La contribution des pouvoirs locaux et régionaux dans la mise en œuvre de la Convention européenne du Paysage - CG (11) 12 Partie II

Rapporteur:
Leonora BECKER, Hongrie,
Chambre des pouvoirs locaux
Groupe politique : GILD

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EXPOSE DES MOTIFS

I. INTRODUCTION

1. Stimulés par une demande sociale croissante, au cours des dernières années, l’intérêt et l’engagement des pouvoirs locaux et régionaux européens pour la protection et la mise en valeur du paysage ont fait des progrès importants. En réponse à cette évolution, en sa qualité d’organe représentatif des collectivités territoriales à l’échelle européenne, en 1994, le Congrès a entamé l’élaboration d’un projet de convention consacré exclusivement au paysage. En 1998, après avoir approuvé le projet final de cette convention, le Congrès en a recommandé l’adoption au Comité des Ministres. Au courant de l’année 2000, en se basant sur le projet préparé par le Congrès, le Comité des Ministres a adopté la Convention européenne du paysage (Strasbourg, 19 juillet) et l’a ouverte à la signature des Etats membres du Conseil de l’Europe (Florence, 20 octobre). Suite au dépôt des instruments de ratification de la part de dix Etats membres, la convention est entrée en vigueur le 1er mars 2004.

2. Le nombre élevé de signatures apposées sur la convention (28) et le nombre croissant de ratifications (12)1 confirment l’importance politique attribuée par les gouvernements nationaux à ce nouveau traité européen. La raison du grand intérêt manifesté par les gouvernements se fonde probablement sur la portée innovatrice de la conception que la convention sous-entend et sur l’ampleur et la qualité des effets que cette conception est susceptible de provoquer sur les plans juridique et politique aux niveaux local, régional, national et européen.

3. En effet, l’entrée en vigueur de la convention permettra la réalisation d’un double résultat :

4. Compte tenu de ses origines, la convention réserve aux pouvoirs locaux et régionaux une attention particulière. Dans ses dispositions, elle :

L’ensemble de ces dispositions représente une garantie juridique de taille en vue de l’exercice des responsabilités institutionnelles des pouvoirs locaux et régionaux européens en matière de paysage.

5. Le présent rapport souhaite approfondir la question relative au rôle de ces pouvoirs dans la mise en œuvre de la convention. Ce rôle peut se concrétiser au sein des Etats qui l’ont signée et ratifiée mais aussi en tant que contribution aux activités des comités d’experts du Conseil de l’Europe chargés d’en contrôler l’application à l’échelle intergouvernementale. Avant de se référer à la contribution des pouvoirs locaux et régionaux à la mise en œuvre de la convention, le rapport retrace les raisons qui ont poussé le Congrès à en recommander l’adoption au Comité des Ministres.

II. LES RAISONS D’UN ENGAGEMENT

6. Les innombrables paysages européens sont l’expression de la diversité que l’Europe a su exprimer au cours de son histoire. Les blessures, les cicatrices et les asymétries que ces paysages expriment, constituent un signe évident de la désagrégation des sociétés européennes suite aux profondes transformations intervenues au cours du XXème siècle. De nos jours, ces bouleversements motivent les populations concernées à rechercher dans le paysage des valeurs positives dans lesquels s’identifier. Ceci explique la demande croissante de paysage, témoignage d’un mal être plus profond, probablement lié aux processus de globalisation et à leurs effets contradictoires produisant homologation et modernisation d’un coté, déséquilibres et inégalités de l’autre.

7. Le passage de la société des lieux à la société des flux, encouragé par les nouvelles technologies de communication, a tendance, en fait, à couper les liens des populations avec les lieux, à mettre en danger l’enracinement territorial des communautés locales, à accélérer les processus de déterritorialisation. Dans cette perspective, la spectaculaire croissance de la demande de paysage n’est pas uniquement une dérive esthétisante d’une société rassasiée ; bien au contraire il s’agit du signe que les populations souhaitent rétablir des liens avec leurs lieux de vie, liens que la modernité a tendance à dissoudre. La demande de paysage concerne donc les relations entre communautés locales et territoires et est issue, en grande partie, des contradictions fondamentales du développement socio-économique contemporain. Cette question révèle la non durabilité de ce développement, son incapacité à se poursuivre dans le temps sans mettre en danger le patrimoine de ressources qui peut être transmis aux générations futures.

8. Afin de réagir à cette situation et répondre aux demandes sociales en question, il est essentiel d’ancrer autant que possible les décisions publiques au territoire. L’établissement d’une relation étroite entre ces décisions et les ressources locales est la condition nécessaire pour que l’on puisse réaliser un développement durable et équilibré. Afin que les décisions en question ne se réduisent pas à l’exploitation exogène des ressources locales, ces décisions doivent toujours contribuer à produire une « valeur territoriale  ajoutée». Dans cette perspective, il est nécessaire que la classe politique locale soit à la hauteur de ses responsabilités. Un effort soutenu en ce sens est requis de la part de toute la classe politique européenne.

9. Dans ce cadre, en application du principe de subsidiarité, les autorités locales et régionales doivent pouvoir jouer un rôle dans la formulation et la mise en œuvre des politiques du paysage. L’enracinement de ces politiques dans les lieux de vie des populations peut donner l’occasion à ces dernières d’exprimer, dans un contexte démocratique, leur potentiel humain et social – composé surtout de savoir-faire, de traditions et de cultures locales, ainsi que d’une connaissance directe et approfondi des lieux. Ceci peut permettre une utilisation plus efficace et durable des ressources dans le respect de leur diversité.

10. Ainsi conçues, les politiques du paysage peuvent contribuer à la défense et à l’affirmation des valeurs identitaires qui s’expriment au niveau local contre la banalisation et l’homologation induites par les processus de transformation en cours. Ces valeurs identitaires doivent cependant se concilier avec l’irruption des diversités sociales et culturelles et la force des processus de contamination présents dans les sociétés. Il faut éviter que la défense des identités locales se traduise en des comportements égoïstes et exclusifs et que le culte pour ses propres racines territoriales, véhiculé par le paysage, encourage la fermeture autistique des systèmes locaux.

11. La merveilleuse mosaïque des paysages européens doit ainsi représenter une ressource pour le futur et non pas être le symbole de l’inertie du passé. Si les politiques du paysage doivent contribuer à célébrer la diversité, elles doivent aussi promouvoir l’ouverture au dialogue, à l’échange et à la redéfinition permanente des valeurs identitaires de référence. Il faut absolument éviter que la diversification des politiques et des traditions culturelles qui se développent au niveau local et régional se traduise en isolation, séparation, fermeture.

12. Afin de réaliser pleinement ces objectifs, il faut également éviter que les activités de protection paysagère soient concentrées dans des zones qu'un petit cercle d'experts, quand bien même éclairé, a déclaré de valeur paysagère exceptionnelle. Le droit de profiter de paysages de qualité doit être donné à tous les citoyens européens et pas seulement à ceux qui ont les moyens de vivre ou fréquenter des paysages d’une beauté exceptionnelle. Le paysage doit être démocratisé en vue de la protection des paysages qui, même s’ils sont ordinaires, voire dégradés, n'ont jamais été considérés comme dignes d'intérêt commun ou d’une protection publique. Tous les citoyens doivent avoir le droit d’établir une relation spirituelle avec le territoire, de bénéficier de cette relation physiquement et spirituellement, ainsi que de participer aux décisions publiques qui concernent le produit de cette relation, autrement dit le paysage lui-même.

13. La demande du Congrès visant l’adoption et la mise en oeuvre d’une Convention européenne entièrement et exclusivement consacrée au paysage a été le reflet politique de l’ensemble de ces préoccupations.

III. LES PRINCIPES ADOPTES

14. Le principe fondamental que la Convention européenne du paysage a su introduire et faire admettre, est la nécessité de reconnaître l’intérêt paysager comme un bien juridique qui doit être protégé indépendamment de sa valeur. Le paysage est en effet reconnu par la convention comme un intérêt juridique propre qui, pour être protégé, n’a pas besoin de se voir attribuer une valeur particulière distinctive. La conséquence pratique de ce nouveau concept juridique, particulièrement innovant d'un point de vue politique, réside dans l’engagement des autorités des États qui ont ratifié la convention à protéger l'ensemble de la dimension paysagère du territoire national et ne pas se limiter uniquement à des paysages spécifiques qui sont justement considérés comme exceptionnels.

15. La Convention européenne du paysage, sans entrer dans les questions particulières relatives aux traditions et aux règles de chaque État, vise donc à amorcer ce processus là où il n'existe pas encore et représente un cadre de référence pour les administrations qui souhaitent, chacune à leur niveau, concevoir et mettre en oeuvre des politiques et des mesures urbaines et territoriales pour répondre aux besoins exprimés par les citoyens en matière de paysage.

16. Naturellement, le type d'activités qui sont concrètement réalisées afin de mettre en oeuvre la protection juridique telle qu’elle est garantie par le nouveau concept de paysage dépendra des paysages pris en compte. Devant une telle perspective, la convention propose des typologies d'intervention différenciées qui se distinguent entre la protection, la gestion et l’aménagement. Ces typologies, très précisément définies, devront être appliquées individuellement ou de manière combinée, selon les caractéristiques paysagères des paysages pris en compte.

17. De même, en ce qui concerne les compétences institutionnelles, il faut préciser que celles-ci seront différentes en fonction de l’intérêt qui est effectivement reconnu aux divers paysages existant sur le territoire national. Les organisations internationales, notamment européennes et les autorités nationales pourront en effet déterminer des paysages d'intérêt, respectivement, international et national. En l’absence d’une telle reconnaissance (et des obligations qui peuvent en découler) et sur la base du principe de subsidiarité, les collectivités locales devront prendre en charge la protection de leurs paysages dans le cadre des politiques nationales, voire régionales, du paysage.

18. Pour ces paysages, dits ordinaires, les collectivités locales devront s’acquitter d’une série d'obligations concomitantes. La première consiste à mettre en place des activités de sensibilisation des populations aux valeurs, avantages et problèmes relatifs aux paysages qui les entourent (de façon plus ou moins soutenue selon les besoins). Une fois sensibilisées, ces populations auront la possibilité de s’exprimer publiquement sur les résultats des activités d'identification et de qualification des paysages du territoire communal, qui seront obtenus avec le soutien des experts compétents dans les différentes disciplines scientifiques. Au terme de cette consultation, tenant compte des aspirations exprimées, les autorités locales devront mettre en oeuvre les actions appropriées de protection, de gestion et/ou d’aménagement par le biais d’instruments d'intervention adéquats.

19. Il est évident que l'implication des populations, à savoir leur forte sensibilisation et leur participation active, dans les politiques et les mesures publiques relatives au paysage, représente le point central de la Convention européenne du paysage. Sans cet engagement, le paysage perdrait probablement sa fonction principale, et resterait une image informe, d’un sentiment général de dégradation ou au contraire d’un bien-être limité à un petit nombre.

IV. LES PERSPECTIVES DE L’ACTION

20. Engagé dans la préparation d’un projet de convention depuis 1994, au début de son travail, le Congrès a dû faire face à des réactions exprimant tantôt un simple désintérêt, tantôt une dérision à peine déguisée, et dans d’autres cas, une franche opposition. A l'époque, il était évident que le projet de rédaction d’une ébauche de traité international consacré au paysage était considéré comme une mission impossible. Aujourd'hui, dix ans plus tard, ces incompréhensions semblent dépassées et nous pouvons peut-être dire que le rêve est en train de devenir réalité. À travers la Convention européenne du paysage, un consensus généralisé a pris enfin corps autour du « patrimoine paysager. »

21. Au cours de ces dix dernières années, grâce sans doute à ses objectifs purement politiques et à sa proximité des besoins quotidiens des populations, le Congrès a en effet réussi à travailler sur le thème du paysage en mettant d'accord les divers acteurs concernés, sans s’embarrasser des interminables diatribes dogmatiques sur la définition du paysage, à savoir s’il est de la compétence des biologistes, des écologistes, des défenseurs de la nature ou l’apanage exclusif des archéologues, historiens ou conservateurs de biens culturels, etc.

22. Cependant, il ne faut pas se laisser emporter par un enthousiasme débordant. Pour le Congrès, l'adoption de la convention, l’ouverture à sa signature et son entrée en vigueur dans les États qui l'ont déjà ratifiée ne signifient pas en soi que le travail des autorités publiques en matière de paysage est terminé pour autant. Le Congrès est en effet convaincu que ce travail a à peine commencé et que sa réalisation est intimement liée à l’aboutissement du projet politique dont la convention n'est qu'une expression juridique faisant autorité.

23. Le projet politique initié par le Congrès est sans aucun doute ambitieux ; certains l’ont même qualifié de « révolutionnaire ». Ces termes peuvent être compris dans la mesure où ce projet vise à modifier en profondeur le rapport entre les populations et le territoire, en se fondant sur les principes de la convention. Pour que ce projet puisse se réaliser, les autorités publiques devront donc faire en sorte que la convention, tel un liquide coulant dans une structure complexe, puisse pénétrer progressivement les rouages les plus enfouis et les plus cachés de nos sociétés.

24. Sans le travail conjoint des gouvernements nationaux, régionaux et locaux, le liquide en question resterait enfermé dans sa prestigieuse burette européenne, posée-là pour enrichir la vitrine de la bibliothèque de quelques politiciens ou fonctionnaires particulièrement inspirés ou zélés. Mais ce liquide n'est pas une potion magique ; il est tout simplement une sève qui, pour être vitale, doit pouvoir couler et devenir une ressource utilisée par tous au quotidien. Cette sève doit couler dans les veines de la vie civile, administrative et institutionnelle des États qui composent notre continent. Fondée sur la subsidiarité, elle doit descendre jusqu'aux racines de nos sociétés complexes et toucher ces personnes qui considèrent encore le territoire simplement comme une source de satisfaction exclusive de leurs propres intérêts matériels et non comme une source indispensable d'équilibre environnemental, de santé publique, de développement durable et d’épanouissement spirituel.

25. Les gouvernements nationaux doivent donc faire le premier pas en encourageant, bien évidemment, la ratification de la convention, mais surtout en évitant le plus souvent possible de tenir des positions contradictoires avec le texte et l’esprit de celui-ci, dans le seul but de poursuivre des intérêts purement électoralistes de brève échéance, dont la satisfaction risque de compromettre, à plus long terme, le développement d'une prise de conscience de l’importance du paysage dans la communauté nationale concernée.

26. Quant aux pouvoirs locaux et régionaux, le Congrès mettra tout en œuvre pour les sensibiliser par rapport à l’importance de leur rôle. Dans cette perspective, le Congrès soutient déjà avec conviction la mise en place de pôles d'assistance et de coordination pour la mise en oeuvre des principes de la convention au niveau territorial. Le Congrès est convaincu qu’avec l'entrée en vigueur de la convention, le moment est venu d'aider les collectivités territoriales à assumer les responsabilités que la convention leur confie en application du principe de subsidiarité comme établi dans la Charte européenne de l'autonomie locale.

V. LA CONTRIBUTION DES POUVOIRS LOCAUX ET REGIONAUX

27. Dans la plupart des Etats membres du Conseil de l’Europe, les compétences institutionnelles en matière de paysage sont mises en œuvre sous la responsabilité directe des régions et des pouvoirs locaux (parfois en tant que compétences déléguées par les régions). Le Congrès souhaite aider ces collectivités territoriales à s’acquitter de leurs responsabilités dans le respect des principes de la convention. Compte tenu de la difficulté de la tâche, dans un esprit de coopération et d’enrichissement mutuel, il est très important que les collectivités territoriales puissent s’échanger des informations et fonder leurs décisions également sur la compétence et l’expérience des organismes universitaires et associatifs compétents.

28. Le caractère pluridisciplinaire des connaissances nécessaires afin de protéger, gérer et aménager le paysage conformément aux principes de la convention, demande le développement de capacités scientifiques et techniques non négligeables. Il est certain qu’au-delà de la bonne volonté politique, un nombre important de collectivités territoriales européennes ne dispose pas de telles capacités. Certains pouvoirs locaux et régionaux sont déjà en possession de ces capacités et pourraient, dans le cadre d’une solidarité transfrontalière et interterritoriale, partager ces capacités avec les collectivités moins développées, en liaison avec les organismes susmentionnés.

29. Compte tenu des exigences de coordination et d’organisation nécessaires à l’établissement de tels liens, dans la perspective d’une application correcte et approfondie de la convention, il est souhaitable qu’un organisme unique se charge, au niveau européen, d’aider les collectivités locales et régionales à réunir leurs forces et compétences en matière de paysage. Dans cette perspective, le Congrès a d’ores et déjà attribué son patronage à l’initiative de la Région Campanie (Italie) et du Parc national du Cilento e Vallo di Diano (Italie) visant la création d’un réseau européen des pouvoirs locaux et régionaux pour l’application de la Convention européenne du paysage.

30. Dans son article 1, celle-ci définit le paysage comme « une partie du territoire telle que perçue par les populations, dont le caractère résulte de l’action de facteurs naturels et/ou humains et de leurs interrelations », et, dans l’article suivant, précise que cette définition est appliquée « aux espaces naturels, ruraux, urbains et périurbains, aux espaces terrestres, aux eaux intérieures et maritimes » et, pour ce qui est de la valeur, « aux paysages remarquables aussi bien qu’aux paysages du quotidien et qu’aux paysages dégradés ». Conformément à cette conception, le champ d’activité du réseau mentionné ci-dessus devrait être étendu à tout le territoire des collectivités adhérentes. Et cela non seulement par respect formel des principes fondamentaux de la convention mais aussi parce qu’aujourd’hui, nul n’ignore que cet élargissement peut et doit représenter le saut de qualité nécessaire en matière de politiques du paysage, amenant à rechercher dans le territoire les raisons de la crise et de la dégradation du patrimoine paysager et les solutions les plus efficaces pour y répondre.

31. Placé sous l’égide du Congrès, ce réseau devrait constituer une structure de coordination, d’assistance et de soutien technique et scientifique mise à la disposition des régions et des pouvoirs locaux pour qu’ils puissent s’acquitter de leurs responsabilités institutionnelles dans le domaine du paysage, conformément aux principes énoncés par la convention. Dans cette perspective, le Congrès pourrait, par une résolution, inviter toutes les collectivités territoriales des pays membres disposant de compétences propres ou déléguées en matière de paysage (la presque totalité en Europe) à adhérer au réseau en question.

32. Ce dernier devrait représenter une structure d’approfondissement, de connexion et d’interaction, mise à la disposition des services des collectivités territoriales compétentes en matière de paysage. Dans cette optique, il pourrait améliorer les capacités décisionnelles des régions et des pouvoirs locaux dans le cadre de leurs responsabilités respectives, en liaison avec les autorités de l’Etat, tout particulièrement au niveau de l’aménagement et des processus d’autorisation. En tant que soutien, le réseau devrait prêter une attention constante à la sensibilisation des citoyens et des responsables administratifs à l’égard du paysage, selon les dispositions de la convention.

33. Il est particulièrement important que cet organisme représente une structure ouverte, de nature réticulaire. Les résultats de son travail doivent pouvoir être partagés par le plus grand nombre de gouvernements locaux et régionaux engagés, dans des activités concrètes de protection/gestion/aménagement du paysage en liaison avec les organismes universitaires et associatifs compétents. De ce point de vue, il est essentiel de mettre en place un système qui permette un vaste échange d’expériences dans les différentes réalités territoriales des Etats signataires de la convention.

34. En fonction des objectifs rappelés ci-dessus, le réseau aurait pour objet de mener principalement des activités dans le cadre de l’élaboration des documents relatifs à l’identification et à l’évaluation des unités paysagères, la fixation des objectifs de qualité paysagère et aux décisions concernant les interventions visant la protection, la gestion et l’aménagement du paysage. Le soutien scientifique consisterait à étudier, actualiser et traiter des données, ainsi qu’à mettre au point des programmes de coopération scientifique destinés à comparer, à évaluer et à diffuser les résultats. Ces activités s’accompagneraient de programmes et de propositions visant à sensibiliser, former et éduquer les acteurs concernés.

35. Tout en ayant un objectif de soutien technique et scientifique, le réseau pourra également devenir, pour les collectivités locales et régionales concernées, un forum de dialogue et de coordination de leurs politiques en matière de paysage. Dans cette perspective, au moyen de ce réseau, les collectivités pourraient mieux coordonner leurs activités en la matière et ainsi établir un dialogue plus harmonieux avec les autorités centrales. La dimension politique du réseau aurait comme référence, d’une part, les principes de la convention, et, d’autre part, les préférences démocratiquement exprimées par les citoyens en ce qui concerne leur cadre de vie. Afin de pouvoir fonctionner correctement, être facilement identifié et constituer une référence technique et politique pour les pouvoirs locaux et régionaux intéressés, le réseau devrait se doter d’un certain nombre d’organes politiques, techniques et administratifs fondées, entre autres, sur les structures de ses membres. Le Congrès devrait pouvoir participer aux réunions des organes du réseau.

36. La mission du réseau serait complémentaire aux activités intergouvernementales mises en œuvre, toujours à l’échelle européenne, par les comités d’experts chargés, au sein du Conseil de l’Europe, du contrôle de l’application de la convention (Article 10). En effet, les activités des gouvernements (au niveau national) et celles des comités d’experts (au niveau intergouvernemental) pourront être plus efficaces si elles sont relayées, sur le terrain, par l’action coordonnée des gouvernements locaux et régionaux, dans le cadre du réseau en question. Dans cette perspective, le réseau pourrait aussi contribuer aux initiatives de coopération européenne prévues au chapitre III de la convention notamment par rapport aux activités de coopération transfrontalière. En outre, le réseau pourrait faire connaître les activités liées au Prix du paysage du Conseil de l’Europe (Article 11 de la convention) qui, conformément aux propositions du Congrès, représente une initiative adressée, surtout, aux collectivités territoriales. Afin que le caractère complémentaire de l’ensemble de ces activités puisse s’exprimer au mieux sur le plan européen, le Congrès est prêt à assurer la coordination nécessaire.

VI. LE ROLE DU CONSEIL DE L’EUROPE ET DE SES INSTITUTIONS

37. En se fondant sur les propositions exprimées par les élus locaux et régionaux au sein du Congrès, le Conseil de l’Europe est parvenu à faire accepter un instrument juridique international très innovateur en matière de patrimoine culturel et de développement durable. De cette manière, il s’est affirmé dans un domaine très actuel en réaffirmant son identité, ses origines et les valeurs qui sont à la base de sa mission.

38. Afin de donner un message clair aux gouvernements qui se préparent pour la mise en œuvre de la convention, il est maintenant important qu’en matière d’environnement et de patrimoine culturel, l’Organisation fasse clairement comprendre que le suivi de la Convention européenne du paysage constitue l’une de ses priorités. Dans cette perspective, il serait regrettable qu’après tant d’efforts, les ressources nécessaires à la mise en œuvre de la convention soient détournées vers de nouvelles initiatives qui, tout en étant digne d’intérêt, pourraient donner l’impression aux gouvernements que le Conseil de l’Europe n’est pas à la hauteur de son propre succès.

39. Suite à son ouverture à la signature, la philosophie, la conception mais aussi la texture et la structure de la convention ont commencé à être mises à l’épreuve, à être confrontées à des réalités territoriales particulièrement complexes en raison des différences existant en Europe en matière de paysage, de perception de ce paysage, de sa protection et de sa mise en valeur. Dans ce cadre, il est positif d’apprendre que les dispositions de la convention ont d’ores et déjà inspiré les travaux des administrations nationales, régionales et locales directement concernées. Ceci a stimulé la recherche et l’échange d’informations, l’adaptation de certaines règles, l’adoption de nouvelles législations, l’évolution des pratiques existantes, la formulation et la mise en œuvre de politiques et de mesures fortement innovantes. En contrepartie, à l’avenir, les dispositions de la convention devront être interprétées à la lumière des besoins exprimés par les différentes réalités territoriales, notamment à l’échelon local et régional.

40. C’est probablement dans cette perspective que les gouvernements nationaux ont demandé que les autorités du Conseil de l’Europe mettent en place, et ce, avant même l’entrée en vigueur de la convention, des structures et des programmes en vue de leur coopération dans ce domaine en forte expansion. Ils ont ainsi accueilli favorablement l’organisation d’une Conférence des Parties contractantes et signataires de la convention. Le Congrès a été invité aux conférences tenues en 2001 et 2002 en tant qu’observateur et il a suivi ses travaux avec beaucoup d’intérêt. L’organisation de cette conférence a été une réponse à la hauteur du succès politique de la convention. La Conférence a d’ailleurs renforcé le rôle et la visibilité du Conseil de l’Europe et de ses organes dans des secteurs à forte concurrence internationale, tels que le développement durable, la qualité du cadre de vie quotidien, l’aménagement du territoire, l’identité culturelle, la mise en œuvre de la subsidiarité, la coopération transfrontalière et la décentralisation.

41. Après avoir élaboré le projet de Convention européenne du paysage, le Congrès est maintenant prêt à coopérer avec les comités d’experts qui, au sein du Conseil de l’Europe, seront appelés à contrôler son application. Dans cette perspective, le Congrès pourrait, par une Recommandation, inviter le Comité des Ministres à veiller à ce que le système de contrôle mis en place par les comités d’experts sur la base de l’Article 10 de la convention puisse garantir :

A défaut d’une telle ouverture sur le plan disciplinaire et de la nécessaire souplesse pour ce qui est des relations institutionnelles, la dynamique européenne recherchée par la convention risquerait de rester lettre morte.

42. Ces conditions étant garanties, la Convention européenne du paysage pourra devenir une créature vivante, composée d’organes capables de l’animer en permanence et auxquels le Congrès est prêt à contribuer avec tous ses moyens. Le respect de ces principes permettra à l’idéal paysager qui est à la base de la Convention de Florence de continuer à dégager sa force spirituelle, source et guide irremplaçable pour le succès de toute activité en la matière

1 Situation au 07/04/2004