Webinaire « Participation des femmes à la vie politique au niveau territorial
Partage d’expérience entre le Maroc, la Tunisie, et l’Europe » - Réunion en ligne, 29 juin 2021
Check against delivery - Seul le prononcé fait foi
Mesdames et Messieurs,
C’est un plaisir pour moi d’être ici avec vous aujourd’hui et de contribuer à cet événement en ma qualité de Rapporteure sur le Partenariat Sud-Med du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe.
Je voudrais souhaiter la bienvenue à tous les participants et vous dire que je me réjouis d’être parmi vous même si c’est virtuellement. La thématique que nous allons aborder aujourd’hui est particulièrement importante pour le Congrès et me tient à cœur: celle de l’égalité entre les femmes et les hommes.
Nous traitons de cette question fondamentale au sein du Congrès depuis plus de 20 ans. L’égalité entre les genres est une condition essentielle à toute société démocratique, juste et pacifique. En tant qu’assemblée politique composée d’élus locaux et régionaux, nous travaillons ensemble au renforcement de la démocratie territoriale dans les 47 états membres du Conseil de l’Europe.
Si l’essentiel de notre travail est produit en Europe, il a une vocation universelle. Il vise donc à être partagé avec tous ceux qui en font la demande et, en particulier, avec le Maroc et la Tunisie. Ces deux pays bénéficient du statut de Partenaire pour la démocratie locale et nous coopérons étroitement avec eux. Je me réjouis d’ailleurs de voir parmi nous des représentantes de ces deux délégations.
J’ai eu la chance de participer à plusieurs événements consacrés à cette thématique en Tunisie dont le Forum de Tunis pour l’égalité des genres en 2019. J’espère pouvoir en faire de même très prochainement au Maroc.
Permettez-moi de commencer cette intervention en rappelant que la participation des femmes à la vie politique est une nécessité pour la démocratie. N’oublions pas que les femmes représentent plus de la moitié de la population.
Les conditions des femmes diffèrent de pays en pays. Cela vaut donc également pour les femmes élues. Nous partageons donc toutes de très nombreux défis. C’est vrai qu’un certain nombre d’obstacles s’opposent à la participation des femmes en politique.
La solution devra combiner au moins les trois facteurs suivants :
(1) - Une volonté politique ferme et effective. Il faut un cadre juridique qui pousse à l’engagement des femmes. Le Congrès souligne l’importance des mesures qui facilitent la participation des femmes. Il encourage, par exemple, la mise en place de quotas dans toutes les assemblées. Le Congrès est un bon exemple de succès en la matière puisque, le pourcentage des femmes dans nos délégations nationales est passé de 25 à 42%, onze ans après l’introduction des quotas.
Nous sommes également convaincus que des mesures doivent être prises pour assurer la formation des femmes, élues et candidates, et créer les conditions leur permettant de trouver un équilibre entre leur vie personnelle et familiale, professionnelle et politique.
De même, il est important d’évaluer les progrès réalisés en matière de participation équilibrée à la vie politique et publique en développant des statistiques ventilées par sexe. Il faut également des outils pour le suivi des nominations et des élections, et en analyser leur évolution.
Enfin, un autre instrument d’égalité entre les femmes et les hommes est l’intégration du concept de budgétisation sensible au genre dans les processus de travail et de décision, par l’intégration du genre en tant que catégorie d’analyse et de contrôle budgétaire ;
(2) – Le deuxième facteur consiste à œuvrer au changement d’attitudes et de culture, et à lutter contre les nombreux stéréotypes et les discriminations à l’égard des femmes. Cela nécessité du temps et l’engagement de tous. Les hommes aussi doivent s’engager pour la cause de l’égalité. En Belgique, on a de l’espoir. Notre Premier Ministre, Alexander De Croo est un homme féministe qui en est fier. Il a même écrit un livre intitulé « Le siècle de la femme ».
Le Congrès vient d’adopter un rapport avec des mesures concrètes pour lutter contre la violence sexiste à l’égard des femmes candidates ou élues. Il aborde entre autres les discours de haine en ligne ou dans les médias. Cette violence constitue un obstacle à l’engagement des femmes. Elle doit être condamnée publiquement et sanctionnées. Des mécanismes spécifiques de signalement ou de protection ou encore un code de conduite peuvent être des solutions.
(3) – Finalement il est très important d’échanger des expériences, comme on fait aujourd’hui. La création de réseaux peut contribuer aussi au renforcement de la confiance des femmes en elles-mêmes. Nos travaux démontrent en effet que les difficultés rencontrées par les élues sont similaires partout et que nous pouvons nous soutenir et entraider.
La présence des femmes et leur façon de faire de la politique ont un impact considérable sur la manière dont les politiques et les stratégies sont conçues et mises en œuvre. Cela commence au niveau local qui sera un tremplin pour accéder à de plus hauts niveaux. Elles pourront alors avoir un impact plus significatif encore et faire progresser les droits des femmes et lutter contre la violence à leur égard.
Par exemple, moi, j’ai commencé au niveau local et suis actuellement aussi élue au Parlement de la Région Bruxelles-Capitale depuis 2004.
Et même encore à ce niveau, je constate que les femmes souffrent de discriminations.
Nous le vivons toutes.
C'est pourquoi, il y a des années, le conseil des femmes de Belgique a proposé l'indicateur de pouvoir. Et je dois dire qu'il est toujours utile...
Ici, il n'y a pas de violations flagrantes et les femmes ne sont pas délibérément exclues de la vie publique. Mais cela ne signifie pas qu'une politique d'égalité des chances entre les femmes et les hommes soit un luxe inutile. De nombreuses discriminations sont invisibles. Le but de l’indicateur de pouvoir est de reconnaître les cinq techniques d'oppression.
1. vous êtes rendu invisible
2. vous êtes ridiculisée et d’autres femmes rigolent pour éviter d’être elles-mêmes la risée
3. ils ne vous disent pas tout (et même moi, comme cheffe de groupe, cela m’arrive). Les hommes décident tout derrière votre dos.
4. vous n'avez pas le droit de gagner (ils mettent en valeur ce qu’ils font, jamais ce que vous faites. Si vous avez un bel article de presse, ils ne l’auront jamais vu)
5. on essaie de vous donner un sentiment de culpabilité (les enfants sont seuls ce soir ?)
Ces mécanismes doivent être exposés et les femmes doivent se soutenir mutuellement. Ce n'est, hélas, pas toujours le cas. Il est parfois plus facile de rire de quelqu'un avec des hommes que de soutenir une collègue féminine. Alors faisons preuve d'un peu plus de solidarité et de courage.
Mesdames et Messieurs,
Cet échange intervient à un moment particulièrement opportun puisque les élections communales marocaines se tiendront dans 3 mois. La Constitution de 2011 et la Loi sur la Régionalisation Avancée démontrent la volonté politique claire du Maroc de renforcer la place et la participation des femmes à la vie politique.
Si lors des élections territoriales de 2015, seuls 21% des élus étaient des femmes, ce chiffre devrait être dépassé car le quota de sièges réservés aux femmes au sein des Conseils municipaux passera de 4 à 5 dans les communes soumises au scrutin uninominal.
La route est encore longue pour nous toutes et je suis convaincue que nous pouvons nous soutenir mutuellement quand cela sera nécessaire en tant que femmes et en tant qu’élues qui connaissent les mêmes difficultés.
Merci pour votre attention.