A distribuer | N. c. Suède
L’affaire en question a été portée devant la Cour européenne des droits de l’homme. Elle concerne N., une femme née en Afghanistan et vivant à Fagersta, en Suède.
13 août 2004 - N. et son mari, X., entrent illégalement en Suède avec l’aide d’un passeur.
16 août 2004 - N. et X. demandent l’asile en Suède et un permis de séjour. Ils affirment être victimes de persécution depuis 1996 en raison de l’implication de X. dans le parti communiste, qui avait également conduit à son arrestation à deux reprises et au déménagement du couple à Kaboul. X affirme être en mauvaise santé : somnolence, anxiété et comportement agressif. N. affirme que, en tant qu’enseignante pour les femmes, sa position politique est connue et très mal acceptée par l’élite dirigeante à Kaboul.
29 mars 2005 – L’Office des migrations rejette la demande du couple, soutenant que la situation à Kaboul est meilleure que dans d’autres régions du pays. Par ailleurs, il remet en question l’affirmation selon laquelle la vie du couple serait en danger s’il retournait en Afghanistan. L’Office des migrations juge que les informations fournies sont trop vagues et qu’une santé mentale fragile ne constitue pas un motif d’asile.
2005 - Le couple fait appel de la décision. En plus des motifs ci-dessus, N. informe le tribunal qu’elle s’est séparée de son mari, qu’elle vit seule et a l’intention de demander le divorce, même si X. s’y oppose. Elle risque donc d’être gravement persécutée en Afghanistan, car il serait estimé qu’elle a déshonoré à la fois X. et sa famille. Elle pense que la famille de X. cherchera à se venger et que, dans le meilleur des cas, elle se retrouvera en situation d’exclusion. Elle affirme également qu’elle n’a pas été en mesure d’obtenir le divorce en Afghanistan, soulignant que la punition pour adultère dans son pays est la mort par lapidation.
19 mars 2007 - L’appel est rejeté. Selon la Cour, X. n’a pas réussi à démontrer qu’il serait utile aux mouvements de résistance en Afghanistan. En ce qui concerne N., la Cour souligne que l’interdiction faite à l’éducation des femmes a été remplacée par une politique d’action positive, et qu’un temps considérable s’est écoulé depuis que N. s’est engagée dans cette cause. En ce qui concerne sa vie privée, la Cour fait remarquer que N. n’était pas officiellement divorcée et que, selon sa déclaration, elle n’avait pas eu d’autre liaison conjugale – elle ne risquait donc pas d’être punie pour adultère. La Cour note également que N. n’a pas démontré que sa famille l’avait rejetée, de sorte qu’elle a un réseau en Afghanistan.
4 septembre 2007 - N. interjette à nouveau appel, mais est déboutée, ce qui rend la décision finale et les mesures d’expulsion exécutoires.
27 octobre 2007, 28 janvier 2008 - N. invoque de nouvelles circonstances et demande à deux reprises un permis de séjour. Sa demande est rejetée.
Février 2008 – N. demande le divorce devant la Cour de Suède en projetant d’invoquer le divorce comme motif pour empêcher son expulsion. X. informe le tribunal qu’il s’oppose au divorce.
19 novembre 2008 - La Cour rejette la requête, affirmant qu’elle n’est pas compétente au motif que le couple n’a pas sa résidence légale en Suède.
17 octobre 2008 - N. demande une révision de la demande d’asile et l’arrêt de la procédure d’expulsion. Elle fait état d’une aggravation de la situation à Kaboul et d’une crainte fondée de persécution, puisqu’elle a depuis entamé une relation avec un Suédois et risque donc la peine de mort en Afghanistan. Elle affirme n’avoir eu aucun contact avec sa famille depuis 2005. La réévaluation est rejetée.
17 février 2009 - Toutes les tentatives de recours contre cette décision sont rejetées et l’affaire est transférée à la police pour exécution de la décision d’expulsion.
28 avril 2009 - N. porte l’affaire devant la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH). Aux informations présentées ci-dessus, elle ajoute la lettre d’un Suédois qui confirme qu’ils sont en couple depuis 2008 et vivent ensemble dans son appartement depuis avril 2009. Le Gouvernement suédois déclare que cette information n’a pas été présentée auparavant par N., bien qu’elle eût pu être pertinente pour sa demande d’asile. Le gouvernement ajoute que l’adresse postale de N. n’a pas été remplacée par celle de l’appartement de l’homme. La Cour notifie au gouvernement qu’il n’est pas recommandé d’exécuter les mesures d’expulsion pendant la durée du procès.
Carte de rôle pour les juges
Votre rôle est de décider si l’expulsion de N. vers l’Afghanistan constituerait une violation de l’article 3. Vous êtes également chargé de présider l’audience de la Cour. Vous devez vous assurer que chaque partie présente ses principaux arguments en cinq minutes maximum et préparer des questions pour chacune des parties en présence. Les questions doivent être conçues de manière à vous apporter l’information dont vous avez besoin pour vous prononcer. À la fin de l’audience, chacun des membres de votre groupe devra présenter sa décision et les arguments à l’appui.
Informations sur la situation des femmes en Afghanistan
Source : Principes directeurs du HCR relatifs à l’éligibilité dans le cadre de l’évaluation des besoins de protection internationale des demandeurs d’asile afghans de juillet 2009
Au regard des violations graves et répandues des droits de l’homme et des conflits armés dans de nombreuses régions du pays, le HCR estime qu’un nombre important de demandeurs d’asile afghans ont besoin d’une protection internationale. Les demandes d’asile présentées par des demandeurs d’asile afghans doivent être examinées au cas par cas, selon des procédures équitables et efficaces de détermination du statut de réfugié, y compris le droit d’appel. Une attention favorable devrait être accordée aux groupes spécifiques identifiés dans les présents principes directeurs, y compris, mais sans s’y limiter, les suivants : (i) les personnes perçues comme contrevenant à la loi islamique et les membres de groupes religieux minoritaires ; ii) les groupes ethniques minoritaires ; iii) les personnes associées au gouvernement ou perçues comme soutenant celui-ci, y compris les membres de la société civile ; iv) les partisans réels ou perçus des groupes armés antigouvernementaux ; v) les journalistes ; vi) les personnes associées au Parti démocratique populaire d’Afghanistan ou autres partis politiques de gauche ; vii) les femmes ; viii) les enfants ; ix) les personnes exposées au risque de vendettas.
Les femmes sont particulièrement exposées au risque de mauvais traitements si elles sont perçues comme ne se conformant pas aux rôles qui leur sont attribués par la société, la tradition et même le système juridique. Les mauvais traitements prennent diverses formes et peuvent être infligés par plusieurs acteurs, y compris des membres de la famille. Ces mauvais traitements englobent la violence familiale, les peines privatives de liberté excessives et les traitements inhumains et dégradants. La loi sur le statut de la personne chiite (2009) exige des femmes de se conformer aux demandes sexuelles de leur mari et d’obtenir leur permission pour partir du domicile, sauf en cas d’urgence. Le code n’a pas encore été mis en œuvre et fait actuellement l’objet d’un examen à la suite de pressions internationales.
Les cas de violences physiques perpétrées contre les femmes et les filles en Afghanistan ont augmenté d’environ 40 % au cours de la période allant de mars 2007 à mars 2008. Les chiffres actuels indiquent que jusqu’à 80 % des femmes afghanes sont actuellement touchées par la violence domestique.
Les femmes afghanes, qui ont adopté un mode de vie moins conservateur sur le plan culturel, comme celles qui reviennent d’exil en Iran ou en Europe, continuent d’être perçues comme transgressant des normes sociales et religieuses solidement ancrées et peuvent, par conséquent, être victimes de violence familiale et d’autres formes de sanction allant de l’isolement et de la stigmatisation aux crimes d’honneur pour celles accusées de faire peser la honte sur leur famille, leur communauté ou leur tribu.
Les femmes non accompagnées ou sans « tuteur » masculin (mahram) continuent de se heurter à des difficultés pour mener une vie sociale normale. Il s’agit notamment des femmes divorcées, des femmes célibataires qui ne sont pas vierges et des femmes dont les engagements de mariage ont été rompus. À moins qu’elles ne se marient, ce qui est très difficile étant donné la stigmatisation sociale dont ces femmes font l’objet, le rejet social et la discrimination restent la norme. De nombreuses femmes afghanes ne peuvent quitter l’enceinte familiale sans une burqa et un compagnon masculin, qui doit être un mari ou un parent proche. Les femmes sans soutien et protection de la part des hommes n’ont généralement pas les moyens de survivre, étant donné les restrictions sociales imposées aux femmes vivant seules, y compris les restrictions à leur liberté de mouvement. Incapables de vivre de façon autonome, elles endurent des années de quasi-détention, ce qui incite bon nombre d’entre elles à retourner à des situations familiales abusives. Les résultats de cette « réconciliation » ne sont généralement pas contrôlés et les abus ou les crimes d’honneur commis au retour le sont souvent en toute impunité. En outre, les militantes des droits des femmes font l’objet de menaces et d’intimidations, en particulier si elles parlent ouvertement des droits des femmes, du rôle de l’Islam ou du comportement des commandants.
Convention européenne des droits de l’homme
Article 3 - Interdiction de la torture
Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants.
Carte de rôle pour N
Vous disposez de 30 minutes pour examiner l’affaire et préparer votre déclaration liminaire, qui doit prouver que votre expulsion vers l’Afghanistan constituerait une violation de l’article 3.
Les allégations de N. :
· Elle court un risque réel d’être persécutée ou même condamnée à mort parce qu’elle est séparée de son mari et qu’elle vit maintenant avec un autre homme.
· Elle risque d’être soumise à des traitements inhumains et dégradants, car sa famille l’a reniée, et elle n’a ni réseau social ni protection masculine en Afghanistan.
· Elle croit que sa famille et celle de son mari auront été informées de sa tentative de divorce.
· Elle ne peut pas divorcer de son mari en Afghanistan, car elle a besoin de deux témoins pour appuyer sa demande. Malgré cela, elle court toujours le risque d’être soumise à des traitements inhumains et dégradants.
Convention européenne des droits de l’homme
Article 3 - Interdiction de la torture
Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants.
Carte de rôle pour le Gouvernement suédois
Vous disposez de 30 minutes pour examiner l’affaire et préparer votre déclaration liminaire, qui doit prouver que l’expulsion de N. vers l’Afghanistan ne constituerait pas une violation de l’article 3.
Vos allégations :
Alors que les rapports internationaux confirment les conditions très difficiles pour les femmes en Afghanistan, la situation à Kaboul est légèrement meilleure que celle qui règne dans le reste du pays.
La requérante n’a pas apporté la preuve suffisante qu’elle court un risque réel et concret d’être soumise à des mauvais traitements, que ce soit par le gouvernement et/ou par des particuliers.
La crédibilité générale de N. est remise en question, car son histoire était vague et manquait de détails, particulièrement en ce qui concerne sa liaison extraconjugale. Rien n’indique que cette affaire soit connue des autorités afghanes, ni de sa famille, ni de celle de son mari.
Juridiquement, elle est toujours mariée et rien n’indique que les autorités afghanes ou les familles soient au courant de sa tentative de divorce en Suède. Il est encore possible, dans certaines circonstances (par exemple, si son mari est malade et que cela a mis sa femme en danger) qu’elle divorce en Afghanistan.
Convention européenne des droits de l’homme
Article 3 - Interdiction de la torture
Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants.