d’une ou de plusieurs infraction en un an. Source: Kersteren, J. Mayhew, P. and Nieuwbeerta, P. (2001) Criminal Victimisation in Seventeen Industrialised Countries, Key Findings from the 2000 International Crime Victim Survey, The Hague, WODC.

8 Maguire, M. (1997) ‘Crime Statistics, Patterns and Trends: Changing Perceptions and their Implications’, in: M. Maguire, R. Morgan et R. Reiner (eds.) The Oxford Handbook of Criminology, Deuxième édition, Oxford: Oxford University Press, pp. 135-188.

9 Kersteren et al (2001) op cit.

10 Simmons, J. et Dodd, T. (2003) Crime in England and Wales 2002/2003, London: Home Office.

11 Bradley, R. (1998) Public Expectations and Perceptions of Policing, Home Office Policing and Reducing Crime Unit, Police Research Series Paper 96, London: Home Office.

12 Bradley (1998) ibid.

13 Zvekic, U. (1998) Criminal Victimisation in Countries in Transition, UNICRI Publication N. 61, Rome : UNICRI.

14 Kesteren et al (2001) op cit.

15 D’après van Kesteren et al (2001) ibid.

16 Voir par exemple Blumstein, A. (1986) ‘Coherence, Coordination and Integration in the Administration of Criminal Justice’, in: van Dijk, J., Haffmans, C., Ruter, F., et Schutte, J. (eds.) Criminal Law in Action: An Overview of Current Issues in Western Societies, Arnhem: Gouda Quint; van Dijk, J. (1995) ‘In Search of Synergy: Coalition-Building Against Crime in the Netherlands’, Security Journal, 6, pp. 7-11; Walters, R. (1996) ‘The “Dream” of Multi-Agency Crime Prevention: Pitfalls in Policy and Practice’, Crime Prevention Studies, 5, pp. 75-96.

17 Voir site web du ministère de l’Intérieur du Royaume-Uni : http://www.homeoffice.gov.uk/

18 Scott, M. (2000) Problem-Oriented Policing: Reflections on the First 20 Years, US Department of Justice, Office of Community-Oriented Policing Services, Washington DC: US Department of Justice.

19 Crawford, A. (1998) Crime Prevention and Community Safety, Longman, London et New York, p.10.

20 S. Byrne and K. Pease (2003) ‘Crime Reduction and Community Safety’, in: T. Newburn (ed.) Handbook of Policing, Cullompton: Willan Publishing, pp. 286-310.

21 Source: http://www.audit-commission.gov.uk/comsafe/

22 Crawford, A. (1997) The Local Governance of Crime. Oxford: Clarendon Press.

23 Byrne, S. et Pease, K. (2003) ‘Crime Reduction and Community Safety’, in: T. Newburn (ed.) Handbook of Policing, Collumpton: Willan Publishing, pp. 286-310.

24 Greene, J. (1997) ‘The Case for Community Policing’, Issues of Democracy, USIA Electronic Journal, Vol. 2, No. 4, Retrieved on January 16 2004 from http://usinfo.state.gov/journals/itdhr/1197/ijde/green.htm

25 Jones, T. (2003) ‘The Governance and Accountability of Policing’, in: T. Newburn (ed.) Handbook of Policing, Collumpton: Willan Publishing, pp. 603-627.

26 Johnston, L. and Shearing, C. (2002) Governing Security: Explorations in Policing and Justice. London: Routledge.

27 Jones, T. (2003) et al.

28 Crawford, A. and Lister, S. (2003) ‘Plural Policing: Policing Beyond the Police in England’. Paper presented at the Canadian Law Commission Conference, ‘In search of security’, Montreal, 20 February.

29 Bowling, B. and Philips, C. ‘Policing Ethnic Minority Communities’, in: T. Newburn (ed.) Handbook of Policing, Collumpton: Willan Publishing, pp. 528-555.

30 Home Office (2003) Policing: Building Safer Communities Together. Retrieved on 5 January 2004 from: http://www.policereform.gov.uk/docs/buildingsafercommconsult.pdf

31 Jones, T. and Newburn, T. (1997) Policing after the Act: Police Governance after the Police and Magistrates’ Courts Act 1994. London: Policy Studies Institute.

32 Jones, T. and Newburn, T. (2001) Widening Access: Improving Relations with ‘Hard to Reach Groups’. London: Home Office.

33 Neyroud, P. (2003) Policing and Ethics, in: Newburn, T. (ed.) Handbook of Policing, Collumpton: Willan Publishing, pp. 578-602.

34 Neyroud, P. (2001) Public Participation in Policing. London: Institute of Public Policy Research.

35 Neyroud, P. (2001) Ibid.

36 Chan, J., Brereton, D., Legosz, M. and Doran, S. (2001) e-Policing: The Impact of Information Technology on Police Practices. Brisbane: Criminal Justice Commission.

37 The Council of the European Union (2003) Community policing – Best practice concerning neighbourhood and community policing, ENFOPOL 19, Brussels: Council of Europe, 20 March.

38 Tilley, N. (2003) ‘Community Policing, Problem-Oriented Policing and Intelligence-Led Policing’, in: Newburn, T. (ed.) Handbook of Policing, Collumpton: Willan Publishing, pp. 311-339.

39 Tilley, N. (2003) ibid.

40 Leigh, A., Read, T. and Tilley, N. (1996) Problem-Oriented Policing. Brit.POP. Crime Detection and Prevention Series, Paper 75, Home Office, p.12.

41 Read, T. and Tilley, N. (2000) Not Rocket Science: Problem-solving and Crime Reduction. Crime Reduction Research Series Paper 6. London: Home Office; Maguire, M. and John, T. (1995) Intelligence, Surveillance, and Informants: Integrated Approaches. Crime Prevention and Detection Series Paper 64. London: Home Office.

42 Leigh et al (1996) op cit.

43 Conseil de l'Europe, Programme Police et droits de l’homme –Au-delà de l’an 2000, extrait le 16 janvier 2004 de http://www.coe.int/T/E/Human_Rights/Police/

44 Starmer, K. (1999) European Human Rights Law: The Human Rights Act 1998 and the European Convention on Human Rights. London: Legal Action Group, p.169.

45 Neyroud (2003) op cit.

46 Neyroud (2003) ibid.

47 BBC News Friday (2000), Human Rights: Are the police prepared? 6th October.

48 Bowling, B. and Philips, C. ‘Policing Ethnic Minority Communities’, in: T. Newburn (ed.) Handbook of Policing, Collumpton: Willan Publishing.

49 Goldstein, H. (1990), Problem-Oriented Policing. New York: McGraw-Hill.