15 mai 2017

Convention du Conseil de l´Europe pour combattre le trafic et la destruction de biens culturels

Le trafic d’objets d’art et d’antiquités est depuis des décennies une activité criminelle rentable et très répandue. Aujourd’hui, on continue de voler et de piller des objets culturels de musées, de galeries, de collections publiques et privées et d’édifices religieux alors que des sites et des monuments archéologiques importants sont victimes de fouilles sauvages et sont détruits. Les trafiquants profitent souvent du désordre causé par la guerre pour commettre leurs forfaits.

Alors que les échanges de biens culturels sont traditionnellement réalisés par des spécialistes constituant un réseau limité fondé sur la confiance, les milieux de la criminalité organisée en font de plus en plus un trafic, où le nombre et la valeur des transactions se sont accrus.

Il est difficile de combattre ces infractions parce qu’elles revêtent souvent une dimension transnationale, relevant de plusieurs juridictions nationales : les biens sont pillés dans un pays, écoulés et transportés illégalement dans d’autres avant de parvenir à leur destination finale.

Ces dernières années, les conflits armés d’Irak et de Syrie ont déclenché une augmentation du nombre d’objets anciens pillés et volés, ce qui est souvent dû à des groupes armés et des terroristes non liés à un Etat. Ces groupes ont dévasté des sites anciens tels que Palmyre, Mossoul et Nimroud pour financer leurs activités tout en détruisant des structures et des objets à des fins de propagande.

Le trafic de biens culturels est devenu un cercle vicieux : l’acquisition d’objets, souvent par des acheteurs occidentaux, encourage les vols, les pillages et les destructions dans les zones en conflit et contribue à faire durer ces derniers.

Une nouvelle convention axée sur le droit pénal

Préoccupé par la situation, le Conseil de l’Europe a adopté le 3 mai 2017 un nouveau traité de droit pénal international : la Convention sur les infractions visant des biens culturels. Ce texte vise à protéger les biens culturels et à empêcher et à combattre les infractions liées à ces biens.

Dans ce texte, les 47 Etats membres du Conseil de l’Europe rappellent que les biens culturels constituent un témoignage unique de l’histoire et de l’identité des sociétés humaines, qui doit être protégé en toutes circonstances.

Le traité offre aux Etats un nouvel outil pour combattre le trafic de biens culturels et pour pouvoir enquêter, poursuivre, sanctionner et /  ou extrader les personnes soupçonnées ou condamnées pour les infractions visées dans la Convention.


La Convention, adoptée dans le cadre de l’action menée par l’Organisation pour combattre le terrorisme et la criminalité organisée, vise à favoriser la coopération internationale dans ce domaine et sera ouverte à la signature des Etats non membres du Conseil de l’Europe. Elleprotège les biens culturels de tout État, qu´il soit ou non Partie au traité.

Ce nouvel instrument, le seul qui prévoit spécifiquement la criminalisation du trafic et de la destruction illégale de biens culturels, comble une lacune du droit international, car aucune des conventions existantes ne traite des questions relevant du droit pénal.

Il développe et complète la Convention de l’UNESCO de 1970 concernant les mesures à prendre pour interdire et empêcher l’importation, l’exportation et le transfert de propriété illicites des biens culturels, la Convention de l’UNESCO de 1972 concernant la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel et la Convention d’Unidroit de 1995 sur les biens culturels volés ou illicitement exportés.

Infractions pénales

Le traité qualifie d’infractions pénales un certain nombre d’actes, comme le vol ainsi que d’autres formes d’appropriation illégales, les fouilles sauvages, et l’importation et l’exportation irrégulières de biens culturels quand elles sont commises intentionnellement.

Les Etats parties s’obligent à criminaliser l’acquisition et la « mise sur le marché » des biens culturels lorsque les auteurs, que ce soit des professionnels, des collectionneurs expérimentés ou de simples particuliers, connaissent la provenance illégale des biens. En outre, le texte invite les Etats parties à envisager de criminaliser ces actes même lorsqu’ils sont commis par des professionnels ou des collectionneurs qui auraient dû savoir que les biens culturels étaient d’origine illégale, mais qui n’ont pas fait preuve de l’attention et de la diligence requises.

L’infraction de « mise sur le marché » couvre les actes de fourniture de biens culturels ayant été échangés en fraude et le fait d’offrir à la vente de tels biens culturels, non seulement par les canaux traditionnels comme les marchés aux puces, les magasins d’antiquaires et les salles de vente, mais aussi par les marchés en ligne et les réseaux sociaux.

La Convention criminalise aussi la falsification de pièces justificatives et la destruction ou la dégradation de biens culturels si ces actes revêtent un caractère intentionnel.

Sanctions

Les Etats parties doivent faire en sorte que les infractions liées aux biens culturels soient réprimées par des sanctions effectives, proportionnées et dissuasives, qui tiennent compte de la gravité de l’infraction et qui peuvent comprendre des peines de prison et / ou des amendes.

Les personnes morales peuvent aussi être tenues responsables d’un tel trafic, être frappées d’une interdiction temporaire ou définitive d’exercer une activité commerciale, être privées du droit de bénéficier d’avantages ou d’aides publics, être placées sous contrôle judiciaire ou être condamnées à une dissolution judiciaire.


Le traité détermine des circonstances aggravantes lorsque les infractions sont commises :

§  par un professionnel comme un restaurateur, un conservateur, un commissaire-priseur ou un marchand, abusant de la confiance qui lui est faite ;

§  par un agent public ou un fonctionnaire chargé de la conservation de biens culturels comme un collaborateur de musées, de monuments et de sites archéologiques ;

§  dans le cadre d’une organisation criminelle ;

§  par un auteur récidiviste.

Mesures préventives

Le traité comprend un certain nombre de mesures à mettre en œuvre par les Etats-parties pour empêcher la commission des infractions visées dans la Convention :

§  Créer ou développer des inventaires ou des bases de données concernant leurs biens culturels ;

§  Mettre en place des procédures de contrôle des importations et des exportations, y compris un mécanisme subordonnant l’importation et l’exportation de biens culturels meubles à la délivrance de certificats spécifiques ;

§  Introduire des dispositions de diligence requise pour les marchands d’art et d’antiquités, les salles de vente, ainsi que toute autre personne impliquée dans le commerce de biens culturels et imposer l’obligation d’établir des registres de leurs transactions, mis à la disposition des autorités compétentes ;

§  Permettre aux services de la force publique ou autres administrations nationales compétentes de suivre et de signaler les transactions ou les ventes suspectes sur internet ;

§  Encourager les fournisseurs de services internet, les plateformes internet et les vendeurs en ligne à coopérer pour empêcher le trafic de biens culturels.

Etapes suivantes

Le traité sera ouvert à la signature le 19 mai à Nicosie (Chypre) pendant la 127e session du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe, qui réunira les ministres des Affaires étrangères des 47 Etats-membres de l’Organisation

Il entrera en vigueur dès qu’il aura été ratifié par cinq Etats, dont trois doivent être membres du Conseil de l’Europe.

Il crée un mécanisme de suivi chargé de le mettre effectivement en œuvre, qui est composé de représentants des Etats parties.

Contact:

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