CG (10) 9 – Partie II - la Charte européenne de la Montagne (29/04/03)

Rapporteurs : Mr Valerio PRIGNACHI (Italie) et Mr Valery KADOKHOV (Fédération de Russie)

EXPOSE DES MOTIFS

En mai 1995, après une série de Conférences préparatoires, qui s’étaient déroulées sur plusieurs années, le Congrès avait approuvé un premier projet de Charte européenne des régions de montagne. Ce projet était annexé à la Recommandation 14 (1995) qui invitait le Comité des Ministres à l’adopter sous forme de Convention juridiquement contraignante du Conseil de l’Europe.

L’objectif de cette Charte était celui de faire en sorte que les politiques en faveur de la montagne fassent l'objet de programmes généraux - susceptibles de représenter une référence constante pour toute autre politique sectorielle – et de mettre en place des mesures juridiques, administratives, fiscales, économiques et financières en faveur des régions de montagne. La Charte avait aussi la fonction de stimuler les institutions de l'Union européenne à mettre en place une politique spécifique pour les territoires de montagne communautaires.

Afin de placer les populations de montagne au centre des préoccupations politiques, tout en recherchant un équilibre entre les activités humaines et les exigences écologiques, le texte incitait les Parties à respecter les spécificités des zones de montagne, à mettre en œuvre des politiques globales de développement pour ces régions et à promouvoir une meilleure coordination intercommunale, interrégionale et transfrontalière.

Malgré les réactions favorables, ce premier projet n’avait pas obtenu l’accord du Comité des Ministres pour devenir un instrument juridique du Conseil de l’Europe. Ce projet avait été jugé ce projet trop contraignant pour les gouvernements.

Afin de répondre aux exigences manifestées par les représentants gouvernementaux- notamment en ce qui concerne la "forme" du projet - une version révisée de ce projet avait été présentée sous la forme d'une Convention-cadre ayant le mérite d'assouplir les engagements contraignants prévus par le projet originel de Charte, aux articles de 5 à 18, tout en sauvegardant les principes de base de la Recommandation 14 (1995)

Le Congrès avait ainsi entamé le parcours vers l'adoption de cette Convention-cadre qui énonçait les objectifs et les principes d'une politique européenne de la montagne, regroupant au sein d'un protocole annexé les orientations qui devaient inspirer les différentes politiques sectorielles des signataires pour chacun des secteurs déjà identifiés ou d'autres secteurs qui pouvaient être identifiés à l'avenir. Ce deuxième projet faisait partie intégrante de la Recommandation 75 (2000) du CPLRE sur le « projet de convention cadre européenne des régions de montagne » .

De façon complémentaire le projet de convention-cadre soulignait les synergies existantes entre ses dispositions et celles de la Convention alpine en raison de la complémentarité géographique du cadre visé, de la diversité des objectifs, de la disparité des destinataires ciblés ainsi que de la différence des procédures mises en place pour leur établissement.

Malgré les efforts des membres du Congrès et bien que le projet de Charte n’avait obtenu que des avis favorables, le projet de Convention cadre non plus n’a pu devenir un des textes soumis à la signature des gouvernements des Etats membres du Conseil de l’Europe. Les réticences vis-à-vis de l’adoption d’un texte conventionnel l’ont, une fois de plus, emporté.

Le projet de Recommandation

En septembre 2002, suivant les indications formulées dans la Résolution 136 (2002) du Congrès, la Commission du Développement durable a entamé un travail de transformation de ces deux projets de Conventions sous forme de projet de Recommandation à adopter par le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe. Ce projet, qui est soumis aujourd’hui à l’attention du Congrès, a été discuté et accepté à l’unanimité par la Commission du Développement durable qui s’est réunie le 25 avril 2003 à Strasbourg.

Il est important que ce projet puisse être adopté sous forme de Recommandation du Comité des Ministres afin de finaliser concrètement les initiatives qui ont eu lieu en 2002 au sein du Congrès et dans le monde entier. En effet, l’année 2002, déclarée par les Nations Unies « Année internationale de la Montagne », a vu naître une série d’initiatives visant à sensibiliser les gouvernements et l’opinion publique aux problèmes de la montagne.

Le texte peut être défini comme un texte équilibré qui, tout en n’ayant pas caractère contraignant pour les gouvernements des états membres, formule des indications précises sur les priorités et les caractéristiques qu’un politique de la montagne devrait avoir. Le projet de Recommandation contient en son annexe une « Charte européenne de la Montagne » qui - tout en confirmant les principes et les options politiques exprimés dans sa première version de 1995 – assume la forme d’une « Charte déclaratoire » qui a un fort impact politique mais ne représente pas une contrainte normative pour les gouvernements des états membres du Conseil de l’Europe.

Le cœur de cette nouvelle Charte en effet énumère un nombre de points ( délibérément limités mais extrêmement précis) qui sont cruciaux pour les populations concernées et qui tracent la voix pour la mise en place d’une véritable politique de la montagne dans les états membres. Il s’agit notamment de la lutte contre l’exode des jeunes, la préservation des valeurs culturelles spécifiques à la montagne, l’implantation d’infrastructures nécessaires à l’amélioration de la qualité de la vie (dont notamment l’amélioration des services publics, l’accessibilité aux zones de montagne et la délocalisation dans ces zones de certaines activités étatiques), l’utilisation des ressources énergétiques dans le respect de l’environnement, la préservation et la modernisation des terres agricoles et pastorales, la conservation des activités industrielles et artisanales existantes et le développement du secteur tertiaire (dont notamment l’activité touristique et l’implantation d’activités fondées sur les technologies nouvelles).

La Charte en effet ne vise pas seulement la sauvegarde de l’environnement mais aussi le développement global socio-économique des zones concernées, en soulignant la nécessité d’établir une bonne coordination entre les différents niveaux aussi bien étatiques que inter- régionaux.

L’objectif de la Charte est aussi celui de préfigurer un rôle important des autonomies locales et régionales dans l’organisation et la représentation de leurs intérêts selon les principes d’autonomie et de subsidiarité défendus par la « Charte européenne de l’autonomie locale » en leur permettant d’exercer un impact en faveur des régions de montagne dans les états membres aussi bien qu’au niveau européen.

En effet, la montagne européenne est un patrimoine naturel et socio-culturel tout à fait exceptionnel dont le rôle doit être reconnu et valorisé. La promotion du développement durable de la montagne ne peut pas réussir sans le support de la formulation d’une série de principes qui réalisent la possibilité, pour les populations de montagne, de vivre et travailler sur leurs territoires et avoir une qualité de vie comparable à celle d’autres régions.

Actuellement la montagne n’a malheureusement pas encore son statut, elle continue à être considérée génériquement et maladroitement comme "zone défavorisée". Désormais la mise en place de politiques adéquates pour la sauvegarde et la valorisation des montagnes européennes s'avère urgente si l'on veut assurer l'équilibre écologique et social de l'ensemble du continent. Il est d’ailleurs primordial de mettre en place des politiques conçues dans le cadre d'instruments juridiques transfrontaliers et européens, visant à garantir la complémentarité entre la sauvegarde de l'environnement naturel et un essor économique durable et équilibré.

A défaut de formulation de principes de base, reconnus et considérés acceptables au niveau européen, toutes les initiatives plus ou moins importantes prises dans ce domaine sont inévitablement sectorielles et limitées à certaines portions de territoire, c’est-à-dire qu’elles ne correspondent pas à la politique homogène que les montagnes d’Europe nécessitent.

Dans une époque où la globalisation économique confère à l'aménagement du territoire une position centrale pour assurer un développement durable à long terme, une époque où les forces du marché ont effacé les frontières étatiques, il est urgent de fixer des priorités et des principes pouvant guider les politiques nationales, transnationales et transfrontalières. Dans un tel contexte le partenariat des autorités locales et régionales avec les institutions européennes est fondamental pour le développement d'une politique coordonnée de la montagne

C’est pour faire face à ces défis que le projet de Recommandation, incluant la Charte européenne de la montagne, a été conçu en ayant à l’esprit les principes de la subsidiarité, du partenariat, de la solidarité de la participation, de la coopération transfrontalière. La Charte représente également un instrument concret pour répondre aux défis des territoires européens montagneux qui connaissent des problèmes communs de nature économique, sociale et environnementale et qui nécessitent souvent la mise en œuvre des politiques cohérentes de part et d'autre de la frontière.

Comme il a été déjà souligné dans le passé, les raisons principales des difficultés du « rééquilibrage » du territoire européen résident, entre autres, dans la dissolution du concept de "montagne" dans celui de zone défavorisée, ou en retard de développement, alors que la spécificité de ces régions appelle au contraire la définition d'objectifs qui leur soient propres, ainsi qu'une bonne adaptation des mesures à cette spécificité.

Dans cette perspective, il est indispensable de garantir aux populations de montagne un développement économique durable et équilibré, le droit de vivre et de travailler en montagne, la préservation de leur milieu de vie ainsi que des conditions et un niveau de vie équivalents à ceux d'autres régions rurales ou urbaines plus favorisées.

Il est indispensable que toutes les populations européennes, y compris celles qui ne vivent pas en montagne, puissent promouvoir une politique de cohésion territoriale afin de favoriser un développement équilibré des différentes régions d’Europe.

La montagne européenne constitue un patrimoine social et culturel exceptionnel qu'il convient de valoriser et de préserver et qu'il y a lieu de défendre en assurant le respect et le maintien de l'identité sociale, des traditions et de la culture de ses populations.