2022 HELP Network Conference
Council of Europe immediate support to Ukraine
Frédéric Dolt
[M. le Ministre]
Excellences,
Mesdames et messieurs,
Comme cela a été annoncé, le reste de cette matinée sera consacré à l’Ukraine, en commençant par un point sur le soutien immédiat du Conseil de l’Europe à notre Etat membre. J’en esquisserai les grandes lignes, puis céderai la parole à M. Jeremy Mc Bride, qui vous parlera du Groupe Consultatif d’experts dont il est membre.
Je voudrais commencer par rappeler le cadre général dans lequel se place ce soutien.
Il a, avant toute chose, été politique : immédiat, total, et à la mesure de ce que représente l’agression menée par la Fédération de Russie depuis le 24 février :
- « Une rupture de la paix sur le continent européen d’une ampleur sans précédent depuis la création du Conseil de l'Europe » comme l’ont dit les ministres des affaires étrangères réunis à Turin, en mai ;
- Et « un moment de transformation de notre histoire européenne, un moment où la paix et la sécurité relatives que nous tenions pour acquises sur notre continent ont été fracassées par la guerre de la Russie en Ukraine » pour reprendre les mots du Président de la Cour européenne des droits de l’homme, lors de l’audience solennelle de la Cour, vendredi dernier.
Je n’en rappellerai pas tous les détails, mais, vous le savez, littéralement dans les heures qui ont suivi le début de l’agression, notre principal organe décisionnel, le Comité des Ministres, suspendait la Fédération de Russie de ses droits de représentation et peu après, ayant consulté l’Assemblée Parlementaire, il a exclu ce pays de l’Organisation.
« Condamnation dans les termes les plus forts de l’agression » ; « soutien sans réserve à l’Ukraine et (…) solidarité avec son peuple » ; appel à la Fédération de Russie « à immédiatement cesser son agression, retirer complètement et sans condition ses forces d'occupation du territoire de l'Ukraine, et libérer toutes les personnes civiles enlevées (…) » -
Ce sont là certains des termes utilisés par le Comité des Ministres.
Fondé sur ce soutien politique, le soutien concret du Conseil de l’Europe à l’Ukraine et sa population est protéiforme, mais toujours basé sur le mandat de l’Organisation.
Ce mandat est clair : le Conseil de l’Europe n’est pas une organisation humanitaire ni de défense.
Toute notre action porte sur le respect des droits de l’homme, des standards démocratiques et de l’Etat de droit.
Nos institutions jouent dès lors pleinement leur rôle, conformément là encore leurs mandats respectifs, à commencer par la Cour européenne des droits de l’homme.
La Cour a en effet immédiatement accordé des mesures provisoires importantes contre la Fédération de Russie, dans les jours et les semaines qui ont suivi le début de l’agression.
Par ailleurs, la Cour plénière a tiré les conséquences de la cessation de la qualité d’Etat membre de la Fédération de Russie et a déclaré le 22 mars qu’à compter du 16 septembre, la Fédération de Russie cesserait d’être une Haute Partie contractante à la Convention.
Comme le Président Spano l’a rappelé vendredi à l’audience solennelle, « la Cour restera compétente pour connaître des requêtes concernant des actions et omissions de la Fédération de Russie susceptibles de constituer une violation de la Convention, pour autant qu’elles soient antérieures à cette date » du 16 septembre - même si bien sûr la Cour conserve toute latitude pour « l’examen de toute question de droit, relative à l’expulsion, qui pourrait se poser dans le cadre de l’exercice par la Cour de la compétence que la Convention lui donne d’examiner les affaires portées devant elle ».
Pas plus tard que mardi soir, la Cour a d’ailleurs annoncé avoir enregistré une nouvelle requête interétatique Ukraine c. Russie englobant une longue série de griefs relatifs à l’agression débutée en février.
La Cour est actuellement saisie de cinq affaires interétatiques introduites par l’Ukraine contre la Fédération de Russie et environ 8 500 requêtes individuelles introduites devant elle semblent se rapporter aux événements survenus en Crimée, dans l’est de l’Ukraine et dans la mer d’Azov.
D’autres institutions que la Cour jouent également le rôle qui est le leur en vertu de leur mandat, telle que par exemple la Commissaire aux droits de l’homme.
L’Organisation apporte également un soutien très opérationnel à l’Ukraine.
Notamment, depuis le mois de mars, nous soutenons les services de la Procureure générale d’Ukraine – le prochain orateur vous parlera davantage.
Plus largement, nos activités de coopération avec l’Ukraine ont été réorientées, en consultation et en accord avec les autorités ukrainiennes, pour tenir compte des réalités du terrain, des besoins existants, et de notre valeur ajoutée – dans un contexte ou grand nombre d’acteurs internationaux interviennent au côté de l’Ukraine.
Lors de leur Session de Turin, les Ministres des affaires étrangères ont ainsi adopté un Plan d’action ajusté pour l’Ukraine 2018-2022 comprenant des mesures destinées :
- à protéger les personnes déplacées,
- soutenir les professionnels du droit,
- donner des conseils liés à la Convention européenne des droits de l’homme,
- rassembler des preuves sur les violations des droits de l’homme,
- protéger les droits des enfants,
- lutter contre la violence à l’égard des femmes et la traite,
- protéger les personnes vulnérables, y compris les Roms, et prévenir la discrimination,
- soutenir les médias ukrainiens
- soutenir le système judiciaire.
Cela signifie que tous les projets de coopération sont amendés pour rendre ces orientations opérationnelles.
Pour n’en citer que l’un ou l’autre exemples :
Nous fournissons une assistance d'experts sur les conséquences en matière de procédure pénale de la dérogation en cours au titre de l’article 15 de la CEDH.
Plus généralement nous apportons un soutien et de l’orientation sur la mise en œuvre de la Convention européenne des droits de l’homme en temps de guerre ; la formation en fait partie, il en sera question plus tard – avec un accent particulier sur HELP, bien sûr.
Nous menons des actions de renforcement des capacités pour la documentation des violations graves des droits de l’homme, par exemple sur la question de l’admissibilité de preuves électroniques collectées en « open source », avec notre Bureau de programme sur la cybercriminalité à Bucarest, le C-PROC.
Nous soutenons encore le système judiciaire en vue d’assurer son fonctionnement et l'application de la loi en temps de guerre. Ainsi, les experts de la CEPEJ, la Commission européenne pour l’efficacité la justice, travaillent avec la Cour suprême sur les audiences à distance et l’usage de la visioconférence dans le travail judiciaire.
Pour ne pas être trop long, je ne ferai que mentionner qu’au-delà du travail avec l’Ukraine, le Conseil de l’Europe aide aussi ses États membres à garantir les droits fondamentaux des réfugiés ukrainiens, que ce soit grâce au soutien financier de notre Banque de développement, ou par l’assistance apportée par la Représentante spéciale de la Secrétaire Générale sur les migrations et les réfugiés.
Je m’arrêterai là.
Encore une fois, il ne s’agit que d’un tableau brossé à grands traits, mais qui permettra, je l’espère, de placer les présentations suivantes dans leur contexte plus large.
J’ai à présent le plaisir de passer la parole à M. Mc Bride, qui est Barrister et qui collabore régulièrement avec le Conseil de l’Europe.
C’est, je l’ai dit, en sa qualité de membre du Groupe consultatif d’experts auprès du Bureau de la Procureure Générale de l’Ukraine qu’il s’exprimera.
M. Mc Bride vous avez la parole.