Strasbourg, 11 décembre 2015
CEPEJ(2015)10
Commission européenne pour l’efficacité de la justice
(CEPEJ)
Guide des bonnes pratiques en matière d’exécution des décisions de justice
Tel qu’adopté lors de la 26ème réunion plénière de la CEPEJ
10-11 décembre 2015
Guide des bonnes pratiques en matière d’exécution des décisions de justice
Guillaume Payan[1]
Maitre de conférences HDR à l’Université de Toulon
Membre du CDPC-JCE (UMR CNRS 7318 DICE)
1. Confier la conduite du processus d’exécution aux agents d’exécution
1.1. L’étendue des fonctions des agents d’exécution
1.1.1. La fonction de mise à exécution des titres exécutoires
1.1.2. Les activités accessoires des agents d’exécution
1.2. Les garanties statutaires des agents d’exécution
1.2.1. Les règles relatives à la formation professionnelle
1.2.1.1. Le contenu de la formation professionnelle
1.2.1.2. Les structures de formation professionnelle
1.2.2. Les règles relatives à l’exercice de la profession
1.2.2.1. Règles concernant l’organisation de la profession d’agent d’exécution
1.2.2.2. Règles relatives au contrôle de l’activité des agents d’exécution
2. Veiller à la bonne compréhension du processus d’exécution par les parties
2.1. L’information des parties sur le processus d’exécution
2.1.1. L’information des parties sur la législation applicable
2.1.2. L’information des parties sur le processus d’exécution dans lequel elles sont impliquées
2.2. L’intelligibilité de la législation applicable
2.2.1. La lisibilité des procédures
2.2.2. La lisibilité des coûts
3. Assurer la qualité des procédures d’exécution
3.1. L’exigence de qualité des procédures d’exécution
3.1.1. L’efficacité des procédures d’exécution
3.1.1.1. Accès effectif aux procédures d’exécution
3.1.1.2. Information sur le débiteur et son patrimoine
3.1.1.3. Les facteurs contribuant à la célérité de l’exécution
3.1.2. Le caractère équitable des procédures d’exécution
3.1.2.1. Droits et obligations des débiteurs lors du déroulement des procédures d’exécution
3.1.2.1.1. Veiller au respect des droits du débiteur
3.1.2.1.1.1. Encourager la collaboration du débiteur à la procédure d’exécution
3.1.2.1.1.2. Préserver le droit au respect de la vie privée du débiteur et de ses proches
3.1.2.1.1.3. Garantir des conditions de vie décentes au débiteur et à ses proches
3.1.2.1.2. Sanctionner les abus et infractions du débiteur
3.1.2.2. Droits et obligations des tiers lors du déroulement des procédures d’exécution
3.1.2.2.1. Veiller au respect des droits des tiers
3.1.2.1.2. Définir les obligations du tiers et sanctionner leur méconnaissance
3.2. Le contrôle de la qualité des procédures d’exécution
4. Promouvoir l’utilisation d’une terminologie juridique commune en matière d’exécution
Annexe : Glossaire
Introduction
1. Depuis son rattachement aux exigences du droit à un procès équitable, par la Cour européenne des droits de l’homme, l’exécution des décisions de justice est devenue l’un des thèmes importants des travaux du Conseil de l’Europe.
2. Dans l’arrêt de principe Hornsby contre Grèce du 19 mars 1997 (req. n°18357/91), la Cour affirme que le droit d’accès à un tribunal « serait illusoire si l’ordre juridique interne d’un État contractant permettait qu’une décision judiciaire définitive et obligatoire reste inopérante au détriment d’une partie […]. On ne comprendrait pas que l’article 6 §1 décrive en détail les garanties de procédure […] accordées aux parties et qu’il ne protège pas la mise en œuvre des décisions judiciaires »; […] L’exécution d’un jugement ou arrêt, de quelque juridiction que ce soit, doit donc être considérée comme faisant partie intégrante du "procès" au sens de l’article 6 […] ». En cela, la Cour européenne consacre l’existence d’un droit européen à l’exécution des décisions de justice sur le fondement de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Dans de nombreux arrêts confirmatifs, elle a par la suite précisé la portée de ce droit et notamment étendu sa garantie aux situations dans lesquelles l’exécution d’une décision de justice est poursuivie à l’encontre d’une personne privée (par exemple, dans l’arrêt Lunari contre Italie du 11 janvier 2001, req. n°21463/93).
3. Aux côtés de la jurisprudence de la Cour européenne, l’action du Conseil de l’Europe s’est concrétisée par l’élaboration de la Recommandation Rec(2003)17 du Comité des Ministres aux États membres en matière d’exécution des décisions de justice (adoptée par le Comité des Ministres, le 9 septembre 2003, lors de la 851e réunion des Délégués des Ministres). Cette recommandation a pour objet de définir les standards européens dans le domaine de l’exécution en matière civile et commerciale. Elle comporte des règles visant à accroître l’efficacité du processus d’exécution ainsi que des règles ayant trait au statut et aux fonctions des « agents d’exécution ». Plus généralement, elle offre un cadre général auquel les États membres du Conseil de l’Europe sont invités à se référer lors de l’élaboration ou de la modification de leur législation nationale en matière d’exécution.
4. Dans le sillage de cette recommandation, la Commission européenne pour l’efficacité de la justice (CEPEJ), dont l’un des objectifs statutaires consiste à permettre une meilleure application des instruments juridiques internationaux du Conseil de l’Europe concernant l’efficacité et l’équité de la justice, a inscrit la réflexion sur l’exécution des décisions de justice sur la liste de ses priorités. Cela s’est matérialisé, tout d’abord, par la rédaction en 2008 – sous l’égide de la CEPEJ – d’une étude de droit comparé sur l’exécution des décisions de justice en Europe (J. Lhuillier, D. Lhuillier-Solenik, G. Nucera et J. Passalacqua, L’exécution des décisions de justice en Europe, Les études de la CEPEJ n°8, éd. Conseil de l’Europe) et, ensuite, par la mise en place cette même année d’un groupe de spécialistes (le groupe de travail sur l’exécution des décisions de justice, CEPEJ-GT-EXE). Les travaux réalisés par ces experts ont débouché sur l’élaboration en 2009 des « Lignes directrices pour une meilleure mise en œuvre de la recommandation existante du Conseil de l’Europe sur l’exécution » (CEPEJ(2009), 11REV2, 17 décembre 2009, adoptées par la CEPEJ lors de sa 14e réunion plénière, à Strasbourg, les 9-10 décembre 2009)[2]. Ces Lignes directrices ont pour finalité d’assurer l’effectivité des standards européens de l’exécution définis dans la Recommandation Rec (2003) 17 du Comité des Ministres. À cet effet, elles appréhendent la problématique de l’exécution de façon globale et cohérente, en associant dans une réflexion d’ensemble les principes régissant les procédures d’exécution et ceux intéressant les professionnels chargés de leur mise en œuvre. Les 82 points de ces Lignes directrices se rejoignent autour de l’objectif de définir les bases d’un système d’exécution ménageant un juste équilibre entre les droits des créanciers et ceux des débiteurs.
5. À ce jour, aucun État membre du Conseil de l’Europe ne respecte l’intégralité de ces Lignes directrices sur l’exécution. Fort de ce constat, la CEPEJ et notamment son Groupe de travail sur la qualité de la justice, a souhaité franchir une nouvelle étape dans le traitement de la problématique de l’exécution, en élaborant un Guide des bonnes pratiques en matière d’exécution des décisions de justice. Après avoir imaginé un « système idéal d’exécution » destiné à inspirer les États membres du Conseil de l’Europe, il s’agit de s’intéresser à présent à la réception, dans les droits nationaux, des principes consacrés dans les Lignes directrices sur l’exécution de 2009. Ce guide n’a nullement pour objet de créer de nouvelles normes à l’échelle du Conseil de l’Europe. Il a seulement vocation à mettre en lumière certaines solutions retenues dans les États membres.
6. Dans le présent document, les termes « bonnes pratiques » s’entendent comme il suit. Tout d’abord le mot « pratique » est utilisé dans un sens large. Il fait référence aux différentes sources du droit (lois, règlements, jurisprudence) et pas seulement à des usages professionnels. Ensuite, associé à ce premier terme, le qualificatif « bonne(s) » renvoie aux solutions utilisées dans un ou plusieurs États membres qui donnent satisfaction tant au regard du respect des intérêts privés (singulièrement, ceux du créancier et du débiteur), que de l’intérêt général (sécurité juridique, ordre public, santé économique du pays…). Plus particulièrement, sont ici présentées comme des « bonnes pratiques », les solutions nationales qui répondent pleinement aux principes et objectifs sur lesquels reposent les Lignes directrices sur l’exécution. Ces solutions sont, à ce jour, plus ou moins répandues en Europe. Leur généralisation à l’ensemble des États membres contribuerait opportunément à accroître l’efficacité des systèmes nationaux d’exécution, dans le respect des valeurs sur lesquelles le Conseil de l’Europe est fondé.
7. En conséquence, le présent guide ne saurait être envisagé indépendamment des Lignes directrices sur l’exécution et de la Recommandation Rec(2003) 17 du Comité des Ministres qui les a précédées. Il poursuit la même finalité d’améliorer la qualité de l’exécution proprement dite au sein du Conseil de l’Europe et s’inscrit dans le même champ d’application. Ainsi, d’une part, seule la matière civile est concernée, à l’exclusion de la matière pénale ou de la matière administrative (cette dernière étant couverte par la Recommandation Rec(2003) 16 sur l'exécution des décisions administratives et juridictionnelles dans le domaine du droit administratif, adoptée par le Comité des Ministres le 9 septembre 2003, lors de la 851e réunion des Délégués des Ministres). D’autre part, les bonnes pratiques qu’il énumère intéressent aussi bien l’exécution des titres judiciaires, que non judiciaires (ex. actes notariés)[3].
8. Le présent guide des bonnes pratiques a notamment été rédigé à partir de deux documents élaborés par l’Union internationale des huissiers de justice, en l’occurrence le « Grand questionnaire UIHJ sur l’exécution » (données statistiques régulièrement mises à jour, recueillies auprès des organisations professionnelles d’huissiers de justice et professionnels assimilés des Pays membres de l’UIHJ, réparties en 26 thèmes et 350 questions couvrant les différents aspects de la profession d’agents d’exécution et des procédures civiles d’exécution) et l’édition 2014 du « rapport sur l’exécution dans les pays membres de l’UIHJ » (rédigé par le groupe de travail UIHJ-GT-EXE).
9. Les bonnes pratiques ici présentées s’articulent en quatre axes. Le premier s’exprime dans l’affirmation suivant laquelle les agents d’exécution devraient avoir la maîtrise de la conduite des opérations d’exécution. Le deuxième est une recommandation générale, faite aux États membres du Conseil de l’Europe, de veiller à la bonne compréhension du processus d’exécution par les parties. Le troisième a trait à l’accroissement de la qualité des procédures d’exécution et à l’évaluation périodique de cette qualité. Le quatrième consiste dans la promotion de l’utilisation d’une terminologie juridique commune en matière d’exécution.
1. Confier la conduite du processus d’exécution aux agents d’exécution
1.1. L’étendue des fonctions des agents d’exécution
1.1.1. La fonction de mise à exécution des titres exécutoires
10. Il résulte du point 33 des Lignes directrices sur l’exécution que « les agents d’exécution définis par la loi du pays devraient avoir la responsabilité de la conduite des opérations d’exécution, dans le cadre de leurs compétences telles que définies par la loi »[4]. Ce point se poursuit en précisant que les « États membres devraient envisager la possibilité que les agents d’exécution soient seuls compétents pour : exécuter les décisions de justice et autres titres ou actes en forme exécutoire [et] réaliser l’ensemble des procédures d’exécution prévues par la loi de l’Etat dans lequel ils exercent ».
11. Déjudiciarisation partielle du processus d’exécution. Conformément à cette disposition des Lignes directrices (ainsi qu’au point 67 de ces mêmes Lignes directrices[5]), dans une majorité des législations nationales européennes[6], l’exécution des titres exécutoires n’est pas, en principe, subordonnée à une autorisation préalable d’un juge et la procédure d’exécution ne prend pas systématiquement la forme d’un procès. La répartition des fonctions entre l’agent d’exécution et les juges y est établie comme il suit. D’une part, toujours dans une majorité de législations nationales européennes, en plus de réaliser les actes matériels d’exécution, les agents d’exécution vérifient les conditions préalables à l’exécution des titres exécutoires qui leurs sont soumis et ont la maîtrise du déroulement du processus d’exécution. D’autre part, sauf exception, les juges ne sont saisis qu’en cas d’incidents contentieux auxquels les opérations d’exécution pourraient donner lieu ou pour délivrer certaines autorisations (par ex. lorsque les opérations d’exécution doivent se dérouler dans le local servant à l’habitation d’un tiers). Cette répartition des fonctions est de nature à contribuer au désengorgement des juridictions et, en conséquence, permet une plus grande célérité de l’exécution, sans pour autant ignorer les droits des débiteurs (dont les obligations ont été définies dans un titre exécutoire). De plus, elle donne toute sa valeur au titre exécutoire en tant que fondement des poursuites.
12. Centralisation de la fonction de mise à exécution. Dans plusieurs États membres[7], un même professionnel (l’agent d’exécution) est compétent pour réaliser sinon l’ensemble, du moins la majorité des procédures d’exécution régies par la législation nationale. Cette solution paraît accroître la lisibilité du processus d’exécution pour les justiciables, qu’ils aient la qualité de créancier, de débiteur ou de tiers. De plus, elle semble favoriser le respect du juste équilibre entre les droits et intérêts du créancier et du débiteur. Dans un tel système centralisé d’exécution, l’agent d’exécution instrumentant bénéficie d’une vision plus complète de la situation du débiteur et de la relation qui le lie au créancier. Son influence sur la stratégie procédurale de recouvrement à mener s’en trouve accrue. Il apparaît donc que cette solution permette à ce professionnel de conseiller utilement les créanciers dans le choix de la mesure à mettre en œuvre et, en conséquence, favorise l’usage de la mesure la plus appropriée dans une affaire donnée.
1.1.2. Les activités accessoires des agents d’exécution
13. Pluridisciplinarité de l’agent d’exécution. Conformément aux dispositions du point 34 des Lignes directrices sur l’exécution, en plus de sa mission principale de mise à exécution des titres exécutoires, l’agent d’exécution devrait pouvoir exercer une large palette d’« activités accessoires » compatibles avec ses fonctions (par ex., recouvrement des créances, ventes aux enchères mobilières et immobilières publiques ou volontaires, séquestres, constats, procédures de faillites, etc.). À ce jour, si dans l’ensemble des États membres, les agents d’exécution exercent au moins une de ces activités accessoires, des disparités existent[8]. Par exemple,si dans une majorité d’États ces professionnels sont compétents en matière de ventes aux enchères publiques forcées, cette proportion s’inverse s’agissant de la possibilité de représenter les parties en justice, de rédiger des actes sous-seing privés, de pratiquer l’activité de médiation ou encore d’intervenir dans le cadre des procédures de faillites. Les États membres du Conseil de l’Europe pourraient ainsi étendre la compétence des agents d’exécution afin d’y inclure des missions ayant trait à tous les aspects de l’exécution lato sensu et permettre à ces professionnels de fournir un « service intégral » aux justiciables en ce domaine. Il en résulterait potentiellement une simplification des démarches des créanciers comme des débiteurs.
14. Force probante des actes rédigés par les agents d’exécution. Dans le cadre de leur activité de mise à exécution des titres exécutoires, de celle de signification des actes de procédure ou encore de leurs activités accessoires (notamment les activités de constatations matérielles), les agents d’exécution rédigent des actes dans lesquels ils relatent notamment leurs constatations personnelles et leurs démarches. Les États pourraient définir les conditions permettant de conférer une force probante renforcée à ces écrits, afin de limiter les contestations dilatoires, dans un souci de sécurité juridique.
1.2. Les garanties statutaires des agents d’exécution
15. Lorsque les États membres opèrent une diversification et une extension des missions des agents d’exécution, il apparaît opportun que les législations nationales prévoient parallèlement des garanties statutaires permettant d’assurer la qualité du concours de ces agents dans l’accomplissement de leurs fonctions. À cet égard, les États membres pourraient particulièrement porter leur attention sur la formation et l’exercice de la profession d’agent d’exécution.
1.2.1. Les règles relatives à la formation professionnelle
1.2.1.1. Le contenu de la formation professionnelle
16. Adaptation de la formation aux besoins. La formation[9] – théorique et/ou pratique ; initiale et continue – des agents d’exécution (et de leurs collaborateurs) devrait être adaptée aux besoins identifiés lors de l’exercice concret des diverses missions qui leurs sont confiées.
17. Un haut niveau de formation professionnelle. Dans la mesure où cela s’avère nécessaire pour répondre aux besoins révélés par la pratique, la prévision d’un haut niveau de formation professionnelle des agents d’exécution se justifie non seulement par la complexité des règles régissant les procédures civiles d’exécution et la diversité des missions confiées à ces praticiens, mais également par la confiance et la considération que ces derniers doivent inspirer aux justiciables. À cet égard, les États pourraient par exemple envisager la possibilité d’un alignement du niveau de formation des agents d’exécution sur celui des autres professions juridiques (avocats, notaires ou juges). De même, en plus de suivre des enseignements sur les différentes procédures d’exécution et leur mise en œuvre pratique, les (futurs) agents d’exécution pourraient être formés aux techniques de gestion des conflits ou encore à l’exercice de la médiation.
18. Stages professionnels des candidats aux fonctions d’agents d’exécution. En complément d’une formation théorique initiale, tout candidat aux fonctions d’agent d’exécution devrait effectuer un stage professionnel auprès d’un agent titulaire. Ce stage, dont la durée devrait être suffisante pour que les candidats puissent acquérir les bases pratiques nécessaires à l’exercice de leurs futures missions, permettrait une « mise en situation » et une confrontation avec la réalité de la profession. Pour contrôler l’assimilation des connaissances acquises, un examen professionnel pourrait être organisé à l’issue de cette formation.
19. Formation continue. Un système de formation professionnelle continue pourrait être prévu non seulement au bénéfice des agents d’exécution titulaires (pour lesquels cette formation devrait être obligatoire), mais également à destination de leurs collaborateurs (particulièrement ceux à qui la loi permet aux agents d’exécution de déléguer certaines de leurs missions).
1.2.1.2. Les structures de formation professionnelle
20. Collaboration des structures de formation. La formation initiale et continue des candidats aux fonctions d’agents d’exécution et des agents d’exécution titulaires peut être dispensée par plusieurs prestataires (universités, professionnels eux-mêmes…). Les États pourraient promouvoir la coordination des formations assurées par ces différents prestataires et, pour ce faire, encourager une certaine collaboration de ces structures de formation (par ex. promotion de partenariats « public-privé » entre les universités et les structures de formation mises en place par les entités représentant la profession d’agent d’exécution). De même, ils pourraient encourager la création d’entités spécifiques entièrement dédiées à la formation de ces professionnels (ex. École nationale de procédure, créée en France en 1960).
1.2.2. Les règles relatives à l’exercice de la profession
1.2.2.1. Règles concernant l’organisation de la profession d’agent d’exécution
21. Répartition des agents d’exécution sur le territoire. Les États membres devraient veiller à associer, au sein d’une réflexion commune, la question de l’étendue du ressort territorial de compétence des agents d’exécution et le risque de désertification juridique. Dans plusieurs États membres[10], les agents d’exécution ont une compétence géographique élargie pouvant s’étendre à l’entier territoire national. Or, parallèlement à l’élargissement du ressort de compétence, on constate un regroupement de ces professionnels en de grandes structures (du moins, lorsqu’ils exercent leur profession sous forme libérale), la disparition progressive des petites et moyennes structures et, en conséquence, la diminution du nombre d’offices (ex. Pays-Bas, Angleterre).
Ces regroupements présentent certains avantages. On peut par exemple y voir un moyen de lutter contre le risque d’instrumentalisation des agents d’exécution par certains créanciers. Toutefois, associé au mouvement progressif de dématérialisation des procédures d’exécution, ce phénomène peut s’accompagner par un remaillage géographique et entrainer de profonds changements. Une désertification des zones rurales et des petites agglomérations est à craindre. Or, une certaine proximité géographique de l’agent d’exécution est de nature à favoriser l’instauration d’un dialogue avec les débiteurs et la prise en compte de la situation concrète de ces derniers.
1.2.2.2. Règles relatives au contrôle de l’activité des agents d’exécution
22. Déontologie des agents d’exécution et élaboration de normes de qualité. Afin de s’assurer de la bonne connaissance, par les justiciables, des devoirs qui incombent aux agents d’exécution, les États du Conseil de l’Europe pourraient définir – avec précision et dans un langage accessible par tous – des normes de qualité et les diffuser de la façon la plus large possible. Des codes de conduite pourraient également être élaborés.
Ces règles déontologiques devraient notamment porter sur : l’objectivité, la probité et l’indépendance de l’agent d’exécution ; l’obligation de respecter strictement les textes de loi en vigueur ; le secret professionnel ; les rapports de l’agent d’exécution avec les créanciers, les débiteurs, les tiers, ses autorités de tutelle, les magistrats et l’ensemble des professionnels du droit (avocats, greffiers, notaires…) ; les rapports entre agents d’exécution ; le comportement de l’agent d’exécution dans sa vie personnelle ou encore le devoir de conseil envers les justiciables.
23. Discipline des agents d’exécution. La détermination de règles disciplinaires[11] rigoureuses est de nature à susciter la confiance des justiciables dans les agents d’exécution. Les États pourraient veiller à ce que l’accès aux procédures disciplinaires soit effectif et que leur déroulement soit respectueux des garanties de bonne justice (respect des exigences du droit à un procès équitable telles que garanties à l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme). De même, les sanctions encourues devraient être légalement définies et suffisamment variées pour permettre à l’autorité compétente de prononcer la mieux adaptée à la gravité du comportement reproché. Ces sanctions devraient être susceptibles de recours.
24. Structures de contrôle. Les États pourraient clarifier la répartition des fonctions entre les différentes entités (juridictions, instances représentatives de la profession d’agent d’exécution…)[12] compétentes pour contrôler le respect des règles statutaires incombant aux agents d’exécution. À cet égard, lorsque la compétence est reconnue à des instances représentatives de la profession d’agent d’exécution, ces dernières devraient prendre la forme d’une personne morale de droit public ou être placées sous la surveillance de l’État. Les États pourraient également envisager la possibilité de créer des entités administratives indépendantes spécialement responsables – en première instance – de la surveillance, du contrôle et de la discipline des agents d’exécution (à l’image par exemple de la Commission portugaise pour la surveillance des auxiliaires de justice - Comissão para o Acompanhamento dos Auxiliares da Justiça). Dans une telle situation, un contrôle juridictionnel des décisions prononcées par ces autorités devrait être prévu.
2. Veiller à la bonne compréhension du processus d’exécution par les parties
2.1. L’information des parties sur le processus d’exécution
2.1.1. L’information des parties sur la législation applicable
25. Regroupement des principales règles dans un même document. Une information complète sur la législation applicable est la première étape vers la compréhension et la maîtrise du processus d’exécution. Cette information doit être aisément accessible. Pour ce faire, les États membres pourraient élaborer un code (ex. le code des procédures civiles d’exécution en France) ou une loi (ex. la Ley de enjuiciamiento civil en Espagne) dans lequel/laquelle seraient regroupées sinon la totalité des règles relatives aux procédures d’exécution, du moins l’essentiel des dispositions ayant trait à cette matière. Un tel regroupement présenterait également des avantages pour les professionnels et autorités chargés de mettre en œuvre ces procédures ou d’en contrôler la bonne application.
26. Diffusion de « fiches d’information ». L’information des parties sur la législation nationale applicable pourrait notamment être réalisée au moyen de fiches, pratiques et concises, relatives aux différentes procédures d’exécution ainsi qu’à l’organisation professionnelle et aux missions des agents d’exécution. Il apparaît opportun que ces fiches d’information comportent des extraits de la jurisprudence des juridictions nationales et internationales (par ex. de la Cour européenne des droits de l’homme) dont l’importance ne saurait être ignorée en matière d’exécution proprement dite des titres exécutoires. L’exposé de cas concrets peut en effet faciliter la compréhension, par le public, des règles applicables.
Sauf à manquer leur objectif, ces fiches devraient être établies dans une langue aisément compréhensible par tous. Elles pourraient également informer sur l’efficacité réelle de chaque procédure (ex. durée moyenne d’une procédure, coût moyen de sa mise en œuvre, etc.) et ne pas se résumer à un simple exposé des règles juridiques en vigueur).
Les moyens de diffusion de ces fiches pourraient être les plus variés, de façon à toucher un large public (ex. mise à disposition de la version papier dans les juridictions et les offices des agents d’exécution ; diffusion dématérialisée sur le site internet des gouvernements nationaux et des entités représentant les agents d’exécution).
2.1.2. L’information des parties sur le processus d’exécution dans lequel elles sont impliquées
27. Qu’elles aient la qualité de créancier ou de débiteur, les parties devraient être en mesure de comprendre le déroulement du processus d’exécution dans lequel elles sont impliquées, de connaitre les différentes options qui s’offrent à elles et les conséquences juridiques associées à ces différentes options[13].
28. Information écrite des destinataires des actes.Les États membres pourraient imposer (par ex., à peine de nullité de l’acte), dans tous les actes adressés aux débiteurs et aux tiers au cours de la procédure d’exécution, la mention des conséquences auxquelles ils s’exposent s’ils n’obtempèrent pas ainsi que les possibilités qui leur sont éventuellement offertes de former une contestation. Le cas échéant, cette information pourrait comprendre les délais à l’intérieur desquels les contestations doivent être formées et la désignation de la juridiction compétente pour les trancher. Pour être pertinente, cette information devrait figurer en des caractères très apparents et être rédigée dans une langue aisément compréhensible par tous.
29. Information orale des destinataires des actes. Afin de s’assurer de la bonne compréhension de ce document par son destinataire (par hypothèse, le débiteur ou le tiers entre les mains duquel la mesure d’exécution est pratiquée), lorsque l’agent d’exécution remet un acte de procédure, il pourrait avoir l’obligation de réitérer verbalement les principales mentions figurant dans cet acte (ex. effets de l’acte, possibilité de contestation, etc.). Pour plus de sécurité juridique, il pourrait également être prévu que l’accomplissement de cette formalité soit consigné dans l’acte remis.
30. Information et conseils délivrés au créancier. Les législations nationales pourraient prévoir que l’agent d’exécution soit tenu d’informer le créancier de l’état d’avancement de l’exécution (en ce sens, voir déjà : Cour EDH, 10 avril 2014, Terebus contre Portugal, req. n°5238/10), en utilisant le cas échéant les nouvelles technologies, et de le conseiller sur la stratégie à adopter au fur et à mesure du déroulement de la procédure d’exécution.
2.2. L’intelligibilité de la législation applicable
2.2.1. La lisibilité des procédures
31. Contenu de la législation. En plus de détailler les règles techniques précises applicables à chaque procédure d’exécution, les législations nationales pourraient contenir des dispositions générales où seraient par exemple mentionnés des principes directeurs (ex. principe d’équilibre entre les droits et intérêts en présence[14], principe du caractère saisissable des biens appartenant aux débiteurs[15], etc.), précisés les titres exécutoires[16] pouvant servir de fondement aux mesures d’exécution ainsi que la manière dont ils deviennent applicables et, le cas échéant, définies les principales notions utilisées.
32. Normalisation des actes de procédure. Le déroulement des procédures d’exécution se matérialise le plus souvent par la rédaction d’une succession d’actes (ex. commandement de payer, acte de saisie, acte de dénonciation…). Pour une plus grande sécurité juridique et pour faciliter le contrôle de la régularité des actes rédigés dans une procédure d’exécution donnée, les États membres pourraient procéder à la standardisation formelle desdits actes de procédure et créer, par exemple, des bibliothèques d’actes accessibles par chaque agent d’exécution.
2.2.2. La lisibilité des coûts
33. Fixation et publicité des tarifs. Qu’ils agissent en tant qu’agents libéraux ou qu’ils soient employés par l’État[17], pour l’exercice de leur mission de mise à exécution des titres exécutoires, les agents d’exécution détiennent une parcelle de la puissance publique et agissent tous en tant « qu’organes publics de l’État » (à rapprocher avec Cour EDH, 11 janvier 2001, Platakou contre Grèce, req. n°38460/97). Par conséquent, les États devraient mettre en place une règlementation relative aux tarifs applicables[18].
Afin d’éviter toute disparité dans l’évaluation du coût de l’exécution et toute discrimination lorsque coexistent au sein d’un même État des agents exerçant sous un statut privé et d’autres exerçant sous un statut public (ex. Bulgarie, France), chaque État pourrait définir la tarification des actes d’exécution suivant des critères objectifs et identiques.
Les tarifs en vigueur devraient être largement diffusés auprès des justiciables. À cet égard, toutes les techniques de diffusion et tous les supports (papier et électronique) pourraient être employées. Par exemple, les tarifs pourraient être affichés de façon très visible dans les études des agents d’exécution (au sein des locaux destinés à la réception du public) et être publiés sur l’Internet (sur les sites gouvernementaux ou/et les sites tenus par les organes représentant la profession d’agent d’exécution).
3. Assurer la qualité des procédures d’exécution
3.1. L’exigence de qualité des procédures d’exécution
3.1.1. L’efficacité des procédures d’exécution
34. Juridiction compétente. Pour plus d’efficacité, les États du Conseil de l’Europe pourraient instituer un juge spécialisé (ex., en Italie, en France, au Portugal), compétent pour connaitre l’entier contentieux de l’exécution. Cette spécialisation peut être justifiée par la technicité du contentieux de l’exécution des titres exécutoires.
La création d’un juge spécialisé pourrait faciliter la prévision de règles de procédure adaptées à la particularité de la phase de l’exécution des titres exécutoires (par exemple, à ce stade, les droits de l’une des parties envers l’autre ont été établis dans un titre ; de plus, le risque de recours dilatoires destinés à retarder l’exercice des mesures d’exécution est très présent) et contribuer à la célérité des procédures. Les États pourraient ainsi privilégier des règles de procédure simplifiées (par exemple, prévision d’une procédure orale, possibilité pour les parties de se défendre elles-mêmes, etc.). De même, le caractère contradictoire de la procédure devrait connaitre des exceptions lorsque l’efficacité des procédures d’exécution repose sur un certain « effet de surprise » (par exemple, en matière de mesures conservatoires, notamment lorsqu’elles ont pour objet des comptes bancaires).
35. Collectivisation du risque de l’inexécution. L’efficacité d’une procédure d’exécution suppose que sa mise en œuvre permette au créancier d’obtenir son dû. Or, cet objectif ne peut être atteint lorsque le débiteur ne possède pas les ressources suffisantes pour s’acquitter de sa dette. À cet égard, pour certains types de créances (et, singulièrement, pour les créances alimentaires), les législations nationales pourraient prévoir des mécanismes faisant peser une partie du risque de l’insolvabilité des débiteurs – personne privée – sur une collectivité d’individus. Par exemple, les États pourraient envisager la possibilité de créer un dispositif dans lequel les créanciers d’aliments faisant face à un débiteur impécunieux bénéficieraient d’une somme forfaitaire délivrée par les services étatiques compétents.
36. Diversification des procédures d’exécution. Les États membres pourraient être dotés d’un arsenal législatif comportant des procédures d’exécution adaptées à l’ensemble des types d’obligations susceptibles d’être consacrées dans un titre exécutoire (obligation de payer, de faire ou de s’abstenir de faire) ainsi qu’à la composition multiple des patrimoines (biens mobiliers ou immobiliers, corporels ou incorporels, immatriculés ou non immatriculés).
37. Accès de l’agent d’exécution dans des locaux privés. Afin de réaliser certaines opérations d’exécution, l’agent d’exécution devrait pouvoir accéder aux locaux privés dans lesquels se situent les biens qui font l’objet de l’exécution, y compris dans les locaux servant à l’habitation. À cette fin, les législations nationales pourraient prévoir la possibilité, pour l’agent d’exécution, de solliciter et d’obtenir l’assistance de la force publique. L’absence ou la résistance de l’occupant de ce local ne devrait pas constituer un obstacle à la réalisation d’une mesure d’exécution ou d’une mesure conservatoire. Cependant, la possibilité d’une pénétration forcée dans un local privé aux fins d’exécution devrait être conditionnée par l’existence de garanties légales (par exemple, exigence d’un titre exécutoire, présence éventuelle de témoins s’assurant du bon déroulement des opérations d’exécution ou précautions de l’agent d’exécution quant à la fermeture de l’issue par laquelle il est entré).
38. Opérations d’exécution chez les tiers. Les opérations d’exécution devraient pouvoir être menées en quelque lieu où se trouvent les biens qui en font l’objet. Pourrait notamment être permise la mise en œuvre de mesures d’exécution forcée sur des biens même s’ils sont détenus par un tiers, y compris dans le local lui servant d’habitation.
39. Prévision et mise en œuvre de mesures conservatoires. Dans les conditions définies par la législation nationale, le créancier qui n’est pas encore muni d’un titre exécutoire à l’encontre de son débiteur devrait pouvoir obtenir de la juridiction compétente l’autorisation de faire pratiquer une mesure conservatoire. Ce type de mesure a pour objet de sauvegarder les droits des créanciers (dont la reconnaissance est par ailleurs demandée au juge du fond) en préservant la consistance du patrimoine du débiteur. Dans un souci de célérité, le créancier muni d’un titre exécutoire pourrait être dispensé de toute autorisation judiciaire préalable, à condition que la mise en œuvre de la mesure conservatoire litigieuse puisse être soumise à un contrôle judiciaire a posteriori.
3.1.1.1. Accès effectif aux procédures d’exécution
40. Pallier les obstacles économiques à l’accès aux procédures d’exécution. Ainsi que cela résulte du point 62 des Lignes directrices sur l’exécution, afin de garantir l’accès à la justice, des « dispositifs d’aide judiciaire » devraient être proposés aux créanciers qui ne peuvent pas avancer ou régler les frais d’exécution. Les États qui entendent subordonner l’octroi de cette aide à la réunion de certaines conditions pourraient privilégier des critères objectifs (par exemple, prévision de conditions tenant aux ressources du demandeur) et veiller à éviter tout risque de pré-jugement (particulièrement lorsque le critère du sérieux de la demande est retenu). De plus, cette aide devrait pouvoir bénéficier aux créanciers quelle que soit la nature du titre exécutoire dont ils sont munis. Enfin, il pourrait être tenu compte de la particularité de la phase d’exécution des titres exécutoires, laquelle ne prend pas nécessairement la forme d’un procès.
3.1.1.2. Information sur le débiteur et son patrimoine
41. Destinataires des investigations patrimoniales. Quelles soient recueillies au moyen de la consultation de registres – non publics – ou sollicitées auprès du débiteur lui-même, les informations patrimoniales légalement accessibles (par exemple, le lieu du domicile du débiteur, l’identité et les coordonnées de son employeur ou de l’établissement dans lequel des comptes bancaires sont ouverts à son nom) ne devraient pas être directement communiquées au créancier. Seul l’agent d’exécution, tributaire d’une obligation de confidentialité, devrait pouvoir y avoir accès.
42. Recherche des éléments actifs du patrimoine du débiteur[19]. Les législations nationales devraient permettre un accès direct, sécurisé et dématérialisé (ex. Estonie, Lituanie, Lettonie, Suède), de l’agent d’exécution, aux registres – non publics – contenant les informations patrimoniales. Afin d’éviter la multiplication des frais de procédure, cet accès pourrait concerner particulièrement les registres dans lesquels sont réunies plusieurs informations patrimoniales pertinentes, tels que les registres tenus par les services fiscaux (ex. droit suédois) et les services de sécurité sociale. Restreindre l’accès à des registres contenant des informations parcellaires (ex. registre d’immatriculation des véhicules) apparaît contreproductif.
L’accès à de tels registres pourrait être prévu, y compris lorsque la législation nationale permet la recherche des informations pertinentes au moyen d’une déclaration de patrimoine du débiteur (ex. droit allemand, droit italien). En effet, en dépit des sanctions encourues (de nature civile et/ou pénale), le risque de déclaration incomplète, inexacte ou mensongère du débiteur n’est pas à exclure. De plus, solliciter les services gérant les registres contenant les informations patrimoniales pertinentes, plutôt que le débiteur lui-même, pourrait permettre de réduire le risque que ce dernier tente de dissimuler ses actifs.
Les entités détentrices des informations légalement accessibles par les agents d’exécution (à savoir, les organismes publics ou des personnes morales de droit public[20] et les tiers débiteurs[21] de la personne contre qui l’exécution est poursuivie) ne devraient pas pouvoir opposer un refus fondé sur le secret professionnel. De plus, les informations qu’elles délivrent devraient pouvoir être utilisées, par l’agent d’exécution qui en est le destinataire, dans plusieurs procédures d’exécution impliquant un même débiteur, dans les conditions prévues par la loi[22].
43. Recherche des éléments passifs du patrimoine du débiteur. À l’image de ce qui existe dans certaines législations européennes[23], les États membres du Conseil de l’Europe pourraient se doter d’un mécanisme de publicité des mesures d’exécution et des mesures conservatoires et, pour ce faire, créer un fichier central informatisé renseigné par les agents d’exécution (par exemple, les agents d’exécution pourraient avoir l’obligation de signaler à l’organe gérant le fichier, dans un délai déterminé, l’existence des actes de procédure réalisés en vue de l’exécution du titre exécutoire pour laquelle ils ont été mandatés). Un tel fichier listerait, pour un débiteur donné, l’ensemble des procédures d’exécution en cours ainsi que celles qui se sont avérées infructueuses faute de biens saisissables. Ce type d’informations est très utile pour éclairer l’agent d’exécution – et, par extension, le créancier – sur l’opportunité de mettre en œuvre une (nouvelle) procédure d’exécution. Limitant l’exercice de mesures qui ne permettent pas la satisfaction du créancier mais qui ont un coût pour le débiteur, un tel mécanisme servirait l’efficacité de l’exécution. Afin d’éviter une divulgation indue, l’accès aux informations collectées dans cette banque de données informatisée devrait être strictement réglementé.
3.1.1.3. Les facteurs contribuant à la célérité de l’exécution
44. Promotion d’une « e-Exécution ».L’utilisation croissante des nouvelles technologies de la communication dans le domaine de la justice est une tendance forte constatée dans les États membres du Conseil de l’Europe. Appliqué à la phase de l’exécution des titres exécutoires, ce phénomène se manifeste par la généralisation des échanges par voie électronique entre les différents organes de la procédure ainsi que par la dématérialisation des procédures d’exécution (par exemple, en Arménie, au Danemark, en Géorgie, au Portugal, en République tchèque, etc.). À ce jour, cette évolution concerne particulièrement les saisies sur les comptes bancaires, les saisies immobilières, les saisies de véhicules ainsi que les ventes aux enchères publiques (enchères électroniques).
La dématérialisation des procédures d’exécution permet un gain de temps dans la mise en œuvre de certaines mesures conservatoires ou d’exécution et accroît le nombre potentiel d’acquéreurs lors des ventes aux enchères publiques. Elle pourrait donc être encouragée par les États membres, sous réserve d’entourer cette évolution de toutes les précautions garantissant une sécurité juridique optimale (adde., point III.7 de la Recommandation Rec(2003) 17). Par exemple, pourrait s’appliquer un protocole déterminé afin de préserver la confidentialité et l’intégrité des informations transmises, tout en s’assurant de l’identité de l’auteur de l’acte ainsi que de la bonne réception de cet acte par son véritable destinataire (par exemple, avec la mise en place d’un mécanisme d’accusé de réception).
3.1.2. Le caractère équitable des procédures d’exécution
3.1.2.1. Droits et obligations des débiteurs lors du déroulement des procédures d’exécution
3.1.2.1.1. Veiller au respect des droits du débiteur
45. Sans que cela ne constitue une atteinte substantielle au droit du créancier à obtenir son dû, les droits fondamentaux et les intérêts du débiteur devraient être pris en compte lors de la mise en œuvre des procédures d’exécution.
3.1.2.1.1.1. Encourager la collaboration du débiteur à la procédure d’exécution
46. Collaboration du débiteur à la procédure d’exécution. Dans l’intérêt de toutes les parties intéressées, le débiteur, qui n’a pas spontanément exécuté le titre rendu à son encontre, pourrait tout de même se voir accorder la possibilité de collaborer au processus d’exécution enclenché par son créancier. Cela pourrait surtout être le cas lorsque les procédures d’exécution ont pour objet des biens corporels. En effet, une implication accrue du débiteur peut contribuer à apaiser le processus d’exécution des titres exécutoires en lui permettant, par exemple, d’éviter l’expérience traumatisante de l’enlèvement forcé de ses biens. Cette collaboration présenterait également des avantages pour le(s) créancier(s), en ce qu’elle permet par exemple d’éviter les frais liés aux ventes forcées des biens saisis (adde, point n°56 des Lignes directrices sur l’exécution) et de repousser le risque de parvenir à une vente déficitaire.
Dès lors, dans la mesure du possible et sans que cela nuise à la célérité des procédures d’exécution, les États pourraient encourager la collaboration du débiteur à la procédure d’exécution dont il fait l’objet. À titre d’exemple, les procédures d’exécution peuvent prévoir des délais permettant de procéder à l’exécution volontaire d’un titre exécutoire ou à la vente amiable d’un bien saisi.
Plus généralement, les législations nationales devraient créer les conditions permettant aux parties de (tenter de) parvenir à un accord relatif aux modalités de l’exécution, sous le contrôle d’un juge et sous l’autorité de l’agent d’exécution (agissant en sa qualité de « médiateur post-judiciaire » : cf. point 8 des Lignes directrices sur l’exécution)[24].
Par ailleurs, les États membres pourraient reconnaitre au débiteur, dont le patrimoine est visé par une mesure conservatoire, le droit de constituer une garantie (par exemple, une hypothèque ou une garantie bancaire d’un montant au moins équivalent à celui des biens saisis) en remplacement de ladite mesure (en ce sens, par exemple, voir le mécanisme du « cantonnement » prévu dans la législation belge : code judiciaire, art. 1403 et s.). Cette substitution, qui devrait s’opérer dans les formes prévues par la législation nationale (par exemple, être judiciairement autorisée), permettrait ainsi la libération des biens saisis à titre conservatoire, sans heurter les droits des créanciers.
3.1.2.1.1.2. Préserver le droit au respect de la vie privée du débiteur et de ses proches
47. Jours et heures légaux des opérations d’exécution. Les jours et heures légaux durant lesquels les opérations d’exécution peuvent avoir lieu devraient être définis (par exemple, entre six heures et vingt et une heures, sauf le dimanche et les jours fériés).
48. Personnes présentes lors des opérations d’exécution. Afin d’éviter d’envenimer une situation potentiellement conflictuelle, le créancier ne devrait pas en principe assister aux opérations d’exécution. Cependant, dans le cas où les circonstances l’exigeraient (par exemple, pour identifier le(s) bien(s) visé(s) par la procédure d’exécution), la présence du créancier devrait pouvoir être autorisée par l’autorité compétente (par exemple, le juge chargé du contentieux de l’exécution).
Par ailleurs, le droit au respect de la vie privée du débiteur ne devrait pas faire obstacle à la présence des personnes assistant l’agent d’exécution, lorsque les opérations d’exécution se déroulent dans le local servant à l’habitation du débiteur, en son absence ou malgré sa résistance (par exemple, la présence de témoins permettant de s’assurer de la régularité des opérations d’exécution).
49. Obligation de confidentialité. Lorsque la mise en œuvre d’une procédure d’exécution implique l’intervention d’un tiers (tel que l’employeur du débiteur ou l’établissement bancaire dans lequel le débiteur détient un compte), seules les informations strictement nécessaires à sa collaboration devraient lui être communiquées. Par exemple, si la procédure est pratiquée entre les mains d'un tiers sur le fondement d'un jugement, seul le dispositif de ce jugement pourrait être porté à la connaissance de ce dernier.
Plus généralement, toute personne impliquée dans le processus d’exécution d’un titre exécutoire devrait être tenue par une obligation de confidentialité et devrait encourir des sanctions (civiles et/ou pénales et, le cas échéant, disciplinaires) en cas de divulgation indue des informations acquises à cette occasion. À cet égard, l’acte remis à ces personnes pourrait contenir une information portant sur l’existence de cette obligation de confidentialité et les conséquences de sa violation.
3.1.2.1.1.3. Garantir des conditions de vie décentes au débiteur et à ses proches
50. Insaisissabilité de certains biens appartenant au débiteur. En principe, le débiteur devrait répondre de sa dette sur l’ensemble de ses biens. Ainsi, les mesures d’exécution et les mesures conservatoires devraient pouvoir porter sur tous les biens lui appartenant (qu’il s’agisse de biens corporels ou incorporels, mobiliers ou immobiliers, immatriculés ou non), en quelque lieu où ils se trouvent.
Cependant, des cas d’insaisissabilité des biens appartenant au débiteur devraient être prévus dans les législations nationales (tels que les biens mobiliers nécessaires à la vie et au travail du débiteur et de sa famille ou encore les objets indispensables aux personnes handicapées ou destinés aux soins des personnes malades). Dans un souci de clarté, il apparaît souhaitable que ces cas d’insaisissabilité soient énumérés au sein d’une même liste limitative.
51. Règles propres aux procédures d’exécution sur les comptes bancaires. Dans les procédures d’exécution portant sur un compte bancaire, une somme à caractère alimentaire (dont le montant est défini par la législation nationale) pourrait être automatiquement laissée à la disposition du débiteur. L’établissement entre les mains duquel la procédure d’exécution est pratiquée pourrait alors être informé (dans l’acte d’exécution) du montant de cette somme ainsi que du ou des comptes sur lesquels cette mise à disposition devrait être opérée.
52. Règles propres aux procédures d’exécution sur les biens corporels. Lorsque la procédure d’exécution porte sur un bien corporel, le débiteur devrait en principe pouvoir conserver l’usage de ce bien pendant la durée de la procédure (sous réserve notamment des biens qui se détruisent par leur premier usage). Toutefois, par souci de sécurité, tout intéressé (principalement, le créancier ou le débiteur) devrait pouvoir demander que les biens visés par la procédure soient consignés entre les mains d’un séquestre, désigné d’un commun accord ou judiciairement.
53. Articulation avec les règles régissant le droit des entreprises en difficulté et le droit du surendettement des particuliers. Les législateurs nationaux pourraient veiller à la bonne articulation entre, d’une part, la mise en œuvre des procédures civiles d’exécution et, d’autre part, les règles régissant le droit des entreprises en difficulté et le droit du surendettement des particuliers. Par exemple, lorsque cela est nécessaire pour le rétablissement du débiteur (particulier), les États pourraient organiser des procédures permettant d’apurer son passif.
3.1.2.1.2. Sanctionner les abus et infractions du débiteur
54. Résistance abusive. Les législations nationales pourraient prévoir des sanctions appropriées pour faire cesser et réprimer le comportement du débiteur s’analysant en une « résistance abusive » lors du déroulement des opérations d’exécution (par exemple, une condamnation au paiement d’une amende et/ou au versement de dommages-intérêts).
55. Menaces et violences envers l’agent d’exécution. Devraient être sanctionnées (sur le plan civil et/ou pénal), les menaces proférées et les violences commises, par le débiteur, à l’encontre de l’agent d’exécution et des personnes qui l’assistent lors des opérations d’exécution.
56. Dissimulation ou dégradation des biens. La responsabilité – civile et/ou pénale – du débiteur pourrait être engagée en cas de dissimulation ou de dégradation des biens, faisant l’objet d’une mesure d’exécution, dont il a gardé l’usage durant la procédure d’exécution. Dans le même ordre d’idées, les États devraient sanctionner les comportements du débiteur consistant en une organisation frauduleuse de son insolvabilité.
3.1.2.2. Droits et obligations des tiers lors du déroulement des procédures d’exécution
3.1.2.2.1. Veiller au respect des droits des tiers
57. Prévision de garanties spécifiques.Contrairement au débiteur, les tiers ne se sont pas personnellement engagés envers le créancier. Il ne serait donc pas illégitime de prévoir des règles leur assurant une protection accrue. À cet égard, des garanties particulières (par exemple, l’exigence d’une autorisation judiciaire) pourraient être prévues lorsqu’une procédure d’exécution porte sur un bien – appartenant au débiteur – détenu par un tiers, dans le local servant d’habitation à ce dernier.
58. Contestation de la propriété des biens faisant l’objet d’une procédure d’exécution. Les tiers devraient pouvoir former une contestation, devant la juridiction compétente, lorsqu’ils se prétendent propriétaires du ou des biens faisant l’objet d’une procédure d’exécution. Afin d’éviter les comportements dilatoires, la recevabilité de la contestation pourrait être subordonnée à la présentation des éléments justificatifs sur lesquels se fonde le droit de propriété invoqué. De même, les législations nationales devraient préciser le délai à l’intérieur duquel la contestation peut être formée.
3.1.2.1.2. Définir les obligations du tiers et sanctionner leur méconnaissance
59. Obligations. Les tiers devraient être tributaires d’une double obligation d’abstention et de collaboration. D’une part, ils ne devraient pas nuire au bon déroulement des procédures d’exécution (notamment en se rendant complices de la dissimulation des biens du débiteur ou en s’opposant physiquement et/ou violemment aux agents d’exécution). D’autre part, ils devraient apporter leur concours au bon déroulement des opérations d’exécution lorsqu’ils en sont légalement requis. Par exemple, les tiers entre les mains desquels une mesure d’exécution est pratiquée pourraient informer l’agent d’exécution de l’étendue de leurs obligations à l’égard du débiteur ou déclarer les biens qu’ils détiennent pour le compte de ce dernier.
60. Sanctions. Les tiers qui méconnaissent leurs obligations – notamment en effectuant une déclaration mensongère ou en refusant de renseigner l’agent d’exécution – devraient s’exposer à des sanctions. Par exemple, ils devraient pouvoir être condamnés au versement de dommages-intérêts ou au paiement des sommes dues par le débiteur au créancier. Ces sanctions devraient être légalement prévues, efficaces et proportionnées au comportement reproché.
3.2. Le contrôle de la qualité des procédures d’exécution
61. Diffusion de rapports annuels d’activité. Les organisations représentatives de la profession d’agents d’exécution pourraient diffuser des rapports annuels d’activité informant notamment sur la durée, le coût moyen et – si possible – sur le taux de réussite des procédures d’exécution réalisées dans l’année écoulée. Ce type d’informations serait susceptible d’éclairer les créanciers sur le choix des procédures à mettre en œuvre (à cet égard, voir par exemple les rapports annuels élaborés sous l’égide de la chambre nationale des huissiers de justice de Belgique). De même, des statistiques pourraient être diffusées en ce qui concerne le nombre de procédures engagées et de sanctions disciplinaires prononcées contre les agents d’exécution.
4. Promouvoir l’utilisation d’une terminologie juridique commune en matière d’exécution
62. L’amélioration de l’exécution des titres exécutoires au sein du Conseil de l’Europe suppose l’emploi d’un vocabulaire juridique non seulement précis, mais également compréhensible par tous. Si certaines notions sont étroitement liées aux spécificités de chaque culture juridique nationale (ex. contempt of court), d’autres renvoient à des réalités présentes dans l’ensemble des États membres. Concernant ces dernières, il apparaît opportun de poursuivre le travail de définition entamé dans la Recommandation Rec(2003)17 du Comité des Ministres et développé dans le glossaire figurant en annexe des Lignes directrices pour une meilleure mise en œuvre de la recommandation existante du Conseil de l’Europe sur l’exécution (CEPEJ(2009), 11REV2).
63. Tout en précisant le sens dans lequel les notions employées dans le présent guide doivent être entendues, ce travail de définition poursuit l’objectif plus général de l’élaboration d’une véritable culture judiciaire européenne.
64. Un renvoi peut être fait aux définitions présentes dans la Recommandation Rec(2003) 17 et dans les Lignes directrices adoptées dans son prolongement, à commencer par la définition de la notion d’exécution, laquelle correspond au fait de donner effet à des décisions de justice, ainsi qu’à d’autres titres exécutoires, qu’ils soient judiciaires ou non judiciaires, conformément à la loi qui oblige le défendeur à faire, à s’abstenir de faire ou à payer ce qui a été décidé.
65. Sous réserve de ce renvoi général, l’analyse des législations nationales des États membres du Conseil de l’Europe invite à compléter certaines définitions figurant dans la Recommandation et les Lignes directrices précitées, comme il suit[25] :
-Acteurs de l’exécution : Personnes directement ou indirectement impliquées dans la procédure d’exécution. Ces termes englobent les parties (le créancier et le débiteur), les tiers ainsi que les organes de la procédure (les autorités judiciaires et l’agent d’exécution).
-Agent d’exécution : Désigne toute personne légalement autorisée à mener une procédure d’exécution, à l’exclusion de celles qui ont la qualité de juge. Il peut s’agir d’un professionnel libéral détenteur d’une parcelle de la puissance publique ou d’un agent public. Son statut est règlementé par la loi.
-Créancier : La partie qui recherche l’exécution. Dans les conditions prévues par la législation nationale, le créancier peut contraindre son débiteur défaillant à exécuter ses obligations à son égard[26].
-Débiteur : La partie, tenue d’une obligation de payer, de faire ou de s’abstenir de faire, à l’encontre de laquelle l’exécution est recherchée[27].
-Déontologie (des agents d’exécution) : Ensemble de devoirs attachés à une activité professionnelle, imposés aux agents d’exécution.
-Discipline (des agents d’exécution) : Ensemble de règles définissant, conformément aux exigences du procès équitable, les fautes, la procédure, l’instance disciplinaire et les sanctions applicables aux agents d’exécution.
-Dispositif d’une décision de justice : Partie finale d’une décision de justice contenant la solution proprement dite du litige.
-e-Exécution : Usage des nouvelles technologies de la communication lors de la phase d’exécution des titres exécutoires se manifestant, particulièrement, par l’élaboration de procédures d’exécution entièrement dématérialisées.
-Investigations patrimoniales : Démarches menées par une autorité légalement habilitée visant à localiser et à identifier le contenu du patrimoine du débiteur.
-Mesure conservatoire : Mesure ayant pour objet de protéger les droits des créanciers dont la reconnaissance est par ailleurs demandée au juge du fond, en préservant la consistance du patrimoine de leurs débiteurs. Contrairement aux mesures d’exécution, les mesures conservatoires n’opèrent aucun transfert de propriété. Pour plus d’efficacité, ces mesures sont délivrées à l’issue d’une procédure non contradictoire, le débiteur n’étant prévenu qu’une fois qu’elles ont produit leurs effets.
-Mesures d’exécution : Voies de droit qui permettent au créancier muni d’un titre exécutoire d’obtenir son dû, lorsque son débiteur n’accomplit pas spontanément ses obligations à son égard.
-Procédures d’exécution : Ensemble des formalités et des actes légalement requis pour mettre en œuvre une mesure conservatoire et/ou une mesure d’exécution dans une affaire donnée.
-Résistance abusive du débiteur. Est l’auteur d’une résistance abusive, le débiteur qui élève une contestation dans un but purement dilatoire ou qui ne repose sur aucun fondement sérieux.
-Signification. Procédé permettant de porter un acte judiciaire ou non judiciaire à la connaissance de son destinataire, par un agent légalement habilité.
-Tiers : Personnes impliquées d’une façon ou d’une autre dans le processus d’exécution d’un titre judiciaire ou non judiciaire, sans avoir la qualité de créancier ou de débiteur, à l’exclusion des organes de la procédure (les autorités judiciaires et l’agent d’exécution) ou encore de la force publique (ex. autorités de police). Le plus souvent, il s’agit du débiteur du débiteur (ex. employeur du débiteur ; établissement bancaire au sein duquel le débiteur a ouvert un ou plusieurs comptes) ou une personne qui détient un bien appartenant au débiteur, pour le compte de ce dernier.
Titre exécutoire : Titre judiciaire (ex. décision de justice) ou non judiciaire (ex. acte notarié), établissant le droit de créance d’une partie, sur le fondement duquel la législation nationale permet l’usage des mesures d’exécution.
Séquestre : Tierce personne, désignée judiciairement ou d’un commun accord par les parties, entre les mains de laquelle est déposé un bien qui est l’objet d’une mesure conservatoire ou d’une mesure d’exécution.
Annexe
1. Titres exécutoires servant de fondements aux poursuites. Plusieurs États européens prévoient dans leur législation une liste – limitative ou non – énumérant les documents qui constituent des titres exécutoires. Cela est notamment le cas en Géorgie (art. 2 de la loi sur les procédures d’exécution), en Suède (chapitre 3 du code de l’exécution) ou encore en France où l’article L. 111-3 du code des procédures civiles d’exécution contient une liste exhaustive des titres exécutoires. D’autres exemples peuvent également être trouvés en droit allemand (§§704 et 794 du Zivilprozessordnung), en droit espagnol (art. 517 de la Ley de enjuiciamiento civil) ou encore en droit italien (art. 474, alinéa 2 du Codice di procedura civile). Cette solution n’est cependant pas adoptée par tous les États membres (par ex. Belgique). De plus, il arrive qu’aux côtés d’une disposition principale relative aux titres exécutoires, figurent plusieurs autres dispositions – codifiées ou non – prévoyant également dans leurs domaines d’application respectifs des titres exécutoires (par ex. art. 430 du code de procédure civile des Pays-Bas).
Quoi qu’il en soit, en matière civile et commerciale, on retrouve généralement trois grandes catégories de titres : les décisions de justice (auxquelles peuvent s’ajouter, sous certaines conditions, les sentences arbitrales) ; les actes authentiques notariés et les transactions judiciaires. Par ailleurs, certaines législations nationales reconnaissent à l’agent d’exécution le pouvoir de délivrer des titres. Cela est notamment le cas en droit français, en cas de non-paiement d’un chèque ou en cas d'homologation de l'accord entre le créancier et le débiteur.
2. L’étendue des fonctions des agents d’exécution. En dépit des disparités qui existent entre les législations nationales, certaines solutions emportent l’adhésion d’une majorité d’États membres. Ainsi en est-il de la déjudiciarisation partielle du processus d’exécution, de la centralisation de la fonction de mise à exécution ou encore de la pluridisciplinarité des agents d’exécution.
-Déjudiciarisation partielle du processus d’exécution. Lorsque l’on s’intéresse à la conduite du processus d’exécution, il semble possible de répartir schématiquement les États membres du Conseil de l’Europe en deux groupes principaux.
Dans le premier groupe (groupe majoritaire), l’exécution des titres exécutoires n’est pas, en principe, subordonnée à une autorisation préalable d’un juge. En accord avec le créancier et dans le respect de la législation nationale applicable, les agents d’exécution conduisent les opérations d’exécution. Parmi ces États membres, on peut citer l’Allemagne, la Belgique, la Finlande, la France, la Grèce, le Luxembourg, les Pays-Bas ou encore la Suède.
Inversement, dans le second groupe d’États membres (groupe minoritaire), quelle que soit la mesure d’exécution mise en œuvre, l’engagement du processus d’exécution est subordonné à la délivrance d’une autorisation par la juridiction nationale compétente, alors même que le demandeur dispose d’un titre exécutoire établissant son droit de créance. En d’autres termes, la conduite du processus d’exécution est nécessairement assurée par un juge. Cela est notamment le cas en droit espagnol, en droit italien, en droit danois ou encore en droit autrichien.
Ces dernières années, on perçoit un certain mouvement allant vers la « déjudiciarisation » des procédures d’exécution. En ce sens, on peut notamment citer l’évolution du droit portugais.
-Centralisation de la fonction de mise à exécution. La détermination du degré de centralisation de la fonction d’agent d’exécution dans les différents États membres (qui ne doit pas être confondue avec la problématique distincte de l’exercice des fonctions à titre de monopole) dépend de la question de savoir si cette fonction peut être exercée par une ou par plusieurs catégories de professionnels. Dans le domaine couvert par le présent guide, la réponse à cette interrogation illustre l’une des principales différences qui existent actuellement entre les droits nationaux des États membres du Conseil de l’Europe. Dans un premier groupe d’États (par ex. l’Autriche, la Belgique, l’Espagne, la Finlande, les Pays-Bas, la Roumanie, la Suède ou encore, dans une large mesure, la France), l’autorité compétente pour exécuter les titres exécutoires est en principe la même quelle que soit la mesure à mettre en œuvre ou le domaine concerné par l’exécution. Inversement, dans d’autres États, le système d’exécution est « décentralisé » (par ex., en Angleterre et au Pays de Galles, en Écosse, en Irlande, en République Tchèque). La répartition des fonctions peut se faire sur la base de la mesure d’exécution envisagée (ainsi, en Allemagne, par exemple, quatre organes différents sont respectivement compétents pour procéder aux saisies de biens meubles corporels, aux saisies immobilières, aux saisies des créances et pour l’exécution des obligations de faire ou de ne pas faire) ou de la juridiction qui a prononcé le titre à exécuter et/ou de la nature de la créance (ex. en droit anglais et gallois).
-Pluridisciplinarité de l’agent d’exécution. Pour ne citer que quelques exemples d’États européens dans lesquels les « activités accessoires » mentionnées au point 34 des Lignes directrices sur l’exécution constituent des activités principales, importantes ou courantes :
Recouvrement des créances : Belgique, Bulgarie, France, Géorgie, Grèce, Lituanie, Luxembourg, ERY-Macédoine, Pays-Bas, Roumanie, Fédération de Russie, Slovénie ou République tchèque (contra, par exemple : Allemagne, Angleterre, Estonie, Finlande, Hongrie, Italie, Lettonie, Norvège, Portugal, Slovaquie, Suède).
Ventes aux enchères publiques forcées : Bulgarie, Estonie, Géorgie, Hongrie, Lettonie, Lituanie, ERY-Macédoine, Moldavie, Pologne, Roumanie, Slovénie, République tchèque (contra, par exemple : en Grèce, en Italie, Portugal, Russie).
Séquestre : Bulgarie, Finlande, Géorgie, Grèce, Hongrie, Italie, Lettonie, Moldavie, Roumanie, Russie, Slovaquie, Suède (contra, par exemple : Écosse, Espagne, Estonie, Lituanie, ERY-Macédoine, Norvège, Pays-Bas, Slovénie).
Constat : Belgique, France, Lettonie, Lituanie, Luxembourg, Suisse (contra, par exemple : Allemagne, Angleterre, Bulgarie, Espagne, Estonie, Finlande, Géorgie, Grèce, Hongrie, Italie, ERY-Macédoine, Norvège, Portugal, Russie, Slovaquie, Suède).
Service des audiences près les juridictions : France, ERY-Macédoine, Pays-Bas, Russie, Suisse, République tchèque (contra, par exemple, : Allemagne, Angleterre, Belgique, Bulgarie, Écosse, Espagne, Estonie, Finlande, Géorgie, Grèce, Hongrie, Italie, Lettonie, Lituanie, Luxembourg, Moldavie, Norvège, Portugal, Roumanie, Slovaquie, Slovénie, Suède).
Conseils : Espagne, Estonie, France, Lituanie, Portugal (contra, par exemple : Allemagne, Angleterre, Bulgarie, Écosse, Finlande, Géorgie, Grèce, Hongrie, Italie, ERY-Macédoine, Moldavie, Norvège, Russie, Slovaquie, Slovénie, Suède).
Procédures de faillite : Bulgarie, Espagne ou Fédération de Russie (contra, par exemple : Allemagne, Angleterre, Belgique, Écosse, Estonie, Finlande, Grèce, Hongrie, Italie, Lettonie, Lituanie, Luxembourg, ERY-Macédoine, Moldavie, Norvège, Pays-Bas, Portugal, Roumanie, Slovaquie, Slovénie, Suède, République tchèque).
Missions confiées par un juge (telles que réaliser un constat, une expertise, une enquête, une médiation, nommer un séquestre ou donner son avis sur un point technique): Belgique, Bulgarie, Écosse, France, Géorgie, Italie, Lituanie, Luxembourg, ERY-Macédoine, Moldavie, Pologne, Roumanie, Slovaquie, Slovénie, Suisse, République tchèque (contra, par exemple : Allemagne, Espagne, Estonie, Finlande, Grèce, Hongrie, Lettonie, Norvège, Pays-Bas, Portugal, Russie, Suède).
Médiation : Belgique, Moldavie (contra, par exemple : Allemagne, Angleterre, Bulgarie, Écosse, Estonie, Finlande, Géorgie, Grèce, Hongrie, Italie, Lettonie, Lituanie, Luxembourg, ERY-Macédoine, Norvège, Portugal, Roumanie, Russie, Slovaquie, Slovénie, Suède, République tchèque).
Représentation des parties en justice : Espagne, Pays-Bas et, dans certains cas, en France, au Portugal, en Suisse ou en République tchèque (contra, par exemple : Allemagne, Angleterre, Belgique, Bulgarie, Écosse, Estonie, Finlande, Géorgie, Grèce, Hongrie, Italie, Lettonie, Lituanie, Luxembourg, ERY-Macédoine, Moldavie, Norvège, Russie, Slovaquie, Slovénie, Suède).
Rédaction des actes sous-seings privés : Bulgarie, Portugal ou, sous certaine condition, la France, la République tchèque (contra, par exemple : Allemagne, Angleterre, Belgique, Écosse, Espagne, Estonie, Finlande, Grèce, Hongrie ; Italie, Lituanie, Luxembourg, ERY-Macédoine, Moldavie, Norvège, Pays-Bas, Roumanie, Russie, Slovaquie, Slovénie, Suède).
3. Les garanties statutaires des agents d’exécution. Afin d’illustrer les garanties définies dans le statut des agents d’exécution, des exemples peuvent être tirés des règles relatives à la formation professionnelle et à l’exercice de cette profession.
- Accès à la profession et règles relatives à la formation professionnelle des agents d’exécution. L’accès à la profession d’agent d’exécution dans les États du Conseil de l’Europe est le plus souvent subordonné à l’obtention d’un diplôme sanctionnant une formation universitaire en droit ainsi qu’une formation professionnelle subséquente.
Si dans une majorité d’États une formation universitaire initiale en droit est requise pour accéder à la profession d’agent d’exécution, la durée d’étude exigée après le baccalauréat (ou diplôme équivalent) est néanmoins variable. Le nombre d’années d’études juridiques peut être de trois (par ex., Angleterre, Estonie, Hongrie, Italie, Pays-Bas, Portugal), quatre (par ex. Finlande, France, Géorgie, Lituanie, ERI-Macédoine, Roumanie, Russie) ou cinq (par ex. Belgique, Bulgarie, Espagne, Lettonie, Luxembourg, Moldavie, Slovaquie, Suède, République tchèque). On relève cependant certains États dans lesquels aucun niveau spécifique d’études juridiques n’est exigé. Il en va ainsi, par exemple, en Allemagne, en Écosse, en Grèce, en Norvège ou en Slovénie.
Ensuite, les personnes souhaitant devenir agents d’exécution doivent le plus souvent suivre une formation professionnelle préalable à leur accès à cette profession (par ex. Allemagne, Angleterre, Belgique, Écosse, Espagne, Estonie, France, Luxembourg, Moldavie, Norvège, Pays-Bas, Slovaquie, Suède ; Contra : Bulgarie, Finlande, Géorgie, Grèce, Hongrie, ERY-Macédoine, Slovénie), qui comporte des enseignements théoriques et/ou pratiques. La partie pratique est quasi-systématiquement dispensée par la profession elle-même. À cet égard, il est à souligner que les futurs agents d’exécution doivent, dans plusieurs États, réaliser un stage professionnel (par ex., Allemagne, Angleterre et Pays de Galles, Belgique, Écosse, Espagne, Estonie, France, Luxembourg, Moldavie, Pays-Bas, Slovaquie, Suède). La durée en est très variable en fonction des États concernés. Alors qu’elle est d’une semaine en Slovénie, elle est de quatre années aux Pays-Bas.
Enfin, les candidats doivent en principe réussir un examen professionnel spécifique d’accès à la profession (par ex., Allemagne, Angleterre, Belgique, Bulgarie, Danemark, Écosse, Espagne, Estonie, France, Géorgie, Grèce, Hongrie, Italie, Lettonie, Lituanie, Luxembourg, Moldavie, Pays-Bas, Pologne, Portugal, République tchèque, Roumanie, Slovaquie, Slovénie, Suède, Suisse). Là encore, des différences existent entre les États quant à l’organisation de ces examens. Par exemple, si l’examen a le plus souvent lieu à l’issue de la formation pratique, certains États le prévoient avant (par ex. en Estonie et en Grèce) ou organisent un examen avant et après cette formation (par ex. en Roumanie). De façon plus originale, il peut arriver que les agents d’exécution soient tenus de passer un examen de façon périodique (ex. tous les quatre ans, pour les agents d’exécution de Slovénie).
Lorsqu’elle est exigée pour accéder à la profession d’agents d’exécution, la formation initiale en droit est dispensée par les universités. En revanche, la formation professionnelle est assurée le plus souvent par la profession et dans une moindre mesure par d’autres organismes dont les universités (pour ce qui est du volet théorique de la formation professionnelle).
Il est permis de signaler l’existence de centres de formation spécifiquement consacrés à la formation des futurs agents d’exécution, dans certains États (Allemagne depuis 1970 ; France depuis 1960 ; Géorgie depuis 2009 ; Hongrie depuis 2009 ; Norvège depuis 1920 ; Pays-Bas depuis 2002 ; Roumanie depuis 2005 ; Russie depuis 1970). À titre d’exemple, en France, l’École nationale de procédure, dont le siège est à Paris, dispose de 25 centres régionaux. Les enseignements y sont dispensés, au moyen de plus d’une cinquantaine de modules de formation, par 200 formateurs.
Le nombre d’États où existent des centres de formation spécifique devrait prochainement augmenter. Des réformes visant à la création de telles structures sont en effet actuellement en cours dans quelques pays (par exemple en Espagne, en Grèce ou au Portugal).
-Règles relatives à l’organisation de la profession d’agent d’exécution. En valeur absolue, les écarts concernant le nombre d’agents d’exécution titulaires sont très impressionnants, mais peu éclairants en raison des différences (notamment d’ordre géographique ou démographique) entre les États membres du Conseil de l’Europe. À titre d’exemple, alors que l’on dénombre 19 agents d’exécution au Luxembourg, ils sont 46298 en Russie.
Le nombre d’agents d’exécution titulaires pour 100 000 habitants donne une meilleure base de comparaison. Il est alors compris entre 0,1 (Angleterre et Pays de Galles) et 32.26 (Fédération de Russie). Cependant, là encore, il convient d’être prudent dans l’exploitation de ces données. L’écart constaté entre l’Angleterre et la Fédération de Russie s’explique – au moins partiellement – par le fait que les agents d’exécution libéraux en Angleterre et au Pays de Galles (High Court Enforcement Officers, seuls comptabilisés ici) ne réalisent que certains aspects de l’exécution (saisies sur les biens mobiliers corporels, ventes aux enchères de ces biens et expulsions), ces derniers utilisant les services de nombreux agents d’exécution (bailiffs) pour effectuer les saisies. Inversement, en Fédération de Russie, l’étendue des activités couvertes par les agents d’exécution (un tiers d’entre eux environ sont affectés à la sécurité des juridictions) contribue à expliquer leur nombre important.
L’étendue de la compétence territoriale des agents d’exécution varie d’un État européen, à l’autre. À titre d’exemple, ils disposent d’une compétence nationale en République tchèque, en Slovaquie ou aux Pays-Bas.Inversement, au Luxembourg, la compétence territoriale d’un « huissier de justice » est limitée à l’un des deux arrondissements judiciaires que compte cet État (art. 13 de la loi du 4 décembre 1990 portant organisation du service des huissiers de justice). La superficie du Luxembourg est pourtant seulement de 2586 km2. Dans le même ordre d’idées, en Belgique, l’agent d’exécution (« l’huissier de justice ») ne peut instrumenter que dans l’arrondissement judiciaire déterminé par l’arrêté royal de nomination (art. 513 du code judiciaire). Or, la Belgique, dont la superficie est de 30 513 km2, compte 27 arrondissements judiciaires.
Il est à souligner qu’en Angleterre l’extension de la compétence territoriale des agents d’exécution a eu pour conséquence la suppression progressive de près de 90% des offices.
-Règles relatives au contrôle de l’activité des agents d’exécution. Le plus souvent, les règles disciplinaires applicables à la profession d’agent d’exécution concernent les manquements éventuels aux règles professionnelles, d’éthique et/ou de déontologie (par ex. Angleterre et Pays de Galles, Belgique, Bulgarie, Écosse, Espagne, Estonie, Finlande, France, Géorgie, Grèce, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Luxembourg, Macédoine (ERY), Moldavie, Pays-Bas, Portugal, Roumanie, Fédération de Russie, Slovaquie, Suède ou République tchèque ; contra : Finlande, Roumanie, Suède), les contraventions aux lois et règlements se rapportant à des faits professionnels (contra, par exemple : Espagne, Lituanie, Moldavie, Pays-Bas) ainsi qu’à tout fait contraire à la probité, à l’honneur ou à la délicatesse se rapportant à des faits professionnels (contra, par exemple : Finlande, Géorgie, Pays-Bas, Slovaquie, Suède).
En revanche, les proportions s’inversent lorsque le comportement reproché à l’agent d’exécution se rapporte à des faits en dehors du champ de son activité professionnelle. En effet, dans neuf États seulement (sur les vingt-trois étudiés), les règles disciplinaires concernent les contraventions aux lois et règlement se rapportant à des faits non-professionnels (par exemple : Belgique, Écosse, Estonie, France, Géorgie, Hongrie, Luxembourg, ERY-Macédoine, Slovaquie) et/ou tout fait contraire à la probité, à l’honneur ou à la délicatesse se rapportant à des faits non-professionnels (par exemple : Belgique, Écosse, Estonie, France, Hongrie, Luxembourg, ERY-Macédoine, Moldavie, République tchèque).
Concernant la nature de l’autorité ou des autorités chargée(s) de statuer sur les peines disciplinaires, l’étude des législations nationales révèle qu’il s’agit souvent d’organes internes (par exemple : Belgique, Espagne, Finlande, France, Géorgie, Lituanie, Norvège, Roumanie, Russie, Suède) à la profession et/ou d’organes mixtes (par exemple : Angleterre, Belgique, Bulgarie, Grèce, Hongrie, Lettonie, ERY-Macédoine, Moldavie, Portugal, Slovaquie, République tchèque). Des organes externes à la profession sont néanmoins compétents dans certains États européens (par exemple : Écosse, Estonie, France, Luxembourg, Moldavie, Pays-Bas, Suède). À cet égard, on peut ajouter que, dans quelques États, ces différents types d’organes de contrôle coexistent. Ainsi, par exemple, en droit français, les procédures disciplinaires entrent dans la compétence d’autorités internes et – pour les peines les plus lourdes – dans celle d’autorités externes à la profession d’huissiers de justice.
Lorsqu’elles sont compétentes pour connaitre des affaires dans lesquelles la discipline d’un agent d’exécution est en cause, les juridictions concernées sont généralement des juridictions de droit commun. Des juridictions spécialisées ont toutefois été instaurées en Hongrie, en ERY-Macédoine, en Moldavie ou encore en République tchèque.
Les agents d’exécution européens bénéficient habituellement de la possibilité de contester toute peine disciplinaire prononcée à leur encontre (par exemple : Angleterre, Belgique, Écosse, Espagne, Estonie, Finlande, France, Géorgie, Grèce, Hongrie, Lettonie, Lituanie, ERY-Macédoine, Moldavie, Pays-Bas, Portugal, Roumanie, Russie, Slovaquie) ou, du moins, certaines de ces peines (par exemple : Bulgarie, Luxembourg, Suède).
Dans une majorité de législations nationales, il existe une échelle des peines disciplinaires (par exemple : Angleterre, Belgique, Bulgarie, Espagne, Estonie, France, Géorgie, Grèce, Hongrie, Lettonie, Lituanie, ERY-Macédoine, Moldavie, Pays-Bas, Portugal, Roumanie, Slovaquie, Suède, République tchèque). Au titre des peines disciplinaires pouvant être prononcées, la quasi-totalité des États européens a prévu la destitution de l’agent d’exécution (contra : Bulgarie). De même, dans la majorité d’entre eux, l’agent d’exécution peut faire l’objet d’une interdiction temporaire d’exercer sa profession (contra, par exemple:Estonie, Lettonie, Russie).
4. Information des parties sur le processus d’exécution. Il existe, dans de nombreux États européens, des règles éthiques et/ou déontologiques relatives aux rapports des agents d’exécution tant avec les créanciers, qu’avec les débiteurs (par exemple, en Allemagne, Angleterre, Belgique, Bulgarie, Écosse, Espagne, Estonie, Finlande, France, Géorgie, Grèce, Lettonie, Lituanie, ERY-Macédoine, Moldavie, Pays-Bas, Portugal, Slovaquie, République tchèque). Ces règles concernent entre autres la communication d’informations sur l’état de la procédure d’exécution.
De plus, des précisions relatives aux modalités d’informations des personnes visées par les mesures d’exécution figurent dans les dispositions – légales ou règlementaires – propres à chacune de ces mesures. Les débiteurs sont par exemple généralement informés des conséquences de leur éventuelle inaction ainsi que des voies de recours qui s’offrent à eux.
5. Statut des agents d’exécution. Le statut des agents d’exécution est défini dans les législations nationales (lato sensu) des États européens. Si ces professionnels bénéficient tous de la délégation d’une parcelle de la puissance publique afin d’exercer leurs missions, leur statut diffère en fonction de l’État concerné. Dans le domaine d’application du présent guide, on distingue à ce jour trois grands groupes d’États. Par ordre d’importance : dans un premier groupe, les agents d’exécution sont tous des professionnels libéraux (par exemple : Angleterre, Belgique, Écosse, Espagne, Estonie, France, Grèce, Hongrie, Lettonie, Luxembourg, Moldavie, Pays-Bas, Portugal, Roumanie, Slovaquie, Slovénie, République tchèque) ; dans un deuxième groupe, les agents d’exécution sont tous des fonctionnaires (par exemple : Allemagne, Autriche, Danemark, Finlande, Italie, Norvège) et dans un troisième groupe, un système « mixte » a été mis en place (par exemple : Bulgarie, Géorgie, Serbie, Suisse). Ces dernières décennies, on constate une tendance européenne allant vers l’exercice de la profession d’agent d’exécution sous une forme libérale.
6. Intelligibilité de la législation applicable et lisibilité des coûts. Une règlementation – d’origine légale ou règlementaire – concernant le coût des activités des agents d’exécution, composante essentielle des coûts de l’exécution, est prévue dans de nombreux États européens. À cet égard, les agents d’exécution doivent respecter un tarif notamment en Angleterre, en Belgique, en Bulgarie, en Écosse, en Espagne, en Estonie, en Finlande, en France, en Géorgie, en Grèce, en Hongrie, en Lettonie, en Lituanie, au Luxembourg, en ERY-Macédoine, aux Pays-Bas, au Portugal, en Roumanie, en Slovaquie, en Slovénie ou en République tchèque.
Néanmoins, la règlementation applicable s’avère parfois complexe. Par exemple, en droit belge (arrêté royal du 30 novembre 1976 fixant le tarif des actes accomplis par les huissiers de justice en matière civile), les actes accomplis par les agents d’exécution dans l'exercice de leurs fonctions telles qu'elles sont organisées par les dispositions légales en matière civile sont rétribués selon les cas : par droits gradués (qui se calculent en fonction de la somme réclamée dans l’acte ou de la finalité à laquelle cet acte tend), par droits proportionnels (qui sont prévus sur certains actes où le résultat est déjà acquis – ex. la distribution des deniers ou la vente publique sur le montant de l’adjudication – ou ne l’est pas encore, tels que les protêts), par vacations (cela est prévu pour certains actes dont la durée peut se prolonger dans le temps – tel que le procès-verbal d’inventaire –, le montant de la vacation étant alors facturé à l’heure) ou par droits fixes (qui rémunèrent des formalités annexes comme des recherches sur l’identité de la personne, la publicité par voie d’affiches, la levée d’un état cadastral, le dépôt d’une requête ou la consultation du fichier des saisies). Par ailleurs, une majoration est prévue pour certains jours ou heures. Ainsi, lorsque les actes doivent être accomplis un samedi, un dimanche, un jour férié légal ou en dehors des heures légales, les droits et vacations sont doublés. Ainsi, plusieurs modes de calculs coexistent.
De plus, au même titre que l’usage de pratiques illégales ou la commission d’abus relatifs à l’exercice de leurs activités professionnelles, la réclamation d’un « coût excessif » par les agents d’exécution – et, partant, le non-respect des tarifs fixés par l’État – fait partie des comportements faisant l’objet d’un contrôle dans de nombreux États européens (par exemple, en Allemagne, Angleterre, Belgique, Bulgarie, Écosse, Espagne, Estonie, France, Géorgie, Hongrie, Lettonie, Luxembourg, ERY-Macédoine, Moldavie, Portugal, Roumanie, Slovaquie, République tchèque). Plus généralement, une contestation des coûts des procédures d’exécution est en principe possible de la part du débiteur, comme de la part du créancier. Elle peut être adressée à l’agent d’exécution concerné, à l’organe disciplinaire compétent et/ou à un juge.
Enfin, la question de l’existence d’un tarif défini par l’État est liée à celle de la concurrence et à celle du ressort géographique de compétence des agents d’exécution libéraux. En effet, dans un ressort de compétence donné, pour les activités concernées par le tarif (à savoir l’activité de mise à exécution des titres exécutoires et, dans une moindre mesure, l’activité de signification des actes), seule la qualité des services fournis permet de départager ces professionnels. Il est à noter qu’en Allemagne, chaque agent d’exécution (Gerichtsvollzieher) exerce au sein d’une compétence territoriale unique et la totalité des offices y est constituée par des agents d’exécution exerçant à titre individuel.
7. Recherches des informations sur le patrimoine du débiteur. L’efficacité de l’exécution repose en grande partie sur l’obtention d’informations pertinentes sur les éléments actifs et les éléments passifs du patrimoine du débiteur.
Outre l’obtention d’informations auprès du créancier, la recherche des éléments actifs du patrimoine des débiteurs (biens immobiliers ; biens particuliers tels que les véhicules, les navires ou les aéronefs ; coordonnées bancaires ; position des comptes bancaires du débiteur ; montant de l’imposition du débiteur ; montant des rémunérations du débiteur ; biens mobiliers corporels ; biens mobiliers incorporels, etc.) peut être menée soit auprès des débiteurs eux-mêmes, soit auprès de tiers (par exemple, les organismes publics ou des personnes morales de droit public ainsi que l’éventuel employeur du débiteur ou l’établissement dans lequel ce dernier détient un compte bancaire). Alors que le premier mode d’investigations patrimoniales repose sur la collaboration du débiteur et peut se matérialiser par une procédure conduisant à une « déclaration de patrimoine » (solution notamment retenue en Allemagne, au Danemark, en Grèce, en Espagne ou en Italie), le second consiste principalement dans l’accès à des registres et/ou bases de données regroupant les informations patrimoniales pertinentes (solution retenue dans de nombreux États européens dont l’Angleterre et le Pays de Galles, la Belgique, la Bulgarie, l’Estonie, la France, la Hongrie, la Lituanie, la Moldavie, les Pays-Bas, la Pologne, le Portugal, la République tchèque, la Fédération de Russie, la Slovaquie, la Slovénie ou encore la Suède).
L’efficacité du système de la « déclaration de patrimoine » apparaît étroitement liée à la sanction encourue en cas de défaut de réponse ou de déclarations volontairement incomplètes ou inexactes. Les sanctions retenues dans les législations nationales sont très variées et peuvent être de nature civile, comme de nature pénale.
L’efficacité du système de recherche d’informations patrimoniales auprès de tiers est, quant à elle, fonction des modalités d’accès et du contenu des registres et/ou bases de données. En droit suédois, par exemple, les agents d’exécution disposent d’un accès direct à plusieurs registres dans lesquels sont répertoriées de très nombreuses informations patrimoniales. Parmi ces registres, figure tout d’abord le registre fiscal qui renferme toutes les informations contenues dans les déclarations de l’ensemble des contribuables suédois (revenu, identité de l’employeur, existence d’un prêt…), par lequel les agents d’exécution commencent généralement leurs investigations. De même, ces professionnels peuvent par exemple consulter le « compte de taxes » (contenant des informations sur toutes les taxes à payer et les remboursements à percevoir) ; les données de l’Agence suédoise d’assurance sociale (cette agence fournit des informations sur les pensions, indemnités et différentes prestations sociales perçues par le débiteur) ; le registre des sociétés anonymes ; le registre des sociétés en nom collectif et des raisons sociales (dans lequel figurent des informations telles que l’adresse ou le nom des propriétaires des sociétés) ; le registre des véhicules à moteur (qui regroupe des informations sur les véhicules et sur leurs propriétaires actuels et antérieurs) ; le registre des allocations de logement ; le registre des mariages (dans lequel sont notamment inscrites des informations relatives aux contrats de mariage) ; le registre des actionnaires (qui renseigne sur les propriétaires d’actions cotées en bourse) ; le registre foncier (qui contient des informations sur les immeubles et leurs propriétaires) ou encore le registre des nantissements de fonds de commerce. En somme, la consultation de ces différents registres confère une vision quasiment complète du patrimoine du débiteur.
La connaissance des éléments passifs du patrimoine du débiteur est également utile pour mettre en œuvre une mesure d’exécution. À ce titre, plusieurs États membres ont élaboré des dispositifs permettant d’assurer la publicité des mesures d’exécution. Ainsi en est-il notamment de la Suède (informations disponibles dans « le registre des débiteurs »), du Portugal (art. 717 « Registro informático de execuções » et art. 718 « Rectificação, actualização, eliminação e consulta dos dados » du code de procédure civile portugais) ou encore de la Belgique, avec la création d’un « fichier central des avis de saisie, de délégation de cession et de règlement collectif de dettes » (art. 1389bis/1 et s. du code judiciaire belge). Le dispositif mis en place en Belgique, qui constitue l’un des plus aboutis en Europe, repose sur la création d’une banque de données informatisée et centralisée dont la gestion est confiée à la Chambre nationale des huissiers de justice de Belgique, laquelle agit sous le contrôle d’un « Comité de gestion et de surveillance » créé à cet effet. Ce fichier central contient des informations concernant tout débiteur contre lequel une procédure d’exécution (ou une procédure conservatoire) est en cours. L’accès à ce fichier est nominatif. Lorsqu'un commandement préalable à une saisie-exécution immobilière est transcrit, lorsqu'un commandement préalable à une saisie-exécution mobilière est signifié, lorsqu'une saisie de biens meubles ou immeubles est pratiquée ou lorsqu'est rédigé un « procès-verbal de carence » (c'est-à-dire, qu’aucun bien appartenant au débiteur n’a de valeur marchande ou n’est susceptible d’être saisi), l'agent d’exécution instrumentant adresse un avis dans ce fichier. Les avis déposés contiennent, outre le nom de l’agent d’exécution instrumentant, des informations telles que l’identité du créancier poursuivant, la nature et le montant de sa créance, la date du commandement ou de l’acte de saisie ainsi que – en cas de saisie mobilière ou immobilière – une description succincte des biens saisis. Aucune saisie-exécution ne peut être diligentée sans consultation préalable par l’agent d’exécution de cette base de données, ce qui permet d’évaluer les chances de recouvrement.
[1] [email protected]. L’auteur adresse ses plus vifs remerciements à l’Union internationale des huissiers de justice et particulièrement à Me Françoise Andrieux (Président), Me Mathieu Chardon (Secrétaire général), Me Leo Netten (Président honoraire), feu Bernard Menut (ancien 1er Vice-président), Me Marc Schmitz (1er Vice-président), Me Olof Dahnell et Me Jos Uitdehaag, pour lui avoir donné un libre accès à l’ensemble des informations disponibles.
[2] Ci-après, « Les Lignes directrices sur l’exécution ».
[3] Cf. Annexe, spéc. point n°1.
[4] Le terme « responsabilité » est largement entendu. Il renvoie non seulement aux prérogatives dont devraient être investis les agents d’exécution pour pleinement réaliser leurs missions, mais également aux devoirs spécifiques (ex. devoir d’information) auxquels ils sont tenus.
[5] Aux termes de cette disposition : Les « États membres devraient veiller à ce que le cadre légal de l’exécution n’allonge pas inutilement les délais d’exécution. Les États membres sont invités notamment à prendre des mesures pour assouplir le cadre procédural de l’exécution, afin de doter l’agent d’exécution de l’autonomie nécessaire pour qu’il choisisse lui-même, sans autorisation préalable, l’action procédurale la plus adaptée aux particularités de l’affaire ». Adde, Conseil consultatif de juges européens (CCJE), Avis n°13 sur le rôle des juges dans l’exécution des décisions judiciaires, CCJE (2010)2 final, 19 novembre 2010, spéc. point n°24.
[6] Cf. Annexe, spéc. point n°2.
[7] Cf. Annexe, spéc. point n°2.
[8] Cf. Annexe, spéc. point n°2.
[9] Cf. Annexe, spéc. point n°3.
[10] Cf. Annexe, spéc. point n°3.
[11] Cf. Annexe, spéc. point n°3.
[12] Cf. Annexe, spéc. point n°3.
[13] Cf. Annexe, spéc. point n°4.
[14] Cf., point n°7 des Lignes directrices sur l’exécution.
[15] Cf., point n°50 du présent guide.
[16] Cf. Annexe, spéc. point n°1.
[17] Cf. Annexe, spéc. point n°5.
[18] Cf. Annexe, spéc. point n°6.
[19] Cf. Annexe, spéc. point n°7.
[20] Par exemple, les services de sécurité sociale, les services des impôts ou encore les services fonciers.
[21] Principalement, les établissements bancaires et l’éventuel employeur du débiteur.
[22] En ce sens, Lignes directrices sur l’exécution, spéc. point n°46. Adde., Conseil consultatif de juges européens (CCJE), Avis n°13 sur le rôle des juges dans l’exécution des décisions judiciaires, CCJE (2010)2 final, 19 novembre 2010, spéc. point n°28. Contra, par exemple, la solution retenue en droit français.
[23] Cf. Annexe, spéc. point n°7.
[24] Adde, Conseil consultatif de juges européens (CCJE), Avis n°13 sur le rôle des juges dans l’exécution des décisions judiciaires, CCJE (2010)2 final, 19 novembre 2010, spéc. point n°24 selon lequel : « lorsque les parties peuvent disposer de leurs droits et concluent un accord sur l’exécution conforme à la loi, aucune disposition légale ne doit empêcher cet accord de prendre effet ».
[25] Les ajouts apportés au glossaire figurant dans les Lignes directrices sur l’exécution apparaissent en italiques.
[26] La définition du terme « créancier » précise celle de « demandeur », utilisée dans la Recommandation Rec(2003) 17 et dans les Lignes directrices sur l’exécution. De part sa généralité, le mot « demandeur » est susceptible d’induire en erreur en ce qu’il peut sous-entendre la tenue d’un procès. Or, dans de nombreux États membres du Conseil de l’Europe, les juridictions sont saisies seulement pour trancher les éventuels incidents contentieux auxquels les opérations d’exécution ont pu donner lieu. Par ailleurs, bien souvent, c’est le débiteur qui prend l’initiative de soumettre une contestation à la juridiction compétente et qui, en conséquence, endosse la qualité procédurale de demandeur.
[27] La définition du terme « débiteur » précise celle de « défendeur », employée dans la Recommandation Rec(2003) 17 et dans les Lignes directrices sur l’exécution, pour des raisons similaires à celles qui expliquent l’utilisation du terme « créancier » dans le présent guide.