Strasbourg, le 15 décembre 2000
Elections municpales au Kosovo - 28 octobre 2000
Alain Chénard (France, L), Président de la délégation d’observateurs
Louis Roppe (Belgique, L), Rapporteur
Adopté à l’unanimité par le Bureau du Congrès le 15 décembre 2000
Observations par le Congrès des Pouvoirs locaux et Régionaux de l’Europe
1. Pour les premières élections municipales au Kosovo, organisées dans le cadre de la Résolution 1244 des Nations Unies et de la Mission intérimaire des Nations Unies au Kosovo (MINUK) par l’OSCE, le Congrès des Pouvoirs Locaux et Régionaux de l’Europe s’est inséré dans une mission d’observation comprenant environ 150 observateurs, coordonnée par une mission créée spécialement par le Conseil de l’Europe au mois de juillet, la CEEOM (Council of Europe Elections Observation Mission) sous l’autorité de Victor Ruffy (Suisse), ancien Président de la Commission des affaires politiques de l’Assemblée parlementaire, et de Owen Masters (Royaume-Uni), membre du Congrès des Pouvoirs Locaux et Régionaux de l’Europe.
2. Dix membres du Congrès et le Chef Adjoint de son Secrétariat ont pris part à cette observation des élections tenues le 28 octobre 2000. En Annexe 1 figure la liste des observateurs du Congrès et leurs lieux de déploiement. La délégation du Congrès était conduite par M. Alain Chénard (France). Louis Roppe (Belgique) a été désigné comme rapporteur.
3. A juste titre, les Nations Unies et le Représentant spécial du Secrétaire Général, Bernard Kouchner, ont considéré ces élections comme un premier aboutissement de la politique des Nations Unies visant à doter le Kosovo d’une large autonomie tout en respectant l’intégrité et la souveraineté de la République fédérale de Yougoslavie, conformément aux exigences de la Résolution des Nations Unies sus-mentionnée. Elles étaient organisées par l’OSCE et son Chef de Mission, Daan Everts.
4. Les bases de l’enregistrement ont été jetées par la « Joint Registration Task Force » dirigée par Jeff Fisher, une structure reposant sur deux piliers de l’UNMIK représentant l’Administration Civile et l’OSCE. Il s'agit de l'aboutissement d'un long processus initié dès le mois de juin 1999 lorsque la mission des Nations Unies a été établie. Elle a cherché d’emblée l’aide du Conseil de l’Europe et du Congrès. En coopération avec l’OSCE, l’un des objectifs de ce travail consistait à préparer la mise en place des municipalités au Kosovo. Dans un premier temps, ces municipalités ont été dirigées par des administrateurs internationaux à la sélection desquels le Congrès a activement participé. Elles ont également été dotées de conseils municipaux formés à titre provisoire par les Nations Unies. De même, dès le début, le Congrès avait affirmé que ces élections devaient être basées sur une législation concernant les municipalités ce qui a été finalement le cas par la signature, par Bernard Kouchner, du Règlement n° 2000/45 sur l’autonomie des municipalités au Kosovo en juillet 2000. Si ce Règlement ne correspond pas en tous points aux attentes du Congrès, dans la mesure où particulièrement les municipalités ne seront pas dotées, dans cette première phase, de ressources propres, il a néanmoins fait un effort pour se rapprocher le plus possible des standards européens et cite, notamment dans son préambule, la Charte européenne de l’autonomie locale comme une des sources qui l’ont inspiré. Les experts du Congrès ont, de façon répétée, aidé à la conception de ce texte.
5. En ce qui concerne l’élection proprement dite, il faut d’abord constater que le fait même qu’elle ait pu avoir lieu au Kosovo est déjà un succès dans la mesure où ce territoire souffrait encore il y a un an d’une cruelle absence de toute structure administrative et politique digne de ce nom, comme cela avait alors été constaté par des rapports établis par le Congrès, parfois en coopération avec l’OSCE. Ceci vaut également pour la confection très rapide des listes électorales qui n’a été commencée qu’au mois de mars 2000 et qui avait été menée à bien jusqu’à la fin du mois de juillet, avec quelques possibilités de rattrapage créées pour le mois d’août et le mois de septembre.
6. Le fait même que peu d’électeurs aient dû être refusés constitue un succès majeur. Il en est de même pour le fait que ces élections se soient déroulées dans le calme, notamment entre les différents partis albanais alors que l’on avait pu craindre des affrontements sanglants tels qu’on en avait connu un certain moment lors de la campagne qui a précédé les élections. A noter dans ce contexte que la police internationale et la KFOR ont également fait de leur mieux pour assurer un déroulement sans problème de ces élections, même si l’action de la police internationale s’est avérée parfois difficile ou insuffisante.
7. Le fait également d’amener au Kosovo 150 observateurs par la Mission du Conseil de l’Europe et plusieurs centaines de superviseurs internationaux pour les bureaux de vote par les soins de l’OSCE sans que cela crée des problèmes majeurs d’infrastructure et de gestion est en soi également un succès. Le rapport général de la Mission d’observation dont les observateurs du Congrès partagent les conclusions est disponible [SG/Inf (2000)44 du 17 novembre 2000]. Dans les Recommandations du Rapport final, nous aimerions notamment souligner les deux premières : « Ces élections ont constitué un excellent point de départ pour la démocratie locale au Kosovo. La communauté internationale doit maintenant apporter un soutien pratique aux nouvelles communes, notamment en matière de formation. » et « Le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux de l’Europe doit continuer à participer aux changements en cours dans le gouvernement local du Kosovo. Il importe également qu’il encourage et contrôle la mise en application de la Charte européenne de l’autonomie locale dans cette province. » ainsi que la dernière « Nous recommandons qu’au début de 2001, le Conseil de l’Europe envoie une mission qui se rendra dans chaque commune et fera rapport de l’application du Règlement 2000/45 sur l’autonomie locale au Kosovo et, en particulier, du fonctionnement de l’assemblée municipale, ainsi que des commissions chargées de la politique et des finances municipales, et des communautés. ».
8. L’Assemblée parlementaire était également présente à l’observation et a soumis un rapport par son Rapporteur Ans Zwerver (Pays-Bas, Groupe Socialiste) [AS/Bur (2000) 075] du 31 octobre 2000) dont les observateurs du Congrès partagent également les conclusions.
9. Les observateurs du Congrès ont collaboré étroitement avec des observateurs du Comité des Régions de l’Union européenne qui participaient pour la première fois à une telle mission, le Parlement européen n’ayant pas souhaité s’impliquer dans l’observation d’une élection municipale. Les observateurs des deux côtés étaient d’accord pour continuer la collaboration, notamment en vue d’assurer un suivi pour la mise en place et la formation des municipalités nouvellement constituées.
10. Le handicap majeur de ces élections était le fait que la population serbe au Kosovo et en Serbie même ne s’est pas enregistrée pour ces élections, suite notamment aux pressions exercées par Belgrade et malgré la bonne volonté affichée par certains interlocuteurs serbes au Kosovo même. Les changements politiques majeurs à Belgrade sont intervenus trop tardivement pour pouvoir avoir une influence quelconque sur ce fait. Toutefois, si la situation devait changer à l’avenir, Bernard Kouchner a promis aux Serbes que des élections complémentaires pourraient être organisées, le cas échéant.
11. Autre point regrettable : le boycott de l’enregistrement de l’élection par un certain nombre de représentants de la minorité turque qui reprochaient de ne pas avoir utilisé le turque comme langue officielle au Kosovo alors que cette langue lui était reconnue lors de la période de province autonome à l’intérieur de la République fédérale de Yougoslavie. Ce fait est également regrettable même si l’on peut estimer que des élus turques dans les municipalités seraient peut-être mieux à même de continuer la lutte pour la reconnaissance de leurs droits spécifiques à l’intérieur des structures plutôt que de l’extérieur. Certains Bosniaques ont également critiqué l’absence d’affiches et de matériaux d’élection dans leur langue. A cet égard, il faut toutefois indiquer que la documentation officielle dans les bureaux de vote disponible était bilingue albanais/serbe.
12. Si ces élections sont donc, dans l’ensemble, un succès majeur et une pièce importante pour la voie du Kosovo vers des institutions démocratiques dignes des standards européens, il faut également constater un certain nombre d’éléments négatifs observés lors de ces élections, même si ces éléments n’ont pas de portée générale sur le succès du processus.
13. On peut espérer d’ailleurs que le fait que des forces, considérées généralement comme modérées, aient remporté une bonne partie des municipalités au Kosovo, peut permettre de renouer un dialogue avec les autorités de Belgrade, le moment venu, qui pourrait notamment permettre de trouver des solutions adéquates et appropriées pour la situation de la minorité serbe au Kosovo qui souffre actuellement d’une situation d’insécurité et d’une « ghettoisation » dans de nombreux endroits.
14. L’élection a été, par ailleurs, rendue difficile par des procédures compliquées.
15. En tout premier lieu, ceci concerne la présentation des listes électorales. En effet, ces listes n’étaient pas spécialement transparentes, en particulier, il n’y avait pas de lien entre la liste alphabétique produite et, première en son genre, une liste contenant les différentes données des électeurs par photo mais qui contenait uniquement des numéros de série et qui n’était pas présentée en liste alphabétique. Or, les électeurs étaient normalement censés signer la liste sur laquelle il y avait les photos.
16. Un autre problème concernant la liste électorale était le fait qu’elle avait été compulsée à l’origine comme enregistrement civil et qu’elle contenait donc les noms de personnes ayant entre 16 et 18 ans à qui le droit de vote n’avait pas été octroyé. Ceci a créé un problème dans la mesure où certains jeunes entre 16 et 18 ans ont essayé de voter et ont réussi à voter occasionnellement, les membres de la commission électorale ne se rendant pas compte de cette situation. Il n’y avait pas plus de lien entre le récépissé donné aux électeurs lors de l’enregistrement et les listes électorales. Par conséquent, les commissions électorales ont perdu énormément de temps à rechercher l’endroit auquel un électeur pouvait se trouver sur la liste. Ceci a conduit à des listes d’attente énormes devant les bureaux de vote qui n’étaient souvent pas épuisées lors du soir du scrutin ce qui a entraîné le fait que, dans certains bureaux, les gens ont dû voter jusqu’à 8 heures, 9 heures, voire minuit avant que le compte des votes n’ait pu commencer.
17. A cet égard, il faut aussi rappeler que la MINUK avait, à l’origine, promis à la population du Kosovo que l’enregistrement ne servirait pas uniquement à confectionner les listes électorales, mais qu’il devait également permettre l’émission de papiers d’identité. De nombreuses difficultés n’ont pas permis de réaliser cette promesse avant les élections. Ceci est regrettable et peut avoir entraîné des frustrations chez certains électeurs. Peut-être faudra-t-il reprendre cette idée et la concrétiser.
18. Un deuxième problème concerne les bulletins de vote qui étaient très compliqués, sans doute par esprit de correction politique. En particulier, l’électeur avait la possibilité de donner un vote à un parti, et ensuite de favoriser un des noms des candidats de ce parti (et de ce parti exclusivement). L’électeur pouvait également voter pour des candidats individuels qui pouvaient se présenter sans être liés à un parti. Or, les listes des candidats étaient trop longues pour figurer sur le bulletin de vote et l’électeur devait donc se reporter à des numéros qui figuraient sur les listes affichées dans les bureaux électoraux et dans chacun des isoloirs. Il est surprenant de constater que la plupart des électeurs ont bien compris ce système, qu’ils ont réussi à s’en servir, même en milieu rural et que le nombre des électeurs qui n’ont pas du tout compris le système était relativement limité, comme en témoigne le peu de bulletins qui ont été invalidés. En revanche, cette structure compliquée du bulletin de vote a conduit à une extrême lenteur du processus de comptage et n’a pas permis la publication rapide des résultats.
19. Une autre difficulté de ce processus était la possibilité de voter par bulletin conditionnel, dans certaines conditions et, notamment si l’électeur ne figurait pas dans la liste du bureau de vote en question. Ceci entraîne évidemment des difficultés de compter les voix et la nécessité d’avoir des bureaux de vote très compliqués permettant de voter pour chacune des 30 municipalités du Kosovo. Cependant, il n’avait pas été possible d’organiser des bureaux de vote spécialisés pour cette activité. Par conséquent, beaucoup de bureaux de vote avaient une double fonction (« twin polling stations »), ce qui rajoutait encore à la complication du processus. De même, le vote à l’étranger ou le vote par correspondance de l’étranger est également une des questions compliquées, peut-être trop compliquées pour les élections municipales, ce qui a nécessairement retardé la publication des résultats définitifs du vote.
20. Un autre problème était constitué par les décisions parfois très tardives prises concernant le processus électoral. A titre d’exemple, la décision prise le soir même du scrutin de modifier la disposition qui voulait que tous les électeurs, qui attendaient déjà dans la queue au moment de la clôture du vote, pouvaient voter, pour permettre désormais à l’ensemble des électeurs présents, même ceux qui étaient arrivés après 19 heures, de voter. Ceci a entraîné une certaine confusion, certains électeurs n’en ayant pas été informés et n’ayant donc pas pu profiter de cette dernière chance. Ce fait est d’autant plus regrettable que des rumeurs avaient également circulé sur la réouverture éventuelle de certains bureaux de vote le jour suivant (dimanche 29 octobre), ce qui n’a pas été réalisé.
21. Un autre exemple de décision tardive concerne une directive donnée par Bernard Kouchner lui-même, en ce qui concerne la présence de drapeaux autres que ceux des Nations Unies et de l’OSCE. Après mûre réflexion et la veille au soir du scrutin, M. Kouchner a finalement décidé d’accepter que des drapeaux nationaux (en particulier le drapeau albanais) puissent être montrés au-dessus de l’entrée des bureaux de vote. Comme cette directive n’avait pas été communiquée à tous, des querelles autour du drapeau ont entraîné des retards considérables en ce qui concerne l’ouverture de certains bureaux de vote. Mais, également, de nombreuses autres règles ont été modifiées au cours des dernières semaines avant le scrutin, ce qui peut nuire au déroulement serein d’une élection.
22. Ces incohérences ont créé une certaine confusion et on peut se demander si c’est donner le bon exemple du fonctionnement d’un Etat de droit que de changer de nombreuses règles, au dernier moment.
23. Sur un autre plan, il faut souligner l’esprit civique considérable avec lequel l’ensemble des acteurs kosovars ont pris part à ces élections. Ceci est témoigné aussi par le fait que les différents partis étaient représentés dans les bureaux de vote, même lorsqu’il s’agissait de bureaux situés dans des endroits qui semblaient être clairement acquis à un parti plutôt qu’à un autre. A mettre également sur ce compte, une fiabilité considérable des listes électorales même si, dans certains cas, de nombreux électeurs n’ont pas pu voter.
24. Il faut souligner enfin la patience des électeurs qui ont dû souvent attendre pendant des heures avant de pouvoir mettre leur bulletin dans l’urne. Généralement, ceci s’est déroulé dans un grand calme avec beaucoup de discipline et de courtoisie entre les personnes. Ce n’est que vers la fin de la journée, qu’en certains endroits, l’excitation a gagné certains électeurs, craignant éventuellement de ne plus être en mesure de voter avant la fermeture des bureaux.
25. Un élément de succès limité concerne la présence de femmes, traditionnellement peu présentes dans la vie politique kosovare. Les règles demandaient la présence d’un tiers de femmes sur les listes présentées par les partis. Ceci a bien été le cas. Il faut noter toutefois que seul 8 % de femmes ont effectivement été élues.
26. Il faut également souligner la compétence et l’efficacité généralement élevées des superviseurs internationaux de l’OSCE, même si, par ailleurs, les observateurs ont dû noter qu’un certain nombre de ces superviseurs étaient manifestement moins qualifiés que d’autres membres des bureaux de vote kosovars, qu’ils étaient censés superviser et conseiller. Ils manquaient notamment d’expérience et de formation. Dans quelques cas, ceci a entraîné une attitude hostile des superviseurs à l’égard des observateurs internationaux coordonnés par le Conseil de l’Europe.
27. Les militaires ont été généralement visibles mais discrets et la police internationale de même. Conformément aux ordres, les militaires et la police ne sont pas généralement entrés dans les bureaux de vote sauf occasionnellement pour établir des contacts avec les responsables de ces bureaux de vote. Lorsque les queues sont devenues trop longues, les rares policiers de la police internationale étaient parfois dépassés pour maintenir l’ordre. Dans certains cas, ceci a entraîné une intervention courtoise de la part des militaires de la KFOR.
28. Généralement, les observateurs n’ont pas noté de propagande dans les lieux publics ou à proximité des stations électorales sauf sur certains bus. L’argument donné était que ces bus appartiennent à des compagnies privées. Les observateurs estiment néanmoins que ces bus remplissant des services publics n’auraient pas dû donner lieu à la propagande de parti, d’autant plus qu’ils étaient parfois amenés à stationner ou à passer à proximité des bureaux de vote.
29. Dans le cadre de l’esprit civique, il faut également souligner que même des électeurs qui ont été refusés sont généralement restés calmes. Certains de ces cas étaient imputés au fait que des électeurs, qui avaient séjourné par exemple en Allemagne, avaient écrit à l’Organisation Internationale des Migrations (OIM) à Vienne chargée d’enregistrer les électeurs vivant dans des pays non limitrophes du Kosovo pour s’enregistrer (selon leurs dires) et n’avaient jamais reçu de réponse. Ceci peut être également lié au fait que pendant cette période un nombre important de Kosovars ont été expulsés, par exemple de l’Allemagne, et n’ont peut-être pas reçu les papiers qu’ils avaient sollicités à Vienne. Les observateurs ont pu, par ailleurs, noter que, parmi les expulsés, il y avait notamment de nombreux enfants dont tous n’avaient pas retrouvé de maison et qui ont pu s’adresser dans un allemand parfait aux observateurs présents.
30. En ce qui concerne les intimidations, les observateurs de longue durée ont fait état d’intimidations qui ont eu lieu avant le scrutin. Les observateurs du Congrès n’ont pas observé d’intimidations majeures au cours du processus électoral. Néanmoins, il faut certainement attribuer le fait que les Serbes aient refusé en bloc de s’inscrire sur les listes électorales à des intimidations massives venues de Belgrade qui concernaient également le soutien financier à une certaine partie de la population serbe. Certains observateurs ont également constaté que des électeurs non-albanais se sentaient intimidés par la présence massive des drapeaux albanais devant les bureaux de vote. Dans d’autres cas, il semblerait que certaines femmes n’avaient pas osé voter, en raison de leur inquiétude face à des troubles qui avaient pu avoir lieu.
31. En ce qui concerne le matériel électoral, généralement tout était prévu et au complet. En revanche, les bureaux de vote auraient dû également recevoir une liste générale des électeurs inscrits dans l’ensemble du Kosovo. Une telle liste ne leur a pas été fournie d’après nos observations. D’ailleurs, vu son volume, cela aurait sans doute été difficile. En revanche, les bureaux de vote disposaient des listes des électeurs qui s’étaient inscrits à l’OIM à Vienne ou dans les pays limitrophes du Kosovo.
32. Des votes familiaux ont été observés mais se limitant généralement à 2 personnes. Il est vrai également que beaucoup de personnes étaient présentées comme illettrées et ont dû, de ce fait, se faire assister. Généralement, ceci n’a pas été noté dans les procès-verbaux malgré les instructions données dans ce sens. Toutefois, un cas a été observé dans lequel un Président de bureau de vote était toujours présent derrière l’isoloir, avec l’accord du superviseur international, pour aider des personnes supposées être illettrées, alors qu’une telle aide devait normalement se limiter à une seule personne – et seulement par une personne non membre du bureau de vote.
33. En ce qui concerne la non-participation des Serbes, elle porte certainement atteinte à la crédibilité du résultat dans son ensemble mais doit être finalement attribuée à l’attitude des Serbes eux-mêmes.
34. En ce qui concerne la liste électorale, les observateurs du Congrès insistent pour que le processus d’enregistrement soit un processus permanent. Ceci est d’autant plus nécessaire qu’il est généralement admis que des élections générales pour l’ensemble du territoire kosovar devraient avoir lieu l’année prochaine afin de constituer, également à ce niveau, des institutions autonomes pour le territoire du Kosovo, dans le cadre fixé par la Résolution 1244 des Nations Unies.
35. Le processus de comptage a généralement bien marché. Toutefois, la règle conduisant normalement au respect de la volonté de l’électeur, même s’il n’avait pas suivi les règles concernant le remplissage du bulletin, a souvent été ignorée, d’où un nombre trop élevé de votes invalidés. Un cas a été rapporté dans lequel le résultat n’a pas été proclamé au sein du bureau de vote, malgré la demande du Président de ce bureau.
36. Un des points faibles est la lenteur avec laquelle les résultats ont été publiés. A noter notamment que, suivant une pratique d’ailleurs assez répandue dans les Balkans, les bureaux de vote n’ont pas publié les résultats directement à l’extérieur du bureau de vote, même si des procès-verbaux ont été dressés et si des copies de ces procès-verbaux ont été remises à certains observateurs, à leur demande. De même, les résultats n’ont pas été publiés directement dans les communes. L’OSCE qui était responsable du scrutin a néanmoins publié les premiers résultats assez rapidement après le scrutin.
37. Certains bureaux de vote ont souffert d’un manque d’équipements. En effet, la reconstruction n’est pas achevée partout au Kosovo et la fourniture de certains services, tels que l’électricité n’est pas garantie en permanence. Ainsi, certains bureaux de vote ont été plongés dans le noir soit le matin soit le soir lors du processus de comptage ou équipés seulement avec des petites lampes à gaz, des générateurs n’ayant pas toujours été fournis. Certains bureaux de vote ont également été établis dans des tentes qui, jusqu’à présent, servent d’écoles dans certains villages kosovars. Les observateurs ont également noté que certains centres de vote contenaient 10 ou plus de bureaux de vote ce qui rendait l’accès extrêmement difficile. En effet, de l’extérieur, les électeurs ne pouvaient pas savoir si à l’intérieur tel ou tel bureau de vote avait encore des électeurs ou non et la tendance de la police était d’attendre que l’ensemble des bureaux de vote soient vides. Il serait donc très important de prévoir des entrées séparées pour chacun des bureaux de vote. Il y a également eu des critiques estimant que le nombre total de bureaux de vote n’était pas assez élevé par rapport au nombre d’électeurs.
38. En résumé, il faut toutefois dire que cette élection, qui était la première correspondant à des standards véritablement démocratiques au Kosovo, est un succès majeur.
39. Les observateurs du Congrès, qui ont été formés avec l’ensemble des observateurs encadrés par le Conseil de l’Europe pendant deux jours à Skopje, ensuite pendant une journée sur le terrain, ont été déployés comme suit : il s’agissait de 10 observateurs du Congrès et d’un membre du Secrétariat dont la liste et les lieux de déploiement figurent en annexe au présent rapport.
Perspectives
40. Les élections municipales ne doivent pas être considérées comme une fin en soi. Leur objectif est de doter les municipalités d’une structure démocratique qui leur permette de fournir des services et de donner une orientation à la vie des municipalités au bénéfice de l’ensemble des citoyens. Il faut donc que ces municipalités soient rapidement mises en place et que les moyens nécessaires soient mis à leur disposition et que, le cas échéant, les conseils élus soient complétés par la désignation de membres appartenant aux minorités qui n’ont pas pu ou pas voulu prendre part au vote.
41. Ceci soulève aussi la nécessité d’un conseil permanent et d’une formation des élus locaux et des fonctionnaires locaux. L’OSCE avait depuis longtemps commencé ce processus en établissant un centre de formation pour les collectivités locales dont la direction a d’ailleurs été confiée à une personne déléguée par le Conseil de l’Europe à travers le réseau ENTO du Congrès, le Professeur Wolfgang Rusch. Il est très important de poursuivre ces efforts et de les renforcer dans la situation actuelle et de les doter également d’un service de soutien pour des élus locaux qui ne maîtrisent peut-être pas toujours l’ensemble de la réglementation municipale et les principes de la gestion politique et financière des municipalités. Le Professeur Wolfgang Rusch a d’ailleurs fait des propositions dans ce sens qui mériteraient non seulement l’attention du Congrès mais aussi de l’ensemble de la communauté internationale. Le Congrès devrait veiller à ce que le mandat soit prolongé et à ce que des actions de conseil et de formation soient rendues possibles par des dotations financières suffisantes. Le Président du Congrès a entrepris des démarches dans ce sens auprès du Secrétaire Général et du Président des Délégués des Ministres. Ces démarches n’ont, à ce jour, que partiellement abouti, en raison des moyens financiers insuffisants du Conseil de l’Europe. Il convient de remercier l’Allemagne pour sa contribution annoncée à cet égard.
42. Un autre élément important est la mise en place de partenariats avec des communes d’autres parties de l’Europe. Certaines communes, notamment britanniques, françaises et néerlandaises ont d’ailleurs déjà commencé un travail dans ce sens. Le Congrès devait mettre à disposition ses réseaux et notamment le réseau des Agences de la démocratie locale pour favoriser et développer ce processus, dans l’intérêt de la stabilité des Balkans. C’est dans cet esprit, d’ailleurs, que des élus kosovars ont été invités à participer au Forum économique des Régions d’Europe qui s’est tenue du 14 au 16 novembre 2000 à Skopje.
43. Un autre élément de prospective concerne l’avenir du Kosovo. Cet avenir est, pour l’instant, déterminé par la Résolution 1244 des Nations Unies. Si le climat modifié à Belgrade et la présence d’éléments modérés au Kosovo permet d’espérer l’établissement d’un dialogue, cela ne signifie pas automatiquement la préparation d’une solution durable pour l’avenir du Kosovo.
44. Dans un premier temps, les efforts devraient dès lors se concentrer sur l’idée d’organiser des élections générales au Kosovo et de définir clairement, pour cette période de transition, les compétences et les limites des compétences d’une telle assemblée du Kosovo, face à la communauté internationale qui pourra continuer à jouer son rôle et face au gouvernement de la République fédérale de Yougoslavie renouvelé. Ce n’est probablement qu’après une (longue) période de transition que l’on peut espérer trouver une solution définitive pour le statut du Kosovo, les intérêts étant pour le moment trop diamétralement opposés, Belgrade restant sur l’idée d’une inclusion historiquement justifiée du Kosovo dans la République fédérale de Yougoslavie et la quasi-totalité des Kosovars albanais souhaitant obtenir le plus vite possible l’indépendance. Le Congrès, en coopération étroite avec la Commission de Venise, est prêt à jouer un rôle-clé dans cette affaire, comme il l’avait fait pour l’élaboration du Règlement sur les Municipalités.
ANNEXE
ELECTIONS MUNICIPALES AU KOSOVO – 23/30.10.2000
DEPLOIEMENT DE LA DELEGATION DU CPLRE
Christopher NEWBURY(Royaume-Uni) et Anthony ATTARD (Malte)
Prizren
Bureaux de vote de Djonaj, Gorozup, Zjum, Romaja et Ljubiza
Ayse Bahar CEBI (Turquie) et Bringfriede KAHRS (Allemagne)
Prizren
2. Bureaux de vote de Nasec, Vlasnja, Zur, Hoca Zagradska et Ljubicevo
Donald TIPPING (Irlande) et Saulius NEFAS (Lituanie)
Peja
2. Bureaux de vote de Rzmic, Junik, Gramocely et Dremovac
Irma PELLINEN (Finlande) et Louis ROPPE (Belgique)
Pristina
Petits villages de la circonscription de Pristina
Alain CHENARD (France) et Calin Catalin CHIRITA (Roumanie)
Skenderaj / Srbica
2. Vushtri / Vucitrn
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