L'incorporation de la Charte européenne de l'autonomie locale dans l'ordonnancement juridique des Etats l'ayant ratifiée et la protection légale de l'autonomie locale - CPL (4) 7 Partie II

Rapporteurs
Mme Gaye DOGANOGLU, Turquie
et M. Alan LLOYD, Royaume-Uni

 I. Le contrôle de l'application de la Charte européenne de l'autonomie locale par le CPLRE

1. Avec l'accord du Comité des Ministres et sur la base du Rapport explicatif de la Charte européenne de l'autonomie locale, le Congrès a assumé la responsabilité du contrôle politique de l'application de celle-ci dans les Etats l'ayant signée.
A cette fin, il a confié cette responsabilité à un Groupe de travail dont nous avons aujourd'hui l'honneur d'être les rapporteurs. Ce Groupe, qui est composé de 11 membres de la Chambre des pouvoirs locaux, est présidé par M. Gerhard ENGEL (Allemagne) et assisté par un Comité d'experts indépendants dirigé par le Prof. Alain DELCAMP.

2. En vue de promouvoir le respect des dispositions de la Charte dans les pays l'ayant signée ce Groupe de Travail choisit périodiquement, un article ou une série d'articles qui méritent l'établissement d'un rapport détaillé quant à leur application effective.
Les articles dont l'application est contrôlée, et qui correspondent à des aspects spécifiques de l'autonomie locale posant le plus de problèmes quant à leur mise en oeuvre, sont sélectionnés directement par le Groupe de Travail.

3. Dans ce cadre, le premier rapport du Groupe de travail sur le contrôle de l'application de la Charte, dont M. Jean-Claude VAN CAUWENBERGHE a été le Rapporteur, a approfondi la question préalable de l'incorporation de celle-ci dans les ordonnancements juridiques des pays l'ayant ratifiée, ainsi que celle concernant les voies de recours à disposition des collectivités locales en cas de violation de l'autonomie locale par des textes réglementaires et normatifs de droit interne. Par ailleurs, une partie importante de ce premier rapport a été consacrée à la conformité de la législation des pays susmentionnés aux différentes dispositions de la Charte.

4. Suite à son approbation par le Groupe de travail M. Giorgio DE SABBATA, (Italie), a présenté ce rapport lors de la 1ère Session plénière du Congrès (31 mai - 3 juin 1994). Sur la base de ce rapport et conformément aux propositions du Groupe de travail, le Congrès a adopté la Recommandation 2 (1994) à l'intention du Comité des Ministres. Ce texte, qui fait l'objet de l'annexe II de ce rapport, représente ainsi le premier aboutissement des activités de contrôle de l'application de la Charte européenne de l'autonomie locale par le CPLRE.

5. Le Comité des Ministres a répondu à la Recommandation 2 (1994) et ce rapport constitue une réaction à cette réponse. Toutefois, avant d'entrer dans le vif du sujet, nous tenons à souligner que, parallèlement à l'élaboration de ce rapport de réaction, le Groupe de travail a poursuivi ses activités de contrôle de l'application de la Charte. Dans cette perspective, il a préparé un deuxième rapport sur la question du contrôle exercé par les autorités centrales et régionales sur les autorités locales. Sur la base de ce deuxième rapport, lors de sa 3e Session plénière (Strasbourg, 2-4 juillet 1996), le Congrès a adopté la Recommandation 20 (1996) en l'adressant au Comité des Ministres.

6. A l'heure actuelle, le Groupe de Travail sur le contrôle de l'application de la Charte examine la question des ressources financières des autorités locales par rapport à leur compétences. Le Groupe présentera un rapport préliminaire sur ce thème au cours de cette année lors de la 5e Session plénière du Congrès, et ce, conjointement à un projet de Résolution. Le projet final de ce rapport sera présenté par le Groupe de travail en 1999 à l'occasion de la 6e Session plénière du CPLRE conjointement à un projet de Recommandation à l'intention du Comité des Ministres.

II. La réponse du Comité des Ministres à la première recommandation du Congrès sur le contrôle de l'application de la Charte.

7. Par sa Recommandation 2 (1994), le Congrès avait constaté un certain nombre de difficultés concernant la mise en oeuvre de la Charte. Plus précisément, le Congrès avait relevé que :

- dans certains pays la Charte n'a pas été incorporée dans le droit interne alors que cette incorporation a été réalisée dans d'autres pays ;

- par conséquent, le recours devant les tribunaux internes en cas de non conformité d'un texte normatif national à la Charte n'est pas toujours possible; de plus, là où le recours est possible, les tribunaux ne sont pas toujours compétents pour annuler les normes non conformes ;

- la rédaction de certains articles de la Charte est telle qu'ils nécessitent une activité normative nationale supplémentaire pour les mettre en oeuvre alors que d'autres peuvent être directement invoqués devant les tribunaux des pays ayant incorporé la Charte dans leur droit interne ;

8. Compte tenu de ce qui précède, le Congrès a recommandé au Comité des Ministres de charger le CDLR d'étudier ces questions et de lui préciser quelles sont - si elles existent - les procédures qui peuvent être utilisées par les collectivités locales pour faire vérifier, d'une part dans les Etats ayant ratifié la Charte et où elle a été incorporée dans le droit interne et, d'autre part, dans les Etats ayant ratifié la Charte mais où elle n'a pas été incorporée dans le droit interne - la conformité des textes normatifs et réglementaires internes à la Charte.

9. A l'occasion de sa 518e réunion, le Comité des Ministres a répondu à ces recommandations en informant le Congrès qu'il avait décidé de demander au Comité Directeur des autorités locales et régionales (CDLR) de lui fournir les renseignements nécessaires pour répondre à la Recommandation 2 (1994) sur le contrôle de l'application de la Charte européenne de l'autonomie locale.

10. Lors de sa 16e réunion (Strasbourg, 6-8 décembre 1995) le CDLR a adopté un rapport qui fournit au Comité des Ministres les renseignements nécessaires en vue de répondre à la Recommandation 2 (1994) du Congrès. Ce rapport, qui fait l'objet de l'annexe III du présent rapport, est composé des informations que 21 délégations nationales ont transmises au CDLR à cet effet.
Le Comité des Ministres a transmis directement le rapport du CDLR au Congrès. Dans le cadre de sa Résolution 34 (1996), le Congrès a pris note du rapport du CDLR et a décidé de le soumettre au Groupe de travail responsable du contrôle de l'application de la Charte en vue de son examen approfondi.

11. Avant d'examiner de façon détaillée le rapport du CDLR, à l'occasion de sa réunion du 7 et 8 novembre 1996, le Groupe de travail a immédiatement constaté que les réponses fournies par les délégations nationales sont très différentes entre elles. Le Groupe a aussi remarqué que les Etats qui ont ratifié la Charte depuis peu de temps sont ceux qui ont fourni les réponses les plus précises et détaillées. Certaines réponses indiquent que la Charte, tout en ayant été ratifiée, n'a pas été incorporée dans l'ordonnancement juridique intérieur car celui-ci contient des normes en matière d'autonomie locale encore plus contraignantes que celles contenues dans la Charte ou parce que les dispositions de celle-ci sont trop générales et, dans cette perspective, sont difficilement applicables au cas concret.

12. Suite à ces premières considérations, le Groupe de travail a décidé de procéder à une analyse comparée du rapport du CDLR contenant les réponses des différents Ministères responsables des collectivités locales avec la synthèse des informations fournies par les membres du Comité d'experts indépendants et contenue dans le premier rapport sur le contrôle de l'application de la Charte préparé en 1994 par M. VAN CAUWENBERGHE .
A cette fin, il a chargé M. Jean-Marie WOEHRLING, Président du Tribunal administratif de Strasbourg, en sa qualité de membre français du Comité d'experts indépendants, d'élaborer cette analyse comparative.

13. Le rapport que nous présentons ci-après dans le cadre de l'annexe I représente le résultat de ce travail et constitue l'exposé de motifs du projet de Recommandation à l'intention du Comité des Ministres que le Groupe de travail a préparé en vue de son adoption par le Congrès.
Ce projet de Recommandation propose que le Comité des Ministres adopte une Recommandation sur la mise en application de la Charte européenne de l'autonomie locale et qu'il l'adresse aux Etats l'ayant ratifiée.
Une fois bouclée, cette procédure aura eu le mérite d'avoir établi un dialogue approfondi et fructueux entre le Congrès, responsable du contrôle politique de l'application de la Charte et les Parties contractantes de celle-ci.

14. Le seul inconvénient de cette procédure est sa longueur. A ce sujet, il est utile de rappeler ici que ce problème a été résolu par le Congrès par le paragraphe 15a de la Résolution 34 (1996) sur le contrôle de l'application de la Charte.
Ce paragraphe propose que le CPLRE recueille l'avis du CDLR avant d'adresser des Recommandations au Comité des Ministres à ce sujet.
Lors de sa 20e réunion (Strasbourg 26-28 novembre 1997), le CDLR a accueilli cette proposition qui sera donc déjà mise en oeuvre en vue de l'adoption de la prochaine Recommandation sur le contrôle de l'application de la Charte.

A N N E X E I

RAPPORT

L'INCORPORATION DE LA CHARTE EUROPÉENNE DE L'AUTONOMIE LOCALE
DANS L'ORDONNANCEMENT JURIDIQUE DES ETATS L'AYANT RATIFIÉE
ET LA PROTECTION LEGALE DE L'AUTONOMIE LOCALE

préparé par M. Jean-Marie WOEHRLING
Membre français du Comité d'experts indépendants sur la Charte

La Charte européenne de l'autonomie locale constitue pour les Etats l'ayant ratifiée l'engagement de faire bénéficier leurs collectivités locales des droits et garanties figurant dans cette Charte. Un tel engagement suppose que la législation et la réglementation des Etats ayant ratifié la Charte soit prise en conformité avec les stipulations de cet accord international.

L'hypothèse normale pour un Etat désirant adhérer à la Charte est donc que cet Etat confronte d'abord sa législation et sa réglementation aux principes et règles figurant dans la Charte et apporte à son droit interne les aménagements nécessaires pour qu'il soit en harmonie avec cette convention internationale. Cette harmonisation étant assurée, la ratification peut intervenir et constitue un engagement de maintenir dans l'avenir la conformité de la législation interne de l'Etat concerné avec les règles figurant dans la Charte.

Si l'on s'en tenait à ce seul schéma, la "réception" de la Charte européenne de l'autonomie locale dans les Etats qui l'ont ratifiée serait l'achèvement d'un processus et ne présenterait qu'un caractère essentiellement "doctrinal" : le contenu de la Charte aura été une source d'inspiration pour les Etats ayant décidé d'y adhérer, un cadre pour l'évolution de la législation interne sur l'administration locale. Mais pour un Etat dont la législation est conforme à la Charte, la ratification de celle-ci resterait "symbolique", sans influence concrète sur la situation juridique des collectivités locales, supposée déjà conforme aux principes figurant dans la Charte, cette situation juridique restant définie par le droit interne.

La réalité correspond à des situations plus complexes :

-d'une part, en fonction des différents mécanismes d'introduction du droit international dans l'ordre juridique interne, tels qu'ils sont reconnus, la Charte est susceptible, dans certains Etats, d'avoir des effets directs sur le droit interne et donc sur la garantie juridique effective de l'autonomie locale,

-d'autre part, la Charte constitue, pour reprendre une formule employée au sujet de la convention européenne des droits de l'homme, un "instrument vivant" dont l'interprétation est évolutive et dont la portée au regard des obligations des Etats quant à la nature et la mise en oeuvre de l'autonomie locale est susceptible d'une adaptation et d'un approfondissement corrélatifs à l'évolution de la conception commune de l'autonomie locale en Europe, de sorte que la conformité d'une législation interne à cette convention peut rarement être regardée comme sûre et encore moins comme définitivement acquise. Sans doute, la Charte n'a-t-elle pas institué un système de contrôle et d'interprétation du type de celui qui existe pour la Convention européenne des Droits de l'Homme. A cet égard, la comparaison entre la Charte et cette Convention trouve ses limites. Mais, d'une part, dans le système des valeurs fondamentale instituées par le Conseil de l'Europe, la Charte est, dans une certaine mesure, pour les droits des collectivités locales, le pendant de la Convention en ce qui concerne les droits des personnes; d'autre part, le mécanisme de suivi adopté par le CPLRE implique nécessairement une approche évolutive de la Charte, dont l'interprétation doit s'adapter aux progrès de la démocratie locale en Europe.

Il convient donc d'analyser les conditions dans lesquelles la Charte européenne de l'autonomie locale s'intègre dans l'ordonnancement juridique des Etats l'ayant ratifiée, avec la préoccupation de déterminer si les garanties figurant dans la Charte sont susceptibles d'être invoquées par les collectivités locales, en particulier dans les litiges qui pourraient les opposer aux Etats dont elles relèvent.

Dans cette recherche, on peut faire abstraction de la question de l'influence politique ou doctrinale de la Charte dans la discussion qui peut exister dans un pays en ce qui concerne les efforts souhaitables de modernisation et d'évolution de la législation interne sur les collectivités locales. Cet aspect est sans doute important, l'un des objectifs premiers de la Charte étant d'influer sur l'évolution législative et réglementaire nationale, mais la question posée ici est plutôt celle de l'effet juridique de la Charte au sens strict et de son invocabilité dans le cadre d'un litige de caractère juridique devant les juridictions nationales concernées.

A cet égard, le problème posé comporte un double aspect : quelle est la place de la Charte européenne de l'autonomie locale dans l'ordonnancement juridique interne ? Quelles sont les voies de recours juridictionnel interne qui permettent d'invoquer une méconnaissance des règles figurant dans la Charte européenne de l'autonomie locale ?

I) Le statut de la Charte européenne de l'autonomie locale dans l'ordre juridique interne des Etats qui l'ont ratifiée :

L'examen de cette question est subordonné à une distinction classique, celle qui est faite entre Etats ayant une conception moniste et ceux ayant une approche dualiste des relations entre droit international et droit interne. Sans entrer dans des analyses de type théorique, on rappellera que le rattachement d'un Etat à l'une ou l'autre de ces deux orientations dépend de son propre ordre constitutionnel :

- Dans les Etats qui se rattachent à l'orientation dualiste, les règles de droit international ont comme seuls destinataires les Etats ; ces règles engagent la responsabilité internationale des Etats dans l'ordre juridique international, mais ne sont pas susceptibles d'être invoquées directement par les sujets des Etats, qu'il s'agisse de personnes de droit privé ou de personnes de droit public. Si l'Etat a souscrit à une obligation internationale destinée à avoir des conséquences dans son ordre interne au niveau de ses sujets de droit, il lui revient de modifier sa législation et sa réglementation interne pour la mettre en conformité avec les obligations auxquelles il a souscrit au plan international. Seules ces mesures de droit interne visant à transcrire dans l'ordre juridique national les engagements internationaux de l'Etat sont susceptibles de créer des droits et des obligations pour les sujets de droit interne. Dans une telle conception, une méconnaissance au plan du droit interne d'une convention internationale, telle que la Charte européenne de l'autonomie locale, n'est pas susceptible d'être invoquée devant les juridictions nationales s'il n'y a pas eu cette transformation. Car seules les mesures prises dans l'ordre juridique national par l'Etat pour assurer la mise en oeuvre de la Charte pourront être le cas échéant invoquées devant les tribunaux nationaux..

- Dans le cadre d'une orientation moniste, la règle de droit international est susceptible d'avoir une validité directe dans l'ordre juridique national et peut être directement invoquée comme règle de droit dans cet ordre juridique. Cette possibilité est cependant subordonnée à deux conditions : dans le cas d'une convention internationale, la règle de droit international doit avoir été régulièrement ratifiée et publiée par les autorités compétentes de l'Etat. Par ailleurs, il faut que la règle de droit international ait pour objet d'affecter directement les sujets de droit interne. En effet, si par sa nature et son objet, la règle de droit international a comme seuls destinataires les sujets de droit international, à savoir les Etats, elle ne peut avoir d'effet direct dans l'ordre interne même dans une conception moniste. On dit que la règle de droit international doit être d'applicabilité directe ou "self-executing" tant au regard de l'intention des auteurs de cette règle que de son objet et de son contenu.

Le droit constitutionnel des Etats, tout comme la pratique, introduisent souvent des nuances qui viennent quelque peu brouiller cette distinction trop brutale entre régimes monistes et dualistes. Ainsi, dans les régimes monistes, les traditions nationales en ce qui concerne l'étendue du contrôle juridictionnel, notamment du contrôle des lois, peut limiter l'invocabilité effective du droit international devant les tribunaux. Inversement, dans les Etats dualistes, la transcription complète et littérale en droit interne d'une convention internationale peut, sous certaines réserves, assurer l'équivalent d'un effet direct, surtout si l'interprétation des tribunaux y est favorable.

On retiendra néanmoins cette distinction fondamentale pour présenter les conditions dans lesquelles la Charte européenne de l'autonomie locale a une validité juridique dans l'ordonnancement juridique des Etats qui l'ont ratifiée.

Incontestablement la tendance actuelle est favorable au développement des solutions monistes. La plupart des constitutions récentes optent pour cette forme de relation entre le droit international et le droit interne. Mais la reconnaissance d'une applicabilité du droit international dans l'ordre juridique interne ne garantit pas toujours la suprématie du droit international par rapport à la loi nationale.

Ce sont soit des Etats qui ont une longue tradition de primauté du droit international, soit assez souvent, des pays qui ont accédé relativement récemment à la démocratie dont les constitutions sont les plus favorables à la mise en oeuvre du droit international.

L'orientation moniste, ainsi que cela a déjà été évoqué, s'exprime par deux aspects favorables à l'application effective de la charte :

- la Charte s'applique directement dans l'ordre interne au même titre (mais non en tant) qu'une norme de droit interne ;

- la Charte a, comme norme internationale, une force juridique qui s'impose aux lois internes contraires qu'elle écarte, sans même qu'il soit nécessaire que l'Etat concerné les abroge.

Ainsi, pour que l'applicabilité de la Charte dans l'ordre juridique interne soit effective, il faut que l'ordre constitutionnel des Etats concernés reconnaisse non seulement cette applicabilité directe mais encore que soit consacrée la primauté du droit international conventionnel sur l'ordre juridique interne.

Si ces conditions sont remplies, la Charte a une force juridique de type "supralégislatif" qui lui permet de supplanter les lois et règles nationales, qu'elles soient antérieures ou postérieures à la notification de la Charte.

Mais encore faut-il que les Etats concernés n'aient pas une interprétation trop stricte de la notion d'applicabilité directe.

Les Etats qui satisfont à cet ensemble de conditions paraissent assez peu nombreux.

a) Le Portugal

La ratification de la Charte a lieu en vertu de l'article 38b de la constitution de la République portugaise, après que l'assemblée de la République l'ait approuvée conformément à l'article 164j. La Charte a été publiée dans le Journal Officiel du 23 octobre 1990. Conformément à l'article 8 n° 2 de la constitution, les normes de la Charte sont intégrées désormais dans l'ordre interne et la Charte a force de loi. Par conséquent, les lois portugaises antérieures qui seraient contraires à la Charte sont abrogées implicitement.

En cas de conflit entre la Charte et une loi portugaise adoptée postérieurement à la ratification de la Charte, la primauté du droit international semble probable. La doctrine semble partagée sur la portée de l'article 8 de la constitution. Une majorité se dégage cependant pour estimer que le paragraphe 2 de cet article fonde la primauté du droit international conventionnel. Toutefois, les auteurs se divisent : pour certains l'article 8 assure seulement au droit international une valeur législative, auquel cas la loi interne postérieure prévaudra, mais la reconnaissance au droit conventionnel international d'une force supralégislative semble corroborée par la jurisprudence récente. En 1991, la Cour constitutionnelle portugaise a décidé que la force contraignante d'un traité ne pouvait pas être remise en cause par une loi interne, que celle-ci soit antérieure ou postérieure à la ratification du traité (Accordao 371/91 du 10 octobre 1991, Diaro da Republica, II Série n° 284, 10 décembre 1991).

b) La Grèce

Bien que de tradition dualiste dans le passé, la Grèce a adopté une solution moniste avec l'article 28 paragraphe 1 de la Constitution grecque du 9 juin 1975 révisée en 1986. Il y est disposé que "les règles du droit international généralement accepté ainsi que les conventions internationales après leur ratification par la loi et leur entrée en vigueur conformément aux dispositions de chacune d'elles, font partie intégrante du droit hellénique interne et ont une valeur supérieure à toute disposition contraire de la loi". C'est dispositions assurent l'effet direct du droit international et sa supériorité sur les lois mêmes postérieures en l'absence d'indication contraire. Ainsi, les traités ou accords régulièrement ratifiés publiés ont une valeur supra-législative et infra-constitutionnelle.

Par une loi publiée au Journal Officiel du 10 mai 1989, la Charte européenne de l'autonomie locale est devenue droit interne selon les modalités constitutionnelles grecques précitées. Les articles 2 à 11 aussi bien que les buts de la charte exprimés dans son préambule ont une application directe en droit hellénique dans la mesure où elles affectent tous les domaines de l'autonomie locale. Tout acte législatif contraire à la charte peut faire l'objet d'un recours.

c) Le Luxembourg

Le Luxembourg est un pays de tradition moniste. Un arrêt de principe a affirmé la primauté des traités internationaux sur la loi interne, même postérieure, dès 1954.

Après avoir trouvé l'assentiment de la chambre des députés le 18 mars 1987, la Charte européenne de l'autonomie locale a été publiée fin mars 1987 au Journal Officiel de l'Etat. En vertu de l'article 37 alinéa 4 de la constitution, l'exécution interne des traités est assimilée à l'exécution des lois. Toutefois en cas de conflit, c'est le traité qui l'emporterait sur la loi.

L'orientation moniste d'un Etat n'est pas une garantie de l'application complète et efficace de la Charte en droit interne. Bien qu'admettant l'applicabilité du droit international dans l'ordre juridique interne, divers Etats émettent en fait plusieurs réserves à l'application entière de la Charte. Deux types d'obstacles peuvent être relevés :

- la place de la Charte dans la hiérarchie des normes;
- une interprétation restrictive de la notion d'applicabilité directe.

a) Pour certains Etats, le régime moniste ne signifie pas une primauté des traités sur les lois nationales.

- L'Espagne

En vertu de l'article 96 paragraphe 1 de la Constitution espagnole, les traités internationaux régulièrement conclus et publiés officiellement font partie de l'ordre juridique interne. Il ne peut être dérogé à leur disposition que sous la forme prévue dans les traités eux-mêmes et conformément au droit international.

Le Journal Officiel du 24 février 1989 a publié la Charte qui est entrée en vigueur le 1er mars 1989 après que les Cortes generales aient donné l'autorisation de ratification. Ce texte est donc intégré dans l'ordre juridique interne espagnol. La Charte européenne de l'autonomie locale a en Espagne le rang et la force d'une loi. Elle participe à ce titre à la garantie de l'autonomie locale applicable à l'ensemble du territoire de l'Etat conformément à la loi - cadre du 2 avril 1985 sur le régime local. Cette loi - cadre doit être interprétée dans le respect de la Charte ; avec cette dernière, la loi - cadre constituent un "bloc de légalité étatique" constituant la base définissant l'autonomie minimale commune garantie à toutes les collectivités locales espagnoles.

Toutefois, la constitution espagnole ne comporte pas de dispositions expresses relatives au cas de conflit entre une convention internationale intégrée dans l'ordre juridique espagnol et une loi espagnole. Par rapport à la loi antérieure, le tribunal suprémo et le tribunal constitutionnel ont affirmé sans difficulté la supériorité du droit international. Mais jusqu'à présent la jurisprudence ne s'est pas prononcée sur la question de la supériorité du droit international sur une loi postérieure contraire. L'article 16 paragraphe 1 qui interdit à la loi de déroger et modifier ou suspendre les dispositions d'un traité militerait dans le sens de la primauté du droit international. Mais la doctrine dominante recourt à une analyse plus complexe. Il semble que celle-ci ne donne à des conventions internationales telles que la Charte que la même valeur qu'une loi. Sans doute, la Charte équivaut à une loi qui s'intègre dans le bloc de la légalité d'Etat constitutif de ce que l'on appelle les "normes de tête" (normativa de copcalera) en matière d'autonomie locale. Selon le tribunal constitutionnel (jugements 27/1987 du 27 février 1987 et 214/1989 du 21 décembre 1989) la loi sur l'administration locale et les dispositions constitutionnelles sur l'administration locale forment un "bloc de constitutionnalité" auquel doivent se conformer les lois des communautés autonomes. La Charte pourrait, selon la doctrine, être regardée comme s'intégrant à ce bloc de constitutionnalité, sinon au sens formel, du moins au sens matériel. De plus, le rang simplement législatif devrait suffire pour que le droit international prime sur les lois internes antérieures à la ratification. Il se pose cependant la question des relations de la Charte avec les lois postérieures contraires. Si une loi nouvelle vient sur un point particulier contredire l'autonomie locale telle qu'elle est définie par la Charte, va-t-elle prévaloir sur cette dernière ? Il ne semble pas que cela soit le cas.

b) L'interprétation de la notion d'applicabilité directe

Dans un régime moniste, une norme de droit international n'est applicable directement dans l'ordre interne que si, par son objet et son contenu, cette norme est effectivement conçue pour avoir un tel effet direct.

Cette condition est issue de la jurisprudence américaine du XIXe siècle, qui distingue entre les règles dites "self executing" et les règles qui nécessitent des mesures de transcription dans l'ordre interne.

Pour déterminer quelles règles dans un traité ne seraient pas self executing, il y a un critère incontestable : la stipulation est formulée de telle manière qu'elle ne pose pas de règle autonome mais donne seulement une "directive" aux Etats d'entreprendre une action (selon une formule telle que "Les Etats signataires feront en sorte que ..."). Selon la jurisprudence internationale, (CPJI, avis consultatif n° 15 du 3 mars 1928 concernant la compétence des tribunaux de Danzig), une stipulation "self executing" doit faire naître des droits ou des obligations dans le chef des justiciables.

Mais, à côté de cette condition, on invoque souvent un autre élément, plus contestable: le caractère précis de la norme : si la norme est vague, elle ne serait pas self executing. Il faut, sur ce point, être beaucoup plus nuancé : une norme générale peut être une vraie norme et être directement applicable si elle a des implications suffisamment directes et dont les tribunaux peuvent tirer des conséquences.
Or, certains Etats ont une conception très extensive de ce qui constitue une règle de caractère générale, trop vague pour comporter un effet direct.

- Les Pays-Bas

Depuis la réforme constitutionnelle de 1953, le constituant néerlandais a adopté des dispositions qui résolvent en faveur du droit international tous les problèmes que peut susciter la confrontation entre celui-ci et le droit interne. En application de l'article 94, les dispositions légales en vigueur dans le royaume ne sont pas appliquées si leur mise en oeuvre n'est pas compatible avec les dispositions de traités ou de décisions d'organisations de droit international public qui engagent chacun. La primauté des traités internationaux sur la loi néerlandaise même postérieure est donc assurée. La primauté du droit international s'applique sans réserve. Les juridictions néerlandaises font application sans difficulté de ce principe de primauté du droit international.

La Charte européenne de l'autonomie locale a été approuvée de manière explicite par une loi de 1990. A la suite de cette approbation, la Charte est donc incorporée dans le droit interne néerlandais. Elle a été déclarée applicable aux provinces et aux communes des Pays-Bas. Cependant le parlement néerlandais ayant estimé que le droit interne était incompatible avec la Charte sur quatre points a émis des réserves sur ceux-ci dans l'attente d'une solution.

Toutefois, les Pays-Bas ont une conception restrictive de la notion d'applicabilité directe. En se fondant sur l'article 94 de la constitution qui fait référence aux "dispositions qui engagent chacun", on admet que les normes internationales ne font naître des droits ou charges directes pour les sujets de droit que dans la mesure où tel est bien l'objet des accords en question. Or, le gouvernement des Pays-Bas considère que dans leur ensemble, au regard de leur libellé, les dispositions de la Charte ne sont pas directement exécutoires. Cependant, ce sera au juge administratif interne qu'il reviendra en dernier lieu de trancher cette question. Le législateur doit par ailleurs s'assurer que les projets de loi sont compatibles avec la Charte.

- Le Liechtenstein

Dans la principauté du Liechtenstein, le caractère obligatoire d'une convention de droit international se répercute d'office sur le plan interne. Ratifiée le 11 mai 1988, la Charte européenne de l'autonomie locale a été publiée au Landesgesetzblatt de 1988 n° 21 et est entrée en vigueur le 1er septembre 1988.

Par conséquent, ces dispositions s'appliquent à l'ensemble des organes étatiques, leur application aux personnes étant cependant subordonnées au caractère d'applicabilité directe des normes contenues par la convention. Un traité est présumé d'application immédiate lorsque son contenu est suffisamment clair et défini pour déterminer les droits et obligations d'un individu et servir de base de décision dans un cas d'espèce. Si les normes n'ont pas ce degré de précision, elles sont considérées comme ayant seulement un caractère "programmatique", s'imposant alors seulement au législateur en vue de la concrétisation des dispositions qu'elles comportent. Selon les commentaires, les collectivités locales ne peuvent, au Liechtenstein, déduire directement des dispositions de la Charte des droits ou obligations en raison du caractère trop général des principes qui y figurent. Le fait que la Charte soit ainsi définie comme une convention - programme signifierait donc que la principauté du Liechtenstein ait seulement pris un engagement en droit international de travailler sur le plan interne à la réalisation des objectifs de la Charte avec les moyens dont cet Etat peut disposer, sans que les dispositions de la Charte ne créent de droit direct au bénéfice des collectivités locales.

Toutefois, en cas de contestations, il appartiendrait aux collectivités locales de saisir le Conseil d'Etat en vue de l'appréciation de la conformité d'un texte interne avec la Charte. Si une norme du droit interne était regardée comme contraire aux dispositions de la Charte, le Conseil d'Etat l'annulerait.

- Chypre

En vertu de l'article 50 et de l'article 57 paragraphe 3 de la constitution chypriote, les traités, conventions et accords internationaux conclus conformément à la constitution ont, à partir de leur publication dans le Journal Officiel de la République chypriote, une force supérieure à toute loi nationale, sous réserve de réciprocité. La Charte européenne de l'autonomie locale a été signée le 8 octobre 1986, et ratifiée par l'assemblée nationale en 1988 elle a été publiée au Journal Officiel chypriote le 18 mars 1988. Elle est donc devenue partie intégrante de la législation nationale.

La question se pose cependant de savoir si les dispositions de cette convention sont directement applicables eu égard à leur degré de précision. Selon la Cour suprême chypriote, dans un arrêt Malatchou c/ Armefti de 1987, les dispositions d'une convention internationale sont directement applicables si les droits ou obligations qu'elles comportent sont suffisamment clairement définies pour qu'elles puissent être appliquées par une institution judiciaire.

Par ailleurs, si les conventions ratifiées et publiées ont une autorité supérieure aux lois, une convention n'est pas regardée comme abrogeant stricto sensu la loi interne. Elle rend celle-ci inapplicable mais conserve son statut de norme internationale. Une convention ratifiée se distingue également d'une loi interne par le fait que l'interprétation de la convention ne se fait pas sur la base des règles et principes d'interprétation des lois ordinaires mais reste régie par le droit international et notamment par la convention de Vienne sur le droit des traités.

La loi de ratification de la Charte européenne de l'autonomie locale a été examinée par la Cour suprême le 15 avril 1991 dans le cadre d'une affaire Pandelides c/ Leandzis et autres. La Cour suprême a estimé que cette convention n'est pas directement applicable et que, par conséquent, la loi de ratification, bien que partie intégrante de la législation nationale n'a pas une autorité supérieure à la législation nationale. Conformément à cette décision, le fait que la Charte de l'autonomie locale ait été ratifiée en vertu de la loi ne suffit par à la rendre directement applicable. En raison d'une formulation considérée comme trop vague, il a été décidé que la Charte n'avait pas pour objet direct de reconnaître et de sauvegarder des droits et libertés individuels à l'égard des sujets de droit dans des conditions susceptibles d'être invoquées devant les tribunaux. Il appartient donc aux organes constitutionnels et notamment législatifs de la République chypriote de prendre les mesures d'application de cette convention pour la rendre effective en droit interne.

c) Pays pour lesquels les informations sont trop imprécises pour déterminer si leur orientation moniste assure l'applicabilité effective de la Charte dans leur ordre interne.

- La Bulgarie

Conformément à l'article 5 alinéa 4 de la constitution bulgare, les accords internationaux qui ont été ratifiés par l'assemblée nationale font partie du droit interne. Ils prévalent sur les lois qui leur seraient contraires.

La Charte européenne de l'autonomie locale a été ratifiée le 17 mars 1995 par l'assemblée nationale de la République de Bulgarie. Au cas où apparaîtrait une contradiction entre la Charte et le droit interne bulgare, il appartiendrait, selon l'article 149 paragraphe 1 alinéa 4 de la constitution, à la Cour constitutionnelle d'annuler les dispositions juridiques contraires à la Charte.

- La Pologne

Le droit constitutionnel polonais ne comportait pas jusqu'à récemment de dispositions définissant la place du droit international au regard de l'ordre juridique interne. Une forte tendance dans la doctrine tendait à accorder la primauté absolue aux normes de droit international. Cette position a été confirmée par la nouvelle constitution adoptée par l'assemblée nationale le 2 avril 1997. Les articles 88 et 188 de ce texte semblent reconnaître la primauté des traités internationaux sur la législation nationale. L'article 188 autorise le tribunal constitutionnel à vérifier la conformité d'une loi avec un traité international ratifié.

Dans ces pays, la Charte européenne de l'autonomie locale n'acquiert de validité juridique en droit interne qu'après sa transformation en loi nationale. Ce système n'assure pas le même effet direct dans la mise en oeuvre de la Charte que dans les pays à tradition moniste mais n'est pas nécessairement défavorable à une application complète de la Charte dès lors qu'après sa transformation en droit interne la question du caractère "self-executing" ou non des stipulations de cette Charte ne devrait en principe plus se poser. Une fois la transposition effectuée, l'application de la Charte relève de la technique de l'interprétation des normes nationales internes. Toutefois, on constate que dans plusieurs pays à tradition dualiste, l'incorporation en droit interne est considérée comme n'ayant un effet que pour les seules dispositions du traité international qui ont une fonction d'effet direct (ex: Allemagne, Italie). La démarche dualiste ne permet donc pas d'éviter les problèmes liés à cette notion d'applicabilité directe.

Encore faut-il, en outre, qu'il y ait bien eu une transposition complète de la Charte en droit interne. Or, la transposition peut se faire de deux manières (qui peuvent d'ailleurs être combinées) :

- par un acte déclaratif général décidant l'adoption de la norme internationale dans l'ordre interne dans la formulation même qui est celle du traité international ; (par exemple, une loi qui décide l'approbation générale de la Charte dont elle comporte le texte en annexe) ;

- par l'adoption de mesures détaillées qui modifient explicitement les dispositions concernées du droit interne pour adapter leur contenu aux principes figurant dans la Charte (par exemple, en modifiant divers articles de la loi sur l'administration locale) ; cette méthode a l'avantage d'être précise, mais elle ne rend pas la Charte directement invocable.

Dans la plupart des cas, c'est la première solution qui a prévalu en ce qui concerne la mise en oeuvre de la Charte : les actes de transposition ont simplement rendu applicables globalement la Charte dans l'ordre internesans autres mesures d'exécution : Allemagne, Finlande, Italie, Danemark, Turquie ...

Certains pays ont modifié leur législation interne en tenant compte de leur Charte. Mais généralement cette mise en oeuvre n'a été que partielle. De toute façon, dans ce cas, la Charte n'a pas acquis de valeur juridique en elle-même. Elle a seulement servi de source d'inspiration à l'évolution du droit interne.

Enfin, certains Etats n'ont pris aucune mesure effective de mise en oeuvre de la Charte dans leur ordre juridique interne, estimant que celui-ci était déjà compatible avec cette convention internationale.

Après avoir décrit la situation dans les pays concernés, on s'interrogera sur des problèmes posés par les différentes pratiques.

a) La situation dans les différents pays

- L'Allemagne

Si l'Allemagne a adopté des principes monistes en ce qui concerne les principes généraux du droit international, elle applique un dualisme atténué en ce qui concerne le droit conventionnel. L'article 25 de la loi fondamentale énonce le principe de l'effet direct des règles de droit international mais ce terme ne recouvre pas les traités (Cour constitutionnelle fédérale, 9 juin 1961 Lutike et Cour constitutionnelle fédérale du 29 mai 1974 Solange). Il faut donc une transposition (une incorporation) du droit conventionnel international en droit interne sous la forme d'une loi.

Ce régime est rendu plus complexe par le fait que, l'Allemagne étant un pays fédéral, il se pose une question de répartition des compétences entre la fédération et les Etats fédérés. Un accord constitutionnel, dit de Lindau du 14 novembre 1957, règle ce point en estimant qu'en vertu de l'article 32 de la loi fondamentale, l'assentiment de tous les Länders est nécessaire pour que le Bund puisse ratifier une convention internationale concernant le champ de compétence des Länder.

En application de ces principes, l'introduction dans la République fédérale d'Allemagne de la Charte européenne de l'autonomie locale, après sa signature le 15 octobre 1985, était subordonnée à l'approbation des organes ayant compétence législative (Bundestag et Bundesrat), sous la forme d'une loi fédérale conformément à l'article 59 paragraphe 2 de la loi fondamentale. Par ailleurs, il fallait recueillir l'assentiment de tous les Länder. Le gouvernement a soumis un projet de loi au Bundesrat le 15 août 1986, puis l'a présenté au Bundestag le 30 septembre 1986. Ainsi a été adoptée la loi du 22 janvier 1987 sur la Charte européenne de l'autonomie locale, publiée au Journal Officiel fédéral le 28 janvier 1987. A cette procédure a succédé la recherche de l'assentiment de tous les Länders qui était nécessaire pour que la Charte lie la République fédérale d'Allemagne en droit international. La recherche de cet assentiment n'a pas été sans difficulté puisque notamment le Land de Rhénanie Palatinat avait émis des réserves.

De façon générale, on a considéré que cette ratification ne posait pas de difficulté en Allemagne fédérale dans la mesure où la Charte reprend très largement le modèle allemand d'autonomie locale tel qu'il existe dans les différents Länder de l'Ouest. A l'occasion de la réunification de l'Allemagne par contre, les nouveaux Länder de l'Est ont dû adopter de nouvelles législations sur l'autonomie communale et ont pris en compte à cette occasion les stipulations de la Charte.

La question de la définition exacte de la validité juridique de la Charte en droit interne allemand doit néanmoins être posée. Il semble que l'on puisse dire qu'elle a formellement la force juridique d'une loi fédérale. En théorie, le droit des Länders doit donc s'y conformer. Toutefois, ainsi qu'on l'a vu, cette loi fédérale intervient dans un domaine qui est essentiellement de la compétence des Länder.
Néanmoins en cas de conflit entre la loi du 22 janvier 1987 sur la Charte européenne de l'autonomie locale et une loi de Land le principe de la primauté du droit fédéral devrait jouer. Par ailleurs, dès lors que la Charte n'a qu'une valeur législative, en théorie une loi fédérale postérieure contraire l'emporterait sur elle. Mais s'agissant d'une matière qui ne relève pas de la compétence de la fédération, l'intervention d'une telle loi paraît juridiquement exclue. De plus, la jurisprudence serait sans doute incitée à interpréter la loi postérieure, dans la mesure du possible, dans un sens conforme à la Charte européenne de l'autonomie locale.

Par contre, il faut relever qu'en Allemagne, la doctrine considère que même des actes internationaux incorporés dans le droit interne par une loi n'ont pas de portée exécutoire si, du fait de leur caractère général, ils sont regardés comme n'ayant pas d'effet direct. En fait, les lois d'approbation n'ont qu'un effet faiblement transformateur de sorte que le juge dispose d'un large pouvoir de rechercher dans les normes conventionnelles elles mêmes si des sujets de droit interne peuvent s'en prévaloir (voir Budgesgerichtsof 24 mai 1995 au sujet du GATT, BGHZ 309). La loi d'approbation transforme le contenu des traités en droit interne mais seulement dans la mesure où il s'agit de règles directement applicables (BVer FG 21 mars 1957, BVer FGE, Vol. 6 p 290). Or la plupart des commentateurs refusent de regarder le contenu de la Charte comme directement applicable.

Sous cette réserve, les traités internationaux ont, en théorie, un rang élevé dans le système juridique allemand: le législateur tant au plan fédéral que fédéré a l'obligation d'en tenir compte; incorporés dans une loi fédérale, ils ont une force supérieure aux lois fédérées; selon un principe de droit constitutionnel, le droit interne doit être interprété à la lumière du droit international (BVer FG 17 janvier 1957, BVer FGE, vol. 4, p 235). Cependant en cas de conflit, la loi fédérale postérieure l'emporte (cf BVer FG 26 mars 1957, BVer FGE, vol. 6, p 309) et les tratiés gardent une valeur inférieure aux principes constitutionnels.

En conclusion, c'est essentiellement le concept d'applicabilité directe qui réduit la portée pratique de la Charte en droit interne allemand.

L'Italie

L'Italie est un pays dualiste modéré où la mise en oeuvre du droit international passe par le pouvoir législatif. La constitution ne connaît pas la notion d'effet direct du droit international. Il faut donc une loi pour introduire une convention internationale dans l'ordre interne italien et cette loi pourra le cas échéant être contredite par une loi postérieure. Cette tradition dualiste est par ailleurs bien ancrée dans les tribunaux italiens.

La tradition italienne distingue la loi d'autorisation (qui permet la ratification d'un traité et entraîne la reconnaissance de sa validité internationale) et la loi ordonnant l'exécution du traité (qui entraîne son incorporation dans le droit interne). Dans les faits, la loi d'autorisation et celle portant ordre d'exécution n'en font souvent qu'une. Cependant, l'ordre d'exécution ne concerne que les dispositions conventionnellement directement applicables. A défaut d'ordre d'exécution, l'ordre juridique interne reste inchangé (C. cass 17 avril 1972, Foro ital 1973, 589).

Selon l'article 87 de la constitution italienne, le président de la République ratifie les traités internationaux après avoir reçu l'autorisation formelle du parlement. En ce qui concerne la Charte européenne de l'autonomie locale, c'est une loi du 30 décembre 1989 qui a autorisé le président de la République à procéder à cette ratification. Cette loi précise aussi qu'elle donne pleine et entière exécution à cette convention internationale à dater de son entrée en vigueur.

Son article 3 indique que "tous les citoyens respectent la Charte comme une loi de l'Etat". Sur cette base, la Charte est considérée comme une loi ordinaire de l'Etat. Par l'effet des obligations politiques qui résultent de la signature de la Charte européenne de l'autonomie locale, l'Etat italien s'interdit de légiférer contre les dispositions de celle-ci. Mais il ne s'agit pas d'une obligation juridique valant en droit interne. Dès lors que les lois qui procèdent à la transcription d'une convention internationale sont considérées comme des lois internes ordinaires et non comme des lois constitutionnelles, la Cour constitutionnelle n'est pas habilitée à vérifier s'il y a conflit entre une loi ordinaire de l'Etat et une loi reprenant un traité international.

Selon la jurisprudence constitutionnelle, toute loi interne antérieure à la loi ratifiant la Charte doit être interprétée dans un sens conforme à la Charte. Toute loi interne postérieure à la loi ratifiant la Charte doit respecter la Charte. Toutefois, l'invocabilité du traité est refusée lorsqu'il existe une loi postérieure qui lui est contraire (C. const. 24 février 1984, Foro ital. 1964, I 465). Cependant, le juge s'efforce de concilier les deux textes en présumant l'absence de volonté du législateur de porter atteinte au traité (C. cass 30 septembre 1955, Foro ital 1956 I 740).

La loi italienne n'a introduit aucune réserve ni restriction quant à la mise en oeuvre de la Charte dans l'ordre juridique interne italien. De fait cependant, plusieurs dispositions de la Charte ne sont pas en harmonie avec le droit interne italien. On peut notamment évoquer une absence de véritable autonomie financière et un contrôle sur les actes qui va au-delà du contrôle de légalité.

La politique législative actuelle est de revoir le système de l'autonomie locale pour donner pleine application au principe de subsidiarité. Il s'agit notamment d'attribuer directement aux autorités locales les fonctions d'intérêt exclusivement local dans les domaines qui sont actuellement de la compétence des régions.

- Le Danemark

Le Danemark est un pays de tradition dualiste dont les traités internationaux ne peuvent avoir un effet juridique qu'après leur transformation en droit interne même si les lois de transposition ont un caractère strictement formel.

Pour faire partie du droit danois et donc être applicables par les tribunaux de ce pays, les conventions internationales doivent être incorporées dans la législation danoise. En conséquence, le processus d'entrée en vigueur d'un traité implique qu'il soit déterminé de quelle manière celui-ci sera respecté dans le droit danois s'il n'y a pas déjà concordance entre ces nouvelles dispositions et le droit interne. On procède ensuite à l'incorporation du traité en adoptant une nouvelle loi et en modifiant le cas échéant la législation en vigueur ; ou encore, si cette législation fournit les bases nécessaires, en prenant des ordonnances administratives. Ultérieurement, lors de la promulgation de nouvelles lois, le législateur doit veiller à ce que les textes n'entrent pas en conflit avec les obligations découlant du traité. Mais il s'agit là d'une obligation "politique". Toutefois, pour garantir l'observation dans la pratique des dispositions des instruments internationaux auxquels le Danemark a adhéré, on applique le principe général selon lequel la législation nationale adoptée en application des obligations découlant du droit international doit être interprété à la lumière de ces obligations internationales.

Selon le juriste danois Alf Ross la législation danoise repose sur le principe qu'un traité ne créée pas du droit national mais seulement du droit international. Ce n'est que récemment que certains auteurs et certaines décisions ont remis en cause ce fondement strictement dualiste. On cherche à évoluer vers un "monisme pratique" qui s'efforce au moyen de règles d'interprétation de réaliser l'harmonie nécessaire entre les traités et la réglementation nationale.

La Charte européenne de l'autonomie locale a fait l'objet avant sa signature d'un examen par les autorités danoises, lesquelles ont conclu que la législation danoise était en conformité avec la Charte. Celle-ci a été ratifiée le 3 février 1988 et est entrée en vigueur au Danemark le 1er septembre 1988 par la parution au Journal Officiel le 2 septembre 1988 de la loi de ratification. Le Danemark a seulement déclaré que cette Charte ne s'appliquait pas au Groenland, aux îles Ferroé et en "Conseil métropolitain".

Toutefois à défaut de loi de transformation ayant incorporé la Charte en droit interne danois, celle-ci n'est pas invocable dans l'ordre juridique danois.

- L'Autriche

En vertu de la constitution fédérale autrichienne les traités entrant dans le champ d'application de l'article 50, notamment ceux qui contiennent des dispositions modifiant ou complétant des lois en vigueur, ne peuvent être conclus et ratifiés qu'avec l'approbation de l'assemblée nationale. Pour les traités entrant dans le champ d'application de l'article 50 alinéa 1, l'assemblée nationale peut décider qu'une loi doit être promulguée pour en assurer l'exécution. Dans les autres cas, les mesures d'exécution peuvent être pris par voie de décret. Par conséquent, dans ces cas, le traité international ne produit pas d'effet juridique immédiat. Pour que de tels traités aient des effets juridiques, une loi doit être promulguée ou un décret doit être pris pour en assurer l'exécution. Par ailleurs les traités internationaux énumérés à l'article 50 doivent être publiés par le chancelier fédéral au bulletin des lois fédérales.

Comme la Charte de l'autonomie locale intervient dans un domaine législatif elle devait être approuvée par l'assemblée nationale conformément à l'article 50 alinéa 1 de la constitution fédérale. Cette approbation est intervenue le 9 juin 1987. La publication est intervenue le 8 juillet 1988. L'assemblée nationale ayant décidé qu'une loi devait être promulguée pour que la Charte puisse être appliquée, celle-ci n'a pas d'effet juridique immédiat jusqu'à ce que cette loi ait été mise en application. En raison de la répartition des compétences entre le niveau fédéral et le niveau des Etats fédérés, ce sont principalement ces derniers qui sont chargés d'appliquer la Charte. Or, les Etats fédérés n'ont pas adopté de nouvelles législations concernant la Charte, estimant que leurs législations en vigueur étaient conformes à cette convention.

Ainsi, l'assemblée nationale ayant décidé que des lois spéciales devaient être promulguées pour assurer l'exécution de la Charte et aucune loi n'ayant été adoptée, la Charte n'est pas encore entrée en vigueur en droit interne autrichien. Elle n'a pas d'effet immédiat en ce qui concerne le droit interne tant que de telles dispositions législatives n'ont pas été promulguées. Dès lors, les citoyens ne peuvent pas invoquer les dispositions de la Charte. Cette situation est liée au fait que, selon les autorités autrichiennes, la Charte est en harmonie avec les dispositions constitutionnelles et législatives en vigueur et que par suite il n'a pas été nécessaire d'adopter des dispositions juridiques particulières. La mise en oeuvre de dispositions législatives relèverait de la compétence des Länder.

En tant que les principes figurant dans la Charte sont identiques à ceux qui sont reconnus par la constitution autrichienne, les sujets de droit autrichiens peuvent, le cas échéant, invoquer la violation de la constitution mais non la violation directe de la Charte à l'appui d'un recours juridictionnel.

- La Turquie

L'article 90 de la constitution turque stipule que la ratification dans la République turque des traités internationaux conclus avec des Etats étrangers est subordonné au vote par la grande assemblée nationale turque d'une loi approuvant cette ratification. Le même article précise que les accords internationaux mis régulièrement en vigueur ont valeur de loi. Ils ne peuvent faire l'objet d'un recours pour inconstitutionnalité auprès de la Cour constitutionnelle.

Le 28 novembre 1988, la Turquie a ratifié la Charte et la grande assemblée nationale a adopté ladite Charte par une loi du 8 mai 1991. Il semble cependant que la Charte européenne de l'autonomie locale ne soit entrée en vigueur en Turquie que le 1er avril 1993. La loi d'application permettant une adaptation conformément aux nécessités du pays n'a pas encore été adoptée. Une déclaration dans ce sens a été faite à plusieurs reprises par le Premier Ministre.

Il faut donc en conclure que la Charte de l'autonomie locale a en Turquie la valeur d'une loi ordinaire mais que la législation nationale n'a pas été mise véritablement en conformité avec le contenu de cette convention, sans que cette contrariété puisse être efficacement contestée par voie juridictionnelle.

- La Finlande

Dans le système juridique finlandais, le droit international et le droit interne sont considérés comme des ordres juridiques distincts. Les accords internationaux ne peuvent produire des effets juridiques en droit interne que s'ils ont été expressément intégrés au régime juridique finlandais. Les traités ne peuvent conférer de droits aux particuliers et leur créer des obligations que s'ils ont été incorporés au droit finlandais. Les tribunaux appliqueront non les traités internationaux mais la loi finlandaise prise pour assurer leur mise en oeuvre.

Ces caractéristiques essentiellement dualistes du régime juridique finlandais sont toutefois tempérées par certaines caractéristiques empruntées à un régime d'essence moniste. S'il faut un acte législatif du parlement ou une loi d'application pour mettre en oeuvre des traités internationaux en vue de leur donner effet, l'acte législatif en question ne contiendra pas nécessairement de dispositions conventionnelles de fond. Dans la plupart des cas, les traités internationaux sont mis en oeuvre par la voie de l'"incorporation". Le traité prend effet au moyen d'un acte du parlement ou d'une ordonnance législative émanant du président de la République. Dans cette mesure se bornent le plus souvent à dire que les dispositions conventionnelles internationales sont en vigueur en droit interne telles qu'elles sont énoncées dans le traité. Cet instrument d'incorporation renvoie donc simplement au traité dont le texte est publié en annexe. Une autre méthode moins fréquente consiste à transformer concrètement la législation existante, donc à adopter en droit interne de nouvelles règles de fond destinées à harmoniser celui-ci avec la convention internationale. L'incorporation exige une loi du Parlement dès lors que l'une des dispositions conventionnelles intéresse de manière directe et importante la situation juridique des personnes. En ce qui concerne la Charte européenne de l'autonomie communale, l'incorporation exigeait donc une loi du parlement, même si les lois internes consacrent déjà les principes figurant dans la Charte.

La Finlande a signé la Charte le 14 juin 1990. Le parlement a adopté le 12 avril 1991 une loi relative à l'adoption de certaines dispositions de la Charte européenne de l'autonomie locale. Cette loi générale d'incorporation ne contient que deux brèves dispositions  : l'article 1er dispose que dans la mesure où les dispositions de la Charte entrent dans le domaine de la législation, elles s'appliquent telles qu'elles ont été convenues. L'article 2 subordonne l'entrée en vigueur de la loi à l'adoption d'un décret à cet effet. Un décret a été publié le 6 septembre 1991. La loi est entrée en vigueur le 10 octobre 1991, le texte de la Charte ayant été publié séparément. Selon le gouvernement finlandais, la législation finlandaise est en conformité avec la Charte.

Selon la doctrine constitutionnelle qui tend à se développer depuis relativement peu de temps les lois internes doivent recevoir l'interprétation la plus conforme aux normes supérieures et aux traités internationaux. Dès lors, même si la Charte comporte surtout des dispositions relativement vagues, il n'est pas inconcevable que la Charte puisse être évoquée dans le sens d'une interprétation et extensive de la législation finlandaise en vigueur. Par ailleurs, elle est bien sûr de nature à influencer les réformes législatives à intervenir. Il est douteux par contre qu'elle puisse avoir un autre effet direct au regard de la législation nationale finlandaise. Et notamment d'être invoquée à l'encontre de cette législation devant les juridictions nationales.

- La Hongrie

Pour la République de Hongrie, la Charte européenne de l'autonomie locale est entrée en vigueur le 21 mars 1994 après que le Parlement hongrois ait ratifié la Charte par une décision du 16 mars 1993. La Charte a été incorporée formellement dans l'ordre juridique interne très récemment en mars 1997 sans réserves. Par ailleurs, les principes essentiels de la Charte sont repris dans la constitution de 1990 dans ses dispositions concernant l'autonomie locale.

Selon les principes en vigueur en Hongrie les traités internationaux conclus en bonne et due forme lient en droit international l'Etat hongrois. Toutefois ils ne constituent pas les sources de droit directement applicable pour les autorités hongroises. La ratification est nécessaire pour les traités internationaux qui revêtent une importance fondamentale.

Les traités internationaux portant sur les matières relevant de la législation parlementaire ne peuvent être ratifiés par le président de la République qu'avec l'accord préalable du Parlement. Les traités internationaux, même ratifiés en bonne et due forme, s'ils lient l'Etat hongrois au regard du droit international, ne constituent pas des sources de droit directement applicable pour les autorités hongroises chargées d'élaborer et d'appliquer la loi. Ils ne peuvent être appliquées par le tribunaux ou d'autres autorités publiques que s'ils ont été incorporés au droit interne par une loi hongroise. L'incorporation des traités internationaux qui établissent directement des droits et obligations de portée générale à l'égard des personnes juridiques relève du Parlement. Lorsqu'ils ont ainsi été incorporés par des lois hongroises, les traités internationaux sont considérés comme des lois hongroises et peuvent être appliqués par les autorités publiques à ce titre bien que cette pratique ne soit pas régulièrement suivie. Fréquemment, on regarde les instruments du droit international comme ne servant qu'à donner des orientations sur l'application du droit interne.

D'une manière générale, c'est le principe de l'application de la loi postérieure comme dérogeant à la loi antérieure qui s'applique. Toutefois, il appartient à la cour constitutionnelle hongroise de vérifier si une loi est conforme avec des traités internationaux. Elle peut annuler en tout ou partie la loi incompatible avec le traité international. Mais elle peut aussi conclure qu'une loi en conflit avec un traité international prévaut sur la loi promulguant ledit traité et inviter les organes compétents à faire disparaître le conflit.

Il est prévu qu'une réforme en cours d'examen en 1993 devrait instituer le système moniste en Hongrie. Dans le cas de mise en oeuvre de cette réforme, les traités internationaux ratifiés pourront être directement appliqués par les autorités hongroises à la seule condition d'avoir été publiés au Journal Officiel. De plus ces traités devront prévaloir sur les autres lois dans la hiérarchie des normes, à l'exception de la Constitution.

Depuis qu'elle a été incorporée dans le droit hongrois en mars 1997, la Charte a force obligatoire pour l'Etat hongrois constitue une source du droit par les autorités hongroises et les tribunaux. Les collectivités locales peuvent s'en prévaloir devant les tribunaux ordinaires.

Pour assurer la primauté de la Charte sur le droit interne, la Cour constitutionnelle a le pouvoir de vérifier la conformité des lois internes aux traités ratifiés par la Hongrie et d'annuler des règles de droit nationales violant des traités ratifiés.

- Suède

La position officielle de la Suède en matière d'application des traités internationaux est en faveur de la théorie de la transposition. Selon cette théorie, les traités internationaux ne sont pas applicables en droit interne sauf à avoir été transformés en loi nationale. Cette transformation peut s'effectuer de deux manières distinctes : le traité peut faire l'objet d'une nouvelle rédaction conforme à la structure habituelle d'une loi suédoise. Ou bien, il peut être introduit sans changement en vertu d'une loi spéciale. Dans un grand nombre de cas, la Suède a adhéré à des traités internationaux sans juger nécessaire de modifier sa législation interne. A défaut de transposition, les règles figurant dans ces traités n'ont pas acquis validité juridique en droit interne. Il est admis cependant que les tribunaux doivent chercher à appliquer le droit interne en respectant les obligations imposées par les traités internationaux auxquels la Suède a adhéré.

Les règles susmentionnées doivent s'appliquer en ce qui concerne la charte européenne de l'autonomie locale, ce qui signifie que celle-ci n'est pas directement applicable en Suède. La Suède a adhéré à la charte européenne de l'autonomie locale le 1er décembre 1989. Mais aucun acte législatif concret ne l'a intégré dans la législation suédoise car on a estimé que le contenu de la Charte n'exigeait aucune modification de la législation suédoise. On pourrait défendre l'idée que le gouvernement est juridiquement tenu d'appliquer la Charte sur le plan intérieur dans le cadre de ses obligations de droit public. Le Parlement pourrait critiquer le gouvernement ou les ministres qui ne s'acquitteraient pas des obligations découlant de la Charte mais aucune disposition juridique n'oblige les collectivités locales à appliquer celle-ci. La Charte ne lie pas les tribunaux et les organes administratifs. Aucune sanction effective ne s'attache au non respect de la charte. De fait, le gouvernement suédois à considéré que les anciennes lois sur les collectivités locales étaient conformes à la charte ainsi que la nouvelle loi de 1991 rédigée en connaissance du contenu de la Charte. Mais, apparemment, il n'y a pas eu d'étude approfondie sur le sujet. Il reste que, selon une "convention constitutionnelle", les lois internes doivent, autant que possible, être interprétées de manière à être en conformité avec les traités.

- Norvège

En Norvège les normes de droit international qui lient le royaume ne font pas partie du droit interne tant qu'elles n'y ont pas été globalement intégrées par un acte juridique norvégien, (lois du parlement si les citoyens doivent se soumettre à des obligations ou règlements administratifs). Beaucoup d'engagements internationaux ont effectivement été intégrés dans le droit interne norvégien. L'introduction peut prendre des formes différentes (transformation, incorporation, etc...). Aucun acte formel d'introduction n'est jugé nécessaire si le droit interne apparaît comme étant déjà conforme aux obligations internationales souscrites par le royaume de Norvège. Traditionnellement, le gouvernement norvégien procède à une analyse de son droit interne avant de souscrire à des obligations internes internationales afin d'éviter des hypothèses de conflit.

En ce qui concerne la Charte européenne de l'autonomie locale, l'examen de la législation interne a conduit à estimer qu'aucune modification de la législation n'était nécessaire. La charte n'a donc pas été incorporée à la législation interne. On considère en effet que la loi norvégienne sur l'autonomie locale est parfaitement conforme à la charte. Si néanmoins des difficultés ou des contradictions devaient apparaître à l'expérience, il est probable que les tribunaux chercheraient une interprétation de la législation interne qui soit la plus conforme possible à la Charte pour autant que celle-ci soit envisagée devant eux.

La Charte européenne de l'autonomie locale a été signée par la Norvège le 26 mai 1989 et a pris effet dans ce pays le 1er septembre 1989. Entre-temps, les deux principales lois de 1954 et de 1961 sur les collectivités locales ont été remplacées par une loi générale du 25 septembre 1992. Dès lors que l'on avait considéré que la législation antérieure était conforme à la Charte, la nouvelle législation qui élargit encore sur divers points l'autonomie des collectivités locales a été regardée comme parfaitement respectueuse à la Charte.

L'acte parlementaire du 6 avril 1989 portant ratification de la Charte a pris la forme non d'une loi mais seulement d'une décision plénière. Les actes pléniers du parlement n'ont pas le même effet juridique que des lois formelles. Une loi nécessaire à l'introduction formelle de la Charte dans le droit interne norvégien n'a jamais été votée. Cette situation ne signifie pas, cependant, qu'en cas de différence juridique la Charte ne puisse avoir aucun effet. En effet, il existe un principe fondamental selon lequel le droit interne est réputé conforme aux impératifs contenus dans les instruments de droit international public par lesquels le royaume de Norvège s'est lié. Compte tenu de ce principe, en cas de controverse, une argumentation fondée sur la Charte pourrait avoir un certain poids. Toutefois, ceci n'a pas d'équivalent avec une mise en oeuvre véritable par une loi si une telle loi était intervenue.

- La Roumanie

La Roumanie a signé la Charte le 4 octobre 1994 mais son parlement ne l'a pas ratifié. On considère que les principes que régissent la charte figurent déjà dans la législation roumaine.

- Malte

Malte a ratifié la charte européenne de l'autonomie locale le 6 septembre 1993. La charte n'a cependant pas été incorporée officiellement à la loi sur les conseils locaux.

Ainsi que l'illustre la présentation précédente de la mise en oeuvre de la charte dans les Etats à tradition dualiste, l'application effective en droit interne de la Charte peut y soulever plusieurs questions :

a) Le cas où la transposition s'est faite de manière globale :

Dans le cas où la transposition prend la forme d'un acte législatif général d'approbation de la Charte, cette nouvelle norme nationale doit se combiner avec les autres règles de droit national relatives à l'autonomie locale.

En théorie, en tant que loi nouvelle, la Charte doit être regardée comme abrogeant des lois antérieures contraires. Par conséquent, à compter de la réception de la Charte en droit interne, celle-ci assure par elle-même sa proéminence dans l'ordre interne. Ceci suppose évidemment que les autorités publiques et, en cas de litige, les tribunaux, reconnaissant l'effectivité de la Charte conformément à son statut de loi nationale.

A cet égard, on retrouve une difficulté similaire à celle qui existe dans le cadre dualiste : le caractère général des normes figurant dans la Charte peut conduire à ne pas leur reconnaître une applicabilité directe. Un tel raisonnement existe par exemple en Allemagne fédérale : la doctrine et la jurisprudence traditionnelles y considèrent que le droit international n'est "transformable" en droit national que dans la mesure où il "self executing". Cette analyse est contestable car la mesure législative d'approbation doit avoir la même portée que toute autre disposition législative nationale. Dès lors qu'elle est suffisamment précise pour comporter des effets juridiques, une norme législative doit être appliquée, qu'elle soit d'initiative interne ou d'initiative internationale.

Le droit interne comprend lui aussi des normes générales. Ce caractère de généralité ne l'empêche pas nécessairement d'avoir des effets juridiques précis. Il n'y a pas de raison qu'à cet égard la Charte soit interprétée de manière moins conséquente que les principes généraux qui figurent dans d'autres textes législatifs ou constitutionnels.

Les règles d'interprétation qui s'appliquent aux lois d'approbation d'un traité combinent les principes d'interprétation propres au droit interne (puisqu'il s'agit d'une loi de droit national) et les principes d'interprétation des normes internationales (puisqu'il s'agit de la transposition d'un traité). Ces mécanismes d'interprétation devraient plutôt renforcer l'effectivité de la Charte que l'affaiblir car il est admis que l'interprétation d'une loi d'application d'une convention internationale doit tendre à assurer un respect effectif de cette convention par les autorités nationales.

Quoi qu'il en soit, une loi d'approbation générale ne sera pas suffisante pour assurer l'application de la Charte si celle-ci suppose non seulement la disparition de normes antérieures contraires mais aussi l'intervention de normes positives de mise en oeuvre (voir ci-après II B).

b) Les cas d'absence de transposition globale :

Dans plusieurs pays la Charte a certes été ratifiée mais n'a pas été intégrée en tant que telle dans l'ordre juridique interne.

- Certains pays ont considérés qu'avant même la ratification, leur droit interne assurait de manière complète la concrétisation des principes de l'autonomie locale figurant dans la Charte. Ils n'ont donc pas estimé devoir transposer la Charte dans leur droit interne. Celle-ci n'a donc acquis aucune force juridique dans le droit national de ces pays. Tel est le cas notamment de l'Autriche, de la Suède et de la Norvège.

- D'autres Etats ont pris en compte les principes figurant dans la Charte en s'en inspirant à l'occasion de la modification de leurs lois nationales sur l'administration locale : ces lois ont été réformées dans un sens favorable à la mise en oeuvre de la Charte mais sans qu'il soit fait expressément référence à cette dernière. Cette situation est celle notamment de Malte et de la Norvège. Dans de tels cas, la Charte peut le cas échéant être totalement respectée, ou du moins l'être aussi largement que dans le cas où une loi générale d'approbation serait intervenue. La situation de tels pays reste cependant insatisfaisante en ce qui concerne la transposition de la Charte pour les motifs suivants :

* ce n'est pas la Charte qui est mise en vigueur dans les pays considérés, mais une législation interne jugée équivalente ou supérieure ;

- ce procédé ne garantit pas que toutes les implications de la Charte soient effectivement prises en compte. Or, on a vu précédemment que l'interprétation et donc le contenu potentiel de la Charte est évolutif.

Dès lors, dans de telles situations, la Charte ne pourra pas être invoquée en cas de divergence d'opinion entre autorités locales et centrales ou en cas de litige devant un tribunal.

Il serait souhaitable que ces pays adoptent un acte législatif formel d'approbation de la Charte. Si, comme leurs autorités le pensent, leur droit interne est conforme à la Charte, une telle loi d'approbation ne saurait présenter d'inconvénients (même si elle peut paraître inutile à certains). Si par contre, sur certains points, la législation nationale est ou devient insatisfaisante par rapport à la Charte, cette approbation législative permettra de donner une applicabilité réelle à la Charte dans l'ordre juridique interne.

c) La question des lois internes postérieures à l'approbation de la Charte :

Dans un cadre dualiste, la loi d'approbation d'un traité n'a que la valeur d'une loi ordinaire. Elle peut donc être contredite par une autre loi ordinaire contraire.

La Charte n'est donc pas protégée contre des lois nouvelles postérieures. Ce défaut peut être partiellement surmonté par les règles d'interprétation des lois. Il est en effet généralement admis que le législateur doit être présumé vouloir légiférer de façon compatible avec les conventions internationales qu'il a approuvé. Les tribunaux interprèteront donc autant que possible les lois de manière à les mettre en harmonie avec des lois antérieures qui mettent en oeuvre des traités internationaux. De même, on interprétera l'acte d'approbation d'une convention internationale comme une "lex specialis" que les lois ordinaires postérieures ne sont pas supposées remettre en cause.

Ces principes d'interprétation semblent bien reconnus notamment en Allemagne, en Autriche et dans les pays scandinaves. De cette façon, les tribunaux peuvent parvenir à assurer en pratique aux lois d'approbation d'une convention internationale un certain primat sur le droit interne.

Toutefois, si l'incompatibilité entre la Charte et la loi postérieure est irréductible, c'est cette dernière qui l'emportera. Il ne semble pas que la Charte ait déjà rencontré des difficultés de ce genre. On peut signaler que dans un arrêt du 23 avril 1993, la Cour suprême de Norvège a dénié un droit de recours juridictionnel aux collectivités locales pour une décision prise sur recours administratif par une autorité étatique dans une matière pouvant être regardée comme touchant à l'autonomie locale. Cette décision ne paraît guère compatible avec l'article 11 de la Charte. Mais cette dernière n'avait pas été invoquée en l'espèce.

d) Les difficultés liées à la structure fédérale de certains Etats :

La ratification est normalement le fait de l'Etat fédéral car celui-ci est d'ordinaire compétent en matière de traités internationaux. Mais l'application et la mise en oeuvre de la Charte relève des Etats fédérés car ceux-ci sont généralement compétents en matière de droit des collectivités locales. Cette difficulté peut se retrouver aussi bien dans les Etats à tradition moniste que dans ceux qui pratiquent le dualisme. Elle se trouve cependant aggravée dans les Etats à tradition dualiste.

Il peut dès lors exister de difficultés :

- soit pour trouver un accord quant à l'application de la Charte ; ainsi en Belgique c'est la complexité de la coordination entre Etat central et régions qui explique que la Charte n'est pas encore ratifiée ; on remarquera cependant que la Belgique est un pays à tradition moniste ;

- soit pour partager les responsabilités de mise en oeuvre : en Autriche, la fédération a estimé que les mesures d'exécution de la Charte ne relevaient pas de sa compétence et les Länder ont considéré que leur législation était conforme à la Charte ; si bien que celle-ci n'a fait l'objet d'aucune mesure dans ce pays lui donnant un effet juridique en droit interne. En Allemagne, la Charte a une valeur de loi fédérale. Conformément à l'accord de Lindau du 19 novembre 1957 précité, les Länder ont été appelés à donner leur assentiment préalable à l'approbation de la Charte. Mais la coordination entre cette Charte comme loi fédérale et les lois communales des Länder n'est en réalité pas assurée, si bien que la Charte n'est pas véritablement prise en compte.

En conclusion, l'impression générale est celle d'une application imparfaite de la Charte due à deux causes complémentaires :

- la sous-estimation du contenu juridique de la Charte : beaucoup d'Etats voient dans la Charte une sorte de résolution ou de recommandation "déguisée" en convention internationale mais sans contenu juridique contraignant ;

- la sur-estimation du droit national de l'autonomie locale : beaucoup de pays partent du présupposé que dans leur système juridique national l'autonomie locale est garantie de manière bien plus complète que dans la Charte : ils estiment n'avoir pas de "leçons" à recevoir en matière d'autonomie locale.

Ces deux considérations, sous-estimation de la Charte et sur-estimation du droit interne, sont liées : en lisant la Charte comme un simple "catalogue publicitaire", on arrive forcément à la conviction que le droit national lui est supérieur. Mais si on lit la Charte comme un vrai code de droit, on découvrira de nombreux points sur lesquels le droit national mérite d'être amélioré pour être fidèle à la Charte. La même expérience a été faite avec la Convention Européenne des Droits de l'Homme.

II. L'invocabilité de la Charte devant les tribunaux nationaux

Quelle que soit la manière dont la Charte européenne de l'autonomie locale a acquis une validité juridique dans l'ordre juridique interne et quelle que soit la portée de cette validité, il y a lieu de s'interroger sur la possibilité d'invoquer les principes qu'elle consacre devant les tribunaux nationaux au regard des règles qui définissent la compétence et la procédure de ces tribunaux. En effet, alors même que les règles contenues dans la Charte ont acquis une certaine validité en droit interne, il peut parfois être problématique de les invoquer à l'encontre d'autres normes de droit interne ou à l'encontre de décisions affectant la situation des collectivités locales du fait de certaines restrictions quant à l'étendue du contrôle effectué par les tribunaux.

La problématique se divise essentiellement en deux branches :

- dès lors que les règles les plus importantes concernant le statut, l'organisation et le fonctionnement des collectivités locales est, dans la plupart des pays, défini par la voie de normes législatives ou supra-législatives, est-il possible d'invoquer devant les tribunaux à l'encontre de ces normes une méconnaissance du contenu de la charte européenne de l'autonomie locale ?

- lorsque le pouvoir exécutif prend des décisions affectant la situation des collectivités locales, celles-ci ont-elles la possibilité de faire valoir la méconnaissance des règles figurant dans la charte à l'encontre de décisions administratives de caractère réglementaire ou individuel ?

La réponse donnée à ces deux questions dans les Etats ayant ratifié la Charte sera analysée de manière successive.

Par définition, la question de l'invocabilité de la Charte à l'encontre de normes législatives ou supralégislatives ne se pose que dans les pays où cette Charte a acquis une valeur pour le moins équivalente à celle d'une loi nationale. Dans les pays où la Charte n'a pas été effectivement incorporée dans l'ordre juridique interne, même si elle a été ratifiée, il est évidemment impossible de l'invoquer devant les tribunaux, si ce n'est pour les inciter à retenir une interprétation du droit national qui soit la plus compatible possible avec le contenu de la Charte.

Dans les Etats ayant ratifié la Charte et où celle-ci a acquis une validité juridique en droit interne, l'invocabilité de celle-ci dépend de la compétence reconnue aux tribunaux, ou à certains d'entre eux, de vérifier de manière directe ou indirecte la conformité de normes législatives avec d'autres normes de valeur égale ou supérieure.

Il convient à cet égard de distinguer le contrôle des tribunaux en matière de conformité à la Charte des lois antérieures et des lois postérieures à son approbation.

a) Le contrôle des tribunaux sur les lois antérieures à l'incorporation de la Charte dans l'ordre interne :

On a vu que cette incorporation, qu'elle soit effectuée selon un schéma moniste ou un schéma dualiste, confère à la Charte une autorité au moins équivalente à la loi.

Il relève de la fonction ordinaire des tribunaux de déterminer quelle est la loi applicable et de constater le cas échéant qu'une loi postérieure a abrogé une loi antérieure. Ils n'ont pas besoin d'être investis d'un pouvoir spécifique à cette fin. Si une juridiction constate qu'une loi nouvelle est incompatible avec une loi antérieure, ce n'est pas elle qui invalide cette dernière : elle ne fait que constater la nouvelle volonté du législateur.

Par conséquent, dans les Etats qui ont ratifié la Charte, il ne devrait pas y avoir de difficulté pour les tribunaux de faire prévaloir les principes figurant dans la Charte contre les lois nationales antérieures.

Ce schéma est admis en théorie par exemple en Allemagne ou aux Pays-Bas. Mais la réalité ne paraît pas conforme à cette analyse théorique : on ne trouve pas d'application concrète où les tribunaux auraient écartés une loi antérieure comme non conforme à la Charte.

Deux problèmes peuvent être évoqués à cet égard :

- on estime souvent que la Charte est trop vague pour créer de véritables droits au profit des collectivités locales et donc pour pouvoir abroger implicitement des dispositions législatives antérieures limitant l'autonomie locale. Pourtant, on a déjà souligné que le caractère général de l'énoncé d'un principe n'exclut pas que celui-ci soit incompatible avec des règles antérieures. Si, par exemple, le droit national de la procédure juridictionnelle ne comporte pas, pour les collectivités locales, un droit de recours juridictionnel approprié pour garantir le respect des principes de l'autonomie locale tels qu'ils sont définis dans la constitution nationale, ces règles nationales sont en contradiction avec l'article 11 de la Charte en tant qu'elles excluent le droit de recours des collectivités locales ; elles doivent dès lors être regardées comme tacitement mais nécessairement abrogé par la loi qui a introduit la Charte dans l'ordre juridique national.

- on a l'impression qu'au delà du caractère plus ou moins précis, de certaines stipulations de la Charte, il y a une sorte d'obstacle "culturel" qui conduit les tribunaux nationaux à "négliger" voire à ignorer la Charte où à la traiter comme si elles n'étaient pas du vrai droit. En théorie, le droit national doit être interprété en cohérence avec les traités ratifiés. Mais le fait-on vraiment en ce qui concerne la Charte européenne de l'autonomie locale ? Les juges allemands, espagnols, suédois, néerlandais interprêtent-ils leur droit national, à commencer par leur constitution, à la lumière de la Charte et en conformité avec elle ? La question mérite d'être posée.

b) Le contrôle par les tribunaux de la compatibilité de la Charte avec les lois intervenues postérieurement à son incorporation dans l'ordre juridique interne :

Dans ce cas, la réalisation d'un contrôle est délicate dans plusieurs Etats ayant ratifié la Charte car il ne s'agit plus seulement pour les tribunaux d'interpréter la loi et d'appliquer celle qui est la plus récente, mais de donner la primauté à la norme d'origine internationale en lui reconnaissant une force supérieure aux lois ordinaires.

Un tel contrôle suppose alors que soient remplis deux conditions :

- que la Charte soit reconnue comme ayant une autorité supérieure aux lois (vois ci-dessus 1ère partie) ;

- que les tribunaux soient investis du pouvoir d'écarter la loi nationale au profit de la loi (d'origine) internationale.

Sur ce dernier point, il faut lever une confusion fréquemment faite entre deux types de contrôle :

- le contrôle de constitutionnalité, c'est à dire de la conformité des lois à la constitution ;

- le contrôle de conventionnalité, c'est à dire le contrôle de conformité des lois par rapport aux conventions internationales ratifiées et publiées.

Le problème du contrôle juridictionnel de l'application de la Charte est un contrôle de conventionnalité : il s'agit de vérifier la conformité de la loi nationale par rapport à la Charte en tant que convention internationale ou en tant que loi nationale transposant une convention internationale, mais ce n'est pas un problème de constitutionnalité, car dans aucun Etat, la Charte n'a acquis valeur constitutionnelle.

En règle générale, la question de l'application de la Charte par les tribunaux n'est donc pas celle de la possibilité pour les collectivités locales de faire appel devant une Cour constitutionnelle contre des méconnaissances de la Charte. A cette affirmation, il faut cependant apporter plusieurs nuances:

- dans certains pays, la Cour constitutionnelle a expressément reçu pour mission de vérifier la conformité des lois aux règles internationales. Dans ce cas, le recours a une telle cours peut s'envisager pour faire respecter la Charte. Tel semble, par exemple, être le cas en Hongrie;

- il est possible d'interpréter les dispositions constitutionnelles à la lumière de la Charte. Dans ce cas, il peut y avoir une protection constitutionnelle indirecte de la Charte par voie interprétative. Par exemple, si les tribunaux constitutionnels espagnols, autrichiens ou allemand acceptaient d'interpréter les dispositions constitutionnelles nationales en conformité avec le contenu de la Charte Européenne de l'Autonomie Locale, ils pourraient assurer de manière indirecte mais efficace une valeur constitutionnelle à la Charte. Une telle intervention suppose cependant que les collectivités locales puissent avoir accès au tribunal constitutionnel pour invoquer la Charte comme base d'interprétation. Or un tel recours est rarement assuré de manière directe (c'est le cas en Allemagne par exemple, grâce à la Verfassungsbeschwerde). Le plus souvent, la Cour constitutionnelle n'est accessible aux collectivités locales que par voie indirecte, par exemple, sous la forme d'une "question préjudicielle" soulevée devant le juge de droit commun, lequel décidera de soumettre ou non cette question à la juridiction constitutionnelle (cette situation est celle de l'Espagne) ;

- dans certains systèmes nationaux de droit, il peut exister des procédés permettant de conférer à une loi un valeur "quasi-constitutionnelle" ou du moins de l'assimiler au "bloc de constitutionnalité". Si l'on applique cette qualification à la Charte pour lui donner une valeur de "loi organique", il devient possible à une juridiction constitutionnelle de vérifier la conformité des lois ordinaires à la Charte ;

- enfin, il faut mentionner l'article 11 de la Charte, en vertu duquel, les Etats qui ont ratifié la Charte reconnaissent aux collectivités locales un droit de recours pour garantir le respect des principes d'autonomie locale consacré par la constitution. On peut se demander si la conséquence de cette stipulation, lorsqu'il existe une voie de recours constitutionnelle, n'est pas d'ouvrir celle-ci aux collectivités locales. La question est débattue notamment en Espagne.

Celle-ci varie selon que les Etats connaissent ou non un contrôle de conformité des lois avec des normes supérieures.

a) Pays dans lesquels existe un contrôle juridictionnel de la conformité des lois avec des normes supérieures

Dans un plus grand nombre des Etats faisant l'objet de l'étude, le principe de séparation des pouvoirs a été interprété dans le sens d'une limitation de la possibilité pour les tribunaux de droit commun d'exercer un contrôle sur les lois. Toutefois, la période récente a vu se développer divers mécanismes de contrôle juridictionnel de la validité des lois, soit par la création ou le renforcement de la compétence de cours constitutionnelles, soit par la reconnaissance aux tribunaux de droit commun du pouvoir d'écarter des lois contraires au droit international, soit encore par des mécanismes de question préjudicielle.

Lorsque des mécanismes de ce type ont été institués au plan juridictionnel, il est concevable que les tribunaux puissent faire prévaloir les stipulations de la Charte sur la législation interne incompatible avec elle.

- Allemagne

En vertu de l'article 93 paragraphe 4 B alinéa 1 de la constitution fédérale les pouvoirs locaux et leurs associations ont le droit de former un recours auprès de la cour constitutionnelle fédérale au motif que leur droit à l'autonomie garanti par l'article 28 de cette constitution a été violé. Toutefois, ce droit ne peut être exercé que si aucun recours ne peut être introduit devant le tribunal constitutionnel du Land. Or de tels recours sont possibles dans tous les Länder qui comportent une administration locale à l'exception du Schlesswig-Holstein.

Cette forme de recours permet de procéder à un contrôle de constitutionnalité des lois; il ne permet pas, par contre, d'exercer de manière directe un contrôle de conformité à la Charte. En effet, celle-ci n'a qu'une valeur législative en droit interne allemand. Ce n'est que dans la mesure où les stipulations de la Charte se confondent avec le principe constitutionnel de l'autonomie locale que le respect de la Charte par les lois nationales allemandes peut être garanti par le biais d'un contrôle de constitutionnalité.

- Autriche

La Charte européenne de l'autonomie locale a été approuvée par l'assemblée nationale autrichienne avec une réserve d'exécution au sens de l'article 50 alinéa 2 de la constitution fédérale. L'assemblée nationale a en effet décidé que des lois spéciales devraient être promulguées pour assurer l'exécution de la Charte. En conséquence la Charte n'a pas d'effet immédiat en ce qui concerne le droit interne autrichien tant que des lois d'application n'ont pas été promulguées. Or aucune loi n'a été adoptée à cette fin ni au niveau fédéral ni au niveau des Etats fédérés. La Charte n'est donc pas entrée en vigueur en droit interne autrichien. Dès lors, ni les collectivités locales ni les citoyens peuvent invoquer les dispositions de la Charte devant les tribunaux. Si cette intégration avait été effectuée, le fait que les collectivités locales aient accès à la Cour constitutionnelle resterait néanmoins d'une faible utilité car la transposition de la Charte n'aurait qu'une simple portée législative. La Charte ne pourrait donc être invoquée à l'encontre d'une loi postérieure contraire.

Il existe cependant une applicabilité indirecte de la Charte en tant que celle-ci comporte des dispositions similaires à la constitution et que des lois internes non conformes à la constitution peuvent faire l'objet d'une contestation devant la Cour constitutionnelle. La Cour constitutionnelle peut être saisie par la cour administrative si cette dernière doit statuer sur une requête dans le cadre de laquelle l'inconstitutionnalité d'une loi est invoquée. La Cour constitutionnelle peut également être saisie par le gouvernement d'un Land ou le gouvernement fédéral, par un tiers des membres du conseil national ou du conseil fédéral ainsi que par toute personne personnellement et directement lésée par la loi en cause.

- Espagne

Bien que les institutions espagnoles donnent un effet direct à la Charte européenne de l'autonomie locale, les voies de recours juridictionnelles restent encore insatisfaisantes en ce qui concerne le contrôle des normes qui ont rang et force de loi. Le contrôle de constitutionnalité des lois appartient au tribunal constitutionnel. Or, les collectivités locales n'ont, du point de vue de la qualité pour agir, pas d'accès direct à cette juridiction. Seule existe une procédure indirecte : les collectivités locales peuvent agir contre des mesures infralégislatives (actes réglementaires - actes individuels) pris pour l'application d'une loi en faisant valoir par voie d'exception le caractère inconstitutionnel de la loi dont dérivent ces mesures. Il dépend alors de la juridiction saisie si celle-ci entend ou non de poser une question préjudicielle au tribunal constitutionnel. Par ailleurs, l'article 119 de la loi du 2 avril 1985 réglementant les bases de l'autonomie locale donne à la commission nationale d'administration locale, organe collégial mixte avec une représentation paritaire de l'administration de l'Etat et des administrations locales, la faculté de saisir le tribunal constitutionnel des dispositions législatives qu'elle estime porter atteinte à la protection juridique de l'autonomie locale. Toutefois, les remarques qui précèdent concernent le contrôle de constitutionnalité des lois. Or, la Charte de l'autonomie locale n'a pas été intégrée dans le bloc de constitutionnalité espagnole. Les mécanismes que l'on vient de décrire ne pourraient donc jouer que pour assurer la protection des dispositions de la Charte qui ont un contenu équivalent dans la constitution espagnole. Dans ce dernier cas, ce serait ces principes constitutionnels espagnols et non la Charte qui seraient sanctionnés.

En ce qui concerne le contrôle de conformité d'une loi ou d'une norme de caractère législatif avec une convention internationale ratifiée, il ne semble pas qu'il y ait eu jusqu'à présent de jurisprudence topique. Les commentateurs admettent cependant que conformément au principe moniste régissant l'Espagne, les tribunaux ordinaires (chambre administrative ou chambre civile) doivent être regardés comme compétents pour écarter une loi espagnole postérieure contraire au droit international en se fondant sur les articles 96 et 93 de la constitution. En effet, l'article 96 paragraphe 1 de la constitution interdit à la loi de déroger, modifier ou suspendre les dispositions d'un traité ainsi qu'on l'a vu précédemment. On peut donc considérer que dans le cas d'une loi espagnole contraire à la Charte, les tribunaux seraient conduit à écarter la loi pour donner primauté à la Charte. Selon un arrêt de la Cour suprême du 24 avril 1990, Aranzadi, n° 2747, les articles 93 et 96 paragraphe 1 permettent au juge ordinaire d'écarter l'application de la loi nationale contraire à un traité.

- Italie

La Cour constitutionnelle d'Italie est revenue sur sa jurisprudence Icic de 1975 par laquelle elle assimiliait le non-respect de la primauté du droit international à une violation de l'article 11 de la constitution. Dans son arrêt du 8 juin 1984, Granital, elle a jugé irrecevable le renvoi d'une juridiction ordinaire sur un conflit opposant loi nationale et règlement européen. Elle établit ainsi clairement qu'il ne s'agit pas d'un problème de constitutionnalité de la loi interne postérieure. Cette solution a été confirmée postérieurement. Il faut cependant se rappeler que la Cour constitutionnelle italienne, suivant en cela un arrêt du tribunal de Milan, Kraft du 14 avril 1974, reprend dans l'arrêt Granital l'idée selon laquelle le juge reste tenu d'appliquer la loi interne postérieure lorsque celle-ci exprime une volonté certaine sans équivoque de méconnaître le traité. Ainsi donc, puisque les conventions internationales sont, par l'effet de la ratification, considérées comme des lois internes sans valeur constitutionnelle, la Cour constitutionnelle n'est pas habilitée à vérifier l'éventuelle conflit entre une loi ordinaire et le droit international. La Charte n'est considérée que comme une loi ordinaire de l'Etat. Selon la jurisprudence constitutionnelle, la loi interne antérieure à la loi ratifiant la Charte doit être interprétée dans un sens conforme à la Charte et être regardée comme abrogée tacitement en tant qu'elle serait contraire à la Charte. Si toute loi interne postérieure à la Charte doit respecter celle-ci, et être interprétée dans ce sens, dans le cas d'un conflit c'est la loi interne qui prévaudra. Il n'est donc pas possible d'invoquer devant les tribunaux italiens l'incompatibilité avec la Charte d'une loi postérieure. Par contre ceux-ci devraient admettre la prévalence de la Charte comme loi postérieure par rapport à des dispositions législatives antérieures contraires pour autant qu'il s'agit de stipulations de la Charte ayant un caractère d'applicabilité directe.

Les Cours et tribunaux italiens peuvent à cet égard librement interpréter les dispositions de la Charte puisqu'il n'existe pas de juridiction internationale chargée de cette mission. Cela sera fait selon les règles de droit italien sur l'interprétation. Selon certains auteurs cependant, toute loi postérieure contraire aux dispositions de la Charte doit être déclarée inapplicable. Jusqu'à présent, il n'existe aucune jurisprudence relative à l'application de la Charte européenne de l'autonomie locale.

- Bulgarie

La Charte prévalant sur les lois internes, il appartient, selon l'article 49 paragraphe 1 alinéa 4 de la constitution, à la Cour constitutionnelle d'annuler les dispositions juridiques de droit interne contraires à la Charte.

- Pologne

En Pologne, le principe de la primauté du droit international est accepté unanimement. Le contenu de la Charte est donc de nature à avoir des effets directs sur la législation polonaise.

L'article 188 de la nouvelle constitution de 1997 autorise le tribunal constitutionnel, contrairement au droit antérieur, à contrôler directement la conformité du droit national avec les conventions de droit international ratifiées par la Pologne. Dans le passé déjà, le tribunal constitutionnel se réfèrait aux accords internationaux comme éléments d'interprétation. Sur la demande de collectivités locales, le tribunal constitutionnel pourrait désormais assurer le respect de la Charte européenne de l'autonomie locale par les textes législatifs internes.

Il semble aussi qu'à l'occasion d'un recours administratif introduit à l'encontre d'une mesure infra-législative (règlement ou acte individuel), constituant une mesure d'application d'une loi portant atteinte à l'autonomie locale telle qu'elle est garantie par la constitution ou par la Charte, les collectivités locales, peuvent devant les tribunaux ordinaires en faire valoir, par voie d'exception, l'inconstitutionnalité ou la non conventionnalité de la loi sur laquelle se fonde l'acte administratif contesté. Si le moyen est jugé fondé, les tribunaux saisis peuvent, soit porter la question préjudicielle devant le tribunal constitutionnel, soit écarter la loi contraire à la règle internationale.

- Portugal

La doctrine portugaise n'est pas encore unanime sur la primauté du droit international par rapport au droit interne. Les deux sections de la cour constitutionnelle étaient opposées sur ce point. Toutefois la position de la deuxième section à la cour constitutionnelle qui admet que les tribunaux ordinaires portugais peuvent contrôler le respect par les lois de la supériorité des traités semble avoir prévalu.

Selon une jurisprudence désormais majoritaire, les tribunaux portugais, en application des principes du monisme auquel le Portugal adhère, écartent les lois contraires aux conventions internationales. Ainsi donc, au Portugal, le contrôle de la conformité des lois à la Charte relève des tribunaux ordinaires. Conformément à l'article 70.1 i de la loi du tribunal constitutionnel, il est possible de saisir ce tribunal de la méconnaissance d'une convention internationale par une décision administrative. Le tribunal constitutionnel statue sur la question de l'applicabilité du droit international ou du droit national, mais ne tranche pas la question concrète en litige laquelle revient aux tribunaux ordinaires. Il est donc possible d'invoquer les dispositions de la Charte, même à l'encontre de dispositions de caractère législatif. Toutefois, les collectivités locales ne peuvent pas introduire un recours contre une disposition législative directement auprès du tribunal constitutionnel. Elles ne disposent de la possibilité de recours que si un litige sur un cas concret est pendant devant un tribunal ordinaire. Par contre, les collectivités locales peuvent demander l'intervention du président de la République ou du pourvoyeur de justice qui ont compétence pour introduire un recours direct de caractère abstrait devant le tribunal constitutionnel.

Il reste le problème de déterminer quelles dispositions de la Charte ont effectivement un caractère obligatoire en raison de leur portée d'applicabilité directe et lesquelles ne présentent que la nature de simples recommandations.

Il n'existe pas encore de décision de tribunaux portugais faisant référence à la Charte. Le droit international n'est habituellement pas invoqué devant les tribunaux.

- Norvège

La Norvège fait partie des Etats où les tribunaux sont compétents pour contrôler la conformité des lois à des normes supérieures. Mais la Charte n'a pas été incorporée à la législation interne norvégienne au motif que la législation nationale a été considérée comme conforme à cette convention internationale. Au cas d'une éventuelle contradiction entre la Charte et cette législation, une autorité locale pourrait porter l'affaire devant les tribunaux et, dans ce cas, le fait que la Norvège ait ratifié la Charte serait considéré par ces derniers comme un argument en faveur d'une interprétation de la loi interne dans un sens conforme à la Charte, ce qui permettrait d'éviter la contradiction présumée. La Charte peut ainsi avoir un effet indirect sur la législation interne norvégienne par le biais d'une interprétation de la loi interne en vue de la rendre conforme aux obligations internationales de la Norvège. Avant de retenir une éventuelle incompatibilité entre la Charte et la législation interne, le tribunal devra s'interroger si les dispositions juridiques internes ne peuvent être lues autrement en vue d'une interprétation conforme à la Charte. Toutefois dans le cas d'une contradiction directe, la loi interne sera applicable dès lors que la Charte n'a pas directement de validité juridique dans l'ordre juridique interne norvégien.

On relèvera que le tribunal d'Oslo, saisi par le syndicat des communes de Norvège contre l'Etat dans une affaire de compétence de ce dernier pour conclure des accords collectifs avec le personnel enseignant des collectivités locales, a réfuté, dans un arrêt du 25 mai 1995, actuellement en appel, que le principe de l'autonomie locale serait en Norvège de nature constitutionnelle.

- Hongrie

En mai 1997, la Charte a été incorporée dans le droit interne par un acte du parlement. Elle constitue désormais une source du droit hongrois et peut être invoquée à l'encontre d'une loi. Les autorités locales peuvent saisir les tribunaux, en particulier le tribunal constitutionnel pour protéger leur droit à l'autonomie locale. Mais cette possibilité ne peut se fonder, en vertu de l'article 43-2 de la constitution, que sur la loi interne ayant incorporé la Charte.

- Turquie

Selon l'article 90 de la constitution turque, les accords internationaux qui sont mis régulièrement en vigueur ont valeur de loi. Ils ne peuvent faire l'objet d'un recours pour inconstitutionnalité. S'il est possible de saisir le conseil constitutionnel au motif qu'une loi n'est pas conforme à la constitution, cela ne s'applique pas aux traités internationaux.

L'article 127 de la constitution turque de 1982 comporte la plupart des éléments constitutifs de l'autonomie locale tels qu'ils sont consacrés par la Charte européenne de l'autonomie locale. Des lois contraires à la constitution peuvent être portées devant la Cour constitutionnelle par le président de la République, les groupes parlementaires et des groupes de députés. Une juridiction de droit commun peut également porter sur une question d'inconstitutionnalité d'une loi ou d'un décret devant la cour constitutionnelle. Par contre, il ne semble donc pas qu'il soit possible d'invoquer la Charte devant les juridictions turques à l'encontre d'une loi ou de décret ayant force de loi.

Toutefois les dispositions de la Charte étant devenues partie intégrante du droit turc, elles peuvent servir de fondement à interprétation par les tribunaux du droit interne. A cet égard la Charte peut être invoquée devant les tribunaux. Le Conseil d'Etat et les tribunaux administratifs interprètent librement les lois et annulent les décisions illégales.

- Estonie

Si l'Estonie a ratifié la Charte européenne de l'autonomie locale elle ne l'a pas encore incorporée dans sa législation interne. Une fois ratifiée, une convention internationale y acquiert la valeur d'une loi. Il s'ensuit que toute collectivité locale pourrait alors contester la conformité d'une disposition interne avec la Charte en saisissant le ministre de la justice. Ce dernier pourrait s'il le juge opportun proposer une modification législative. Si celle-ci n'est pas adoptée dans un délai de vingt jours, il pourrait saisir la Cour suprême laquelle a le pouvoir de déclarer invalide la législation en cause. Il ne semble donc pas qu'il y ait une possibilité directe pour les collectivités locales de saisir cette Cour suprême pour la faire valoir les dispositions de la Charte à l'encontre d'une loi.

b) Etats ne connaissant pas de contrôle de conformité des lois à des normes supérieures

- Pays-Bas

Bien que les Pays-Bas soient depuis longtemps déjà très favorables au droit international et notamment à son effet direct dans l'ordre juridique néerlandais, les possibilités pour les collectivités locales hollandaises d'invoquer devant un tribunal la Charte contre une loi sont réduites. Avant la réforme qui a introduit à compter du 1er janvier 1994 une nouvelle loi générale sur le droit administratif, les collectivités ne pouvaient en dernier ressort que présenter un recours devant la Couronne, laquelle ne pouvait être considérée comme un organe judiciaire impartial. La réforme a créé une voie de recours devant une cour administrative contre des décisions de caractère individuel. Cette voie de recours sera également ouverte aux collectivités locales contre des décisions qui portent atteinte à leurs intérêts et permettra d'invoquer la méconnaissance d'une convention internationale par une loi. Si une cour retenait l'existence d'une telle méconnaissance, elle écarterait la loi nationale. Mais la question de l'applicabilité directe des stipulations de la Charte reste posée. Il incombera aux juridictions de déterminer si certaines dispositions de la Charte ont ou non des effets directs. Jusqu'à présent il n'y a pas de jurisprudence en ce sens. La position officielle des autorités néerlandaises est de considérer qu'aucune disposition de la Charte n'a d'effet direct. De plus, elles ont émis une réserve concernant l'application de l'article 11.

- Grèce

Conformément à la position moniste de la Grèce, les stipulations de la Charte l'emportent sur la législation grecque interne. Le juge administratif et le juge ordinaire ont l'obligation constitutionnelle d'écarter l'application d'une loi qui ne respecte pas la hiérarchie des règles de droit par rapport à la constitution, notamment d'une loi qui serait contraire à un traité régulièrement ratifié. Le Conseil d'Etat peut aussi procéder à l'annulation de tout acte administratif pris en application d'une loi jugée non conforme à la Charte.

- Finlande

La Charte a été intégrée dans le droit finlandais. Elle y bénéficie du statut de législation interne et peut en tant que telle être invoquée devant les tribunaux. Elle a le pas sur les instruments normatifs de statut inférieur tels que les décrets gouvernementaux et les ordonnances. Mais les tribunaux n'auraient pas le pouvoir de rejeter une loi même s'ils l'estiment en conflit avec la Charte. De même, les tribunaux ne sont pas habilités à déclarer une disposition juridique nulle et non avenue au motif qu'elle serait contraire à la Charte. Seule une interprétation des lois conformes la Charte permettrait le cas échéant de surmonter les hypothèses de conflit. Selon une doctrine bien établie, les tribunaux civils et administratifs n'ont pas la possibilité de remettre en cause une loi pour un motif d'inconstitutionnalité ou de non conformité par rapport à un traité. Jusqu'à présent il n'y a pas eu de décision se référant à la Charte.

- Luxembourg

Au Luxembourg, le respect du principe de l'autonomie locale est inscrit dans le chapitre 9 de la constitution. Il n'existe pas de Cour constitutionnelle au Luxembourg. En l'état actuel, la jurisprudence luxembourgeoise ne reconnaît pas aux tribunaux le droit de juger qu'une loi est conforme ou non à la constitution. Par conséquent, l'inconstitutionnalité d'une loi est actuellement démunie de sanction pratique. Cependant les dispositions de la Charte peuvent être invoquées devant le Conseil d'Etat sous la forme d'une exception de non-conformité avec la Charte de la loi servant de fondement à la disposition administrative contestée.

- Malte

Une voie d'action juridictionnelle contre une loi non conforme à la Charte ne semble pas prévue.
- Chypre

Appliquant les principes monistes, une convention intégrée dans l'ordre interne chypriote l'emporte sur toute autre loi chypriote. Il donc possible d'invoquer la Charte européenne de l'autonomie locale à l'encontre d'une loi antérieure ou postérieure qui lui serait contraire. Mais la Cour suprême chypriote dans l'affaire Pandelides c/ Leandzis (voir ci-dessus) a estimé que l'ensemble des dispositions de la Charte n'avait pas de caractère directement applicable et qu'elle n'avait pas pour objet direct de reconnaître et de sauvegarder des droits et libertés individuels en accordant à toute personne un droit de recours devant les tribunaux en cas de violation.

Donc, en pratique, la Charte européenne de l'autonomie locale ne peut être utilement invoquée devant les tribunaux chypriotes au motif qu'elle serait trop vague pour donner naissance à des droits et obligations directement invocables à l'encontre d'une loi interne.

- Suède

La Suède ne dispose pas d'une instance qui serait chargée de vérifier à la demande d'une collectivité locale si un texte législatif interne est conforme à la constitution ou à la Charte.

Cependant elle est dotée d'un autre organe : le conseil législatif, régi par l'article 18 du chapitre 8 de la constitution. Composé de juges de la Cour suprême et de la Cour suprême administrative, cet organe est compétent pour donner un avis sur les projets de loi. Cet avis reste cependant sans influence sur la validité de la loi ultérieure.

L'article 14 du chapitre 11 de la constitution suédoise stipule que si un tribunal ou toute autre instance estime une disposition donné contraire à la constitution ou à un texte législatif hiérarchiquement supérieur, ces dispositions ne pourraient être appliquées. Cependant s'agissant d'une disposition législative ou émise par le gouvernement elle ne pourrait être écartée que si le vice est manifeste.

Les dispositions de la Charte ne seraient pas considérées comme des dispositions d'une loi fondamentale ni comme une disposition de rang supérieur au sens de l'article 14 du chapitre 11 de la constitution bien que le parlement suédois ait ratifié la Charte par une loi. Il ne semble donc pas que cette loi ait eu pour effet d'incorporer la Charte européenne de l'autonomie locale dans la législation interne suédoise. On relèvera cependant que les tribunaux doivent appliquer le droit interne en respectant les obligations imposées par les conventions internationales auxquelles la Suède a adhéré. Par conséquent la Charte pourrait servir de source d'interprétation de loi interne par les tribunaux.

Par ailleurs la commission constitutionnelle permanente du parlement pourrait critiquer le gouvernement ou un ministre qui ne s'acquitterait pas des obligations qui résulteraient pour lui de la Charte. Par ailleurs, certains commentateurs estiment que la Charte est essentiellement un texte politique et que ses dispositions sont difficiles à interpréter par les tribunaux. La Charte ne serait de nature à avoir force obligatoire que pour le gouvernement et le Parlement, mais toutefois sans sanction juridictionnelle. Par contre, elle ne serait pas contraignante en droit suédois pour les tribunaux et les organes administratifs, pas plus que pour les collectivités locales car elle n'a pas été intégrée à la législation suédoise. Cela signifierait donc que la Charte ne peut pas être invoquée devant les tribunaux.

A l'heure actuelle, aucun tribunal n'est habilité à prendre une décision déclarant une loi nulle ou non avenue.

- Danemark

Le Danemark n'a que des tribunaux civils du droit commun. Les collectivités locales peuvent les saisir. Il est possible de faire valoir devant ces juridictions que la législation interne danoise doit être interprétée conformément aux dispositions de la Charte. Toutefois lorsqu'il existe une contradiction entre la Charte et les règles à la législation danoise interne, la Charte ne pourrait être utilement invoquée. Les juridictions sont très réticentes à exercer un contrôle de constitutionnalité. Aucun acte n'a jamais été considéré comme inconstitutionnel.

La Charte ne pourrait donc jouer que le rôle de source d'interprétation pour éclairer le droit interne.

Il en ressort que les pouvoirs locaux au Danemark ne disposent d'aucune voie de recours général pour demander aux tribunaux danois de déterminer si la législation interne est compatible avec la Charte européenne de l'autonomie locale.

Ce qui est en cause ici, ce n'est plus le contrôle de la conformité à la Charte de l'action du législateur mais de celle du pouvoir exécutif ou de l'autorité administrative.

On conçoit que, par conséquent, cette question est beaucoup moins sensible que la précédente. Il s'agit essentiellement d'aspects techniques : existe-t-il des voies de recours permettant aux collectivités locales de contester de manière efficace les actes généraux ou individuels de l'administration ?

Cette problématique n'est, bien sûr, pas spécifique à l'application de la Charte européenne de l'autonomie locale. Dans la plupart des Etats ayant ratifié la Charte il existe des voies de recours ouvertes aux collectivités locales contre les actes qui leur font préjudice, soit devant des tribunaux administratifs spécialisés, soit devant les tribunaux ordinaires, soit encore devant les chambres administratives des tribunaux ordinaires.

Après avoir examiné la situation telle qu'elle se présente dans les différents Etats, on présentera les principaux problèmes au regard d'une mise en oeuvre complète de la Charte.

Les renseignements recueillis sur les recours juridictionnels contre des actes administratifs contraires à la Charte sont assez fragmentaires.

- Autriche

Si les collectivités locales ont accès à la Cour constitutionnelle, les décisions de cette Cour ne peuvent se fonder, en matière d'autonomie locale, que sur les dispositions de la constitution fédérale et non sur la Charte européenne de l'autonomie locale. La pratique de la Cour constitutionnelle en ce qui concerne l'autonomie locale peut être qualifiée d'assez restrictive pour ce qui est de la détermination du domaine de compétence propre aux collectivités locales. Dans une décision de 1974, la Cour constitutionnelle a estimé que l'autonomie locale garantie par voie constitutionnelle n'était violée que si une autorité gouvernementale prend une mesure qui prive entièrement les collectivités locales d'une matière entrant dans leur champ de compétence.

Une collectivité locale peut également saisir la Cour administrative dans le cas d'une inaction d'une durée excessive de l'administration d'Etat sur une demande présentée par cette collectivité locale. Une commune est fondée à soumettre au contrôle de la Cour administrative le contrôle d'actes administratifs qu'elle estime contraires à l'autonomie communale. Ceci concerne notamment les décisions de l'autorité de tutelle : celle-ci dispose d'un pouvoir d'annulation des actes communaux contraires à la loi ; ces actes de tutelle peuvent être contestés par les communes devant la Cour administrative.

- Danemark

Les actes des communes font l'objet d'un contrôle administratif par une commission collégiale composée de membres du comté et d'un haut fonctionnaire de l'Etat. En ce qui concerne les comtés et les deux villes de Copenhague et Frederiksberg (qui ont un double statut de ville et du comté), ce contrôle est exercé directement par le ministère de l'intérieur. La législation prévoit que, dans un certain nombre de domaines, les décisions des collectivités locales peuvent faire l'objet d'un recours devant différentes instances de type administratif. Contre les décisions de ces instances, les communes danoises peuvent saisir les tribunaux de droit commun.

Les interventions de l'Etat à l'encontre des décisions d'une collectivité locale ou régionale doivent toujours se fonder sur un texte législatif ou se référer à la décision d'une autorité judiciaire compétente. En d'autres termes, il n'y a pas en principe de contrôle d'opportunité sur les communes et les comtés. La condition pour que des mesures d'annulation ou de sanction soient engagées à l'encontre d'une collectivité locale est que l'illégalité soit flagrante. Il ne doit exister aucun doute que la législation ait été méconnue. Ce type de censure intervient rarement. En dehors du contrôle assuré par l'Etat ou par des commissions indépendantes, des plaintes peuvent aussi être reçues par l'Ombudsman.

Une ou plusieurs autorités locales peuvent engager des actions contre l'Etat devant les Cours danoises en raison d'actes ou de règlements qui portent atteinte au principe de l'autonomie locale tel qu'il est garanti par la loi ou la constitution. Toutefois, la Charte ne pourrait pas être invoquée utilement à cet occasion en raison du principe du dualisme appliqué au Danemark.

- Suède

Il n'existe pas en Suède pour les collectivités locales de voie de recours objectif contre un règlement administratif en raison de son inconstitutionnalité ou de sa non conformité avec la Charte.

Les voies de recours des collectivités locales contre les décisions des autorités centrales sont en pratique assez limités. Ainsi, aucun tribunal ne peut se prononcer sur la légalité de très importantes décisions prises par le gouvernement quant aux subventions de l'Etat ou quant aux mesures de péréquation financières en matière des taxes locales décidées par l'Etat. Les voies de recours des particuliers sont plus étendues. Ceux-ci peuvent faire des recours juridictionnels contre la plupart des décisions administratives. L'association des collectivités locales suédoises a demandé que l'on élargisse l'application de la loi sur les recours, qui donne aux particuliers le droit d'en appeler à la Cour administrative suprême des décisions administratives prises par le gouvernement, de sorte à élargir cette procédure aux recours que pourraient introduire des collectivités locales. Pour le moment, les voies de recours existantes ne paraissent pas conformes à l'article 11 de la Charte.

Le système de contrôle des décisions des autorités locales est essentiellement un contrôle de légalité. Dans certains cas cependant, la législation permet d'introduire une forme de recours administratif qui permet de réexaminer les décisions à la fois quant à leur légalité et à leur opportunité. La position des tribunaux administratifs, notamment en matière de protection sociale qu'il incombe aux communes d'assurer, est souvent regardée comme excessive de la part des responsables des autorités locales qui voient dans cette jurisprudence un empiétement sur l'autonomie locale. Pour ces responsables locaux, la législation donne trop de pouvoirs aux tribunaux administratifs alors que ceux-ci ne seraient pas au courant des problèmes financiers des communes.

- Hongrie

La constitution hongroise reconnaît et protège l'autonomie locale. Selon l'article 43 paragraphe 2 de cette constitution, les droits et obligations des collectivités locales sont déterminés par la loi. L'exercice conforme aux principes de l'autonomie locale inclut un droit de recours juridictionnel au profit des collectivités locales, lesquels peuvent saisir la Cour constitutionnelle en vue de sauvegarder leurs droits.

Le chef du service de l'administration publique qui exerce la tutelle sous les collectivités locales ne peut examiner que la légalité des actes pris par celles-ci dans l'exercice de leur pouvoir discrétionnaire. Il n'a pas le pouvoir d'annuler une décision de l'autorité locale. Il ne peut que demander à la partie concernée de mettre fin dans un délai donné à la violation de la loi. Si aucune mesure n'a été prise dans les délais prévus, le chef de service de l'administration publique peut saisir la Cour constitutionnelle et lui demander d'annuler la décision illégale de l'autorité locale ou intenter une action en révision judiciaire de la décision illégale. Il peut aussi saisir l'organe représentatif de la collectivité locale concernée. Une telle action contre une autorité locale ou contre l'un de ses organes n'a pas d'effet suspensif sur l'application de l'acte contesté. Mais une demande de suspension peut être présentée au tribunal.

Conformément à l'article 125 de la constitution, un recours juridictionnel doit être ouvert à l'encontre de tous les actes de l'administration. En d'autres termes toutes les actions et opérations de l'administration centrale ou locale peuvent faire l'objet d'une contestation devant les tribunaux. En vertu du même article l'administration doit assurer l'indemnisation des dommages causés par des actions ou opérations illégales ou fautives.

Une voie de recours est ouverte devant la Cour constitutionnelle à l'égard des décrets ayant force de loi. Les ordonnances et actes réglementaires émanant des ministres peuvent être soumis aux tribunaux administratifs pour illégalité par les collectivités locales.

Les actes individuels qui reconnaissent les intérêts légaux des collectivités locales peuvent être contestés par celles-ci devant les tribunaux. Les autorités locales peuvent se fonder tant sur le droit interne que sur la Charte dans une action devant les tribunaux ordinaires ou devant le tribunal constitutionnel.

- Chypre

Selon les commentateurs, la nouvelle loi de 1985 sur les collectivités locales ne protège pas de manière adéquate le droit de recours des collectivités locales devant une juridiction pour obtenir le libre exercice de leurs responsabilités et le respect des principes de l'autonomie locale conformément aux dispositions de la constitution ou de la législation nationale.
Toutefois, la Cour constitutionnelle suprême a compétence pour statuer sur les recours contre les décisions actes ou omissions de tout organe ou personne qui exerce une autorité administrative ou exécutive dans des conditions qui seraient contraires à la constitution ou à la loi ou qui seraient entachées d'excès de pouvoir. Le recours peut être introduit par toute personne dont les intérêts légitimes sont affectés directement par une telle décision. La question est de savoir si cette voie de recours est aussi ouverte aux collectivités locales en vue d'assurer la sauvegarde des principes de l'autonomie locale tels qu'ils sont exprimés par la Charte.

- Estonie

Les voies de recours des collectivités locales contre une mesure de l'autorité administrative qui ne serait pas conforme aux principes de l'autonomie locale ne sont pas connues.

- Roumanie

Les procédures judiciaires permettent aux autorités locales de protéger leurs droits en faisant appel à la Cour administrative.

- Luxembourg

Le Grand Duc peut annuler les actes collectifs ou individuels des autorités communales qui sont contraires à la loi ou à l'intérêt général. L'arrêté d'annulation doit être motivé. L'article 104 de la loi communale permet au ministre de l'intérieur de suspendre les mêmes actes des mêmes autorités pour les mêmes raisons. La loi luxembourgeoise prévoit aussi des mesures de tutelle spéciales dans certains domaines. Dans ces cas, l'autorité d'Etat peut se substituer aux autorités communales pour agir en leur lieu et place. Enfin, pour un certain nombre de décisions, l'approbation du ministre de l'intérieur ou du Grand Duc est exigée. A l'encontre de ces diverses mesures de tutelle, le législateur a prévu la possibilité d'un recours en annulation pour excès de pouvoir devant le Conseil d'Etat. Ce recours est ouvert aussi bien contre les décisions d'annulation que contre des refus d'approbation. Les dispositions de la Charte pourraient être invoquées devant le Conseil d'Etat.

Le Conseil d'Etat, après avoir constaté la cause de nullité éventuelle d'un acte administratif doit se borner à annuler la décision attaquée. L'affaire est ensuite renvoyée en cas d'annulation pour incompétence devant l'autorité compétente et, dans les autres cas, devant l'autorité dont la décision a été annulée. Le juge ne peut donc pas se substituer à l'administration active. Il se borne à censurer les actes illégaux.

L'article 95 de la constitution permet par ailleurs aux tribunaux ordinaires de contrôler la légalité des arrêtés et règlements généraux et locaux et de ne pas les appliquer s'ils ne sont pas conformes aux lois, sans cependant les autoriser à les abroger ou à les annuler. Les tribunaux ordinaires peuvent également connaître des actes administratifs mettant en cause des droits individuels garantis par la loi aux citoyens.

- Pays-Bas

En 1994 une nouvelle loi générale de procédure administrative a été adoptée. Cette loi institue un droit de recours contre les actes individuels de l'administration au bénéfice de toute personne pouvant se prévaloir d'un intérêt spécifique. Mais ces dispositions ne créent pas un droit de recours général des collectivités locales contre les actes des autorités de l'Etat qui lèsent leur autonomie locale. Il n'existe pas encore de voies de recours contre les actes réglementaires de l'administration. Toutefois, lorsque les décisions des collectivités locales sont remises en cause par une autorité de contrôle supérieure, cette décision peut être contestée par la collectivité locale devant une cour administrative.

En règle générale c'est au juge qu'il incombe de procéder à un examen de la compatibilité entre la Charte et le droit interne en se conformant aux procédures juridictionnelles courantes. Mais, ainsi qu'on l'a vu, les Pays-Bas estiment que, dans l'ensemble les dispositions de la Charte ne présentent pas de caractère directement exécutoire. Toutefois c'est au juge qu'il reviendra de trancher cette question en dernier ressort.

- Portugal

Le contentieux administratif d'intimation ne vise que les dispositions réglementaires ou les autres dispositions qui émanent de l'administration de l'Etat (loi sur la procédure devant les tribunaux administratifs et fiscaux et statuts des tribunaux administratifs et fiscaux).
Le contrôle administratif des actes des collectivités locales vise exclusivement le respect de la légalité des principes constitutionnels. En cas d'illégalité tenue pour grave, la loi prévoit deux types de sanctions : la dissolution de l'organe responsable pour l'acte collectif illégal ou la destitution de l'élu local qui a pratiqué l'acte illégal.

Les collectivités locales peuvent saisir les tribunaux civils et administratifs ainsi que le tribunal constitutionnel. Il leur est possible d'invoquer des dispositions de la Charte devant ces tribunaux.

- Norvège

Le système norvégien ne connaît que des tribunaux ordinaires mais ceux-ci ont le pouvoir de contrôler la légalité des actes administratifs.. Les collectivités locales norvégiennes n'ont cependant pas, de façon générale, un droit de recours administratif contre les décisions gouvernementales qui ont une incidence directe sur leur situation financière ou juridique dans les mêmes conditions qu'un tel droit existe au bénéfice des particuliers. Alors même qu'une possibilité de poursuivre l'Etat devant les tribunaux pourrait exister, il faut faire un cas particulier de la possibilité pour les collectivités locales de soumettre à un contrôle juridicitionnel les décisions de contrôle de l'Etat sur leur action. La question qui se pose est de savoir dans quelle mesure les communes ont la possibilité d'attaquer devant ces tribunaux les décisions d'organes de l'Etat lorsque ceux-ci exercent des compétences d'autorité de recours administratif contre les décisions des communes. Par exemple, une commune peut-elle demander en justice la révision des décisions prises par un gouverneur sur un recours administratif contre un acte de cette commune. Il n'y a pas de précédent de telles affaires dans le système judiciaire norvégien. Il serait raisonnable de penser, qu'en application des principes de la procédure civile, les communes ne disposent pas de telles actions contre l'Etat. Il en est ainsi même si la question en litige peut avoir un impact considérable sur l'étendue de l'autonomie locale au sens de la Charte. La Cour suprême de Norvège a, dans un arrêt du 23 avril 1993, refusé d'admettre l'intérêt légal d'une commune pour saisir les tribunaux contre l'administration d'Etat dans une affaire où celle-ci avait, dans le cadre d'un recours administratif, modifié les termes d'un acte administratif de la commune sur un point qui avait été regardé comme particulièrement important par elle dans la procédure administrative. Cette situation ne paraît pas conforme à la Charte. En vertu de cette dernière, les communes devraient avoir accès à une juridiction même dans des affaires administratives de ce type. La reconnaissance d'une telle voie de recours impliquerait l'intervention du législateur afin que celui-ci revoie la structure du contrôle de l'Etat sur l'action des communes.

Sous cette réserve, les autorités locales ont accès aux tribunaux et peuvent y être attraites dans les mêmes conditions que d'autres personnes juridiques.

Par ailleurs, le droit norvégien n'admet pas de litige sur des questions hypothétiques ou sur l'interprétation correcte d'une disposition. Une action n'est recevable devant les tribunaux que si la demande a un caractère concret.

Dans le système norvégien actuel, les dispositions à caractère réglementaire ne peuvent pas être déclarées nulles et sans effet. Ces dispositions peuvent seulement être écartées si elles sont illégales ou être interprétées dans un sens conforme à la loi ou à la Charte. Mais en ce cas de contradiction, le règlement l'emportera sur la Charte.

- Pologne

Sur la demande des collectivités locales, le tribunal constitutionnel polonais peut vérifier la conformité d'un texte administratif à un texte de la Charte européenne de l'autonomie locale.

Dans ses rapports de droit public, la commune peut faire un recours juridictionnel contre des décisions des organes de contrôle de l'Etat devant le tribunal administratif. Ayant la personnalité morale, elle possède de larges possibilités de protection de ses droits et intérêts par les moyens prévus en matière de droit civil.

Le contrôle par les organes de l'Etat s'effectue en principe uniquement sur la base de critères de légalité. Ce n'est que dans les "fonctions déléguées" que ce contrôle peut aussi prendre en compte des considérations d'opportunité et d'économie.

- Bulgarie

Tout conseil municipal intéressé peut saisir la Cour constitutionnelle au cas où une institution de l'Etat méconnaît les compétences locales. Toute personne intéressée peut saisir en annulation la Cour suprême de la République de Bulgarie au sujet d'un acte normatif quelconque arrêté en conseil des ministres qui serait contraire aux dispositions de la Charte européenne de l'autonomie locale.

- Italie

Les collectivités locales italiennes peuvent porter devant la juridiction administrative les actes de contrôle administratif émanant des autorités de l'Etat. Une loi régionale peut faire l'objet d'un recours juridictionnel auprès de la Cour constitutionnelle. Il est possible devant les tribunaux d'invoquer les dispositions de la Charte puisqu'elle était ratifiée sans réserve.

En ce qui concerne les régions, en cas de conflit avec le gouvernement central, un recours direct à la Cour constitutionnelle est possible. Jusqu'à présent cependant la jurisprudence de cette Cour est plutôt centralisatrice. Pour ce qui est des provinces et communes, le recours direct à la Cour constitutionnelle n'est pas admis.

Une loi de 1990 sur la réforme du gouvernement local a réduit les contrôles étatiques sur les actes des communes et provinces. Ainsi, le comité régional de contrôle ne peut plus contrôler que la légalité des actes à l'exception de leur opportunité.

- Espagne

Si l'autonomie locale n'est pas considérée en Espagne comme un "droit fondamental" dans le sens des "droits et libertés fondamentaux" qui permettent de faire appel au recours prévu à l'article 53.2 de la constitution espagnole les collectivités locales sont cependant habilitées à introduire des recours en cas de violation des droits et des libertés dont elles sont titulaires.

Sur le plan des décisions administratives (réglementaires ou individuelles) les collectivités locales bénéficient de voies de recours juridictionnelles que l'on peut regarder comme satisfaisant aux exigences de l'article 11 de la Charte européenne de l'autonomie locale. Les collectivités locales sont habilitées sans aucune restriction à contester devant les tribunaux les décisions administratives qui les affectent de façon négative, que ces décisions émanent de l'Etat ou des communautés autonomes.

A l'occasion de recours contre des administratifs, les collectivités locales peuvent faire valoir devant les tribunaux, par voie d'exception, l'inconstitutionnalité de la loi sur laquelle se fondent les actes administratifs contestés. Si le moyen est jugé fondé, les tribunaux peuvent décider de porter une question préjudicielle devant la Cour constitutionnelle.

On relèvera par ailleurs que la décision du tribunal constitutionnel du 2 février 1981 a déclaré contraire au principe constitutionnel de l'autonomie locale l'essentiel de la réglementation antérieure sur la tutelle administrative. Désormais ni les administrations de l'Etat ni celles des communautés autonomes ne peuvent intervenir directement dans les activités locales. Elles doivent avoir recours aux tribunaux du contentieux administratif qui sont les seuls à pouvoir exercer un contrôle de légalité a posteriori. Un contrôle d'opportunité n'est pas conforme au principe d'autonomie. Les principes de cette jurisprudence constitutionnelle ont été mis en oeuvre dans la loi du 2 avril 1985 sur l'administration locale.

- Finlande

Les communes sont des personnes morales et, en tant que telles, ont les mêmes accès aux tribunaux civils et administratifs que les citoyens et les autres personnes morales. Les communes peuvent avoir recours aux tribunaux administratifs si une décision administrative les concernant affecte leurs droits ou obligations. A cet égard, il n'est fait aucune distinction entre la nature des décisions administratives en cause. Les décisions du cabinet ou des ministères peuvent faire l'objet d'un recours même si elles étaient fondées sur une large marge de discrétion. Les tribunaux administratifs ont le pouvoir de confirmer, de réformer ou d'infirmer une décision administrative. Les décisions des autorités administratives d'Etat peuvent faire l'objet d'un recours pour des raison de légalité et d'opportunité. Cependant dans la pratique les appels fondés sur des arguments d'opportunité sont très rares. Dans le cas où, en raison de l'objet du recours, la décision dépendrait essentiellement d'un examen en opportunité, la juridiction administrative supérieure doit renvoyer l'affaire devant le Conseil d'Etat. En pratique donc les pouvoirs des tribunaux sont limités au seul examen de la légalité des décisions administratives. Le recours administratif n'est cependant pas utilisable pour contester la constitutionnalité des instruments juridiques ainsi qu'on l'a vu précédemment. La légalité des ordonnances réglementaires ne peut être contestée qu'à l'occasion d'un recours contre une décision individuelle qui a été prise en vertu de cette norme. Il n'existe donc pas pour les communes de recours direct contre des actes réglementaires. Les tribunaux ne sont pas habilités à déclarer une disposition administrative comme nulle au motif qu'elle serait contraire à l'autonomie locale. L'interdiction faite aux autorités d'exercer leur pouvoir discrétionnaire d'une façon incompatible avec les dispositions relatives aux droits fondamentaux a progressivement acquis le statut de principe bien établi dans la doctrine juridique et la pratique judiciaire. Ce principe d'interprétation pourrait être appliqué pour assurer le respect de l'autonomie locale. Toutefois aucune jurisprudence n'a encore confirmé cette analyse.

La Charte ayant été intégrée dans le droit finlandais, elle peut être invoquée devant les tribunaux à l'encontre des décrets gouvernementaux et des ordonnances publiées par les ministères. Cependant, dans la pratique judiciaire, les dispositions de la Charte pourraient être considérées comme trop imprécises pour avoir un effet juridique direct.

- Grèce

En droit interne grec, diverses dispositions constitutionnelles et législatives ont institué des recours juridictionnels ou administratifs au bénéfice des collectivités locales et de leurs élus. Un droit de recours juridictionnel est institué par l'article 20 alinéa 1 de la constitution. Il s'exprime à travers la possibilité du recours pour excès de pouvoir contre les actes illégaux de l'administration et à travers la responsabilité civile et pénale des élus.

La constitution grecque en son article 102 précise que l'Etat exerce sur les collectivités territoriales une tutelle qui n'entrave pas leur initiative et leur action libre. Selon la nouvelle loi de 1995, les autorités compétentes de contrôle sont au niveau local le secrétaire général de la région, le responsable du contrôle de légalité des actes des collectivités départementales et le directeur régional chargé du contrôle de légalité des actes des autorités municipales et communales. Au siège de chaque département, fonctionne une commission tripartite qui exerce le contrôle de la légalité des actes des collectivités locales et dont les membres sont un juge du tribunal de grande instance, un représentant de l'administration centrale et un représentant des collectivités locales. Cette commission a le statut d'une autorité administrative indépendante. Les décisions de cette commission peuvent être déférées au ministre compétent. Dans tous les cas, le droit de recours pour excès de pouvoir contre les actes des autorités locales et ceux des ministres est ouvert. Les actes des autorités locales sont exécutoires dès leur édition. Tout contrôle d'opportunité est supprimé. Le secrétaire général de la région ou le directeur régional, s'ils estiment illégal un acte qui leur a été transmis, ne peuvent pas les annuler eux-mêmes mais doivent les déférer à la commission tripartite compétente. La commission exerce le contrôle de la légalité sur les actes déférés et rend sa décision dans un bref délai. Ce n'est que lorsque le secrétaire général de la région est saisi par une personne lésée contre une décision des monarches élus ou des présidents des personnes morales de droit public local qu'il exerce lui-même le contrôle de légalité. Toute personne lésée peut exercer un recours devant la commission tripartite compétente contre les actes des autorités locales. Ce nouveau système de contrôle institué par une loi de 1994 apparaît en conformité avec l'article 8 de la Charte.

- Allemagne

Dans chaque Land les autorités locales ont la possibilité de faire vérifier la validité des dispositions administratives réglementaires par l'action de contrôles des normes. En dehors de cette action, la protection juridique contre les mesures de contrôle prises par les autorités de tutelle est régie par la réglementation générale.

On évoquera ici seulement les principales questions qui peuvent déboucher sur une restriction de l'accès de collectivités locales aux tribunaux pour faire reconnaître une méconnaissance des principes de l'autonomie locale.

a) Exigences concernant la qualité pour agir

Certains pays exigent de la part des collectivités locales qui veulent contester un acte administratif de pouvoir se prévaloir d'un droit subjectif ou d'une situation subjective lésés par cet acte.

Quand une telle condition de recevabilité des recours est instituée par les lois de procédure, la Charte ne peut être prise en compte qui si les tribunaux reconnaissent qu'elle institue des droits au profit des collectivités locales ou qu'elle protège leur situation subjective. Si la Charte est analysée comme ne posant que des règles abstraites, sa méconnaissance risque de ne pas être prise en compte dans certains systèmes du contentieux administratif (Allemagne, Autriche, Espagne...).

b) Recours à la théorie de la "loi-écran"

Dans certains pays, si un acte administratif est contraire à un traité mais est pris pour l'application de la loi interne, les tribunaux donnent la préférence à la loi interne et considèrent que le respect de celle-ci par l'acte administratif fait "écran" et empêche d'invoquer l'illégalité de cet acte par rapport au traité.

Un recours objectif contre les actes réglementaires n'est pas ouvert dans tous les pays. Il faut alors utiliser la "voie de l'exception d'illégalité" qui peut être moins favorable.

On parle parfois de conflit négatif : la Charte permet dans une certaine mesure d'annuler ou d'écarter les actes administratifs contraires. Mais est-elle en mesure de faire injonction à l'administration de prendre certains actes administratifs ou d'attribuer certains avantages dont l'intervention est impliquée par la Charte ? On peut penser par exemple à l'attribution des moyens financiers conformes à l'article 9 de la Charte. Dans beaucoup d'Etats, les tribunaux ne disposent pas d'un tel pouvoir d'injonction.

Les autorités supérieures de l'Etat ont fréquemment un pouvoir de contrôle à l'égard des actes des collectivités locales. Les articles 8 et 11 de la Charte n'excluent pas un tel contrôle mais impliquent que celui-ci soit limité, sauf exception, à la vérification de la légalité des actes des collectivités locales. De plus, les collectivités locales doivent disposer d'une voie de recours contre ces décisions de contrôle.

Cependant, dans un certain nombre d'Etats, ce contrôle va au-delà du contrôle de légalité et peut ainsi porter atteinte à l'autonomie locale. Or, selon la Charte, un tel contrôle d'opportunité devrait être limité au cas où les décisions en cause ne relèvent pas d'un pouvoir propre des collectivités locales mais d'un pouvoir qui, par sa nature, appartient aux autorités supérieures et a été seulement "délégué" aux collectivités locales.

De plus, dans certains Etats, lorsque le contrôle des autorités supérieures s'exerce dans le cadre d'une procédure de recours administratif ouvert aux particuliers (voir par exemple la Norvège), le droit de recours contre la décision de l'autorité de recours administratif ne peut être contesté devant les tribunaux par les collectivités locales. Cette limitation de voies de recours ne paraît pas conforme à l'article 11 de la Charte.

Conclusion

On se bornera à quelques recommandations :

- Interprétation de la Charte :

Une fois qu'elle est intégrée dans l'ordre juridique interne, par la voie moniste ou la voie dualiste, la Charte doit être vue comme une règle de droit interne, c'est-à-dire que toutes ses dispositions ont a priori un caractère juridique opposable et effectif. Il n'en est autrement que si la formulation même d'une disposition de la Charte indique expressément ou clairement qu'elle se limite à une "directive" adressée aux Etats et ne tend pas à la création d'un droit justiciable pour les collectivités locales.

Même dans le cas où un stipulation de la Charte présente le seul caractère d'une "directive" aux Etats (et non d'un droit), on peut se demander s'il n'est pas justifié de raisonner à l'instar de la Cour de Justice des Communautés Européennes : après un délai normal ou raisonnable de mise en oeuvre et d'adaptation du droit interne à la Charte, il y a lieu, dans toute la mesure du possible, de traiter comme un vrai droit ce qui n'était au départ qu'une directive ; le législateur national doit être présumé avoir, soit adapté expressément l'ordre juridique interne à la date, soit d'avoir implicitement regardé la Charte comme directement applicable et comme ayant tacitement abrogé toute disposition contraire, sans intervention supplémentaire de l'autorité législative nationale.

Une telle interprétation dynamique est donc à promouvoir auprès des tribunaux notamment dans les pays à tradition moniste.

- Acte d'intégration de la Charte :

Dans les pays à tradition dualiste, il est nécessaire qu'un acte législatif ait intégré la Charte dans l'ordre juridique interne. On a vu que plusieurs pays ne l'ont pas fait, avec l'argumentation que leur droit était de toute façon plus avancé que la Charte. Il faut inciter ces pays à revoir cette position et à adopter un texte donnant force de loi nationale à la Charte. En effet, un examen attentif montre que la seule interprétation de la loi nationale par les tribunaux dans le sens de la Charte ne suffit pas à assurer le respect effectif de celle-ci.

Par ailleurs, à l'examen dans tous les pays, même les plus avancés dans l'autonomie locale, l'un ou l'autre point où la législation nationale est problématique par rapport à la Charte lorsque celle-ci n'est interprétée de manière dynamique.

Sans doute pourra-t-on faire valoir que l'incorporation directe de la Charte dans le droit interne de certains Etats heurte leur tradition juridique en raison du caractère général des stipulations de la Charte. Tel semble être le cas pour le Royaume Uni où la discussion est vive même pour l'incorporation de la convention européenne des droits de l'homme par un acte du Parlement. Ces difficultés liées aux différentes conceptions du rôle européenne est aussi de faire évoluer ces traditions. Cependant le rôle de la coopération européenne est aussi de faire évoluer ces traditions. La démarche même de l'acceptation d'une Charte de l'autonomie locale sous la forme d'un traité européen implique que l'on admette que des règles générales soient fixées au niveau international et que ces règles aient une valeur juridique. Il faut donc qu'elles puisent être effectivement mises en oeuvre par tous les organes de l'autorité publique dans les pays qui l'ont ratifiée.

Sans doute, une telle analyse doctrinale reste encore minoritaire et le parallèle fait avec la jurisprudence communautaire sur l'effet direct des directives ne saurait être poussé trop loin, compte tenu des caractéristiques et de la dynamique propre à la législation communautaire. Mais il n'est pas interdire de s'inspirer de ce secteur particulièrement dynamique de la coopération européenne pour faire progresser les principes d'interprétation du droit international dans des contextes moins intégrés. Par ailleurs, si le temps ne suffit pas à rendre directement applicable une disposition imprécise ou assortie de conditions, l'écoulement du temps peut être favorable à une interprétation évolutive de la portée d'une norme internationale : grâce à la comparaison de la pratique dans les différents Etats, à l'approfondissement du travail doctrinal et au suivi de l'application de la Charte mené dans le cadre du CPLRE, un contenu de plus en plus précis (et donc de plus en plus directement applicable) peut être donné aux stipulations de la Charte.

A N N E X E II

A N N E X E III

Rapport du Comité Directeur des Autorités Locales et Régionales (CDLR)
en vue d'une réponse à la Recommandation 2 (1994)
du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux de l'Europe (CPLRE) sur le contrôle de la mise en oeuvre de la Charte européenne de l'autonomie locale

1. Avec l'accord du Comité des Ministres, le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux de l'Europe (CPLRE) a mis en place un système de suivi de la Charte européenne de l'autonomie locale dans les Etats qui l'ont ratifiée. Ce système consiste dans le choix, chaque année, de certains articles de la Charte et l'obtention, par différents moyens, d'informations sur l'application de ces articles en vue de formuler des propositions aux gouvernements.

2. La première question étudiée a été la place de la Charte dans le droit interne de pays l'ayant ratifiée et la possibilité pour les collectivités intéressées de saisir les juridictions internes en cas de non conformité à la Charte d'un texte normatif interne.

3. Dans sa Recommandation 2 (1994), le CPLRE a notamment constaté que:

- dans certains pays, la Charte n'a pas été incorporée dans le droit interne;

- le recours devant les tribunaux internes en cas de non conformité d'un texte normatif national à la Charte, n'est pas toujours possible; de plus, là où le recours est possible, les tribunaux ne sont pas toujours compétents pour annuler les normes non conformes;

- la rédaction de certains articles de la Charte est telle qu'ils nécessitent une activité normative nationale supplémentaire pour les mettre en oeuvre.

4. Le CPLRE a donc recommandé au Comité des Ministres de charger le Comité directeur des autorités locales et régionales (CDLR) d'étudier ces questions et de préciser quelles sont - si elles existent:

a. les voies de recours, dans les Etats ayant ratifié la Charte et où elle a été incorporée dans le droit interne, pour faire vérifier si un texte normatif interne serait ou non conforme à la Charte;

b. les procédures que les collectivités locales pourraient utiliser pour faire vérifier la conformité d'un texte normatif interne à la Charte, dans les pays ayant ratifié la Charte et où elle n'a pas été incorporée dans le droit interne.

Autriche

La Charte européenne de l'autonomie locale a été approuvée par le Conseil national autrichien (Parlement). A cette occasion, les dispositions de la Charte considérées comme contraignantes pour l'Autriche ont été adoptées. Les dispositions pertinentes ont ensuite été publiées au Journal officiel n° 357/1988, ce qui leur a conféré le statut de lois fédérales. Les articles et les alinéas déclarés contraignants ont déjà été pris en compte, quant au fond, dans la loi constitutionnelle autrichienne. Par conséquent, la Charte n'entraîne aucune modification de la Constitution. Indépendamment du fait que ses dispositions se retrouvent, pour l'essentiel, dans la loi en vigueur régissant le droit local, la Charte vient, toutefois, compléter la législation.

Etant donné que la législation relative au droit local relève de la compétence des régions, c'est à eux qu'il incombe de promulguer les lois d'application. Comme toutes les lois en vigueur relatives au droit local satisfont aux principes établis dans la Charte, il n'a pas été nécessaire d'adopter des dispositions juridiques particulières.

Il n'existe pas, en Autriche, d'instance distincte chargée de vérifier que la réglementation est conforme aux dispositions de la Charte déclarées contraignantes.

Néanmoins, toutes les lois autrichiennes doivent être conformes à la Constitution fédérale. Etant donné que les dispositions contraignantes de la Charte remplissent cette condition, la validité d'une loi qui serait en contradiction avec ces dispositions serait contestable d'un point de vue constitutionnel. Une telle loi serait sujette à révision par la Cour constitutionnelle et serait abrogée si celle-ci la jugeait contraire à la Constitution.

Les instances suivantes sont habilitées à demander d'office la révision constitutionnelle d'une loi, à condition que cette requête soit en rapport avec une affaire dont elles sont saisies: Cour administrative, Cour suprême, juridiction de deuxième instance, assemblée administrative indépendante, Cour constitutionnelle. Par ailleurs, en cas de violation de la Constitution fédérale par une loi ou par le gouvernement d'une région, le Gouvernement fédéral peut introduire une requête. En cas de violation de la Constitution fédérale par une loi fédérale, une requête peut être introduite par un tiers des membres du Conseil national ou du Conseil fédéral (Chambre des Régions). Enfin, toute personne lésée personnellement et directement dans l'un de ses droits par une loi dont elle invoque l'inconstitutionnalité peut en demander la révision.

La communauté peut, comme tout autre sujet de droit, se plaindre devant la Cour constitutionnelle d'une violation des droits reconnus par la Constitution (articles 137, 138 et 144 de la Constitution). Afin de protéger l'autonomie locale, la communauté a le droit de présenter une requête pour l'examen de la régularité des décrets (Verordgungen, article 144 de la Constitution) ou des décrets de l'autorité de tutelle (l'Union ou la région, articles 119a (9) et 139 de la Constitution).

La communauté est également en droit de demander au tribunal administratif la révision des actes administratifs (Bescheide, articles 131 et 132 de la Constitution) et de protéger l'autonomie locale des actes administratifs de l'autorité de tutelle (articles 119a (9), 131 et 132 de la Constitution).

BULGARIE

Par une loi adoptée le 17 mars 1995, l'Assemblée nationale de la République de Bulgarie a ratifié La Charte européenne de l'autonomie locale.

Conformément à l'article 5, alinéa 4 de la Constitution bulgare, les accords internationaux qui ont été ratifiés par l'Assemblée nationale et qui sont entrés en vigueur dans notre pays font partie du droit interne. Ils prévalent sur les lois qui leur seraient contraires.

Au cas où apparaîtrait une contradiction entre la Charte et le droit interne Bulgare, il appartient, selon l'article 149, paragraphe 1, alinéa 4 de la Constitution, à la Cour constitutionnelle d'annuler les dispositions juridiques contraires à la Charte. La Cour constitutionnelle peut être saisie par 1/5 des membres du Parlement, par le Président, par le Conseil des ministres, par la Cour suprême et par le Procureur Général.

Tout conseil municipal intéressé peut saisir la Cour constitutionnelle, au cas où, en raison d'une loi donnée, un conflit de compétences apparaît entre une institution étatique et une autorité locale.

Toute personne intéressée peut saisir en annulation la Cour suprême de la République de Bulgarie au sujet d'un acte normatif quelconque arrêté en Conseil des ministres qui serait contraire aux dispositions de la Charte.

CHYPRE

1. Conformément à l'article 169 de la Constitution de la République de Chypre:

"Sous réserve de l'article 50 et du paragraphe 3 de l'article 57

(1) tout accord international avec un Etat étranger ou organisation internationale concernant le commerce, la coopération économique (y compris paiements et crédit) et le modus vivendi est conclu sur la base d'une décision du Conseil des Ministres;

(2) tout autre traité, convention ou accord international est négocié et signé sur la base d'une décision du Conseil des Ministres et ne devient opérationnel et contraignant pour la République de Chypre que s'il est approuvé par une loi de l'Assemblée nationale ("House of Representatives") sur la base de laquelle il est conclu;

(3) les traités, conventions et accords conclus conformément aux règles de cet article ont, à partir de leur publication dans le journal officiel de la république, une force supérieure à toute loi municipale sous réserve que de tels traités, conventions ou accords soient appliqués par les autres parties."

2. La Charte européenne de l'autonomie locale a été signée au nom de la République de Chypre le 8 octobre 1986 et a été ratifiée par l'Assemblée nationale avec la loi N° 27 de 1988, conformément aux dispositions de l'article de la Constitution susmentionné. La Charte a donc une force supérieure à toute autre législation nationale.

3. Si un citoyen considère qu'une législation nationale qui n'est pas conforme à la Charte lui cause un préjudice, il peut engager un recours conformément à l'article 146 de la Constitution, dont le libellé est le suivant:

"1. La Cour constitutionnelle suprême a compétence exclusive pour statuer sur les recours contre les décisions, actes ou omissions de tout organe, autorité ou personne qui exerce une autorité administrative ou exécutive, contraires à la Constitution ou à la loi, ou entachés d'excès ou abus des pouvoirs attribués à un tel organe, autorité ou personne.

2. Le recours peut être introduit par toute personne dont les intérêts légitimes qu'elle a en tant que membre d'une Communauté sont affectés directement et négativement par une telle décision, acte ou omission".

DANEMARK

Les dispositions du droit international ne sont pas directement applicables au Danemark. Pour faire partie du droit danois et être donc applicable par les tribunaux de ce pays, ces dispositions doivent en principe être incorporées dans la législation danoise. En conséquence, le processus d'entrée en vigueur d'un traité implique qu'il soit déterminé de quelle manière celui-ci sera respecté dans le droit danois, s'il n'y a pas déjà concordance entre ses dispositions et le droit interne. On procède ensuite à l'incorporation du traité en adoptant une nouvelle loi ou en modifiant la législation en vigueur, ou encore, si la législation existante fournit les bases nécessaires, par des ordonnances administratives. Lors de la promulgation de nouvelles lois, le législateur doit veiller à ce que les textes n'entrent pas en conflit avec les obligations découlant du traité.

Pour garantir l'observation dans la pratique des dispositions des instruments internationaux auxquels le Danemark a adhéré, on applique le principe général selon lequel la législation nationale qui a été créée en raison des obligations découlant du droit international, ou qui est liée à celles-ci de toute autre manière, est interprétée à la lumière de ces obligations.

Toutefois, ni les citoyens, ni les pouvoirs locaux ne disposent d'une voie de recours générale leur permettant de faire examiner par les tribunaux danois la compatibilité entre une loi et une obligation découlant du droit international. Pour juger les affaires qui leur sont soumises, les tribunaux appliquent la législation danoise en vigueur, et au besoin l'interprètent, notamment à la lumière des obligations fondamentales découlant du droit international.

Il ressort de ce qui précède que les pouvoirs locaux au Danemark (kommuner) ne disposent d'aucune voie de recours générale pour demander aux tribunaux danois de déterminer si la législation en vigueur ou une loi nouvelle est compatible avec la Charte européenne de l'autonomie locale. Au demeurant, la charte ne fait pas non plus obligation d'accorder cette voie de recours, comme en témoigne l'article 11, aux termes duquel les collectivités locales doivent disposer d'un droit de recours juridictionnel afin d'assurer le libre exercice de leurs compétences et le respect des principes d'autonomie locale qui sont consacrés dans la Constitution ou la législation interne

ESTONIE

L'Estonie a ratifié la Charte européenne de l'autonomie locale, mais ne l'a pas incorporée à sa législation nationale.

Aux termes de l'article 123 de la Constitution estonienne, la République d'Estonie ne peut ratifier un accord international qui n'est pas en conformité avec sa Constitution et, après sa ratification, un accord international qui n'est pas en conformité avec d'autres règles juridiques estoniennes prévaut sur ces règles.

L'article susmentionné peut être interprété comme suit: une fois ratifiée, une charte devient, de fait, une loi valide. Il s'ensuit que tout individu ou organe - par exemple une collectivité locale - peut contester la conformité d'une disposition interne avec la Charte en saisissant le Ministre de la justice. Ce dernier peut, s'il le juge opportun, proposer une modification législative. Si celle-ci n'est pas apportée dans un délai de 20 jours, le Ministre propose à la Cour suprême de déclarer l'invalidité de la législation en cause (articles 139 et 142 de la Constitution).

La procédure décrite ci-dessus n'a encore jamais été mise en pratique en ce qui concerne des chartes ratifiées.

FINLANDE

1. Accès aux tribunaux

Les communes sont des personnes morales et en tant que telles elles ont le même accès aux tribunaux civils et administratifs que les citoyens et les autres personnes morales. Dans les affaires civiles, une commune peut être partie à des poursuites judiciaires selon les mêmes règles que celles qui s'appliquent aux autres personnes morales. Ainsi chaque commune a la capacité d'engager des poursuites devant les tribunaux civils et peut également être poursuivie sur un pied d'égalité dans tous les secteurs des instances civiles.

En droit administratif, l'appel administratif est la voie de recours judiciaire normale dont disposent ceux qui sont concernés directement par une décision administrative. Conformément à la loi sur les appels administratifs (1950), un recours peut être formé contre une décision administrative aussi longtemps qu'aucune disposition d'une loi ou d'une ordonnance ne stipule le contraire. En vertu d'une jurisprudence constante, le droit d'intervention (locus standi) est généralement accordé à quiconque dont les droits ou les intérêts légalement protégés sont directement violés ou affectés par une décision administrative. En conséquence, les communes ont recours aux tribunaux administratifs chaque fois qu'une décision administrative les concernant affecte leurs droits ou obligations.

En fait, un recours peut être formé contre tout acte d'une autorité administrative par lequel une question a été réglée ou rejetée sans examen. A cet égard, il n'est fait aucune distinction entre les décisions administratives et les actes de l'Etat. Les décisions du Cabinet ou des ministères peuvent donc faire l'objet d'un recours, même si elles étaient fondées sur une large marge de discrétion. Toutefois, la juridiction administrative supérieure ne peut enquêter sur l'opportunité de ces décisions.

Selon une doctrine établie, on estime que les tribunaux civils et administratifs sont dépourvus du pouvoir d'enquêter sur la constitutionnalité de la législation promulguée par le parlement. D'un autre côté, l'article 92.2 de la Constitution prévoit expressément que tous les juges et autorités administratives sont tenus de ne pas appliquer une ordonnance statutaire qui est en opposition avec la Constitution ou une loi du parlement. Toutefois, l'obligation des tribunaux de ne pas appliquer les ordonnances statutaires et les autres textes normatifs inférieurs incompatibles avec la loi n'équivaut pas à la faculté de déclarer ces normes non valables. De plus, la possibilité de réexaminer ces instruments normatifs dans le domaine de la législation déléguée est très restreinte.

C'est principalement en raison de ces doctrines que les tribunaux administratifs ont également eu tendance à être très réservés dans l'examen de questions constitutionnelles précises au cours de leurs délibérations et de leur prise de décision lorsque la légalité d'une décision administrative est contestée. Ces observations s'appliquent aussi à la disposition spécifique de la Constitution garantissant le droit à l'autonomie communale (article 51.2). Il s'ensuit que la doctrine limite le recours des communes à un moyen judiciaire notamment en ce sens que le recours administratif n'est absolument pas utilisable pour contester la constitutionnalité des instruments législatifs (lois du parlement) ayant des incidences sur l'autonomie communale. Et la légalité des ordonnances statutaires ne peut être contestée qu'à l'occasion d'un recours contre une décision qui a été prise en vertu d'une telle norme inférieure.

Etant donné que c'est dans une large mesure par des dispositions législatives que la portée et le contenu effectif de l'autonomie sont déterminés, la présente doctrine peut paraître quelque peu problématique et même passible de critiques. On peut soutenir qu'elle limite le recours des communes à un moyen judiciaire d'une façon et à un point qui peuvent être jugés incompatibles avec les obligations de l'article 11 de la Charte. Toutefois, il ne faut pas négliger le fait manifeste que la formulation de cet article laisse largement place pour une interprétation. D'un côté, on pourrait certainement dire que le fait de "disposer d'un droit de recours juridictionnel afin d'assurer" l'autonomie locale exige que les tribunaux nationaux soient habilités à réexaminer même la constitutionnalité de la législation affectant l'autonomie locale. D'un autre côté, on pourrait tout aussi bien prétendre qu'étant donné l'ouverture de l'article 11, la portée du réexamen judiciaire en ce qui concerne les questions constitutionnelles est un point qu'il faudrait ou en fait qu'il est préférable de laisser régler au système constitutionnel de chaque Etat signataire.

2. Possibilité d'invoquer les dispositions de la Charte

La Charte a été intégrée dans le droit finlandais par une loi du parlement. La loi d'incorporation générale prévoit que les dispositions de la Charte rentrant dans le champ d'application de la législation sont en vigueur ainsi qu'il a été convenu. Autrement dit, la Charte a le statut de législation interne. En tant que telle, elle peut être invoquée devant les tribunaux et a le pas sur les instruments normatifs de statut inférieur dans le système juridique tels que les décrets gouvernementaux et les ordonnances publiées par les ministères.

Un autre point est que, dans la pratique judiciaire réelle, les dispositions de la Charte peuvent être considérées comme trop imprécises ou trop vagues pour avoir un effet juridique direct et indépendant et pour servir de seule base à un jugement rendu dans une affaire individuelle. Il est plus vraisemblable que les dispositions de la Charte seraient appliquées en tant que principe juridique documentant et influençant l'interprétation et l'application des règlements internes.

3. Pouvoirs du tribunal

Les tribunaux administratifs ont le pouvoir soit de confirmer soit d'infirmer une décision administrative. Une décision faisant l'objet d'un recours administratif peut également être modifiée. En général, les décisions des autorités administratives d'Etat peuvent faire l'objet d'un recours pour des raisons de légalité et d'opportunité, mais dans la pratique, les appels fondés sur des arguments d'opportunité sont très rares. Au cas où la décision faisant l'objet du recours dépendrait essentiellement d'un examen de son opportunité, la juridiction administrative supérieure doit renvoyer l'affaire au devant le Conseil d'Etat. Etant donné que les décisions du Conseil d'Etat et des ministères ne peuvent faire l'objet d'un recours que pour des motifs juridiques, les pouvoirs des tribunaux sont donc limités au seul examen de la légalité de ces décisions.

Etant incorporée dans le droit finlandais, la Charte fait partie intégrante de l'ordre juridique interne. En tant que telle, les tribunaux ont le pouvoir d'interpréter ses dispositions dans la mesure et de la façon dont ils interpréteraient des règlements purement internes lorsqu'ils se prononcent sur une affaire individuelle.

Ainsi qu'on l'a déjà dit, les tribunaux n'ont pas le pouvoir de rejeter une loi même s'ils estiment qu'elle est en conflit avec la Charte. De même, les tribunaux ne sont pas habilités à déclarer une disposition juridique nulle et non avenue au motif qu'elle est contraire à la Charte. Il convient cependant de noter que la hiérarchie des normes juridiques a récemment acquis une nouvelle importance pour l'activité administrative avec l'apparition d'une doctrine qui est plus encline à placer l'accent sur le caractère matériel plutôt qu'abstrait de la hiérarchie normative. Cette doctrine souligne l'importance de donner aux règlements applicables dans chaque cas l'interprétation qui se conforme le mieux aux normes supérieures. Une telle interprétation tend à éviter les conflits normatifs potentiels et vise à faciliter la mise en œuvre des objectifs des droits particulièrement fondamentaux et des droits de l'homme.

L'interdiction faite aux autorités d'exercer leur pouvoir et leur discrétion d'une façon incompatible avec les dispositions relatives aux droits fondamentaux a déjà acquis le statut de principe bien établi dans la doctrine juridique et la pratique judiciaire. L'interdiction a progressivement été étendue pour impliquer également une obligation positive et elle est désormais couramment décrite comme un devoir général d'une autorité, lorsque celle-ci interprète et applique un règlement, de donner si possible à ce dernier une interprétation qui favorise les exigences des droits fondamentaux et des droits de l'homme. Ce principe d'interprétation positive exige que, dans une situation appelant une interprétation, le choix effectué parmi un éventail de divers solutions justifiables soit un choix propice à la mise en œuvre des droits de l'homme.

En toute probabilité, le même principe d'interprétation pourrait être appliqué dans les affaires comportant un conflit potentiel entre les exigences de la Charte et la législation interne. Toutefois, aucune jurisprudence ne confirme cette supposition.

4. Jurisprudence

Jusqu'à présent il n'y a pas eu de décision référant à la Charte.

ALLEMAGNE

La République fédérale d'Allemagne a incorporé la Charte dans son droit interne en adoptant, le 22 janvier 1987, la "Loi fédérale sur la Charte européenne de l'autonomie locale (Journal officiel fédéral, IIème partie, p. 65).

L'instrument de ratification a été déposé auprès du Secrétaire général du Conseil de l'Europe le 17 mai 1988 et, conformément aux alinéas 2 et 3 de l'article 15 de la Charte, celle-ci est entrée en vigueur pour la République fédérale d'Allemagne au 1er septembre 1988.

Conformément à l'article 1 de la Charte, les Etats qui ont signé et ratifié la Charte acceptent d'être liés par les dispositions y contenues lorsqu'ils formulent leur législation interne et, si possible, de reconnaître le principe de l'autonomie locale dans la Constitution.

Les principes de la Charte sont protégés par l'article 28 alinéa 2 de la Constitution, qui garantit aux pouvoirs locaux le droit de régler, sous leur propre responsabilité, toutes les affaires de la communauté locale, dans les limites fixées par la loi. Les associations de pouvoirs locaux ont également le droit à l'autonomie, dans le cadre de leurs attributions légales et dans les conditions définies par la loi. La législation ordinaire de la Fédération est conforme à ces principes.

La garantie constitutionnelle est reprise dans les Constitutions des Länder, qui prévoient même, en matière d'autonomie, des garanties supérieures aux garanties minimales de la Constitution.

Cependant, la loi fédérale sur la Charte européenne de l'autonomie locale n'a incorporé dans le droit national de la République Fédérale d'Allemagne aucune disposition "directement applicable", puisque la Charte ne contient pas de telles dispositions.

Recours en cas de violation du droit à l'autonomie locale

a) Les recours que peuvent former les organes des pouvoirs locaux lorsqu'ils estiment qu'une législation ou des mesures internes portent atteinte à leur droit à l'auto-administration dépendent du type de législation ou de la nature de la mesure mise en cause.

En vertu de l'article 93 paragraphe 4b alinéa 1 de la Constitution, les pouvoirs locaux et leurs associations ont le droit de former un recours auprès de la Cour constitutionnelle fédérale au motif que leur droit à l'autonomie, garanti par l'article 28, a été violé. Toutefois, au regard de la législation de chaque Land, ce droit ne peut être exercé que si aucun recours ne peut être introduit devant le Tribunal constitutionnel du Land. Ces recours sont possibles dans les Länder suivants: Bade-Wurtemberg, Bavière, Brandebourg, Brême, Hesse, Mecklembourg-Poméranie occidentale, Basse-Saxe, Rhénanie du Nord-Westphalie, Rhénanie-Palatinat, Sarre, Saxe, Saxe-Anhalt et Thuringe (c'est-à-dire tous les Länder qui disposent d'une administration locale, à l'exception du Schleswig-Holstein).

Dans chaque Land, les pouvoirs locaux autonomes ont en outre la possibilité de faire vérifier la validité de dispositions juridiques (des règlements, par exemple) subordonnées à la législation du Land par le Tribunal administratif supérieur (Normenkontrollklage). Cette procédure est prévue à l'article 47 du Règlement des Tribunaux administratifs - VwGO du 21 janvier 1960 (Journal officiel fédéral, Ière partie, 1960, p.17).

b) La protection juridique contre les mesures de contrôle prises par les autorités de tutelle est régie par les réglementations générales relatives aux conflits de droit public de nature non constitutionnelle. Cette procédure est également prévue dans le Règlement des Tribunaux administratifs (VwGO). Aux termes de l'article 40 paragraphe premier de ce Règlement, un recours formé devant un tribunal administratif est recevable lorsqu'aucune disposition juridique ne défère le différend à un tribunal d'une autre catégorie. En vertu de l'article 42 paragraphe 2 du Règlement des Tribunaux administratifs, un recours peut être formé devant un tribunal administratif lorsque le plaignant allègue une violation de ses droits par un acte administratif - en règle générale, on considère que les mesures de contrôle constituent de tels actes - ou par le rejet ou l'omission d'un tel acte.

Lorsque des actes administratifs ont été rejetés ou omis (dans le contexte par exemple de l'obtention d'une autorisation), les pouvoirs locaux peuvent saisir les tribunaux administratifs en formant un recours en exécution d'une obligation (Verpflichtungsklage).

En règle générale, une procédure préliminaire est requise pour ces deux types de recours formés devant les tribunaux administratifs, sauf si la loi du Land relative aux pouvoirs locaux dispose que le recours direct devant les tribunaux administratifs est recevable. Ce n'est toutefois le cas que dans les Länder de Brandebourg et de Rhénanie du Nord-Westphalie.

La procédure préliminaire est prévue au huitième chapitre du Règlement des Tribunaux administratifs, articles 66 à 80a. La première démarche incombant aux pouvoir locaux consiste à soulever une "objection". L'autorité responsable de l'acte administratif peut alors accepter l'objection et accorder réparation. Si tel n'est pas le cas, les autorités de tutelle immédiatement supérieures sont saisies de l'affaire.

Si aucune réparation n'a été accordée, le recours en nullité ou en obligation de l'exécution de l'acte administratif doit être introduit dans le délai d'un mois à compter de la date de notification de l'objection.

La procédure régissant les recours formés devant les tribunaux administratifs suit les étapes habituelles des voies de recours, c'est-à-dire qu'il peut être fait appel des décisions d'un tribunal administratif de première instance auprès du Tribunal administratif supérieur.

Il peut en outre être fait appel des décisions du Tribunal administratif supérieur auprès du Tribunal administratif fédéral si le Tribunal administratif supérieur - ou en cas de plainte pour non recevabilité le Tribunal administratif fédéral - autorise un recours (article 132 du Règlement des Tribunaux administratifs)

GRECE

La Charte européenne de l'autonomie locale a été signée par la Grèce le 15 octobre 1985 à Strasbourg.

Elle a été ratifiée par la loi 1850/1989 relative à la «Ratification de la Charte européenne de l'autonomie locale», adoptée par le Parlement grec et publiée au Journal officiel n° 114/10.05.1989. Elle a ainsi été traduite en droit interne.

La ratification de la Charte s'est faite conformément à l'article 28 de la Constitution grecque selon laquelle les conventions internationales font partie intégrante du droit interne grec à compter de leur ratification par une loi et de leur entrée en vigueur.

Tout texte législatif contraire à la Charte peut faire l'objet d'un recours devant le Conseil d'Etat, lequel constitue la juridiction suprême de l'ordre administratif et peut procéder à l'abrogation de tout acte administratif pris dans le cadre d'une loi jugée inconstitutionnelle et, par conséquent, inapplicable.

HONGRIE

1. Incorporation de la Charte européenne de l'autonomie locale dans le droit interne hongrois

Pour la République de Hongrie, la Charte européenne de l'autonomie locale est entrée en vigueur le 21 mars 1994. Elle n'a pas encore été incorporée formellement dans l'ordre juridique interne, bien que la décision a été prise de présenter un projet de loi à l'Assemblée Nationale pour le faire. Néanmoins, les principes de la Charte sont repris par le Chapitre IX de la Constitution de 1990, concernant "Les autonomies locales".

En particulier, en ce qui concerne l'article 4 de la Charte ("portée de l'autonomie locale"), l'article 42 de la Constitution prévoit que "Les collectivités d'électeurs des communes rurales, des communes urbaines, de la Capitale et de ses arrondissements, ainsi que des comtés ont le droit à l'autonomie locale. Autonomie locale signifie une gestion indépendante et démocratique des affaires publiques locales par la communauté d'électeurs et l'exercice de l'autorité publique locale dans l'intérêt de la population."

En ce qui concerne l'article 6 de la Charte ("adéquation des structures et des moyens administratifs aux missions des collectivités locales"), l'article 44 A, paragraphe 1 e), de la Constitution prévoit que "L'organe représentatif local (...) dans les limites de la loi établit son organisation et détermine son statut de façon indépendante."

En ce qui concerne l'article 9 de la Charte ("les ressources financières des collectivités locales"), l'article 44 A, paragraphe 1 b), c) et d) de la Constitution prévoit que "L'organe représentatif local (...) exerce les droits de propriété relatifs aux biens de l'autorité locale, gère de façon indépendante les ressources de l'autorité locale et a le droit de s'engager dans des activités d'entreprise à ses risques; (...) est en droit d'avoir les ressources propres nécessaires pour exercer ses fonctions telles que définies par la loi et reçoit de l'Etat une aide proportionnée à ces fonctions; dans les limites de la loi, détermine les types et les taux des impôts locaux."

Enfin, le Préambule de la Loi LXV de 1990 sur l'administration locale prévoit que "L'Assemblée nationale, conformément aux exigences fondamentales de la Charte européenne de l'autonomie locale, reconnaît et protège le droit des communautés locales à l'autonomie."

2. Recours judiciaires en cas de violation de l'autonomie locale

Selon l'article 43, paragraphe 2, de la Constitution, les droits et les obligations des autonomies locales sont déterminés par la loi. L'exercice conforme au droit de l'autonomie locale inclue une protection judiciaire et les autorités locales peuvent saisir la Cour constitutionnelle afin de protéger leurs droits. D'autres dispositions de loi précisent cette garantie.

Par exemple, le chef du service de l'administration publique qui exerce la tutelle sur les autorités locales ne peut examiner que la légalité des actes pris par celles-ci dans l'exercice de leurs pouvoirs discrétionnaires; il n'a pas le pouvoir d'annuler une décision de l'autorité locale; il ne peut que demander à la partie concernée de mettre fin, dans un délai donné, à la violation de la loi; la partie concernée doit examiner le contenu de la demande et, dans les délais, doit informer le chef du service de l'administration publique des mesures qu'elle a arrêtées suite à la demande ou de son désaccord avec celle-ci.

Si aucune mesure n'a été prise dans les délais, le chef du service de l'administration publique peut:

a. demander à la Cour constitutionnelle d'annuler la décision illégale de l'autorité locale;

b. intenter une révision judiciaire de la décision illégale;

c. convoquer l'organe représentatif pour qu'il soit mis fin à la violation et initier la détermination de la responsabilité du fonctionnaire de l'organe représentatif.

L'action contre l'autorité locale, l'autorité d'une minorité locale et l'autorité d'une collectivité minoritaire ou le maire, qui vise à mettre fin à la violation de la loi, est possible dans les trente jours suivant l'expiration du délai donné. L'action n'a pas d'effet suspensif sur l'application de l'acte contesté, mais une demande de suspension peut être présentée au tribunal. Si l'application de l'acte implique une grave violation de l'intérêt public ou un dommage irréversible, la suspension de l'application et la notification simultanée à la partie concernée doivent être demandées au tribunal.

3. Droit de recours

Dans tous les cas concernant le droit à l'autonomie ou les fonctions et compétences de l'autorité locale, l'organe représentatif peut, directement ou par l'intermédiaire de l'organisation qui représente ses intérêts, s'adresser au chef de l'organe de tutelle compétent et peut:

a. demander des informations, des données, un avis sur des questions d'ordre professionnel ou sur l'interprétation;

b. formuler des propositions et amorcer les mesures à prendre;

c. exprimer son opinion sur les activités de l'organe de tutelle, soulever des objections quant à ces activités, demander la modification ou le retrait de toutes mesures et décisions prises par cet organe.

L'organe interpellé doit répondre dans les trente jours au contenu de la requête.

Si l'information, la réponse ou les mesures à prendre ne sont pas de la compétence de l'organe requis, ce dernier doit adresser dans les trois jours la requête à l'organe compétent et en informer en même temps l'autorité locale requérante.

4. Représentation des intérêts des autorités locales

Afin de promouvoir la protection et la mise en oeuvre des droits et des intérêts des autonomies locales et de développer leurs activités, les autorités locales peuvent constituer des organisations qui représentent leurs intérêts.

L'opinion des organisations nationales qui représentent les intérêts des autonomies locales doit être sollicitée lorsqu'il s'agit de projets de loi ou de textes d'application de l'Etat qui concernent les autorités locales. L'organe décisionnel de l'Etat doit être informé de la position des organisations représentant leurs intérêts.

ITALIE

Le territoire italien se divise en régions, provinces et communes. Les régions sont des organes autonomes dont les compétences et fonctions sont explicitement déterminées par la Constitution.

Les provinces et les communes sont des autonomies dont les fonctions sont déterminées par les lois de l'Etat.

La Constitution italienne reconnaît explicitement l'autonomie locale. Conformément aux lignes directrices constitutionnelles, l'Etat italien a mené une décentralisation administrative étendue dans les services publics. En outre, l'Etat met en accord ses principes et méthodes législatifs aux exigences de l'autonomie et de la décentralisation.

La Cour constitutionnelle est responsable de la protection judiciaire des autonomies régionales. La Cour tranche les conflits d'attribution de compétences entre l'Etat et les régions ou entre deux régions. La Cour vérifie particulièrement la conformité des lois aux principes constitutionnels.

Les régions peuvent saisir directement la Cour constitutionnelle, qui peut constater l'inconstitutionnalité d'une loi de l'Etat ou des lois d'autres régions.

La possibilité susmentionnée d'une action directe devant la Cour constitutionnelle est fondée sur la violation d'un intérêt régional essentiel résultant d'une loi qui empiète sur les compétences des régions.

L'Italie a ratifié la Charte européenne de l'autonomie locale avec la loi 439 du 30 décembre 1989, dont l'article 3 indique que "tous les citoyens respectent la Charte comme une loi de l'Etat".

Sur cette base, la Charte est considérée comme une loi ordinaire de l'Etat (non pas une loi constitutionnelle). Par effet des obligations politiques résultant de la signature de la Charte européenne de l'autonomie locale, l'Etat italien ne peut pas légiférer contre les dispositions de celle-ci.

La Cour constitutionnelle est compétente pour vérifier, au cas par cas, si une disposition européenne est ou non conforme aux principes constitutionnels.

Par contre, vu que les lois européennes par effet de la ratification sont considérées comme des lois internes (soit "lois ordinaires de l'Etat") et non pas lois constitutionnelles, la Cour constitutionnelle n'est pas habilitée à vérifier s'il y a conflit entre une loi ordinaire de l'Etat et une loi européenne.

La Cour constitutionnelle n'a pas compétence concernant la protection judiciaire des provinces et des communes.

En cas de violation de la Charte européenne de l'autonomie locale, les autorités locales ne peuvent pas s'adresser aux tribunaux civils, qui ne sont compétents que pour vérifier s'il y a violation des droits civils subjectifs.

Les autorités locales ne peuvent pas non plus saisir les tribunaux administratifs d'une violation des dispositions de la Charte européenne. De tels recours sont essentiellement dirigés contre les actes de l'autorité administrative qui affectent des droits ou des intérêts légitimes.

La politique législative actuelle est de revoir le système de l'autonomie locale pour donner pleinement effet au principe de subsidiarité. On s'attend à ce que la législation nationale attribue directement aux autorités locales les fonctions d'intérêt exclusivement local dans les domaines actuellement de compétence des régions (article 118.1 de la Constitution).

En même temps, il sera nécessaire de préciser les moyens de protection de l'autonomie locale en accordant aux autorités locales l'accès direct ou indirect à la Cour constitutionnelle. Ceci demanderait néanmoins une révision plus générale de la Constitution.

Concernant les réformes susmentionnées, le Ministère de l'Intérieur a mis en place un comité chargé d'étudier la réforme des autorités locales. Ce comité a déjà présenté des propositions spécifiques.

LIECHTENSTEIN

Le 11 mai 1988, le Représentant Permanent de la Principauté de Liechtenstein auprès du Conseil de l'Europe a déposé auprès du Secrétaire Général du Conseil de l'Europe l'instrument de ratification de la Charte européenne de l'autonomie locale, qui a été ouverte à la signature des Etats membres du Conseil de l'Europe, à Strasbourg, le 15 octobre 1985.

Conformément aux dispositions de l'Article 12, paragraphe 2, la Principauté de Liechtenstein a déclaré qu'elle se considère liée par les Articles 2, 3(1), 4[(1), (2), (3), (4), (5) et (6)], 6(1), 7[(1) et (3)], 8[(1), (2) et (3)], 8[(1), (2) et (3)], 9[(1), (2), (5), (6) et (7)], 10(1) et 11 de la Charte.

La Charte européenne de l'autonomie locale est entrée en vigueur au Liechtenstein le 1er septembre 1988. Elle a été incorporée dans le droit interne par la publication au Journal Officiel (Landesgesetzblatt Nr. 21, 1988).

Au Liechtenstein, le contrôle de la constitutionnalité des lois et de la légalité des ordonnances du Gouvernement incombe au Conseil d'Etat (Staatsgerichtshof). La vérification d'un texte normatif est de la compétence du Conseil d'Etat et au cas concret et au cas abstrait. Au cas concret, c'est-à-dire au cas d'un litige lié à l'application d'une norme, le Conseil d'Etat statue ou à la requête du tribunal saisi dans l'affaire ou à l'occasion d'un litige porté devant le Conseil d'Etat lui-même. Au cas abstrait, c'est-à-dire à l'absence d'un litige concret, c'est sur la demande du Gouvernement ou d'une collectivité locale que le Conseil vérifie la conformité d'un texte normatif avec la Constitution et les lois en vigueur.

Les collectivités locales ont donc la possibilité de faire vérifier par le Conseil d'Etat la conformité d'un texte normatif interne avec la Charte au cas concret et au cas abstrait. Si la norme du droit interne est contraire aux dispositions de la Charte par lesquelles la Principauté de Liechtenstein a déclaré être liée, le Conseil d'Etat l'abroge. L'abrogation a un effet erga omnes

LUXEMBOURG

Le Luxembourg a signé la Charte européenne de l'autonomie locale le 15 octobre 1985 et l'a notifiée par la loi du 18 mars 1987.

La procédure nationale pour la mise en oeuvre des traités internationaux est indiquée dans l'article 37 de la Charte fondamentale du Grand-Duché qui aborde la matière des traités internationaux. Ainsi l'alinéa 1 précise que "Le Grand-Duc fait les traités. Les traités n'auront d'effet avant d'avoir été approuvés par la loi et publiés dans les formes prévues pour la publication des lois". L'alinéa 4 de ce même article précise encore que "Le Grand-Duc fait les règlements et arrêtés nécessaires pour l'exécution des traités dans les formes qui règlent les mesures d'exécution des lois et avec les effets qui s'attachent à ces mesures, sans préjudice des matières qui sont réservées par la Constitution à la loi". Donc l'exécution interne des traités est assimilée à l'exécution des lois.

La Charte européenne de l'autonomie locale a donc force de loi au Grand-Duché depuis fin mars 1987, car elle a dû, après avoir trouvé l'assentiment de la Chambre des Députés le 18 mars 1987, être publiée au Journal Officiel de l'Etat et, comme toute loi, elle est devenu obligatoire trois jours francs après sa publication.

Le Luxembourg s'est d'ailleurs engagé à respecter l'intégralité des articles et paragraphes de la Charte.

Il n'existe pas encore de Cour Constitutionnelle au Luxembourg, bien qu'on en discute actuellement dans le cadre de la réforme constitutionnelle.

En l'état actuel, la jurisprudence luxembourgeoise ne reconnait pas aux tribunaux le droit de juger si une loi est conforme ou non à la Constitution.

Les tribunaux doivent se conformer aux lois en prononçant leurs décisions mais il ne leur appartient pas de juger les lois elles-mêmes. S'ils pouvaient écarter les lois en raison d'une prétendue inconstitutionnalité, il en résulterait une immixtion du pouvoir judiciaire dans le pouvoir législatif et par conséquent une confusion des pouvoirs.

Dans le droit public luxembourgeois, la nullité d'une loi qui serait en contradiction avec la Constitution est donc démunie de sanction pratique.

Les dispositions de la Charte pourraient être invoquées devant le Conseil d'Etat sous la forme d'un recours en annulation. Le Conseil d'Etat, après avoir constaté la cause de nullité, doit se borner à annuler la décision attaquée. L'affaire est ensuite renvoyée, en cas d'annulation pour incompétence, devant l'autorité compétente et dans les autres cas devant l'autorité dont la décision a été annulée, laquelle, en décidant du fond, doit se conformer à l'arrêt du Conseil d'Etat.

Par conséquent, le Conseil d'Etat ne peut pas se substituer à l'administration active, mais il peut contrôler la légalité des actes de celle-ci.

Jusqu'à présent, il semble qu'il n'y ait aucun arrêt dans le domaine communal ayant fait référence à la Charte européenne de l'autonomie locale ou à la Convention européenne des droits de l'homme.

MALTE

Malte a ratifié la Charte européenne de l'autonomie locale le 6 septembre 1993; elle a été le dix-septième pays à le faire.

La loi sur les conseils locaux (loi XV de 1993), qui porte création des conseils locaux, réglemente leur fonctionnement et prescrit leurs compétences ainsi que leur juridiction, a été établie en fait sur le modèle de la Charte.

En signifiant son intention de signer, puis de ratifier la Charte, Malte s'est engagé à être lié par les treize paragraphes de la liste "obligatoire" et les douze paragraphes de la liste "facultative":

Liste obligatoire Liste facultative

Article 2 Article 4, paragraphes 3, 5 et 6
Article 3, paragraphes 1 et 2 Article 6, paragraphes 1 et 2
Article 4, paragraphes 1, 2 et 4 Article 7, paragraphe 3
Article 5 Article 8, paragraphes 1 et 3
Article 7, paragraphe 1 Article 9, paragraphes 7 et 8
Article 8, paragraphe 2 Article 10, paragraphes 2 et 3
Article 9, paragraphes 1 et 2
Article 10, paragraphe 1
Article 11

Ce faisant, Malte est allé au-delà du minimum requis et jusqu'au maximum possible.

Bien que la Charte n'ait pas été incorporée officiellement à la loi sur les conseils locaux (législation interne), les articles suivants de cette dernière prescrivent, selon nous, la procédure à suivre dans les cas où il devient nécessaire de vérifier la conformité d'un texte législatif interne avec la Charte.

Article 3(2)

"Le Conseil est une autorité administrative locale statutaire possédant une personnalité juridique à part, capable de nouer des relations contractuelles et d'ester en justice, susceptible d'être poursuivi en justice et ayant le pouvoir d'accomplir toutes choses et d'engager toutes transactions incidentes ou essentielles par rapport aux fonctions que la présente loi l'habilite à exercer."

Article 38

"Les Conseils locaux ont le droit d'attaquer en justice toute décision qui empiète d'une manière ou d'une autre sur le libre exercice des pouvoirs que leur attribue la présente loi."

Ce droit peut être exercé vis-à-vis de toute autorité et sans la moindre réserve.

PAYS-BAS

Aux Pays-Bas, la Charte européenne de l'autonomie locale a été approuvée de manière explicite par une loi de 1990. A la suite de cette approbation, la Charte a été incorporée dans le droit interne néerlandais et a été déclarée applicable aux provinces et aux communes des Pays-Bas. A la date de l'approbation, le Parlement néerlandais estimait que le droit interne était compatible avec la Charte, à l'exception de quatre points à propos desquels des réserves ont été émises (on cherche actuellement à déterminer si ces réserves peuvent être abandonnées).

Les Pays-Bas ne disposent d'aucune procédure judiciaire particulière régissant l'examen de la compatibilité entre le droit interne et la Charte. C'est donc à un juge administratif qu'il incombe de procéder à cet examen en se conformant aux procédures judiciaires courantes. A cet égard, il est utile d'indiquer qu'aux Pays-Bas, le pouvoir judiciaire ne peut comparer à la législation interne que les dispositions d'un traité qui sont directement exécutoires. Les Pays-Bas estiment que dans l'ensemble, si l'on se réfère à leur libellé, les dispositions de la Charte ne sont pas dans ce cas. Toutefois, c'est au juge qu'il revient de trancher en dernier ressort.

Le législateur doit par ailleurs s'assurer que les projets de loi sont compatibles avec la Charte

NORVEGE

En Norvège, les normes de droit international qui lient le Royaume ne font pas partie du droit interne à moins qu'elles n'y soient introduites par un acte juridique interne à choisir en fonction du type de normes en question, conformément aux prescriptions constitutionnelles (loi du Parlement si les citoyens doivent se soumettre à des obligations, etc.). L'introduction peut assumer des formes différentes (transformation, incorporation, etc.).

Selon le système actuel, aucun acte formel d'introduction n'est exigé si le droit interne est déjà réputé conforme aux obligations internationales du Royaume au moment où celles-ci entrent en vigueur.

Le Gouvernement de la Norvège, par tradition, considère important d'examiner en profondeur les domaines pertinents du droit interne avant de souscrire à des obligations internationales, afin d'éviter les hypothèses de conflit durant la période d'application de ces obligations. Avant de présenter la question de la ratification de la Charte européenne de l'autonomie locale au Parlement, un examen critique de la législation interne a été mené par le ministère des Affaires municipaux et aucune modification n'a été jugée nécessaire.

La Charte n'a donc pas été incorporée à la législation interne.

La loi sur l'autonomie locale est, à notre connaissance, parfaitement conforme à la Charte. Toute modification de la législation sur les collectivités locales sera soumise à une audition à laquelle participeront les collectivités locales et/ou leurs organisations. Cela permettra de déceler, dans la plupart des cas, à ce stade, et peut-être même d'éviter, une contradiction éventuelle entre la Charte et des mesures nouvelles.

Au cas où une éventuelle contradiction ne serait pas perçue à ce stade et où les autorités locales soutiendraient que l'interprétation donnée par le gouvernement d'une disposition est incompatible avec la Charte, cette contradiction n'étant pas résolue d'une autre manière, les autorités locales pourront porter l'affaire devant les tribunaux, en faisant valoir qu'elles ne sont pas tenues d'agir conformément à l'interprétation que le Gouvernement donne de cette disposition.

Le fait que la Norvège ait ratifié la Charte serait considéré par les tribunaux comme un puissant argument en faveur d'une interprétation de la disposition conforme à la Charte, ce qui permettrait d'éviter la contradiction présumée. Il en va de même pour les lois. Et même si cette possibilité a été plus évidente s'agissant de la pratique de la Cour suprême au sujet des rapports entre la législation interne et les droits de l'homme au niveau international, il en est certainement ainsi dans la plupart des domaines du droit.

Une autre question est celle de savoir dans quelle mesure les communes sont libres, en tant qu'organes administratifs, d'attaquer l'Etat quand des organes étatiques comme les gouverneurs des comtés ("Préfets"), les ministres ou les "tribunaux administratifs" détiennent de facto un certain pouvoir administratif qui prévaut sur celui des communes. Par exemple, un particulier peut demander au gouverneur du comté, par le biais d'un recours administratif (non judiciaire), de réviser les actes de la commune concernant le droit de bâtir, ou bien l'approbation d'un organe du gouvernement central peut être requise pour donner pleine efficacité aux parties contestées des instruments de planification au niveau local.

Dans de tels cas, le désaccord sur l'étendue du pouvoir de l'Etat de renverser les décisions des administrations locales n'est pas une raison suffisante pour accorder aux communes l'accès à la juridiction ordinaire. Apparemment, il n'y a pas de précédents de tels affaires dans le système judiciaire norvégien. Mais il semble raisonnable de croire que cette situation est elle-même le reflet des principes essentiels actuels de la procédure civile. Ces principes ne semblent pas admettre l'action des communes contre l'Etat devant un tribunal ordinaire quand ses organes agissent en tant qu'instances d'appel administratif, d'approbation, etc. vis-à-vis les actes et omissions des administrations locales. Il en est ainsi même si de telles affaires peuvent certainement avoir un impact considérable sur l'étendue de l'autonomie locale dans la loi.

Pour l'avenir, la seule façon de se sortir de cette situation semble être la possibilité de conclure que, conformément à la Charte européenne de l'autonomie locale, les communes devraient avoir accès à la juridiction ordinaire même dans les affaires administratives de ce type.

Néanmoins, si une telle solution devait en future devenir plus qu'une simple hypothèse, elle imposerait sans aucun doute au législateur de revoir la structure de contrôle de l'Etat sur l'action des communes.

Il convient de noter, enfin, que le droit norvégien n'admet pas les litiges sur des questions hypothétiques ou sur l'interprétation correcte d'une disposition. Une action n'est recevable devant les tribunaux que si la demande a un caractère concret.

Dans le système norvégien actuel de contrôle des dispositions légales dans un cas particulier, les disposition statutaires et les dispositions légales de rang subordonné ne peuvent pas être déclarées nulles et sans effet. L'issue formelle pourrait être l'application de la disposition interne comme interprétée à la lumière de la Charte ou - si elle est en conflit avec une règle interne supérieure - la non application de la disposition en question dans le cas d'espèce.

Il semble qu'aucune affaire se rapportant à la Charte n'a encore été portée devant les tribunaux ordinaires norvégiens.

POLOGNE

I. La Charte européenne de l'autonomie locale en Pologne

La Charte européenne de l'autonomie locale a été ratifiée par la Pologne le 26 avril 1993. Conformément à l'article 15 paragraphe 1 de la Charte, l'instrument de ratification a été déposé auprès du Secrétaire Général du Conseil de l'Europe le 22 novembre 1993. Comme la Pologne n'a déposé aucune notification (art. 12 paragraphe 2) au moment du dépôt de son instrument de ratification, effectivement elle s'est considérée comme liée par toutes dispositions de la Charte.

Conformément à l'article 15 paragraphe 3 de la Charte, elle est entrée en vigueur pour la République de Pologne le 1er mars 1994.

La Charte européenne de l'autonomie locale a été publiée le 25 novembre 1994 dans le Journal Officiel de la République de Pologne n° 124, p. 607.

La Charte est incorporée dans le droit interne. La législation polonaise sur l'autonomie locale est basée sur ces dispositions.

II. Position des normes internationales dans l'ordre juridique interne de la République de Pologne

La Constitution actuellement en vigueur ne contient pas de normes qui définissent la place du droit international dans l'ordre juridique interne de l'Etat. Elle ne contient que la norme de compétence, déterminant la qualité du Président de la République de Pologne dans le domaine de la ratification des accords internationaux. Si la ratification de ces accords entraîne des charges financières importantes pour l'Etat ou la nécessité de modifier la législation, un accord préalable de la Diète est indispensable. Dans les discussions qui ont cours actuellement sur la forme de la nouvelle Constitution, on souligne la nécessité de définir les normes constitutionnelles susceptibles d'offrir des bases solides aux institutions qui appliquent le droit interne en rapport avec le droit international.

Dans la doctrine du droit international, se manifeste en Pologne une forte tendance à accorder la primauté absolue aux normes du droit international par rapport aux normes nationales. En conséquence, cela placerait les normes des accords internationaux - après leur transformation, ou ex proprio vigore - dans la hiérarchie du système normatif entre la Constitution et les lois ordinaires.

En tout état de cause, selon cette doctrine, on perçoit la nécessité d'inclure dans la Constitution des normes sur le respect et l'accomplissement des engagements internationaux de l'Etat.

Pour ce qui est du caractère obligatoire du traité dans les rapports internes, la littérature juridique polonaise indique:

- le principe selon lequel l'Etat qui a valablement contracté un engagement international devrait introduire dans sa législation interne les modifications rendues nécessaires pour pouvoir remplir ses obligations,

- l'article 27 de la Convention de Vienne sur le droit des traités, selon lequel une partie du traité ne peut pas invoquer efficacement son droit interne, pour justifier de la non-exécution du traité,

- le principe pacta sunt servanda (article 26 de la Convention de Vienne).

Cela ne préjuge pas encore de la primauté du droit international sur le droit national, mais seulement de la nécessité de réaliser les engagements internationaux contractés, y compris par la voie des modifications des lois internes.

III. Le rôle du Tribunal Constitutionnel

En Pologne, l'organe appelé à contrôler la constitutionnalité des lois est le Tribunal Constitutionnel créé par la loi du 29 avril 1985 et entré en fonctions le 1er janvier 1986.

La loi sur le Tribunal Constitutionnel ne donne pas droit directement aux juges du Tribunal de contrôler la conformité des actes qui constituent le droit national avec les conventions de droit international ratifiées par la Pologne, car ces conventions demeurent en dehors de la compétence du Tribunal. Dans le passé, cette exclusion a été justifiée par le fait qu'il existe une lacune dans la Constitution concernant le rapport entre le droit international et le droit interne et que sans la combler, il n'est pas possible d'instaurer un contrôle de constitutionnalité des accords internationaux. Cependant, dans la pratique, le Tribunal Constitutionnel se réfère à ces accords dans ses jugements de manière auxiliaire.

Le Tribunal Constitutionnel polonais dans l'état actuel du droit n'étant pas en mesure d'appliquer directement les normes - lors du contrôle de la constitutionnalité ou de la légalité des prescriptions du droit interne, il tient compte des actes du droit international, ainsi que de la tendance qu'ils expriment.

Considérant le caractère contraignant des accords internationaux, le Tribunal Constitutionnel en tient compte dans son interprétation des règles. Néanmoins, dans l'état juridique actuel, les normes internationales ne peuvent pas être par elles-mêmes une base de la sentence.

Dans ses activités, le Tribunal Constitutionnel a élaboré un ensemble de notions, de principes de base de l'ordre constitutionnel qui lui servent de guide dans le processus du contrôle de la constitutionnalité des lois.
En l'absence dans la Constitution d'une règle établissant l'obligation de respecter les engagements internationaux contractés, cette obligation doit être affirmée à présent par voie d'interprétation, surtout de l'Article 1 de la Constitution, qui est rédigé comme suit: "La République de Pologne est un état démocratique de droit qui réalise les principes de justice sociale".

Sur la demande des sujets capacités (y compris les collectivités locales), le Tribunal Constitutionnel, tout en développant les principes de l'Etat démocratique de droit, peut également avoir recours en pratique au principe pacta sunt servanda et - indirectement par cette interprétation de l'Article 1 de la Constitution - vérifier la conformité d'un texte normatif interne à la Charte européenne de l'autonomie locale.

PORTUGAL

La Charte européenne de l'autonomie locale a été approuvée par la Résolution n° 28/90 du 13.7.90, de l'Assemblée de la République, ratifiée par le Décret du Président de la République n° 58/90 du 28.09.90, et publiée dans le Journal Officiel du 23.10.90.

La ratification de la Charte a lieu selon l'article 138.b de la Constitution de la République Portugaise, après que l'Assemblée de la République l'a approuvée, aux termes de l'article 164.j). Il s'agit, d'un point de vue constitutionnel interne, d'un traité ou d'une convention internationale, qui demande une intervention préalable de l'Assemblée en vue de son approbation et de son incorporation dans l'ordre interne, la matière en cause étant couverte par une réserve législative.

Conformément à la disposition contenue au n° 2 de l'article 8° de la Constitution de la République Portugaise, les normes de la Charte sont intégrées et valables dans l'ordre interne dès que publiées et tant qu'elles obligent l'Etat Portugais.

Par conséquent, la Charte a la force qui est propre à une loi. Les voies de recours pour faire vérifier si les dispositions d'un texte normatif interne sont ou non conformes à la Charte sont les suivantes:

a) Dispositions ayant force de loi

Au Portugal, le contrôle de la conformité des lois à la Charte relève des tribunaux ordinaires. Conformément à l'article 70.1,i) de la loi du Tribunal Constitutionnel, leurs décisions peuvent faire l'objet d'un recours auprès du Tribunal Constitutionnel en cas de:

I. refus d'application d'une disposition législative à cause de la violation d'une convention internationale;

II. application d'une disposition dont l'illégalité a été alléguée durant le procès;

III. application d'une disposition que le Tribunal Constitutionnel a déjà déclarée illégale.

Ces recours ne portent que sur des questions de nature juridique-constitutionnelle (la primauté du droit international sur le droit interne) ou de nature juridique-internationale (si une norme est en vigueur): le Tribunal Constitutionnel ne tranche pas la question concrète en litige, ce qui revient aux tribunaux ordinaires.

b) Dispositions réglementaires

Le contentieux administratif d'impugnation ne vise que les dispositions réglementaires ou les autres dispositions qui émanent de l'Administration de l'Etat (Loi du Procès dans les Tribunaux Administratifs et Fiscaux et Statut des Tribunaux administratifs et Fiscaux). Néanmoins, la Charte ne prévoit pas la concrétisation de ses principes par des dispositions de cette nature.

Ceci établi, les collectivités locales ne peuvent pas introduire un recours contre une disposition législative directement auprès du Tribunal Constitutionnel. Elles doivent avoir un intérêt direct et concret dans la décision, c'est-à-dire, elles ne disposent de la possibilité de recours que si un litige sur un cas concret est pendant devant un tribunal ordinaire.

Il y a, en plus du contrôle sur la légalité, une autre façon de faire vérifier si un texte normatif est ou non conforme à la Charte, mais indirectement par le biais du contrôle de constitutionnalité.

Là encore, les collectivités locales ne peuvent pas introduire un recours directement auprès du Tribunal Constitutionnel et doivent avoir un intérêt direct et concret dans un litige pendant devant un tribunal ordinaire (contrôle concret).

Toutefois, les collectivités locales peuvent demander l'intervention du Président de la République ou du "Pourvoyeur de Justice" qui ont compétence pour introduire un recours direct (contrôle abstrait).

Cette voie de recours - contrôle, concret ou abstrait, de constitutionnalité - permet de faire vérifier si les dispositions d'un texte normatif violent ou non une norme constitutionnelle.

Puisque la Constitution de la République Portugaise contemple les principes de la Charte, la non conformité à la Charte d'un texte normatif interne implique aussi la non conformité à la Constitution.

ROUMANIE
La Roumanie a signé la Charte le 4 octobre 1994, mais le Parlement ne l'a pas encore ratifiée.

Cependant, tant les principes de la Charte que les procédures judiciaires permettant aux autorités locales de protéger leurs droits, en faisant appel à la Cour Administrative compétente ("Administrative Dispute Claims Court") ont déjà été incorporés dans la législation roumaine spécifique à ce domaine.

ESPAGNE

Le Journal officiel n° 47, du 24 février 1989, a publié l'approbation et la ratification par le chef de l'Etat de la Charte européenne de l'autonomie locale, établie à Strasbourg le 15 octobre 1985, cette publication reprenant le texte intégral de ladite Charte.

La ratification a été accompagnée de la déclaration suivante:

"Le royaume d'Espagne déclare que la Charte européenne de l'autonomie locale sera appliquée dans l'ensemble du territoire de l'Etat en rapport avec les collectivités visées par la législation espagnole de régime local et prévues aux termes des articles 140 et 141 de la Constitution. Ce nonobstant, le royaume d'Espagne entend ne pas être obligé uniquement par le paragraphe 2 de l'article 3 de la Charte, dans la mesure où le système d'élection directe qu'il prévoit devrait être mis en oeuvre au niveau de l'ensemble des collectivités locales comprises dans son domaine d'application."

Ladite Charte est entrée en vigueur dans le royaume d'Espagne le 1er mars 1989, conformément aux dispositions de son article 15.3, comme établi aux termes du paragraphe final de sa publication dans le Journal officiel susdit.

La ratification de la Charte européenne de l'autonomie locale a été souscrite après que les "Cortes generales" ont donné l'autorisation prévue aux termes de l'article 94.1 de la Constitution. Il s'agit donc, d'un point de vue constitutionnel interne, d'une Convention ou d'un Traité international qui a demandé une intervention préalable du Parlement en vue de son approbation et de son incorporation dans l'ordre interne.

Ce texte est donc intégré dans l'ordre interne espagnol, conformément aux dispositions de l'article 96.1 de la Constitution qui prévoit que "ses dispositions ne peuvent être abrogées, modifiées ou suspendues que dans le respect des dispositions des traités eux-mêmes (en l'occurrence, les articles 15 à 18 de la Charte) ou conformément aux normes générales du Droit international". D'autre part, la dénonciation du traité demanderait une nouvelle autorisation préalable des "Cortes generales, conformément aux dispositions de l'article 96.2 de la Constitution.

La Charte européenne de l'autonomie locale a, en Espagne, le rang et la force qui sont propres à une loi. Elle participe donc formellement de la condition de la loi à l'origine de la garantie institutionnelle de l'autonomie locale applicable à l'ensemble du territoire de l'Etat, soit la loi 7/85 du 2 avril, loi-cadre du Régime local.

La Charte constitue, conjointement avec la loi-cadre du Régime local -qui doit être interprétée en tout état de cause dans le respect de la première-, le bloc de la légalité étatique à la base de l'ordre interne local qui assure dans l'ensemble du territoire national l'autonomie minime commune garantie aux collectivités locales aux termes de la Constitution. La loi-cadre du Régime local reprend les principes contenus dans la Charte (à l'exception de la réserve formulée par le royaume d'Espagne à propos de son article 3.2, comme indiqué antérieurement).
Les principes contenus dans la Charte européenne de l'autonomie locale -de même que les dispositions de la loi-cadre susmentionnée- doivent être respectés par les Communautés autonomes lors de l'établissement de leur propre législation locale sous couvert de l'article 148.1 de la Constitution et ainsi que par toutes les collectivités territoriales -Etat, Communautés autonomes et collectivités locales- lors de l'approbation des règles réglementaires -dans le cadre de leurs compétences respectives- ayant rapport avec l'autonomie locale.

L'autonomie locale constitue un mécanisme essentiel de participation des citoyens au pouvoir public, et la réglementation en cette matière ne saurait méconnaître le droit à une telle participation que l'article 23 de la Constitution garantit.

Mais ce droit n'est pas le seul droit fondamental repris dans la Charte européenne de l'autonomie locale. Celle-ci envisage également, aux termes de son article 10, le droit d'association, et ce à l'échelle tant nationale qu'internationale.

Ces circonstances permettent de soutenir, par extension et dans la mesure du nécessaire, l'applicabilité à la Charte européenne de l'autonomie locale du principe d'interprétation des règles relatives aux droits fondamentaux que la Constitution reconnaît dans son article 10.2.

Il convient néanmoins de préciser que l'autonomie locale n'est pas un droit fondamental dans l'ordre juridique espagnol et que la jurisprudence du Tribunal constitutionnel a établi que seules les personnes physiques, et non les personnes morales, peuvent être titulaires du droit consacré aux termes de l'article 23 de la Constitution.

L'article 11 de la Charte prévoit que "les collectivités locales doivent disposer d'une voie de recours juridictionnelle en vue d'assurer le libre exercice de leurs compétences et le respect des principes de l'autonomie locale consacrés aux termes de la Constitution ou de la législation interne".

Les voies de recours à l'encontre d'un règlement susceptible d'avoir violé la Charte européenne de l'autonomie locale sont les suivantes:

A. Dispositions de rang réglementaire

Les collectivités locales peuvent introduire un recours contentieux administratif devant les organes correspondants du système juridictionnel contentieux administratif (articles 9.4 et 24 de la Loi organique 6/1987, du 1er juillet, du Pouvoir judiciaire, et articles 1, 2 et 3 de la Loi de la Juridiction contentieuse administrative).

B. Règles ayant rang et force de loi

1. En Espagne, le contrôle de la constitutionnalité des lois (de l'Etat et des Communautés autonomes) relève exclusivement du Tribunal constitutionnel et le droit d'introduire un recours d'inconstitutionnalité est réservé à un "numerus clausus" d'organes: le Président du Gouvernement, le Médiateur, cinquante Députés et cinquante Sénateurs, dans tous les cas; les organes collégiaux exécutifs et les Assemblées des Communautés autonomes s'il s'agit d'une loi, d'une disposition ou d'un acte ayant force de loi d'Etat et susceptible de porter atteinte à leur autonomie (articles 162.1.a) de la Constitution espagnole et 32 de la Loi organique 2/1979, du 3 octobre, du Tribunal constitutionnel).2. Nonobstant, les collectivités locales disposent d'un certain nombre de voies de réaction à l'encontre des règles susceptibles de porter atteint à leur autonomie:

a) Elles sont habilitées à contester devant le Tribunal constitutionnel les lois de l'Etat ou des Communautés autonomes susceptibles de porter atteinte à leur autonomie, et ce par l'intermédiaire de la Commission nationale de l'Administration locale. La procédure prévue à cet effet consiste à une demande de cette Commission -ou seulement des représentants des collectivités locales au sein de celle-ci- aux organes qui sont habilités par la Constitution à introduire les recours d'inconstitutionnalité susmentionnés (articles 63.3 et 119 de la loi 7/1985, du 2 avril, loi-cadre du Régime locale).

b) A l'occasion des recours contentieux administratifs introduits à l'encontre des mesures infralégales (règlements ou actes concrets) de développement ou d'application de lois considérées comme portant atteinte à leur autonomie garantie par la Constitution, les collectivités locales peuvent faire appel devant l'organe judiciaire connaissant du recours à la "question de l'inconstitutionnalité", fondée sur une éventuelle non-constitutionnalité de la règle sur laquelle prennent appui les mesures contestées. La décision de porter ou non cette question devant le Tribunal constitutionnel relève alors dudit organe judiciaire.

Cette action peut être répétée devant les instances ou les degrés successifs tant qu'un jugement définitif n'a pas été rendu (articles 163 de la Constitution espagnole et 35, 36 et 37 de la loi 2/1979, du 3 octobre, du Tribunal constitutionnel).

c) Il y a lieu d'ajouter que, si l'Autonomie locale n'est pas considérée en Espagne comme un "droit fondamental" dans le sens des "droits et libertés fondamentaux" qui permettent de faire appel au recours prévu aux termes de l'article 53.2 de la Constitution espagnol et du Titre III de la Loi organique 2/1979, du 3 octobre, du Tribunal constitutionnel pour la tutelle des droits prévus aux termes des articles 14 à 29 du texte constitutionnel (Ordonnance du Tribunal constitutionnel 269/1983, du 8 juin), les collectivités locales sont habilitées toutefois à introduire ces recours en cas de violation des droits et des libertés susmentionnés dont elles sont titulaires ou si elles invoquent un intérêt légitime (sentences du Tribunal constitutionnel 19/1983, du 14 mars, et 82/1983, du 20 octobre).

Dans la mesure où la Charte européenne de l'Autonomie locale se situe dans ce domaine, elle relève de l'article 10.2 de la Constitution espagnole, qui porte sur l'interprétation des règles ayant rapport avec les droits fondamentaux et les libertés publiques reconnus par la Constitution (par exemple, en matière de droit d'association), et ce conformément aux dispositions des conventions et des traités internationaux sur ces mêmes matières ratifiés par l'Espagne.

SUEDE

L'autonomie locale est une longue tradition en Suède et a une porté constitutionnelle fondamentale. Le principe de l'autonomie locale a été inclu dans la Constitution comme partie intégrante du gouvernement démocratique suédois. La Suède, après discussion du projet de loi 1988/89:119 par son Parlement, a ratifié la Charte en mai 1988 (loi 1988/89:251), sans qu'il ait été nécessaire de modifier son système législatif.

Article 2

Le principe de l'autonomie locale est stipulé au Chapitre 1, article 1 de la Constitution.

Article 3

La Constitution, la loi suédoise sur les collectivités locales (Chapitre 1, section 1) et la loi relative aux élections sont fondées sur les principes énoncés à l'article 3.

Article 4

1. Les compétences et responsabilités fondamentales des collectivités locales sont stipulées au Chapitre 8, section 5 de la Constitution.

2. Les communes et les conseils de comtés peuvent traiter eux-mêmes les questions d'intérêt général qui entrent dans le cadre de leurs compétences et ne sont pas réservées à l'Etat, à une autre commune, à un autre conseil de comté ou à un autre organe (loi suédoise sur les collectivités locales, Chapitre 2, section 1).

3. Depuis longtemps en Suède, la règle en la matière est celle de l'administration civile décentralisée.

4. En Suède, le partage des responsabilités entre l'Etat et les communes/conseils de comtés est basé sur les principes énoncés dans cet article.

5. Le système légal suédois remplit les conditions stipulées dans cet article.

6. La tradition suédoise est fondée sur cette prescription.

Article 5

La modification des limites territoriales locales est régie par une loi spéciale, la loi 1977:411 sur les modifications des limites territoriales des communes et des comtés, qui respecte les dispositions de cet article.

Article 6

1. La loi suédoise sur les collectivités locales autorise ces dernières à définir leur organisation interne (Chapitre 3). Le conseil municipal doit nommer une commission exécutive communale, un conseil de comté et une commission exécutive de comté (section 2). La section 3 stipule que l'assemblée nomme la commission nécessaire.

2. Les collectivités locales en Suède ont fondamentalement toute liberté dans ce domaine.

Article 7

Le Chapitre 4 de la loi suédoise sur les collectivités locales régit les conditions d'exercice du mandat des élus locaux.

1. La loi suédoise n'impose aucune restriction dans ce domaine.

2. Les absences et les compensations financières des élus locaux sont régies par la section 11-15 du Chapitre 4 de la loi suédoise sur les collectivités locales. La section 11-13 autorise les élus à s'absenter quand leur mandat le nécessite et les autorise également à obtenir une compensation raisonnable des pertes en matière de salaires, de retraite et de congés payés encourues du fait de l'exercice de leur mandat. La section 14 donne à l'assemblée toute liberté pour décider du droit des élus de recevoir différentes compensations et prestations financières.

3. Les sections 5 et 6 du Chapitre 4 de cette même loi définissent les cas d'incompatibilité.

Article 8

Cet article régit le contrôle administratif des activités des pouvoirs locaux, ce qui se produit rarement en Suède. Le système de contrôle et de surveillance des activités municipales est conforme aux conditions stipulées dans l'article.

Article 9

Le droit des communes et des comtés à lever des impôts pour être en mesure de remplir leurs missions est stipulé dans la Constitution (chapitre 1, article 7). Ce droit est, dans son principe, illimité. Les communes et les conseils de comté peuvent lever des impôts pour financer les services et infrastructures qu'ils fournissent (Section 3a du Chapitre 8 de la loi suédoise sur les collectivités locales).

Les questions de péréquations financières entre les communes ou les conseils de comtés sont régies par différents textes législatifs conçus pour corriger les effets de la répartition inégale des sources potentielles de financement ainsi que des charges financières qui leur incombent. Ces textes ne réduisent pas la liberté d'option des pouvoirs locaux.

Les subventions gouvernementales en faveur des pouvoirs locaux sont pour la majeur partie d'ordre général. Les subventions spéciales sont très rares.

Article 10

En Suède, les pouvoirs locaux ont le droit de coopérer pour mener à bien les tâches d'intérêt commun dans le cadre de fédérations locales, mais également par le biais d'entreprises, d'associations, de fondations, etc.

L'Association suédoise des pouvoirs locaux veille aux intérêts des communes et la Fédération suédoise des conseils de comtés défend ceux de ces conseils. Au niveau international, les pouvoirs locaux sont membres de l'UIV (Union internationale des villes et pouvoirs locaux). Les pouvoirs locaux suédois ont désormais la possibilité de coopérer à des actions transfrontalières : la Suède a signé un accord de coopération transfrontalière avec le Danemark, la Finlande et la Norvège; de plus, la Suède a également ratifié la Convention-cadre européenne sur la coopération transfrontalière des collectivités ou autorités territoriales.

Article 11

La plupart des décisions administratives peuvent faire l'objet d'un recours juridictionnel. Pour certaines décisions, celui-ci devra être intenté devant le Gouvernement ou devant une autorité administrative de la plus haute instance. La Cour Suprême administrative peut également autoriser le réexamen d'affaires pour lesquelles le Gouvernement ou une autorité administrative sont la plus haute instance (Article 11 du Chapitre 11 de la Constitution).

La Suède ne dispose pas d'une instance qui serait chargée de vérifier, sur demande d'une collectivité locale, si un texte législatif interne est ou non conforme à la Constitution.

Cependant, elle est dotée d'un autre organe : le Conseil Législatif (régi par l'article 18 du Chapitre 8 de la Constitution). Composé de juges de la Cour Suprême et de la Cour Suprême administrative, cet organe est compétent pour donner un avis sur les projets de loi.

Le Conseil Législatif doit être consulté par le Gouvernement ou, selon les dispositions de la loi relative au Parlement (Riksdag), par une commission parlementaire, avant que le Parlement ne se prononce sur une loi fondamentale concernant la liberté de la presse ou sur toute autre loi limitant le droit d'accès aux documents publics et d'autres droits similaires. Son avis devra également être sollicité pour tout acte législatif concernant la fiscalité des pouvoirs locaux. Toutefois, si l'obtention de l'avis du Conseil Législatif est dépourvue de pertinence du fait de la nature même du problème, ou peut entraîner un retard dans le processus législatif qui aurait de sérieuses conséquences, ces dispositions ne s'appliquent pas. De plus, la non obtention de l'avis du Conseil Législatif n'empêchera pas la loi d'être appliquée.

L'examen du Conseil Législatif porte sur les aspects suivants :

- comment la proposition de loi s'articule avec les lois fondamentales et le système légal en général;

- comment les différentes dispositions figurant dans la proposition de loi s'articulent les unes par rapport aux autres;

- comment la proposition de loi répond à l'impératif de sécurité juridique;

- le point de savoir si la proposition de loi est rédigée de manière à ce que la loi qui en résultera remplira bien les conditions ci-dessus; et

- les problèmes que l'application ultérieure de la loi est susceptible de poser.

En outre, l'article 14 du chapitre 11 de la Constitution stipule que si un tribunal ou toute autre instance estime une disposition donnée contraire à une disposition de la Constitution ou d'un texte législatif hiérarchiquement supérieur, ou si, lors de la mise en oeuvre de la disposition incriminée, la procédure prescrite n'a pas été respectée dans l'un quelconque de ses aspects importants, cette disposition pourra ne être appliquée. Cependant, si elle a été approuvée par le Parlement ou par le Gouvernement, elle ne pourra être écartée que si le vice est manifeste.

Les dispositions de la Charte ne seraient pas considérées comme des dispositions d'une loi fondamentale et vraisemblablement pas comme une disposition de rang supérieur au sens de l'article 14 du chapitre 11 de la Constitution.

Le Chapitre 10 de la loi suédoise sur les collectivités locales indique comment une décision peut être contestée par les pouvoirs locaux. Sa section 1 stipule que tout membre d'une municipalité ou d'un conseil de comté a le droit de contester une décision de la municipalité ou du conseil de comté en intentant un recours contre elle devant le tribunal administratif, en première instance, ou devant la cour d'appel administrative, en deuxième instance. Conformément aux dispositions de la section 8, ces juridictions ne peuvent que casser une décision, et non la modifier. Si la décision est cassée ou son application interdite, la municipalité ou le conseil de comté et ses membres peuvent faire appel de ce jugement.

TURQUIE

Le 21.11.1988, la Turquie a ratifié la Charte que la Grande Assemblée nationale a ensuite adoptée par la loi n° 3723 du 8.5.1991, conformément à l'article 90 paragraphe 1 de la Constitution turque qui stipule que "la ratification, au nom de la République turque, des traités internationaux conclus avec des Etats étrangers et des organisations internationales est subordonnée au vote, par la Grande Assemblée nationale turque, d'une loi approuvant cette ratification". Après approbation par la Grande Assemblée nationale, cette Charte étant incorporée au droit national, il faudra suivre la même procédure pour y apporter une quelconque modification.

Le quatrième paragraphe de l'article 90 définit comme suit le statut des accords internationaux ratifiés: "Les accords internationaux mis régulièrement en vigueur ont valeur de loi. Ils ne peuvent faire l'objet d'un recours pour inconstitutionnalité auprès de la Cour constitutionnelle".

En ce qui concerne les recours légaux dont peuvent se prévaloir les collectivités locales, le système législatif turc connaît cinq catégories de textes: la constitution, les lois, les décrets ayant force de loi, les règlements et les ordonnances. Les textes de chaque catégorie doivent être conformes à ceux des catégories qui précèdent.

Les dispositions de la constitution ne sont pas susceptibles de recours.

Il est possible de saisir le Conseil constitutionnel au motif qu'une loi n'est pas conforme à la constitution; cela ne s'applique pas aux traités internationaux.

Les décrets ayant force de loi sont pris par le Conseil des ministres, dans certaines circonstances et pour une période de temps limitée. Une fois cette période de temps écoulée, soit le décret devient une loi après approbation de la Grande Assemblée, soit il est annulé. Pendant leur période d'application, les décrets sont traités comme des lois et peuvent donc faire l'objet de recours, au même titre que les lois.

Les règlements et les ordonnances émanent des ministres et sont considérés comme des décisions administratives susceptibles de recours au motif qu'elles ne sont pas en conformité avec les instruments légaux des catégories supérieures.

Les pouvoirs locaux peuvent intenter un recours devant les tribunaux administratifs afin de vérifier si ces actes sont ou non conformes à la Charte.