La participation de la population aux affaires et élections locales - CPL (12) 10 Partie II

Rapporteur: Anders KNAPE, Suède,
Chambre des pouvoirs locaux, Groupe Politique : PPE/DC

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EXPOSE DES MOTIFS

1. REMARQUES PRÉLIMINAIRES :

1.1 Au niveau local, la démocratie s'exerce principalement par le biais d'élections libres et équitables lors desquelles les citoyens d'une localité choisissent parmi plusieurs candidats ceux qui représenteront leurs intérêts dans les conseils locaux. Il existe une grande diversité à la fois dans les systèmes électoraux et dans l'organisation institutionnelle des collectivités locales. Certains pays pratiquent un système pluraliste ou du candidat le mieux placé ; d'autres ont adopté une version de la représentation proportionnelle ; dans certains cas, le système est un hybride du pluralisme et de la proportionnelle. Parfois, le maire ou président du conseil est directement élu par la population ; dans d'autres, il ou elle est élu par le conseil voire, dans un petit nombre de cas, nommé par le gouvernement central. L'organisation institutionnelle varie également ; dans certains cas l'assemblée élue et l'exécutif sont séparés, dans d'autres ils sont associés. Dans les conseils où l'assemblée élue et l'exécutif sont confondus, les travaux du conseil peuvent être menés sur le modèle d'une commission. Dans certains pays, des personnes non élues peuvent aussi siéger au sein des commissions ou conseils. Mais quel que soit le système électoral ou l'organisation institutionnelle, les principes fondamentaux de la démocratie libérale au niveau local sont les mêmes : les citoyens choisissent, dans le cadre d'élections ouvertes et équitables, les représentants qui seront chargés de prendre des décisions en leur nom ; ce sont généralement des partis politiques qui s'y présentent, mais dans certains cas il s'agit de personnes ou de groupes indépendants ; un appareil exécutif secondé par des fonctionnaires rémunérés est responsable de la mise en oeuvre de ces décisions. Un des éléments clés de ce système démocratique réside dans la participation des citoyens aux élections. La légitimité des représentants élus en dépend. Dans l'évaluation de la santé d'un système démocratique, une des clés est donc la mesure dans laquelle les citoyens participent réellement aux élections, et c'est une des questions auxquelles le présent rapport tente de répondre.

1.2 La pratique de la démocratie ne se limite cependant pas aux activités des élus. A l'évidence, divers autres groupes de la société civile participent à la prise de décisions1 et il serait intéressant de déterminer comment la participation de ces groupes affecte le système démocratique décrit ci-dessus. Quand des groupes de personnes non élues tentent d'influencer le processus et que des élus autorisent une telle influence, l'on est en droit de penser que la légitimité du processus démocratique est compromise. D'aucuns affirmeront qu'il faut y remédier. A l'inverse, l'on pourrait justifier cette démarche en indiquant qu'une participation ouverte et transparente de tels groupes dans les processus de décision peut renforcer le processus démocratique et peut être envisagée comme complémentaire au processus électoral de légitimation politique. Un certain nombre de conditions doivent être remplies pour que ce soit le cas. Tout d'abord, la participation de tels groupes doit jouir d'une reconnaissance constitutionnelle ou législative, que ce soit au plan national, régional ou local. Deuxièmement, il faut que des mécanismes confèrent cette reconnaissance, au moins de la part des collectivités locales concernées. Troisièmement, la participation de groupes de la société civile ne doit pas entamer la légitimité démocratique des élus locaux, qui doivent rester maîtres, en dernier ressort, des décisions publiques. Outre ces formes de démocratie représentative et participative, il existe également l'option de la démocratie directe, c’est-à-dire la participation de l'ensemble de la population par le biais de mécanismes autres que les élections, tels que les référendums, les pétitions, les enquêtes ou les jurys de citoyens. Dans l'ensemble, ces mécanismes n'ont habituellement qu'un caractère consultatif, même s'ils sont susceptibles de peser fortement sur les élus. Les référendums n'ont force de loi que dans un petit nombre de cas, qui concernent généralement des fusions de communes ou des changements de frontières.

1.3 Le questionnaire a tenté de collecter des informations sur ces différents aspects de la démocratie locale auprès du Groupe d'experts indépendants des 46 Etats membres du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l'Europe. 31 experts ont répondu.2 Les pays couverts représentent les diverses régions d'Europe ainsi que plusieurs traditions différentes de gestion des affaires de l'Etat : les deux pays “anglo-saxons” (le Royaume-Uni et l'Irlande) ; les Etats fédéraux germaniques (Allemagne et Autriche) ; les Etats unitaires décentralisés de Scandinavie (Norvège et Suède) et les Pays-Bas ; les Etats napoléoniens (France et Portugal) ; et quelques pays de l'ancien bloc communiste. Ce large éventail de pays peut nous aider à dégager de grandes tendances qui se dessinent en Europe mais aussi les divergences entre les différentes conceptions et formes d'Etats.

1.4 Le Rapporteur tient à remercier le Groupe d’Experts indépendants sur la Charte auprès de la Commission Institutionnelle du Congrès pour son aide précieuse au cours de la préparation de ce Rapport.

2. STATUT CONSTITUTIONNEL ET JURIDIQUE DES COLLECTIVITES LOCALES ET REPRESENTATION DES GROUPES ET DES INDIVIDUS

2.1 La question de la reconnaissance constitutionnelle ou statutaire (juridique) des groupes est importante en ce qu'elle offre la base formelle sur laquelle s'organise leur participation à la vie politique. La forme la plus forte de cette reconnaissance est celle fournie par la constitution du pays, comme c’est le cas dans les pays suivants : Autriche, Croatie, Danemark, Géorgie, Allemagne, Hongrie, Portugal, Roumanie, Slovaquie, Espagne, « l’ex-République yougoslave de Macédoine » et Ukraine. D'une manière générale, ces pays offrent également une reconnaissance dans leur législation. Quelques pays accordent malgré tout une reconnaissance dans leur législation bien qu’elle ne soit pas prévue par leur constitution : Azerbaïdjan, Chypre, France, Irlande, Lettonie, Pays-Bas, Slovénie et Royaume-Uni.

2.2 Curieusement, seule une minorité de pays n'offrent aucune reconnaissance constitutionnelle ou législative aux groupes. La majorité de ceux qui en offrent une peut être ventilée en trois grandes catégories qui peuvent se recouper : ceux qui ont une tradition fédéraliste ou corporatiste de gouvernement, voire les deux (Autriche, Danemark, Allemagne, Pays-Bas, Espagne, Portugal) ; ceux qui possèdent de fortes minorités linguistiques ou ethniques (Azerbaïdjan, Croatie, Hongrie, Roumanie, Slovaquie, Espagne, « l’ex-République yougoslave de Macédoine » et Ukraine) ; et les Etats unitaires traditionnels qui ne peuvent offrir une reconnaissance constitutionnelle mais qui en ont élaboré une dans leur législation : principalement la France, mais également Chypre, l'Irlande, la Lettonie, la Slovénie et le Royaume-Uni. Il est intéressant de noter que des Etats classiquement unitaires tels que la France, dont la constitution et les conceptions de la citoyenneté excluent une reconnaissance des caractéristiques des groupes, autorisent une telle reconnaissance dans leur législation.

2.3 Plusieurs pays fournissent une définition ou une autre des types de groupes reconnus. Ce sont des pays possédant des minorités nationales (ex : Hongrie), dont l'existence est mentionnée dans la constitution, mais aussi des pays qui ont une approche corporatiste de la représentation politique (ex : l'Autriche, et plus récemment l'Irlande). Dans d’autres pays, les autorités locales sont soumises à une obligation constitutionnelle et/ou législative de consulter les groupes. Dans la plupart des cas, cette obligation semble exister en rapport avec des procédures d'aménagement du territoire qui peuvent affecter des aspects résidentiels ou économiques de la vie des citoyens de la communauté locale [elle pourrait même s'avérer plus courante que ne l'indiquent les réponses au questionnaire]. Dans la plupart des cas pourtant, il ne semble exister aucune obligation de consulter des groupes spécifiques, même si au Luxembourg les conseils d'étrangers doivent être consultés et si, en Irlande, les collectivités locales doivent obligatoirement consulter les “partenaires sociaux” et d'autres groupes de la collectivité. Dans plusieurs pays, des procédures formelles de consultation sont en place, mais tant ces pays que d'autres ont aussi des procédures informelles.

3. LES EFFETS DE LA CONCEPTION INSTITUTIONNELLE DES COLLECTIVITÉS LOCALES SUR LA PARTICIPATION

3.1 Ce volet du questionnaire devait permettre d'établir s'il existe des mécanismes institutionnels rendant possible une représentation de groupes et de la population en général, et sous quelles formes. Un certain nombre de pays ont signalé l'existence de mécanismes autorisant une représentation des groupes, et un autre groupe a mentionné des mécanismes autorisant une participation élargie. Tous ceux qui autorisent une représentation de groupes permettent aussi une participation de la population en général, seule la Géorgie ne permet ni l'une, ni l'autre. En matière de représentation de groupes, les mécanismes sont peu nombreux : conseils consultatifs (France, Allemagne, Pays-Bas), assemblées citoyennes (Azerbaïdjan), comités de résidents (Azerbaïdjan), associations d'usagers (Azerbaïdjan, Croatie, Danemark, Estonie, Slovénie, Suède), associations de consommateurs (Croatie), groupes d'intérêts spécifiques (France, Allemagne, Irlande, Norvège), conseils consultatifs des étrangers (France, Allemagne, Luxembourg), comités de quartier (France, Italie, Pays-Bas), minorités territoriales (Slovénie), forums de citoyens (Royaume-Uni). Les référendums locaux constituent le mode de large consultation le plus populaire (Arménie, Autriche, Bulgarie, Croatie, République tchèque, Danemark, France, Allemagne, Hongrie, Luxembourg, Pays-Bas, Norvège, Portugal, Roumanie, Slovaquie, Espagne, Suède, « l’ex-République yougoslave de Macédoine », Ukraine, Royaume-Uni), mais leur utilisation varie considérablement. Dans certains cas, elle est extrêmement réduite ou se limite à des questions relatives soit à la création de nouvelles communes, soit à la modification du tracé de frontières. Dans la plupart des cas, l'issue du référendum n'est pas contraignante, mais elle peut occasionnellement le devenir (Autriche, Croatie, Chypre, République tchèque, France, Allemagne, Hongrie, Liechtenstein, Portugal [pour les questions d'aménagement du territoire], Roumanie, Slovaquie, Slovénie, Espagne, « l’ex-République yougoslave de Macédoine », Turquie [uniquement à propos de la création d'une petite commune], Ukraine). Par contre, dans certains pays comme l'Irlande, même des référendums non contraignants peuvent peser fortement sur les décisions des conseils.

3.2 Plusieurs autres mécanismes sont mis en œuvre : les initiatives de citoyens/pétitions, les sondages d'opinion, les jurys de citoyens, les réunions publiques, les assemblées de citoyens, les enquêtes publiques, les réunions de conseil ouvertes aux public, les enquêtes publiques, la publication d'informations. Cela dit, dans aucun de ces cas les décisions prises ne sont contraignantes pour les conseils.

3.3 S'agissant de l'organisation institutionnelle des collectivités locales et de la question des maires élus au suffrage direct ou indirect, cette variable semble n'avoir qu'une faible incidence pour encourager une plus grande participation. Certaines réponses (Pays-Bas, Portugal) semblaient indiquer qu'un dédoublement par la séparation des branches délibérative et exécutive du gouvernement local et par la tenue d'élections distinctes pour chacune de ces branches encourage la participation dans la mesure où il implique plus directement les citoyens dans les aspects représentatifs et dans la prise de décisions du gouvernement local. De même, plusieurs réponses laissent entendre que l'élection directe des maires ou présidents suscite un plus grand intérêt pour la collectivité locale. Par contre, les réponses font également observer que, même s'ils sont élus au suffrage direct, les maires peuvent aussi être étroitement associés aux partis politiques et, si les partis jouent un rôle négatif aux yeux des citoyens, ce paramètre peut avoir un impact négatif.

3.4 Enfin, s'agissant du rapport entre le caractère socio-économique et la participation aux affaires locales, la tendance générale indique que plus le niveau d'éducation et le statut socio-économique sont élevés, plus la participation l'est également. Les plus engagés dans les affaires locales semblent être des hommes d'âge moyen, appartenant aux classes moyennes, tandis que les femmes et les jeunes en sont le plus souvent absents. Dans certains pays, les femmes sont presque totalement absentes, même si dans certains pays d'Europe centrale et orientale (ex : Croatie, Slovénie) la situation évolue. Dans plusieurs pays (exemple : l'Allemagne) la représentation des femmes est institutionnalisée, alors que dans d'autres (les pays scandinaves, par exemple), la question ne se pose plus parce qu'elles sont déjà fortement représentées (“intégrées”). [il y a sans doute bien plus à dire sur cette question, mais pour de nombreux pays les données correspondantes font défaut – une nouvelle étude en perspective?]

4. TENDANCES DES TAUX DE PARTICIPATION AUX ÉLECTIONS

4.1 Les élections sont le mode classique de participation dans une démocratie libérale, et ce volet appelait des réponses sur la tendance générale en matière de participation aux élections. De nombreux commentateurs ont globalement l'impression d'une diminution généralisée de la participation. Cette impression est confirmée dans une large mesure par les réponses obtenues, mais pas de manière absolue. Dans seize pays, le taux de participation est en baisse : Autriche, Azerbaïdjan, Croatie, France, Géorgie, Allemagne, Grèce, Irlande, Luxembourg, Pays-Bas, Norvège, Portugal, Slovénie, Slovaquie, Suède et Royaume-Uni. Au Luxembourg, où le vote est obligatoire, l'on enregistre un abstentionnisme croissant et qui n'est pas poursuivi de fait. Mais il convient d'interpréter ces tendances avec circonspection, car les taux de hausse ou de baisse peuvent être minimes, et des hausses inattendues ont même été enregistrées dans certains cas (Irlande, Royaume-Uni). Elles peuvent résulter de circonstances particulières, telles que la tenue simultanée d'un référendum sur une question controversée ou d'un autre scrutin très mobilisateur, et ne révèlent donc pas toujours une tendance générale. Par contre, ces chiffres peuvent véhiculer un message important : il pourrait être utile d'associer les élections locales à un autre événement plus marquant, comme des élections nationales. L’argument contre est que la signification des élections locales pourrait être noyée dans l’importance des nationales. Dans certains pays, l'on observe au contraire une réelle hausse du taux de participation qui constitue une tendance générale et non un événement ponctuel : Arménie, Danemark, Hongrie, Lettonie, Espagne. Dans d'autres, la tendance est stable : Bulgarie, Chypre, République tchèque, « l’ex-République yougoslave de Macédoine ». Le niveau du taux de participation, qui peut être fort ou faible, est sans doute plus important que la tendance proprement dite. Au Royaume-Uni, par exemple, le taux de participation a été très faible pendant plusieurs années tandis qu'en Irlande et dans les pays scandinaves il est traditionnellement élevé. L'on note également une différence entre l'évolution urbaine et rurale du taux de participation, les chiffres étant habituellement meilleurs dans les campagnes.

4.2 Voici quelques explications avancées par ceux qui signalent une baisse de la participation :

a. désillusion pour la politique, perte d'intérêt pour les affaires publiques, perte de confiance dans le gouvernement (majorité des pays) ;
b. aliénation des partis politiques (France) ;
c. système “surpolitisé” et dominé par les partis (Croatie) ou une “participation excessive” (Suède) ;
d. aliénation de certains électeurs parce que le rôle du maire est associé à un parti politique (Portugal) ;
e. désillusion en raison de la corruption aux niveaux inférieurs de gouvernement (Géorgie, « l’ex-République yougoslave de Macédoine ») ;
f. facteurs économiques : difficultés (Allemagne) ou changement des conditions socio-économiques (Irlande) ;
g. rôle négatif des médias (Royaume-Uni).

4.3 Mesures visant à encourager la participation :

4.3.1 La plupart des pays n'ont pas élaboré de mesures visant spécifiquement à encourager la participation. Les quelques pays qui l'ont fait ont adopté les mesures suivantes :

a. davantage de publicité au moment des élections (Autriche, Bulgarie, Luxembourg, Suède [à l'intention des jeunes et des étrangers], Royaume-Uni) ;
b. mesures de promotion de l'engagement civique (Allemagne, Irlande) ;
c. faciliter la participation aux scrutins des électeurs handicapés (Croatie) ;
d. associer les élections locales et nationales (République tchèque) ;
e. projets du Conseil des jeunes (Irlande) ;
f. dans les pays où seuls les partis peuvent présenter des listes aux élections municipales, autoriser des sections de listes indépendantes des partis (Lettonie, Portugal).

4.4 Formes non conventionnelles de vote :

4.4.1 11 pays votent uniquement selon les méthodes conventionnelles. Les autres recourent aussi aux méthodes suivantes :

a. la grande majorité des mesures citées visent à permettre aux électeurs non valides de voter : le vote postal (France, Allemagne, Luxembourg, Pays-Bas, Slovénie, Espagne), le vote par procuration (France, Pays-Bas) ou les urnes mobiles (Azerbaïdjan, Roumanie, Slovénie) ;
b. les affichages dans les aéroports à l'intention des travailleurs émigrés (Turquie) ;
c. seul le Royaume-Uni semble avoir adopté des mesures plus élaborées, qui vont au-delà de facilités pour les électeurs non valides : allongement des horaires d’ouverture des bureaux de vote les jours d’élections, possibilité de voter dans des magasins, droit de voter par courrier pour tous ;
d. aucun Etat n'a encore adopté le vote électronique ; l'Irlande avait déjà mené très loin la mise en place d'un tel système en 2004, mais l'a abandonné en raison des nombreuses craintes de manipulation. D'autres pays étudient actuellement cette possibilité.

4.5 Vote des étrangers:

a. pays où il n'est pas autorisé : Azerbaïdjan, Bulgarie, Croatie, Géorgie, Lettonie, Roumanie, « l’ex-République yougoslave de Macédoine », Ukraine;
b. les pays de l'UE permettent aux citoyens d'autres pays de l'UE de participer aux élections locales ;
c. certains pays permettent à tout étranger, même extérieur à l'UE, de voter s'il remplit certaines conditions de résidence : Autriche, Danemark, Irlande, Luxembourg, Norvège, Slovénie, Suède ;
d. certains l'étendent à des étrangers extérieurs à l'UE, mais limitent ce droit à des catégories particulières : Royaume-Uni (citoyens du Commonwealth), Portugal (pays qui accordent le même droit aux citoyens portugais).

5. CONCLUSIONS

5.1 Il ressort de cette étude que la participation aux élections a en effet diminué, mais que cette baisse ne doit pas être exagérée et que, dans certains pays, la tendance est actuellement renversée soit par une hausse du taux de participation, soit par sa stabilité. D'autre part, l'on n'observe pas d'effort massif des gouvernements nationaux ou locaux dans l'expérimentation de méthodes novatrices visant à faire augmenter la participation aux élections. Le Royaume-Uni est sans doute le pays le plus innovant en la matière, et il s'applique à mener des expériences avec un certain degré de réussite. Le vote électronique en est encore au stade embryonnaire et nombreux sont ceux qui redoutent qu'il ouvre la voie à la corruption. En Irlande, le programme de mise en oeuvre du vote électronique était parvenu à un stade avancé, mais il a été abandonné, précisément en raison de telles craintes. Ce domaine mérite toutefois que l'on continue de s'y intéresser du fait du son potentiel à faire augmenter la participation.

5.2 Concernant les autres formes de participation, elles se sont manifestement développées parallèlement à la participation aux élections dans la plupart des pays. Les référendums sont devenus un mode de plus en plus populaire de promotion de la participation de l'ensemble de la population, et leur issue a souvent un caractère obligatoire. D'autres formes de participation plus large connaissent également un essor. Des recherches supplémentaires s'imposent cependant pour déterminer à quel point elles parviennent à peser sur les processus locaux de prise de décisions. Divers types de groupes – socio-économiques, territoriaux, de défense d'usagers – participent de plus en plus souvent aux délibérations des autorités locales, mais le statut précis que leur confère la constitution varie fortement et leur présence résulte le plus souvent d'une demande des collectivités locales et non d'un droit légal. Une fois encore, il serait important de mener des recherches complémentaires sur l'efficacité de ces groupes.

6. RECOMMANDATIONS

6.1 Le Conseil de l’Europe se félicite de la tendance à une plus grande participation des groupes qui viennent compléter et enrichir les mécanismes de représentation électorale traditionnels via les urnes.

6.2 Une telle participation, cependant, devrait bénéficier d’une reconnaissance constitutionnelle et/ou législative et être soumise à un contrôle visant à éviter que les groupes non élus n’exercent une influence excessive sur les prises de décisions des autorités locales.

6.3 Des mesures devraient être adoptées pour encourager la participation des groupes qui sont les moins engagés , à savoir : les femmes, les jeunes, les personnes les moins éduquées ou de milieux économiquement moins prospères.

6.4 Des efforts plus conséquents devraient être entrepris pour arrêter le déclin de la participation électorale dans les Etats dans lesquels il constitue un affaiblissement de la légitimité de la démocratie locale.

Annexe 1

Tableau 1: Statut constitutionnel des collectivités locales et représentation des groupes et des individus

 

Dispositions constitutionnelles?

Dispositions réglementaires (législatives)?

Définition des groupes?

Pouvoirs locaux: obligation constitutionnelle de consulter des groupes?

Pouvoirs locaux: obligation légale de consulter des groupes?

Octroi de la reconnaissance aux groupes: procédures formelles (F) ou informelles (I)?

Albanie

           

Andorre

           

Arménie

N

N

N

N

N

I

Autriche

O

O (Länder)

O

O

O (Länder)

I

Azerbaïdjan

?

O

O

O (indirecte)

 

F et I

Belgique

           

Bosnie- Herzégovine

           

Bulgarie

N

O

O

N

O (limitée)

F et I

Croatie

O

O

O

 

O (limitée)

F et I

Chypre

?

O

N

N

N

Néant

République tchèque

N

N

N

N

N

Néant

Danemark

O

N

O

 

O (urbanisme, etc.)

F

Estonie

O

O

O

O

O

F & I

Finlande

O

O

N

N

N

Néant

France

N

O (association reconnue)

O

N

O (limitée)

F

Géorgie

O

O

O

N

N

I

Allemagne

O

O (Länder)

N

N

O (Länder)

F et I

Grèce

N

         

Hongrie

O (min. nat.)

O

O (min. nat.)

N

O

F et I

Islande

           

Irlande

N

O

O

N

O

F

Italie

           

Lettonie

?

O

N

N

N

I

Liechtenstein

O

O

N

N

N

?

Lituanie

           

Luxembourg

N

N

N

 

O (étrangers)

I

Malte

N

N

N

N

N

sans objet (s.o.)

Moldova

           

Pays-Bas

 

O

O (certains)

 

O

F et I

Norvège

N

 

N

N

N

N

Pologne

           

Portugal

O

O

O

O (limitée)

O (limitée)

F

Roumanie

O (?)

O

N

N

N

N

Fédération de Russie

           

Saint-Marin

           

Serbie-Monténégro

           

Slovaquie

O

O

N

N

O

F et I

Slovénie

N

O

??

N

O

I

Espagne

O

O

N

O

 

I

Suède

N

N

N

 

O (certains)

I

Suisse

           

"l’ex-République yougoslave de Macédoine"

O

O

O

N

O

F

Turquie

N

N

N

N

N

I

Ukraine

O

O

N

 

O (limitée)

F

Royaume-Uni

s.o. (pas de constitution écrite)

O (très limitée)

N

s.o.

O (limitée)

F et I

Annexe 2

Tableau 2: les effets de la conception/organisation institutionnelles des collectivités locales sur la participation.

 

Mécanismes institutionnels pour intégrer les groupes dans le processus de la prise de décision?

Mécanismes institutionnels visant à faire participer la population dans son ensemble à la prise de décision?

Les mécanismes de consultation sont-ils contraignants?

L'organisation institutionnelle des collectivités locales affecte-t-elle la participation de l’ensemble de la communauté?

Le rôle et le mode d'élection du maire affectent-t-ils la participation de l’ensemble de la communauté?

Les institutions des niveaux supérieur et inférieur au niveau local pèsent-elles sur la participation?

Rapports entre des variables socio-économiques et la participation?

Albanie

             

Andorre

             

Arménie

N

Référendums; jurys de citoyens

N

?

?

N

Pas de données

Autriche

N, mais les Länder peuvent inviter des groupes pour les consulter.

Régi par les Länder. Référendums; pétitions, sondages d'opinion.

Référendums généralement contraignants; les autres méthodes non.

L'organisation exclut les non-élus, mais les coll. locales peuvent inviter les avis.

Les Länder peuvent le modifier. Augmente la participation.

Pas de niv. inférieur ou supérieur, hormis le Land.

?

Azerbaïdjan

O. assemblées citoyennes, comités de résidents, associations d'usagers, etc., certaines ONG

O. jurys informels de citoyens, gestion autonome des villages; sondages d'opinion.

N

L'organisation institutionnelle favorise une large participation.

?

Il existe des institutions de niveau inférieur au niveau local.

Les femmes sont rares dans les gouvernements locaux.

63,7% des élus et des agents des communes sont diplômés de l'université.

Belgique

             

Bosnie-Herzégovine

             

Bulgarie

N

Comités de citoyens; référendums; assemblées générales de la population.

N

?

O

N

Pas de données

Croatie

O associations, organismes, fondations; associations de consommateurs; groupes d'usagers.

Référendums; Conseils de paix.

Référendums O; autres N

Séparation des fonctions représentatives et exécutives; ne freine pas la participation.

Maire élu par le conseil; pas d'impact significatif sur l'ensemble de la population.

?

Plus de participation chez les nantis et les plus diplômés. La participation des femmes et des jeunes augmente.

Chypre

N

Référendums sur l'existence ou la réorganisation de communes

Référendums: contraignants

?

?

N

Conseils composés majoritairement d'hommes.

République tchèque

N

Référendums
D'autres formes existent, mais sont rares.

Référendums: contraignants

Trop de petites communes

L'élection du maire est indirecte.

Il existe une coopération intercommunale; les comités de quartier sont conçus pour encourager la participation.

Pas de données.

Danemark

??

Débat public sur les projets d'urbanisme. Référendums sur les modifications territoriales.

Pas contraignants
.

Recours aux “groupes d'usagers” augmente.

L'élection indirecte du maire: peut-être impact négatif, mais pas d'études de la question.

??

Niveau social plus élevé, éducation, mais aussi tradition associée à une plus forte participation

Estonie

O

Sondages d'opinion, initiatives publiques et assemblées générales

Pas contraignants

Pas assez d'éléments

Pas assez d'éléments

Associations de communes; conseils de district à Tallinan; petites réunions urbaines et de village.

La participation augmente avec le niveau d'études.

Finlande

O - Groupes d'usagers ou de clients

Référendums facultatifs

Pas contraignants

La participation passe principalement par le conseil municipal et par les commissions qu'il élit.

Pratiquement pas

Plusieurs formes de coopération intercommunale autorisent une participation.

Pas de données empiriques disponibles, mais pas de corrélation apparente entre un de ces facteurs et la quantité ou la qualité de la participation.

France

Conseils consultatifs; consultation de groupes d'intérêts spécifiques; conseil consultatif des étrangers (certaines villes)

Référendums (uniquement pour les collectivités locales);
pétitions;
enquêtes publiques.

O = référendums; tous les autres = non contraignants.

Prédominance de l'exécutif et position faible des conseillers qui compromet une plus large participation.

N

Les intercommunales limitent l'influence du public.
Comités de quartier – uniquement efficaces si indépendants des partis

Age moyen, bon niveau d'études, famille stable
et emploi fixe sont propices à l'engagement.

Géorgie

N

N = référendums interdits pour prévenir les mouvements sécessionnistes

N

N

Aucun effet

N

Néant

Allemagne

O (Länder)
Conseils consultatifs (ex: des étrangers); urbanisme, jeunesse, experts; groupes d'intérêts.

Référendums locaux (spécialement dans le sud de l'Allemagne); jurys de citoyens.

O = référendums.

L'Allemagne instaure de plus en plus le dualisme, sans effet démontré sur la participation.

Maire élu peut limiter l'influence des partis, mais c'est incertain.

L'Allemagne a des institutions des niveaux supérieur et inférieur au niveau local qui augmentent les possibilités d'influence des groupes.

Forte présence des professions libérales, ce qui est compensé par les syndicats. La défense des intérêts de la femme et institutionnalisée.

Grèce

O ?? CMC (?)

Consultation dans les communes de moins de 10 000 habitants.

N

Dualisation – élection directe de l'assemblée + exécutif peut encourager une meilleure part.

L'élection directe de l'exécutif peut encourager la part.

Les intercommunales encouragent la participation.

Comités de quartier.

La plupart des Grecs s'intéressent à la politique nationale. Plus d'hommes au niveau local, mais la part. des femmes augmente.

Hongrie

O

Référendums contraignants et consultatifs;
jurys de citoyens;
auditions publiques des conseils.

Uniquement des référendums contraignants.

Maires élus au suffrage direct. Impact sur la participation inconnu.

?

C'est possible.

Pas de données disponibles

Islande

             

Irlande

Comités de politique stratégique; CDB; forum de la collectivité et du secteur bénévole; conseils des jeunes.

Jurys d'usagers; enquêtes auprès des consommateurs.

N mais susceptibles d'avoir un fort impact sur les décisions finales des conseils.

Les comités traditionnels représentent certains intérêts et en excluent d'autres; les nouvelles structures les élargissent et les complètent.

N
le rôle du maire est folklorique.

Des comités de quartier ont vu le jour dans certains comtés et villes.

Participation plus forte chez les personnes d'âge moyen et des classes moyennes; augmente avec le niveau d'études; les femmes sont sous-représentées.

Italie

             

Lettonie

O au niveau local

Auditions publiques sur l'urbanisme, la construction.
Pas de référendums.

N

Des élus et des non élus peuvent siéger dans les Conseils au niveau des comités et des groupes de travail.

Maire élu par le conseil. L'élection directe pourrait stimuler la participation.

?

La participation augmente avec le niveau socio-économique et d'études.

Liechtenstein

 

Référendums et droit d'initiative

O

N

N

 

Pas de données disponibles.

Lituanie

             

Luxembourg

N (hormis les étrangers)

Référendums;
consultations informelles.

N

Vote obligatoire

L'élection du maire est indirecte, mais il est difficile de réponse à la question.

N

La participation augmente avec le niveau d'études.
Les femmes sont plus actives dans les questions d'éducation et d'environnement.

Malte

S.O.

Référendums

N

Des citoyens non élus peuvent présider des sous-commissions

Fortement. Cela dépend de la personnalité du maire; peut générer une politique de "clocher".

N

En général, engagement moindre de la part des professionnels. La participation des femmes augmente légèrement.

Moldova

             

Pays-Bas

O
Commissions provinciales et municipales;
Comités de quartier;

Référendums;
consultations; ad hoc; réunions de conseil ouvertes.

N

Un meilleur contrôle de l'exécutif par l'assemblée afin d'améliorer la participation du public.

Le maire est nommé par le gouvernement central, bien qu'en fait les candidats soient proposés par le conseil.

Commissions provinciales et communautés villageoises.

Les hommes participent / s'intéressent davantage que les femmes;
l'intérêt augmente avec l'âge.

Norvège

O = consultations; conseils de parents, etc.

Référendums consultatifs

N

?

N

N

?

Pologne

             

Portugal

 

Obligation de consulter en matière d'urbanisme, d'environnement; publication d'informations sur les activités des conseils; recours limité aux référendums.

Uniquement sur les questions d'aménagement du territoire.

Le système dualiste du Portugal encourage la participation.

?

N

?

Roumanie

O – les consultations sont régies par la loi.

Référendums contraignants et consultatifs;
un référendum est organisé pour destituer un maire;
assemblées,
jurys de citoyens.

Référendums contraignants et de destitution d'un maire.

Difficile de mesurer une corrélation.

Difficile à mesurer.

Une certaine coopération intercommunale limitée;
des arrondissements dans les grandes villes.

Difficile à mesurer.

Fédération de Russie

             

Saint-Marin

             

Serbie-Monténégro

             

Slovaquie

O - définis par la loi.

Référendums contraignants et consultatifs;
pétitions.

Uniquement des référendums consultatifs.

?

Pas de corrélation directe.

Certaines associations intercommunales; un petit nombre de comités de quartier.

La participation des femmes est nettement plus faible que celle des hommes, mais plus élevée au niveau local qu'au niveau national.

Slovénie

O groupes territoriaux, de parents, d'usagers.

Référendums
assemblées,
jurys de citoyens.

Référendums contraignants et consultatifs.

Le référendum

L'élection directe des maires stimule la participation.

Les associations de collectivités locales sont importantes.
Il est possible de créer des niveaux inférieurs aux conseils pour encourager la part.

La participation augmente avec le niveau d'études.
Femmes actives.

Espagne

O

Référendums
consultations populaires (lois régionales);
réunions publiques des conseils;
jurys de citoyens.

Contraignants

CCLL renforce la participation; manque d'intérêt des citoyens en général.

N

Peu de participation au niveau supérieur au niveau local.
Comités de quartier.

Pas de données disponibles.

Suède

O, Jurys d'usagers.

Référendums;
propositions citoyennes;
sondages d'opinion.

N

Des personnes non élues peuvent siéger au sein des conseils.

Les chefs des collectivités locales sont pour la plupart des socio-démocrates.

L'Association des pouvoirs locaux est influente;
quelques organismes “autonomes” gèrent certaines installations.

L'égalité hommes/femmes n'est plus un problème; participation augmente avec le niveau socio-économique et d'études, plus forte chez les gens mariés.

Suisse

             

"ex-République yougoslave de Macédoine"

 

Réunions publiques; référendums; jurys de citoyens .

O = initiatives de citoyens, réunions publiques et référendums sont contraignants

Des personnes autres que les élus et les agents peuvent siéger dans une commission.

L'élection directe des maires stimule la participation.

?

Plus d'hommes que de femmes; participation plus forte des personnes d'âge moyen et au statut social élevé.

Turquie

N

Vote formel quand un petit village souhaite devenir une commune.

Hormis ce cas, toutes les autres consultations sont non contraignantes.

Ne permet pas une participation élargie.

N

Associations de collectivités = négligeables.
Quelques organisations informelles de communes ont été créées pour promouvoir la participation.

Ces variables jouent un rôle secondaire par rapport à l'absence de système de participation effective.

Ukraine

O (uniquement au niveau local)

Référendums contraignants et consultatifs, auditions publiques, réunions générales, initiatives locales.

Uniquement des référendums contraignants.

?

La participation augmente quand le maire est élu.

N

Pas de données

Royaume-Uni

Partenariats stratégiques locaux,
Forum des citoyens (Ecosse)
Obligation légale de consulter les groupes dans certains domaines.

Enquêtes publiques; utilisation limitée des référendums; conseils communaux (Ecosse)

N

Pas de réponse claire dans l'expérience du Royaume-Uni.

Trop tôt pour faire un bilan direct des maires élus.

N

La participation augmente avec le niveau socio-économique et d'études; davantage d'engagement chez les hommes.

1 Ce système plus large de prise de décisions est parfois appelé “gouvernance”, tandis que le terme “gouvernement” désigne plus précisément les élus et l'exécutif.

2 Des pays suivants : Arménie, Autriche, Azerbaïdjan, Bulgarie, Chypre, République tchèque, Danemark, Estonie, Finlande, France, Allemagne, Géorgie, Grèce, Hongrie, Lettonie, Liechtenstein, Luxembourg, Pays-Bas, Norvège, Portugal, République croate, République d'Irlande, Roumanie, République slovaque, Slovénie, Espagne, Suède, "L'ex-République Yougoslave de Macédoine", Turquie, Royaume-Uni, Ukraine.