COMMUNIQUÉ DE PRESSE

Communication

Réf. DC 183(2023)

Pologne : selon le comité d'experts, il faut redoubler d'efforts pour garantir l’usage des langues régionales ou minoritaires

Strasbourg, 31.08.2023 – La Pologne doit adopter une approche plus « proactive » et « structurée » pour promouvoir les langues régionales ou minoritaires, selon un rapport publié aujourd'hui par le Comité d'experts qui veille au respect des obligations découlant de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires du Conseil de l'Europe.

Bien que la législation polonaise fournisse un cadre pour l'utilisation des langues régionales ou minoritaires dans des domaines tels que l’enseignement, l'administration, les médias, la culture - et que les autorités polonaises apportent un soutien financier aux activités et initiatives dans les langues couvertes par la Charte - le rapport a constaté des lacunes importantes dans la mise en œuvre de la Charte, qui est entrée en vigueur en Pologne en 2009 et s'applique aux langues suivantes : allemand, arménien, bélarussien, kachoube, karaïm, lemkovien, lituanien, romani, russe, slovaque, tatar, tchèque, ukrainien et yiddish.

Se fondant sur la situation politique et juridique qui prévalait au moment de la visite du comité d'experts en Pologne en mars de cette année, le rapport constate des « conséquences négatives évidentes » après que la Pologne a réduit l'enseignement de l'allemand en tant que langue minoritaire depuis septembre dernier à seulement une heure par semaine, contrairement aux trois heures prévues pour les autres langues régionales ou minoritaires. L'annulation de cette mesure est l'une des principales recommandations du rapport.

En outre, l'enseignement dans les langues régionales ou minoritaires, comme prévu par les engagements ratifiés, reste une exception, la plupart des langues n'étant enseignées qu’en tant que  simple matière. Même dans ces cas-là, la continuité de l'enseignement du niveau maternelle au niveau secondaire n'est pas toujours garantie. Certaines langues ne sont pas du tout enseignées dans les écoles et la disponibilité des enseignants ainsi que la fourniture de manuels scolaires restent problématiques. Certes, la subvention à l'éducation accordée par les autorités nationales aux autorités locales - un moyen important de promouvoir l'enseignement des langues régionales ou minoritaires - continue d'être versée, mais il existe toujours un « besoin évident d'améliorer le système » et de rendre cette subvention plus efficace et transparente, en étroite coopération avec les locuteurs des langues régionales ou minoritaires.

Le rapport fait également état de l'utilisation « rare » des langues régionales ou minoritaires dans l'administration et de l'absence de toute « évolution juridique ou pratique dans ce domaine, où la situation est pratiquement au point mort ». En effet, en Pologne, un seuil de 20 % « fait obstacle » à l’usage des langues régionales ou minoritaires dans l'administration, malgré les recommandations antérieures émises dans le cadre du processus de suivi invitant les autorités polonaises à reconsidérer ce seuil. Seules quatre langues satisfont aux exigences légales en matière d’usage dans les relations avec les municipalités, mais, même dans ces cas-là, la mise en œuvre est incohérente – et elles ne sont « guère utilisées » dans la pratique. S’il existe des panneaux toponymiques bilingues dans cinq langues, les demandes d'enregistrement de nouveaux toponymes bilingues déposées de longue date par les municipalités n'ont cependant pas abouti. Le rapport note que les panneaux indicateurs en langue allemande retirés après l’agrandissement de la ville d'Opole en 2017 n'ont pas été réinstallés. 

Le rapport s'inquiète en outre de la présence des langues régionales ou minoritaires dans les médias. Alors que la Pologne s'est engagée à créer des stations de radio et des chaînes de télévision publiques dans les langues régionales ou minoritaires, seuls des programmes dans certaines de ces langues sont diffusés et leur durée et leur fréquence sont « insuffisantes ». Quelques langues seulement sont présentes dans les médias de radiodiffusion privés.

Le rapport note le soutien financier apporté par les autorités à diverses activités culturelles organisées par des associations de défense des langues régionales ou minoritaires. En outre, des institutions, musées et bibliothèques organisent des activités qui incluent les langues et cultures régionales ou minoritaires. D'autre part, les représentants des locuteurs de langues régionales ou minoritaires ont souligné les difficultés liées au financement annuel par projet, à la viabilité et à la capacité de planifier les activités.

Les recommandations adressées à la Pologne dans le rapport qui sont considérées comme « prioritaires » sont les suivantes :

1.      revenir sur les mesures réduisant l'enseignement de l'allemand en tant que langue minoritaire dans l'éducation et mettre en place un enseignement en allemand, bélarussien, kachoube, lemkovien et ukrainien aux niveaux maternelle, primaire et secondaire ;

2.      adopter une politique structurée pour l'application de la Charte à chaque langue régionale ou minoritaire, notamment des mesures souples visant à faciliter sa mise en œuvre pour l’arménien, le karaïm, le romani, le russe, le slovaque, le tatar, le tchèque et le yiddish, en coopération avec les locuteurs ;

3.      assurer la formation initiale et continue d'un nombre suffisant d'enseignants pour l'enseignement en/des langues régionales ou minoritaires, et fournir des manuels et autres matériels pédagogiques à jour ;

4.      redoubler d’efforts pour sensibiliser la société polonaise dans son ensemble et promouvoir la tolérance à l’égard des langues régionales ou minoritaires et des cultures dont elles sont l’expression ;

5.      mettre en œuvre les dispositions ratifiées de l'article 10 (autorités administratives et services publics) dans les unités administratives locales et régionales où les locuteurs sont traditionnellement présents en nombre suffisant, indépendamment du seuil des 20 % ;

6.      élargir la diffusion de programmes radiophoniques et télévisés dans toutes les langues régionales ou minoritaires.

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La Charte européenne des langues régionales ou minoritaires est la Convention du Conseil de l’Europe qui protège et promeut les langues régionales ou minoritaires traditionnellement parlées dans les Etats parties. Elle permet aux locuteurs de ces langues de les utiliser à la fois dans la vie privée et la vie publique. Sa mise en œuvre est contrôlée par un comité d’experts indépendants. Entré en vigueur le 1er mars 1998, ce traité est aujourd’hui en vigueur dans 25 Etats.

La Charte européenne des langues régionales ou minoritaires et la Pologne

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