CEPEJ_rev

Strasbourg, 20 novembre 2017

CEPEJ-SATURN(2017)11

Commission européenne pour l’efficacité de la justice

(CEPEJ)

Groupe de pilotage du Centre SATURN pour la gestion du temps judiciaire

(CEPEJ-SATURN)

22ème réunion

Kristiansand (Norvège), 5 et 7 septembre 2017

RAPPORT DE RÉUNION

Rapport établi par le Secrétariat

Direction générale I - Droits de l’homme et État de droit


 

1.      Le Groupe de pilotage du Centre SATURN pour l’étude et l’analyse du temps judiciaire de la Commission européenne pour l’efficacité de la justice (CEPEJ) a tenu sa 22ème réunion les 5 et 7 septembre 2017 à Kristiansand (Norvège), sur invitation des autorités norvégiennes.

2.      L’ordre du jour et la liste des participants à la réunion figurent respectivement aux annexes I et II du présent rapport.

1.  Informations du Président, des membres du Groupe et du Secrétariat

3.      Giacomo OBERTO (Italie), président du Groupe de pilotage du Centre SATURN, ouvre les travaux et fait adopter l’ordre du jour.

4.      Le Secrétariat rappelle l’excellent accueil réservé au  « Manuel pour la mise en œuvre des outils de la CEPEJ » (CEPEJ-SATURN(2016)6Rev2) préparé par le Groupe de pilotage du Centre SATURN.

5.      Le Secrétariat informe les membres du Groupe des travaux en cours dans les autres groupes de travail de la CEPEJ, notamment en ce qui concerne la mise à jour de la base de données dynamique CEPEJ-STAT et la réception par les Etats-membres des derniers documents relatifs à la qualité de la justice.

6.      Le Secrétariat indique que la CEPEJ continue ses programmes de coopération avec l’Albanie et le Kosovo*[1] et les Etats du voisinage méridional (Maroc, Tunisie, Jordanie). Ces efforts dans le travail intergouvernemental, notamment avec les Etats non membres, ont été salués par le Comité des Ministres.

2. Vers des délais-cadres judiciaires européens – Guide de mise en œuvre

7.      En préparation des échanges à conduire avec les tribunaux-référents, Marco FABRI (expert scientifique, Italie) rappelle qu’une présentation générale leur avait déjà été faite en septembre 2016. Il lui paraît toutefois important de continuer à mettre à jour ces informations sur la base d’une collecte régulière d’information (affaires nouvelles, affaires résolues, affaires pendantes). Trois années antérieures minimum pourraient être retenues (2015 – 2016 – 2017) avec une colonne relative à l’âge des affaires pendantes. La catégorisation des affaires pourrait être celle, générale, déjà présente dans le Guide de mise en œuvre (affaires civiles et administratives contentieuses, affaires pénales) en plus de catégorisation plus précises qui pourraient être communiquées par les juridictions.

8.      Noël RUBOTHAM (Irlande) évoque les possibles difficultés d’une telle collecte auprès d’un réseau extrêmement hétérogène (tant en termes d’instances que d’éventuelles spécialisations) et de classifications d’affaires. Selon lui, une autre utilisation de ces informations pourrait être envisagée. Il suggère de constituer un observatoire des délais européens, en représentant graphiquement les données d’activité des juridictions du réseau des tribunaux-pilotes. A cette fin, il propose qu’un test de représentation graphique puisse être soumis au groupe. Un questionnaire extrêmement simple à serait à envoyer à un ou tribunal référent serait à constituer.

9.      Francesco DEPASQUALE (Malte) insiste sur la nécessité de procurer aux tribunaux-référents un retour concret après une éventuelle collecte de données.

10.    Le Groupe de pilotage confirme l’intérêt d’un principe de collecte régulière de données auprès des tribunaux-référents pour assurer une mise à jour des délais-cadres judiciaires européens. Ce principe est à présenter aux tribunaux-référents.

11.    Le Groupe retient l’idée de la constitution d’un observatoire des délais européens, basé sur la même collecte de données, constitué par une représentation graphique de l’activité des tribunaux-référents volontaires pour ce type de restitution.

12.    Le Groupe demande au Secrétariat de réaliser pour la prochaine réunion du groupe de travail un essai de collecte de données auprès d’un (ou deux) tribunal-référent, sur la base d’un questionnaire simplifié avec les catégories proposées par Marco FABRI. Un essai de représentation graphique pourrait être réalisé par le Secrétariat afin de servir de base de discussion.

3. Jurisprudence récente de la CrEDH quant au critère du délai raisonnable et éventuel suivi par la CEPEJ

13.    Giacomo OBERTO présente le document de travail communiqué par écrit par l’expert Nicolas REGIS (France).

14.    Ce document est une synthèse d’étape de la mission confiée à Nicolas REGIS portant sur l’actualisation du rapport relatif à l’analyse des délais judiciaires dans les Etats membres du Conseil de l’Europe à partir de la jurisprudence de la CrEDH. Ce rapport, dont la dernière mise à jour datait de 2012, a pour but de dégager des enseignements généraux susceptibles d’aider les Etats membres du Conseil de l’Europe à réduire la durée de leurs procédures juridictionnelles.

15.    Le rapport final se décomposera en deux parties :

-       les critères d’application et de décompte du délai raisonnable des procédures judiciaires dans la jurisprudence de la CrEDH ;

-       les phases des procédures dans lesquelles se sont produits des retards ainsi que les causes en donnant une vue générale des voies de recours internes adoptées par les Etats membres pour prévenir ou réparer les conséquences de la durée excessive des procédures.

16.    Ce travail s’appuie sur l’ensemble des arrêts et décisions de la Cour diffusés sur la base HUDOC et recensés via les mots-clés « délai raisonnable », soit environ 700 décisions et arrêts.

17.    Nicolas REGIS précise dans son document que sur la période 2012-2017 examinée par l’expert, le fonctionnement de la Cour a connu plusieurs changements majeurs ayant eu un impact sur les décisions rendues en matière de durée excessive de procédure. Tout d’abord, l’entrée en vigueur du Protocole n° 14 en juin 2010 s’est traduite par une diminution significative des arrêts et décisions rendues en la matière. En outre, depuis 2015, la pratique a été mise en place de disjoindre au sein d’une même procédure les griefs manifestement irrecevables ou mal fondés pour être rapidement déclarés irrecevables par un juge unique.

18.    Nicolas REGIS constate que, du fait de ces évolutions, il y a une quasi-disparition des décisions et arrêts publiés dans les affaires dans lesquelles la durée de la procédure est jugée « raisonnable » par la Cour, qui font désormais principalement l’objet de décisions rendues par un juge unique (pour défaut manifeste de fondement). On assiste, d’une manière plus générale, à une raréfaction des indications données par la Cour quant aux critères qui la guident dans l’appréciation du caractère raisonnable d’une durée de procédure. Il s’agit là d’une tendance constante depuis la première version de ce rapport qui a toutefois connu une accélération sur la période 2012-2017. Il convient toutefois de relever que cette baisse statistique s’explique aussi par l’amélioration des procédures judiciaires due aux réformes mises en place par les Etats membres pour se conformer à la jurisprudence de la Cour, comme le révèlent les rapports annuels et résolutions du Conseil des Ministres.

19.    Malgré ce contexte, Nicolas REGIS a pu procéder à son travail d’expertise sur un échantillon suffisant de décisions (700, cf. supra). Il relève que sur cette période d’actualisation, la Cour a rappelé ses critères de contrôle qui demeurent pour l’essentiel inchangés. La période étudiée se caractérise surtout par un approfondissement de la jurisprudence de la Cour à propos des recours internes permettant de remédier à la durée excessive des procédures. La Cour a précisé les caractères que devaient revêtir ces recours pour être effectifs et a développé dans ce cadre un contrôle renforcé au regard – précisément – du droit à être jugé dans un délai raisonnable.

20.    Giacomo OBERTO évoque à l’issue de cette présentation le calendrier de la poursuite des travaux de Nicolas REGIS.

21.    Francesco DEPASQUALE soumet l’idée d’une large promotion de ce travail, dont la précédente mise à jour avait été extrêmement structurante pour l’ensemble des activités du Groupe de pilotage. Une conférence de presse, sur le modèle du rapport d’évaluation, pourrait être tenue.

22.    Le Groupe de pilotage prend acte du calendrier de travail de l’expert, conduisant au dépôt du rapport avant la prochaine réunion en 2018 en vue de son adoption et sa communication à la prochaine réunion plénière de la CEPEJ.

23.    Le Groupe charge le Secrétariat de lui proposer pour la prochaine réunion un plan de communication et de promotion de ce rapport.

4. Gestion des règles de temps judiciaire pour les affaires pénales dans les articles 5 et 6 de la CEDH

24.    Jon JOHNSEN (expert scientifique, Norvège), présente les conclusions d’une analyse préparatoire relative à la gestion des règles du temps judiciaire pour les affaires pénales dans le cadre de l’article 5 CEDH. L’objectif assigné à cette analyse est de permettre au Groupe de cadrer le contenu d’un rapport traitant des délais-cadres pouvant être déduits de la Convention en matière pénale.

25.    Jon JOHNSEN précise en introduction que son analyse a été étendue à l’article 6 CEDH, dans ses dispositions spécifiques au droit pénal. L’article 6 en effet prescrit une information rapide d’un accusé des charges portées contre lui et un temps adéquat pour préparer sa défense. Ces garanties ont paru à l’expert devoir être traitées conjointement avec celles de l’article 5 (présentation rapide devant un juge pour toute privation de liberté, droit à être jugé dans un délai raisonnable, décision à bref délai). Même si les deux articles protègent des intérêts distincts, ils se recouvrent parfois et sont complémentaires.

26.    Jon JOHNSEN ajoute que cette analyse préparatoire n’est en rien une première version d’un rapport, mais prend la forme d’un document de discussion pour lequel l’expert souhaite un échange avec les membres du Groupe afin d’obtenir leurs propres réflexions et suggestions.

27.    Jon JOHNSEN remercie le Secrétariat de la CEPEJ pour le travail préalable de recherche effectué, qui a grandement contribué à la réalisation de l’analyse préparatoire.

28.    En synthèse, l’analyse opérée par Jon JOHNSEN comporte deux dimensions principales, à savoir :

-       une dimension normative qui met l'accent sur les questions de principe dans les réglementations relatives à l'utilisation du temps ; cette analyse normative devrait se concentrer à la fois sur l'utilisation du temps alloué et sur la façon de le mesurer en plus de répertorier les autorités judiciaires chargées de contrôler l'utilisation du temps ;

-       une dimension pratique qui présenterait des instruments opérationnels pour assurer une application effective dispositions normatives ; cette partie de l’analyse pourrait décrire la manière dont les outils SATURN existants peuvent déjà être utilisés et définir de nouveaux outils spécifiques.

29.    Jon JOHNSEN insiste sur l’importance de cette dimension pratique puisque la jurisprudence de la CEDH demande aux Etats-membres de mettre en œuvre des outils de suivi précis des délais.

30.    Il propose donc de développer une chronologie propre pour les affaires pénales dans les lignes directrices SATURN, structurée de la même manière que l'indicateur quatre actuel, mais avec des événements adaptés aux particularités de la procédure pénale (notamment en mettant davantage l'accent sur la chronologie des enquêtes et des poursuites). Les dispositions des articles 5 et 6 de la Convention sont évidemment à intégrer dans cette chronologie,  des "délais minimums de sécurité". Les tribunaux-référents pourraient être sollicités pour communiquer sur leurs propres pratiques et mesurer les délais habituels.

31.    Jon JOHNSEN suggère aussi de prescrire l’utilisation des outils informatiques dans les tribunaux pour le suivi de l'utilisation du temps sur la base de cette chronologie, avec des avertissements et des systèmes d'alerte pour toutes les étapes importantes.  Le système devrait indiquer le temps combiné utilisé depuis le début de l'enquête à la police, au parquet et aux tribunaux. 

32.    Un guide d’implémentation pourrait compléter ce travail, afin que les systèmes judiciaires et/ou les experts de la CEPEJ disposent d’un document pratique et concret.

33.    Noel RUBOTHAM salue le travail remarquable réalisé. Il souligne les possibles difficultés à intégrer tous les acteurs ayant une responsabilité dans le délai des affaires pénales (police, autorité de poursuite). Mais, au vu du contrôle systématique du juge en ce qui concerne la durée des procédures, de la jurisprudence pourrait être trouvée en ce qui concerne des « délais minimum de sécurité » et les moyens de contrôle délégués aux juges.

34.    Le Groupe de pilotage mandate en conséquence Jon JOHNSEN pour intégrer dans les outils existants de la CEPEJ, en particulier les lignes directrices SATURN, les délais relatifs aux procédures pénales prescrits par les articles 5 et 6 CEDH et la jurisprudence en découlant.

35.    Le Groupe souhaite que le travail déjà réalisé par le Secrétariat puisse servir de base à un document comparable à celui de Nicolas REGIS et lui être soumis en vue de son adoption.

36.    Le Groupe demande au Secrétariat de lui communiquer, sur la base du rapport relatif à l’évaluation de l’utilisation des technologies de l’information dans les tribunaux européens (étude n°24 de la CEPEJ), un panorama de l’utilisation de l’information dans le domaine pénal.

37.    Le Groupe estime qu’il est trop tôt pour solliciter à ce stade les tribunaux-référents.

5.  Discussion relative à l’étude sur les délais judiciaires au sein des tribunaux de 2ème instance et de la plus haute instance (données 2014)

38.    Le Groupe de pilotage procède, avec l’experte missionnée, Julinda BEQIRAJ (Albanie), à une revue du travail préparatoire à la mise à jour de l’étude relative aux délais judiciaires au sein des tribunaux de 2ème instance et de la plus haute instance avec les données 2014.

39.    Le Groupe rappelle que le périmètre de l’étude était désormais arrêté à 3 cycles (2010, 2012 et 2014) et devait se concentrer sur la durée (indicateur du Disposition Time), le nombre d’affaires pendantes et la durée moyenne des affaires.

40.    L’utilisation des indicateurs médians (au lieu de la moyenne) apparait pertinente au Groupe.

41.    Marco FABRI relève la relative faiblesse des comparaisons entre les différents pays s’agissant des instances d’appel et des cours suprêmes au vu de l’absence de données dans certaines catégories.

42.    Julinda BEQIRAJ propose de conduire dans le chapitre final de son rapport une étude longitudinale sur la durée intégrale des procédures, pour l’ensemble des instances.

43.    Le Groupe invite l’experte à procéder à un premier cadrage écrit de son étude, sur la base de la proposition émise par Jacques BULHER (Suisse) lors de la réunion du Groupe de pilotage de mars 2017. Julinda BEQIRAJ est invitée à présenter ses premières analyses pour la prochaine réunion plénière de la CEPEJ.

6. Impact du comportement des avocats sur la durée des procédures

44.    A titre liminaire, le Groupe de pilotage souhaite reformuler le titre de l’activité sous la forme suivante : rôle des parties et des praticiens afin de prévenir les retards dans le traitement des procédures judiciaires (Role of parties and practioners in reaching delays in disposal of court proceedings).

45.    Noel RUBOTHAM présente au Groupe un court document de discussion présentant les différents sujets lui paraissant devoir être traité dans un éventuel rapport :

-       identification des différents motifs de retard (délais générés par le système ou une mauvaise gestion des affaires ; délais générés par les praticiens professionnels et les parties ; délais générés par les parties non représentées)

-       description des obligations découlant de l’article 6 CEDH et de sa jurisprudence

-       description des retards générés par les avocats (insuffisante préparation, difficultés de communication ou à traiter des incidents de procédures dans la phase préparatoire du procès ; difficulté à trouver une entente pour un règlement amiable avant un procès ; recours excessif à des exceptions de procédures ; difficulté à respecter un calendrier de procédure ; conduite inadaptée du procès) – il convient de préciser que dans les pays de droit continental, le juge peut disposer de pouvoir spécifiques dans la conduite du procès et donc prévenir (ou générer lui-même) des retards

-       description des retards générés par les parties elles-mêmes (mauvaise compréhension de la procédure, préparation insuffisante du procès, écrits ou arguments à la qualité insuffisante, conduite erratique du procès, appels abusifs,  etc.)

-       identification de mesures pour prévenir des retards tels que des mesures procédurales et des mesures s’adressant aux parties non représentées.

46.    Giacomo OBERTO précise que les solutions sont parfois à trouver dans la loi, notamment un système de calcul des frais d’avocats les encourageant à une certaine célérité. De telles dispositions manquent en Italie.

47.    Ivan CRNCEC (Croatie) s’interroge sur la forme du document pouvant être produit par le Groupe. Le rapport pourra prendre la forme d’un compendium de bonnes pratiques ou d’un guide pratique.

48.    Noel RUBOTHAM précise qu’il ne s’agirait pas nécessairement de créer un nouveau document, mais d’inclure dans les documents existants de nouvelles références. Francesco DEPASQUALE est en accord avec cette orientation. Marco FABRI estime que le « compendium des bonnes pratiques pour la gestion du temps judiciaire » (CEPEJ(2006)13) pourrait être enrichi de nouveaux exemples spécifiques.

49.    Le Groupe de pilotage souhaite collecter des nouveaux exemples pour enrichir le compendium des bonnes pratiques. Ivana BORZOVA (République tchèque) est chargée de collecter des exemples de pays de droit continental pour la prochaine réunion.

50.    Le Groupe souhaite voir publier tous les nouveaux exemples de bonnes pratiques sur internet, au sein de la rubrique « CEPEJ Innovation Center ».

7.  Les technologies de l’information dans les salles d’audience des tribunaux – facteur de gain de temps

51.    Christian LICOPPE (expert scientifique, Frrance) présente au Groupe de pilotage le résultat de ses travaux portant sur l’utilisation des technologies de l’information dans les salles d’audience.

52.    Il commence par dresser un panorama des technologies applicables aux audiences telles que la visio-conférence ou la présentation de preuves électroniques.

53.    L’exemple d’une télé-audience d’un demandeur d’asile est présenté. Il y est démontré les difficultés d’un tel exercice (lisibilité des preuves apportées par le demandeur d’asile par exemple) et les enjeux du cadrage (l’image a sa propre sémantique, pouvant comporter des biais). D’une manière plus générale, la visio-conférence met à l’épreuve l’idéal normatif de la comparution « corps présent » dans l’audience judiciaire face à de nouveaux enjeux (notamment économiques de réduction des frais de justice).

54.    Plus précisément pour l’expert, les dispositifs de comparution à distance peuvent se prêter à deux lectures opposées. Dans la première, elles fragilisent en effet l’idéal de la coprésence comme forme primordiale de la sociabilité (institutionnelle ou autre), et rendent vulnérables le cadrage des situations sociales à toutes sortes de porosités numériques plus ou moins nuisibles. Dans la seconde, elles constituent une ressource positive pour réaffirmer la nécessité d’un traitement des personnes, des usagers, des citoyens dans le cadre de situations d’interaction où l’on s’attend à ce qu’elles puissent être entendues, et donc qu’il y arrive quelque chose, et en préserver la possibilité.

55.    Georg STAWA (Autriche) souligne la très forte valeur ajoutée de ces technologies qui permettent de faire abaisser les coûts de traitement des affaires et d’accélérer le processus judiciaire.

56.    Giacomo OBERTO rappelle que ces dispositifs sont très largement utilisés en Italie en matière civile et qu’ils nécessitent une adaptation de la loi et de la procédure. Noel RUBOTHAM estime pour sa part que le gain de temps n’est pas le produit des nouvelles technologies elles-mêmes mais est à trouver dans une nouvelle organisation du travail, s’appuyant sur les technologies. Christian LICOPPE confirme qu’une réflexion sur la procédure est un préalable indispensable à toute définition d’une audience réellement utile. Pour Georg STAWA, nous essayons en général d’appliquer les technologies de l’information à un cadre procédural du XIXème siècle. C’est en cela que les gains de temps escomptés ne sont pas systématiquement atteints. Janis DREIMANIS (Lettonie), membre d’une délégation invitée, évoque la situation dans son pays, où l’utilisation de la vidéoconférence est en train de s’étendre (ce dispositif facilite déjà l’audition des personnes en détention). Il est d’accord avec la nécessité de faire évoluer le cadre procédural. Il souligne un important paradoxe : des politiques publiques font aujourd’hui la promotion d’un accès facilité à la justice en réduisant l’accès au juge.

57.    Danka KOVALA (Slovaquie), membre d’une délégation invitée, estime qu’il existe un manque de personnel qualifié pour supporter la transformation numérique. L’influence de l’industrie et des services informatiques sur l’équipement des tribunaux est importante, alors que l’on devrait équiper les tribunaux en fonction de leurs besoins réels.

58.    Giacomo OBERTO rappelle que l’article 6 CEDH met l’accent sur des audiences publiques en matière pénale. En matière civile, le besoin d’audiences physiques pourrait paraître comme moins impératif si les preuves sont administrées par la voie écrite.

59.    Le Groupe de pilotage salue la présentation effectuée par Christian LICOPPE.

60.    Le Groupe décide de communiquer les conclusions de cette présentation au groupe de travail qualité (CEPEJ-GT-QUAL), ayant produit les lignes directrices cyberjustice, afin d’identifier d’éventuelles pistes de travail.

8. Lignes directrices du Centre SATURN pour la gestion du temps judiciaire

61.    En ce qui concerne l’annexe EUGMONT des lignes directrices, le Secrétariat présente une mise à jour consistant :

-       au rajout d’une colonne supplémentaire relative aux affaires vieilles de plus de 2 ans dans le tableau de l’exemple I figurant dans l’annexe I

-       à l’intégration entre les exemples III et IV dans l’annexe I un paragraphe traitant l’âge des affaires pendantes, ainsi qu’un tableau relatif aux affaires civiles et administratives et un pour les affaires pénales.

62.    Le Groupe de pilotage adopte les modifications opérées par le Secrétariat.

63.    Le Groupe renvoie à la prochaine réunion les travaux consistant à enrichir la définition des catégorisations d’affaires (au niveau du tribunal, au niveau national et au niveau européen).

9. Pondération des affaires (Caseweighting) dans les tribunaux européens

64.    Le Groupe de pilotage analyse les conclusions de l’atelier conduit le 6 septembre 2017 avec les différents tribunaux-référents. Ce rapport est réalisé conjointement par Francesco DEPASQUALE et Noel RUBOTHAM. Ils rappellent en introduction qu’il existe une demande généralisée des représentants des tribunaux-référents de mieux comprendre ce concept pour l’implémenter de manière pratique.

65.    Il est rappelé que la pondération des affaires est un dispositif d’évaluation de la complexité d’une procédure. Cette évaluation est ensuite utile pour évaluer la durée prévisionnelle d’une audience, les moyens à allouer pour son traitement, affiner le traitement statistique, etc., et distribuer le travail entre les juges de manière équitable.

66.    Aux Pays-Bas, le système de pondération des affaires dispose d’une échelle de A (simple) à D (complexe). Ce mécanisme n’est effectif que dans 3 tribunaux de première instance et 3 cours d’appel. Il permet de déterminer le temps d’audience prévisionnel pour une affaire et d’assurer une assignation des affaires équilibrée entre juges. Le système est toutefois critiqué pour son manque de transparence et l’absence de règles fortes. La dématérialisation des affaires (en cours) est susceptible de modifier ce système.

67.    En Autriche, ce système assure une distribution juste des affaires entre les juges. Un agent spécialisé du tribunal analyse les affaires nouvelles à l’aide d’une feuille de calcul Excel dédiée à cet effet Cette feuille comporte 40 catégories d’affaires et procède à un calcul (affaire x temps théorique / juges disponibles). Ce système a été évalué positivement par un consultant suisse, qui a obtenu les mêmes résultats en procédant à un chronométrage du temps effectivement consommé par un échantillon de juge. Cet outil de mesure est utilisé depuis 10 ans dans tout le pays pour évaluer la charge de travail prévisionnelle (affaires nouvelles) et va être adapté pour calculer la charge de travail effective (affaires résolues). L’outil n’est utilisé que partiellement pour l’allocation des moyens en personnel. Il est revu régulièrement pour demeurer efficace.

68.    En Croatie, il existe un cadre extrêmement précis imposé aux juges. Il a été opéré à une catégorisation extrêmement précise des affaires (165) et à une définition d’un nombre annuel minimum d’affaires à traiter par juge, en fonction de la complexité de chaque catégorie. Entre 2004 et aujourd’hui, les résultats sur la productivité ont été considérables puisque le stock global d’affaires pendantes a été réduit de 1,6 millions à 500 000. Ces normes par juge ne sont toutefois pas exemptes de défaut puisque pour certaines catégories, les objectifs sont aisément atteignables, pour d’autres jamais dépassés.

69.    En Slovaquie, un groupe de travail de juge a été constitué en 2011 et a produit un système cadre comparable à celui de la Croatie.

70.    En République tchèque, il existe aussi des objectifs mais non contraignants.

71.    En Azerbaïdjan, l’allocation des affaires est effectuée aléatoirement. Cette allocation s’effectue sur la base d’une catégorisation extrêmement claire des procédures. Le problème rencontré lors de la mise en œuvre du dispositif il y a deux ans a essentiellement consisté à l’absence d’évaluation de la complexité des affaires, conduisant à une distribution entre juges relativement inéquitable. De plus, le système ne prenait pas en compte les arrêts de travail et les vacances de poste. Une enquête complémentaire est donc réalisée pour ajuster les outils automatisés d’allocation. Aucun lien n’est opéré entre ce système et l’allocation de moyens.

72.    En Finlande, un questionnaire est régulièrement adressé aux juges pour opérer à une évaluation de leur charge de travail.

73.    En Israël, le système a été inspiré par une pratique importée des Etats-Unis. L’Etat utilise la méthode « Delphi » (moyenne sur un panel d’affaires traitées dans les 5 dernières années) sur un échantillon de 51 juges, avec une stricte catégorisation des affaires. Un temps est estimé pour chacun des types d’affaires. L’idée est maintenant d’étendre le panel car la perception des juges sur la réalité de leur travail est parfois différente. En toute hypothèse, le travail d’évaluation ne s’opère pas sur un juge en particulier mais en moyenne sur l’ensemble du tribunal pour une catégorie donnée.

74.    En Irlande, il n’existe pas de système de pondération des affaires. Le juge est saisi par une liste d’affaires allouées et ensuite il les traite de son mieux. Noel RUBOTHAM évoque les constats d’une précédente expertise menée dans un pays européens, où il avait constaté des manipulations des systèmes en place pour s’assurer une moindre charge de travail.

75.    Jon JOHNSEN évoque le système danois également en place qui pondère les affaires non seulement pour les tribunaux mais également pour l’aide judiciaire, puisque les avocats sont rémunérés en fonction de la complexité de la procédure.

76.    Giacomo OBERTO s’interroge sur la clarté des objectifs assignés à ce type de calcul, qui peut être utilisé pour l’allocation d’affaires mais aussi pour l’évaluation des juges par un Conseil de juges. De plus, il souligne la nécessité de calculs adaptés à chacune des catégories d’affaires. Francesco DEPASQUALE précise que durant l’atelier avec les tribunaux-référents, ces détails n’ont pas été évoqués mais ils rentreront dans le cadre de l’analyse du document final produit par le Groupe. Le lien lui semble à faire avec les délais-cadres européens définis par la CEPEJ et la jurisprudence de la CEDH.

77.    Le Groupe de pilotage renouvelle son intérêt pour approfondir en 2018 ses travaux sur ce sujet et produire un document pratique, à destination des praticiens souhaitant mettre en œuvre un système de pondération des affaires.

78.    Le groupe souhaite obtenir communication de l’Autriche d’exemples d’allocation d’affaire afin d’examiner de manière plus approfondie la méthode de calcul utilisée.

79.    Le Groupe décide par ailleurs de réaliser, avant sa prochaine réunion, une réunion de travail dans un tribunal souhaitant mettre en place un tel système, afin de confronter les diverses méthodes européennes aux pratiques concrètes d’une juridiction. Francesco DEPASQUALE exprime le souhait d’accueillir cette réunion de travail, dans le cadre d’un programme de « court coaching », afin de faire progresser la pratique dans sa propre juridiction.

10. Tableaux de bord pour la gestion des tribunaux

80.    Le Secrétariat synthétise les débats de l’atelier conduit avec les tribunaux-référents le 6 septembre 2017.

81.    Il est rappelé à titre d’introduction qu’un tableau de bord est un ensemble de table et/ou graphique (diagrammes en barre, camemberts, etc) qui a pour objectif de surveiller le flux des affaires, l’allocation des ressources humaines, etc. Ces tableaux sont à destination de la direction du tribunal mais aussi de l’ensemble des juges afin d’assurer une totale transparence de l’activité de la juridiction.

82.    Le projet de tableau de bord discuté avec les tribunaux-référents sur proposition du Secrétariat est favorablement accueilli par le Groupe de pilotage.

83.    Pour Jon JOHNSEN, les indicateurs mentionnés sont en cohérence avec la littérature déjà produite par le Groupe de pilotage SATURN. Il rappelle que la plupart des pays disposent maintenant d’indicateurs statistiques parfaitement définis mais qu’il manque en général :

-       un niveau d’analyse au niveau des juges eux-mêmes,

-       un découpage par étape procédurale afin d’identifier les éventuels points de congestion dans le traitement des affaires,

-       une analyse « prédictive », construite sur la base des statistiques antérieures.

84.    Il souligne la nécessité d’employer strictement les termes caseload (tâches juridictionnelles seulement définies par le nombre d’affaires qu’un tribunal ou un juge a à traiter – somme des affaires nouvelles + des affaires pendantes) et workload (somme de toute la charge de travail pour un tribunal ou pour un juge, incluant tâches juridictionnelles et non juridictionnelles – tâches de management, de représentation, etc).

 

85.    Le Groupe de pilotage demande au Secrétariat de capitaliser le travail réalisé à ce sujet par Jacques BULHER dans le cadre des programmes de coopération.

86.    Le groupe charge le Secrétariat de concevoir un nouveau modèle de tableau de bord avec les résultats de l’atelier conduit avec les tribunaux-référents et le contenu des échanges de cette réunion, sous la forme d’un nouveau document de travail sous Word et d’une feuille automatisée sous Excel.


ANNEXE I

ORDRE DU JOUR

  1. Ouverture de la réunion

  1. Information du Président, des membres du Groupe et du Secrétariat

  1. Préparation de la 12ème réunion plénière du Réseau des tribunaux référents

  1. Vers des délais judiciaires européens - Guide de mise en œuvre

  1. Lignes directrices du Centre SATURN pour la gestion du temps judiciaire

  1. Jurisprudence récente de la CrEDH quant au critère du délai raisonnable et éventuel suivi par la CEPEJ

  1. Gestion des règles de temps judiciaire pour les affaires pénales dans les articles 5 et 6 de la CvEDH

  1. Discussion relative à l'étude sur les délais judiciaires au sein des tribunaux de 2ème instance et de la plus haute instance (données 2014)

  1. Pondération des affaires dans les tribunaux européens

  1. Impact du comportement des avocats sur la durée des procédures

  1. Les technologies de l'information dans les salles d'audience des tribunaux - facteur de gain de temps

  1. Tableau de bord  pour la gestion des tribunaux

  1. Programmes de coopération

  1. Programmes de court coaching

  1. Other items / Divers


ANNEXE II 

List of Participants / Liste des participants

MEMBERS / MEMBRES

Ivana BORZOVÁ, Head of Department of Civil Supervision, Ministry of Justice, PRAGUE, CZECH REPUBLIC

Ivan CRNČEC, Assistant Minister of Justice, ZAGREB, CROATIA

Francesco DEPASQUALE, Magistrate, Legal Advisor to the Director General, Ministry of Justice and Home Affairs, VALLETTA, MALTA

Gerassimos FOURLANOS, Vice-President of the Supreme Civil and Penal Court, ATHENS, GREECE, Apologised / Excusé

Giacomo OBERTO, Magistrat, TURIN, ITALY

Noel RUBOTHAM, Head of Reform and Development, Courts Service, DUBLIN, IRLAND

PRESIDENT OF CEPEJ /PRESIDENT DE LA CEPEJ

Georg STAWA, Secretary General of the Austrian Ministry of Justice, VIENNA, AUSTRIA

***

Scientific ExpertS / Experts scientifiques

Julinda Beqiraj, Associate Senior Research Fellow in the Rule of Law, Bingham Centre for the Rule of Law, LONDON, UNITED KINGDOM

Marco FABRI, Director, Research Institute on Judicial Systems, National Research Council (IRSIG-CNR), BOLOGNA, ITALY

Jon T. JOHNSEN, Professor in Law, Faculty of law, OSLO, Norway

Christian LICOPPE, Department of Social Science, Telecom Paristech, PARIS, FRANCE

***

INVITED DELEGATIONS / DELEGATIONS INVITEES

LATVIA / LETTONIE

Jānis DREIMANIS

Lauma LEGZDIŅA

SLOVAK REPUBLIC / REPUBLIQUE SLOVAQUIE

Danka KOVALOVÁ, Director of the analytical Centre, Ministry of Justice, BRATISLAVA

OBSERVERS / OBSERVATEURS

EUROPEAN UNION OF RECHTSPFLEGER AND COURT CLERKS / UNION EUROPEENNE DES GREFFIERS DE JUSTICE (EUR)

Michel CRAMET, Directeur Délégué à l’Administration Régionale Judiciaire, Cour d'appel de LYON, FRANCE, Excusé / Apologised

***

COUNCIL OF EUROPE / CONSEIL DE L’EUROPE

SECRETARIAT

Directorate General of Human Rights and Rule of Law (DGI,  Division for the Independence and Efficiency of Justice / Direction générale droits de l’Homme et Etat de droit (DGI), Division pour l’indépendance et l’efficacité de la justice

E-mail : [email protected]

Stéphane LEYENBERGER, Executive Secretary of the CEPEJ / Secrétaire exécutif de la CEPEJ, Tel: +33 (0)3 88 41 34 12, e-mail: [email protected]

Yannick MENECEUR, Administrator / Administrateur, Tél: +33 (0)3 90 21 53 59, e-mail : [email protected]

Stéphanie BUREL, Project coordinator,  Albania, Kosovo* / Albanie, Kosovo*, Tel : +33 (0)3 88 41 22 27, e-mail : [email protected]

Annette SATTEL, Administration et Réseaux, Tél: +33 (0)3 88 41 39 04, e-mail: [email protected]

Ioana VOELKEL,  Assistant/Assistante, Secretariat of the CEPEJ / Secrétariat de la CEPEJ, +33 (03) 90 21 42 94,  e-mail: [email protected]

Elisabeth HEURTEBISE, Assistant/Assistante, Secretariat of the CEPEJ / Secrétariat de la CEPEJ, Tél : +33 (0)3 88 41 35 54, e-mail: [email protected]   



[1] * Toute référence au Kosovo dans ce texte, qu'il s'agisse du territoire, des institutions ou la population, doit se comprendre en pleine conformité avec la Résolution 1244 du Conseil de sécurité des Nations Unies et sans préjudice du statut du Kosovo