COMITE CONSULTATIF DE LA CONVENTION-CADRE
POUR LA PROTECTION DES MINORITES NATIONALES (ACFC)
Adopté le 26 février 2025
https://www.coe.int/documents/16695/994584/COE-Logo-Quadri.png/ee7b1fc6-055b-490b-a59b-a65969e440a2?t=1371222819000


ACFC/OP/V(2024)5

Publié le 5 mai 2025

 

Secrétariat de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales

Conseil de l'Europe

F-67075 Strasbourg Cedex

France

www.coe.int/minorités


Table des matiÈres

RÉSUMÉ DES CONSTATS.. 4

RECOMMANDATIONS.. 6

Recommandations pour action immédiate_ 6

Autres recommandations 7

Suivi de ces recommandations 8

PROCÉDURE DE SUIVI 9

Activités de suivi des recommandations du quatrième Avis du Comité consultatif 9

Élaboration du rapport étatique pour le cinquième cycle_ 9

Visite dans le pays et adoption du cinquième Avis 9

CONSTATS ARTICLE PAR ARTICLE.. 10

Champ d’application personnel (article 3) 10

Recensement de la population (article 3) 11

Cadre juridique et institutionnel de lutte contre la discrimination (article 4) 14

Égalité d’accès aux droits (article 4) 16

Promotion de la pleine égalité des Roms (article 4) 19

Promotion des langues et des cultures minoritaires (article 5) 22

Dialogue interculturel, respect mutuel et intégration de la société (article 6) 24

Crime et discours de haine (article 6) 27

Émissions de radio, de télévision et presse en langues minoritaires (article 9) 29

Usage des langues minoritaires dans les relations avec l’administration et les autorités judiciaires (article 10) 32

Utilisation et reconnaissance officielle des nom et prénom(s) dans les langues minoritaires (article 11) 34

Affichage d’inscriptions et d’indications topographiques dans les langues minoritaires (article 11) 35

Éducation interculturelle et connaissance des minorités nationales (article 12) 35

Égalité d’accès à l’éducation des communautés rom, ashkali et égyptienne (article 12) 38

Enseignement des langues minoritaires et de la langue majoritaire (article 14) 40

Cadre institutionnel de la participation des personnes appartenant aux minorités nationales à la prise de décision (article 15) 43

Participation à la vie politique (article 15) 45

Représentation des minorités nationales dans l’administration publique (article 15) 45

Participation à la vie économique et sociale (article 15) 47

Accès des Roms à un logement convenable (article 15) 49

Accès des Roms aux soins de santé (article 15) 50

Coopération bilatérale et transfrontalière (articles 17 et 18) 52

                                                                                                   


RÉSUMÉ DES CONSTATS


1.  La Serbie, pays multiculturel, abrite diverses minorités nationales qui sont désormais représentées par 24 Conseils nationaux des minorités nationales depuis la récente élection du Conseil des minorités nationales des Goranis. La Serbie dispose d’un solide cadre juridique pour la protection des droits des minorités et son engagement continu à améliorer la mise en œuvre de la Convention-cadre s’est traduit par plusieurs réformes visant à renforcer l’accès aux droits des minorités. Dans la pratique, les progrès n’en demeurent pas moins inégaux. Les personnes appartenant aux minorités nationales en Serbie se trouvent souvent confrontées à des difficultés dans l’exercice effectif des droits inscrits dans la Convention-cadre, qui sont fragilisés par les priorités politiques changeantes et la forte polarisation de la société et parfois à la merci des relations entre États. On constate également d’importantes disparités dans la protection des droits des minorités entre la province autonome de Voïvodine et le sud de la Serbie, ce qui souligne la nécessité d’une approche plus systématique et homogène de l’application des droits des minorités nationales dans le pays. Il est essentiel d’améliorer l’égalité d’accès aux droits prévus par la Convention-cadre, en facilitant notamment l’accès aux organismes de promotion de l’égalité.

2.  Les personnes appartenant à la minorité rom se heurtent également à des difficultés de taille pour exercer leurs droits dans différents domaines. Les autorités ont adopté des politiques en faveur de leur inclusion, mais ces initiatives se traduisent rarement par des améliorations tangibles. Les barrières linguistiques constituent également un obstacle important à l’inclusion effective et, par conséquent, à l’intégration au sein de la société, en particulier pour les personnes appartenant aux minorités albanaises et hongroises. En outre, la négation publique généralisée des crimes de guerre et la glorification de personnes reconnues coupables de crimes de guerre sapent les efforts en faveur de l’intégration de l’ensemble de la société.

3.  L’éducation, qui favorise particulièrement la compréhension interculturelle, nécessite également une attention soutenue de la part des autorités. Le multiculturalisme et le plurilinguisme dans l’éducation sont nécessaires pour garantir une meilleure intégration de la société tout entière. La dimension interculturelle est largement absente du système éducatif et la connaissance des droits humains, notamment ceux des minorités, de la démocratie et de l’Etat de droit doit être obligatoirement intégrée dans le programme national. Le dialogue interculturel est également nécessaire à tous les niveaux de la société, notamment dans l’art, la culture, les médias et les sports. La question du discours de haine et des crimes de haine contre des personnes appartenant aux minorités nationales est particulièrement préoccupante dans la mesure où elle continue de dégrader le climat social dans son ensemble.

Égalité d’accès aux droits

4.  L’égalité d’accès aux droits demeure un défi de taille. Afin de garantir un meilleur accès aux droits des personnes appartenant aux minorités nationales, le Comité consultatif souligne la nécessité d’adopter un « Plan d’action national pour l’exercice des droits des minorités nationales » après la tenue de consultations effectives avec divers représentants et représentantes des minorités nationales. Il est nécessaire de mettre en œuvre des mesures efficaces, ciblées et fondées sur des éléments probants pour lutter durablement contre les inégalités que les minorités nationales endurent. Ce processus devrait s’appuyer sur la collecte de données sur l’égalité qui soient exhaustives, fiables et ventilées. En ce qui concerne l’exercice des droits, le Comité consultatif insiste également sur le fait que les minorités albanaises et hongroises ne maîtrisent pas suffisamment la langue officielle, ce qui entrave l’égalité d’accès aux droits. Quant aux Bosniaques, le Comité consultatif note que leur sous-représentation au sein des institutions de l’État restreint leur égalité d’accès aux droits, une préoccupation également exprimée par les Albanais. Par ailleurs, l’un des problèmes les plus urgents concernant la minorité albanaise signalé au Comité consultatif est la pratique administrative appelée « passivation » des adresses, qui consiste à suspendre les adresses permanentes, en particulier dans les communes de Bujanovac, Medveđa et Preševo. Cette pratique suscite des inquiétudes non seulement en ce qui concerne la manière dont la décision de « passivation » des adresses est prise par les autorités répressives, mais aussi l’absence de recours effectifs permettant de contester ces décisions. Cette pratique a une incidence sur l’égalité d’exercice des droits, car la « passivation » des adresses peut entraîner la perte de certains droits garantis par la Convention-cadre et ainsi modifier son champ d’application. 

Dialogue interculturel et respect mutuel

5.  De manière générale, le Comité consultatif note que la fragilité de la société reste préoccupante en Serbie. Les autorités doivent faire en sorte que les personnes appartenant à toutes les minorités nationales soient pleinement intégrées dans l’ensemble de la société. Il importe qu’elles élaborent des programmes éducatifs favorisant la compréhension interculturelle et le respect, en intégrant la connaissance des minorités nationales et les faits historiques dans les programmes scolaires afin de développer une culture de la compréhension et du respect mutuels au sein de la société serbe. Le Comité consultatif estime également que les autorités doivent mettre en œuvre des mesures propres à instaurer la confiance, et à favoriser le respect mutuel et l’intégration de l’ensemble de la société.

6.  Par ailleurs, l’intolérance et la discrimination, notamment le discours de haine, à l’égard des personnes appartenant aux minorités nationales demeurent très répandues. Les responsables politiques et autres personnalités publiques qui tiennent fréquemment des discours racistes aggravent ce problème. Le Comité consultatif est d’avis que les responsables politiques ainsi que les représentants et représentantes du gouvernement doivent s’abstenir de tenir de tels discours. Par ailleurs, tout discours de haine prononcé doit être immédiatement et fermement condamné par les représentants et représentantes du gouvernement, en envoyant un message clair au public l’informant qu’il est inacceptable. Les autorités doivent donc redoubler d’efforts pour lutter contre les crimes de haine et le discours de haine en informant davantage le public des recours juridiques disponibles et en dispensant une formation régulière sur la législation en vigueur à la police, aux procureurs et aux juges.

Participation effective

7.   Insistant sur leur rôle essentiel en tant que lien entre les minorités nationales et les autorités, le Comité consultatif souligne que les Conseils des minorités nationales doivent refléter toute la diversité des minorités nationales et tenir compte de leurs différents besoins et intérêts. Pour améliorer leur efficacité, le Comité estime nécessaire de réaliser une étude indépendante destinée à évaluer leur inclusivité, leur indépendance et leur représentativité. Il formule également l’idée d’un système de « partage de siège » afin de garantir une meilleure représentation parlementaire des personnes appartenant aux minorités nationales, notamment celles qui sont numériquement les moins nombreuses. En ce qui concerne la représentation au sein de l’administration publique, le Comité consultatif relève les faibles niveaux de participation indiqués et appelle à collecter des données ventilées afin de mieux appréhender la représentation des minorités nationales. Il souligne également la nécessité d’adopter des mesures positives pour renforcer la participation des personnes appartenant aux minorités nationales au sein de l’administration publique. Enfin, il attire également l’attention sur les difficultés rencontrées par les personnes appartenant aux minorités nationales en matière d’accès à la vie économique et sociale. Il souligne la nécessité d’un accès non-discriminatoire aux services sociaux et aux soins de santé, notamment dans les régions où les infrastructures sont insuffisantes. Le Comité consultatif note également que le manque de données sur l’emploi fait obstacle à la définition des mesures requises pour améliorer l’accès à l’emploi des personnes appartenant aux minorités nationales.

Situation des personnes appartenant à la minorité rom

8.  En Serbie, les Roms restent confrontés à des défis de taille sur le plan de l’égalité d’accès aux droits dans différents secteurs, notamment l’éducation, l’emploi, la santé, le logement et la protection sociale. Le Comité consultatif souligne l’importance de garantir que les personnes appartenant à la minorité rom bénéficient d’une égalité d’accès à une éducation de qualité. Condamnant tous les cas de ségrégation dans l’éducation, il estime que les autorités doivent coopérer étroitement avec les représentants et représentantes, les parents et les élèves de la minorité rom afin d’élaborer et de mettre en œuvre des solutions durables destinées à améliorer l’accès des enfants roms à une éducation de qualité. Il s’agit notamment d’adopter une politique globale de lutte contre la ségrégation assortie d’objectifs clairs, de ressources suffisantes et d’un calendrier bien défini ainsi que d’un mécanisme de suivi afin de garantir le succès de sa mise en œuvre. Le Comité consultatif considère par ailleurs qu’il est nécessaire d’améliorer la situation des Roms en matière de logement en effectuant des investissements en vue de garantir leur accès à des services essentiels tels que l’eau potable, l’électricité et d’autres services collectifs. Il est indispensable de développer des programmes de logements sociaux spécifiques adaptés aux besoins des Roms. Dans le domaine des soins de santé, les Roms, en particulier les femmes, se heurtent à de nombreux obstacles freinant l’accès à ces services. Des moyens efficaces sont nécessaires afin de garantir aux Roms un accès aux soins, en ayant une approche sensible au genre en matière de santé. Enfin, le Comité consultatif insiste sur la nécessité que les Roms participent réellement à la vie économique et sociale, en améliorant notamment leur accès à l’emploi. Il est nécessaire de régler la question du manque de données exhaustives sur les Roms, ce qui est une condition préalable à l’élaboration de mesures ciblées pour améliorer leur accès au marché du travail.      


RECOMMANDATIONS


9.  Le Comité consultatif estime que les présentes conclusions et recommandations pourraient servir de base à la prochaine résolution du Comité des Ministres relative à la mise en œuvre de la Convention-cadre par la Serbie.

10.  Les autorités sont invitées à tenir compte des observations et recommandations détaillées contenues dans le présent Avis du Comité consultatif. Elles devraient notamment prendre les mesures suivantes pour continuer à améliorer la mise en œuvre de la Convention-cadre :

Recommandations pour action immédiate

11.  Le Comité consultatif exhorte les autorités à prendre des mesures efficaces, ciblées et fondées sur des données probantes pour remédier durablement aux inégalités auxquelles sont confrontées les personnes appartenant à des minorités nationales. Après avoir mené de vastes consultations, les autorités devraient adopter le « plan d’action pour l’exercice des droits des minorités nationales » dans les meilleurs délais. Après son adoption, elles devraient assurer un suivi étroit et une évaluation de sa mise en œuvre en consultation directe avec des personnes appartenant à des minorités nationales, en veillant à ce que ces consultations reflètent la diversité au sein des minorités, ainsi qu’avec la participation des acteurs de la société civile concernés. À cette fin, elles devraient notamment collecter des données fiables et ventilées sur l’égalité afin d’élaborer et mettre en œuvre des mesures ainsi que des activités de suivi.

12.  Le Comité consultatif exhorte les autorités à engager le dialogue avec les représentants et représentantes de la minorité albanaise et avec les autres parties prenantes afin de répondre à leurs préoccupations concernant la pratique administrative de « passivation » des adresses, notamment les méthodes employées par les services répressifs pour vérifier le statut de résident dans les communes de Bujanovac, Medveđa et Preševo, et l’accès à des recours effectifs.  

13.  Le Comité consultatif exhorte les autorités à prendre des mesures concrètes pour promouvoir la confiance, le respect mutuel et la compréhension à l’égard des personnes appartenant à toutes les minorités, notamment par des actions de sensibilisation auprès de l’ensemble de la population. Une approche globale prenant en compte le passé est nécessaire et doit s’accompagner de la condamnation publique et sans réserve des crimes de guerre et de ceux qui les ont commis, quelle que soit leur appartenance ethnique ou celle de leurs victimes. Des mesures sont nécessaires pour favoriser le respect mutuel et la confiance entre les personnes appartenant aux minorités nationales et la population majoritaire, en encourageant le dialogue interculturel à tous les niveaux, en particulier dans l’art, la culture, l’éducation, les médias et le sport. Les autorités devraient également garantir l’inclusion dans la société des personnes appartenant à des minorités numériquement moins nombreuses et préserver leurs identités du risque d’assimilation contre leur volonté. Des mesures d’incitation favorisant l’apprentissage de la langue officielle s’imposent pour les personnes appartenant aux minorités albanaise et hongroise afin de garantir leur pleine participation et inclusion dans la société.

14.  Le Comité consultatif exhorte les autorités à définir et à mettre en œuvre des solutions durables à long terme, en coopération avec les représentants et représentantes des minorités, les écoles, les parents et les élèves, afin d’améliorer l’accès des enfants roms, ashkalis et égyptiens à une éducation de qualité. Cela peut notamment consister à mettre en place un système de collecte de données ventilées par genre axé sur la ségrégation éducative, les taux de fréquentation et d’abandon scolaire des élèves appartenant aux minorités et sur leurs résultats scolaires. Les autorités devraient mettre en place, en étroite collaboration avec les parents et en particulier avec des femmes représentant les minorités, des mesures de lutte contre la ségrégation scolaire, en adoptant une politique globale de déségrégation avec des objectifs clairs et des ressources suffisantes, assortie d’un calendrier précis et d’un mécanisme de suivi pour sa mise en œuvre. Elles devraient également désigner un plus grand nombre de médiateurs scolaires roms, ashkalis et égyptiens pour intervenir auprès des élèves appartenant à ces minorités, qui travailleront en collaboration avec le personnel éducatif afin d’augmenter le taux de fréquentation et les résultats de l’éducation, et de prévenir l’abandon scolaire, notamment en cherchant à promouvoir la valeur de l’éducation. Ces médiateurs scolaires devraient être formés, obtenir des contrats sûrs et recevoir une rémunération suffisante.

15.  Le Comité consultatif exhorte les autorités à recueillir des données ventilées sur la situation socio-économique des personnes appartenant à des minorités nationales, conformément aux normes internationales en matière de protection des données. Ces informations pourront notamment porter sur les domaines de l’emploi, des soins de santé et de l’accès aux infrastructures. À partir de ces données et en étroite concertation avec les personnes appartenant à des minorités nationales, y compris les femmes et les jeunes, les autorités devraient concevoir des mesures pour remédier aux disparités constatées. Ces mesures viseront à promouvoir activement la participation de ces minorités à la vie socio-économique.

Autres recommandations[1]

16.  Le Comité consultatif appelle les autorités à garantir une protection efficace contre la discrimination et à promouvoir et protéger activement les droits des minorités. Des efforts devraient être déployés pour accroître la sensibilisation aux normes anti-discrimination et à la législation sur l’égalité, ainsi qu’aux mécanismes de recours disponibles pour les victimes de discrimination parmi les personnes appartenant aux minorités nationales. Cela concerne en particulier les communautés les plus exposées à la discrimination, telles que les Roms. La Commissaire à la protection de l’égalité devrait disposer de ressources adéquates afin de sensibiliser efficacement les personnes appartenant aux minorités nationales à son mandat, notamment en communiquant dans les langues minoritaires. Les autorités devraient mettre en œuvre davantage d'activités de sensibilisation globales sur le mandat du Protecteur du citoyen et ses bureaux locaux, prendre des mesures décisives pour renforcer la sensibilité et l’efficacité de cette institution en matière de protection des droits des minorités et veiller à ce que ces bureaux locaux soient dotés d’un personnel qualifié.

17.  Le Comité consultatif appelle les autorités, à tous les niveaux, à assurer la mise en œuvre effective de la « Stratégie pour l’inclusion sociale des Roms (2022-2030) » en coopérant étroitement avec toutes les parties prenantes concernées, et en fournissant les ressources humaines et financières appropriées pour répondre aux différents besoins et préoccupations des personnes appartenant à la minorité rom. Les autorités devraient élaborer des plans d’action locaux en faveur de l’inclusion sociale des Roms dans toutes les communes et veiller à leur développement, leur mise en œuvre, leur suivi et leur évaluation avec la participation de personnes appartenant à la minorité rom, notamment les femmes et les jeunes.

18.  Le Comité consultatif appelle les autorités à offrir un soutien plus proactif et substantiel à la protection et la promotion des cultures et des langues des personnes appartenant aux minorités nationales. Cela suppose de garantir un financement de base à long terme suffisant et durable, indispensable pour préserver, développer et promouvoir les cultures et les identités des personnes appartenant aux minorités nationales. Ce financement devrait plus particulièrement soutenir les minorités numériquement moins nombreuses, quel que soit leur lieu de résidence. Les autorités devraient également prendre des mesures visant à préserver le patrimoine culturel des minorités nationales.

19.  Le Comité consultatif appelle les autorités à s’abstenir et condamner toute manifestation d’intolérance et d’hostilité à motivation ethnique dans les discours politiques et dans les médias, en particulier lorsqu'elles visent les minorités albanaise, bosniaque, croate, juive, monténégrine et rom et les personnes leur appartenant. Les autorités devraient également promouvoir activement un sentiment d’appartenance de chacun à la société serbe. Les autorités devraient intensifier leurs efforts pour lutter contre le crime et le discours de haine en sensibilisant davantage le public aux voies de recours existantes et en dispensant à la police, aux procureurs et aux juges une formation régulière sur la législation en vigueur. Les autorités devraient en outre veiller à ce que tous les cas présumés de discours de haine en ligne concernant des personnes appartenant à des minorités nationales fassent l’objet d’un suivi efficace et soient, le cas échéant, sanctionnés.

20.  Le Comité consultatif appelle les autorités à renforcer leur soutien, notamment par un financement dédié, à la production de médias imprimés, audiovisuels et électroniques dans les langues minoritaires. Les autorités devraient également soutenir activement la présence des personnes appartenant aux minorités nationales, y compris à des minorités numériquement moins nombreuses, et de leurs langues et cultures dans les principaux médias publics. Cela devrait s'accompagner de l'amélioration, en qualité et en quantité, de l’offre de programmes télévisés adaptés à leurs besoins et à leurs intérêts, ainsi que par l'augmentation du nombre de contenus produits par et pour les minorités. Les autorités devraient également offrir des possibilités de formation adéquates aux professionnels des médias et aux journalistes afin de mieux les sensibiliser et renforcer leur compréhension des besoins et intérêts spécifiques et actuels des personnes s’identifiant aux différentes minorités nationales, notamment en les impliquant activement dans la préparation et la présentation des programmes médiatiques.

21.  Le Comité consultatif appelle les autorités à promouvoir activement l’utilisation orale et écrite des langues minoritaires dans les relations avec l’administration, notamment en envisageant l’instauration d’une procédure claire pour garantir l’utilisation des langues minoritaires. Cela implique qu’elles autorisent explicitement le recrutement ciblé de locuteurs et locutrices de langues minoritaires et aident financièrement les autorités locales et régionales à couvrir les coûts liés à l’offre de services dans les langues minoritaires. Les autorités devraient également promouvoir l’utilisation des langues minoritaires par et avec l’administration grâce à la numérisation, ainsi que régulièrement contrôler les progrès réalisés. Elles sont encouragées à aider les communes afin qu’elles adoptent la bonne pratique actuelle consistant à introduire l’usage officiel des langues minoritaires, y compris lorsque la population de la minorité nationale concernée représente une proportion inférieure au seuil légal de 15 %.

22.  Le Comité consultatif appelle les autorités à veiller à ce que des informations sur les cultures, les traditions, l’histoire, les religions et les langues des minorités, y compris les minorités numériquement moins nombreuses, et sur leur rôle en tant que composante à part entière et appréciée de la société diversifiée serbe, figurent dans les programmes scolaires, dans le matériel pédagogique et dans la formation du personnel enseignant. Les autorités devraient également sensibiliser le public à l’importance de la protection des droits des minorités dans l’éducation en tant que partie intégrante de la protection des droits humains. Elles devraient également intégrer des perspectives multiples dans l’enseignement de l’histoire, en veillant à ce que les matériels pédagogiques et la formation du personnel enseignant adoptent une approche présentant des perspectives multiples. Cette formation devrait par ailleurs englober l’éducation aux droits humains, notamment ceux des minorités et mettre en avant les principes de la non-discrimination et l’appréciation de la diversité en tant que valeur fondamentale.

23.  Le Comité consultatif appelle les autorités à continuer de promouvoir l’enseignement des langues minoritaires et l’enseignement dans ces langues. Les autorités devraient développer les possibilités d’enseignement des langues minoritaires dans la matière facultative « langue maternelle avec des éléments de la culture nationale », notamment par la mise en place d’incitations financières pour les élèves de ces minorités. Ces incitations faciliteraient leur suivi de formations de personnel enseignant et leur accès à des carrières dans l’éducation. Les autorités devraient par ailleurs prendre des mesures ambitieuses pour faire davantage connaître les langues minoritaires, notamment le romani, et encourager leur apprentissage. L’élaboration de programmes sur la culture et la littérature des minorités nationales, ainsi que des programmes de formation du personnel enseignant à l’université, devraient être une priorité. Les autorités devraient également veiller à ce que la langue officielle soit enseignée parallèlement aux langues minoritaires, en permettant aux personnes appartenant aux minorités albanaises et hongroises d’acquérir les compétences linguistiques nécessaires pour bénéficier d’une égalité d’accès à l’emploi, à l’enseignement supérieur et participer pleinement à la société. Toutes ces mesures devraient être prises en étroite concertation avec les représentants et représentantes des minorités concernées, y compris les jeunes.

24.  Le Comité consultatif appelle les autorités à commander une étude qualitative indépendante sur le fonctionnement des conseils de minorités nationales, qui permettrait notamment d’évaluer leur caractère inclusif, leur indépendance et leur représentativité, ainsi que leur capacité à mener à bien leurs activités. Les autorités devraient également prendre des mesures pour garantir la mise en œuvre pratique des compétences des conseils des relations interethniques afin de leur permettre de contribuer pleinement à la réalisation des droits des minorités nationales au niveau local.

25.  Le Comité consultatif appelle les autorités à faire de la revitalisation économique des régions d’implantation des minorités nationales dans le sud de la Serbie une priorité, en développant des programmes particuliers, en concertation étroite avec les divers représentants et représentantes de ces minorités. Les autorités devraient également apporter un soutien ciblé aux femmes et aux jeunes appartenant à des minorités afin de garantir leur participation réelle à la vie sociale et économique. Elles devraient en outre garantir la pleine participation des Roms à la vie socio-économique, en améliorant notamment leur accès à l’emploi. Un dialogue véritable avec les divers représentants et représentantes de la minorité rom s’impose également pour répondre à leurs inquiétudes concernant la mise en œuvre de la loi sur la carte sociale.

26.  Le Comité consultatif appelle les autorités à améliorer la situation en matière de logement des personnes appartenant à la minorité rom, en réalisant notamment des investissements pour garantir leur accès à l’eau potable et à l’électricité, ainsi qu’à tous les autres services publics. Les autorités devraient veiller au strict respect des dispositions légales applicables aux expulsions forcées des Roms. Aucune expulsion ne devrait être menée sans un préavis adéquat et sans offrir des possibilités de relogement décent et abordable. Les autorités devraient également développer des programmes de logement social pour les personnes appartenant à la minorité rom.

Suivi de ces recommandations

27.  Le Comité consultatif encourage les autorités à organiser une activité de suivi après la publication de ce cinquième Avis. Il estime qu’un dialogue de suivi serait bénéfique pour passer en revue les observations et recommandations formulées dans le présent Avis. En outre, le Comité consultatif est prêt à aider les autorités à identifier les moyens les plus efficaces de mettre en œuvre les recommandations qui figurent dans le présent Avis.


PROCÉDURE DE SUIVI


Activités de suivi des recommandations du quatrième Avis du Comité consultatif

28.  Le quatrième Avis du Comité consultatif, les Commentaires de la République de Serbie sur cet Avis et la Résolution CM/ResCMN(2021)11 du Comité des Ministres sur la mise en œuvre de la Convention-cadre par la Serbie ont été publiés sur le site internet du ministère des Droits humains et des minorités et du Dialogue social. Les constats du Comité consultatif et la Résolution du Comité des Ministres ont été traduits en serbe. Le 16 juin 2021, une réunion de suivi spéciale s’est tenue, avec la participation des représentants et représentantes du Comité consultatif afin de discuter des conclusions et recommandations formulées dans le quatrième Avis. 

Élaboration du rapport étatique pour le cinquième cycle

29.  Le rapport étatique a été reçu le 1er septembre 2022. Une invitation à participer à la préparation du cinquième rapport étatique sur la mise en œuvre de la Convention-cadre a été adressée à tous les Conseils nationaux des minorités nationales, à la Fédération des communautés juives de Serbie ainsi qu’à diverses associations et organisations de la société civile spécialisées dans la protection des droits des personnes appartenant aux minorités nationales. Le rapport étatique indique qu’en réponse à cette invitation, seuls le Conseil national de la minorité nationale bosniaque ainsi que certaines associations et organisations ont apporté leurs contributions[2].

Visite dans le pays et adoption du cinquième Avis

30.  Ce cinquième Avis sur la mise en œuvre de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales (ci-après « la Convention-cadre ») par la Serbie a été adopté conformément à l’article 26, paragraphe 1 de la Convention-cadre et à la Règle 25 de la Résolution (2019)49 du Comité des Ministres. Les constats reposent sur les informations contenues dans le cinquième rapport étatique, ainsi que sur des informations écrites émanant d’autres sources et sur les informations obtenues par le Comité consultatif auprès de sources gouvernementales et non gouvernementales au cours de la visite qu’il a effectuée à Belgrade, Bujanovac, Novi Pazar, Niš, Novi Sad et Subotica. Le Comité consultatif remercie les autorités pour leur bonne coopération avant, pendant et après sa visite, ainsi que les autres personnes rencontrées à cette occasion pour leurs précieuses contributions.Le projet d’avis, tel qu’approuvé par le Comité consultatif le 17 octobre 2024 a été transmis le 25 octobre 2024 aux autorités serbes pour observations, conformément à la Règle 37 de la Résolution (2019)49. Le Comité consultatif se félicite des observations reçues des autorités serbes le 8 janvier 2025.

* * *

31.  Un certain nombre d’articles de la Convention-cadre ne sont pas couverts par le présent Avis. Sur la base des informations à sa disposition, le Comité consultatif considère que la mise en œuvre de ces dispositions ne requiert pas d’observations particulières. Cet état de fait ne signifie pas que les mesures nécessaires ont été prises ni que les efforts à cet égard peuvent être revus à la baisse ou interrompus. Au contraire, le Comité consultatif estime que les obligations qui découlent de la Convention-cadre exigent un effort soutenu de la part des autorités. De plus, une situation qui pourrait être jugée acceptable à ce stade ne le sera pas nécessairement lors des futurs cycles de suivi. Enfin, il se peut que des questions qui apparaissent à ce stade comme étant d’une importance relativement mineure se révèlent par la suite avoir été sous-estimées.




CONSTATS ARTICLE PAR ARTICLE


Champ d’application personnel (article 3)

32.  Les autorités serbes n’ont formulé aucune déclaration ou réserve au moment de la ratification de la Convention-cadre concernant son champ d’application. La loi de 2018 sur la protection des droits et des libertés des minorités nationales définit une minorité nationale comme « un groupe de citoyens de la République de Serbie qui, bien qu’en position de minorité sur le territoire de la République de Serbie, est suffisamment représentatif sur le plan numérique, appartient à un groupe de population ayant un lien solide et durable avec le territoire et possède des caractéristiques distinctives telles que la langue, la culture, l’appartenance nationale ou ethnique, l’origine ou la religion, par lesquelles il diffère de la majorité de la population et dont les membres font preuve d’une préoccupation pour la conservation collective de leur identité commune, notamment leur culture, tradition, langue ou religion ».[3] Depuis le mois de juin 2024, on dénombre 24 Conseils des minorités nationales en Serbie, le Conseil des minorités nationales des Goranis étant devenu le 24ème (voir l’article 15)[4]. Le Comité consultatif salue cette décision qui souligne l’approche ouverte des autorités quant au champ d’application de la Convention-cadre. 

33.  Dans son quatrième Avis sur la Serbie, le Comité consultatif appelle les autorités « à envisager de supprimer le critère potentiellement limitatif de citoyenneté énoncé dans la loi sur la protection des droits et des libertés des minorités nationales »[5]. Selon les autorités, dans le système juridique serbe, le statut de minorité nationale est réservé aux citoyens et citoyennes qui ont un lien solide et durable avec l’État, à l’exclusion des réfugié·es, des personnes migrantes et de celles qui résident en Serbie pour des raisons économiques même si les individus appartenant à ces groupes sont toujours en droit d’exprimer et de préserver leurs identités ethniques, culturelles, linguistiques et religieuses. Les personnes non citoyennes ne peuvent cependant pas exercer certains droits réservés exclusivement aux ressortissants et ressortissantes serbes, notamment le droit de voter ou d’être élu·es au sein des Conseils des minorités nationales (également appelés « Conseils nationaux des minorités nationales »)[6].

34.  Le Comité consultatif reconnaît que l’inclusion du critère de citoyenneté peut être légitime dans certains domaines tels que la représentation dans certains bureaux et institutions publics. Cependant, il estime que sa généralisation porterait atteinte à des garanties dans d’autres domaines importants que protège la Convention-cadre, comme la non-discrimination et le principe d’égalité des droits, notamment les droits économiques et sociaux, ainsi que la promotion du respect et de la compréhension mutuels. En conséquence, le Comité consultatif réitère sa position de longue date, à savoir que le champ d’application de la Convention-cadre devrait aussi s’étendre, le cas échéant, aux personnes non ressortissantes. Cela devrait en particulier être le cas lorsque l’exclusion fondée sur la citoyenneté peut entraîner des distinctions injustifiées et arbitraires, par exemple dans le cas de personnes apatrides appartenant à une minorité nationale qui résident à titre permanent sur un territoire donné.[7] Le Comité consultatif souligne par conséquent qu’eu égard à ces principes, le critère de citoyenneté ne devrait pas être préjudiciable pour les personnes apatrides[8], en particulier celles qui appartiennent à la communauté rom. Dans ce contexte, il note que des obstacles d’ordre juridique et pratique subsistent pour les Roms dans des domaines tels que l’enregistrement des naissances, l’acquisition de la citoyenneté, l’enregistrement de la résidence permanente et la délivrance de cartes d’identité (voir l’article 4). En outre, les autorités serbes doivent préciser l’objectif légitime poursuivi en interdisant aux personnes non ressortissantes qui résident à titre permanent en Serbie de devenir membres de Conseils des minorités nationales.

35.  Le Comité consultatif a été informé que la pratique appelée « passivation » des adresses signalée en particulier par les représentants et représentantes de la minorité albanaise a une incidence négative sur l’exercice effectif des droits des minorités. Ces plaintes font référence aux « allégations de recours abusif par les autorités à la pratique administrative de la suspension des adresses permanentes, en particulier dans les communes de Bujanovac, Medveđa et Preševo (voir l’article 4). En vertu de la législation concernée, les adresses permanentes peuvent être suspendues lorsqu’il n’est plus possible d’établir que la résidence permanente d’une personne correspond au lieu de ses activités de vie principales et de ses relations professionnelles et économiques[9]. S’il est établi de manière incontestable qu’un ressortissant ou une ressortissante ne réside pas à son adresse permanente enregistrée, le service compétent du ministère des Affaires sociales doit opérer la « passivation » de l’adresse et demander à la personne d’enregistrer sa résidence effective dans les huit jours suivant la réception de la décision[10]. Après la « passivation » de son adresse, si elle n’a pas enregistré une autre adresse permanente, elle est radiée de la liste des résident·es d’une municipalité donnée, ce qui l’empêche notamment de renouveler ses documents d’identité, telle que sa carte d’identité et son passeport[11]. En conséquence, la personne sujette à cette pratique ne peut pas participer aux élections générales ni aux processus d’élection des Conseils des minorités nationales. Les autorités ont informé le Comité consultatif que la « passivation » n’a pas d’incidence sur la participation au recensement de la population. Comme le précédent recensement, celui de 2022 a compté les personnes sur la base de leur résidence effective, qu’elles aient enregistré une résidence permanente ou temporaire. Les personnes appartenant à la minorité albanaise ont informé le Comité consultatif que les communes ayant une forte population albanaise sont touchées de manière disproportionnée par la pratique de « passivation ». Lors de leurs échanges avec le Comité consultatif, les autorités ont toutefois déclaré que la « passivation » des adresses ne visait pas une communauté en particulier. Elles ont affirmé qu’il s’agit d’une pratique légitime et légale appliquée sans distinction à tous les ressortissants et ressortissantes de la Serbie conformément aux dispositions de la législation en vigueur[12].

36.  Le Comité consultatif est préoccupé par ces plaintes. Il rappelle donc aux autorités qu’une pratique administrative ne doit pas avoir pour effet de réduire le champ d’application personnel de la Convention-cadre ou d’entraîner par la suite une violation des droits qu’elle confère (voir l’article 4).

37.  Le Comité consultatif encourage les autorités à maintenir une approche pragmatique et flexible, au cas par cas, de la mise en œuvre des droits des minorités conformément à la Convention-cadre, en prêtant une attention particulière aux personnes apatrides. Les autorités devraient s’abstenir de toute action ou pratique administrative, telle que la « passivation » des adresses, susceptible de limiter le champ d’application de la Convention-cadre.

Recensement de la population (article 3)

38.  Un recensement de la population, des ménages et des logements a été effectué en 2022. Selon ses résultats, la population de la Serbie s’élève à 6 647 003 personnes, soit une baisse par rapport au chiffre de 7 186 862 relevé en 2011. Le groupe ethnique majoritaire représente 80,64 % de la population totale (5 360 239). Les minorités nationales numériquement plus nombreuses sont les Hongrois (2,77 % de la population totale, soit 184 442 personnes), les Bosniaques (2,31 %, soit 153 801 personnes) et les Roms (1,98 % de la population, soit 131 936 personnes)[13]. Le questionnaire de recensement prévoyait également la possibilité de déclarer des appartenances multiples. Cette option a été choisie par 6 403 personnes, soit 0,1 % des personnes interrogées. Certaines d’entre elles (2,05 %, soit 136 198 personnes) ont refusé de déclarer leur appartenance ethnique, conformément à l’article 47 de la Constitution, tandis que 4,84 % de la population, soit 322 013 personnes, a déclaré une appartenance ethnique « inconnue »[14].

39.  Les autorités ont informé le Comité consultatif que, pendant les activités préparatoires du recensement, le Bureau des statistiques a coopéré étroitement avec le ministère des Droits humains et des minorités et du Dialogue social, la Coordination des Conseils nationaux des minorités nationales et plusieurs conseils des minorités nationales, en particulier ceux des minorités rom, albanaise, bosniaque et hongroise. Sur 161 commissions de recensement au total, 73 comprenaient des représentants et représentantes des minorités nationales nommés par les Conseils des minorités nationales. L’appel public au recrutement de personnel pour le recensement a été traduit dans 13 langues minoritaires, 230 agent·es de recensement (130 Roms, 85 Hongrois, 15 Albanais) ont été recrutés dans des régions peuplées majoritairement par des personnes appartenant aux minorités nationales. Une campagne d’information dans les médias a été menée afin de sensibiliser les personnes appartenant aux minorités nationales à l’importance du recensement. Des bannières et affiches sur le recensement ont été publiées en ligne en langue serbe et dans les langues des minorités nationales. Des représentants et représentantes du Bureau des statistiques ont dialogué avec des parents dans les campements roms afin de souligner l’importance du recensement.

40.  Les autorités ont également répondu aux plaintes formulées par le Comité consultatif lors de sa visite selon lesquelles des Bosniaques n’auraient pas été recrutés comme agent·es chargé·es du recensement, en précisant que la plupart des agent·es des communes à majorité bosniaque appartenaient à l’ethnie bosniaque, notamment plus des trois quarts d’entre eux à Novi Pazar. Selon les autorités, des instructeurs et instructrices bosniaques ont pu observer en temps réel le travail de terrain des agent·es chargé·es du recensement qui étaient placé·es sous leur supervision lors du recensement de 2022 et aucune plainte n’a été formulée à ce propos. En ce qui concerne les résultats du recensement de 2022, 121 113 personnes, y compris les personnes résidentes à titre temporaire, ont été dénombrées à Novi Pazar. Au total, en déduisant les doublons et résident·es non permanent·es conformément aux normes de recensement internationales, la population s’élevait à 106 720 personnes, dont 85 204 personnes s’identifiant librement comme Bosniaques. Les autorités ont également réfuté les allégations sur l’existence de groupes d’agent·es chargé·es du recensement composés à la fois de Serbes et d’Albanais, en expliquant que la sélection se fondait sur des critères standardisés. Dans les régions dépourvues d’agents et d’agentes parlant couramment la langue serbe, des assistant·es ont été recruté·es par l’intermédiaire des commissions de recensement locales. En ce qui concerne les préoccupations formulées par les représentants et représentantes de la minorité croate à propos des pressions exercées sur la libre identification ethnique (pour faire baisser le nombre de Croates au détriment de la communauté Bunjevac), les autorités ont fait état d’une baisse similaire de la population s’identifiant librement comme Bunjevac (passant de 16 706 en 2011 à 11 104 en 2022). Enfin, les autorités ont souligné que les réponses aux questions du recensement sur l’appartenance nationale étaient enregistrées uniquement sur la base de la libre déclaration. Elles ont également informé le Comité consultatif que le Bureau des statistiques de la République de Serbie peut effectuer une vérification supplémentaire des données du recensement 2022 afin d’analyser les tendances démographiques, socio-économiques et migratoires des personnes appartenant aux minorités nationales.

41.  Les interlocuteurs et interlocutrices du Comité consultatif se sont déclarés satisfaits dans l’ensemble des résultats du recensement 2022. Toutefois, les représentants et représentantes de certaines minorités nationales contestent l’exactitude des données, soutenant que les chiffres réels relatifs à leur minorité respective sont nettement plus élevés que ne le suggèrent les résultats du recensement. Bon nombre d’interlocuteurs et interlocutrices rencontrés par le Comité consultatif durant sa visite ont relevé un manque d’efforts de la part des autorités pour recruter des personnes appartenant aux minorités nationales comme agents et agentes chargés du recensement. Les personnes appartenant à la minorité bosniaque ont ainsi estimé que l’absence d’agents et d’agentes bosniaques, à une exception près, était à l’origine des décomptes inexacts. Elles ont également indiqué que les résultats préliminaires à Novi Pazar faisaient état de quelque 126 000 Bosniaques, alors que le Bureau des statistiques a révisé ce chiffre par la suite en l’abaissant à 108 000. Les personnes appartenant à la minorité albanaise, qui avaient boycotté le recensement de 2011[15] ont participé à celui de 2022, mais ne sont toujours pas satisfaites. Elles affirment que leur nombre réel dépasse 100 000 personnes, contrairement aux chiffres officiels (61 687). Par ailleurs, alors qu’au niveau central le Bureau des Statistiques a mis en place des groupes mixtes (composés de Serbes et d’Albanais) chargés du recensement, les représentants et représentantes de la minorité albanaise ont indiqué que les autorités locales de Medveđa n’ont pas permis la présence d’agents et d’agentes appartenant à la minorité albanaise au niveau local, ce qui s’est traduit par la formation d’un groupe d’agents et d’agentes composé exclusivement de Serbes et d’un interprète albanais. En outre, les représentants et représentantes de la minorité croate ont informé le Comité consultatif que leur nombre était en recul lors du recensement de 2022, passant de 57 900 en 2011 à 39 107. Ils ont attribué cette baisse à certaines pressions exercées sur les personnes interrogées concernant l’identification des appartenances ethniques croate et bunjevac. Le recensement a montré une baisse considérable du nombre de personnes s’identifiant librement comme monténégrines, de 38 527 lors du recensement de 2011 à 20 238 en 2022. Un recul tout aussi important des chiffres par rapport au recensement de 2011 a été également observé chez d’autres minorités nationales, notamment les Hongrois, dont la population est passée de 253 899 en 2011 à 184 442 personnes en 2022.

42.  De même, les représentants et représentantes de la minorité égyptienne estiment que leur nombre réel serait environ trois fois plus élevé que le chiffre officiel de 1 484 personnes. Ils notent qu’un grand nombre de personnes ignorent l’importance du recensement et sont souvent identifiés par erreur comme des Roms par la population majoritaire. Ils soulignent que les autorités auraient dû sensibiliser la population à l’importance du recensement avant de l’effectuer. Les interlocuteurs et interlocutrices de la minorité rom se sont également dits préoccupés par le manque de sensibilisation des Roms à l’importance du recensement. Ils ont par ailleurs fait état du nombre insuffisant de Roms parmi les agent·es chargé·es du recensement et ont signalé que des visites n’ont pas eu lieu dans tous les campements roms.

43.  Le Comité consultatif réaffirme que, selon lui, il est indispensable de disposer d’informations fiables sur la composition ethnique de la population pour mettre en œuvre des politiques et des mesures efficaces en matière de protection des droits des minorités, pour aider ces dernières à préserver, affirmer et développer leur identité. Ces informations sont également nécessaires afin de tenir compte des besoins et des intérêts des personnes appartenant aux minorités nationales, notamment pour ce qui est des spécificités liées au genre et à l’âge. Des données démographiques devraient être collectées à intervalle régulier et être complétées par des informations recueillies dans le cadre d’études qualitatives et quantitatives indépendantes, en particulier lorsque les résultats sont contestés. Les résultats devraient être soigneusement analysés en concertation avec les représentants et représentantes des minorités[16].

44.  Le Comité consultatif félicite les autorités pour la conduite globalement positive du recensement de 2022, la plupart de ses interlocuteurs et interlocutrices s’étant dits satisfait·es du processus. Il observe toutefois, de manière générale, un recul significatif du nombre de personnes appartenant aux diverses minorités nationales par rapport aux chiffres du recensement de 2011. Il est au fait de la diminution de la population totale de la République de Serbie depuis le recensement de 2011. La baisse des chiffres concernant la plupart des minorités nationales n’est donc pas surprenante. Le Comité consultatif note toutefois avec préoccupation les plaintes reçues par plusieurs de ses interlocuteurs et interlocutrices de diverses minorités nationales, selon lesquelles les résultats du recensement de 2022 ne reflètent pas leur nombre estimé. Prenant note des explications des autorités affirmant que les agents et agentes appartenant aux minorités nationales étaient en nombre suffisant, le Comité consultatif demeure préoccupé par les plaintes reçues des minorités albanaises, bosniaques et rom à propos de leur représentation insuffisante. Il souligne qu’il importe de garantir que les personnes appartenant aux minorités nationales participent pleinement à la tenue du recensement. Elles devraient être représentées de manière adéquate parmi les agents et agentes chargé·es du recensement. Ce point est particulièrement important pour les minorités qui, historiquement, hésitent à s’identifier librement à des fins officielles, comme les Roms. Il convient également de souligner que les autorités ont admis que des difficultés se posaient en matière de collecte de données dans tous les domaines (voir également l’article 4).

45.  Le Comité consultatif constate, par ailleurs, que les activités de sensibilisation des minorités nationales préalables au recensement n’étaient pas suffisantes, notamment en ce qui concerne la possibilité de déclarer une double appartenance. Il regrette les plaintes formulées à propos de l’importance attribuée au recensement et son impact ultérieur sur l’élaboration des politiques concernant les minorités nationales. Par conséquent, le Comité consultatif considère que les résultats complets du recensement devraient être analysés en étroite consultation avec les représentants et représentantes des minorités. Cette analyse conjointe, associée à d’autres données ventilées recueillies, devrait servir de socle à l’élaboration des politiques relatives à l’accès aux droits des minorités (voir l’article 4).

46.  Le Comité consultatif demande aux autorités d’engager un dialogue avec les représentants et représentantes des minorités nationales afin d’évaluer la méthodologie utilisée lors du recensement de 2022. Cela permettra de déceler les problèmes rencontrés et de trouver des solutions, notamment en sensibilisant à l’importance de la collecte de données et à l’identification à des appartenances multiples pour l’élaboration des politiques et en recueillant des données ventilées, en particulier dans les régions et les communes plus densément peuplées par des personnes appartenant aux minorités nationales.

Cadre juridique et institutionnel de lutte contre la discrimination (article 4)

47.  Le cadre juridique de lutte contre la discrimination de la Serbie reste régi par la Constitution[17] ainsi que par la loi sur l’interdiction de la discrimination, qui énumère les motifs de discrimination, entre autres, la « race, la couleur de peau, l’ascendance, la citoyenneté, l’appartenance nationale ou l’origine ethnique, la langue, la religion ou les convictions et le genre ». En 2021, la loi a été modifiée afin de l’aligner sur l’acquis juridique de l’Union européenne (UE). Plusieurs modifications importantes ont été apportées. La définition de la discrimination indirecte a ainsi été harmonisée avec la législation de l’UE. Les modifications portaient également sur l’incitation à la discrimination. Le concept de ségrégation a été introduit et défini juridiquement comme une forme de discrimination directe[18]. En outre, en 2022, à la suite d’un vaste processus de consultation, le gouvernement a adopté une nouvelle « Stratégie de prévention et de protection contre la discrimination » ainsi que le Plan d’action biennal l’accompagnant[19]. Toutefois, le « Plan d’action pour l’exercice des droits des minorités nationales » n’avait pas encore été adopté à la date d’approbation du présent avis par le Comité consultatif.

48.  En ce qui concerne le cadre institutionnel de lutte contre la discrimination, deux organes principaux sont responsables de cette question : la Commissaire à la protection de l’égalité (CPE) et le Protecteur des citoyens (Médiateur). Ces deux institutions ont des fonctions d’organismes de promotion de l’égalité. En 2020, le Médiateur a reçu 5 056 plaintes, dont 46 concernant des personnes appartenant aux minorités nationales. En 2021, les plaintes formulées se chiffraient à 4 501, dont 44 portant sur les droits des minorités nationales. En 2022, le Médiateur a examiné 3 601 dossiers, dont 27 concernant les minorités nationales[20]. Le Comité consultatif a cité fréquemment un manque de confiance dans l’institution du Médiateur, en particulier à Novi Pazar et dans les communes de Bujanovac, Medveđa et Preševo. Cela transparaît clairement dans le fait que, malgré les plaintes des personnes appartenant aux minorités nationales, celles-ci n’ont jamais obtenu gain de cause ces derniers temps auprès du Médiateur. Les interlocuteurs et interlocutrices ont souligné que des solutions sont nécessaires pour garantir l’égalité d’accès aux droits des minorités. 

49.  Dans le cadre des activités de la CPE concernant les minorités nationales, 114 plaintes lui ont été soumises en 2020. Ce chiffre est deux fois plus élevé que pour les quatre années précédentes, la plupart des cas concernant les Roms. En 2021, le nombre de plaintes se chiffrait à 96, et concernait majoritairement des Roms ainsi que des personnes appartenant à d’autres minorités nationales, notamment les Bosniaques, les Hongrois et les Croates. Cette tendance à la hausse s’est maintenue en 2022, avec 163 plaintes concernant cette fois encore majoritairement des Roms. En 2023, 74 plaintes ont été enregistrées, avec une prédominance de cas concernant les Roms[21]. Lors de leurs échanges avec le Comité consultatif, les représentants et représentantes de la CPE ont fait état de la bonne coopération avec les conseils des minorités nationales nouvellement créés, et de l’organisation de sessions de formation sur les mécanismes de lutte contre la discrimination. Deux sessions supplémentaires sont par exemple prévues dans les mois à venir. Toutefois, le manque de personnel de la CPE restreint fortement sa capacité à entrer en contact avec les personnes appartenant aux minorités nationales et à les sensibiliser à ses activités.

50.  De manière générale, le Comité consultatif a déduit de ses échanges avec ses interlocuteurs et interlocutrices qu’ils ne sont pas pleinement informés de la pertinence de la mission et des activités de la CPE et du Médiateur, ce qui contribue à la sous-déclaration des cas de discrimination. Selon une étude de 2023 sur les « perceptions qu’ont les citoyens de la discrimination en Serbie », qui a été réalisée par la CPE sur un échantillon représentatif de 1 500 adultes, 11 % des répondants et répondantes s’identifient comme des personnes appartenant à des groupes minoritaires exposés à la discrimination. Selon ses conclusions, 61 % des personnes interrogées estiment que la discrimination est particulièrement répandue à l’égard de la minorité rom et des personnes qui en font partie. Malgré cette perception, seuls 7 % des individus victimes de discrimination ont signalé les faits subis. L’absence de signalement s’explique principalement par la conviction qu’il n’aboutirait pas à une action efficace (41 %) et par un manque de confiance dans les institutions (37 %). Alors que 35 % des répondant·es envisageraient de déclarer un cas de discrimination à la CPE ou à la police, 25 % d’entre eux ne savent pas vers qui se tourner. Cela montre la nécessité d’une meilleure information sur les voies de recours disponibles. En outre, 69 % de la population s’estime insuffisamment informée des questions relatives à la discrimination, soulignant ainsi la nécessité d’une information et d’une sensibilisation accrues. Alors que 49 % des répondants et répondantes savent que la discrimination est interdite par la loi, 32 % n’en sont pas certains et 14 % pensent qu’elle est autorisée. Cette étude a également révélé un manque de confiance dans la mise en œuvre effective des lois contre la discrimination. En effet, pour 5 % des personnes interrogées la discrimination est pleinement sanctionnée, pour 42 % elle est rarement sanctionnée et pour 38 % elle est partiellement sanctionnée[22].

51.  Le Comité consultatif rappelle que les organismes de promotion de l’égalité doivent exercer l’ensemble de leurs fonctions et compétences de façon efficace, en tentant d’avoir un impact réel[23]. Les activités régionales de sensibilisation que les organismes de promotion de l’égalité mènent pour assurer une meilleure visibilité et une présence régulière auprès des communautés exposées à la discrimination et à l’intolérance dans l’ensemble du pays sont particulièrement importantes. Le Comité consultatif souligne en outre l’importance particulière de la sensibilisation des personnes appartenant aux minorités en général – et des communautés les plus exposées à la discrimination telles que les Roms – aux recours juridiques existants pour les personnes victimes de discrimination.

52.  Le Comité consultatif est préoccupé par les plaintes reçues qui indiquent que les cas de discrimination ne sont pas signalés de façon adéquate. Ces plaintes indiquent également que le faible nombre de plaintes déposées par des personnes appartenant aux minorités nationales est la conséquence à la fois de la relative méconnaissance de la procédure parmi ces personnes et du manque de confiance signalé dans ces institutions. Selon le Comité consultatif, la méconnaissance de la législation relative à la lutte contre la discrimination et à l’égalité pourrait expliquer le faible nombre de plaintes et serait l’une des raisons expliquant la sous-déclaration des cas de discrimination.

53.  Dans ce contexte, le Comité consultatif souligne qu’il importe tout particulièrement de mieux informer les personnes appartenant aux minorités nationales sur les mesures qu’elles peuvent prendre lorsqu’elles sont victimes de discrimination. Il estime que pour renforcer l’efficacité des organismes de promotion de l’égalité, il faudrait un engagement accru auprès des personnes appartenant aux minorités nationales, notamment en communiquant dans les langues minoritaires. Cette démarche est particulièrement importante pour protéger de façon efficace les personnes appartenant aux minorités nationales contre la discrimination dans les régions où l’accès des Roms à l’éducation (voir l’article 12), à un logement convenable, aux soins de santé et à l’emploi pose de graves problèmes (voir l’article 15).

54.  Le Comité consultatif considère par ailleurs que les personnes appartenant aux minorités nationales ne sont pas suffisamment informées de l’existence de l’institution du Médiateur et de ses antennes locales. Il constate avec une certaine inquiétude les plaintes reçues, qui montrent un niveau de crédibilité insuffisant de l’institution du Médiateur parmi les minorités, un manque de sensibilisation aux problèmes des minorités, l’insuffisance des effectifs en dehors de la capitale et un manque de personnel qualifié capable d’apporter une aide réelle aux personnes appartenant à diverses minorités nationales, y compris en communiquant dans les langues minoritaires.

55.  En outre, le Comité consultatif estime que les travaux de la CPE recèlent un fort potentiel pour mener une action de sensibilisation. Il est d’avis que des mesures supplémentaires sont nécessaires pour doter cette institution d’un personnel capable de communiquer avec les personnes appartenant aux minorités nationales dans leurs langues. Les interlocuteurs et interlocutrices des différentes minorités ayant insisté sur l’importance de promouvoir une égalité réelle et pleine dans tous les domaines, le Comité consultatif considère que la CPE devrait avoir un rôle réellement visible et actif dans la protection des droits des minorités en tant que partie intégrante des droits humains. Cela rendrait le système de lutte contre la discrimination plus accessible aux personnes appartenant aux minorités nationales. Cette démarche aiderait en particulier les personnes en situation de vulnérabilité qui hésitent à s’adresser aux organismes de promotion de l’égalité, celles qui ne savent pas comment déposer une plainte formelle ou faire part de leurs préoccupations respectives.

56.  Le Comité consultatif appelle les autorités à garantir une protection efficace contre la discrimination et à promouvoir et protéger activement les droits des minorités. Des efforts devraient être déployés pour accroître la sensibilisation aux normes anti-discrimination et à la législation sur l’égalité, ainsi qu’aux mécanismes de recours disponibles pour les victimes de discrimination parmi les personnes appartenant aux minorités nationales. Cela concerne en particulier les communautés les plus exposées à la discrimination, telles que les Roms. La Commissaire à la protection de l’égalité devrait disposer de ressources adéquates afin de sensibiliser efficacement les personnes appartenant aux minorités nationales à son mandat, notamment en communiquant dans les langues minoritaires. Les autorités devraient mettre en œuvre davantage d'activités de sensibilisation globales sur le mandat du Protecteur du citoyen et ses bureaux locaux, prendre des mesures décisives pour renforcer la sensibilité et l’efficacité de cette institution en matière de protection des droits des minorités et veiller à ce que ces bureaux locaux soient dotés d’un personnel qualifié.

Égalité d’accès aux droits (article 4)

57.  La loi sur la protection des droits et des libertés des minorités nationales[24] définit les droits des personnes appartenant aux minorités nationales. Les modifications apportées à cette loi en 2018 ont explicitement introduit une disposition qui réglemente la protection contre la discrimination des personnes appartenant aux minorités nationales dans l’exercice de leurs droits individuels[25]. L’article 4 de la loi prévoit que la mise en œuvre de mesures affirmatives en faveur de l’emploi dans le secteur public ne doit pas être interprétée comme constitutive de discrimination.

58.  Les autorités ont également communiqué au Comité consultatif des informations détaillées sur la procédure légale prévue par les dispositions de la loi relative à la résidence permanente et temporaire des citoyen·nes en matière de « passivation » des adresses (voir l’article 3). La procédure est engagée à la demande d’un tribunal, d’une autorité de l’État ou d’une personne ayant un intérêt légitime. L’autorité compétente vérifie les faits concernant la résidence et dispose de 60 jours pour mener une procédure de vérification avant de rendre sa décision. Dans ce cadre, l’autorité interroge les témoins (les représentant·es d’association de locataires, par exemple) et consigne leurs déclarations. Le citoyen ou la citoyenne est convoqué en personne afin de plaider sa cause avant qu’une décision ne soit rendue. Si la personne répond, elle est informée des conclusions avant qu’une décision ne soit prise en premier ressort. Si la résidence n’est pas confirmée, le ministère de l’Intérieur prend une décision de « passivation » de l’adresse et ordonne au/ à la citoyen·ne d’enregistrer sa résidence actuelle dans les huit jours. La décision est remise en mains propres et la personne dispose d’un délai de huit jours pour faire appel. Si aucun appel n’est formé ou s’il est rejeté, elle devient définitive et le citoyen ou la citoyenne perd sa résidence permanente enregistrée en Serbie. Si la personne fait appel de la décision, l’autorité de deuxième instance dispose de 60 jours pour rendre sa décision, qui est également remise en mains propres. Si l’appel est rejeté, le citoyen ou la citoyenne dispose d’un délai de 30 jours pour former un recours administratif devant le tribunal administratif. Cette procédure garantit un système décisionnel à deux instances et une protection judiciaire, permettant ainsi à un·e citoyen·ne de contester une décision s’il·elle n’est pas satisfait·e du résultat. Les autorités ont déclaré que la « passivation » des adresses n’a pas d’incidence sur la citoyenneté serbe. Les citoyens et citoyennes continuent de bénéficier des droits fondamentaux, notamment en matière de soins de santé, de sécurité sociale et d’éducation car ces droits découlent de leur statut de citoyen·ne et non de leur lieu de résidence. Les autorités ont également noté que très peu de recours ont été déposés dans les communes de Bujanovac, Medveđa et Preševo, ce qui montre que la plupart des personnes concernées ne résident pas réellement à l’adresse enregistrée.

59.  Le Comité consultatif a également été informé que le document stratégique applicable dans le domaine de la politique en matière d’égalité est le Plan de 2023-2026 pour l’intégration de la minorité albanaise au sein du secteur public et des autorités de l’État. Malgré les mesures importantes qu’il contient, les représentants et représentantes de la minorité albanaises se montrent préoccupé·es par le fait que les autorités ne l’aient pas mis en œuvre. Ils ont ajouté que le manque de maîtrise de la langue officielle entrave souvent leur accès aux droits. Cette barrière linguistique constitue un obstacle de taille à l’exercice effectif de divers droits, notamment l’accès à l’éducation, à l’information et la participation réelle à la vie politique, sociale et économique, entre autres. En outre, ils ont fait part de leurs préoccupations concernant la sous-représentation des personnes appartenant à la minorité albanaise dans les organes administratifs centraux et locaux, les bureaux du cadastre, le système judiciaire et les services répressifs (voir l’article 15). Le Comité consultatif a également été informé des problèmes relatifs à la « passivation » des adresses (suspension des adresses), qui pourrait constituer un obstacle à l’égalité d’accès aux droits et même entraîner la perte du droit de vote et des difficultés pour renouveler les documents d’identité (voir l’article 3). Des inquiétudes ont été exprimées en particulier au sujet des procédures utilisées par les services répressifs pour vérifier le statut de résident ou de résidente dans les communes de Bujanovac, Medveđa et Preševo, et de l’accès à des recours judiciaires effectifs pour contester les décisions de « passivation » des adresses[26].

60.  Des représentants et représentantes de la minorité bosniaque ont informé le Comité consultatif que leur sous-représentation au sein des institutions de l’État, notamment dans les services de police et des pompiers, entrave leur égalité d’accès aux droits. Selon les interlocuteurs et interlocutrices du Comité consultatif, il est arrivé fréquemment que des personnes appartenant à la minorité bosniaque aient passé avec succès tous les examens obligatoires pour occuper ces postes, à l’exception du test psychologique. D’après ces interlocuteur·rices, l’évaluation est laissée à l’entière discrétion des autorités et qu’aucune raison valable justifiant leur échec à ce test ne leur est généralement donnée (voir l’article 15). Le Comité consultatif a également été informé que certaines entreprises serbes refusent de coopérer avec les entreprises locales de Novi Pazar, notamment celles qui vendent des souvenirs portant le nom « Sandžak »[27], ce qui porte préjudice aux droits économiques des personnes appartenant à la minorité bosniaque[28]. Les représentants et représentantes de la minorité hongroise ont signalé que la barrière de la langue officielle restreint leur accès aux différents droits garantis par la Convention-cadre. Les interlocuteurs et interlocutrices de la minorité ukrainienne se sont dits également préoccupés par les préjugés négatifs dont ils sont l’objet de la part des autorités locales de la province autonome de Voïvodine.

61.  Le Comité consultatif observe qu’en raison de leur maîtrise limitée de la langue officielle, les personnes appartenant notamment aux minorités albanaise et hongroise ne peuvent pas accéder pleinement et dans des conditions d’égalité à leurs droits à une éducation de qualité, à l’information et à la participation effective à la vie politique, sociale et économique (voir les articles 6, 14 et 15). Cette lacune résulte de l’insuffisance des possibilités d’apprentissage dans le cadre du processus éducatif, parallèlement à l’enseignement dans les langues minoritaires. Le manque de maîtrise de la langue officielle devient un obstacle à la participation réelle, qui est aggravé par les exigences linguistiques particulièrement élevées imposées par le secteur public en matière d’emploi.

62.  Dans l’ensemble, les interlocuteurs et interlocutrices du Comité consultatif ont mentionné que les autorités compétentes ne saisissent généralement pas l’importance de garantir l’accès effectif aux droits des personnes appartenant aux minorités nationales et de lutter contre la discrimination et les inégalités dont elles sont victimes. Selon une étude de 2023 basée sur un échantillon représentatif de 520 responsables publics, 71,4 % d’entre eux estiment que la discrimination en Serbie est rare ou très rare, tandis que 14,3 % considèrent qu’il s’agit d’un problème important. Toujours selon cette étude, 32,5 % des responsables publics ne savent pas que la discrimination est interdite en Serbie et 39,4 % n’ont pas connaissance de l’existence d’une loi générale contre les discriminations. En outre, 39,9 % des personnes sondées pensent que les Roms et 21,1 % que les Albanais sont les principaux responsables de la discrimination dont ils sont victimes[29]. Une autre étude montre que la discrimination fondée sur l’appartenance ethnique touche à la fois les personnes appartenant aux minorités nationales et à la population majoritaire, mais le plus souvent les Roms. Même s’ils ne dénoncent pas la discrimination, elle suscite chez eux divers sentiments comme la peur, la colère, l’indifférence et la honte. Comme l’indiquent les conclusions de cette enquête, les Roms réagissent à la discrimination en prenant socialement leurs distances par rapport aux personnes appartenant à d’autres communautés ethniques. Plus de la moitié des Albanais (59,6 %) et des Bosniaques (56,4 %) interrogés ont déclaré avoir été victimes de discrimination ethnique à plus de dix reprises, alors qu’un tiers des Serbes ont été confrontés à la discrimination dans le cadre de leurs interactions quotidiennes[30].

63.  L’absence de données ventilées aggrave la difficulté évoquée plus haut, et complique les efforts requis pour relever ces défis de manière efficace. Les interlocuteurs et interlocutrices du Comité consultatif ont fait état de la nécessité urgente d’adopter un « Plan d’action pour l’exercice des droits des minorités nationales ».[31] Le manque d’une telle stratégie nuit à l’efficacité du cadre juridique institutionnel, par ailleurs très complet. Sans plan d’action, il n’est pas possible de prendre des mesures concrètes, fondées sur des éléments probants pour guider la mise en œuvre des droits des minorités nationales dans la pratique. Lors de leurs échanges avec le Comité consultatif, les autorités ont indiqué que l’élaboration de ce plan d’action est actuellement en cours. Le Comité consultatif n’a toutefois pas connaissance du délai fixé pour mener à bien ce processus.

64.  Le Comité consultatif rappelle que l’article 4, paragraphe 2, de la Convention-cadre dispose que la promotion de l’égalité pleine et effective entre les personnes appartenant à une minorité nationale et celles appartenant à la majorité peut exiger l’adoption par les États parties de mesures spéciales qui tiennent compte des conditions spécifiques des personnes concernées. Il rappelle également que ces mesures peuvent prendre des formes très diverses et ne doivent pas avoir une durée plus longue ou une portée plus large qu’il n’est nécessaire pour atteindre l’objectif légitime de l’égalité pleine et réelle. Le Comité consultatif considère donc que l’accès aux droits doit reposer sur le principe de l’égalité. Afin de garantir une réelle égalité, il est également nécessaire de prévoir les conditions d’apprentissage de la langue officielle parallèlement à celui des langues minoritaires (article 14). 

65.  Le Comité consultatif est d’avis que l’adoption d’un « plan d’action pour l’exercice des droits des minorités nationales » et de certains indicateurs de référence peuvent améliorer la mise en œuvre des droits des minorités. Par ailleurs, les objectifs définis dans le plan d’action doivent être suivis de mesures efficaces, concrètes et ciblées. Le Comité consultatif souligne donc qu’il importe de fonder « les instruments ou les mesures spéciales de promotion de l’égalité sur des données complètes concernant la situation des personnes appartenant à des minorités nationales […], en prenant également en compte les différentes manifestations de discrimination multiple dont elles peuvent faire l’objet, y compris lorsqu’elles sont fondées sur des facteurs non liés au fait d’appartenir à une minorité nationale, comme l’âge, le genre […] »[32]. Il convient par ailleurs de collecter et d’évaluer régulièrement des données fiables et ventilées sur la situation des personnes appartenant à des minorités nationales pour parvenir à l’égalité pleine et réelle, ne serait-ce que parce qu’elles permettent aux autorités d’évaluer les effets des mesures qu’elles prennent à cette fin. Il est en outre important de sensibiliser les minorités nationales à la nécessité de recueillir de telles données pour pouvoir élaborer des politiques répondant à leurs préoccupations diverses. Dans ce contexte, le Comité consultatif regrette vivement que sa recommandation précédente préconisant d’établir un cadre relatif à la collecte de données qui soit durable et fondé sur les droits humains concernant les questions relatives aux droits des personnes appartenant aux minorités nationales ne soit toujours pas mise en œuvre[33]. Il souligne qu’il est indispensable de disposer d’informations fiables sur la composition ethnique de la population pour mettre en œuvre des politiques et des mesures efficaces de protection des droits des minorités.

66.  Par ailleurs, le Comité consultatif considère que, pour veiller à ce que leurs différents intérêts et besoins soient pris en compte, les divers représentants et représentantes des minorités nationales devraient être activement associés au processus d’élaboration du « plan d’action pour l’exercice des droits des minorités nationales ». Des consultations publiques inclusives sont donc nécessaires pour élaborer ce plan d’action. En outre, il incombe aux autorités d’élaborer un « plan d’action pour l’exercice des droits des minorités nationales » qui doit être adopté dès que possible, sans attendre la publication du présent avis du Comité consultatif[34], sur la base des consultations avec divers représentants et représentantes des minorités nationales et des conseils des minorités nationales. Dans un souci d’efficacité, les autorités à tous les niveaux devraient mettre en œuvre des mesures visant à garantir l’égalité avec des résultats concrets et soient associées à des indicateurs pertinents permettant de mesurer ces résultats.

67.  Enfin, le Comité consultatif est préoccupé par les plaintes reçues de la part des représentants et représentantes de la minorité albanaise au sujet de la « passivation » des adresses. Il s’agit notamment des méthodes employées par les services répressifs pour vérifier le statut de résident ou de résidente dans les communes de Bujanovac, Medveđa et Preševo avant l’adoption des décisions de « passivation ». Le Comité consultatif prend note des explications des autorités concernant le déroulement de la procédure de « passivation ». Il reste néanmoins préoccupé par l’absence signalée de recours effectifs pour contester les décisions de « passivation », notamment en raison de la brièveté des délais (délai légal de huit jours et de 15 jours à compter de la date de dépôt de l’avis à l’adresse à laquelle le document devait être remis) pour introduire un recours contre une décision de « passivation ». Il s’inquiète également du manque d’informations sur les voies de recours existantes. Ces contraintes de délais pour la contestation d’une décision administrative de ce type peuvent restreindre de façon exagérée la capacité d’un citoyen ou d’une citoyenne à la contester efficacement et remettre en cause son droit à un recours effectif devant les instances administratives et judiciaires. Le Comité consultatif insiste donc sur la nécessité pour les autorités de garantir l’égalité d’accès aux droits en évitant toute action susceptible de la compromettre. Dans cette optique, il attend des autorités qu’elles entament un dialogue avec les représentants et représentantes des minorités, ainsi qu’avec d’autres parties prenantes afin de répondre aux préoccupations échangées avec le Comité consultatif lors de sa visite.

68.  Le Comité consultatif exhorte les autorités à prendre des mesures efficaces, ciblées et fondées sur des données probantes pour remédier durablement aux inégalités auxquelles sont confrontées les personnes appartenant à des minorités nationales. Après avoir mené de vastes consultations, les autorités devraient adopter le « plan d’action pour l’exercice des droits des minorités nationales » dans les meilleurs délais. Après son adoption, elles devraient assurer un suivi étroit et une évaluation de sa mise en œuvre en consultation directe avec des personnes appartenant à des minorités nationales, en veillant à ce que ces consultations reflètent la diversité au sein des minorités, ainsi qu’avec la participation des acteurs de la société civile concernés. À cette fin, elles devraient notamment collecter des données fiables et ventilées sur l’égalité afin d’élaborer et mettre en œuvre des mesures ainsi que des activités de suivi.

69.  Le Comité consultatif exhorte les autorités à engager le dialogue avec les représentants et représentantes de la minorité albanaise et avec les autres parties prenantes afin de répondre à leurs préoccupations concernant la pratique administrative de « passivation » des adresses, notamment les méthodes employées par les services répressifs pour vérifier le statut de résident dans les communes de Bujanovac, Medveđa et Preševo, et l’accès à des recours effectifs.

 Promotion de la pleine égalité des Roms (article 4)

70.  En 2019, la Serbie est devenue un État signataire de la Déclaration des partenaires des Balkans occidentaux sur l’intégration des Roms dans le cadre du processus d’élargissement de l’UE, communément appelée Déclaration de Poznań[35]. Après l’adoption de la loi sur le système de planification, le gouvernement de la Serbie a révisé la « Stratégie pour l’inclusion sociale des Roms 2016-2025 », en l’étendant à la période 2022-2030. La stratégie aborde des questions telles que la lutte contre l’antitsiganisme, la pauvreté, la discrimination, l’éducation, l’emploi, la santé, le logement et la protection sociale. Elle a notamment pour objectif de promouvoir l’inclusion des Roms, de réduire les inégalités, d’accroître leur participation à l’élaboration des politiques et de régler les problèmes rencontrés par les groupes marginalisés au sein de la communauté rom, notamment les femmes, les enfants et les personnes LGBTIQ+. Elle présente également l’institutionnalisation des mécanismes locaux pour l’intégration des Roms, notamment les coordinateurs et coordinatrices roms, les médiateurs et médiatrices sanitaires, les assistant·es scolaires et les équipes mobiles pour l’inclusion des Roms[36]. Parallèlement à cette stratégie, plusieurs dispositions légales sectorielles visent à assurer l’égalité d’accès aux droits des personnes appartenant à la minorité rom. Plusieurs documents stratégiques décrivent également des mesures spéciales pour lutter contre la discrimination à l’égard des Roms[37].

71.  Le Comité consultatif regrette que la stratégie ait été adoptée sans avoir évalué correctement la précédente et qu’elle ne soit pas fondée sur des éléments probants, ce qui compromet ses chances de réussite. Il considère donc qu’il est indispensable à ce stade d’inclure les personnes appartenant à la minorité rom et leurs représentants et représentantes, y compris les femmes, dans le suivi et l’évaluation de la stratégie actuelle. Il convient de veiller à ce que ces consultations tiennent compte de la diversité de la minorité rom. Par ailleurs, le Comité consultatif regrette l’absence de plans d’action locaux pour la mise en œuvre de la stratégie dans certaines communes. Il estime nécessaire de développer ces plans pour garantir une mise en œuvre efficace de la stratégie à tous les niveaux. De surcroît, bien qu’elle aborde des questions essentielles, la stratégie ne bénéficie pas du soutien budgétaire de l’État et est largement tributaire des subventions internationales. Le Comité consultatif considère que cette forte dépendance à l’égard de financements externes fondés sur des projets et que la faiblesse des investissements à long terme de l’État entrave l’accès des Roms à l’égalité pleine et réelle. La mise en œuvre de mesures stratégiques telles que l’institutionnalisation des mécanismes locaux pour l’intégration des Roms, notamment les coordinateurs et coordinatrices roms, les médiateurs et médiatrices sanitaires, les assistant·es scolaires et les équipes mobiles pour l’inclusion des Roms ne peut pas fonctionner sans une optique à long terme avec le soutien régulier du budget de l’État.

72.  Le Comité consultatif insiste également sur le fait que la Stratégie n’aborde pas les besoins et intérêts particuliers des personnes appartenant aux minorités ashkali et égyptienne. L’absence de stratégies ou de mesures politiques ciblées concernant ces minorités et les personnes qui en font partie est préoccupante dans des domaines tels que les soins de santé, l’emploi, le développement des compétences et le logement. Le Comité consultatif met en exergue la nécessité de prendre des mesures spécialement conçues pour ces minorités et pour les personnes en faisant partie, car leurs difficultés diffèrent de celles des Roms. Selon les interlocuteurs et interlocutrices du Comité consultatif, des opinions communément admises, voire des stéréotypes, circulent à propos des Ashkalis et des Égyptiens, comme le fait qu’ils sont confrontés à des problèmes similaires à ceux des Roms, mais dans une moindre mesure.

73.  En ce qui concerne le principe de l’égalité pleine et réelle, le Comité consultatif s’inquiète de la discrimination persistante à laquelle sont confrontés les Roms, les Ashkalis et les Égyptiens dans presque tous les domaines de la vie. Les interlocuteurs et interlocutrices du Comité consultatif ont signalé que les Roms de Serbie restent l’un des groupes les plus pauvres de la société et se heurtent à de nombreux obstacles socio-économiques qui limitent considérablement leur accès aux droits. Les études montrent que les hommes et les femmes roms de Serbie sont fréquemment victimes de discrimination dans leurs relations quotidiennes avec leurs voisins, leurs collègues et dans le cadre de leurs d’activités sociales régulières. La discrimination commence dès le plus jeune âge, se manifeste souvent dans le cadre des rapports avec les pairs durant la scolarité et se poursuit tout au long de la vie professionnelle et des interactions avec les institutions. Une discrimination systématique s’observe dans l’emploi et l’éducation. Dans des régions comme Leskovac, Niš, Belgrade et Bujanovac, les parents non roms évitent généralement d’inscrire leurs enfants dans des écoles situées à proximité de campements roms en raison de la présence d’enfants et d’élèves roms. La ségrégation spatiale des Roms représente une autre forme de discrimination, qui touche également les soins de santé, la protection sociale et les actes des autorités locales, des fonctionnaires de police et des tribunaux. Malgré sa fréquence, la discrimination est rarement signalée par les Roms, sauf lorsqu’elle s’accompagne de violence. Des mesures stratégiques visant à améliorer les conditions de vie des Roms ont été mises en place depuis 2009, mais aucune solution n’a été apportée à la pauvreté structurelle. Les études réalisées pendant la pandémie de Covid-19 montrent que 38 % des campements roms n’avaient pas accès à l’eau et que 30 % des logements n’étaient pas raccordés au réseau d’approvisionnement en eau[38].

74.  Les données présentées dans le rapport comparatif de l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne intitulé « Les Roms dans 10 pays européens – Principaux résultats » montrent que les Roms sont l’une des communautés les plus fréquemment victimes de discrimination[39]. En outre, selon les résultats d’une enquête menée par la Commissaire à la protection de l’égalité de Serbie, la discrimination envers les Roms est considérée comme la forme de discrimination la plus fréquente dans le pays, 61 % des personnes interrogées reconnaissant son existence. Malgré un large soutien en faveur d’une meilleure inclusion des Roms, des préjugés profondément enracinés perdurent. Ainsi, 52 % des personnes interrogées ont une vision stéréotypée selon laquelle les Roms ne veulent pas chercher du travail, et 39 % pensent que les Roms sont enclins à se livrer à des activités criminelles et à la fraude[40]. Dans le cadre de leurs échanges avec le Comité consultatif, les représentants et représentantes du bureau de la Commissaire à la protection de l’égalité de Serbie ont mis en évidence diverses difficultés socio-économiques affectant de manière disproportionnée la population rom, notamment de mauvaises conditions de logement, un accès limité à l’eau et à l’électricité et des taux élevés d’abandon scolaire, en particulier chez les filles roms (voir l’article 12). En collaboration avec des organisations de la société civile, la Commissaire à la protection de l’égalité effectue fréquemment des tests de situation pour déceler les cas de discrimination directe (discrimination « sur place ») fondée sur des caractéristiques personnelles. Cette méthode est spécialement conçue pour mettre au jour, en situation réelle, les inégalités de traitement envers des personnes ou des groupes, y compris ceux qui appartiennent à la minorité rom.

75.  Le Comité consultatif affirme une fois encore que l’égalité pleine et réelle requiert des États parties à la Convention-cadre des mesures spéciales de résorption des écarts structurels entre les personnes appartenant aux minorités et la majorité dans tous les domaines. Ces mesures doivent être élaborées et mises en œuvre en étroite concertation avec les personnes concernées en tenant dûment compte, lors de leur conception, de la situation particulière des personnes concernées[41]. Le Comité consultatif souligne également le faible nombre de programmes pour l’emploi, les soins de santé et le logement, tenant compte de la situation particulière des Roms (voir l’article 15). Compte tenu des préoccupations relatives à l’absence de données ventilées sur l’éducation, les soins de santé, le logement et l’emploi, le Comité consultatif fait valoir la nécessité de recueillir au niveau national des données ventilées sur l’égalité (faisant aussi apparaître les disparités liées au sexe et à l’âge), qui pourraient servir de socle pour l’élaboration de mesures politiques ciblées et axées sur les résultats. Ces données pertinentes peuvent être recueillies grâce à des études menées par des personnes roms, égyptiennes ou ashkalis ou en coopération avec elles, et devraient satisfaire aux normes relatives aux droits humains et à la protection des données, notamment en ce qui concerne les principes de consentement éclairé, d’anonymisation et d’information sur les finalités du traitement.

76.  Enfin, le Comité consultatif note également que bien que la majorité des Roms de Serbie possède des documents d’état civil, il reste encore à traiter la question de l’apatridie. Le nombre de personnes menacées d’apatridie a été ramené à environ 2 000, ce qui constitue une amélioration significative[42]. Les autorités ont informé le Comité consultatif que la législation serbe garantit à tous les citoyens et citoyennes les droits à une résidence permanente et à une carte d’identité. En coopération avec diverses autorités compétentes, le ministère de l’Administration publique et des Collectivités locales s’est employé à régler les dossiers en suspens dans lesquels la naissance de certains Roms n’était pas enregistrée ou dans lesquels il manquait d’autres documents relatifs à leur situation personnelle, en veillant à garantir l’enregistrement des nouveau-nés. Le ministère de l’Intérieur a participé activement aux efforts entrepris pour réduire l’invisibilité juridique et le risque d’apatridie. Des mesures ont été mises en œuvre pour faciliter l’enregistrement des enfants dont les parents sont dépourvus de documents d’identité, notamment des campagnes de sensibilisation auprès de la population rom. Le site Internet du ministère de l’Administration publique et des Collectivités territoriales donne des instructions détaillées pour que chaque enfant soit déclaré immédiatement après sa naissance. Quelle que soit la situation des parents, la procédure d’enregistrement des naissances nécessite un suivi plus efficace de la part des autorités, en étroite concertation avec les Roms. Certains Roms déplacés à l’intérieur des frontières se heurtent encore à des obstacles liés au fait qu’ils ne possèdent pas de documents d’identité, ce qui les empêche d’enregistrer leurs enfants et de demander la citoyenneté. Ce problème constitue un obstacle supplémentaire à l’égalité réelle des Roms et à leur accès à un certain nombre de droits, notamment à l’éducation, à l’emploi, aux soins de santé, au vote et à la libre circulation.

77.  Le Comité consultatif appelle les autorités, à tous les niveaux, à assurer la mise en œuvre effective de la « Stratégie pour l’inclusion sociale des Roms (2022-2030) » en coopérant étroitement avec toutes les parties prenantes concernées, et en fournissant les ressources humaines et financières appropriées pour répondre aux différents besoins et préoccupations des personnes appartenant à la minorité rom. Les autorités devraient élaborer des plans d’action locaux en faveur de l’inclusion sociale des Roms dans toutes les communes et veiller à leur développement, leur mise en œuvre, leur suivi et leur évaluation avec la participation de personnes appartenant à la minorité rom, notamment les femmes et les jeunes.

78.  Le Comité consultatif encourage vivement les autorités développer des méthodes et à se doter de moyens pour collecter des données relatives à l’égalité concernant les personnes appartenant aux minorités rom, ashkali et égyptienne, en particulier dans les domaines de l’éducation, du logement, de l’emploi et des soins de santé. Cette collecte de données doit être faite conformément aux normes européennes en matière de protection des données. Les autorités devraient prendre des mesures supplémentaires pour garantir que les personnes appartenant à la minorité rom, notamment les personnes apatrides, obtiennent les documents leur permettant de réellement exercer leurs droits.

79.  Le Comité consultatif encourage les autorités à tous les niveaux à travailler avec les représentants et représentantes de la minorité égyptienne et ashkali pour mettre au point des mesures répondant aux besoins et intérêts spécifiques de ces minorités et des personnes qui en font partie.

Promotion des langues et des cultures minoritaires (article 5)

80.  En février 2020, le gouvernement de la Serbie a adopté la « Stratégie de développement culturel 2020-2029 » ainsi que le Plan d’action l’accompagnant. Elle n’est cependant jamais entrée en vigueur en raison de la convocation d’élections anticipées et sa révision est toujours en cours. Entre-temps, le pays a adopté des « Priorités stratégiques pour le développement de la culture pour la période 2021-2025 » en attendant l’élaboration de la nouvelle stratégie. Le rapport étatique fournit des informations détaillées sur les budgets alloués à la préservation et à la promotion des cultures minoritaires, ainsi que sur les méthodes utilisées pour distribuer ces fonds[43]. Dans le cadre de leurs échanges avec le Comité consultatif, les autorités ont fait état de diverses activités régionales et internationales organisées par le Gouvernement de la Serbie pour promouvoir les cultures minoritaires nationales. Elles ont également indiqué que les cultures des minorités nationales sont considérées comme faisant partie intégrante de la culture serbe[44]. Les autorités ont signalé d’autre part que les besoins des minorités sont pris en compte dans les procédures d’appel d’offres pour l’attribution des enveloppes budgétaires de l’État et que les minorités participent activement aux différentes étapes de la répartition des financements culturels.

81.  En Serbie, les personnes appartenant aux minorités nationales peuvent élire des conseils nationaux des minorités nationales pour exercer une certaine autonomie dans les domaines de la culture, de l’éducation, des médias et de l’utilisation officielle de la langue et de l’alphabet (voir l’article 15)[45]. Les domaines de financement culturel et les priorités annuelles sont établis en fonction des propositions de l’organe de coordination des conseils des minorités nationales. Le ministère de la Culture et les autorités compétentes cofinancent les projets culturels par le biais de procédures d’appels à propositions auxquels sont consacrées des enveloppes budgétaires spéciales prévues dans le budget-programme de la Serbie. Les projets concernant les minorités nationales, qui remplissent les conditions requises bénéficient d’un financement. Aucune restriction n’est imposée à la participation des minorités numériquement moins nombreuses. Les autorités ont informé le Comité consultatif que les financements sont attribués en fonction des besoins, des ressources et des caractéristiques spécifiques de la minorité concernée. En cas de restrictions budgétaires, les projets qui renforcent les capacités ou contribuent à institutionnaliser les cultures minoritaires sont prioritaires par rapport à ceux qui portent sur des événements précis. Pour assurer la pérennité des projets, le ministère de la Culture ajuste continuellement ses priorités et ses activités en concertation avec les parties prenantes concernées. Par ailleurs, la province autonome de Voïvodine alloue des financements supplémentaires à la préservation et à la promotion des cultures minoritaires nationales[46].

82.  Si les interlocuteurs et interlocutrices du comité consultatif ont exprimé leur satisfaction générale à l’égard du financement de la culture, certains représentants et représentantes des minorités nationales demeurent préoccupé·es par l’insuffisance du soutien financier apporté à leurs activités culturelles. Ils ont fait observer qu’un financement axé sur des projets sans garantie de soutien opérationnel compromet la pérennité de leurs activités. Les représentants et représentantes de certaines minorités ont informé le Comité consultatif que les ressources financières insuffisantes allouées pour organiser des événements culturels, éditer des publications et préserver les infrastructures posent de graves difficultés dans le cadre de la préservation et de la promotion des cultures minoritaires. Comme l’ont noté de nombreux interlocuteurs et interlocutrices du Comité consultatif, la pauvreté et les taux de chômage élevés entravent encore un peu plus la promotion de la culture. Les interlocuteurs et interlocutrices roms ont souligné la nécessité de préserver et de protéger la culture rom, en favorisant notamment l’enseignement de la langue romani. Les minorités numériquement moins nombreuses, notamment les Ashkalis, les Égyptiens, les Goranis et les Grecs, ont insisté sur la nécessité d’un soutien accru de l’État pour préserver et promouvoir leurs langues et leurs cultures. Les représentants et représentantes de diverses minorités nationales ont mis l’accent sur l’importance de préserver le patrimoine culturel des minorités nationales. Des demandes ont été exprimées concernant la nécessité d’une diversification du soutien financier apporté aux organisations traitant des questions relatives aux minorités nationales. 

83.  Le Comité consultatif réaffirme que la création de conditions propres permettant aux personnes appartenant aux minorités nationales de préserver et de développer leurs cultures et leurs langues, ainsi que d’affirmer leurs identités respectives est jugée essentielle pour une société intégrée[47]. Les organisations minoritaires devraient bénéficier d’un financement durable, permettant de garantir la poursuite de leurs activités de façon plus prévisible, et attribué en fonction de leurs besoins et intérêts. Le Comité consultatif est d’avis que le mécanisme de soutien des cultures des minorités devrait permettre aux organisations des minorités, y compris celles des minorités numériquement moins nombreuses, d’avoir accès à un financement de base à long terme.

84.  Le Comité consultatif salue les efforts déployés par les autorités en faveur de diverses initiatives financées par l’État. Il note cependant que le financement budgétaire de l’État prévu pour les minorités nationales attribue les ressources dans le cadre de procédures de mise en concurrence, sur la base de projets, qui ne garantissent pas la pérennité des activités culturelles. Ce problème est aggravé par les disparités économiques entre la province autonome de Voïvodine et le sud de la Serbie. Le Comité consultatif note un système à deux vitesses,la province autonome de Voïvodine offrant des possibilités de financement plus larges que dans le sud de la Serbie. Même s’il reconnaît les efforts déployés par les autorités de la province autonome de Voïvodine, où résident de nombreuses minorités nationales, le Comité consultatif est préoccupé par la participation insuffisante aux activités culturelles des personnes appartenant aux minorités du sud de la Serbie, notamment les Albanais, les Bosniaques, les Goranis et les Roms. Il attend donc des autorités qu’elles prennent des mesures supplémentaires pour régler cette question et garantir que les personnes appartenant aux minorités en Serbie participent effectivement aux activités culturelles, et promeuvent ainsi la sauvegarde et le développement de leurs cultures. Le Comité consultatif estime par ailleurs que les autorités doivent promouvoir les expressions contemporaines des cultures minoritaires en augmentant le nombre et la diversité des bénéficiaires des financements. Il est également important de sensibiliser la population majoritaire aux droits des personnes appartenant à des minorités nationales de préserver et de développer leurs cultures et leurs identités, y compris leur religion, leurs traditions, leurs langues et leur patrimoine culturel, en tant que partie intégrante de la société serbe dans toute sa pluralité.

85.  Le Comité consultatif estime également qu’il faudrait renforcer les politiques culturelles pour souligner l’importance du dialogue interculturel. Il se félicite que les autorités aient intégré la protection des cultures des minorités nationales dans la Stratégie pour le développement culturel 2020-2029. Il souligne toutefois que des actions concrètes sont nécessaires pour garantir que la promotion des cultures minoritaires soit appréciée et reconnue comme une composante à part entière de la politique culturelle au sens large et de la diversité du patrimoine culturel de la Serbie. Il rappelle que « l’intégration est un processus de concessions mutuelles qui concerne la société dans son ensemble. Par conséquent, on ne peut attendre des personnes appartenant aux communautés minoritaires qu’elles fassent seules les efforts nécessaires : ces efforts doivent aussi venir des membres de la population majoritaire »[48].

86.  Le Comité consultatif observe que la mise en œuvre de l’article 5 de la Convention-cadre, qui concerne la préservation du patrimoine culturel, exige d’établir un inventaire des objets du patrimoine culturel liés aux minorités nationales et d’octroyer des fonds destinés à leur entretien ou à leur reconstruction. Le Comité consultatif insiste sur les effets positifs qu’aurait une telle politique en matière de sensibilisation à l’histoire et à la culture des minorités nationales et de tourisme culturel. Compte tenu des préoccupations soulevées par les interlocuteurs et interlocutrices du Comité consultatif à propos de la sauvegarde du patrimoine culturel des minorités nationales en Serbie, le Comité consultatif considère que cette question devrait être abordée dans le cadre du « plan d’action pour l’exercice des droits des minorités nationales » (voir l’article 4), en prévoyant des mesures particulières pour préserver le patrimoine culturel des minorités nationales.

87.  Le Comité consultatif estime enfin que les autorités à tous les niveaux devraient accorder davantage d’attention aux besoins et intérêts des personnes appartenant à des minorités numériquement moins nombreuses. À cet égard, il rappelle le préambule de la Convention-cadre, qui énonce qu’« une société pluraliste et véritablement démocratique doit non seulement respecter l’identité ethnique, culturelle, linguistique et religieuse de toute personne appartenant à une minorité nationale, mais également créer des conditions propres à permettre d’exprimer, de préserver et de développer cette identité ». Il rappelle que « [c]ela exige souvent des autorités qu’elles prennent des mesures ciblées pour revitaliser des éléments essentiels de la culture d’une minorité, sans lesquels l’expression de certains aspects de cette identité serait impossible »[49]. Le Comité consultatif souligne également l’importance de la revitalisation et du soutien actif à la protection et au développement des cultures et des langues des minorités nationales numériquement moins nombreuses, afin de garantir que les personnes appartenant à ces minorités soient en mesure de préserver et de développer leur identité culturelle.

88.  Le Comité consultatif appelle les autorités à offrir un soutien plus proactif et substantiel à la protection et la promotion des cultures et des langues des personnes appartenant aux minorités nationales. Cela suppose de garantir un financement de base à long terme suffisant et durable, indispensable pour préserver, développer et promouvoir les cultures et les identités des personnes appartenant aux minorités nationales. Ce financement devrait plus particulièrement soutenir les minorités numériquement moins nombreuses, quel que soit leur lieu de résidence. Les autorités devraient également prendre des mesures visant à préserver le patrimoine culturel des minorités nationales.

Dialogue interculturel, respect mutuel et intégration de la société (article 6)

89.  Le Comité consultatif prend note des activités concernant les relations interethniques, telles qu’elles sont décrites dans le rapport étatique[50]. Il observe que malgré les efforts déployés par les autorités, des difficultés subsistent en matière de promotion du dialogue interculturel, de respect mutuel et d’intégration de la société. Selon une étude intitulée « Relations sociales entre les communautés ethniques en Serbie », la distance ethnique, en particulier en ce qui concerne le mariage, est plus marquée entre les Serbes et les Albanais, mais se resserre lorsqu’il est question de cohabitation dans le même pays. L’enquête a été menée auprès de 2 130 Serbes et de 759 répondant·es appartenant à des minorités nationales. Un tiers (31,1 %) des Serbes accepteraient de se marier avec une personne albanaise, tandis que 26,4 % des Albanais seulement épouseraient une personne serbe. Près des deux tiers des Serbes accepteraient la coexistence avec des Albanais. En revanche, seuls 38,6 % des Albanais cohabiteraient avec des Serbes, tandis que 60,8 % le feraient avec des Bosniaques et un tiers d’entre eux n’auraient rien contre l’idée d’avoir un Rom pour voisin. Toujours selon cette enquête, 24,7 % des Serbes accepteraient qu’un Albanais soit président de la Serbie, les Croates (53,7 %), les Roumains (41,3 %), les Hongrois (39,3 %) et les Roms (28 %) étant plus nombreux à être favorables à cette idée. Malgré la distance sociale, il existe encore des possibilités d’intégration plus poussée de la société, car la plupart des personnes appartenant aux minorités nationales, à l’exception des Albanais, entretiennent des liens très forts avec la Serbie[51].

90.  Pendant la visite de suivi, la plupart des interlocuteurs et interlocutrices des minorités nationales ont fait valoir que les autorités élaborent et adoptent des lois et des documents pertinents concernant l’intégration, mais que ces derniers sont rarement appliqués dans la pratique. En effet, dans de nombreuses circonstances, le traitement réservé par les autorités aux personnes appartenant aux minorités nationales va plutôt dans le sens contraire, et favorise notamment les divisions. Les difficultés portées à l’attention du Comité consultatif comprennent notamment des préoccupations relatives à un système à deux vitesses entre la province autonome de Voïvodine et d’autres parties de la Serbie ainsi que des questions relatives à l’intégration, par opposition à la ségrégation, et au cadre juridique pour la protection des minorités nationales. Bien que le cadre juridique soit largement en place, certains interlocuteurs et interlocutrices ont exprimé leur inquiétude quant au fait que sa mise en œuvre puisse, dans certaines circonstances, entraîner une ségrégation au lieu de favoriser l’intégration de l’ensemble de la société. Les personnes appartenant aux minorités albanaise et hongroise ont déclaré que l’un des principaux obstacles à leur inclusion au sein de la société serbe est le manque de maîtrise de la langue officielle. Le test de compétence linguistique requis pour occuper un emploi, en particulier dans le secteur public, est jugé plus exigeant qu’il n’est nécessaire, ce qui constitue un obstacle à leur pleine participation. Les interlocuteurs et interlocutrices du Comité consultatif ont également fait part de leurs inquiétudes concernant les arrestations fréquentes de personnes appartenant à la minorité albanaise qui arborent le drapeau albanais lors de manifestations pacifiques[52]. Un autre facteur entrave leur inclusion et leur acceptation à part entière au sein de la société. En effet, les jeunes Albanais considèrent que leur manque de perspectives en Serbie du fait de la conjoncture économique difficile et des problèmes liés à la reconnaissance des diplômes obtenus au Kosovo*[53] (voir l’article 15) constitue un obstacle important à leur développement, à leur inclusion et, par là même, à leur intégration dans la société.

91.  Le Comité consultatif note également que la ségrégation des Roms dans différents domaines de la vie continue à faire obstacle à leur intégration au sein de la société. Le manque de confiance entre les personnes appartenant aux minorités nationales et les autorités entrave encore davantage leur inclusion pleine et réelle dans la société. Les interlocuteurs et interlocutrices du Comité consultatif ont signalé que l’intolérance de la société à l’égard des minorités et des personnes qui en font partie persiste et se manifeste par une discrimination fréquente envers les personnes appartenant aux minorités rom et turque. Cette discrimination se fait parfois sous l’impulsion de responsables politiques, y compris à des fonctions de haut niveau, et d’acteurs gouvernementaux. Les représentants et représentantes de la minorité bosniaque se disent préoccupés par la négation publique généralisée des crimes de guerre commis pendant les dernières guerres sur le territoire de l’ex-Yougoslavie, notamment le génocide de Srebrenica, et par la glorification des personnes reconnues coupables de ces crimes. Le rapport de la Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe[54] ainsi que celui de l’ECRI[55] insiste sur cette question. Le Comité consultatif a été également informé qu’un rassemblement panserbe intitulé « Une nation, une assemblée - Serbie et Srpska » s’est tenu le 9 juin 2024. Les gouvernements de la Serbie et de la Republika Srpska ont adopté un projet de déclaration sur la protection des droits nationaux et politiques et sur l’avenir commun du peuple serbe. La couverture médiatique a insisté sur l’importance de la Déclaration pour tous les Serbes, mais elle a également servi de plateforme pour la promotion de vieux discours antioccidentaux et du nationalisme serbe. Le rassemblement a montré que l’idéologie nationaliste des années 1990 demeure au centre de la politique officielle actuelle de la Serbie[56].

92.  Le Comité consultatif souligne, comme mentionné dans les Lignes directrices de Ljubljana sur l’intégration dans des sociétés marquées par la diversité du Haut-Commissaire de l’OSCE pour les minorités nationales, que « [l]’intégration est un processus qui exige que tous les membres d’une société donnée acceptent des institutions publiques communes et aient un sentiment commun d’appartenance au même État et à une société inclusive. Cela n’exclut pas la possibilité d’avoir des identités distinctes, en constante évolution, multiples et contextuelles. Des mécanismes axés sur les concessions mutuelles sont indispensables pour débattre des revendications légitimes des différents groupes ou communautés »[57].    

93.  De manière générale, le Comité consultatif note que la fragilité de la société reste préoccupante, en particulier en termes d’intégration de l’ensemble de la société et de pleine inclusion des personnes, notamment celles qui appartiennent aux différentes minorités nationales. Les interlocuteurs et interlocutrices du Comité consultatif ont également signalé un manque d’informations sur les minorités au sein de la société et un enseignement insuffisant sur leur présence historique en Serbie, leurs cultures, leurs traditions et leur histoire. Peu d’attention est accordée aux minorités numériquement moins nombreuses qui redoutent l’assimilation. Sur un plan positif, le Comité consultatif met en évidence des exemples d’inclusion réussis, comme celui du club de basket de Bujanovac, où des enfants albanais, serbes et roms jouent ensemble et remportent des succès au niveau international, ou encore celui de la province autonome de Voïvodine, où diverses minorités nationales et la population majoritaire vivent en harmonie. Le Comité consultatif souligne que l’article 6 de la Convention-cadre demande aux Parties de déployer des efforts pour favoriser un climat de respect et de compréhension mutuels et la coopération entre toutes les personnes vivant sur leur territoire. Cela doit faire en sorte que les personnes appartenant à des minorités nationales soient appréciées et reconnues comme une composante à part entière d’une société plurielle et jouissent effectivement de l’égalité d’accès aux droits et aux ressources, tout en ayant la possibilité d’entretenir des relations sociales et de s’intégrer par-delà leur différence. Le Comité consultatif réitère le préambule de la Convention-cadre qui énonce que « la création d’un climat de tolérance et de dialogue est nécessaire pour permettre à la diversité culturelle d’être une source, ainsi qu’un facteur, non de division, mais d’enrichissement pour chaque société ». Cette approche devrait être reprise et encouragée par la législation et les politiques nationales. Toute mesure susceptible de restreindre le droit à la liberté d’expression et le droit à la liberté de réunion pacifique doit être prévue par la loi, poursuivre un but légitime et constituer une mesure nécessaire dans une société démocratique.

94.  Le Comité consultatif regrette que l’intégration de la société en Serbie ne soit toujours pas perçue comme un processus général d’adaptation mutuelle, qui suppose des efforts à la fois des personnes appartenant à des minorités nationales et des personnes appartenant à la population majoritaire et qui se fonde sur le respect et la valorisation de la diversité comme pilier de la société. Il réaffirme qu’il est essentiel « que tous les segments de la société, majorité et minorités confondues, soient pris en compte dans les stratégies d’intégration afin que ces dernières facilitent effectivement le développement de structures sociétales où la diversité et le respect de la différence sont encouragés et admis comme la norme, par la reconnaissance, les concessions mutuelles et l’engagement actif de chacun »[58]. Le Comité consultatif souligne qu’il convient de concevoir des programmes destinés à promouvoir le respect, l’entente interculturelle et l’intégration de l’ensemble de la société, dans le cadre d’un processus global, associant des personnes appartenant aux minorités et à la majorité, couvrant tous les domaines concernés de la vie, et reposant sur la reconnaissance des communautés minoritaires et des personnes appartenant à celles-ci comme faisant partie intégrante de la société, sur un pied d’égalité. La mission d’intégration de la société tout entière ne saurait être laissée aux seules minorités nationales ; il s’agit d’un processus de concessions mutuelles et d’engagement actif de tous les membres de la société, à titre individuel ou en groupes organisés[59]. Le Comité consultatif souligne l’importance des Lignes directrices de Ljubljana sur l’intégration dans des sociétés marquées par la diversité du Haut-Commissaire de l’OSCE pour les minorités nationales. Selon ce document, « les politiques d’intégration devraient prendre en considération les intérêts et respecter les droits de tous les membres de la société, y compris les droits des personnes appartenant aux minorités. Outre les droits qu’ils détiennent, tous les membres de la société ont en commun le devoir de respecter les lois et la responsabilité de contribuer à la société et à l’intégration de la société tout entière[60] ».

95.  Par ailleurs, tout en prenant note de la « Stratégie nationale en matière de poursuite des crimes de guerre pour la période 2021-2026 », le Comité consultatif exprime ses vives inquiétudes au sujet de l’importance des signalements sur la négation publique des crimes de guerre et la glorification des personnes reconnues coupables de ces crimes. Il tient en outre à souligner que dans un contexte post-conflit, il n’est possible de parvenir à la compréhension interculturelle que grâce à des efforts globaux pour faire face au passé. Les responsables politiques jouent un rôle important dans la reconstruction après les conflits et ils doivent s’abstenir de nier les crimes récents lorsqu’ils affrontent un passé difficile. Il s’impose de condamner publiquement ce type de rhétorique glorifiant les criminels de guerre. Dans ce contexte, « [l]a justice, la paix et la démocratie ne sont pas des objectifs qui s’excluent mutuellement, mais au contraire des impératifs se renforçant les uns les autres. Les faire progresser toutes les trois sur un terrain fragilisé par un conflit exige une planification stratégique, une intégration rigoureuse et un échelonnement judicieux des activités »[61].

96.  De manière plus générale, le Comité consultatif estime que des mesures sont nécessaires afin de promouvoir le respect mutuel et la confiance entre les personnes appartenant à des minorités nationales et la population majoritaire. Il est nécessaire d’établir un dialogue interculturel réel au moyen d’échanges menés dans divers domaines, notamment l’art, la culture, les médias et le sport. La composante interculturelle de l’éducation est également très présente dans les discussions du Comité consultatif concernant l’intégration de la société tout entière, qui s’entend comme tous les individus qui la compose. Le Comité consultatif rappelle qu’il est important que « [d]es informations adéquates sur la composition de la société, notamment sur les minorités nationales et autres […] figurent dans les programmes scolaires publics, les manuels scolaires et les matériels pédagogiques utilisés dans tous les établissements scolaires sur l’ensemble du territoire des États parties »[62]. La compréhension et le respect mutuels sont des valeurs fondamentales qui doivent être promues dans le système éducatif. À cet égard, le Comité consultatif encourage les États à rendre obligatoire l’enseignement des droits humains, notamment les droits des minorités, de la démocratie et de l’État de droit, dans le programme scolaire. Cet enseignement peut être dispensé dans le cadre d’une matière spécifique, comme l’éducation civique ou être intégré dans l’ensemble du programme. Il doit viser à lutter contre les attitudes préjudiciables, qu’il s’agisse de racisme, d’extrémisme et de discours de haine[63]. Le Comité consultatif souligne donc la nécessité que les autorités promeuvent le dialogue interculturel, notamment dans les programmes scolaires, afin de sensibiliser les élèves et les étudiant·es à l’existence des minorités nationales et de s’efforcer, dans la mesure du possible, de favoriser une approche impartiale des événements douloureux du passé. Dans ce contexte, le Comité consultatif souligne l’importance de la formation des enseignant·es, le rôle fondamental de l’enseignement de l’histoire pour favoriser l’intégration et la réflexion critique, ainsi que la connaissance des cultures, des histoires et des religions des minorités et de la population majoritaire (voir l’article 12).

97.  Enfin, attendu que les personnes appartenant aux minorités albanaise et hongroise ont une maîtrise limitée de la langue officielle, qui freine leur inclusion et leur participation réelles au sein de la société, le Comité consultatif estime qu’il convient d’adopter une démarche volontariste dans l’enseignement de ces langues, en l’accompagnant de mesures d’incitation (voir les articles 14 et 15). En outre, il est d’avis qu’une attention accrue doit être prêtée aux personnes appartenant aux minorités numériquement moins nombreuses afin leur garantir une meilleure inclusion dans la société, sans crainte de l’assimilation.

98.  Le Comité consultatif exhorte les autorités à prendre des mesures concrètes pour promouvoir la confiance, le respect mutuel et la compréhension à l’égard des personnes appartenant à toutes les minorités, notamment par des actions de sensibilisation auprès de l’ensemble de la population. Une approche globale prenant en compte le passé est nécessaire et doit s’accompagner de la condamnation publique et sans réserve des crimes de guerre et de ceux qui les ont commis, quelle que soit leur appartenance ethnique ou celle de leurs victimes. Des mesures sont nécessaires pour favoriser le respect mutuel et la confiance entre les personnes appartenant aux minorités nationales et la population majoritaire, en encourageant le dialogue interculturel à tous les niveaux, en particulier dans l’art, la culture, l’éducation, les médias et le sport. Les autorités devraient également garantir l’inclusion dans la société des personnes appartenant à des minorités numériquement moins nombreuses et préserver leurs identités du risque d’assimilation contre leur volonté. Des mesures d’incitation favorisant l’apprentissage de la langue officielle s’imposent pour les personnes appartenant aux minorités albanaise et hongroise afin de garantir leur pleine participation et inclusion dans la société.

Crime et discours de haine (article 6)

99.  En vertu de l’article 54a du Code pénal, les crimes de haine fondés sur la « race », la religion, la nationalité, l’appartenance ethnique ou les autres motifs énoncés doivent être considérés comme une circonstance aggravante aux fins de la détermination de la peine, sauf si ces facteurs font expressément partie des éléments constitutifs de l’infraction pénale. Les peines applicables aux crimes de haine sont définies à l’article 317 du Code pénal. L’article 387 érige en infraction pénale les actes de discrimination raciale, à savoir le fait qu’une personne viole les droits humains fondamentaux sur la base d’une différence de « race », de couleur, de religion, de nationalité, d’appartenance ethnique ou de toute autre caractéristique personnelle, et il prévoit une peine d’emprisonnement de six mois à cinq ans. Dans le cadre de la collecte de données sur le crime de haine, la police est responsable d’enregistrer les crimes de haine fondés sur les motifs de protection énoncés. Depuis septembre 2018, chacun des 83 parquets de la Serbie a nommé un procureur ou une procureure qui sert de point de contact chargé de rassembler des données sur les crimes de haine et d’en rendre compte au ministère public. En 2020, sur huit crimes de haine enregistrés, cinq ont fait l’objet de poursuites et quatre de condamnations. En 2021, sur 109 crimes de haine enregistrés, 11 ont fait l’objet de poursuites et 11 de condamnations. En 2022, sur 94 crimes de haine enregistrés, 11 ont fait l’objet de poursuites et six de condamnations[64].

100.   L’article 11 de la loi sur l’interdiction de la discrimination interdit le discours de haine[65]. Le discours de haine, notamment en ligne, a été signalé au Comité consultatif comme une évolution extrêmement préoccupante, qui demeure visiblement impunie. Selon le rapport du Conseil de l’Europe sur le recours au discours de haine dans les médias serbes[66], on observe une augmentation notable de ce phénomène, de nombreux responsables politiques et personnalités publiques tenant des propos injurieux et diffamatoires. Les Roms, les Albanais et les Croates sont les plus fréquemment exposés au discours de haine et à la discrimination. Selon une étude récente sur le discours de haine dans les médias, la haine ethnique, notamment envers les Albanais et les Bosniaques, continue de sévir en Serbie, l’hostilité envers les Monténégrins s’étant intensifiée compte tenu des tensions actuelles entre l’Église orthodoxe serbe et l’Église orthodoxe monténégrine[67]. Une étude récente montre que les discours de haine contre les Roms sont également très répandus dans les médias, en particulier sur les réseaux sociaux. Sur 302 cas recensés, 45,8 % concernaient une incitation à la haine ou à la discrimination, 36,9 % portaient sur des insultes ethniques, telles que « Cigan », 13 % encourageaient ou glorifiaient la violence et 3,7 % comportaient des propos humiliants visant les personnes roms. L’étude met également en évidence le manque de mécanismes de signalement du discours de haine sur les sites d’information en ligne. En effet, ils n’offrent pas de possibilité de signalement ou ne prévoient pas de modération après le signalement[68]. En ce qui concerne les différents cas de discours de haine, plusieurs incidents anti-Bosniaques survenus dans la ville de Priboj ont été signalés au Comité consultatif[69]. Des cas de comportement discriminatoire de la part des services de sécurité de l’aéroport « Konstantin Veliki » à Niš ont été également portés à la connaissance du Comité consultatif.

101.   Les interlocuteurs et interlocutrices du Comité consultatif ont noté que le discours de haine visant les minorités nationales et les personnes qui leur appartiennent est particulièrement répandu. Le récent rapport de l’ECRI sur la Serbie a également mis l’accent sur la persistance du discours de haine[70]. En outre, le Rapporteur spécial des Nations unies sur la liberté d’expression s’est dit préoccupé par le discours public toxique que tiennent en particulier des responsables politiques et des responsables publics, en ciblant notamment les minorités nationales[71]. Les interlocuteurs et interlocutrices appartenant aux minorités bosniaques et albanaises ont souligné en particulier la recrudescence du discours de haine. En ce qui concerne la minorité albanaise, le Comité consultatif a été informé de l’usage croissant et incontrôlé du mot « Shqiptar »[72], terme péjoratif utilisé pour désigner les Albanais, ainsi que de problèmes liés à l’utilisation des symboles de la nation. Il a également eu connaissance de l’organisation du festival « Mirëdita, dobar dan » le 28 juin 2024, un événement annuel réunissant des artistes, des militant·es en faveur des droits humains et de la paix, ainsi que des leaders d’opinion de la Serbie et du Kosovo*. Certains politiques ont qualifié cet événement de provocation. Des représentants et représentantes de la minorité croate ont également signalé des contenus médiatiques négatifs, parfois proches du discours de haine. Des incidents à caractère antisémite survenus en Serbie pendant le cycle de suivi ont été également portés à la connaissance du Comité consultatif[73].

102.   Le Comité consultatif souligne que les États parties ont l’obligation de prendre des mesures appropriées pour protéger les personnes susceptibles d’être victimes de menaces ou d’actes de discrimination, d’hostilité, de violence ou de discours de haine en raison de leur identité ethnique, culturelle, linguistique ou religieuse. Il rappelle que conformément à la jurisprudence bien établie de la Cour européenne des droits de l’Homme, le discours de haine n’est pas protégé par l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’Homme, qui garantit la liberté d’expression. Dans ce contexte, le discours de haine dans le débat public crée un climat incitant aux crimes de haine[74]. La Recommandation de politique générale n° 15 de l’ECRI sur la lutte contre le discours de haine recommande aux gouvernements des États membres de prendre des mesures appropriées et efficaces en droit pénal contre le recours, dans un cadre public, au discours de haine. Ces mesures doivent porter sur le discours de haine ayant pour but d’inciter à commettre des actes de violence, d’intimidation, d’hostilité ou de discrimination à l’encontre des personnes visées, ou dont on peut raisonnablement s’attendre à ce qu’il ait cet effet. Ces mesures doivent faire appel au droit pénal, sous réserve qu’aucune autre mesure moins restrictive ne soit efficace et que le droit à la liberté d’expression et d’opinion soit respecté[75]. Le Comité consultatif encourage également les autorités à s’inspirer des recommandations du Conseil de l’Europe qui donnent des orientations sur la lutte contre le discours de haine et le crime de haine[76]. Il note également qu’afin de lutter de façon systématique contre les crimes de haine, les représentants et représentantes des forces de l’ordre devraient suivre des formations appropriées pour faire en sorte que les agressions et les actes de discrimination à motivation raciste ou ethnique soient dénoncés et recensés. Ces formations permettraient également que les crimes de haines fassent l’objet d’enquêtes en bonne et due forme, et qu’ils soient punis sur la base d’une intervention ciblée, spécialisée et rapide.[77]

103.   Le Comité consultatif juge très préoccupante l’augmentation du nombre de discours et de crimes de haine constatée ces dernières années, ainsi que la rhétorique anti-minorités, en particulier de la part des responsables politiques ou des personnalités publiques. Il considère que tout discours raciste tenu par des responsables politiques et personnalités publiques doit être immédiatement et fermement condamné par les plus hautes autorités du pays afin de signifier clairement à la population qu’un tel discours est inacceptable. Il note avec préoccupation que les manifestations et expressions d’intolérance et les discours de haine envers certaines minorités nationales et personnes y appartenant se passent retrouvent sur Internet (réseaux sociaux). À cet égard, il estime que les cas liés à des stéréotypes négatifs et discours de haine dans les médias audiovisuels devraient faire l’objet d’un suivi et de sanctions plus systématiques.

104.   Le Comité consultatif regrette l’absence de données officielles relatives au discours de haine et au crime de haine, car la collecte de ces données, ventilées notamment par appartenance à une minorité, est essentielle pour permettre aux autorités, et en particulier aux services répressifs, de mettre au point des mesures ciblées pour faire face à ce type d’agissements. Cette situation signifie aussi que la population dans son ensemble n’est pas informée des difficultés auxquelles sont confrontées les personnes appartenant à des minorités nationales dans la société. Elle nourrit également l’idée selon laquelle la discrimination et la haine ne sont pas un problème pour les minorités nationales et les personnes leur appartenant, ce qui ne peut être démontré sans les données pertinentes. En effet, les données existantes révèlent des problématiques liées au discours de haine qu’il est nécessaire d’aborder, en particulier les nombreux signalements de manifestations d’antitsiganisme dans la société et de discours de haine envers les personnes appartenant aux minorités bosniaques et albanaises. Dans tous les cas, des réponses procédurales adéquates doivent être apportées aux allégations de crimes et de discours de haine formulées par les victimes. Il convient de renforcer la sensibilisation du public aux voies de recours existantes pour lutter contre le discours et le crime de haine, ainsi que d’évaluer régulièrement s’il convient de renforcer la formation de la police, des procureurs et des juges en ce qui concerne l’application de la législation en vigueur relative aux infractions racistes.

105.   Le Comité consultatif appelle les autorités à s’abstenir et condamner toute manifestation d’intolérance et d’hostilité à motivation ethnique dans les discours politiques et dans les médias, en particulier lorsqu'elles visent les minorités albanaise, bosniaque, croate, juive, monténégrine et rom et les personnes leur appartenant. Les autorités devraient également promouvoir activement un sentiment d’appartenance de chacun à la société serbe. Les autorités devraient intensifier leurs efforts pour lutter contre le crime et le discours de haine en sensibilisant davantage le public aux voies de recours existantes et en dispensant à la police, aux procureurs et aux juges une formation régulière sur la législation en vigueur. Les autorités devraient en outre veiller à ce que tous les cas présumés de discours de haine en ligne concernant des personnes appartenant à des minorités nationales fassent l’objet d’un suivi efficace et soient, le cas échéant, sanctionnés.

Émissions de radio, de télévision et presse en langues minoritaires (article 9)

106.   Le processus de privatisation des médias entamé dans le cadre des réformes il y a plus de dix ans s’est achevé pendant le cycle de suivi. Les autorités ont signalé que les inquiétudes quant au possible déclin des médias en langues minoritaires ont entraîné une surveillance continue de la part des acteurs étatiques et non étatiques. Par ailleurs, le cadre d’action publique de la Serbie, énoncé dans la Stratégie pour le développement du système d’information publique en République de Serbie (2020-2025), tient compte de l’impact des évolutions technologiques rapides sur les médias en langue minoritaire et souligne la nécessité d’en tirer parti pour améliorer la production des médias en langue minoritaire. Plusieurs études ont été publiées depuis, notamment « Médias dans les langues des minorités nationales - Recherche et analyse  » (2020), avec l’appui de la mission de l’OSCE en Serbie[78]. Cette étude a recensé 163 médias en Serbie qui émettent, en totalité ou en partie, dans les langues minoritaires, notamment ceux qui sont exploités par les conseils nationaux des minorités nationales, par des entités privées et par des organisations de la société civile. Selon cette étude, 43 médias privatisés émettent des programmes dans des langues minoritaires. Près d’un tiers d’entre eux (14) ont été fermés, tandis que certains médias ont annulé des programmes en langues minoritaires même s’ils ont toujours l’obligation légale de les diffuser[79].

107.   Lors de leurs échanges avec le Comité consultatif, les autorités ont signalé que, conformément à la loi sur l’information publique et les médias[80], le ministère de l’Information et des Télécommunications lance chaque année un appel à propositions ouvert pour le cofinancement de projets destinés à la production de contenus médiatiques dans les langues minoritaires. Ces appels accordent la priorité aux projets multilingues et multiculturels qui promeuvent le dialogue et la compréhension au sein de communautés multiethniques. Dans le cadre de l’appel à propositions ouvert lancé en 2021, 72 projets ont obtenu un financement de 41 millions de dinars serbes[81], les sommes allouées en 2022 (78 projets) et 2023 (81 projets) étant similaires. En 2024, l’enveloppe financière a été portée à 49,2 millions de dinars serbes[82]. Conformément à la loi, les dossiers de projets sont évalués par un comité de sélection composé de trois à cinq membres. En ce qui concerne les projets visant à améliorer l’information publique des minorités nationales, le conseil des minorités nationales concerné doit donner son avis au comité de sélection conformément au règlement sur le cofinancement des projets d’intérêt public dans le domaine de l’information publique. S’il est émis dans les délais impartis, cet avis est soumis aux membres du comité de sélection, qui sont tenus de le prendre en compte dans leur évaluation. Les autorités ont également signalé les possibilités de soutien financier prévues par les autorités locales pour la production de contenus médiatiques dans les langues minoritaires[83].

108.   Un nombre important de médias émettent dans les langues minoritaires dans la province autonome de Voïvodine, où la Radio Télévision de Voïvodine (RTV) diffuse des émissions dans les langues minoritaires suivantes : allemand, tchèque, hongrois, slovaque, roumain, ruthène[84], bunjevac, ukrainien, romani, croate et macédonien. Les programmes sont diffusés sur deux chaînes de télévision et trois stations de radio. La première chaîne émet principalement en serbe, y compris Palette, un programme en langue minoritaire sous-titré en serbe, tandis que la deuxième chaîne diffuse exclusivement en langues minoritaires. La Radio Télévision de Serbie (RTS) diffuse également des programmes dans les langues minoritaires.

109.   Les représentants et représentantes de diverses minorités nationales ont exprimé leur satisfaction à l’égard des services de la RTV et de la RTS. Ils ont toutefois fait part de leurs inquiétudes concernant les récentes réformes de privatisation, qui ont réduit le nombre de médias émettant dans les langues minoritaires. Ils ont également noté un recul de la presse écrite en langue minoritaire, en raison surtout de financements insuffisants. Par ailleurs, en 2023, le Comité d’expert·es de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires et le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe ont déclaré que malgré une image globalement positive, la durée de certains programmes de radio et de télévision diffusés dans les langues minoritaires est trop courte pour avoir un impact sur la promotion des langues concernées et encourager leur utilisation. Il reste nécessaire d’augmenter la durée de ces émissions et de les diffuser plus régulièrement[85]. Le financement des médias en langue albanaise, notamment de la télévision, suscite des inquiétudes particulières. À Bujanovac, la radio a été privatisée, tout comme la station de Medveđa. À la suite du licenciement des journalistes de la minorité albanaise, il n’existe plus de programmes en langue albanaise.

110.   Des représentants et représentantes de la minorité bulgare ont insisté sur la nécessité d’améliorer les médias en langue bulgare, tandis que ceux de la minorité juive ont signalé l’absence de programmes répondant à leurs besoins et à leurs intérêts. Des représentants et représentantes de la minorité roumaine ont demandé des médias en langue roumaine à Vršac, où il n’en existe aucun actuellement. Ceux de la minorité bosniaque ont exprimé leur mécontentement quant au nombre limité de programmes en langue bosniaque, estimant qu’une seule émission hebdomadaire d’une heure n’est pas suffisante. Ils ont également fait part de leurs préoccupations concernant le manque d’actualités en langue minoritaire et la possibilité de ségrégation et de catégorisation. Les interlocuteurs et interlocutrices appartenant à la minorité nationale gorani ont insisté auprès du Comité consultatif sur le rôle important que jouent les médias pour sensibiliser la société serbe à leur minorité. Les personnes appartenant à la minorité rom ont souligné que la couverture médiatique accorde souvent trop de place aux aspects traditionnels de leur identité, sans aborder les difficultés auxquelles elles sont confrontées. Elle donne une image unidimensionnelle des Roms, les enfermant dans leur rôle de danseurs ou chanteurs, en éclipsant les défis qu’ils doivent relever quotidiennement et en accordant une attention insuffisante aux importantes difficultés qu’ils affrontent. De manière générale, des inquiétudes ont été soulevées à propos de la qualité des médias en langue minoritaire, de la prise en compte insuffisante des intérêts des minorités dans les médias majoritaires et de l’absence de contenu traitant des cultures et traditions des minorités nationales. La programmation pour les jeunes et les adultes devraient être étoffée, les émissions en langue minoritaire devraient être plus fréquentes, plus longues et associer des journalistes appartenant aux minorités nationales.

111.   Le Comité consultatif souligne l’importance du rôle joué par les médias pour contribuer à la cohésion sociale et aux bonnes relations interethniques. En outre, « [l]e fait qu’il existe des journaux, des stations de radio, des chaînes de télévision ou des médias électroniques utilisant des langues minoritaires a une valeur très emblématique pour les minorités nationales, en particulier pour celles qui sont numériquement moins nombreuses. Les médias en langues minoritaires non seulement permettent aux personnes appartenant à des minorités nationales d’accéder à l’information, mais aussi renforcent la visibilité et le prestige de ces langues, qui apparaissent comme des outils actifs de communication »[86]. Le Comité consultatif souligne en outre qu’une scène médiatique active et diversifiée, y compris dans les langues minoritaires, peut avoir une influence considérable sur le sentiment d’appartenance et la participation des personnes appartenant aux minorités nationales. Pour refléter la diversité culturelle et linguistique d’une société, la radiotélévision de service public doit garantir une présence suffisante des personnes appartenant aux minorités nationales et de leurs langues.

112.   Souscrivant aux commentaires positifs de ses interlocuteurs et interlocutrices, le Comité consultatif reconnaît le travail accompli par la RTV et de la RTS pour offrir un large choix de programmes en langues minoritaires. Il est toutefois préoccupé par le recul des médias en langues minoritaires en raison de la privatisation. Le Comité consultatif attend donc que l’appel à propositions du ministère de l’Information et des Télécommunications pour le financement des contenus médiatiques renforce la programmation dans les langues des minorités nationales, en particulier en albanais et en bosniaque. Il insiste sur la nécessité de consulter les représentants et représentantes de ces minorités, et de maintenir un dialogue permanent avec les minorités numériquement moins nombreuses, notamment les minorités rom et gorani afin de répondre à leurs besoins et intérêts particuliers. Il rappelle également que « [p]our refléter la diversité culturelle et linguistique d’une société, la radiotélévision de service public doit garantir une présence suffisante des personnes appartenant aux minorités nationales et de leurs langues […]. Cela suppose d’accorder des aides aux médias et aux programmes destinés aux minorités nationales, produits par des minorités nationales ou traitant des minorités nationales dans les langues minoritaires et dans la langue majoritaire, ainsi qu’en format bilingue ou multilingue »[87]. Le Comité consultatif estime que les besoins des personnes appartenant à des minorités numériquement moins nombreuses devraient aussi faire l’objet d’une attention particulière. Lorsque les médias jouent un rôle central dans un processus de revitalisation linguistique, un soutien public résolu est indispensable, y compris le financement des organisations ou des médias qui représentent ces minorités afin de porter leurs identités, leurs langues, leurs histoires et leurs cultures minoritaires à l’attention de la majorité et de favoriser ainsi l’intégration de la société tout entière (voir l’article 6)[88].

113.   Par ailleurs, le Comité consultatif est préoccupé par le fait que selon ses interlocuteurs et interlocutrices, les questions intéressant les minorités nationales et les personnes qui leur appartiennent ne sont pas suffisamment intégrées dans les principaux médias. Il rappelle aux autorités qu’ « il importe, afin de développer un environnement médiatique ouvert et pluraliste, que les questions qui préoccupent et intéressent généralement les communautés minoritaires se voient accorder de l’importance dans les débats médiatiques publics et que les personnes appartenant à ces minorités soient présentées comme des membres à part entière de la société »[89]. Les intérêts et les préoccupations des minorités devraient aussi être évoqués dans les émissions régulières des médias généralistes au lieu d’être traités à part dans des émissions sporadiques.

114.   Enfin, le Comité consultatif note que les personnes appartenant aux minorités nationales devraient participer à la conception des émissions en langue minoritaire afin que ces programmes reflètent fidèlement leurs intérêts et leurs préoccupations. Dans ce contexte, le Comité consultatif estime qu’il faut veiller à produire des contenus médiatiques de qualité, y compris dans les langues minoritaires, qui soient à même d’attirer une large audience, qui soient diffusés à des horaires convenables[90] et largement accessibles à la demande. Il est indispensable que les journalistes et les professionnels et professionnelles des médias soient formés de manière à mieux connaître les besoins et les préoccupations spécifiques et actuels de toutes les personnes qui font partie de différentes communautés en Serbie. Cela devrait se faire notamment en associant activement les personnes appartenant aux minorités nationales à l’élaboration et à la présentation des émissions généralistes et (en langues) minoritaires. En conséquence, les émissions traiteront de contenus de nature variée, comme l’actualité locale et nationale, le divertissement ou la culture et s’adresseront à différentes générations, notamment les enfants et les jeunes.

115.   Le Comité consultatif appelle les autorités à renforcer leur soutien, notamment par un financement dédié, à la production de médias imprimés, audiovisuels et électroniques dans les langues minoritaires. Les autorités devraient également soutenir activement la présence des personnes appartenant aux minorités nationales, y compris à des minorités numériquement moins nombreuses, et de leurs langues et cultures dans les principaux médias publics. Cela devrait s'accompagner de l'amélioration, en qualité et en quantité, de l’offre de programmes télévisés adaptés à leurs besoins et à leurs intérêts, ainsi que par l'augmentation du nombre de contenus produits par et pour les minorités. Les autorités devraient également offrir des possibilités de formation adéquates aux professionnels des médias et aux journalistes afin de mieux les sensibiliser et renforcer leur compréhension des besoins et intérêts spécifiques et actuels des personnes s’identifiant aux différentes minorités nationales, notamment en les impliquant activement dans la préparation et la présentation des programmes médiatiques.

Usage des langues minoritaires dans les relations avec l’administration et les autorités judiciaires (article 10)

116.   La loi sur l’utilisation officielle des langues et des alphabets[91], telle que modifiée en 2018, prévoit que dans les quartiers où les personnes appartenant à une minorité nationale représentent au moins 15 % de la population, sur la base du dernier recensement, les collectivités territoriales doivent adopter l’usage officiel de la langue et de l’alphabet de cette minorité nationale. La loi sur la protection des droits et des libertés des minorités nationales précise encore que l’utilisation officielle de la langue minoritaire en question doit s’appliquer sur l’ensemble du territoire de la collectivité territoriale. Elle dispose en outre que l’usage officiel des langues minoritaires inclut notamment leur usage dans les procédures administratives et judiciaires, les relations entre les autorités publiques et les citoyen·nes, la publication de documents publics, le maintien des contacts officiels, sur les bulletins de vote et le matériel électoral et dans les procédures engagées devant des organismes représentatifs. Le Comité consultatif a été également informé que, dans la pratique, certaines communes ont décidé de leur propre initiative d’adopter l’usage officiel des langues minoritaires, y compris lorsqu’elles ne représentent qu’une très faible proportion de la population. Il lui a en outre été indiqué que plusieurs communes utilisant officiellement les langues minoritaires ont traduit certains documents ainsi que certaines parties de leur site Internet dans ces langues. Cela a par exemple été le cas de la province autonome de Voïvodine qui emploie le croate, le hongrois, le roumain et le slovaque. Les demandes orales ou écrites adressées aux autorités municipales peuvent y être formulées en albanais et en hongrois, la proportion de locuteurs de ces deux langues étant élevée. Les autorités ont également signalé que plusieurs lois[92]imposent la connaissance de la langue et de l’alphabet d’une minorité nationale comme condition préalable au recrutement de certain·es agent·es de la fonction publique. Cette mesure vise à garantir un meilleur accès aux services, à faciliter l’usage de la langue minoritaire dans les communications officielles et à favoriser la préservation des langues minoritaires.

117.   Plusieurs problèmes liés à l’usage des langues minoritaires dans les relations avec les autorités administratives ont été signalés au Comité consultatif. Celui-ci a été informé que les dispositions de la loi sur l’utilisation officielle des langues et des alphabets ne sont souvent pas appliquées de manière systématique. Cette incohérence résulte de l’absence d’approche unique à l’échelle du pays et de procédures claires applicables à la mise en œuvre de la loi. Les personnes appartenant aux minorités albanaises et hongroises ont fait part de difficultés à utiliser leurs langues respectives auprès des services cadastraux. D’autres problèmes concernant l’usage des langues minoritaires dans les relations avec l’administration fiscale ont également été signalés. Des interlocuteurs et interlocutrices de la minorité albanaise ont indiqué que le fait de ne pas maîtriser la langue officielle aggrave ces difficultés. Ils ont en outre noté le manque de données sur les personnes appartenant à la minorité albanaise au sein des administrations nationales ou locales, ainsi que l’absence de mise en œuvre pratique des mesures positives prises par l’État pour recruter ces personnes dans les institutions nationales ou locales. Par ailleurs, ils ont souligné l’absence de mise en œuvre pratique du plan pour l’intégration de la minorité albanaise dans le secteur public et les administrations de l’État (voir article 15). Les représentants et représentantes de la minorité bosniaque ont exprimé leurs préoccupations relatives à l’usage limité de la langue bosniaque dans les relations avec les autorités administratives dans les régions où les Bosniaques représentent plus de 15 % de la population locale.

118.   Le Comité consultatif rappelle que « la possibilité d’utiliser les langues minoritaires dans les relations avec l’administration dans toutes les régions où les critères énoncés à l’article 10, paragraphe 2, de la Convention-cadre sont réunis ne peut pas être laissée à la seule appréciation des autorités locales concernées. Il importe par conséquent d’établir des procédures claires et transparentes concernant les circonstances dans lesquelles il convient d’instituer l’usage des langues minoritaires, y compris par écrit, et selon quelles modalités, afin que ce droit puisse être exercé en toute égalité ». [93] Il préconise de mettre autant que possible à profit les dispositions légales permettant l’utilisation des langues minoritaires dans les contacts avec les autorités judiciaires au niveau local et dans l’éducation. Les autorités devraient soutenir et encourager activement ces mesures en créant un environnement propice à l’utilisation des langues minoritaires, et notamment en mettant à disposition les ressources financières et humaines nécessaires »[94].

119.   Le Comité consultatif se dit satisfait dans l’ensemble de la mise en œuvre de l’article 10, paragraphe 2 de la Convention-cadre, notant en particulier l’usage de nombreuses langues minoritaires par les autorités administratives de la province de Voïvodine. Il exprime néanmoins des inquiétudes concernant les plaintes reçues selon lesquelles certaines collectivités territoriales, où les obligations d’usage des langues minoritaires ne sont pas respectées, ne prévoient pas cet usage en raison de l’absence de procédures d’application de la loi clairement définies. Toutefois, il note également avec satisfaction que certaines communes, alors même qu’elles n’atteignent pas les seuils légaux, ont adopté de leur propre initiative l’usage des langues minoritaires dans les procédures administratives avec des personnes appartenant à des minorités nationales. Le Comité consultatif considère que, conformément à la loi sur l’utilisation officielle des langues et des alphabets et à la loi sur la protection des droits et des libertés des minorités nationales, il est primordial d’établir des procédures claires concernant l’utilisation des langues minoritaires nationales afin de faciliter leur usage auprès des autorités administratives. Sur un plan positif, attendu que certaines communes ont adopté de leur propre initiative l’usage officiel des langues minoritaires, y compris lorsque la population de la minorité nationale concernée est inférieure au seuil légal de 15 %, le Comité consultatif est d’avis que cette bonne pratique devrait être étendue à d’autres communes où la proportion de minorités nationales est faible.

120.   Le Comité consultatif regrette en outre les plaintes reçues de la part de diverses minorités nationales concernant les difficultés d’usage des langues minoritaires dans les services cadastraux et les administrations fiscales. Il note aussi avec préoccupation l’absence de données, notamment dans le sud de la Serbie, sur le nombre de fonctionnaires appartenant aux minorités nationales qui maîtrisent les langues minoritaires. Le Comité consultatif souligne que l’utilisation des langues minoritaires dans la sphère publique, y compris dans les relations avec les autorités administratives et locales, devrait être perçue par les autorités comme le signe d’un espace partagé et du respect de la diversité dans la société serbe. Il est d’avis que la numérisation peut contribuer à remédier à la situation en ce qui concerne l’utilisation des langues minoritaires dans les relations avec les autorités administratives. Par exemple, la traduction de documents et de formulaires dans les langues minoritaires et leur publication en ligne dans toutes les communes où les conditions visées à l’article 10, paragraphe 2, sont satisfaites contribueraient à l’accès aux droits des minorités liés à l’utilisation des langues minoritaires dans les relations avec les autorités administratives.

121.   Le Comité consultatif note que la connaissance des langues minoritaires devrait être considérée comme un atout dans des procédures de recrutement dans le secteur public. En effet, le recrutement ciblé de personnes dotées des compétences linguistiques adéquates peut contribuer au prestige et à la présence des langues des minorités nationales parallèlement à l’utilisation du serbe comme outil de communication directe. En ce qui concerne le recrutement ciblé de locuteurs et locutrices de langues minoritaires, le Comité consultatif rappelle que l’article 4, paragraphe 2, de la Convention-cadre dispose que la promotion de l’égalité pleine et réelle entre les personnes appartenant à une minorité nationale et celles appartenant à la majorité peut exiger des États qu’ils adoptent des mesures spéciales et « tiennent compte des conditions spécifiques des personnes appartenant à des minorités nationales ». Le Comité consultatif reconnaît l’existence d’une législation prévoyant des mesures positives pour le recrutement de locuteurs et de locutrices de langues minoritaires dans les services publics. Il souligne également qu’il est nécessaire que les autorités mettent en œuvre systématiquement et de manière effective, des mesures positives. 

122.   Enfin, il a également reçu des plaintes de la part d’interlocuteurs et d’interlocutrices de la minorité albanaise, selon lesquels toutes les procédures judiciaires engagées dans des communes à forte population albanaise se déroulent, dans la majorité absolue des cas, exclusivement en serbe, et ce malgré les dispositions légales autorisant l’usage de la langue albanaise. Le Comité consultatif a systématiquement encouragé les autorités à prendre toutes les mesures nécessaires pour que les droits des minorités nationales soient pleinement respectés dans le contexte judiciaire, y compris au stade de l’instruction et de la procédure préalable au procès[95]. Il préconise donc de mettre autant que possible à profit les dispositions légales permettant, en pratique, l’utilisation des langues minoritaires dans les contacts avec les administrations et les autorités judiciaires.

123.   Le Comité consultatif appelle les autorités à promouvoir activement l’utilisation orale et écrite des langues minoritaires dans les relations avec l’administration, notamment en envisageant l’instauration d’une procédure claire pour garantir l’utilisation des langues minoritaires. Cela implique qu’elles autorisent explicitement le recrutement ciblé de locuteurs et locutrices de langues minoritaires et aident financièrement les autorités locales et régionales à couvrir les coûts liés à l’offre de services dans les langues minoritaires. Les autorités devraient également promouvoir l’utilisation des langues minoritaires par et avec l’administration grâce à la numérisation, ainsi que régulièrement contrôler les progrès réalisés. Elles sont encouragées à aider les communes afin qu’elles adoptent la bonne pratique actuelle consistant à introduire l’usage officiel des langues minoritaires, y compris lorsque la population de la minorité nationale concernée représente une proportion inférieure au seuil légal de 15 %. 

Utilisation et reconnaissance officielle des nom et prénom(s) dans les langues minoritaires (article 11)

124.   Les autorités ont informé le Comité consultatif que la législation serbe autorise l’utilisation des nom et prénom(s) d’une minorité dans les documents d’identité officiels. Les cartes d’identité sont délivrées en serbe (alphabet cyrillique), en anglais et dans la langue minoritaire utilisée officiellement dans la commune du demandeur. La personne doit pour cela remplir un formulaire et la procédure respecte les nom et prénom(s) inscrits sur le certificat de naissance du demandeur. Les modifications apportées aux règlements administratifs dans le domaine des registres d’état civil en 2023 prévoient que les inscriptions dans les langues minoritaires sont effectuées avec l’aide de la personne dont les nom et prénom(s) sont enregistrés. Le Comité consultatif a été informé que l’enregistrement des noms et prénoms des personnes appartenant à des minorités nationales dans leur langue minoritaire est généralement possible et ne présente pas de difficultés majeures dans la pratique. Des représentants et représentantes de la minorité hongroise ont toutefois signalé des problèmes récents concernant la transcription des noms et prénoms sur les passeports en raison de l’utilisation des signes diacritiques hongrois. Ils ont entamé une procédure auprès du Défenseur du peuple qui a confirmé leur droit à la transcription de leurs nom et prénoms dans la langue minoritaire. Les représentants et représentantes de la minorité albanaise ont formulé les mêmes plaintes.

125.   Le Comité consultatif accueille favorablement la possibilité offerte par la législation de délivrer des documents d’identité en serbe ainsi que dans les langues et alphabets minoritaires. Il rappelle que « [l]e droit d’utiliser son nom personnel dans une langue minoritaire et de le faire reconnaître officiellement est un droit linguistique fondamental, étroitement lié à l’identité et à la dignité de l’individu ». Aussi, les autorités peuvent « exiger que les documents d’identité contiennent une transcription phonétique du nom de la personne dans l’alphabet officiel, s’il contient des caractères étrangers. Cependant, la transcription devrait être aussi exacte que possible et ne devrait pas être déconnectée des éléments essentiels de la langue minoritaire, tels que son alphabet et sa grammaire[96] ». En conséquence, le Comité consultatif est d’avis que les préoccupations des personnes appartenant aux minorités hongroise et albanaise doivent être prises en compte conformément aux dispositions de l’article 11 de la Convention-cadre. Il est nécessaire d’adopter des solutions pratiques concernant l’usage des noms et prénoms hongrois et albanais dans les documents d’identité officiels afin de garantir le plein exercice de ce droit.

126.   Le Comité consultatif encourage les autorités, en étroite concertation avec les représentants et représentantes des minorités albanaises et hongroises, à veiller à ce que le droit d’utiliser des noms et prénoms dans la langue minoritaire soit effectivement garanti.

Affichage d’inscriptions et d’indications topographiques dans les langues minoritaires (article 11)

127.   L’affichage des indications topographiques dans les langues minoritaires est fondé juridiquement sur la loi sur l’utilisation officielle des langues et des alphabets. Elle dispose que dans les quartiers d’une commune où les personnes appartenant à une minorité nationale représentent au moins 15 % de la population, sur la base du dernier recensement, les noms des autorités publiques et les indications topographiques doivent être affichés dans la langue de la minorité concernée, y compris si elle n’est pas d’usage officiel dans l’ensemble de la commune. Conformément à la loi sur la protection des droits et des libertés des minorités nationales, les collectivités territoriales sont tenues, en raison de leur statut, d’instaurer la langue et l’alphabet d’une minorité nationale dans l’usage officiel, dans des conditions d’égalité, lorsque la population minoritaire atteint 15 % de la population totale de quartier concerné. Toutefois, comme indiqué à propos de l’article 10, paragraphe 2, de la Convention-cadre, le Comité consultatif a été informé que ces dispositions ne sont pas systématiquement mises en œuvre, la raison principale étant que la reconnaissance des langues minoritaires est laissée à l’appréciation des collectivités territoriales et qu’il n’existe pas de procédures claires applicables à leur mise en œuvre.

128.   Des interlocuteurs et interlocutrices de la minorité albanaise ont notifié au Comité consultatif des écarts entre les autorités territoriales et centrales dans l’application des dispositions de la loi sur l’utilisation officielle des langues et des alphabets. Ils ont noté que les dispositions de la loi sont mieux respectées lorsque la responsabilité incombe aux autorités territoriales. Les représentants et représentantes de la minorité bosniaque ont signalé au Comité consultatif que dans la région de Novi Pazar, où réside une importante population bosniaque, la langue bosniaque n’est pas suffisamment présente sur les cartes routières, les panneaux de signalisation et aux abords des monuments culturels bosniaques. Les représentants et représentantes de la minorité polonaise ont noté qu’en raison de leur faible nombre, l’utilisation de leur langue dans les indications topographiques n’est pas autorisée. Celles et ceux de la minorité albanaise ont informé le Comité consultatif que, même si les dispositions de la législation en vigueur sont respectées au niveau local, elles ne le sont pas lorsque cette obligation incombe aux autorités centrales dans les régions habitées par des personnes appartenant à la minorité albanaise. En outre, des problèmes liés à l’usage des langues minoritaires dans les relations avec les autorités administratives ont été signalés au Comité consultatif.

129.   Le Comité consultatif rappelle que les indications topographiques dans les langues minoritaires contribuent à préserver le patrimoine linguistique et culturel local, ainsi qu’à mieux faire connaître à l’ensemble de la population les minorités nationales, tout en envoyant le message d’un partage harmonieux du territoire entre différents groupes de population[97]. Par conséquent, le Comité consultatif considère que l’affichage de panneaux et d’indications topographiques dans les langues minoritaires constituerait une affirmation de la présence de longue date des minorités nationales en Serbie en tant que partie intégrante de la société. Cette mesure contribuerait également au maintien du patrimoine linguistique et culturel local et sensibiliserait à la présence de minorités nationales au niveau local.

130.   Le Comité consultatif tient à rappeler que l’affichage d’indications topographiques dans les langues minoritaires, en plus de la langue officielle, dans les régions traditionnellement habitées par un nombre important de personnes appartenant à des minorités nationales contribuerait à accroître la visibilité des langues des minorités nationales. À cet égard, il estime que les panneaux culturels et touristiques multilingues sont un moyen appréciable d’utiliser des noms topographiques dans les langues minoritaires car ils emploient ces langues et toponymes dans un domaine (la préservation du patrimoine) qu’apprécient toutes les parties de la société.

131.   Le Comité consultatif encourage les autorités à garantir la mise en œuvre effective du droit d’afficher des indications topographiques dans les langues minoritaires en établissant une procédure claire et pratique pour le mettre en œuvre. Les autorités devraient également aider financièrement les communes concernées à ajouter des indications topographiques dans les langues minoritaires, notamment pour les noms de rues, les dénominations locales traditionnelles sur les cartes et les panneaux de signalisation culturelle et touristique. Par ailleurs, les autorités devraient veiller à ce que la loi sur l’utilisation officielle des langues et alphabets soit interprétée de manière uniforme dans la pratique par les autorités centrales et territoriales.

Éducation interculturelle et connaissance des minorités nationales (article 12)

132.   Le rapport étatique indique que les programmes d’enseignement et d’apprentissage dans toutes les matières, en particulier en sciences sociales et en sciences humaines, ainsi que les programmes optionnels telle que l’éducation civique, contiennent des éléments sur la culture de la démocratie, le multiculturalisme et l’interculturalisme, tant dans leur contenu qu’au niveau des acquis d’apprentissage. De nouveaux programmes optionnels ont été mis en place dans les établissements d’enseignement primaire. Certains d’entre eux promeuvent l’intégration d’une perspective multiculturelle dans l’éducation. Les autorités ont informé le Comité consultatif que la stratégie pour le développement de l’éducation à l’horizon 2030, ainsi que le plan d’action pour sa mise en œuvre l’accompagnant, intègrent le concept d’interculturalisme dans toutes les matières, activités et enseignements optionnels. L’interculturalisme est également intégré de manière explicite ou implicite dans les programmes d’enseignement et d’apprentissage établis par l’Institut pour l’amélioration de l’éducation en coopération avec les conseils des minorités nationales. Les autorités ont déclaré en outre que tous les programmes d’enseignement et d’apprentissage, y compris les programmes scolaires, promeuvent sans équivoque l’égalité pour tous. Pour davantage promouvoir le multiculturalisme dans l’éducation, divers projets et conférences ont été mis en œuvre en Serbie[98], parallèlement à plusieurs initiatives destinées à favoriser l’interculturalisme[99].

133.   Il a été également porté à la connaissance du Comité consultatif que l’histoire et les cultures des minorités nationales sont enseignées aux élèves dans le cadre de l’enseignement en langue minoritaire, notamment de la matière « langue maternelle avec des éléments de culture nationale ». Les thèmes des relations démocratiques au sein de la société et des droits et obligations de citoyen·nes sont traités dans le cadre de la matière « nature et société » enseignée aux élèves du troisième au quatrième niveau du primaire. Les programmes d’enseignement et d’apprentissage de matières telles que la musique, l’art et l’histoire comportent des thèmes qui traitent du patrimoine historique et culturel commun, mais aussi spécifique, ainsi que des périodes de coexistence entre les différents peuples et communautés ethniques dans des contextes régionaux et européens. Dans les cours d’histoire de l’enseignement secondaire, les élèves analysent les préjugés, les stéréotypes, la propagande et d’autres types de partis pris dans l’interprétation des événements historiques. Pour ce qui est des relations au sein de la société et des droits et obligations des citoyen·nes, l’éducation civique couvre un large éventail de sujets, notamment la diversité, les droits humains, l’égalité de genre, les groupes sociaux vulnérables, les stéréotypes et les préjugés, la discrimination et les identités. Selon les autorités, les enseignant·es abordent les contenus relatifs au patrimoine culturel et historique des minorités nationales dans le cadre des programmes d’enseignement annuel établis.

134.   Les conseils des minorités nationales détiennent des droits spécifiques dans le domaine de l’élaboration des programmes d’enseignement pertinents. On note toutefois un manque d’informations détaillées sur la manière dont l’enseignement de l’histoire et de la culture des différentes minorités nationales est organisé. Les représentants et représentantes des minorités nationales ont informé le Comité consultatif que les programmes et les matériels pédagogiques ne prennent pas suffisamment en considération la présence des minorités nationales, des personnes qui en font partie et de leur contribution à la Serbie. En outre, une approche à perspectives multiples n’est pas suffisamment présente dans ces matériels ni intégrée couramment dans les programmes de formation des enseignant·es. Le Comité consultatif a eu connaissance que la formation des enseignant·es n’aborde pas suffisamment les origines et appartenances multilingues et multiculturelles des élèves et des étudiant·es appartenant aux minorités nationales, et qu’elle ne donne pas non plus d’informations adéquates sur les droits des minorités.

135.   Le Comité consultatif note les préoccupations partagées par les représentants et représentantes des minorités nationales concernant la prise en compte insuffisante de leurs cultures, traditions et histoires dans les matériels pédagogiques et les programmes scolaires. L’enseignement général ne rend par ailleurs pas suffisamment compte de l’importance des droits des minorités en tant qu’élément fondamental de la protection des droits humains. Le Comité consultatif a également été informé que les manuels scolaires véhiculent une image stéréotypée et négative des minorités et des personnes qui leur appartiennent. Les minorités bosniaque et albanaise ont notamment signalé que le contenu et l’image des minorités et des personnes leur appartenant qui sont véhiculés par les manuels scolaires en langue serbe sont problématiques. En outre, les interlocuteurs et interlocutrices du Comité consultatif ont signalé que les autorités n’ont pas intégré une approche à perspectives multiples dans l’enseignement de l’histoire, ce qui compromet fortement les efforts en faveur de l’amélioration des relations interethniques entre les élèves appartenant à des minorités nationales et les autres élèves.

136.   Le Comité consultatif rappelle que des informations adéquates sur la composition de la société, notamment sur les minorités nationales et les personnes leur appartenant doivent figurer dans les programmes scolaires et être systématiquement reflétées dans le matériel pédagogique utilisé dans l’ensemble du territoire des États parties. Cela permet non seulement de promouvoir la compréhension interculturelle et le respect entre tous les élèves, mais aussi de valoriser les personnes appartenant à des groupes numériquement moins nombreux ou défavorisés sur le plan économique et social, et leur faire prendre conscience de leur identité[100]. De plus, il souligne que les programmes d’enseignement et les matériels pédagogiques sont d’importants outils car ils permettent aux individus d’acquérir les connaissances et les compétences nécessaires pour participer activement aux sociétés démocratiques. Pour atteindre ces objectifs, ces matériels doivent chercher à valoriser la diversité, promouvoir le respect de la différence et viser à développer les compétences de réflexion analytique et critique. Ainsi, les programmes d’enseignement et les matériels pédagogiques sont essentiels pour sensibiliser à l’existence de minorités nationales et aux personnes leur appartenant. Le fait de ne pas évoquer ces minorités nationales dans les programmes et matériels pédagogiques contribue à les rendre invisibles dans la vie publique, en particulier lorsqu’il s’agit de communautés numériquement moins nombreuses et que les problématiques auxquelles elles sont confrontées sont peu abordées dans les débats de société. Un programme scolaire intégré et inclusif devrait mettre en avant les contributions des personnes appartenant à des minorités nationales, notamment des femmes, que ce soit dans l’art, la musique, la littérature et la science. Le Comité consultatif estime que les programmes d’enseignement et les matériels pédagogiques devraient également refléter la diversité existante au sein des communautés minoritaires et être conçus avec la participation active des représentants et représentantes de ces communautés, de manière inclusive. Cette approche contribue à éviter la persistance de stéréotypes négatifs, notamment ceux qui sont liés au genre, aux mythes ou aux mensonges concernant les minorités nationales, tout en luttant contre la folklorisation et les préjugés, les idées superficielles ou les clichés à l’égard des minorités et des personnes qui en font partie. Les contenus éducatifs devraient traiter des droits humains et du respect de la diversité en tant que valeurs fondamentales, qui peut, à son tour, également favoriser l’égalité d’accès à l’éducation[101].

137.   Le Comité consultatif considère également que le respect de la diversité et la compréhension interculturelle doivent non seulement être enseignés en classe mais également être mis en pratique dans le cadre d’enseignements communs chaque fois que cela est possible. Il convient en même temps de veiller à l’acceptation respectueuse et à l’affirmation de la diversité présente au sein de l’école et des autres établissements éducatifs. Les cultures, histoires, langues, religions et identités des minorités devraient être abordées dans diverses matières telles que la littérature, l’art, les sciences ou la géographie, et à tous les niveaux de l’éducation. Il s’agirait ainsi de transmettre aux élèves des connaissances sur l’histoire des relations entre les cultures, les individus et les communautés, et sur la contribution de chacune au développement, à la croissance et à la créativité des autres[102].

138.   Le Comité consultatif regrette que le contenu des programmes scolaires sur les minorités nationales de la Serbie et les personnes qui en font partie reste sporadique et insuffisant. Ne serait-ce que face à la nécessité d’enseigner le respect de la diversité qui est de mieux en mieux reconnue, le Comité consultatif est d’avis que tous les élèves et étudiant.es en Serbie, à différents niveaux d’enseignement et où qu’ils vivent, devraient acquérir un minimum de connaissances sur l’ensemble des minorités nationales du pays. Le Comité consultatif rappelle par ailleurs aux autorités la Recommandation CM/Rec(2020)2 du Comité des Ministres aux États membres sur l’intégration de l’histoire des Roms et/ou des Gens du voyage dans les programmes scolaires et les matériels pédagogiques et souligne l’importance de sa mise en œuvre[103]. Comme lors du précédent cycle de suivi, le Comité consultatif constate avec regret que le système éducatif de la Serbie ne privilégie pas ou ne favorise pas activement les échanges entre les élèves aux origines différentes. Il regrette également que les programmes et les matériels pédagogiques ne favorisent pas l’intégration de perspectives multiples. Le Comité consultatif attire systématiquement l’attention sur la nécessité d’intégrer différentes perspectives dans l’enseignement de l’histoire afin de permettre aux élèves d’apprécier différents points de vue et d’encourager la réflexion critique, en s’appuyant sur une historiographie indépendante et rigoureuse sur le plan méthodologique. Cependant, la pratique montre que l’enseignement de cette matière peut représenter un domaine de l’éducation de plus en plus délicat, contesté et difficile. C’est pourquoi le Comité consultatif est très attentif à la façon dont ces événements sont enseignés et dont les personnes appartenant à des minorités nationales sont présentées dans ces récits. À cet égard, et dans l’objectif d’encourager une identité civique commune, les États devraient examiner différents récits historiques antagoniques et déconstruire ceux qui reposent sur des sources ou affirmations fallacieuses. L’approche présentant des perspectives multiples devrait également être adoptée dans les matériels pédagogiques et la formation initiale et continue des enseignants et enseignantes[104].

139.   Le Comité consultatif regrette que la formation des enseignant·es n’aborde pas suffisamment les origines et appartenances multilingues et multiculturelles des élèves et étudiant·es des minorités nationales, et qu’elle ne donne pas non plus d’informations adéquates sur les droits des minorités. Il rappelle donc que la formation initiale et continue des enseignant·es, étayée par des matériels pédagogiques adéquats, devrait être assurée de manière à garantir l’efficacité des politiques éducatives dans la pratique. Les enseignant·es travaillant auprès de groupes d’élèves multiculturels et plurilingues devraient être formés à la manière de gérer cette diversité dans les classes, en encourageant les échanges entre les élèves issus de cultures et d’appartenances différentes. Les autorités compétentes devraient mettre en place à l’attention de l’ensemble du corps enseignant une formation sur les minorités nationales, y compris sur la culture rom. Les enseignant·es qui exercent à tous les niveaux pertinents de l’éducation devraient également être formés aux droits humains, notamment aux droits des minorités, et aux principes de non-discrimination et de compréhension du respect de la diversité en tant que valeur. Il est par ailleurs nécessaire de les aider à reconnaître et à dépasser leurs a priori et préjugés personnels, qui pourraient avoir des conséquences sur leur pratique professionnelle. Ce type de formation aide le personnel enseignant à comprendre et à mieux traiter les problèmes auxquels sont souvent confrontées les minorités[105].

140.   Le Comité consultatif appelle les autorités à veiller à ce que des informations sur les cultures, les traditions, l’histoire, les religions et les langues des minorités, y compris les minorités numériquement moins nombreuses, et sur leur rôle en tant que composante à part entière et appréciée de la société diversifiée serbe, figurent dans les programmes scolaires, dans le matériel pédagogique et dans la formation du personnel enseignant. Les autorités devraient également sensibiliser le public à l’importance de la protection des droits des minorités dans l’éducation en tant que partie intégrante de la protection des droits humains. Elles devraient également intégrer des perspectives multiples dans l’enseignement de l’histoire, en veillant à ce que les matériels pédagogiques et la formation du personnel enseignant adoptent une approche présentant des perspectives multiples. Cette formation devrait par ailleurs englober l’éducation aux droits humains, notamment ceux des minorités et mettre en avant les principes de la non-discrimination et l’appréciation de la diversité en tant que valeur fondamentale. 

Égalité d’accès à l’éducation des communautés rom, ashkali et égyptienne (article 12)

141.   La « Stratégie pour l’inclusion sociale des Roms 2022-2030 » de la Serbie prévoit des dispositions dans le domaine de l’éducation[106]. Des progrès ont été réalisés pour améliorer la fréquentation des élèves roms au sein des établissements scolaires et préscolaires. L’ECRI a constaté récemment que la scolarisation des élèves roms dans les programmes obligatoires d’enseignement préscolaire préparatoire a progressé, 76 % des élèves roms vivant dans des campements insalubres étant scolarisés, contre 63 % en 2017[107]. Les élèves et les étudiant·es roms scolarisés aux niveaux élémentaire et secondaire continuent à bénéficier de bourses dans le cadre de mesures positives (incitatives)[108].

142.   Malgré ces mesures, les taux d’abandon scolaire affectent de manière disproportionnée les Roms, en particulier les filles. Les données montrent que seuls 7 % des enfants roms âgés de moins de cinq ans sont inscrits en maternelle, contre 61 % de la population générale. Par ailleurs, seuls 28 % des enfants roms vivant dans des campements atteignent le deuxième cycle de l’enseignement secondaire, avec un taux d’achèvement des études de 61 %, ce qui reste nettement inférieur au pourcentage de 98 % parmi la population générale. Ce chiffre est même inférieur en ce qui concerne les filles roms, dont le taux d’achèvement des études est de 49 %. La ségrégation dans l’éducation reste préoccupante, les élèves roms étant surreprésentés dans les « écoles et classes spéciales » et les jeunes Roms sont confrontés à des difficultés importantes au moment de la transition des études au marché du travail. Malgré les modifications apportées à la législation pour interdire la ségrégation, les enfants roms sont encore victimes de discrimination, notamment lorsqu’ils sont placés dans des écoles ou des classes essentiellement fréquentées par des membres de communauté rom, communément appelées « écoles roms »[109]. Les interlocuteurs et interlocutrices du Comité consultatif ont également confirmé que la ségrégation spatiale demeure très préoccupante au sein du système éducatif et que les autorités ne collectent pas de données statistiques afin d’adopter des mesures de déségrégation appropriées. Le Comité consultatif a été informé que la ségrégation touche également les élèves et les étudiant·es ashkalis et égyptien·nes. Malgré cette situation, les autorités ne prennent aucune mesure stratégique particulière concernant les personnes appartenant à ces minorités. 

143.   D’autres difficultés systémiques, notamment le manque de coopération entre les institutions et des obstacles comme l’obligation d’occuper un emploi pour scolariser son enfant dans l’enseignement préscolaire ou l’absence de papiers d’identité compliquent encore davantage l’accès des élèves et des étudiant·es roms, ashkalis et égyptiens à l’enseignement. De nombreux éducateurs et éducatrices n’ont ni les compétences ni la motivation nécessaire pour travailler efficacement avec ces communautés, ce qui contribue à une discrimination persistante, au désintérêt et à une faible participation aux programmes d’éducation de la petite enfance. Sans une réforme complète du système, les enfants roms continueront d’être confrontés à de sérieux obstacles les empêchant d’accéder à un enseignement de qualité et à leur inclusion sociale sur un pied d’égalité[110].

144.   Sur un plan positif, la création de l’Association nationale des assistants pédagogiques en Serbie est une étape importante dans le soutien apporté aux élèves et aux étudiant·es roms. Ces assistant·es, reconnus par la loi, fournissent un soutien essentiel aux élèves ayant des besoins supplémentaires, notamment des difficultés d’apprentissage, ou qui sont confrontés à des barrières culturelles et linguistiques. Leurs responsabilités englobent l’aide aux procédures d’inscription, le transport, l’accès aux matériels pédagogiques et la prise en compte de caractéristiques susceptibles de créer certains obstacles, en favorisant un environnement éducatif plus inclusif pour les élèves et les étudiant·es roms[111].

145.   Le Comité consultatif rappelle que « [p]our assurer l’accès de toutes les personnes appartenant à des minorités nationales à une éducation de qualité, les États doivent agir avec fermeté pour, notamment, veiller à ce que tous les enfants soient dûment scolarisés et mener un suivi du parcours scolaire, y compris les taux d’absentéisme et d’abandon scolaire, le degré d’alphabétisation, l’achèvement ou non des études, les niveaux atteints, les inégalités de genre, et l’accès aux niveaux d’enseignement supérieur et, par la suite, à l’emploi. En outre, il souligne que, pour que le droit à l’égalité des chances dans l’accès à l’éducation soit effectivement mis en œuvre, la législation et les mesures politiques doivent être complétées par des mécanismes de contrôle efficaces. Cela inclut la possibilité de recours juridiques, qui suppose que le droit à l’éducation puisse être invoqué devant les tribunaux, et donc que les États soient tenus de rendre compte de leurs actions ou de leur manque d’action »[112].

146.   Le Comité consultatif salue les efforts déployés par les autorités dans le domaine de l’éducation, notamment pour lutter contre les taux d’abandon scolaire précoce des élèves et des étudiant·es roms. Toutefois, compte tenu de l’absence de données relatives à la ségrégation dans l’éducation, aux taux d’abandon scolaire en Serbie et aux indicateurs qualitatifs et quantitatifs de la « Stratégie pour l’inclusion sociale des Roms 2022-2030 », le Comité consultatif considère qu’un système complet de collecte de données est nécessaire pour que les autorités obtiennent toutes les données pertinentes ventilées par sexe, appartenance ethnique et situation socioéconomique des individus. Ces données devraient s’accompagner d’études sur les conséquences des mariages précoces et forcés, qui devraient être réalisées en coopération avec des personnes appartenant à la minorité rom et des organisations de la société civile. Par ailleurs, considérant les plaintes qu’il a reçues, le Comité consultatif estime qu’il faut envisager de collecter des données ventilées à propos des Ashkalis et des Égyptiens et avec leur collaboration.

147.   Le Comité consultatif a fermement condamné toutes les situations de ségrégation dans l’éducation et a exhorté les États parties à prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer l’égalité d’accès à une éducation intégrée de qualité pour tous les enfants[113]. Il rappelle que la « [s]égrégation dans l’éducation [...] est une forme de discrimination qui empêche l’égalité d’accès à l’éducation, en particulier à une éducation de qualité pour tous. Dans les établissements scolaires ségrégués, l’enseignement a tendance à être de mauvaise qualité, tandis que le taux d’abandon scolaire est généralement plus élevé et que les résultats scolaires sont généralement plus faibles. Cette situation a des répercussions sur l’accès à l’emploi, aux soins de santé et au logement, ainsi que sur la participation à la vie sociale, culturelle et publique d’un pays. De l’avis du Comité consultatif, la ségrégation qui touche les Roms […] sur le plan socio-économique peut avoir un effet particulièrement stigmatisant[114] ». Il souligne que les autorités ont l’obligation de mettre un terme aux situations de ségrégation, y compris en adoptant des mesures qui s’attaquent aux circonstances plus larges propices à la ségrégation dans l’enseignement, telles que des mesures dans le domaine du logement, ainsi qu’à la ségrégation spatiale (voir l’article 15)[115].

148.   Dans ce contexte, le Comité consultatif regrette que la question de la ségrégation spatiale dans l’éducation n’ait pas encore été traitée de manière appropriée par les autorités serbes et qu’elle ait de graves conséquences sur la qualité de l’enseignement que les enfants roms, ashkalis et égyptiens reçoivent. Elle contribue par ailleurs à maintenir de forts préjugés dans la population générale et empêche l’intégration sociale des Roms, notamment sur le marché de l’emploi. Le Comité consultatif se fait l’écho des conclusions de la Cour européenne des droits de l’Homme, selon lesquelles la coexistence de tous les membres d’une société hors de toute ségrégation raciale est une valeur fondamentale des sociétés démocratiques[116] et une éducation inclusive de qualité est le moyen le plus approprié de garantir les principes fondamentaux d’universalité et de non-discrimination dans l’exercice du droit à l’éducation[117]. Le Comité consultatif estime que, quelles que soient les raisons de la ségrégation, qui peuvent être très variables, les autorités ont l’obligation positive d’adopter une approche globale afin de mettre fin à ce phénomène dans l’éducation, y compris aux situations qui en sont à l’origine, telles que la ségrégation de logement ou la ségrégation spatiale, ainsi qu’au harcèlement raciste dans les écoles, et de prévoir des mesures concrètes pour l’éliminer[118]. Une façon efficace de remédier à ce problème est de favoriser un environnement éducatif qui non seulement garantit l’égalité d’accès aux droits, mais qui est également respectueux et apprécie la diversité au sein de la population scolarisée.

149.   Enfin, le Comité consultatif rappelle que « [l]le travail des médiateurs, des médiatrices et des assistants scolaires avec les élèves issus de minorités nationales contribue favorablement aux résultats de ces derniers, ainsi qu’à la réduction de l’abandon scolaire et de l’absentéisme. En effet, ces professionnel·les coopérent avec les familles, les enfants, les établissements scolaires et d’autres autorités pertinentes pour assurer une approche cohérente, ciblée et plurielle de l’éducation, renforçant ainsi la confiance des parents et la compréhension des autorités[119] ». Le Comité consultatif estime que les assistant·es scolaires doivent au moins parler la langue de la communauté avec laquelle ils travaillent. Par ailleurs, il serait utile que les autorités envisagent de recruter des médiateurs, des médiatrices et des assistant·es parmi les minorités roms, ashkalis et égyptiennes elles-mêmes. Ces derniers pourraient réduire plus efficacement l’écart entre les écoles, les autorités locales, l’administration institutionnelle et les familles de ces communautés, en réglant les différents problèmes susceptibles de contribuer à l’abandon scolaire. L’embauche de personnes appartenant à ces minorités permettrait non seulement d’améliorer la communication, mais aussi de leur offrir des perspectives de carrière intéressantes. Il importe également que les autorités veillent à ce que ces assistant·es soient rémunérés correctement, de façon pérenne et à ce qu’ils bénéficient d’une formation adéquate.

150.   Le Comité consultatif exhorte les autorités à définir et à mettre en œuvre des solutions durables à long terme, en coopération avec les représentants et représentantes des minorités, les écoles, les parents et les élèves, afin d’améliorer l’accès des enfants roms, ashkalis et égyptiens à une éducation de qualité. Cela peut notamment consister à mettre en place un système de collecte de données ventilées par genre axé sur la ségrégation éducative, les taux de fréquentation et d’abandon scolaire des élèves appartenant aux minorités et sur leurs résultats scolaires. Les autorités devraient mettre en place, en étroite collaboration avec les parents et en particulier avec des femmes représentant les minorités, des mesures de lutte contre la ségrégation scolaire, en adoptant une politique globale de déségrégation avec des objectifs clairs et des ressources suffisantes, assortie d’un calendrier précis et d’un mécanisme de suivi pour sa mise en œuvre. Elles devraient également désigner un plus grand nombre de médiateurs scolaires roms, ashkalis et égyptiens pour intervenir auprès des élèves appartenant à ces minorités, qui travailleront en collaboration avec le personnel éducatif afin d’augmenter le taux de fréquentation et les résultats de l’éducation, et de prévenir l’abandon scolaire, notamment en cherchant à promouvoir la valeur de l’éducation. Ces médiateurs scolaires devraient être formés, obtenir des contrats sûrs et recevoir une rémunération suffisante.

Enseignement des langues minoritaires et de la langue majoritaire (article 14)

151.   La Serbie continue d’appliquer trois modèles d’enseignement des/en langues minoritaires : l’enseignement dans la langue minoritaire, dans deux langues et dans « la langue maternelle avec des éléments de culture nationale ». L’enseignement dans les langues minoritaires est accessible à différents niveaux – préscolaire, primaire, secondaire et professionnel – dans les langues suivantes : albanais, bosniaque, bulgare, croate, hongrois, roumain, ruthène et slovaque. Dans ce modèle, qui fonctionne de façon efficace et donne des résultats scolaires satisfaisants, toutes les matières, à l’exception du serbe, sont enseignées dans la langue minoritaire concernée. Un enseignement bilingue est proposé au niveau préscolaire dans plusieurs langues, notamment l’albanais, le bulgare, le croate, l’allemand, le hongrois, le roumain, le ruthène et le slovaque. L’enseignement de ces langues se poursuit au niveau de l’enseignement primaire, le bulgare et l’allemand étant également proposés au niveau secondaire. La matière optionnelle « langue maternelle avec des éléments de la culture nationale » est enseignée à raison de deux heures par semaine dans les établissements primaires et, parfois, secondaires, comme à Bunjevac. Ce modèle est appliqué aux langues minoritaires qui ne sont pas utilisées en tant que langue d’instruction principale ni dans le cadre d’un enseignement bilingue, notamment le bunjevac, le tchèque, le macédonien, le romani, l’ukrainien et le valaque. Les interlocuteurs et interlocutrices du Comité consultatif ont indiqué qu’une durée de deux heures par semaine ne suffit pas aux élèves pour acquérir la maîtrise de ces langues. Certaines langues minoritaires, notamment le bunjevac, le tchèque, le macédonien, le romani, l’ukrainien et le valaque ne sont pas utilisées du tout à certains niveaux de l’éducation, notamment dans l’enseignement préscolaire et secondaire. Il convient également de souligner le manque de continuité de l’enseignement en langue minoritaire dans certaines zones géographiques[120].

152.   En outre, le Comité consultatif a été informé que des difficultés persistent dans l’application de l’enseignement en langue romani et que le cadre d’enseignement hebdomadaire de la discipline « langue maternelle » avec des éléments de culture nationale à raison de deux heures par semaine s’est révélé insuffisant pour acquérir la maîtrise de cette langue. Le cadre législatif de la Serbie prévoit des seuils relativement élevés pour la mise en place de cours en langue minoritaire. Au niveau préscolaire, l’enseignement est dispensé dans une langue minoritaire dès lors que plus de 50 % des parents en font la demande et aux niveaux primaire et secondaire, un minimum de 15 élèves/étudiant·es doivent être inscrits. Même s’il existe des exceptions, notamment pour les minorités numériquement moins nombreuses (trois élèves pour le slovaque et un pour le ruthène), ces seuils demeurent un obstacle à l’enseignement de nombreuses langues minoritaires, en particulier le romani. Une disposition autorise l’instauration de cours pour moins de 15 élèves/étudiant·es avec l’accord des autorités compétentes, mais les seuils généraux continuent de limiter un plus large accès à l’enseignement en langue minoritaire. En outre, le manque d’enseignant·es qualifiés pour assurer des cours dans les langues minoritaires a été jugé préoccupant. À ce propos, le Comité consultatif a été avisé de la pénurie d’enseignant·es albanais·es dans les municipalités de Bujanovac, Medveđa et Preševo, en raison de la non-reconnaissance des diplômes délivrés au Kosovo*.

153.   Les autorités ont informé le Comité consultatif de l’existence de deux programmes d’enseignement du serbe en tant que « langue non maternelle » : l’un pour les élèves dont la première langue diffère sensiblement du serbe et l’autre pour celles et ceux qui vivent dans des environnements diversifiés sur le plan linguistique. Plusieurs sessions de formation ont également été dispensées aux enseignant·es afin d’améliorer la qualité de l’enseignement dans cette matière[121].

154.   La maîtrise limitée de la langue officielle parmi de nombreuses personnes appartenant aux minorités nationales albanaise et hongroise, en particulier dans le cadre de l’enseignement et de l’apprentissage, demeure préoccupante. Les interlocuteurs et interlocutrices du Comité consultatif ont souligné l’importance d’élaborer des mesures stratégiques ciblées pour améliorer l’acquisition de la langue officielle. Ces mesures permettraient non seulement une plus grande égalité des chances pour la réussite aux examens de fins d’études dans l’enseignement obligatoire, mais aussi un accès réel au droit à la participation dans toutes les sphères de la société, en favorisant ainsi une plus grande inclusion (voir l’article 6).

155.   Selon le rapport étatique, pour ce qui est de la fourniture de manuels, la Serbie a déployé des efforts pour mettre à disposition les manuels qui n’existaient pas jusque-là, notamment en albanais. La réforme des programmes de 2018 s’est traduite par l’adoption de nouveaux programmes et manuels scolaires. Même si la traduction dans les langues minoritaires accuse des retards, les éditeurs peuvent publier directement des manuels scolaires dans ces langues pour des matières telles que la langue maternelle, l’histoire et la géographie. Une réforme des programmes a été adoptée dans l’enseignement primaire et secondaire dans huit langues minoritaires nationales et 16 programmes de langues facultatifs. Les conseils des minorités nationales introduisent et sélectionnent les manuels scolaires. Pour l’année 2022/23, 946 manuels scolaires en langues minoritaires ont été mis à disposition, dont 482 publiés dans le cadre des programmes de réforme[122].

156.    Le Comité consultatif tient à rappeler que l’un des objectifs de l’enseignement dans les langues minoritaires est « d’entretenir chez les élèves – ou de leur faire atteindre – une maîtrise orale et écrite de la langue qui leur permette de pratiquer la langue en public et en privé, et de la transmettre à la génération suivante[123] ». Il souligne que pour développer les compétences dans les langues minoritaires de manière à en faire une valeur ajoutée pour leurs locuteurs et locutrices, il faut qu’il y ait une continuité dans l’accès à l’enseignement et à l’apprentissage des et dans les langues minoritaires à tous les niveaux du système éducatif, de l’enseignement préscolaire à l’enseignement supérieur[124]. L’offre d’enseignement des et dans les langues minoritaires est souvent lacunaire au niveau préscolaire ainsi que dans l’enseignement secondaire. Le Comité consultatif souligne que le manque de mesures incitatives ou de possibilités aux niveaux préscolaire, secondaire ou supérieur peut diminuer considérablement l’attrait de l’apprentissage de la langue minoritaire au niveau du primaire. Il réaffirme que l’article 14 s’applique « dans les aires géographiques d’implantation substantielle ou traditionnelle des personnes appartenant à des minorités nationales, s’il existe une demande suffisante ». Il est essentiel que les autorités n’adoptent pas une approche purement passive, mais qu’elles stimulent activement la demande d’apprentissage dans une langue minoritaire en sensibilisant les parents et les jeunes à cette question. Par ailleurs, la formation adéquate des enseignants et enseignantes et leur niveau de compétences linguistiques adapté sont indispensables à l’enseignement d’une et dans une langue minoritaire.

157.   De façon générale, le Comité consultatif prend note que l’enseignement des langues minoritaires dans le cadre de la discipline « langue maternelle avec des éléments de la culture nationale » à raison de deux heures hebdomadaires est problématique. Il estime que l’offre existante en matière d’apprentissage des langues minoritaires n’est pas satisfaisante et que l’enseignement d’une langue minoritaire à raison seulement d’un petit nombre d’heures par semaine ne saurait assurer pleinement les compétences linguistiques des élèves. Le Comité consultatif considère que pour contribuer efficacement à la préservation des langues minoritaires en tant qu’élément essentiel de l’identité des personnes appartenant à des minorités nationales, il est nécessaire d’augmenter le nombre d’heures d’enseignement qui leur sont consacrées. Il réaffirme qu’en ce qui concerne les langues minoritaires qui n’ont qu’un petit nombre de locuteurs et locutrices, des mesures de revitalisation ou de préservation, comme des programmes d’immersion linguistique, peuvent s’avérer nécessaires. Comme l’a également observé le Comité d’experts de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires (COMEX), les seuils relativement élevés à atteindre pour la mise en place de cours en langue minoritaire restent un obstacle de taille à l’enseignement de bon nombre de ces langues, notamment le romani[125]. Le Comité consultatif estime en outre qu’il convient de prendre des mesures positives durables pour inciter les élèves/ étudiant·es à apprendre les langues minoritaires et, à terme, à poursuivre des études à l’université pour pouvoir les enseigner. Il rappelle également qu’il est indispensable que du matériel pédagogique de qualité dans les langues minoritaires soit mis à disposition afin de susciter l’intérêt des élèves et des parents pour l’apprentissage de ces langues[126]. Il félicite les autorités pour les efforts consacrés à la publication de manuels scolaires dans les langues minoritaires et attend d’elles qu’elles poursuivent ces efforts.

158.   Enfin, le Comité consultatif rappelle que l’article 14, paragraphe 3 de la Convention-cadre prévoit l’obligation de garantir que les personnes appartenant aux minorités nationales ont accès, sur un pied d’égalité, à l’apprentissage de la langue officielle afin de favoriser leur inclusion et leur participation réelle à la société. L’apprentissage de la ou des langue(s) officielle(s) parallèlement à celui des langues minoritaires est fondamental pour garantir que les personnes appartenant à des minorités nationales bénéficient de l’égalité d’accès à l’emploi ou à l’enseignement supérieur et participent réellement à la société. Les examens dans la ou les langue(s) officielle(s) sont généralement obligatoires pour achever l’enseignement obligatoire. Il est donc d’autant plus important que les élèves ayant une langue minoritaire pour première langue aient les outils nécessaires pour acquérir des compétences suffisantes dans la langue officielle et qu’ils soient évalués en tenant compte du fait que cette langue est pour eux une seconde langue. Ceci permet de garantir l’égalité des chances pour réussir ces examens et que ces élèves ne sont pas désavantagés en raison du fait qu’ils ont une langue minoritaire pour première langue[127]. Les autorités serbes doivent ainsi prendre des mesures pour que les personnes appartenant aux minorités nationales albanaise et hongroise aient accès à ces droits, afin de permettre leur participation réelle dans tous les domaines de la vie sociale. Il est aussi nécessaire que le personnel enseignant suive une formation adéquate qui leur permettra d’assurer un apprentissage multilingue ou plurilingue. Cela aura des répercussions directes sur le développement de compétences interculturelles et d’une culture de la démocratie[128]. Des possibilités de formation « adéquates » pour le personnel enseignant supposent que les autorités recueillent des données de référence et procèdent à des évaluations régulières des besoins qui leur permettra de s’assurer que les enseignant·es sont recruté·es dans les groupes majoritaires et minoritaires. Ces données permettront par ailleurs que les enseignant·es reçoivent une formation en vue de travailler dans un milieu multilingue et interculturel (voir l’article 12). Dans ce contexte, le Comité consultatif juge essentiel de concevoir une méthodologie appropriée pour l’enseignement de la langue officielle dès le niveau préscolaire. Ce suivi devrait être assuré en étroite coopération avec les représentants et représentantes des conseils d’établissement, les enseignant·es et les organisations de parents. Le Comité consultatif souligne par ailleurs que les formations proposées aux adultes, qui peuvent être associées à des possibilités de formation professionnelle, jouent aussi un rôle important dans la promotion des compétences de leurs enfants en langue serbe.

159.   Le Comité consultatif appelle les autorités à continuer de promouvoir l’enseignement des langues minoritaires et l’enseignement dans ces langues. Les autorités devraient développer les possibilités d’enseignement des langues minoritaires dans la matière facultative « langue maternelle avec des éléments de la culture nationale », notamment par la mise en place d’incitations financières pour les élèves de ces minorités. Ces incitations faciliteraient leur suivi de formations de personnel enseignant et leur accès à des carrières dans l’éducation. Les autorités devraient par ailleurs prendre des mesures ambitieuses pour faire davantage connaître les langues minoritaires, notamment le romani, et encourager leur apprentissage. L’élaboration de programmes sur la culture et la littérature des minorités nationales, ainsi que des programmes de formation du personnel enseignant à l’université, devraient être une priorité. Les autorités devraient également veiller à ce que la langue officielle soit enseignée parallèlement aux langues minoritaires, en permettant aux personnes appartenant aux minorités albanaises et hongroises d’acquérir les compétences linguistiques nécessaires pour bénéficier d’une égalité d’accès à l’emploi, à l’enseignement supérieur et participer pleinement à la société. Toutes ces mesures devraient être prises en étroite concertation avec les représentants et représentantes des minorités concernées, y compris les jeunes.

Cadre institutionnel de la participation des personnes appartenant aux minorités nationales à la prise de décision (article 15)

160.   Conformément à la loi sur les conseils nationaux des minorités nationales[129], les personnes appartenant à des minorités nationales sont en droit d’élire leurs propres représentants et représentantes dans leurs structures de gouvernance. La loi confère à ces conseils des pouvoirs publics afin qu’ils participent au processus décisionnel et prennent des décisions autonomes dans les domaines de la culture, de l’éducation, de l’information publique et de l’utilisation officielle de la langue et de l’alphabet, en vue d’exercer les droits collectifs de la minorité nationale concernée à l’autonomie dans ces domaines. L’article 14 de la loi dispose que les conseils des minorités nationales sont financés par les budgets nationaux, provinciaux et locaux, ainsi que par des dons et d’autres sources. Alors que 30 % des fonds sont répartis à parts égales entre tous les conseils enregistrés, les 70 % restants sont attribués en fonction de la population de la minorité selon les résultats du dernier recensement et le nombre d’institutions supervisées. En 2023, à la suite des élections du 13 novembre 2022 dans 949 bureaux de vote en Serbie, de nouveaux conseils nationaux des minorités nationales ont été créés. Le Conseil national de la minorité nationale Gorani a notamment été élu pour la première fois (voir article 3). Selon la Commissaire à la protection de l’égalité[130], les conseils des minorités nationales se sont révélés être un modèle organisationnel efficace pour améliorer le statut des minorités nationales. Toutefois, une étude intitulée « Les relations sociales entre les communautés ethniques en Serbie » a montré que les minorités nationales ne sont pas satisfaites de la façon dont les conseils des minorités nationales font valoir leurs droits. Bien que 60,3 % des personnes appartenant à la minorité hongroise se déclarent satisfaites de leur conseil de minorité nationale, les personnes appartenant à d’autres minorités nationales se sont majoritairement dites insatisfaites. Les niveaux d’insatisfaction les plus élevés ont été observés chez les Roms (73,1 %), les Bosniaques (58,3 %) et les Roumains (53,1 %), alors qu’ils étaient moins marqués chez les Croates (54,6 %), les Albanais (48,7 %) et les Slovaques (44,3 %)[131].

161.   Dans l’ensemble, les interlocuteurs et interlocutrices du Comité consultatif ont exprimé leur satisfaction à l’égard du fonctionnement des conseils des minorités nationales. Ils ont toutefois laissé entendre que ces conseils pourraient fonctionner plus efficacement si leur structure et leurs élections étaient décentralisées. Le Comité consultatif réaffirme son inquiétude à propos du système électoral centralisé actuellement en vigueur, qui peut restreindre l’efficacité des droits des personnes appartenant aux minorités nationales qui ne vivent pas dans des régions d’implantation traditionnelle. Cela concerne par exemple les grandes villes comme Belgrade, mais aussi des personnes appartenant à des minorités nationales dispersées sur plusieurs communes (les Roms, par exemple) ou de celles qui appartiennent à des minorités numériquement moins nombreuses[132]. Par conséquent, le Comité consultatif estime que les autorités doivent envisager d’autres systèmes, y compris des administrations autonomes locales, afin de mieux régler ces questions. En outre, les conseils des minorités nationales sont souvent confrontés au manque d’effectifs et de ressources financières, ce qui les empêche de jouer pleinement leur rôle consultatif en matière de politiques sur les minorités nationales. Certains représentants et représentantes de minorités numériquement moins nombreuses, telles que les minorités ashkali et égyptienne, ont précisé que l’objectif principal de leurs conseils était de faire connaître leur existence. Le Comité consultatif estime donc qu’une plus grande attention doit être prêtée aux activités des conseils des minorités nationales représentant des minorités numériquement moins nombreuses. Les conseils des minorités nationales ont besoin d’un soutien financier adéquat pour pouvoir mener à bien leurs activités. Dans ce contexte, « adéquat » renvoie aux notions de prévisibilité, de transparence et d’accessibilité des fonds, mais aussi à l’idée que les montants sont proportionnels aux besoins des conseils.

162.   Les interlocuteurs et interlocutrices du Comité consultatif ont également signalé que si ces conseils des minorités nationales constituent un lien important entre les minorités nationales et les autorités, ils ne reflètent pas toujours toute la diversité au sein des minorités ou ne prennent pas suffisamment en compte les besoins et intérêts différents de ces minorités. À cet égard, tout en saluant la création de ces conseils des minorités nationales, le Comité consultatif souligne l’importance de garantir la diversité parmi les organisations des minorités nationales, notamment celles qui se consacrent aux droits des minorités, afin de mieux répondre aux divers besoins et intérêts des personnes appartenant à ces différentes minorités nationales.

163.   Parallèlement aux conseils des minorités nationales, l’article 98 de la loi sur l’autonomie locale[133]prévoit la création de conseils des relations interethniques dans les communes dont la population se caractérise par une mixité ethnique. Ces conseils fonctionnent comme des organismes indépendants composés de représentants et représentantes de la population serbe et des minorités nationales. Une commune est considérée comme présentant une mixité ethnique si, selon le dernier recensement de la population, les personnes appartenant à une seule minorité nationale représentent plus de 5 % de la population totale, ou si toutes les minorités nationales représentent ensemble plus de 10 %. Les conseils des relations interethniques sont chargés de traiter des questions relatives à la réalisation, à la protection et à la promotion de l’égalité. Lorsque la langue d’une minorité nationale est utilisée officiellement, les autorités locales sont tenues de demander l’avis du conseil avant de changer le nom des rues, des places, des quartiers et autres subdivisions de la ville. Le comité consultatif a toutefois été informé que la loi actuelle ne prévoit pas l’application de sanctions aux communes qui ne mettent pas en place un tel conseil. D’après le recensement de la population de 2022, 68 communes de la Serbie sont classées comme présentant une mixité ethnique et sont tenues de créer ce type de conseil. D’après les informations communiquées au Comité consultatif, ces conseils ne participent que rarement à la proposition ou à la formulation d’avis sur les décisions des autorités locales concernant l’égalité, l’intégration ou la tolérance, ce qui n’est pas satisfaisant. Par conséquent, le Comité consultatif note avec regret que, malgré le rôle qui leur incombe, ces conseils n’ont pas encore pleinement contribué à la réalisation de l’égalité et à la promotion du dialogue interethnique au niveau local.

164.   Le Comité consultatif appelle les autorités à commander une étude qualitative indépendante sur le fonctionnement des conseils de minorités nationales, qui permettrait notamment d’évaluer leur caractère inclusif, leur indépendance et leur représentativité, ainsi que leur capacité à mener à bien leurs activités. Les autorités devraient également prendre des mesures pour garantir la mise en œuvre pratique des compétences des conseils des relations interethniques afin de leur permettre de contribuer pleinement à la réalisation des droits des minorités nationales au niveau local.

Participation à la vie politique (article 15)

165.   Les 250 membres de l’Assemblée nationale sont élus pour un mandat de quatre ans selon un scrutin proportionnel à listes de candidats bloquées au sein d’une circonscription nationale unique. Les mandats sont attribués aux listes de candidat·es qui ont obtenu au moins 3 % du total des voix. Les listes représentant les minorités nationales sont toutefois dispensées de ce quorum. En outre, le processus de répartition des sièges accorde une augmentation de 35 % des quotients électoraux aux listes des minorités nationales qui ont obtenu moins de 3 % des suffrages[134]. Depuis 2023, 71 partis politiques sur les 121 enregistrés auprès du ministère de l’Administration publique et des Collectivités locales sont recensés comme représentant les minorités nationales. Une liste d’une minorité nationale peut être présentée exclusivement par un parti politique représentant une minorité nationale ou par une coalition composée uniquement de partis de ces minorités. La loi sur les partis politiques[135] contient des dispositions visant à encourager les personnes appartenant à des minorités nationales à participer à la vie publique, notamment des critères préférentiels pour l’enregistrement des partis politiques.

166.   Cependant, le système actuel relatif au statut de minorité nationale sur les listes électorales ne garantit pas la représentation de toutes les minorités nationales. À cet égard, l’avis conjoint de la Commission de Venise et de Bureau des institutions démocratiques et des droits de l'Homme (ODIHR) de 2022 note que le système de sièges réservés aux minorités nationales, tel qu’il est mis en œuvre dans plusieurs autres pays européens, pourrait être une des solutions envisageables pour remplacer le système actuel de candidature privilégiée et de quotas d’attribution de siège[136]. Dans son quatrième avis sur la Serbie, le Comité consultatif a noté que le système actuel profite essentiellement à quelques-unes des minorités les plus importantes en nombre et a recommandé sa révision. Actuellement, les partis politiques des minorités nationales détiennent 15 sièges au Parlement. L’Assemblée de la Province autonome de Voïvodine ne dispose pas de données sur le nombre de parlementaires appartenant aux minorités nationales. Néanmoins, d’après les informations communiquées au Comité consultatif, 11 députés à l’Assemblée ont demandé à recevoir les documents de session dans la langue de leur minorité nationale, 10 députés en hongrois et un en slovaque.

167.   Dans ce contexte, le Comité consultatif souligne la nécessité de prendre des mesures supplémentaires concernant le système électoral serbe afin de garantir la représentation parlementaire des minorités nationales numériquement moins nombreuses. Selon l’Avis conjoint de la Commission de Venise et du Bureau des institutions démocratiques et des droits de l'Homme (ODIHR) de 2022, le système actuel n’est toujours pas satisfaisant. Une des solutions proposées consiste à mettre en place un système de sièges réservés afin de mieux assurer la représentation de ces minorités. Dans ce contexte, le Comité consultatif rappelle que « [l]es dispositions faisant intervenir des sièges réservés ou partagés pour les représentants et représentantes des minorités nationales se sont révélées être, dans certains cas, des moyens fort utiles pour renforcer la participation des personnes appartenant à des minorités nationales au processus décisionnel. La mise à disposition de sièges réservés, partagés entre diverses minorités nationales ou alloués à un seul groupe, est un des moyens de garantir leur représentation au sein des organes électifs »[137]. Le système des « sièges partagés » est particulièrement bien adapté aux besoins des minorités numériquement moins nombreuses. Pour que ces dispositions aient un impact significatif sur la participation de toutes les minorités nationales représentées par le(s) siège(s) partagé(s), […], [l]es représentants et représentantes élu·es occupant des sièges partagés devraient veiller à être les porte-parole de toutes les personnes appartenant à des minorités nationales de la circonscription[138].

168.   Le Comité consultatif souligne également que les formes infra-étatiques de gouvernement peuvent jouer un rôle important en créant les conditions nécessaires à une participation réelle des personnes appartenant à des minorités nationales au processus décisionnel[139]. Les autorités doivent donc accorder une attention particulière aux besoins et intérêts des personnes appartenant aux minorités nationales, en particulier dans les zones densément peuplées par ces minorités.

169.   Le Comité consultatif encourage vivement les autorités à évaluer le système actuel de représentation parlementaire des minorités nationales afin de garantir que les personnes qui en font partie puissent influencer efficacement la prise de décision, de manière à ce que les résultats reflètent leurs divers besoins et intérêts.

Représentation des minorités nationales dans l’administration publique (article 15)

170.   Le Comité consultatif a déjà évalué positivement le cadre juridique concernant la représentation des minorités nationales au sein de l’administration publique. Plusieurs lois définissent les fondements juridiques des mesures positives à prendre pour favoriser l’emploi de personnes appartenant à des minorités nationales à tous les niveaux de l’administration publique (voir l’article 10). Les autorités ont fait savoir que le cadre législatif et institutionnel actuel respecte pleinement les principes d’égalité et de professionnalisme. Conformément à la constitution et à la loi sur l’utilisation officielle des langues et des alphabets, les procédures d’appels à candidatures en cas de vacances de postes sont menées dans la langue officielle et visent principalement à évaluer les compétences des candidat·es plutôt qu’à imposer un niveau élevé de connaissance de la langue officielle comme préalable à un emploi dans l’administration publique[140]. Malgré ces mesures en faveur de l’inclusion des personnes appartenant aux minorités nationales, l’absence de données ventilées par appartenance ethnique ne permet cependant pas d’avoir une vision exacte de la situation.

171.   Plusieurs interlocuteurs et interlocutrices ont exprimé leurs préoccupations concernant la sous-représentation des personnes appartenant à des minorités nationales dans l’administration publique centrale, notamment dans les services de police, l’administration fiscale, les services du cadastre et les tribunaux locaux. Les représentants et représentantes de la minorité albanaise ont souligné le manque de représentation des Albanais dans l’administration publique centrale, ainsi que dans les services de police et les tribunaux locaux. Ils ont également noté l’absence de mise en œuvre efficace du plan pour l’intégration de la minorité albanaise 2023-2026 dans le secteur public et les administrations de l’État. Les représentants et représentantes de la minorité bosniaque ont exprimé leurs préoccupations concernant leur sous-représentation, notamment dans les services de police et de lutte contre les incendies, une situation qu’ils attribuent aux difficultés rencontrées pour réussir le test psychologique obligatoire pour occuper ces postes (voir l’article 4). Ils ont indiqué qu’aucune raison valable justifiant leur échec au test ne leur était fournie et que le pouvoir discrétionnaire exercé par les autorités compétentes dans l’évaluation des résultats n’est pas clair. En outre, les interlocuteurs et interlocutrices de la minorité rom ont signalé une représentation insuffisante des Roms dans les systèmes de la police, des procureurs et de la justice.

172.   Le Comité consultatif rappelle que « [l’]administration publique devrait, dans la mesure du possible, refléter la diversité de la société. Cela suppose d’encourager les États Parties à identifier des moyens de promouvoir le recrutement de personnes appartenant à des minorités nationales dans le secteur public, y compris dans l’appareil judiciaire et les organes d’application de la loi. La participation des personnes appartenant à des minorités nationales dans l’administration publique peut également aider cette dernière à mieux répondre à leurs besoins »[141]. Le Comité consultatif rappelle également que la participation réelle des personnes appartenant à des minorités nationales à la vie publique ainsi que leur réelle inclusion, au même titre que le renforcement de la cohésion sociale, passent par leur participation à la gestion des affaires publiques au sein des différentes administrations. Il estime que les autorités devraient accorder une attention accrue à cette question et faire davantage d’efforts pour promouvoir le recrutement des personnes appartenant aux minorités nationales dans la fonction publique, y compris en privilégiant une application plus souple des exigences linguistiques prévues dans ce domaine et du suivi de leur application.

173.   À cet égard, le Comité consultatif est préoccupé par le signalement concernant le faible niveau de participation des personnes appartenant à des minorités nationales au sein de l’administration publique. Il estime nécessaire que les autorités recueillent des données à ce sujet et conçoivent des mesures positives appropriées pour régler les problèmes signalés. Des mesures pratiques et efficaces doivent être prises afin de combler le fossé entre l’égalité formelle et la participation concrète au sein de l’administration publique des personnes appartenant aux minorités nationales. Le Comité consultatif souligne l’importance d’engager le dialogue avec les représentants et représentantes de la minorité albanaise afin de définir comment mettre en œuvre le plan d’intégration 2023-2026 avec le plus d’efficacité possible. Des efforts accrus et concrets doivent être déployés pour renforcer la participation des Bosniaques et des Roms au sein de l’administration publique, en répondant à leurs préoccupations spécifiques.

174.   Enfin, le Comité consultatif note avec inquiétude que la réelle participation aux affaires publiques est également limitée par le fait que les personnes appartenant aux minorités albanaise et hongroise ont une connaissance insuffisante de la langue officielle, ce qui constitue un frein supplémentaire à leur pleine participation et à leur inclusion dans la société (voir les articles 4, 6 et 14). Le Comité consultatif rappelle aux autorités que « [l]e niveau de connaissance de la langue officielle requis du personnel de l’administration publique ne devrait pas excéder ce qui est nécessaire pour assurer la fonction ou le service concerné. Les exigences, qui restreignent de manière injustifiée l’accès des personnes appartenant à des minorités nationales aux opportunités d’emploi dans l’administration publique, ne sont pas compatibles avec les normes inscrites dans la Convention-cadre. Au besoin, un soutien ciblé devrait être accordé pour faciliter l’apprentissage de la langue officielle aux candidat·es ou personnel issus des minorités nationales[142] ».

175.   Le Comité consultatif encourage vivement les autorités à collecter des données ventilées sur les taux d’emploi actuels dans le secteur public des personnes appartenant aux minorités nationales, ainsi qu’à concevoir et mettre en œuvre des mesures positives pour encourager et renforcer en conséquence la participation des minorités nationales dans l’administration publique. Les autorités devraient engager un dialogue avec les représentants et représentantes des minorités bosniaque et rom pour aborder les moyens de garantir leur participation satisfaisante et réelle au sein de l’administration publique.

176.   Le Comité consultatif encourage vivement les autorités à engager un dialogue avec les personnes appartenant à la minorité albanaise afin de déterminer les moyens les plus efficaces de mettre en œuvre le plan pour l’intégration de la minorité albanaise dans le secteur public et les administrations de l’État 2023-2026. La mise en œuvre de ce plan devrait s’accompagner de la collecte de données pertinentes ventilées par genre et devrait respecter une approche inclusive fondée sur des éléments probants.

Participation à la vie économique et sociale (article 15)

177.   Une part importante des minorités nationales de la Serbie réside dans des zones rurales, où les possibilités de participation à la vie économique et sociale restent limitées. Les représentants et représentantes de la minorité bosniaque ont souligné que le mauvais état des routes représente un problème majeur. En outre, malgré plusieurs projets en cours, les investissements de l’État dans des initiatives prometteuses, telles que l’élevage sur le plateau de Pešter, restent insuffisants. Ce manque d’infrastructures a conduit les entreprises étrangères exerçant des activités dans la région à proposer des salaires nettement inférieurs, ce qui a eu pour effet d’aggraver encore la situation. Le niveau élevé de l’émigration, alimenté par les sombres perspectives économiques, aggrave l’instabilité économiques de ces régions rurales. De même, les représentants et représentantes de la minorité albanaise ont insisté sur le taux de chômage élevé et sur la pénurie de professionnel·les de santé dans le sud de la Serbie. Le taux de chômage dans la commune de Preševo avoisine 60 %, tandis qu’il dépasse 40 % à Bunjevac[143]. Ils ont également fait part de leurs préoccupations quant au manque de professionnel·les de santé dans ces communes, expliquant que les médecins ayant obtenu leur diplôme au Kosovo* et en Macédoine du Nord ne peuvent pas exercer en Serbie. En effet, à moins que leurs diplômes ne soient officiellement reconnus, ils sont obligés de se plier à une procédure coûteuse pour obtenir un acte notarié. Les habitant·es de ces communes sont contraint·es de parcourir plusieurs centaines de kilomètres pour avoir accès aux soins, ce qui constitue une situation excessivement contraignante. La pandémie de Covid-19 a mis en évidence la nécessité urgente d’avoir accès à un hôpital local. En outre, durant les deux dernières décennies, les communes de Bujanovac, Medveđa et Preševo n’ont bénéficié d’aucun programme réel de redressement ou de développement économique. La plupart des entreprises publiques ont été fermées et la privatisation de plusieurs autres firmes n’a pas produit les résultats escomptés[144]. En revanche, les représentants et représentantes des minorités nationales de la Province autonome de Voïvodine ont fait état d’une participation satisfaisante à la vie économique et sociale des personnes appartenant à des minorités qui vivent dans la province.

178.   Les autorités ont informé le Comité consultatif que l’accès aux soins de santé primaires est possible dans les municipalités de Bujanovac et de Preševo. Elles ont cependant confirmé que les soins de santé secondaires ne sont proposés qu’à l’hôpital de Vranje, distant de 20 km de Bujanovac et de 40 km de Preševo. Dans le but d’améliorer l’accès aux soins de santé, deux femmes médecins appartenant à la minorité albanaise de Preševo ont été recrutées à titre permanent[145].

179.   S’agissant des programmes de redressement et de développement économiques dans le sud de la Serbie, les autorités ont indiqué que depuis 2012, l’organe de coordination de la République de Serbie dans les municipalités de Preševo, Bujanovac et Medveđa a financé et lancé des appels à propositions afin de subventionner les micro-entreprises et les petites entreprises de ces communes. Entre 2012 et 2023 (exception faite de 2017), il a attribué 459 635 378,80 RSD (3,9 millions €) à 175 entrepreneurs et ainsi créé quelque 350 nouveaux emplois. En 2024, le montant des subventions accordées a atteint 34 000 000 RSD (environ 290 000 €). Le premier appel à propositions a attribué la somme de 20 755 287,71 RSD (environ 175 000 €) à neuf entrepreneurs, tandis que le second appel a réparti 12 513 129 RSD (environ 107 000 €) entre cinq autres entreprises.

180.   Par ailleurs, l’accès des Roms à l’emploi reste un défi majeur, en particulier au moment de la transition des études vers le marché du travail. La plupart des jeunes Roms occupent généralement un emploi informel, leur faible niveau d’études constituant un obstacle majeur à l’obtention d’un emploi formel[146]. Face à ces difficultés, l’État a mis en œuvre divers programmes et mesures afin d’améliorer les chances de trouver un emploi des Roms et leur participation à l’emploi formel, notamment dans le secteur public[147]. Malgré ces efforts, des fonctions comme celles des coordinateur·rices des Roms au niveau local, des assistant·es pédagogiques et des médiateur·rices sanitaires n’ont pas encore été normalisées et pleinement intégrées au niveau de l’administration centrale et locale. Cela souligne la nécessité de réformes structurelles supplémentaires.

181.   L’un des principaux objectifs de la Déclaration des partenaires des Balkans occidentaux sur l'intégration des Roms dans le cadre du processus d'élargissement de l'UE (Déclaration de Poznan) était d’améliorer l’emploi des Roms dans le secteur public. Compte tenu des obstacles auxquels ils sont confrontés par rapport à la population générale, les Roms sans-emplois représentent un groupe prioritaire dans le cadre des mesures prévues par la stratégie pour l’emploi 2021-2026 publiée en avril 2021 et par le plan d’action qui l’accompagne pour la période 2021-2023. En revanche, le Programme national pour la transformation du travail non déclaré des Roms qui soutient les objectifs de la Déclaration de Poznan n’a pas encore été adopté[148]. Le Comité consultatif a également reçu des plaintes selon lesquelles la loi sur la carte sociale,[149] entrée en vigueur en 2022, touche les Roms de manière disproportionnée en raison de leur surreprésentation dans le système d’aide sociale. Bien qu’elle ait vocation à garantir une répartition plus équitable de l’aide sociale, cette loi a eu pour effet de priver de prestations sociales plus de 44 000 personnes en situation de vulnérabilité, soit plus de 20 % des bénéficiaires d’une aide financière. Plusieurs personnes occupant des emplois saisonniers ont été privées de prestations car les revenus procurés par ces emplois ont été injustement pris en compte dans le calcul des revenus selon le système de la carte sociale[150].

182.   Le Comité consultatif rappelle que « [l]a participation à la vie sociale et économique couvre un large éventail de domaines allant de l’accès à un logement décent, aux soins de santé, à la protection sociale (assurance et prestations sociales), aux services sociaux qualifiés, jusqu’à l’accès au travail », que « l’égalité des chances ne se limite pas à un accès égal aux marchés et aux services » et que « [l]a participation effective exige également des États Parties qu’ils favorisent la participation des personnes appartenant à des minorités nationales à la vie économique et sociale, ainsi qu’aux bénéfices et réalisations des milieux économiques et sociaux, qui incluent entre autres choses le droit de profiter du développement économique, des services de santé, de la sécurité sociale et d’autres avantages[151] ». Il rappelle également que « [l]es personnes appartenant à des minorités nationales vivent souvent dans des zones frontalières ou dans d’autres régions éloignées des grands centres d’activités économiques et politiques. Elles sont, de ce fait, confrontées à des situations socioéconomiques plus difficiles que la population majoritaire. Les États Parties devraient prendre des mesures spécifiques pour accroître les chances de participer à la vie socioéconomique des personnes appartenant à des minorités nationales résidant dans des régions périphériques et/ou touchées par le déclin économiques »[152].

183.   Compte tenu de ce qui précède, le Comité consultatif estime que les autorités doivent mettre au premier plan les préoccupations des personnes appartenant à des minorités nationales qui vivent dans le sud de la Serbie. Des programmes de développement particuliers doivent être mis au point pour répondre à ces préoccupations. Dans le même temps, des études préalables devraient être menées afin d’évaluer les retombées possibles des projets de développement sur les personnes appartenant aux minorités nationales et d’en garantir ainsi l’efficacité. Une attention particulière devrait être portée à la situation des femmes et des jeunes appartenant à des minorités nationales. Selon le Comité consultatif, il convient également d’étudier les moyens d’associer les personnes appartenant à des minorités nationales, notamment les Roms, à la conception et à la mise en œuvre des stratégies ou des programmes de développement économique des autorités nationales et locales. Il importe par ailleurs d’assurer un suivi approprié des résultats de ces programmes de développement afin d’évaluer leur efficacité, en effectuant notamment des enquêtes et des collectes de données. Le Comité consultatif attire l’attention des autorités sur le fait qu’en l’absence de données ventilées, il n’est pas possible d’évaluer les retombées des programmes destinés à renforcer la participation socio-économique des personnes appartenant à des minorités nationales.

184.   Le Comité consultatif souligne en outre la nécessité de garantir un accès adéquat, réel et non discriminatoire aux soins de santé. Il convient de tenir compte du contexte régional et de pallier le manque d’infrastructures afin d’assurer un accès égal et effectif aux soins de santé des personnes appartenant à des minorités nationales, en particulier la minorité albanaise résidant dans les communes de Bujanovac, Medveđa et Preševo.

185.   Enfin, en ce qui concerne l’emploi, le Comité consultatif rappelle également que les États doivent « éliminer les barrières qui empêchent un accès égal des personnes appartenant à des minorités nationales à différents domaines de la vie économique […] et promouvoir l’égalité d’accès à l’emploi et aux marchés ».[153] Le Comité consultatif constate que trop peu est fait pour promouvoir concrètement et activement la présence des personnes appartenant à des minorités nationales sur le marché du travail. En outre, le manque persistant de données sur l’emploi dissimule toute discrimination éventuelle – directe ou indirecte – et empêche l’élaboration de mesures positives visant à résoudre les problèmes spécifiques rencontrés par les personnes appartenant à des minorités nationales, tels que des programmes d’emploi, de formation professionnelle continue dans les langues minoritaires ou toute autre mesure susceptible de traiter les problèmes à la racine. S’agissant des plaintes reçues par le Comité consultatif à propos des allégations d’application inéquitable de la loi sur la carte sociale à l’égard des Roms, le Comité consultatif considère qu’un véritable dialogue doit être engagé avec les divers représentants et représentantes de la minorité rom et des organisations de la société civile pour remédier à ces problèmes.

186.   Le Comité consultatif exhorte les autorités à recueillir des données ventilées sur la situation socio-économique des personnes appartenant à des minorités nationales, conformément aux normes internationales en matière de protection des données. Ces informations pourront notamment porter sur les domaines de l’emploi, des soins de santé et de l’accès aux infrastructures. À partir de ces données et en étroite concertation avec les personnes appartenant à des minorités nationales, y compris les femmes et les jeunes, les autorités devraient concevoir des mesures pour remédier aux disparités constatées. Ces mesures viseront à promouvoir activement la participation de ces minorités à la vie socio-économique.

187.   Le Comité consultatif appelle les autorités à faire de la revitalisation économique des régions d’implantation des minorités nationales dans le sud de la Serbie une priorité, en développant des programmes particuliers, en concertation étroite avec les divers représentants et représentantes de ces minorités. Les autorités devraient également apporter un soutien ciblé aux femmes et aux jeunes appartenant à des minorités afin de garantir leur participation réelle à la vie sociale et économique. Elles devraient en outre garantir la pleine participation des Roms à la vie socio-économique, en améliorant notamment leur accès à l’emploi. Un dialogue véritable avec les divers représentants et représentantes de la minorité rom s’impose également pour répondre à leurs inquiétudes concernant la mise en œuvre de la loi sur la carte sociale.

Accès des Roms à un logement convenable (article 15)

188.   La situation des Roms de Serbie en matière de logement est complexe. Leurs conditions de vie précaires et le fait d’habiter dans des campements informels limitent fortement leur accès aux services publics. Il existe un écart important entre les conditions de logement des Roms et celles de la population générale, les campements de Roms représentant souvent des zones de ségrégation spatiale et sociale. Selon les enquêtes réalisées, 98 % des Roms de ces campements ont accès à des sources améliorées d’eau potable et 86 % à des services sanitaires de base, mais de sérieuses défaillances persistent. Seuls 78 % des ménages des campements roms sont raccordés au réseau de distribution d’eau officiel, 32 % des campements insalubres n’ont pas accès à l’électricité et 38 % ne sont pas raccordés au réseau de distribution d’eau. Les logements y sont également plus surpeuplés, avec une moyenne de 2,6 personnes par pièce, contre 1,5 dans la population générale. Près de 20 % de la population des campements roms cartographiés n’a pas accès ou un accès irrégulier à l’eau potable, plus de 55 % n’ont pas d’accès régulier au réseau d’assainissement et 14,5 % a un accès irrégulier ou inexistant au réseau d’électricité[154].

189.   Comme le souligne la déclaration de Poznan, la légalisation des campements informels de Roms est une priorité. Pourtant, les expulsions forcées de Roms continuent en violation des dispositions de la loi sur le logement et l’entretien des bâtiments[155]. Selon une étude sur les « Relations sociales entre les communautés ethniques en Serbie », seuls 14,2 % des répondant·es roms considèrent que leur niveau de vie s’est amélioré, 59,5 % déclarant qu’aucune amélioration n’est intervenue dans leurs conditions de logement. Parmi les personnes ayant amélioré leur logement, 36,4 % l’ont fait au moyen de fonds personnels tandis que seul 1,2 % a bénéficié de l’aide d’organisations internationales ou des autorités locales[156]

190.   Près de 53 % des campements de la Serbie sont situés dans les villes et métropoles, les autres étant répartis dans les régions rurales, avec une population de 100 à plus de 5 000 personnes. Sur 593 campements, 43,5 % sont jugés insalubres. En coopération avec les Nations unies, le gouvernement de la Serbie a mené, entre mars et septembre 2020, un projet de cartographie qui a recensé 702 campements roms insalubres abritant 167 975 personnes. Le nombre de campements roms insalubres a donc nettement progressé au cours des 15 dernières années. La ville de Belgrade en compte le plus grand nombre, avec 122 campements et 43 944 habitants. Dans 159 campements roms insalubres abritant une population totale de 32 843 personnes, les habitants n’ont pas accès à l’eau potable ou n’y ont accès que de manière irrégulière. Dans 258 campements de ce type, l’accès au réseau d’assainissement est irrégulier ou inexistant. Au moins 24 104 Roms vivant dans 64 de ces campements n’ont pas accès à l’électricité.[157] La dégradation des conditions des logements sociaux est également préoccupante pour les personnes qui y habitent. Les problèmes de distribution d’électricité sont fréquents et les bénéficiaires de logements sociaux sont également pénalisés financièrement par l’obligation de s’acquitter des taxes foncières. Par ailleurs, le Comité consultatif a été informé par ses interlocuteurs et interlocutrices que les cas d’expulsions forcées de logements sociaux sont également fréquents.

191.   Le Comité consultatif rappelle que « [l]es conditions de logement ne répondant pas aux normes minimales, souvent couplées avec une séparation physique/spatiale des personnes appartenant à certaines minorités nationales, notamment les Roms et les Gens du voyage, affectent fortement leur capacité à participer à la vie socio-économique et peuvent renforcer encore leur pauvreté, leur marginalisation et leur exclusion sociale. Cette situation est souvent aggravée par l’absence de dispositions législatives sécurisant leur droit de résidence et par leur vulnérabilité à l’égard des expulsions forcées »[158].

192.   Le Comité consultatif considère que les conditions de logement déplorables des Roms justifient des actions concrètes, systémiques et globales de la part des autorités. Celles-ci doivent notamment élaborer des politiques de logement qui visent à lutter contre les inégalités sociales et à garantir aux personnes appartenant à la minorité rom des conditions de vie convenables. Des mesures résolues doivent être prises pour légaliser les campements roms informels existants et améliorer l’accès au logement social conformément aux principes formulés dans la Recommandation Rec(2005)4 du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe sur « l’amélioration des conditions de logement des Roms et des Gens du voyage en Europe ». Il est essentiel de garantir le strict respect des dispositions légales réglementant les expulsions forcées des personnes appartenant à la minorité rom. Les expulsions forcées devraient être pratiquées en se conformant à la loi, et s’accompagner de réelles possibilités de relogement dans des conditions décentes et financièrement accessibles.

193.   Le Comité consultatif appelle les autorités à améliorer la situation en matière de logement des personnes appartenant à la minorité rom, en réalisant notamment des investissements pour garantir leur accès à l’eau potable et à l’électricité, ainsi qu’à tous les autres services publics. Les autorités devraient veiller au strict respect des dispositions légales applicables aux expulsions forcées des Roms. Aucune expulsion ne devrait être menée sans un préavis adéquat et sans offrir des possibilités de relogement décent et abordable. Les autorités devraient également développer des programmes de logement social pour les personnes appartenant à la minorité rom.

Accès des Roms aux soins de santé (article 15)

194.   La Serbie ne collecte pas de données sur la situation des personnes appartenant à la minorité rom dans le domaine de la santé. Le Comité consultatif a été informé que l’accès des Roms aux soins de santé est entravé par un certain nombre d’obstacles, tels que la pénurie de médecins et de personnel infirmier dans les campements roms en milieu rural et les grands quartiers roms urbains. En outre, l’accès aux soins de santé est d’autant plus compliqué que de nombreux Roms ne possèdent pas de carte d’assurance maladie car ils n’ont pas d’emploi régulier et ne sont pas inscrits au chômage. Selon une enquête récente, les Roms sont plus nombreux (31 %) que les autres (12 %) à estimer que leur état de santé se dégrade. Par ailleurs, le recours aux services de santé primaire est plus fréquent chez les Roms (18 %) que dans les autres groupes (11 %). Les répondant·es roms ont toutefois recours moins fréquemment aux services de santé préventifs proposés par les centres de soins de santé primaire (30 %) que les autres répondant·es (39 %). Les femmes roms (38 %) sont également moins susceptibles d’avoir accès aux services gynécologiques proposés dans les centres de soins de santé primaires que les autres femmes (33 %). Par ailleurs, les infirmières à domicile ont effectué des suivis de grossesse des femmes roms (32 %) moins fréquents que chez les autres femmes enceintes (56 %), et la même tendance est observée pour les visites postnatales, avec une moindre fréquence des visites du personnel de santé chez les femmes roms (81 %) que chez les autres femmes (96 %). En matière d’accès à l’information, l’enquête a montré que les Roms ignorent souvent les mécanismes disponibles pour protéger les droits des patient·es. Seuls 52 % des Roms interrogé·es et 73 % des autres répondants et répondantes étaient au courant de l’existence d’une « boîte à doléances » dans les centres de soins de santé primaires[159].

195.   Les difficultés auxquelles sont confrontés les Roms pour faire valoir leurs droits aux soins de santé sont multifactorielles. L’accès des Roms aux soins médicaux d’urgence est souvent compromis en raison du mauvais état des infrastructures routières dans les quartiers roms et du manque de communication entre les Roms et le personnel des centres médicaux d’urgence. Ces difficultés sont dues, d’une part, à un manque de sensibilité culturelle de la part du personnel médical et, d’autre part, à un manque de connaissance de la part des Roms des pathologies couvertes par les soins médicaux d’urgence en Serbie. Selon les interlocuteurs et interlocutrices du Comité consultatif, dans de nombreux cas, les Roms se heurtent également à une certaine discrimination dans les établissements de soins de santé et de la part du personnel médical. Souvent, les Roms n’utilisent pas les mécanismes existants pour demander la protection de leurs droits. Ils déposent rarement des plaintes auprès des personnes défendant les droits des patient·es, de la Commissaire à la protection de l’égalité ou du Médiateur, et n’engagent pas non plus de procédures judiciaires. Par ailleurs, les règlements concernant les médiateurs et médiatrices sanitaires ne définissent pas précisément leur rôle.

196.   Le Comité consultatif est préoccupé par la situation générale des Roms en matière de soins de santé. Il reconnaît que cette question est liée à d’autres difficultés, notamment dans les domaines du logement, de l’éducation et de l’emploi. Il considère en outre qu’il convient de garantir aux femmes et aux filles appartenant à des minorités nationales un accès effectif et non discriminatoire aux soins de santé, y compris aux services de santé sexuelle et reproductive, en les proposant notamment dans la langue romani. La confiance est essentielle dans l’accès aux soins de santé pour les personnes appartenant à des minorités nationales et il est nécessaire de définir le statut des médiateurs et médiatrices sanitaires en Serbie. Aussi, le faible nombre rapporté de médiateurs et médiatrices travaillant dans l’ensemble du pays amène à craindre qu’ils ne soient pas en mesure de remédier aux problèmes graves rencontrés. Enfin, le Comité consultatif réaffirme que les personnes appartenant à des minorités nationales sont confrontées à des difficultés particulières dans l’accès aux soins de santé, qui est un élément essentiel de la participation à la vie socio-économique[160], et il note que ces difficultés risquent d’être encore aggravées pour les personnes exposées à une discrimination intersectionnelle, fondée sur le genre ou sur l’appartenance à une minorité, par exemple. Le Comité consultatif accueillerait par conséquent avec satisfaction des mesures ciblées visant à prodiguer des soins de santé adéquats aux personnes appartenant à des minorités nationales en tenant compte des besoins spécifiques au genre et fondés sur la culture.

197.   Le Comité consultatif demande aux autorités d’assurer aux personnes appartenant à la minorité rom un accès effectif aux services de santé, notamment aux services de santé génésique. Elles devraient également former le personnel de santé à l’application d’une approche tenant compte des spécificités culturelles pour fournir des soins de santé aux personnes appartenant aux communautés marginalisées. Les autorités devraient aussi investir dans des infrastructures et des services médicaux dans les zones d’implantation des personnes appartenant à la minorité rom. Il convient par ailleurs d’accorder une attention particulière aux données sensibles au genre en matière de santé. Les autorités devraient également s’assurer que des médiateurs et médiatrices sanitaires sont recruté·es afin de favoriser la confiance entre les institutions et les Roms. Le statut de médiateur ou de médiatrice sanitaire devrait être clairement défini par les règlements concernés.

Coopération bilatérale et transfrontalière (articles 17 et 18)

198.   Comme indiqué dans le Quatrième Avis du Comité consultatif, la Serbie a signé des accords bilatéraux sur la protection des minorités nationales avec la Croatie, la Hongrie, la Macédoine du Nord et la Roumanie. Le Comité consultatif constate que les questions relatives aux minorités occupent une place prépondérante dans les relations bilatérales de la Serbie avec ses voisins membres de l’UE. Certains de ces voisins ont d’ailleurs conditionné leur soutien à la candidature du pays à l’adhésion à l’UE, ou l’ouverture de chapitres spécifiques, à l’amélioration de la protection de certaines minorités nationales et de leurs droits en Serbie[161]. La coopération bilatérale qui favorise notamment le développement économique dans les régions où vivent des personnes appartenant aux minorités nationales est le résultat de programmes et d’accords de coopération transfrontalière[162].

199.   En 2023, une réunion s’est tenue entre les autorités serbes et croates, ce qui représente une avancée positive dans leurs relations, avec l’ouverture de la « maison croate » à Subotica. Les relations interétatiques restent toutefois fragiles. Les représentantes et représentants de la minorité bulgare ont exprimé le souhait de renforcer la coopération avec la Bulgarie dans le domaine de la protection des droits des minorités. Dans l’ensemble, les interlocuteurs et interlocutrices du Comité consultatif, en particulier ceux qui ont un « État-parent », ont exprimé l’espoir d’une coopération aussi constructive avec leurs « États-parents », à l’image des relations entre la Serbie et la Hongrie.

200.   Le Comité consultatif salue les efforts de la Serbie en matière de coopération bilatérale et y voit une occasion supplémentaire de promouvoir les relations avec les pays voisins, y compris la coopération transfrontalière au niveau des autorités locales. Il a cependant reçu des plaintes selon lesquelles les questions ethniques liées aux relations interétatiques favorisent parfois des évolutions préoccupantes susceptibles d’entraver la protection efficace des droits des minorités. Le Comité consultatif rappelle donc les principes inscrits dans les Recommandations de Bolzano/Bozen du Haut-Commissaire de l’OSCE pour les minorités nationales selon lesquelles « [lorsqu’ils traitent de questions concernant la protection des personnes appartenant à des minorités nationales, les États devraient être guidés par les règles et les principes établis dans les documents internationaux relatifs aux droits humains, notamment dans les instruments et mécanismes multilatéraux créés spécialement pour soutenir la mise en œuvre des normes et des engagements relatifs aux minorités »[163]. En outre, « [l]es États sont invités à conclure des conventions et d’autres accords bilatéraux afin d’améliorer et de développer encore le niveau de protection des personnes appartenant aux minorités nationales. Ces mécanismes dotent les États des moyens nécessaires pour partager leurs informations et préoccupations, faire valoir leurs intérêts et leurs idées et soutenir davantage les minorités sur la base de relations amicales. Une approche bilatérale devrait respecter l’esprit des règles et principes fondamentaux inscrits dans les instruments multilatéraux »[164].

201.   Le Comité consultatif encourage les autorités à entretenir des relations satisfaisantes avec tous les pays voisins et à promouvoir la coopération transfrontalière en faisant avancer la coopération régionale dans le domaine de la protection des minorités nationales, ainsi qu’à faire participer pleinement les représentant·es des minorités aux activités organisées dans ce contexte.





Le Conseil de l’Europe est la principale organisation de défense des droits humains du continent.
Il comprend 46 États membres, dont tous les membres 
de l’Union européenne. 
Tous les États membres du Conseil de l’Europe ont signé la Convention européenne des droits de l’Homme, un traité visant à protéger les droits humains, la démocratie et l’État de droit.
La Cour européenne des droits de l’Homme contrôle la mise en œuvre de la Convention dans les pays membres du Conseil de l’Europe.
Le Comité consultatif de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales est un organe indépendant qui aide le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe à évaluer l’adéquation des mesures prises par les Parties à la Convention-cadre pour donner effet aux principes qui y sont énoncés.

La Convention-cadre pour la protection des minorités nationales, adoptée le 10 novembre 1994 par le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe et entrée en vigueur le 1er février 1998, énonce les principes que les États doivent respecter ainsi que les objectifs qu’ils doivent atteindre pour assurer la protection des minorités nationales. Le texte de la Convention-cadre est disponible entre autres langues, en albanais, en serbe, en albanais, en bulgare et en hongrois.

Cet Avis présente l’évaluation réalisée par le Comité consultatif après sa cinquième visite en Serbie. 










www.coe.int/minorités
https://www.coe.int/documents/16695/994584/COE-Logo-Quadri.png/ee7b1fc6-055b-490b-a59b-a65969e440a2?t=1371222819000



[1] Les recommandations ci-après sont présentées en suivant l’ordre des articles correspondants de la Convention-cadre.

[2] Rapport étatique, pp. 7-8.

[3] Article 2 de la loi sur la protection des droits et des libertés des minorités nationales, Journal officiel de la République de Serbie n° 11/2002, n° 1/2003, n°. 172/2009, n° 97/2013 et n° 47/2018. 

[4]  Sont représentées par un Conseil national en Serbie les minorités suivantes : albanaise, allemande, ashkali, bulgare, bunjevac, bosniaque, croate, égyptienne, gorani, grecque, hongroise, juive, macédonienne, monténégrine, polonaise, rom, roumaine, russe, ruthène, slovaque, slovène, tchèque, ukrainienne et valaque.

[5] Voir le Quatrième Avis du Comité consultatif adopté le 26 juin 2019, paragraphe 13.

[6] Selon le Rapport étatique (pp. 86-87), les personnes qui n’ont pas la citoyenneté serbe ne peuvent pas exercer leurs droits de vote et ne peuvent donc pas devenir représentants et représentantes politiques des minorités nationales, participer au processus électoral des Conseils des minorités nationales ni être membres de ces organes.

[7] Commentaire thématique n° 4 du Comité consultatif, La Convention-cadre : un outil essentiel pour gérer la diversité au moyen des droits des minorités. Le champ d'application de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales, adopté le 27 mai 2016, paragraphes 29-30.

[8] D’après le recensement de 2022, sur 6 647 003 d’habitant·es, 675 personnes sont apatrides, un chiffre nettement inférieur aux 5 951 apatrides recensés en 2011. Sur ces 675 personnes apatrides, 308 sont nées en Serbie, 269 dans des pays de l’ex-Yougoslavie et 98 dans d’autres pays. Pour avoir un aperçu de la situation, voir Serbie, Index sur l’apatridie, disponible à l’adresse : https://index.statelessness.eu/country/serbia. En ce qui concerne les Roms apatrides, voir le Réseau européen sur l’apatridie, Ivanka Kostic, Vicious circles of Roma statelessness in SerbiaA road map, 17 février 2022, disponible à l’adresse : https://www.statelessness.eu/updates/blog/vicious-circles-roma-statelessness-serbia-road-map. L’Institut Praxis sur l’apatridie et l’inclusion et le Réseau européen sur l’apatridie ont également effectué des visites de campements roms dans le pays en 2023 et ont recensé 431 personnes menacées d’apatridie, bien que le nombre réel soit probablement nettement plus élevé, car ces visites ont été menées seulement dans certaines régions.

[9] Article 3, paragraphe 2 de la loi sur la résidence permanente et temporaire des citoyens, Journal officiel de la République de Serbie, no. 87/11.

[10] Article 18 de la loi sur la résidence permanente et temporaire des citoyens, Journal officiel de la République de Serbie, n° 87/11.

[11] Pour plus d’informations, voir également la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (2024), Sixième rapport de l’ECRI sur la Serbie, adopté le 9 avril 2024, paragraphe 95.

[12] Les chiffres relatifs à la «passivation» des adresses communiqués par les autorités albanaises et par les représentants et représentantes de la minorité albanaise au Comité consultatif sont contradictoires. Dans son rapport de 2023, le réseau « Initiative des jeunes pour les droits humains » souligne l’application inadéquate de la loi sur la résidence permanente et temporaire des citoyen·nes au regard de la « passivisation » des adresses des Albanais·es dans les communes de Bujanovac, Medveđa et Preševo.

[13] Les résultats du recensement général de la population de 2022 sont les suivants : groupes ethniques, en milliers de personnes et pourcentage de la population totale : Serbes 5 360 239 (80,64 %), Hongrois 184 442 (2,77 %), Bosniaques 153 801 (2,31 %), Roms 131 936 (1,98 %), Albanais 61 687 (0,93 %), Slovaques 41 730 (0,63 %), Croates 39 107 (0,59 %), Yougoslaves 27 143 (0,41 %), Roumains 23 044 (0,35 %), Monténégrins 20 238 (0,30 %), Valaques 21 013 (0,32 %), Macédoniens 14 767 (0,22 %), Bulgares 12 918 (0,19 %), Ruthènes 11 483 (0,17 %), Bunjevci 11 104 (0,17 %), Russes 10 486 (0,16 %), Goranis 7 700 (0,12 %), Ukrainiens 3 969 (0,06 %), Slovènes 2 829 (0,04 %), Allemands 2 573 (0,04 %), Égyptiens 1 484 (0,02 %), Tchèques 1 317 (0,02 %), Ashkali 1 307 (0,02 %), Juifs 709 (0,01 %), Grecs 690 (0,01 %), Polonais 615 (0,01 %), Aroumains 327 (0,00 %). En outre, 6 403 (0,10 %) répondant·es ont coché l’option «double appartenance», 11 929 (0,18 %) l’option «appartenance régionale», 136 198 (2,05 %) n’ont pas déclaré d’appartenance, tandis que pour 322 013 personnes, l’appartenance était «inconnue».

[14] Voir les résultats du recensement des ménages et des logements de 2022 sur le site internet de Bureau des statistiques, à l’adresse : https://publikacije.stat.gov.rs/G2022/HtmlE/G20221350.html. Les autorités ont informé le Comité consultatif que lors de la publication des données, l’option « appartenance inconnue » englobait les personnes pour lesquelles aucune donnée sur l’appartenance ethnique n’avait été recueillie. Il s'agissait de situations où des données sur l’appartenance ethnique n’étaient pas disponibles, soit parce que la personne était absente et que le membre du ménage présent avait décidé de ne pas la déclarer ou que le répondant ou la répondante avait donné une réponse sans rapport avec l’appartenance ethnique (« partisan d’un club sportif » ou « cosmopolite »), soit parce que les données provenaient de registres administratifs ne mentionnant pas l’appartenance ethnique.

[15] Voir le Troisième Avis du Comité consultatif, adopté le 28 novembre 2013, paragraphes 47-48.

[17]L’article 6 de la Constitution de la Serbie prévoit une clause générale de lutte contre la discrimination.

[18] Réseau européen d’experts juridiques dans le domaine de l’égalité des genres et de la non-discrimination, Serbie, Rapport par pays, Non-discrimination : Transposition et mise en œuvre au niveau national des directives du Conseil 2000/43 et 2000/78, Période de référence 1er janvier 2021 – 31 décembre 2021, p. 41.

[19]Stratégie de prévention et de protection contre la discrimination, 2022, disponible uniquement en serbe à l’adresse https://pravno-informacioni-sistem.rs/eli/rep/sgrs/vlada/strategija/2022/12/2.

[20]Protecteur des citoyens (Médiateur de Serbie), Rapports annuels de 2020 (pp. 7 et 26), 2021 (pp. 9 et 12) et 2022 (pp. 1 et 4), disponibles à l’adresse :

https://www.ombudsman.org.rs/index.php?option=com_content&view=category&layout=blog&id=11&Itemid=13.  

[21]Commissaire à la protection de l’égalité, Rapports annuels de 2020 (p. 20), 2021 (p. 12), 2022 (p. 8), 2023 (p. 8), disponibles à l’adresse : https://ravnopravnost.gov.rs/en/reports/

[22] Voir la Commissaire à la protection de l’égalité, «Attitudes des citoyens à l’égard de la discrimination en Serbie», 2023. L’étude a été réalisée en novembre 2023 et les données ont été recueillies dans le cadre d’entretiens en face à face. Il s’agit de la septième édition d’une série consacrée à ce thème par la CPE. Les études précédentes ont été menées en 2009, 2010, 2012, 2013, 2016 et 2019. L’étude actuelle contient plusieurs questions déjà posées les années précédentes, donnant ainsi un aperçu de l’évolution des comportements des citoyens et citoyennes à l’égard de la discrimination, ainsi que des nouvelles questions sur le modèle des enquêtes Eurobaromètre.

[23] Voir la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (2017), Recommandation de politique générale n° 2 de l’ECRI : Les organismes de promotion de l’égalité chargés de lutter contre le racisme et l’intolérance au niveau national, paragraphes 12 et 28, à consulter sur le site  http://rm.coe.int/ecri-general-policy-/16808b5a23.  

[24] Loi sur la protection des droits et des libertés des minorités nationales, Journal officiel de la République de Serbie, n° 11/2002, n° 1/2003, n°. 172/2009, n° 97/2013 et n° 47/2018.

[25] Loi portant modification de la loi sur la protection des droits et des libertés des minorités nationales, Journal officiel de la République de Serbie, n° 47/2018.

[26] En vertu de l’article 3, paragraphe 2 de la loi relative à la résidence permanente et temporaire des citoyen·nes, les adresses permanentes peuvent être suspendues lorsqu’il n’est plus possible d’établir que la résidence permanente personne correspond au lieu de ses activités de vie principales et de ses relations professionnelles et économiques. Sur la question de la «passivation» des adresses, voir également le Sixième rapport de l’ECRI sur la Serbie, adopté le 9 avril 2024, paragraphe 95. Voir également : Commission européenne, Document de travail des services de la Commission, Rapport sur la Serbie 2023, accompagnant la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions, Brussels, 8.11.2023, SWD(2023) 695 final, p. 50.

[27] Selon les Commentaires (pp. 3-4) du gouvernement de la Serbie sur le quatrième avis du Comité consultatif sur la mise en œuvre de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales par la Serbie du 4 novembre 2019, « ce terme désigne principalement une région couvrant plusieurs communes frontalières de la République de Serbie, de la République du Monténégro et de la Bosnie-Herzégovine, et qui se situe au carrefour de ces trois pays. Il est d’origine turque et correspond à une unité administrative et territoriale de l’Empire ottoman. Récemment, il a été utilisé par certaines personnes de nationalité bosniaque vivant dans les pays susmentionnés, partisans d’un certain découpage politico-territorial correspondant à l’implantation de la communauté bosniaque dans cette partie du monde, et partageant un patrimoine culturel, historique et politique commun ». 

[28] Voir le Comité d'Helsinki pour les droits humains en Serbie, Sandžak:Region of Controlled Tensions, 2021, p. 60.

[29] Voir la Commissaire à la protection de l’égalité, «L’attitude des représentants et représentantes des autorités publiques à l’égard de la discrimination», 2023. Cette étude est la troisième d’une série consacrée à ce thème par la Commissaire. Les études précédentes ont été menées en 2014 et 2018. L'étude actuelle reprend un grand nombre de questions posées les années précédentes et donne un aperçu de l’évolution des attitudes des représentants et représentantes des organismes gouvernementaux à l'égard de la discrimination. Elle contient également de nouvelles questions cadrant avec l'étude réalisée par la Commissaire et intitulée «Les attitudes des citoyens à l’égard de la discrimination en Serbie».

[31] Le plan d'action devrait être préparé dans le cadre de la demande d'adhésion à l’UE de la Serbie, en vue de satisfaire une partie de ses obligations en matière d’acquis communautaire au titre du chapitre 23 sur le système judiciaire et les droits fondamentaux. Voir Commission européenne, Document de travail des services de la Commission Rapport 2023 sur la Serbie, Brussels, 8.11.2023, SWD(2023) 695 final, p. 6.

[33] Voir le Quatrième Avis du Comité consultatif, adopté le 26 juin 2019, paragraphe 13.

[34] Dans le cadre de leurs échanges avec le Comité consultatif, les autorités ont affirmé attendre la publication du cinquième Avis du Comité consultatif pour adopter le «Plan d’action pour l’exercice des droits des minorités».

[36] «Stratégie pour l’inclusion sociale des Roms 2022-2030», adoptée par le Gouvernement de la Serbie conformément à l’article 38, paragraphe 1 de la loi sur le système de planification de la République de Serbie, Journal officiel de la République de Serbie, n° 30/18.

[37] Ils contiennent notamment, sans s’y limiter, la Stratégie pour l’emploi de la Serbie pour la période 2021-2026, la Stratégie pour le développement de l’éducation jusqu’en 2030, la Stratégie en matière de santé publique pour la période 2018-2026 et la Stratégie de lutte contre la discrimination. Chacun de ces documents contient des initiatives et des politiques ciblées conçues pour promouvoir l'égalité et l'inclusion et ainsi servir les objectifs de la «Stratégie pour l'inclusion sociale des Roms 2022-2030».

[38] Voir l’Institut des Sciences sociales, Goran Bašić, Ivana Stjelja, Discrimination et identité rom en Serbie, 2021, disponible à l’adresse : https://www.researchgate.net/publication/353425171_Discrimination_and_Roma_identity_in_Serbia. Voir également Minority Rights Group Europe, Goran Bašić, Les Roms en République de Serbie : les défis de la discrimination, 2021, disponible à l’adresse : https://minorityrights.org/resources/roma-in-the-republic-of-serbia-the-challenges-of-discrimination/.

[39] Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne, Les Roms dans 10 pays européens - Principaux résultats, 2022, disponible à l’adresse : https://fra.europa.eu/en/publication/2022/roma-survey-findings.

[40]Commissaire à la protection de l’égalité, Rapports annuels de 2023, p. 181, disponible à l’adresse : https://ravnopravnost.gov.rs/en/reports/.

[42] Voir la Commission européenne, Document de travail des services de la Commission Rapport de 2023 sur la Serbie, Brussels, 8.11.2023, SWD(2023) 695 final, p. 51.

[43] Rapport étatique, pp. 79-80.

[44] Les exemples d'intégration culturelle cités par les autorités comprennent le projet de 2023 «Des Bosniaques célèbres à Belgrade», qui examine les apports des Bosniaques à la vie culturelle de la ville. Des institutions locales telles que la bibliothèque nationale «Njegoš» (Knjaževac) et le centre culturel de Leskovac intègrent la culture rom dans leurs programmes. En 2024, des productions théâtrales de la minorité albanaise, notamment «Endormi, mais semble rêver éveillé» et «Le Petit Chaperon rouge » ont été cofinancées par les autorités dans le cadre d’un appel à propositions dans le domaine du théâtre et de l'art. L'association macédonienne «Makedonium» organise les «Journées de la culture macédonienne à Belgrade - Un accent de Macédoine», qui favorise la collaboration artistique avec les autres pays. Enfin, la «Pratique de l’art naïf de Kovačica», inscrite sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l'humanité de l'UNESCO souligne l'engagement de la Serbie à préserver le patrimoine culturel des minorités.

[45] Articles 19 et 12 de la loi sur la protection des droits et des libertés des minorités nationales.

[46] Ibid.

[47]Voir le Commentaire thématique n° 3 du Comité consultatif, Les droits linguistiques des personnes appartenant aux minorités nationales en vertu de la Convention-cadre, adopté le 24 mai 2012, paragraphe 25.

[50] Rapport étatique, pp. 108-110.

[52] Voir également le Comité d’Helsinki pour les droits humains en Serbie, La minorité albanaise en suspens, Preševo, Bujanovac et Medveđa otages des relations entre la Serbie et le Kosovo, 2021, p. 37.

[53] * Toute référence au Kosovo dans ce texte, que ce soit le territoire, les institutions ou la population, doit se comprendre en pleine conformité avec la Résolution 1244 du Conseil de sécurité des Nations Unies et sans préjuger du statut du Kosovo.

[54] Voir le Rapport de la Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe publié le 6 septembre 2023 suite à sa visite en Serbie en mars 2023.

[55] Sixième rapport de l’ECRI sur la Serbie, adopté le 9 avril 2024, paragraphe 44. Les autorités ont souligné que des procès efficaces pour crimes de guerre sont essentiels pour poursuivre la démocratisation de la société, comme le souligne la « Stratégie nationale en matière de poursuite des crimes de guerre pour la période 2021-2026 », qui fixe des objectifs concrets et des délais pour sa mise en œuvre. Le Comité consultatif n’a reçu aucune précision concernant sa mise en œuvre.

[56] Radio Free Europe, Radio Liberty, Serbian, Les dirigeants serbes appellent à l'unité, mais évitent toute mention d'une séparation avec la Bosnie , 8 juin 2024, disponible à l’adresse : https://www.rferl.org/a/serbia-srpska-vucic-dodik-bosnia-genocide/32984578.html.

[57] Voir le Haut-commissaire de l’OSCE pour les minorités nationales (2012), Lignes directrices de Ljubljana sur l’intégration dans des sociétés marquées par la diversité, ligne directrice n° 8, p. 18, disponible à l’adresse : https://www.osce.org/files/f/documents/0/9/96883.pdf.

[59] Voir le Commentaire thématique n° 4 du Comité consultatif, paragraphes 53-54 ; Haut-Commissaire de l’OSCE pour les minorités nationales (2012), Lignes directrices de Ljubljana sur l’intégration dans des sociétés marquées par la diversité, ligne directrice n° 12, p. 22, disponible à l’adresse : https://www.osce.org/files/f/documents/0/9/96883.pdf.

[60] Voir le Haut-commissaire de l’OSCE pour les minorités nationales (2012), Lignes directrices de Ljubljana sur l’intégration dans des sociétés marquées par la diversité, ligne directrice n° 8, p. 20, disponible à l’adresse suivante :

https://www.osce.org/files/f/documents/0/9/96883.pdf.

[61] Conseil de sécurité de l’ONU (23 août 2004), «Rétablissement de l’état de droit et administration de la justice pendant la période de transition dans les sociétés en proie à un conflit ou sortant d’un conflit». Rapport du Secrétaire général, S/2004/616

[62] Voir le Commentaire thématique n° 1 du Comité consultatif (2024) sur l’éducation au regard de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales, adopté le 31 mai 2024, révisant et remplaçant le Commentaire thématique n° 1 (2006), paragraphe 18.

[63] Ibid., paragraphe 29.

[65] Loi sur l’interdiction de la discrimination, Journal officiel de la République de Serbie, n° 22/2009. Selon l’article 11, le discours de haine est «l'expression d'idées, d'informations et d'opinions incitant à la discrimination, à la haine ou à la violence envers une personne ou un groupe de personnes en raison de leurs caractéristiques personnelles, dans les organismes publics et autres publications, dans les rassemblements et lieux accessibles au public, par la diffusion écrite et l'affichage de messages ou de symboles, et par d’autres moyens».

[66] Conseil de l’Europe, Ivana Krstić, Rapport sur le recours au discours de haine dans les médias serbes, 30 décembre 2020, disponible à l’adresse : Nouveau rapport : il reste encore beaucoup à faire pour lutter contre les discours de haine dans les médias en Serbie (coe.int).

[67] Media Diversity Institute Western Balkans, Ivana Jovanovic et Anja Andjusic, Rapport sur le discours de haine en Serbie, 15 juillet 2022. Selon le rapport, les commentaires haineux visent les minorités ethniques (25 %), les minorités sexuelles (14,6 %) et les personnes réfugiées/migrantes (9,4 %). Les journalistes et les professionnels des médias (25,2 %) ainsi que les personnalités politiques, les responsables publics et les partis politiques (24,3 %) représentent près de la moitié des auteurs de discours de haine.

[68] Centre européen pour les droits des Roms, Lutter contre l'antitsiganisme numérique : Albanie, Serbie, Turquie, Ukraine, 17 mai 2023, pp. 42-53. Voir également le Comité des avocats pour les droits de l’homme (YUCOM), Situation en matière de discours de haine au Kosovo, en Macédoine du Nord, en Serbie et en Albanie : janvier – mai 2023, à l’adresse : https://yihr-ks.org/hate-speech-situation-in-kosovo-north-macedonia-serbia-albania-january-may-2023/.

[69] Voir également BalkanInsight, Milica Stojanovic, La Serbie enquête sur des incidents à caractère ethnique contre des Bosniaques à Priboj, 11 janvier 2022, disponible à l’adresse : https://balkaninsight.com/2022/01/11/serbia-probes-ethnic-hate-incidents-against-bosniaks-in-priboj/. Voir également la Commissaire à la protection de l’égalité, Rapports annuels de 2022 (p. 20), 2021 (p. 12), 2022 (p. 8), 2023 (p. 8), disponibles à l’adresse : https://ravnopravnost.gov.rs/en/reports/.

[70] Sixième rapport de l’ECRI sur la Serbie, adopté le 9 avril 2024, paragraphes 40-45.

[71]Rapporteur spécial des Nations Unies sur le droit à la liberté d'expression,

La Serbie est exhortée à respecter la liberté d'expression tout en luttant contre les discours haineux

, 6 avril 2023, disponible à l’adresse :https://news.un.org/en/story/2023/04/1135427.

[72] Sixième rapport de l’ECRI sur la Serbie, adopté le 9 avril 2024, paragraphe 41. Voir également Radio Free Europe, Radio Liberty, Nevena Bogdanovic and Alan Crosby, « Le ministre serbe de la Défense suscite la controverse en utilisant un terme péjoratif pour désigner les Albanais », mai 2019, disponible à l’adresse https://www.rferl.org/a/serbian-defense-minister-sparks-controversy-by-using-pejorative-for-albanians/29919664.html.

[73] Sixième rapport de l’ECRI sur la Serbie, adopté le 9 avril 2024, paragraphe 58.

[74] Cour européenne des droits de l’Homme, Jersild c. Danemark, 23 septembre 1994, Série A n° 298, paragraphe 35; voir également Pavel Ivanov c. Russie, requête n° 35222/04, décision du 20 février 2007; M’Bala M’Bala c. France, requête n° 25239/13, décision du 20 octobre 2015, paragraphe 40.

[75]Commission européenne contre le racisme et l'intolérance, Recommandation de politique générale n° 15 sur la lutte contre le discours de haine, adoptée le 8 décembre 2015.

[76] Recommandation CM/Rec(2024)4 du Comité des Ministres aux États membres sur la lutte contre les crimes de haine et Recommandation CM/Rec(2022)16 du Comité des Ministres aux États membres sur la lutte contre le discours de haine.

[78] Rapport étatique, pp. 65-66.

[79] Nedim Sejdinović, Les médias dans les langues des minorités nationales - étude et analyse, Belgrade, 2020, p. 5 (Mediji na jezicima nacionalnih manjina – istraživanje i analiza). 

[80] Loi sur l’information publique et les médias, Journal officiel de la République de Serbie, n° 92/2023.

[81] Équivaut à environ 350 000 €.

[82] Équivaut à environ 420 000 €.

[83]Informations complémentaires fournies par les autorités serbes le 1er août 2024.

[84] Les Ruthènes sont également appelés Rusyns.

[85] Comité d'experts de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, Cinquième rapport d’évaluation sur la Serbie, MIN-LANG(2023)3, publié le 7 juin 2023, disponible à l’adresse https://rm.coe.int/serbia-ecrml5-en/1680ab8322. Voir également la Recommandation CM/RecChL(2023)4 du Comité des Ministres sur l’application de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires par la Serbie, adoptée par le Comité des Ministres le 4 octobre 2023, lors de la 1477e réunion des Délégués des Ministres.

[88] Ibid., para. 42.

[91] Loi sur l’utilisation officielle des langues et des alphabets, Journal officiel de la République de Serbie, n° 45/91, n° 53/93, n° 67/93, n° 48/94, n° 101/2005, n° 30/2010, n° 47/2018 et n° 48/2018. 

[92] Il s'agit, entre autres, de la loi sur les fonctionnaires (Journal officiel de la République de Serbie n° 79/05, 81/05 - corrigendum, 83/05 - corrigendum, n°. 64/07, n° 67/07 - corrigendum, n° 116/08, n° 104/09, n° 99/14, n° 94/17, n°. 95/18, n°157/20 et n°142/22), de la  loi sur les agent·es des provinces autonomes et des collectivités territoriales (Journal officiel de la République de Serbie, n° 21/16, n° 113/17, n° 113/17 telle que modifié, n° 95/18, n° 114/21, n° 92/23), de la loi sur les organismes publics (Journal officiel de la République de Serbie, n° 18/05, n° 81/05 - corrigendum, n° 47/18) et de la loi sur les agent·es de la fonction publique (Journal officiel de la République de Serbie, n° 113/17, n° 95/18, n° 86/19, n° 157/20, n° 123/21).

[93] Ibid., paragraphe 55.

[94] Ibid., paragraphes 56 et 58.

[96] Voir le Commentaire thématique n° 3 du Comité consultatif, paragraphes 61 et 62, respectivement.

[98] Rapport étatique, pp. 44-47.

[99] Parmi ces diverses mesures, le Comité consultatif a été informé de l'élaboration d'annexes nationales et de lecteurs nationaux avec la participation des conseils des minorités nationales, ainsi que de divers projets, notamment ceux menés en coopération avec le Conseil de l'Europe. Il s'agit notamment du projet «Promouvoir une culture de la démocratie dans le système d’enseignement formel et mettre en œuvre le Cadre de référence des compétences pour une culture de la démocratie (CRCCD) du Conseil de l'Europe» et «Une éducation de qualité pour tous et maintenant» (2017-2026).

[102] Ibid., paragraphe 27.

[103] Recommandation CM/Rec(2020)2 du Comité des Ministres aux États membres sur l’intégration de l’histoire des Roms et/ou des Gens du voyage dans les programmes scolaires et les matériels pédagogiques, adoptée par le Comité des Ministres le 1er juillet 2020, lors de la 1380e réunion des Délégués des Ministres.

[105] Ibid., paragraphes 43-44.

[106] Voir la «Stratégie pour l’inclusion sociale des Roms 2022-2030» à l’adresse : https://minljmpdd.gov.rs/wp-content/uploads/2024/04/Strategy-for-Social-Inclusion-of-Roma-in-the-Republic-of-Serbia2022-2030-eng.pdf.

[107] Sixième rapport de l’ECRI sur la Serbie, adopté le 9 avril 2024, paragraphe 76.

[108] Réseau européen d’experts juridiques dans le domaine de l’égalité des genres et de la non-discrimination, Serbie, Rapport par pays, Non-discrimination : transposition et mise en œuvre au niveau national des Directives du Conseil 2000/43 et 2000/78, période de référence 1er janvier 2021 – 31 décembre 2021, pp. 41-42, à l’adresse : https://www.equalitylaw.eu/downloads/5740-serbia-country-report-non-discrimination-2022-1-42-mb

[109] Voir également la Commission européenne, Document de travail des services de la Commission Rapport 2023 sur la Serbie, Brussels, 8.11.2023, SWD(2023) 695 final, p. 51.

[110] Réseau européen d’experts juridiques dans le domaine de l’égalité des genres et de la non-discrimination, Serbie, Rapport par pays, Non-discrimination : transposition et mise en œuvre au niveau national des Directives du Conseil 2000/43 et 2000/78, période de référence 1er janvier 2021 – 31 décembre 2021, pp. 41-42.

[111]Commission européenne, Eurydice, Serbie : L’assistance pédagogique pour améliorer le soutien aux élèves roms, 11 janvier 2024, disponible à l’adresse : https://eurydice.eacea.ec.europa.eu/news/serbia-enhancing-support-roma-students-through-pedagogical-assistance.

[115] Ibid., paragraphe 60.

[116] Cour européenne des droits de l’homme, voir, par exemple, Vona c. Hongrie, requête n° 35943/10, CEDH 2013.

[117] Cour européenne des droits de l’homme, voir, par exemple, Çam c. Turquie, requête n° 51500/08, CEDH 2016.

[119] Ibid., paragraphe 80.

[120] Pour plus de précisions, voir le Cinquième rapport du Comité d'experts de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires sur la Serbie, mars 2023, pp. 9-10, disponible à l’adresse : https://rm.coe.int/serbia-ecrml5-fr/1680ac21c9 Voir également la Recommandation CM/RecChL(2023)4 du Comité des Ministres sur l’application de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires par la Serbie, adoptée par le Comité des Ministres le 4 octobre 2023, lors de la 1477e réunion des Délégués des Ministres.

[121] Les autorités ont informé le Comité consultatif que l'Institut pour l'amélioration de l'enseignement a élaboré en 2024 un cours en ligne intitulé «Formation des enseignant·es pour la mise en œuvre du programme d'enseignement et d'apprentissage du serbe en tant que langue non maternelle dans les premier et second cycles de l'enseignement obligatoire et dans l'enseignement secondaire général». Cette formation comporte deux modules : le premier couvre les fondements théoriques du serbe en tant que langue non maternelle, tandis que le second s’intéresse au développement des compétences didactiques et méthodologiques des enseignant·es, en mettant l'accent sur les aspects pratiques du travail éducatif.

[122] Voir également le rapport étatique, pp. 133-135.

[125] Voir le Cinquième rapport du Comité d'experts de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires sur la Serbie, mars 2023, pp. 9-10, à l’adresse : https://rm.coe.int/serbia-ecrml5-fr/1680ac21c9 Voir également la Recommandation CM/RecChL(2023)4 du Comité des Ministres sur l’application de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires par la Serbie, adoptée par le Comité des Ministres le 4 octobre 2023, lors de la 1477e réunion des Délégués des Ministres.

[127] Ibid., paragraphes 84-86.

[128]Recommandation CM/Rec(2022)1 du Comité des Ministres aux États membres sur l’importance de l’éducation plurilingue et interculturelle pour une culture de la démocratie, exposé des motifs.

[129] Loi sur les conseils nationaux des minorités nationales, Journal officiel de la République de Serbie, n° 72/2009, n° 20/2014, - décision du CC, n°. 172/2009, n° 55/2014 et n° 47/2018.

[130]Commissaire à la protection de l’égalité, Rapports annuels de 2023, p. 179, disponibles à l’adresse : https://ravnopravnost.gov.rs/en/reports/

[131]Ethnicity Research Centre, Goran Bašić, Bojan Todosijević, Ksenija Marković, Jovana Zafirović, « Relations sociales entre les communautés ethniques en Serbie », Belgrade, 2020.

[132] Voir le Quatrième Avis du Comité consultatif, adopté le 26 juin 2019, paragraphe 111.

[133] Loi sur l’autonomie locale, Journal officiel de la République de Serbie, n° 129/2007, n° 83/2014, n° 101/2016, n° 47/2018 et n° 111/2021.

[134] Rapport étatique, pp. 137-143.

[135] Loi sur les partis politiques, Journal officiel de la République de Serbie, n° 36/2009 et n° 61/2015.

[136] Voir l’Avis conjoint de la Commission de Venise et du Bureau des institutions démocratiques et des droits de l'Homme (ODIHR), avis n° 1071/2021, OSCE/ODIHR, avis n° ELE-SRB/449/2022, 19 décembre 2022, paragraphes 140-141.

[138] Ibid., paragraphe 92.

[139] Ibid., paragraphe 129.

[140] Selon les autorités, le cadre de collecte des données sur l’appartenance ethnique et les compétences linguistiques des minorités est conforme à la Constitution et à la législation en vigueur. Les données relatives aux employé·es du secteur public sont enregistrées dans le registre central «Iskra» et dans les dossiers centraux du personnel, garantissant ainsi la déclaration sur une base volontaire comme le prévoit la Constitution.

[141] Ibid., paragraphe 120.

[143] Voir également le Comité d’Helsinki pour les droits humains en Serbie, La minorité albanaise dans l’attente : Preševo, Bujanovac et Medveđa otages des relations entre la Serbie et le Kosovo, 2021, p. 38.

[144] Ibid., p. 43.

[145] Les autorités ont communiqué au Comité consultatif des chiffres concernant la composition des effectifs du Centre de santé de Bujanovac qui emploie 255 personnes, dont 158 Serbes, 93 Albanais, deux Bulgares et deux Roms. Sur les 66 médecins et dentistes, 40 sont serbes, 25 albanais et un seul bulgare. En ce qui concerne le personnel chargé des soins de santé secondaires et de niveau plus élevé, les effectifs sont de 130 personnes dont 76 Serbes et 53 Albanais.

[146] Voir Commission européenne, Document de travail des services de la Commission Rapport de 2023 sur la Serbie, Brussels, 8.11.2023, SWD(2023) 695 final, p. 51.

[147] Voir le Sixième rapport de l’ECRI sur la Serbie, adopté le 9 avril 2024, paragraphe 81.

[148]Commission européenne, Document de travail des services de la Commission Rapport 2023 sur la Serbie, Brussels, 8.11.2023, SWD(2023) 695 final, p. 51.

[149] Loi sur la carte sociale, Journal officiel de la République de Serbie, n° 14/21.

[150]Contributions écrites de l’ONG A 11 Initiative, reçue par le Comité consultatif le 3 septembre 2024.

[151] Voir le Commentaire thématique n° 2 du Comité consultatif, respectivement paragraphes 24 et 27.

[154]Commission européenne, Document de travail des services de la Commission, Rapport 2023 sur la Serbie, accompagnant la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions, Bruxelles, 8.11.2023, SWD(2023) 695 final, p. 51, disponible à l’adresse : https://neighbourhood-enlargement.ec.europa.eu/serbia-report-2023_en. Voir la loi sur le logement et l’entretien des bâtiments, Journal officiel de la République de Serbie, n° 36/2016 et n° 9/2020.

[155] Voir le Sixième rapport de l’ECRI sur la Serbie, adopté le 9 avril 2024, paragraphe 84. Voir aussi la « Stratégie pour l’inclusion sociale des Roms 2022-2030 » 

[156]Ethnicity Research Centre, Goran Bašić, Bojan Todosijević, Ksenija Marković, Jovana Zafirović, « Les relations sociales entre les communautés ethniques en Serbie », Belgrade, 2020.

[157] Groupe des droits de l’homme des Nations Unies en Serbie, Unité du gouvernement de la République de Serbie sur l’Inclusion sociale et la réduction de la pauvreté, Cartographie des campements roms insalubres en fonction des risques et de l’accès aux droits dans la République de Serbie, une attention spécifique étant accordée à l’épidémie de COVID-19, décembre 2020, disponible à l’adresse https://serbia.un.org/sites/default/files/2020-12/web-mapiranje_podstandardnih_romskih_naselja-27-11-eng%20%28002%29.pdf

[159] «Stratégie pour l’inclusion sociale des Roms 2022-2030», adoptée par le Gouvernement de la Serbie conformément à l’article 38, paragraphe 1 de la loi sur le système de planification de la République de Serbie, Journal officiel de la République de Serbie, n° 30/18.

[161] Voir le Quatrième Avis du Comité consultatif, adopté le 26 juin 2019, paragraphe 137.

[162] Voir le Rapport étatique, pp. 144-146.

[163] Voir Haut-commissaire de l’OSCE pour les minorités nationales, Recommandations de Bolzano/Bozen sur les minorités nationales dans les relations interétatiques (2008), Recommandation 17.

[164] Ibid., Recommandation 18.