13ème Session plénière du Congrès 30 mai -1er juin 2006
La gestion des déchets et le choix de l'emplacement des décharges aux niveaux local et régional
Rapporteurs:
Joseph Borg, Malte,
Chambre des régions
Groupe politique: PPE/DC
et
Valerio Prignachi, Italie,
Chambre des pouvoirs locaux
Groupe politique: PPE/DC
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EXPOSE DES MOTIFS
TABLE DES MATIÈRES
1. Introduction 3
2. Evolution de la production des déchets 4
3. Déchets municipaux 4
4. Programmes de gestion des déchets 5
5. Instruments de la politique de gestion des déchets 6
6. Options et tendances de la gestion des déchets 7
7. Directive de l'Union Européenne sur les décharges 9
8. Choix de l'emplacement des décharges 10
1. Introduction
L’initiative de la préparation d’une recommandation et d’une résolution du Congrès sur la gestion des déchets a été fondé sur la constatation des difficultés croissants que les autorités locales et régionales doivent affronter pour gérer la production des déchets et prendre des décisions équitables en ce qui concerne l’emplacement des décharges.
Pour la plupart des gens, les déchets évoquent les sacs d’ordures ménagères qui sortent de leur domicile chaque semaine. Ils savent que ces sacs « vont quelque part », mais en réalité peu d'entre eux ont déjà vu une décharge, une usine d'incinération ou un centre de recyclage des déchets et d'ailleurs, la plupart ne s'intéressent pas vraiment à ces questions.
Les déchets ménagers ne représentent en fait qu’une petite partie de la montagne de déchets produits chaque année. Le problème est que cette montagne croît en même temps que se développe l'économie européenne. De plus, dans de nombreux pays, les déchets ne sont toujours pas traités correctement : c'est ainsi que des déchets biodégradables sont mis en décharge alors qu'ils pourraient faire l'objet d'une récupération biologique, tandis que des métaux lourds qui se trouvent dans des dépotoirs contaminent l'environnement.
La croissance économique des dernières décennies s'est accompagnée d'une augmentation correspondante des quantités de déchets produits. Le problème des déchets se pose dans tous les pays d'Europe et les quantités de déchets sont généralement en augmentation. La plupart des catégories des déchets vont probablement se développer dans les années à venir, et les prévisions actuelles indiquent un doublement potentiel de la production de certains déchets d'ici 2025.
La gestion des déchets peut avoir des conséquences importantes et d’une grande portée pour l’environnement et la situation socio-économique ; elle constitue donc un élément essentiel du calendrier du développement durable. Malheureusement, l'absence dans de nombreux pays de données disponibles et comparables ne permet pas toujours une évaluation complète et fiable des problèmes liés aux déchets.
L'impact des déchets sur l'environnement, les ressources et la santé de l'homme dépend de leur quantité et de leur nature. Parmi les effets sur l'environnement de la production et de la gestion des déchets, il y a les émissions de polluants dans l'atmosphère (y compris les gaz à effet de serre), l'eau et le sol, qui représentent toutes des menaces potentielles pour la santé de l'homme et la nature.
Une étude effectuée en 2000 par l'Agence européenne de l'environnement concluait que les décharges et l'incinération des déchets produisaient surtout trois types de polluants particulièrement préoccupants au niveau mondial en raison de leur risque de migration par delà les frontières : les micropolluants organiques (dioxines et furans), les gaz à effet de serre (méthane) et les métaux lourds volatiles. D'autres émissions provenant des incinérateurs (acide chlorhydrique, métaux lourds et sels) et des décharges (azote, ammoniac, composés organiques et métaux lourds) risquent, si elles ne sont pas contrôlées, de causer de graves problèmes de contamination en raison des substances dangereuses qu'elles contiennent.
En Europe, la majorité des déchets municipaux est mise en décharge, ce qui entraîne des pressions importantes sur l'environnement, car trop peu de déchets sont recyclés. Si l'on veut éviter ces impacts, les défis majeurs à relever dans les années à venir consistent à réduire au minium la production de déchets, à diminuer la part des composants dangereux des déchets, surtout ceux susceptibles d'avoir des impacts négatifs sur la qualité de l'environnement et la santé, et enfin à gérer correctement les déchets résiduels.
Le plus grand défi pour les pouvoirs publics concerne la prévention de la production de déchets. Nous devons réduire la quantité de déchets que nous enfouissons sous la terre et développer le recyclage et la réutilisation des matériaux. Les collectivités locales et régionales ont un rôle essentiel à jouer dans la réduction de la production de déchets et du recours aux décharges.
Pour ces motifs la Commission du développement durable du Congrès a décidé de préparer un projet de recommandation et un projet de résolution sur le sujet qui ont été approuvés à l’unanimité lors de la réunion tenue à Constanta (Roumanie) le 31 avril 2006.
2. Evolution de la production des déchets
Tous les secteurs économiques ont des activités productrices de déchets, qui sont considérés généralement comme des sous-produits inévitables de l'activité économique (résultats de méthodes de production inefficaces, de la durabilité limitée des produits et de modèles de consommation non durables). La production des déchets reflète une perte de matériaux et d'énergie et impose à la société les coûts économiques et environnementaux représentés par la collecte, le traitement et l'élimination de ces déchets. Les déchets représentent une part croissante du total des matériaux qui circulent dans l'économie.
On estime que l'Europe produit chaque année plus de 3 millards de tonnes de déchets. Cela équivaut à 3,8 tonnes par personne en Europe occidentale, 4,4 tonnes en Europe centrale et orientale et 6,3 tonnes dans les pays d’Europe centrale et du Caucase.
Les industries manufacturières, les entreprises de construction et de démolition, les mines, les carrières et l'agriculture sont les principaux secteurs générateurs de déchets. D'autres catégories importantes de déchets sont les déchets municipaux, les déchets dangereux, les véhicules hors d'usage, les boues d'épuration, les déchets d'emballage et les déchets liés à la production énergétique. L'existence de définitions différentes selon les pays peut rendre la comparaison des quantités de déchets extrêmement difficile.
3. Déchets municipaux
La production de déchets municipaux en Europe est considérable et ne cesse d'augmenter. On estime que plus de 306 millions de tonnes sont collectées chaque année, soit une moyenne de 415 kg par personne. La collecte des déchets municipaux est organisée de façon extrêmement variable selon les pays, la quantité de déchets récupérés se situant dans une fourchette de 100 à 700 kg par personne. Les déchets municipaux représentent environ 14 % de l'ensemble des déchets produits en Europe occidentale et 5 % de ceux produits en Europe centrale et orientale. Dans la plupart des pays d'Europe, la mise en décharge demeure l'option de traitement la plus utilisée.
Le Cinquième Programme d'action de l’Union européenne sur l'environnement s'était fixé comme objectif de stabiliser la production des déchets municipaux dans l'Union européenne aux niveaux de 1985 (300 kg par personne) pour l'an 2000. Ce plafond a été largement dépassé dans presque tous les pays, le plus souvent dans une proportion de 75 à 100 %. Le Sixième Programme d'action sur l'environnement adopté en 2002 ne comportait aucun objectif chiffré concernant les déchets. Le pourcentage des déchets municipaux mis en décharge est passé de 67 % en 1995 à 57 % en 1999 dans les pays de l'UE, alors que les taux de compostage et de recyclage ont augmenté. Les déchets municipaux biodégradables représentent environ 60 % de la production de déchets municipaux en Europe occidentale.
En Europe centrale et orientale, les taux de collecte des déchets municipaux sont inférieurs à ceux de l'Europe occidentale, en raison des différences concernant les niveaux de ressources économiques et les modes de consommation, mais aussi les systèmes de collecte. De nombreuses régions de l'Europe orientale, notamment les zones rurales, n’ont aucun système de collecte des déchets municipaux. Dans les pays d'Europe centrale et orientale disposant de données à ce sujet, la production de déchets municipaux, bien qu'actuellement inférieure à celle du reste de l'Europe, est en progression.
Dans les pays du Caucase, les décharges municipales sont souvent surexploitées, mal gérées et mal entretenues, et ne satisfont pas les normes requises en matière d'environnement et de santé humaine. La situation est plus ou moins la même dans plusieurs autres pays d'Europe de l'Est. Les décharges illégales de déchets municipaux, notamment dans les zones rurales, sont également fréquentes dans de nombreux pays.
Les déchets municipaux biodégradables sont produits par les ménages et les activités commerciales et concernent des déchets tels que les déchets alimentaires, les déchets de jardin, le papier et le carton. En 1995, l'UE et la Norvège ont produit près de 107 millions de tonnes de déchets municipaux biodégradables, dont 66 % ont été mis en décharge. Les déchets municipaux biodégradables sont en grande partie responsables de la production dans les décharges de lixivias, de gaz de décharge, d'odeurs et autres nuisances. D’autres méthodes de traitement telles que le compostage ou la digestion anaérobie, appliquées correctement, peuvent éliminer ou diminuer notablement les risques d'émissions polluantes des déchets biodégradables.
4. Programmes de gestion des déchets
La planification de la gestion des déchets constitue la pierre angulaire de toute politique nationale, régionale ou locale de gestion des déchets. D'ailleurs, l'élaboration d'un plan permet, après avoir fait le point de la situation, de définir des objectifs pour l'avenir, de formuler des stratégies appropriées et d'identifier les moyens nécessaires pour les mettre en œuvre.
Selon la législation communautaire (Directive du Conseil 75/442/CEE relative aux déchets), tous les Etats membres sont tenus d'élaborer un ou plusieurs plans de gestion des déchets qui concernent notamment : les types, les quantités et les origines des déchets ; la valorisation ou l’élimination de ces déchets ; des prescriptions techniques générales ; des dispositions spéciales concernant des déchets particuliers et des sites et des installations appropriés pour l’élimination.
Tous les pays de l'UE disposent de plans nationaux ou des stratégies régionales de gestion des déchets et la procédure d'adhésion des nouveaux Etats membres prévoit l'élaboration d’un plan national de gestion des déchets. Plusieurs autres pays d'Europe orientale ont élaboré des plans et programmes de gestion des déchets ; cependant, l'absence générale de ressources est souvent évoquée comme constituant un obstacle important à leur mise en œuvre de manière satisfaisante et dans les délais prévus.
La directive européenne exige des Etats membres qu'ils mettent en place un réseau intégré et adéquat d'installations d'élimination des déchets. Le réseau doit permettre à la Communauté dans son ensemble d’assurer elle-même l'élimination de ses déchets et tenir compte du fait que certains déchets, et surtout les déchets dangereux, ne sont probablement pas produits en quantité suffisante dans certains pays pour motiver la construction dans ces pays d'une installation d'élimination de ces déchets.
Pour aider les autorités nationales, régionales et locales compétentes à préparer leurs plans de gestion des déchets, la Commission européenne a publié une note d'orientation technique. Cette note n'est pas obligatoire et vise à encourager les pratiques de planification plus cohérentes et appropriées dans les Etats membres et les pays candidats à l'adhésion, conformément aux exigences des textes législatifs communautaires pertinents.
Les objectifs fondamentaux de la stratégie de l'UE en matière de gestion des déchets sont les suivants :
- prévenir avant tout la production de déchets ;
- recycler les déchets ;
- transformer les déchets en source d’énergie ne produisant pas de gaz à effet de serre ;
- optimiser l'élimination finale des déchets, y compris leur transport.
Bien que l'UE se soit fixé un certain nombre d’objectifs et dispose de directives pour mettre en oeuvre ces objectifs, les données dont elle dispose à ce sujet sont inégales en raison d'un manque de cohérence sur l'ensemble du territoire de l'Union. Il est cependant tout à fait évident que certains de ces objectifs ne seront pas atteints.
Tout d’abord, de nombreuses catégories de déchets sont en progression, depuis les consommateurs qui produisent davantage d'ordures ménagères jusqu'aux usines de traitement des eaux usées qui génèrent de plus en plus de boues d'épuration. Ce qui est plus grave, c'est que les méthodes d'élimination des déchets n'arrivent pas à faire face à l'augmentation des volumes, et que dans plusieurs pays le volume des déchets biodégradables mis en décharge est en progression.
Enfin – et c'est là le point essentiel – la production des déchets reste encore liée à l'activité économique, ce qui signifie que la croissance de l'économie européenne s’accompagnera d’une aggravation du problème des déchets.
5. Instruments de la politique de gestion des déchets
L’approche réglementaire traditionnelle, « command and control » est largement utilisée dans tous les pays d’Europe, particulièrement pour la gestion des déchets dangereux. Pour les autres déchets, l'emploi d'instruments économiques conformes aux lois du marché est en progression. Une démarche importante consiste à sensibiliser les pollueurs (c'est-à-dire les entreprises ou les ménages qui génèrent les déchets) aux coûts de leurs activités ou comportements et à leur offrir la possibilité d'agir autrement. Les coûts sont généralement répercutés sur les usagers au moyen de redevances reflétant le coût de la collecte et du traitement des déchets, et par des impôts. Plusieurs pays utilisent de plus en plus des systèmes appliquant le principe PAYT (Pay-as-you-throw) c’est-à-dire « payez ce que vous jetez ».
En Europe occidentale, la responsabilité du producteur est impliquée pour divers types de déchets tels que les emballages, les piles et accumulateurs, les déchets d’équipements électriques et électroniques, le papier et les pneus. Des accords volontaires ont également été conclus entre les autorités et les entreprises dans certains cas (par exemple concernant les véhicules hors d’usage ainsi que les déchets de construction et de démolition).
En Europe centrale et orientale, les instruments les plus employés sont les redevances pour la collecte, le transport et le traitement des déchets municipaux ainsi que les frais d’élimination des déchets. Plusieurs pays ont introduit des systèmes de consigne pour les emballages de boissons et des taxes à la production pour les piles et accumulateurs.
La plupart des pays de l'Europe de l'Est et du Caucase appliquent diverses taxes pour la gestion des déchets et taxes à la consommation ; cependant, l'efficacité de ces instruments est souvent limitée (OCDE, 2000). D'une manière générale, l'OCDE a recommandé une « réforme globale des instruments économiques utilisés pour la protection de l'environnement … dans le cadre des objectifs et des cibles prioritaires des politiques de l'environnement ».
Le but des instruments économiques devrait être non seulement de signaler et de sanctionner les mauvaises pratiques de gestion des déchets, mais aussi de compléter, d'encourager ou de récompenser les pratiques utiles, à savoir la prévention et la minimisation de la production, la réutilisation, le recyclage et la récupération des déchets. Toutefois, il conviendrait également de prendre en compte lors de la conception des instruments économiques des éventuels effets négatifs des mesures d’incitation. Si la redevance ou l'impôt sont trop élevés, ou s'ils augmentent trop rapidement, le risque d'élimination illégale des déchets augmente.
Un instrument qui s'est beaucoup développé et est maintenant utilisé dans de nombreux pays d’Europe occidentale est une taxe sur la mise en décharge des déchets. Son application vise plusieurs objectifs, notamment la promotion de la réduction, de la réutilisation et du recyclage des déchets ; l'augmentation des recettes et l'internalisation des dépenses des décharges. Cette taxe permet de collecter chaque année en Europe occidentale plus de 1,7 milliard d'EUR. S'il est possible de contester l'effet des taxes sur les décharges pour la réduction de la production de certaines catégories de déchets (par exemple les déchets municipaux), il est certain que ces taxes donnent des indications concernant les prix qui devraient encourager l'adoption de pratiques durables pour la gestion des déchets.
Le défi le plus important concerne probablement le développement de marchés fermes et durables pour les matériaux et les produits recyclés afin de garantir la viabilité à long terme des systèmes de recyclage. Il faudra surmonter des contraintes techniques et des restrictions économiques pour développer davantage le recyclage de catégories de déchets telles que les déchets municipaux et les matières plastiques. En ce qui concerne les déchets municipaux compostables, la création d'opportunités de marché et la sensibilisation du public à l'utilisation du compost représenteraient un progrès majeur.
6. Options et tendances de la gestion des déchets
Dans de nombreuses régions d’Europe, un des obstacles à l'amélioration de la planification, du contrôle et de la mise en oeuvre de la gestion des déchets est l'absence de données correctes, fiables, comparables et accessibles. La fiabilité des données est essentielle pour la prévention à long terme des décharges illégales et polluantes et l'exploitation de données non fiables peut conduire à de mauvaises décisions concernant l'élaboration des politiques et à la mise en place d'infrastructures inadaptées pour la gestion des déchets. Dans ces circonstances, il est difficile d'avoir une image complète de la production et la gestion des déchets en Europe.
Avec l'augmentation des volumes de déchets produits dans presque toutes les régions d'Europe, il y a place pour d'importantes améliorations. La prévention de la production de déchets devrait constituer le premier objectif, puisqu'en limitant la production à la source, on diminue les besoins de collecte et de traitement, les coûts associés et les impacts sur l'environnement. En outre, on économise des ressources naturelles et des matériaux, car il ne faut pas oublier que les déchets sont des matières premières « gaspillées ».
a. Prévention
Prévenir la production de déchets signifie qu'il faut concevoir des équipements, des biens et des services de manière à ce que leur fabrication, leur utilisation, leur réutilisation, leur recyclage et leur élimination lorsqu'ils deviennent hors d'usage génèrent le moins de déchets possibles. Dans les économies en développement, notamment, la prévention de la production de déchets constitue un défi considérable puisqu'il s'agit de faire en sorte que la production de déchets n’augmente pas en même temps que progresse l’économie.
Toutefois, la prévention de la production des déchets ne représente qu'un aspect du concept général de production plus propre mis en avant par le Programme des Nations Unies pour l'environnement depuis environ 15 ans. Le principe d'une consommation plus propre, élément clé du développement durable, est venue récemment compléter cette démarche avec l’adoption d’une approche préventive concernant toute la durée de vie d'un produit, c’est-à-dire sa conception, sa fabrication, son utilisation et son élimination.
Les politiques et les initiatives de production et de consommation propres sont soutenues et coordonnées à l'échelon mondial par des centres nationaux de production plus propre et au moyen de conférences et de tables rondes internationales et régionales. Les gouvernements disposent de nombreux outils, instruments, activités et mesures pour la promotion pour la promotion et la mise en oeuvre de politiques de production et de consommation plus propres.
b. Recyclage
Les chiffres concernant le recyclage sont assez décourageants. Le taux de recyclage des déchets dans de nombreux pays européens est minimal. Cependant, dans un petit nombre de pays d'Europe occidentale, le recyclage de certaines catégories de déchets a considérablement progressé au cours de la dernière décennie. Dans l'Union européenne, le taux de recyclage (y compris le compostage) des déchets municipaux, qui atteignait 11 % dans les années 1985-1990, est passé à 21 % en 1995 et à 29 % en 2000. A titre de comparaison, dans les Etats qui étaient alors en voie d’adhésion à l’UE, le taux moyen de recyclage des déchets municipaux était de 8,6 % pendant la période 1998-2001.
Il reste donc beaucoup à faire pour accroître la part du recyclage dans presque tous les pays d'Europe. Un défi majeur consistera à mettre en place de nouveaux systèmes de collecte et de recyclage et, dans certains cas, des systèmes plus complexes. Pour certaines catégories de déchets (les déchets de construction et de démolition par exemple), les solutions peuvent être relativement simples, alors que d'autres (les déchets d’équipements électriques et électroniques, par exemple) peuvent nécessiter un système plus complexe. Dans ce domaine, les possibilités de coopération internationale sont immenses.
Une entreprise peut-être encore plus difficile consistera à développer des marchés sains et durables pour les matériels et les produits recyclés de manière à garantir la viabilité à long terme des systèmes de recyclage. Il faudra surmonter des contraintes techniques et des restrictions économiques pour encourager le recyclage de catégories de déchets tels que les déchets municipaux et les matières plastiques. La création d’opportunités de marché et une meilleure sensibilisation du public devraient permettre de développer considérablement le compostage des déchets verts collectés séparément ou des déchets municipaux biodégradables.
c. Incinération
L'incinération avec récupération d'énergie constitue une autre solution évitant la mise en décharge. En Europe occidentale, 17 % des déchets municipaux étaient incinérés en 1995 et 18 % en 1999, alors que pour l'Europe centrale et orientale, les taux correspondant étaient de 2,3 % et 6 %. Dans les pays d'Europe de l'Est et du Caucase, il arrive fréquemment que les incinérateurs ne correspondent pas aux normes. Certains pays, signalent également que les déchets hospitaliers sont incinérés, mais souvent sans aucune mesure de réduction de la pollution. Il est évident que dans ce cas, il faut trouver un équilibre entre la nécessité de séparer les déchets hospitaliers dangereux des déchets municipaux et celle d'éviter une pollution de l'environnement résultant de l'incinération des déchets hospitaliers.
d. Mise en décharge
La mise en décharge constitue la dernière option de la hiérarchie de gestion des déchets et demeure la méthode la plus souvent employée en Europe. Une des raisons de ce choix pourrait être le fait que l'opinion publique répugne à considérer l'incinération comme une option de traitement ou d'élimination sûre, mais aussi l’existence de conditions locales militant contre la durabilité d’exploitation des usines d'incinération (comme des contraintes géographiques ou le transport sur de longs trajets). Environ 57 % des déchets municipaux d’Europe occidentale et 83,7 % de ceux d’Europe centrale et orientale ont été mis en décharge en 1999. Dans un rapport sur les perspectives de l'environnement du Caucase (PNUE, 2002), l'auteur décrit « des décharges municipales surchargées, mal gérées et mal entretenues qui ne répondent pas aux normes minimales en matière de santé et d’'environnement ».
Pour tenir compte de la hiérarchie des déchets, certaines catégories de déchets ne doivent plus être mises en décharge, mais faire l'objet de solutions de gestion mieux adaptées. Il faut noter cependant que dans de nombreux pays (notamment en Europe de l'Est), les capacités des décharges sont insuffisantes et les déchets, y compris les déchets dangereux, s'accumulent en attendant que des options de traitement ou d'élimination soient disponibles. Dans de nombreux cas, les déchets dangereux sont stockés dans des conditions déplorables qui augmentent les risques d'accidents industriels, d'effets nuisibles pour la santé et de contamination de l'environnement.
Une autre tâche importante consistera à élever les normes des décharges et à fermer les sites mal gérés et mal entretenus. Dans les Etats membres de l'UE, le respect de la directive sur les décharges devrait réduire considérablement les risques de pollution de l'environnement par les décharges. La directive impose des conditions techniques et d’exploitation strictes pour les décharges et exige une réduction des volumes des différentes catégories de déchets mis en décharge, ainsi que le traitement de tous les déchets avant leur mise en décharge.
7. La Directive de l'UE sur les décharges
La Directive 1999/31/CE du Conseil concernant la mise en décharge des déchets est entrée en vigueur en juillet 1999. Elle a pour objectif de prévenir ou de réduire autant que possible les effets négatifs de la mise en décharge des déchets sur l'environnement et notamment sur les eaux de surface, les eaux souterraines, le sol, l'air et la santé humaine.
La directive impose des objectifs chiffrés pour la réduction des déchets municipaux biodégradables pouvant être mis en décharge, à savoir une réduction de 35 % d'ici 2016 des volumes mis en décharge, en prenant 1995 comme année de départ. Pour atteindre les objectifs fixés, il faudra à la fois réduire la part des déchets municipaux biodégradables qui est mise en décharge et le volume total des déchets municipaux biodégradables produits. Cela impliquera du coup d'améliorer la collecte des déchets municipaux biodégradables, en les triant en fonction de leur niveau de contamination, et de créer de nouveaux marchés et de nouveaux débouchés pour les matériaux biodégradables des déchets municipaux qui n'iront plus dans les décharges.
La séparation des déchets selon leur source, la collecte séparée des déchets, le recours accru à l'incinération et au compostage et l’établissement de restrictions et d’interdictions concernant la mise en décharge de certains déchets font partie des instruments essentiels nécessaires pour atteindre l’objectif de la directive.
La directive fixe une procédure normalisée d'admission des déchets en vue de prévenir les risques :
- les déchets doivent être traités avant d'être mis en décharge ;
- les déchets dangereux au sens de la directive doivent aller dans une décharge pour déchets dangereux ;
- les décharges pour déchets non dangereux doivent accueillir uniquement des déchets municipaux et des déchets non dangereux ;
- les sites de décharge pour déchets inertes ne doivent servir qu'à ce type de déchets ;
- pour chaque catégorie de décharge, les critères d’admission des déchets doivent être adoptés par la Commission, conformément aux principes généraux.
Les déchets suivants ne devraient pas être admis dans une décharge :
- les déchets liquides ;
- les déchets inflammables ;
- les déchets explosifs ou oxydants ;
- les déchets hospitaliers et autres déchets cliniques infectieux ;
- les pneus usés, sauf certaines exceptions ;
- tout autre type de déchets ne répondant pas aux critères d'admission.
La directive établit un système de permis d'exploitation des sites de décharge. La demande d'autorisation doit comporter les informations suivantes :
- l'identité du demandeur et, dans certains cas, de l'exploitant ;
- la description des types et de la quantité totale des déchets à déposer ;
- la capacité du site de la décharge ;
- une description du site ;
- les méthodes proposées pour prévenir et réduire la pollution ;
- le plan proposé pour l'exploitation, la surveillance et le contrôle ;
- le plan proposé pour les procédures de désaffectation du site et de gestion après désaffectation ;
- la garantie financière du demandeur ;
- une étude d'impact, si elle s'impose en vertu de la Directive 85/337/CEE du Conseil concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement.
Les Etats membres doivent prendre des mesures pour que les décharges en exploitation ne puissent continuer à fonctionner qu'à condition de satisfaire les dispositions de la directive dans les plus brefs délais.
8. L'emplacement des décharges
Dans de nombreuses régions d'Europe, il existe une crise de la gestion des déchets solides en raison de l'incapacité des autorités à trouver de nouveaux sites pour remplacer les décharges existantes qui ont atteint leur capacité. Les décharges municipales qui accueillent des déchets solides peuvent avoir, et ont en général, des effets négatifs importants pour les propriétaires, les résidents ou les autres utilisateurs des terrains situés à proximité.
Parmi ces effets négatifs, on peut citer :
- les aspects de santé publique, économiques et esthétiques touchant la qualité des eaux souterraines et de surface ;
- la migration de méthane et de composés organiques volatiles qui pose des risques pour la santé publique et des risques de toxicité pour les végétaux ;
- les décharges sauvages au bord des routes et les ordures déposées illégalement à proximité des décharges ;
- la circulation et le bruit des camions ;
- les odeurs, les insectes, la poussière et les matériaux emportés par le vent ;
- les terrains adjacents ou proches qui sont impropres à de futures utilisations, la baisse de valeur des terrains ;
- la détérioration du paysage ;
- la destruction des habitats de la vie sauvage ;
- la destruction de sites archéologiques.
Une des manières les plus efficaces de traiter une grande partie de ces problèmes en zone rurale consiste à prévoir une zone tampon suffisante appartenant à la décharge entre la décharge proprement dite et les propriétés adjacentes. Cependant, les zones tampons prévues autour des décharges sont souvent très restreintes d’une largeur de quelques centaines de mètres en général. Du coup, les propriétaires ou les utilisateurs des terrains situés à proximité d’une décharge estiment que celle-ci porte atteinte à leur utilisation et leur jouissance de ces terrains.
Cet état de chose amène les personnes susceptibles de subir les effets négatifs d'une décharge à adopter l'attitude bien connue : « pas dans mon jardin ». La réputation de « mauvais voisin » des décharges tient en partie au fait que ceux qui produisent les déchets mis en décharge n'ont pas été invités ni obligés à fournir des fonds suffisants (par exemple une redevance pour l'élimination des ordures) pour contrôler correctement les nombreux effets négatifs importants facilement contrôlables dans les décharges accueillant les déchets municipaux solides.
Encore aujourd'hui, l'approche adoptée pour choisir l'emplacement d’une décharge consiste comme autrefois à sélectionner un ou plusieurs sites essentiellement ruraux comme sites candidats, puis, par une procédure artificielle, à imposer par la force un ou plusieurs de ces sites aux propriétaires ou aux utilisateurs des terrains situés à proximité. Si ceux qui se trouvent dans la zone d'influence potentielle de la décharge, qui s’étend souvent sur un rayon de plusieurs kilomètres autour du site proprement dit, sont assez puissants politiquement ou disposent de ressources financières suffisantes pour s'opposer fermement à l'ouverture de la décharge dans leur région, ils arrivent généralement à empêcher cette ouverture.
Certaines régions se proposent d'impliquer le public dans la procédure de sélection des sites en désignant un « comité consultatif de citoyens », qui peut alors sélectionner et classer les différentes préoccupations concernant la future décharge. Les sites candidats potentiels sont classés en fonction d'un système de points élaboré de manière arbitraire et les sites qui obtiennent le plus grand nombre de points sont retenus comme les meilleurs sites possibles. Alors que la sélection des sites et la conception de la décharge devraient être coordonnées et menées en parallèle, elles sont organisées le plus souvent l'une après l'autre, ce qui contribue au manque de fiabilité de la procédure.
Cette procédure, qui semble à première vue techniquement intéressante et faire appel à la participation du public, est extrêmement arbitraire et sa mise en œuvre est souvent fantaisiste. Il est rare qu’elle aboutisse au choix du « meilleur site disponible », celui qui permettrait l'exploitation d'une décharge spécifique sur un site spécifique sans effets négatifs importants pour les propriétaires et utilisateurs des terrains situés à proximité, pour les générations futures qui pourraient posséder et utiliser ces terrains à l'avenir et pour les personnes qui utiliseraient un jour les eaux souterraines liées à cette zone.
D'une manière générale, la participation du public signifie que les personnes risquant d’être affectées ont tout juste la possibilité d'exprimer leur avis sur les raisons pour lesquelles il ne faudrait pas établir une décharge près de chez eux. Il est rare que l'expression de ces avis débouche sur un changement significatif concernant l'emplacement ou la conception de la décharge. Une décharge est toujours imposée aux personnes qu'elle risque d'affecter dans la région. Le public potentiellement affecté est rarement impliqué de manière suffisante dans le processus de prise des décisions pour garantir que les effets négatifs potentiels d'une décharge seront contrôlés et qu'un dédommagement approprié sera prévu pour tenir compte des effets non contrôlables.
Il est nécessaire d'adopter une approche complètement différente de celle employée aujourd'hui concernant le choix de l'emplacement des décharges. Chaque projet doit donc être techniquement justifiable et réalisable, s'accompagner de garanties financières suffisantes pour prévenir toute pollution future des eaux souterraines et prévoir des zones tampons suffisantes. L'augmentation des redevances pour la collecte des ordures doit permettre d'accorder des dédommagements financiers appropriés aux personnes situées dans la zone d'influence de la décharge, afin de leur permettre de quitter facilement cette zone ou d'accepter les effets négatifs de la décharge qui n’affectent pas la santé mais l'environnement, tels que le paysage modifié ou dégradé.
La gestion des systèmes complexes fournit une méthodologie permettant d'incorporer de manière rigoureuse les divers facteurs à prendre en compte pour le développement d'une capacité de gestion des déchets solides dans une région. Il s'agit d'examiner et d'évaluer un grand nombre de facteurs comprenant notamment la conception de la décharge et les solutions de remplacement, l'exploitation de la décharge, la santé publique, la pollution atmosphérique, l'hydrogéologie, l'utilisation et les usages futurs éventuels des eaux souterraines hydrauliquement reliées à la future décharge, la pollution de l'eau, les habitats naturels et les espaces libres, les effets négatifs sur la collectivité, la surveillance du site, l'utilisation du site désaffecté et son coût.
Il ne sera peut-être pas possible de satisfaire parfaitement à toutes ces exigences, mais une décharge reste une caractéristique inévitable de notre mode de vie, si bien que les compromis et l'adaptation aux priorités basés sur des évaluations détaillées des technologies et sites de remplacement, et le dédommagement des personnes affectées doivent constituer des objectifs prioritaires pour les collectivités locales et régionales, et exigent un effort considérable de la part des ingénieurs de système et des comités consultatifs de citoyens.