L'évaluation des résultats des forums économiques des régions d'Europe et le pacte de stabilité - CPR (6) 9 Partie II

Rapporteur: M. Bernard SUAUD (France)
Co-Rapporteur : M. Claude HAEGI (Suisse)

EXPOSE DES MOTIFS

Juste après le cinquantenaire du Conseil de l’Europe1, il n’est pas inutile de rappeler que le Traité de Londres, qui l’a créé, n’excluait explicitement que la défense des domaines d’action de l’Organisation (art. 1-d). En revanche, l’art. 1-a, lui assignait, entre autres buts, celui de « favoriser le progrès économique et social », tandis que l’art. 1-b parlait d’« actions communes dans les domaines économique, social, culturel, scientifique, juridique et administratif ». Ainsi, le Conseil de l’Europe ne s’est jamais détourné des problèmes socio-économiques. Il était inévitable que la Conférence Permanente, puis le Congrès des Pouvoirs Locaux et Régionaux, s’en préoccupent aussi, et cette exigence devint plus impérieuse encore après la chute du système communiste dans la partie centrale et orientale de l’Europe. C’est dans ce contexte que sont nés les « Forums économiques des Régions d’Europe », dont six ont été organisés depuis 1996 : Genève (18-20 janvier 1996), Dortmund (23-26 juin 1996), Moscou (25-26 novembre 1996), Vienne (9-12 septembre 1997), Bucarest (2-4 juillet 1998), Weimar (3-4 mai 1999).

Le contexte du rapport

Lors de la sixième session plénière de juin 1999, le Congrès a adopté une Résolution 86 sur le partenariat économique régional comme facteur de cohésion sociale, présentée par Monsieur Bernard Suaud consécutivement au Forum de Bucarest de juillet 1998. Le point II-d de cette Résolution recommandait au Bureau de la Chambre des Régions de charger le Groupe de travail « Cohésion sociale et développement économique des Régions » de « procéder à une évaluation des résultats des six Forums Economiques des Régions d’Europe, tenus depuis 1996 », afin de permettre à la Commission permanente de « définir les orientations futures de ce programme d’activités » (II-e).

Les six Forums Economiques des Régions d’Europe ont rassemblé chacun entre trois cents et huit cents personnes, ce qui représente un total d’ensemble de presque 3000 congressistes. L’idée générale était de réunir des régions et des entreprises autour d’un thème économique, et de permettre également à ces mêmes régions et entreprises de présenter leurs produits et de nouer des contacts qui puissent durer au-delà de chaque Forum. « Pas de stabilité démocratique sans succès économique » aimait en effet dire Claude Haegi, Président de la Chambre des Régions (1994-1996) puis de l’ensemble du Congrès (1996-1998), et « âme » de ces Forums.

La coopération entre le Congrès des Pouvoirs Locaux et Régionaux de l'Europe et la Fondation pour l’Economie et le Développement durable des Régions d’Europe (FEDRE)

La réunion organisée à Genève en janvier 1996 s’intitulait « Premières Rencontres Est/Ouest des Régions d’Europe ». La thématique Est/Ouest, appliquée à l’économie et au développement régional demeurera par la suite une constante des Forums. Dans la Déclaration finale de Genève, il était dit (point VI 32) que « les représentants des régions soutiennent et encouragent l’importante initiative visant la création d’une Fondation pour le Développement économique des Régions d’Europe » .

Quatre mois plus tard, la Fondation pour l’Economie et le Développement durable des Régions d’Europe (FEDRE) était créée à Genève en tant que Fondation de droit suisse. Dans ses statuts, qui datent du 25 avril 1996, il est précisé que l’une de ses activités est d’« organiser en priorité les Rencontres annuelles des Régions, notamment sur des sujets ciblés influençant le développement économique des régions dans les domaines de l’industrie, des transports, des services, de l’énergie, du tourisme, des prestations médicales et de la formation professionnelle, entre autres ».

Dès la création de la FEDRE, son Président sera Claude Haegi, alors Président de la Chambre des Régions. Quelques mois plus tard, il deviendra pour deux ans Président de l’ensemble du Congrès dont il est, jusqu’en juin 2000, actuellement le Past Président. Cette situation a créé un lien personnel entre le CPLRE et la FEDRE, par l’intermédiaire de Monsieur Haegi qui avait été du reste à l’origine des Premières Rencontres Est/Ouest de janvier 1996, qu’il avait organisées à Genève en tant que membre du Gouvernement cantonal chargé entre autres des affaires régionales.

Dans sa Résolution 38 (1996) sur les Premières Rencontres économiques Est/Ouest des Régions d’Europe, le Congrès chargeait le Bureau « d’examiner les possibilités de soutenir logistiquement et financièrement l’organisation des travaux futurs de la FEDRE » (point 19). Quel que soit le détail des suites données à cette volonté du Congrès, on constate en tout cas que les Forums suivants seront tous le produit d’une collaboration étroite entre le CPLRE et la FEDRE.

Les divers Forums, bilan général

1. Les « Premières Rencontres Economiques Est/Ouest des Régions d’Europe » (Genève, 18-20 janvier 1996)

Cet événement réunit environ 500 participants venus de 32 pays au Centre International de Conférences de Genève. Les délégations russe (l’Assemblée parlementaire venait juste de se prononcer favorablement quant à l’adhésion de ce pays au Conseil de l’Europe), roumaine, polonaise, allemande, française et – bien sûr – suisse y étaient les plus nombreuses. Plusieurs régions ont tenu également des stands d’exposition dans le hall du Centre de Conférences.

Les débats furent organisés autour de l’idée-clef de « partenariats » économiques au niveau régional. L’objectif était d’explorer les possibilités et les limites de la coopération économique Est/Ouest à l’échelon régional, et de réfléchir aux meilleurs moyens d’attirer les investissements occidentaux dans les régions de la partie centrale et orientale du continent. Dans cette perspective, le recours aux nouvelles technologies de communication, comme internet, ne fut pas négligé. Les discussions alternèrent les séances plénières et les ateliers restreints et spécialisés.

Certains problèmes pratiques furent spécifiquement abordés, comme le rôle des PME dans la restructuration de l’appareil productif des économies en transition, ou celui des banques (notamment les banques régionales) et des Chambres de commerce, le développement des infrastructures touristiques, la promotion de la coopération transfrontalière, les possibilités d’amélioration de la protection légale et de la sécurité juridique dans les PECO, les expériences de coopération dans le domaine de l’agro-alimentaire et dans celui de l’éducation et de la culture. En raison de l’actualité du moment, une session spéciale fut consacrée à explorer les possibilités de coopération régionale Est/Ouest en vue de la reconstruction de certaines régions touchées par des conflits, notamment en ex-Yougoslavie.

Soutenues par une organisation sans faille (Chambre des Régions du Congrès d’un côté, Département de l’intérieur, de l’agriculture et des affaires régionales du Canton de Genève de l’autre), attisées par une vague de nouvelles adhésions de pays d’Europe orientale (Russie en tête) au Conseil de l’Europe ainsi que par l’urgence créée par le drame yougoslave, ces premières Rencontres économiques régionales Est/Ouest créèrent un élan qui se manifesta, d’une part, par la candidature, annoncée en séance plénière par son Maire, Monsieur Günter Samtlebe, de la ville de Dortmund pour l’organisation, dans de brefs délais, des deuxièmes Rencontres, et d’autre part, par l’acceptation de l’idée de créer une « Fondation pour le Développement économique des Régions d’Europe » (qui devint la FEDRE) pour assurer le suivi de ces Rencontres et des contacts et possibilités de partenariats concrets qu’elles avaient pu laisser entrevoir. Les Rencontres de Genève peuvent donc être considérées comme un succès.

2. « Expériences et perspectives de la restructuration industrielle » (« Forum Economique des Régions d’Europe » de Dortmund, 23-26 juin 1996)

On peut en dire autant du « Forum économique des Régions d’Europe » qui fut organisé à peine six mois plus tard à Dortmund. Le thème retenu était plus technique : il s’agissait cette fois-ci d’explorer les « expériences et perspectives de la restructuration industrielle ». En raison d’un engagement considérable de moyens de la part de la ville de Dortmund et du Land de Rhénanie du Nord-Palatinat, il nous apparaît que, des six Forums organisés jusqu’à aujourd’hui, celui de Dortmund fut probablement le plus impressionnant. Du 23 au 26 juin, ce sont en effet plus de 800 personnes, originaires de 27 pays, qui s’entassèrent dans l’immense Westfalenhalle 1. En tête, la délégation allemande, avec près de 500 délégués représentant non seulement les autorités politiques mais aussi – et surtout – les branches les plus diverses de l’économie (Chambres de commerce, Instituts de recherche appliquée, entreprises, bureaux d’études).

Il y avait, parallèlement, pas moins de 74 exposants, parmi lesquels des régions et des villes de divers points de l’Europe, mais aussi des entreprises, des Chambres de commerce, des Universités, des Instituts de recherche ou de promotion, etc…

Le thème du Forum, à savoir la restructuration industrielle, fut exploré de diverses manières : passage de la production de masse aux technologies de pointe, privatisation d’entreprises publiques et création de PME, importance du secteur tertiaire pour la modernisation de l’économie régionale, partenariat public-privé dans le traitement de l’eau et des déchets par des régies municipales ou régionales, rôle des circuits financiers dans la restructuration du secteur économique, recherche scientifique et transfert de technologie. L’accent fut mis également sur les nouveaux débouchés offerts par le secteur de la communication multimédia, et sur l’environnement dans un souci de développement durable. Le Forum fut enfin le lieu d’une coopération non négligeable avec l’Union Européenne, avec une allocution en ouverture du Président du Parlement Européen, Monsieur Klaus Hänsch, et une présentation de la politique structurelle de l’UE à l’égard des régions par la Commissaire alors en charge du dossier, Madame Monika Wulf-Mathies.

A Dortmund, les villes de Vienne et de Moscou manifestèrent leur intérêt pour l’organisation des Forums suivants. La Déclaration finale mit notamment l’accent sur « les nouvelles technologies d’information qui constituent une nouvelle chance pour la coopération économique des Régions », en esquissant l’idée d’un « Internet des Régions », une idée reprise par la FEDRE mais qui, faute de moyens, ne commence que depuis quelques mois à être mise sur pied par l’intermédiaire de son site Eurorégions Web (http://www.fedre.org).

Les Forums économiques des Régions d’Europe sont donc véritablement lancés et, dans une Résolution 42 (1996), le Congrès invite ainsi les autorités locales et régionales à « soutenir ce programme de coopération et organiser, en collaboration avec la FEDRE, de futures rencontres économiques des régions d’Europe, en liaison avec les actions des organisations internationales regroupant les collectivités locales européennes » (point 7-e).

3. Le « Forum Economique des Régions d’Europe pour la coopération, la sécurité2 et le développement durable » (Moscou, 25-26 novembre 1996)

Cinq mois tout juste après Dortmund, c’était au tour de Moscou d’accueillir le troisième Forum qui se déroulait à un moment clé de l’évolution du pays et de ses rapports avec le Conseil de l’Europe, puisque ce pays énorme, représentant à lui seul quatre fois la superficie de tous les autres Etats membres réunis, et qui, depuis la Révolution d’octobre 1917 jusqu’à l’avènement de Boris Eltsine, avait été le centre même du communisme, avait adhéré au Conseil de l’Europe le 28 février 1996. Pour toutes ces raisons, l’aspect symbolique et politique de l’événement prit largement le pas sur le contenu, en principe économique, du Forum lui-même. Ajoutons que l’ampleur du thème retenu, qui tranchait avec le sujet plus circonscrit et « technique » du Forum précédent, permettait d’autant plus aisément cette mutation.

Cette transformation d’un Forum économique en événement politique et symbolique fut renforcée par l’organisation simultanée, et ce pour la première fois en Europe orientale, d’une réunion du Bureau du Congrès sur place. Du côté russe, les organisateurs étaient non seulement le Gouvernement de Moscou, mais aussi l’Assemblée et le Gouvernement de la Fédération de Russie ainsi que le « Forum Economique des Régions (russes) » basé à Moscou.

La couverture médiatique (y compris télévisée) fut énorme en Russie, et la manifestation fut réhaussée par la présence de hautes personnalités, comme le Maire de Moscou, Youri Loujkov, le Premier Ministre Viktor Tchernomyrdine et le Ministre des Affaires étrangères Evgueni Primakov.

C’est donc surtout ce que l’on retiendra de ce Forum. Sur les 550 congressistes, 9 sur dix étaient russes. En raison du contexte du pays hôte, l’accent fut mis, avec plus de force que durant les deux premiers Forums, sur les problématiques liées au fédéralisme. A l’issue de la manifestation, les participants adoptèrent une « Déclaration de Moscou des Régions de la Grande Europe ». Rappelant que la « Nouvelle Europe » s’étend désormais jusqu’à Petropavlovsk-du-Kamtchatka et Vladivostok, cette Déclaration souhaite « le développement d’une coopération internationale et interrégionale […] en particulier dans les secteurs financiers et énergétiques, les échanges agricoles, le secteur pharmaceutique, la santé publique, la construction et les infrastructures ».

On peut donc parler de l'absence d'effets économiques directs de ce Forum, dominé par la dimension politique et symbolique de l’événement, et par la façon de certaines personnalités politiques russes de s’en faire une tribune. D'autre part, on peut constater que le Congrès s'est fait mieux connaître avec cette manifestation dans les milieux politiques russes qui commencaient à découvrir le Conseil de l'Europe et ses structures de travail.

L'importance que les autorités russes ont accordé à cet événement a trouvé sa concrétisation dans la publication des actes du Forum en langue russe.

L’année 1996 aura vu ainsi pas moins de trois Forums en onze mois. Le rythme va ensuite décliner et les Forums suivants seront au nombre d’un seul par année.

4. « Les technologies de l’environnement régional et urbain du XXIe siècle » (Vienne, 9-12 septembre 1997)

Alors que trois Forums s’étaient succédés en onze mois, il faudra attendre dix mois après Moscou pour que soit organisé le Forum de Vienne. On retrouve, comme à Dortmund, une thématique précise et « technique ». Vienne fut ainsi plus dans la ligne des deux premiers Forums économiques, mais eut un moindre éclat en raison du nombre réduit d’exposants (en réalité presque inexistant, hormis la Ville de Dortmund) et d’une implication moins grande des autorités de la ville qui recevait cette manifestation.

Au total, ce sont environ 300 personnes représentant 25 pays qui ont participé à la manifestation qui s’est déroulée au « Messe Congress Center » de la capitale autrichienne. Les délégations les plus nombreuses venaient d’Autriche bien sûr, d’Allemagne, de Suisse, de Roumanie, de France et d’Irlande.

Le thème de la Conférence a été divisé en trois sous-thèmes qui ont été successivement abordés en séances plénières et en ateliers :

- Transport, logistique et télématique au service du citoyen ;
- Ressources urbaines et retraitement des déchets ;
- Rénovation urbaine et nouvelles politiques de construction.

Dans ce cadre, des sujets techniques, orientés vers le siècle prochain et répondant à une exigence de développement durable, ont été abordés, tels que la télématique, les logistiques intermodales de transport, les systèmes de guidage du trafic en zone urbaine et dans la périphérie, la qualité de l’air en ville, les nouvelles habitations écologiques, la rénovation urbaine effectuée dans un souci de l’environnement.

Le Forum se déroulait parallèlement à un Salon européen des techniques de l’environnement, de l’industrie et de l’ingéniérie. Une Bourse internationale des informations et des partenariats pour des projets de coopération dans la recherche et la technologie fut mise sur pied, mais le suivi ensuite manqua. Cette bourse a permis de réunir –en ateliers thématiques-des spécialistes afin d'établir des contacts entre les représentants des collectivités et les secteurs industriels.

Pas moins de trois candidatures pour les Forums suivants furent enregistrées. A l’issue de la manifestation, le Communiqué de presse annonçait que le prochain Forum aurait lieu à Genève en mai 1998, et mentionnait les invitations lancées par Bucarest et par le Land de Thuringe pour les Forums suivants.

Toutefois, le Congrès souhaitant que ces Forums se déroulent plus fréquemment dans la partie centrale et orientale de l’Europe, ce fut Bucarest qui organisa le Forum de 1998.

5) « Les politiques d’investissement et de développement régional et local au plan européen » (Bucarest, 2-4 juillet 1998)

Ce Forum réunit un peu plus de 300 délégués, représentant 19 pays, au Palais du Parlement (ancien Palais de Ceaucescu) à Bucarest, à l’invitation du Maire de la Ville (Monsieur Viorel Lis) et du Gouvernement roumain. La délégation roumaine représentait à elle seule la moitié des personnes présentes.

Il y eut, contrairement à Vienne, un nombre assez grand d’exposants (Chambres de commerce, autorités locales et régionales), mais presque tous étaient roumains.

D’un format comparable au Forum de Vienne, axé lui aussi sur une thématique économique appliquée aux niveaux local et régional, le Forum de Bucarest s’en distingue par une plus grande présence des autorités locales et régionales de l’ensemble du pays concerné, et aussi de ses milieux économiques (entreprises, Chambres de commerce, offices de promotion), ce qui se manifesta notamment par un nombre plus grand d’exposants. En revanche, il fut plus centré sur le pays d’accueil, donc moins « international » que ses prédécesseurs (hormis le Forum de Moscou), une caractéristique qui se retrouvera une année plus tard au Forum de Weimar.

Le contexte roumain fut du reste très présent durant ce Forum et ses préparatifs. Il l’influença de diverses manières, certaines étant conjoncturelles, d’autres plus substantielles.

Du point de vue conjoncturel, les préparatifs du Forum furent quelque peu bousculés en raison de la démission, en mars 1998, du Gouvernement roumain et des changements au niveau de la mairie de Bucarest. Finalement, les derniers préparatifs se sont déroulés en coopération avec le Maire de Bucarest, M. Viorel Lis, le Parlement et le nouveau Premier Ministre du Gouvernement roumain, Monsieur Radu Vasile.

D’un point de vue substantiel, on constate qu’une séance spéciale fut organisée, le deuxième jour, sur la régionalisation en Roumanie. De manière plus fondamentale, l’ensemble du Forum fut marqué par les problèmes spécifiques rencontrés par les villes et régions d’Europe centrale et orientale dans leur recherche d’investissements, c’est-à-dire souvent de capitaux publics ou privés occidentaux.

Une séance spécifique eut donc pour objet de présenter l’état des législations et les possibilités offertes aux investissements étrangers en Roumanie, en Pologne et en Hongrie. Réciproquement, on présenta les instruments financiers européens (Fonds de développement social du Conseil de l’Europe, BEI, BERD) et les politiques de soutien au développement régional offertes par l’Union Européenne ou la Commission Economique pour l’Europe des Nations Unies. Des projets concrets de développement urbain et régional furent également présentés (Bucarest 2000, Saint-Pétersbourg), ainsi que des projets régionaux Est-Ouest de développement (Balaton/ Pays de la Loire ; Bistrita / Opole / Franche-Comté dans le domaine de l’agro-alimentaire et des laiteries fromageries). Une attention toute particulière fut consacrée aux problèmes spécifiques des régions frontalières, souvent mal intégrées aux réseaux de transports et de communication et aux potentialités offertes par la coopération transfrontalière en termes de développement économique durable.

Les préoccupations des responsables locaux et régionaux d’Europe centrale et orientale transparaissent nettement dans la Déclaration finale, qui souligne que « des problèmes considérables persistent dans la transformation du tissu économique afin de l’adapter aux défis de l’économie de marché et aux défis de la globalisation ». Des secteurs sensibles sont de ce point de vue identifiés : privatisation et coopération public-privé qui réclament « un engagement spécifique », coopération transfrontalière souvent entravée par un manque de compétences juridiques et de moyens financiers au niveau régional. Des pistes ont été également suggérées, comme « la nécessité de développer et de promouvoir une politique de soutien pour la création de petites et moyennes entreprises (PME-PMI) ».

Le Forum était l'occasion pour les représentants des PME de l'Europe de l'Ouest, de créer des relations commerciales avec leur homologues roumains. Ainsi, on peut constater que certains échanges commerciaux se sont développés avec succès après le Forum par exemple entre des entreprises françaises et roumaines.

Au total, que ce soit sur place en juillet 1998, ou à Strasbourg en juin 1999 lors de la discussion du rapport présenté par Bernard Suaud (CPR (6) 5), on a constaté l’attachement particulièrement fort des autorités locales et régionales des pays en transition à ce type de Forum économique, qui répond à certaines de leurs préoccupations les plus concrètes et quotidiennes, ainsi probablement que leur souhait de voir le Congrès participer au développement et à l’amélioration de cette plate-forme de dialogue et d’échange d’informations.

6. « La culture en tant que facteur économique » (Weimar, 3-4 mai 1999)

Avec Weimar, on reste dans le contexte des localités et régions membres de pays en transition, tout en l’atténuant d’une manière relativement nette. Les « anciens Länder de l’Est » d’une Allemagne réunifiée depuis dix ans ne sont en effet pas dans la même situation que les villes et régions de Roumanie. Du reste, les membres du Gouvernement du Land de Thuringe, puissance invitante de même que la plupart de leurs collaborateurs ont eu des expériences avec les lois du marché et la démocratie pluraliste.

Le thème de la Conférence était lié bien sûr au choix de Weimar comme capitale européenne de la culture pour l’année 1999, ce qui était à la fois une bonne et une mauvaise idée. En effet, le Forum était organisé par le Land, tandis que les manifestations culturelles qui se sont échelonnées tout au long de « Weimar 1999 » étaient organisées principalement par la Ville de Weimar (rappelons que la capitale du Land n’est pas Weimar, mais Erfurt). En outre, il n’est pas toujours facile d’avoir un échange novateur sur les relations entre culture et économie, bien que la dimension économique de la culture gagne de plus en plus en importance dans une économie libérale. Enfin, le contexte pré-électoral (les élections régionales étaient prévues en septembre) ne facilitait pas la communication au sein de la « grande coalition » qui dirigeait le Land, le Ministère de l’Economie étant CDU (droite), le Ministère de la Justice et des Affaires européennes étant SPD (gauche). En pratique, ce fut ce dernier qui fut la cheville ouvrière du Forum, ce qui atténua son contenu strictement économique. On constata à cet égard que les milieux économiques privés, tenus relativement peu informés du Forum, y ont eu une présence discrète, laissant surtout la place aux institutions publiques actives dans le domaine culturel et aux professionnels de la culture.

Le format de la manifestation, qui eut lieu au Centre de Conférences « Mon Ami » sur la Goetheplatz au cœur de Weimar, est comparable à ceux de Vienne et Bucarest. Un peu plus de 300 participants représentant 25 pays. Comme à Bucarest, le poids de la délégation du pays invitant, l’Allemagne, représentait une bonne moitié des congressistes.

L’organisation, impeccable, fit oublier l’insuffisante présence des milieux économiques et la tournure parfois intra-allemande de certaines discussions. En revanche, l’accent fut mis par le Département de la Justice et des Affaires européennes du Land de Thuringe sur la conférence elle-même, et non sur les stands d’exposition qui furent peu nombreux.

A l’issue du Forum, il y eut une Déclaration sur « l’avenir de la culture et de l’économie dans une Europe en voie d’intégration et de mondialisation ». Appelant à un meilleur dialogue entre économie et culture, elle soulignait que la culture est génératrice d’emplois et incitait les autorités locales et régionales à faire des efforts pour démocratiser l’accès à la culture, au bénéfice d’un nombre plus grand de citoyens.

La Déclaration de Weimar a par ailleurs invité le Conseil de l’Europe à élaborer une « Charte des Droits culturels fondamentaux » soulignant « la préservation et le développement des traditions culturelles, la promotion de nouvelles formes d’expression, la défense de la pluralité culturelle et l’accès à l’information et à l’enseignement, ainsi qu’à l’art et à la culture », tâches qui constituent « une prestation collective dont la responsabilité incombe à la société tout entière », et pas seulement « un droit fondamental que l’Etat doit garantir ».

La dimension politique de cette rencontre a été complétée par une manifestation consacrée au 50e Anniversaire du Conseil de l'Europe qui a réuni des jeunes de plusieurs pays européens autour d'un débat sur la coopération et l'intégration européenne.

Le Forum de Weimar a mis en évidence la Culture en tant que facteur et produit économique et a montré, sur la base de plusieurs exemples, notamment celui du Musée Guggenheim à Bilbao (Espagne), comment les investissements dans les secteurs culturels peuvent avoir des effets économiques bénéfiques et peuvent aussi contribuer directement au développement économique régional.

Conclusions

1. Un instrument original et pertinent

Il convient de rappeler tout d’abord ce qui a été à l’origine des Forums que nous venons de présenter, à savoir la prise de conscience par le Congrès, et notamment sa Chambre des Régions, que, vis-à-vis des communes et régions des pays en transition d’Europe centrale et orientale, on ne pouvait se cantonner au registre de la démocratie et des Droits de l’Homme, en laissant à d’autres le soin de discuter de questions économiques tout aussi pressantes et non dépourvues d’influence sur la réussite de la transition vers la démocratie, l’état de droit et une meilleure décentralisation.

Près de quatre ans plus tard, il ne semble pas que ce constat de départ ait perdu en rien de sa pertinence. En effet, les problèmes économiques rencontrés notamment par les autorités locales et régionales d’Europe centrale et orientale restent en général suffisamment importants pour justifier la poursuite d’une action spécifique dans ce domaine.

Les Forums économiques, développés par le CPLRE en coopération avec la FEDRE, constituent une plate-forme de dialogue et d’échanges à l’échelle de la Grande Europe, qui apparaît très originale. Dans le domaine des pouvoirs locaux et régionaux, de tels événements, par leur périodicité (aujourd’hui une fois par an) et leur ampleur (près de 3000 participants depuis 1996), sont sans équivalent. Ils sont uniques également dans le sens où l’on ne discute pas de transferts de fonds publics occidentaux au titre d’une politique structurelle conçue dans une perspective de pré-adhésion, comme c’est le cas dans l’Union Européenne, ou au titre d’une aide à la transition, comme c’est le cas pour la BERD, mais de problèmes communs, sur une base d’égalité, dans l’optique de dégager des partenariats mutuellement profitables.

A côté des politiques de transferts de fonds ou d’aides techniques (UE, BERD) qui sont développées à l’échelle de la Grande Europe, il y a impérieusement besoin d’un dialogue permanent et « horizontal » entre les acteurs locaux et régionaux eux-mêmes, et les Forums constituent un instrument privilégié de ce dialogue.

Ayant démontré sa nécessité, il convient maintenant de réfléchir aux moyens d’améliorer cet instrument que constituent les Forums.

2. Des possibilités d’amélioration

L’organisation des Forums est le fruit d’une coopération à trois : la ville ou la région organisatrice (qui change chaque année), la FEDRE et le CPLRE (qui sont les deux éléments permanents).

La coopération entre les deux éléments permanents que sont la FEDRE et le CPLRE est bien rôdée et reste informelle. Le CPLRE choisit, en concertation avec la FEDRE, parmi les villes ou régions candidates, celle qui organise le prochain Forum. Il intervient dans la logistique (envoi de membres du secrétariat, interprètes, participation des délégués du CPLRE), concourt à la préparation (invitations), au retentissement (Déclaration finale, Communiqué de Presse) et au suivi de l’événement qui est intégré à ses activités. La FEDRE assure pour sa part une promotion des Forums par des dossiers qui leur sont consacrés dans la Revue Régions, partenaires de l’Europe - Regions, partners of Europe. Dès l’an 2000, elle pourra lui aménager une large place sur son site internet trilingue (français, anglais, russe). Elle contribue par ailleurs, grâce à ses contacts, à une plus grande participation des milieux économiques à ces Forums.

Le rôle des autorités invitantes est déterminant à maints égards, puisque ce sont elles qui organisent les choses sur place, contactent une bonne partie des conférenciers et invitent une proportion considérable des participants. Le Forum étant itinérant, chaque année, l’organisation sur place change, et le contexte de cette organisation change également. Loin de diminuer, l’importance de la ville ou de la région organisatrice s’est manifestée avec force lors des deux derniers Forums dans le choix du thème lui-même (Weimar), dans l’invitation d’un grand nombre de participants (avec parfois une délégation très importante de la région ou du pays-hôte), et dans le souci, plus ou moins marqué, de compléter ou non le Forum par l’organisation d’un nombre substantiel de stands d’exposition et de « points de contacts » entre les exposants et les congressistes.

Pour améliorer la continuité dans les prestations offertes par les villes ou régions organisatrices, la meilleure solution est de subordonner le choix de leur candidature à l’acceptation formelle, de leur part, d’un cahier des charges assez précis, spécifiant notamment, non seulement le thème du Forum, mais aussi les caractéristiques de la salle de conférence (y compris les cabines d’interprètes, les rétro-projecteurs, les connexions internet, l’existence d’un bar-restaurant à l’intérieur de l’édifice, gratuit ou payant, pour les congressistes), la mise à disposition d’espaces d’expositions (qui peuvent être payants) pour permettre à des régions ou des entreprises de se présenter, l’exigence au minimum d’une réception officielle organisée pour l’ensemble des conférenciers et participants, etc…

3. Une « continuité dans le changement » à maîtriser

Les Forums n’ont de sens que s’ils sont dotés d’un minimum d’inscriptions dans la durée. Mais ils revêtent par nature un caractère événementiel qui peut les rendre instables, surtout si l’on tient compte de leur aspect itinérant (à l’origine, on avait évoqué la possibilité, aujourd’hui abandonnée, de les organiser une fois sur deux à Genève) et de la nécessité d’assurer une certaine alternance Est/Ouest (avec la faculté d’y superposer une certaine alternance Nord/Sud). D’autre part, les thèmes abordés changent chaque fois, de même que souvent les préoccupations ou le mode de fonctionnement des organisateurs sur place.

Si chaque Forum demeurera par définition unique, on doit bien s’assurer qu’il s’inscrive parfaitement dans la continuité de l’action engagée depuis 1996. On doit notamment en garantir le caractère européen en plafonnant à 50% le coefficient de conférenciers et de participants issus de la région ou du pays hôte (ce qui n’a pas toujours été le cas dans le passé). La formule consistant à insérer dans le Programme, comme ce fut le cas par exemple à Bucarest, un atelier ou une table-ronde centrée sur une problématique propre au pays hôte permet par ailleurs de « personnaliser » chaque Forum sans en réduire trop la portée européenne. Il faut en outre assurer au maximum une participation des organismes représentatifs du monde économique et commercial telles que les Chambres de Commerce et d'Industrie, les Chambres professionnelles, etc.

Le Forum est en outre à la fois une fenêtre d'exposition du pays hôte pour les délégués venant d'autres pays et une plate-forme pour intensifier les contacts et la coopération interrégionale dans la perspective d'une solidarité commune pour un développement durable tant au plan économique qu'aux plans politique et démocratique.

Entre les Forums, l’accent doit être mis peut-être moins sur le suivi administratif que sur le suivi communicationnel, grâce au recours aux nouveaux médias, en poursuivant patiemment l’objectif d’une mise en réseau concrète de ces expériences, afin qu’elles puissent déployer plus complètement leurs effets. C’est dans ce sens également que la collaboration entre le Congrès, la FEDRE et les organisateurs sur place doit fonctionner.

En poursuivant le programme des rencontres économiques, le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux de l'Europe dispose d'un outil important pour compléter ses activités politiques avec des actions d'une dimension socio-économique. C'est un complément indispensable pour stabiliser et développer les structures démocratiques dans les nouveaux pays membres.

1 Le Rapporteur remercie Monsieur François Saint-Ouen, expert auprès du Congrès, pour son aide lors de l’élaboration du présent rapport.

2 Les versions française et anglaise ajoutent ici l’épithète « économiques », mais pas la version russe du programme. Cette remarque ne nous semble pas anodine par rapport aux considérations qui suivent.