Des régions durables dans le contexte de la mondialisation - CPR (10) 5 Partie II

Rapporteur: Ute KOCZY (Allemagne)

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EXPOSE DES MOTIFS

Introduction

En 2002, la Commission du développement durable de la Chambre des régions du Congrès a décidé d’élaborer un rapport analysant l’impact de la mondialisation sur les Régions européennes et évaluant les possibilités de durabilité de ces régions.

Bien que les Régions européennes soient directement touchées par la mondialisation planétaire, elles doivent être prêtes à s’adapter à ces règles, mais elles ont aussi pour responsabilité de contribuer à la protection du bien-être mondial et au développement durable de la planète.

La mondialisation ne nécessite pas seulement une réglementation universelle à l’échelle internationale, mais également un canevas de différentes stratégies modèles, qui peuvent se résumer dans la notion de gouvernance mondiale. La responsabilité de l’avenir de la planète suppose également la responsabilité du bien-être des citoyens, des structures économiques et de l’environnement local dans le contexte d’une économie mondiale ; en d’autres termes, il est important aussi pour les régions de maintenir leur compétitivité économique.

Dans cette perspective, la Recommandation du Congrès invite les gouvernements nationaux à mettre en place un mécanisme de consultation destiné aux pouvoirs locaux et régionaux afin de veiller à ce que leurs intérêts et préoccupations concernant le développement durable soient pris en considération dans les négociations internationales. Les gouvernements nationaux sont également invités à engager un dialogue ouvert avec les acteurs de la société civile aux niveaux régional et national et à encourager les initiatives des autorités régionales pour poursuivre résolument et avec succès leur intégration dans l’économie mondiale en favorisant leur compétitivité durable, suivant, en cela, l’exemple donné par la Commission européenne.

La Résolution adoptée par le Congrès invite les pouvoirs locaux et régionaux à envisager de nouvelles politiques internationales de coopération comme moyens de régler les problèmes que posent les mutations mondiales. Dans ce contexte, le concept de gouvernance mondiale peut être considéré comme une bonne référence. Les autorités régionales ont également la responsabilité de veiller à ce que la mise en œuvre des mesures mondiales au niveau national concorde avec leur application au niveau local. En même temps, les régions doivent utiliser leurs compétences techniques pour harmoniser leur expérience et la porter au niveau mondial et pour se concentrer sur l’importance accrue de «l’investissement durable », aidant les entreprises dans leurs efforts pour tendre vers une durabilité accrue.

Le rapport1. a été élaboré avec l’aide précieuse du Conseil international pour les initiatives écologiques locales (ICLEI), lequel a agi en tant que Consultant délégué par le Congrès. Ce rapport a été approuvé par la Commission du développement durable de la Chambre des régions pendant la session tenue à Strasbourg le 24 avril 2003.

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Le rapport du Congrès comporte également quelques Recommandations de politique générale et développe un certain nombre de concepts fondés sur trois hypothèses principales :

Le rôle des villes et des régions au niveau local

La priorité essentielle des villes et des régions réside dans les démarches à entreprendre au sein de leurs propres circonscriptions. Sur ce point, un mandat leur a été confié par le Sommet mondial pour le développement durable qui a eu lieu l’an dernier à Johannesburg. Les villes, tout comme les régions, doivent mettre en œuvre ce mandat, même si les messages s’adressent plus spécifiquement au niveau régional.

Nous pensons que toutes les autorités locales et régionales devraient s’assurer qu’un processus local de l’Agenda 21 est en cours. Pour l’Europe, la Charte d’Aalborg de 1994 reste le document de référence. Les villes et les régions qui ont mis sur pied un processus local de l’Agenda 21 fructueux devraient maintenant passer à l’étape suivante. Les régions d’action prioritaires doivent être désignées sous le slogan «Action 21 locale » et ensuite il s’agit de planifier la mise en œuvre.

L’un des principaux points soulignés par le rapport est l’Accord général sur le commerce des services (AGCS). Les étapes suivantes sont proposées comme lignes directrices pour les autorités locales et régionales. L’idée est de mettre tous les projets à exécution :

Contrôle de la durabilité ; la définition d’orientations politiques, même dans le secteur des services, devrait avoir pour but principal d’établir une structure durable. Nous pensons que la question fondamentale dans ce cas-là est : est-ce que ce secteur de service est conforme au développement durable de notre région ? Un contrôle par rapport à l’AGCS ; pour évaluer tous les services fournis, subventionnés ou réglementés par les pouvoirs publics, afin de déterminer si ces services sont concernés ou non par l’AGCS. Le critère principal serait : le service est-il assuré par des opérateurs privés ou publics ayant des intérêts commerciaux ? Un contrôle d’efficacité devrait être instauré parallèlement, qu’il y ait ou non obligation juridique de le faire, afin d’évaluer si l’ouverture du marché est judicieuse en terme d’efficacité. De plus, il est recommandé de déterminer les secteurs de service à maintenir ; il faudrait identifier les services qui devraient être protégés contre une ouverture de marché. Ces secteurs devraient être signalés aux négociateurs nationaux ou européens ; des solutions devraient également être trouvées pour annihiler les effets négatifs redoutés. Il s’agit, par exemple, de réintégrer un service public dans le domaine public plutôt que de laisser une entreprise commerciale continuer son exploitation. Il est également souhaitable que la législation soit remaniée. Il est impératif, pour l’établissement de tous les règlements, de s’assurer du développement durable d’un secteur de service et de mettre au point des réglementations qui soient conformes à l’AGCS. Ces réglementations ne doivent en aucun cas être discriminatoires envers des concurrents étrangers.

Nous pensons que ces propositions peuvent aider les Régions européennes à établir de nouvelles règles mondiales et en même temps améliorer la compétitivité et la qualité de vie de leurs citoyens. La logique de nombreuses mesures développées est évidente, même hors contexte juridique de pression de l’AGCS, ou ne découlent en rien de l’AGCS ou de Johannesburg. Ceci mettrait en exergue le fait qu’un contrôle allégé des gouvernements nationaux ne mène pas seulement vers la mondialisation, mais vers une responsabilité accrue au niveau local et régional.

Les villes et les régions dans un contexte international

Ainsi qu’il ressort du rapport, les décideurs locaux et régionaux doivent de façon urgente s’intéresser de près à ce qui se passe au sein de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et y participer davantage. Les réunions et les enquêtes qui ont eu lieu dans le cadre du rapport ont d’ores et déjà démontré que les négociateurs nationaux et européens, tout comme les experts des organisations internationales, ne sont pas conscients des besoins de gouvernements locaux et régionaux.

Nous proposons que le suivi et le contrôle soient axés sur les aspects suivants :
· S’assurer que l’encadrement de certains secteurs de service est conçu de façon à laisser une marge de manœuvre aux autorités locales et régionales dans leurs options politiques. Ceci suppose notamment de définir quelles sont les conditions pour que l’ouverture des marchés nationaux puisse être assortie d’exceptions particulières à des niveaux locaux et nationaux ; par exemple, la liberté pour un gouvernement de décréter qu’un service dépendant de sa compétence reste dans le domaine public et qu’ainsi il ne soit pas sujet à l’ouverture du marché.
· Signaler aux autorités locales et régionales quels secteurs de service sont en cours de négociation et devraient faire l’objet d’accords, et comment cela va se traduire. Ceci constituerait un mécanisme d’alerte précoce, permettant d’une part de réagir aux négociations, mais également d’exercer une influence sur les ajustements préalables de la réglementation à venir. De fait, aucune des décisions adoptées par l’AGCS n’est actuellement et officiellement directement appliquée, ces décisions doivent auparavant être intégrées dans la législation nationale. C’est la raison pour laquelle il faudra se pencher sur la question de savoir comment les décisions réglementaires rentreront en vigueur à terme au niveau national.

Nous devons prendre en considération qu’actuellement, il n’existe aucune institution ayant les moyens d’entreprendre ce processus de contrôle. Les autorités locales et nationales ne doivent pas compter sur les ONG pour faire leur travail, mais elles devraient tenter de trouver les ressources nécessaires par elles-mêmes au sein du tissu gouvernemental organisationnel, local et régional. Néanmoins, le travail d’organismes civils tels que les ONG devrait être bienvenu et apprécié.

Dans la Résolution adoptée, nous avons également souligné que les autorités locales et régionales ont énormément à apprendre des expériences des autres pays. D’où le rôle essentiel de l’augmentation des échanges internationaux sur la durabilité.

Les gouvernements nationaux

Dans le rapport, nous avons insisté sur le fait que, hélas, les gouvernements nationaux ne tiennent pas compte des implications des accords internationaux sur les instances locales et régionales. Certaines tentatives ont cependant vu le jour : l’intégration de représentants régionaux dans des délégations nationales au sommet de Johannesburg en est un exemple.

Mais les conséquences pour les autorités régionales et locales devraient être examinées davantage au niveau national, particulièrement au vu des négociations actuellement en cours au sein de l’OMC. En effet, la Recommandation souligne qu’il appartient aux gouvernements nationaux de mettre en place un mécanisme de consultation. A ce titre, le mécanisme existant au niveau européen au sein de la Direction Générale du Commerce de la Commission européenne pourrait servir d’exemple.

Un point spécifique au sein de l’AGCS est l’Etude d’Impact sur le développement durable, qui sera poursuivie pour les accords à venir et qui pourrait être un exemple à suivre dans d’autres domaines. Il pourrait s’agir là de mener une étude d’impact spécifiquement dédiée aux incidences sur les autorités locales et régionales.

Nous pensons que les gouvernements nationaux devraient être conscients du fait qu’une négociation de ce type n’a pas seulement pour but de légitimer les décisions adoptées ; elle permet également d’assurer une mise en œuvre beaucoup plus efficace des objectifs politiques. Ce n’est qu’à la seule condition que les autorités locales et régionales soient préparées à entrer en action que la libéralisation des secteurs de service s’effectuera de manière satisfaisante.

Préparer les collectivités territoriales aux développements à venir suppose aussi de mettre en place les capacités adéquates. Beaucoup d’autorités publiques ne possèdent pas le savoir-faire nécessaire pour gérer de façon compétitive un appel d’offres sur les services publics, ce qui est indispensable pour parvenir à un haut niveau qualitatif. Les structures administrations ne sont pas prêtes à affronter cela. La Recommandation 114 (2002) du Congrès sur les «pouvoirs locaux et les services publics » fait ressortir cet état de fait. A ce titre, des programmes de formation pour l’acquisition de ces compétences devraient être envisagés par les gouvernements nationaux et par les organisations internationales.

Les conséquences de la mondialisation font l’objet d’un débat toujours ouvert et controversé. Bien souvent, même les institutions nationales et internationales ont du mal à prendre le problème à bras le corps. Mais nous pouvons certainement affirmer que les besoins et les points de vue des régions européennes devraient être pris en compte. Nous espérons que le rapport constitue une contribution efficace au débat et un instrument utile pour toutes les Régions européennes.

1 Le rapport complet figure dans le document CPR/DEV (9) 4