7 décembre 2022
CEPEJ(2022)11
COMMISSION EUROPEENNE POUR L'EFFICACITE DE LA JUSTICE
(CEPEJ)
Promouvoir la médiation pour régler les différends de nature administrative au sein des États membres du Conseil de l’Europe |
La Recommandation Rec(2001)9 du Conseil de l’Europe relative aux modes alternatifs de règlements des litiges entre les administrations et les personnes privées a été complétée, en 2007, par les Lignes directrices de la CEPEJ visant à améliorer la mise en œuvre de la Recommandation Rec(2001)9[1]. En 2017, après avoir étudié l’impact des différents outils du Conseil de l’Europe en matière de médiation au sein de ses États membres[2], le groupe de travail sur la médiation de la CEPEJ s’est rendu compte que les outils en matière de médiation administrative étaient peu connus et peu utilisés par les États membres.
Dans la continuité du travail réalisé par le CEPEJ-GT-MED s’agissant de la médiation en matière civile et familiale, le CEPEJ-QUAL[3] a par conséquent décidé de lancer une étude comparative sur les différents systèmes de médiation administrative en Europe[4] afin, tout d’abord, de faire un état des lieux et d’identifier, compiler et disséminer les bonnes pratiques en la matière mais également de réfléchir, sur la base de cette étude, à ce que la CEPEJ pourrait proposer afin de mieux accompagner les États membres dans le développement/l’amélioration de l’usage de la médiation administrative.
Après avoir pris connaissance des résultats de l’étude, le CEPEJ-GT-QUAL a décidé de travailler à l’élaboration d’un guide sur la médiation administrative qui, à travers une approche pratique et concrète, a pour objectif de favoriser et faciliter l’usage de la médiation administrative dans les États membres. Le guide entend insister sur les particularités de la médiation en matière administrative mais il n’a pas vocation à faire de la médiation un procédé pour se substituer au recours au juge ni pour remédier aux dysfonctionnements du système judiciaire.
Le rappel des définitions et des principes en la matière permettra de mettre en évidence les particularités de la médiation pour résoudre un différend dans lequel l’administration est partie. Le guide insiste également sur les avantages du processus avant de proposer l’adoption de certaines mesures destinées à promouvoir le développement le plus large possible de la médiation dans ce domaine. Ces mesures s’inspirent, dans la majorité des cas, d’exemples et de bonnes pratiques qui sont présentés dans l’annexe.
Définition et principes
La médiation se présente comme un processus structuré et confidentiel, dans lequel une personne tierce et impartiale assiste les parties en facilitant la communication entre elles dans le but de résoudre les questions en litige[5].
La médiation peut porter sur un litige administratif ou un différend d’ordre administratif qui oppose les autorités administratives aux personnes privées ou aux agents publics et dont le règlement incombe, en principe mais pas nécessairement, au juge compétent pour régler les litiges administratifs.
La médiation en matière administrative peut prendre trois formes : la médiation institutionnelle, la médiation conventionnelle et la médiation juridictionnelle ou para-juridictionnelle.
La médiation institutionnelle est un processus mené par un médiateur institutionnel, généralement issu de l’administration ou ayant le statut d’un ombusdman. Elle permet de résoudre une très large palette de différends qui ne se limitent pas aux litiges administratifs au sens strict (ceux dont le règlement incombe à une juridiction). Elle permet de régler des conflits qui procèdent d’une « maladministration ».
La médiation conventionnelle est mise en œuvre lorsque les parties à un conflit décident de solliciter un tiers médiateur pour que celui-ci les aide à trouver une solution à leur conflit.
La médiation juridictionnelle ou para-juridictionnelle s’inscrit dans le cadre d’un procès pour résoudre un litige administratif. La juridiction a déjà été saisie d’un recours mais les parties décident entre elles d’entrer en médiation ou bien le juge les invite à le faire. Dans ce cas, la procédure juridictionnelle est interrompue pour laisser place au processus de médiation.
Quelle que soit la forme de la médiation, le médiateur est toujours un tiers indépendant par rapport aux parties. Il doit être impartial. Il doit justifier de compétences, à la fois juridiques et techniques, pour la résolution du conflit en cause. Il doit conduire la procédure dans un temps limité et respecter le principe de confidentialité. Le processus repose sur la bonne volonté des parties et doit préserver la liberté de celles-ci de pouvoir l’interrompre à tout moment, une fois qu’il est amorcé. La médiation réussit lorsque les parties se mettent d’accord sur une solution acceptable, ce qui vide le litige ou le différend.
Le procédé de la médiation concerne tout type de différends et n’est pas propre à la résolution des différends de nature administrative. Il apparaît toutefois particulièrement adapté à la résolution de certains d’entre eux. Encore faut-il que les acteurs concernés en aient bien conscience. La promotion de la médiation administrative doit permettre à celle-ci de s’affranchir de la médiation civile afin de tenir compte de la spécificité de la matière sur laquelle elle porte.
I. Les avantages de la médiation en matière administrative
La médiation est un processus qui permet, dans les différends de nature administrative, de favoriser le dialogue entre l’administration et les usagers, ce qui participe de l’amélioration de la relation administrative. Elle se présente également comme un instrument au service de l’efficacité et de la qualité de la justice : il s’agit de rendre la justice autrement pour obtenir une solution acceptable par les deux parties dans un délai rapide et à moindre coût. C’est aussi un moyen de prévenir un contentieux juridictionnel et, partant, de recourir au juge étatique. Ainsi, la médiation tient un rôle complémentaire à celui des tribunaux et « contribue de manière significative à la protection des personnes dans leurs relations avec les administrations »[6].
Améliorer la qualité de la relation entre les administrés et les administrations. Dans un différend de nature administrative, les parties ne sont pas placées sur un pied d’égalité puisque l’administré se retrouve face à l’administration. La procédure de médiation est sans doute mieux à même de répondre aux réclamations des administrés. Elle facilite le dialogue.
Elle est plus accessible aux administrés. C’est particulièrement le cas pour les plus démunis qui ont souvent besoin d’explications supplémentaires pour comprendre le contenu des décisions de l’administration et ainsi les accepter. Le langage de la médiation a ainsi des vertus pédagogiques qui peut suffire à lui seul à vider le contentieux.
Le processus de médiation permet également de rapprocher les administrés et l’administration ou les administrations entre elles, ce qui est de nature à prévenir la survenance de nouveaux conflits entre ces parties.
Un champ d’application très large.Parmi les modes amiables de résolution des différends, la médiation apparaît comme un processus particulièrement adapté pour résoudre les litiges administratifs. Son champ d’application est très large ; il est susceptible de couvrir tous les types de litiges administratifs (contentieux des contrats et de la responsabilité mais aussi contentieux de la légalité).
La médiation semble particulièrement utile pour résoudre certains contentieux, notamment ceux nés de décisions ou de documents d’urbanisme lorsque, par exemple, plusieurs personnes contestent un document d’urbanisme ou une autorisation d’urbanisme. Le dialogue permet de trouver une solution adaptée et de mettre fin à toute une série de discordes ou de malentendus que le procès juridictionnel ne permettrait pas de résoudre puisqu’il ne s’agit pas de litiges juridiques au sens strict. De même pour le contentieux des aides sociales qui concernent généralement des personnes en situation de précarité, lesquelles ont surtout besoin d’explications à propos de certaines décisions qu’elles ne sont pas en mesure de comprendre.
La médiation est aussi une voie de résolution très efficace pour résoudre les litiges nés des contrats conclus par les personnes publiques (marchés et concessions).
La médiation peut être très utile pour régler les différends entre les administrés et les collectivités locales liés au fonctionnement des services publics de proximité (eau, électricité, accès internet, etc.). De même pour résoudre les différends entre les assurés et les organismes de sécurité sociale.
La médiation peut encore permettre de résoudre les conflits entre l’administration et les agents publics lorsque ces conflits sont de nature à porter atteinte au fonctionnement normal du service.
La médiation est particulièrement adaptée pour résoudre des conflits qui nécessitent des compétences techniques (contentieux entre les fédérations sportives qui concernent l’organisation de manifestations sportives, par exemple).
La médiation se révèle également un procédé efficace pour résoudre les difficultés liées à l’inexécution des décisions de justice par l’administration.
En définitive le processus de médiation, dans toutes ses dimensions, est de nature à faire évoluer substantiellement les principes généraux qui régissent le fonctionnement de l’administration[7]
Un processus consensuel et confidentiel.Les parties peuvent, à tout moment du processus de médiation, interrompre celui-ci. Le processus de médiation n’est pas soumis au principe du contradictoire si bien que l’une des parties peut s’entretenir avec le médiateur sans que les autres parties soient présentes, dans le respect du principe de loyauté. Cela peut être particulièrement adapté en matière de harcèlement moral ou sexuel dans la fonction publique ou dans les services publics : la victime peut libérer sa parole sans craindre les pressions de l’autre partie.
La confidentialité est encore de nature à préserver la réputation d’une administration ou d’une entreprise dans certains conflits sensibles (gestion des ressources humaines) et auxquels la médiatisation juridictionnelle pourrait nuire.
Un outil au service de l’efficacité et de la qualité de la justice administrative. La médiation permet aux parties de décider ensemble, avec l’aide du médiateur, d’une solution globale et adaptée aux différents conflits que peut générer un litige administratif. En traitant de l’ensemble des litiges ou des différends rapportés à un cas donné, le processus de médiation intègre tous les éléments du débat et aboutit à une solution concertée et équitable entre les parties prenantes qui sont concernées par le différend sans pouvoir prétendre être une partie au sens strict devant une juridiction étatique. La solution issue de la médiation apparaît alors plus efficace que la solution juridictionnelle générale laquelle ne réglera que le litige administratif au sens strict (pour la résolution duquel la juridiction pourrait être saisie).
Un règlement rapide des conflits. La médiation contribue ainsi à prévenir le contentieux juridictionnel mais elle permet surtout un traitement rapide des différends qui sont réglés en quelques mois, ce que ne permet pas un traitement juridictionnel. Le traitement rapide de certains différends de nature administrative est indispensable lorsque ceux-ci concernent l’allocation de droits sociaux, l’exécution d’un marché, la carrière d’un agent public, une autorisation d’urbanisme ou encore une décision prise par une fédération sportive et qui porte sur l’organisation d’une compétition sportive.
II. Mesures pouvant être prises en vue de favoriser l’usage de la médiation en matière administrative
La médiation en matière administrative peine à se développer dans la majorité des États membres du Conseil de l’Europe en raison de certains obstacles qu’il serait possible de dépasser si les États membres adoptaient certaines mesures afin de développer la disponibilité et l’accessibilité du processus mais aussi la sensibilisation des différents acteurs concernés par la médiation[8].
DISPONIBILITÉ
1° Adopter une acception large de la médiation en matière administrative afin d’éviter les ambiguïtés notionnelles et pour pouvoir inclure tous les dispositifs déjà existants réunissant les éléments indispensables pour une médiation réussie. La médiation en matière administrative peut être institutionnelle, dans le cadre juridictionnel ou purement conventionnelle. La coexistence de différents types de processus est tout à fait possible. Elle se révèle même plus efficace.
Le défaut, l’imprécision ou l’ignorance de la base légale est un des principaux obstacles à l’usage de la médiation en matière administrative. On constate que dans certains États membres du Conseil de l’Europe, il n’existe aucune base légale autorisant la médiation administrative. Quand celle-ci existe, elle est parfois trop générale et s’applique à toutes les médiations sans prendre en compte les particularités de la médiation administrative.
Lorsque la base légale existe, celle-ci peut se révéler inintelligible car procédant de plusieurs textes ou documents épars.
L’imprécision peut encore tenir au défaut d’indication du champ d’application ou de la marge de manœuvre laissée à l’administration, ce qui pose des difficultés du point de vue de la sécurité juridique du processus. En effet, l’administration ne prendra pas le risque d’engager sa responsabilité administrative ou pénale et les comptables peuvent refuser d’exécuter une dépense publique générée par la solution amiable pour ne pas prendre le risque d’engager sa responsabilité personnelle.
2° Élaborer un cadre juridique précis pour définir les règles et le champ d’application de la médiation en matière administrative. Le cadre juridique doit constituer un socle commun à tous les types de médiation en matière administrative : institutionnelle, conventionnelle et juridictionnelle. Il doit être propre à la médiation administrative compte tenu de la spécificité des différends de nature administrative.
Ce cadre juridique doit rappeler et indiquer :
o Le principe de confidentialité, principe fondamental de la médiation.
o Les obligations des médiateurs afin d’accroître la confiance dans la médiation des futurs médiés.
o L’importance de garantir la bonne exécution de l’accord issu de la médiation
3° Faire en sorte que la médiation soit introduite le plus tôt possible, dès la phase précontentieuse, bien avant que le conflit juridictionnel ne se cristallise. Cela nécessite de définir un guide de bonnes pratiques au sein des administrations pour fixer le cadre de la procédure et donner des outils aux services compétents.
4° Développer des procédés contraignants pour le règlement de certains litiges administratifs.
Le recours à la médiation peut ainsi constituer un préalable obligatoire avant la saisine du juge.
La mise en œuvre d’une médiation juridictionnelle ou para-juridictionnelle peut procéder d’une injonction adressée par le juge aux parties pour que celles-ci tentent de régler leur différend à l’amiable, par la voie d’une médiation.
Le défaut de professionnalisation des médiateurs est un obstacle structurel au développement de la médiation en matière administrative.
5° Professionnaliser les médiateurs en prévoyant une liste de médiateurs habilités et spécialisés dans la résolution des litiges administratifs.
Cela nécessite :
o La définition des qualifications requises pour être médiateur
o L’élaboration d’un statut du médiateur
o La diffusion de listes de médiateurs habilités au niveau national et local.
o L’élaboration d’une charte éthique ou d’un code de déontologie.
6° Confier à un organisme unique, comme l’Ombusdman dans les pays où cette institution existe, le soin d’harmoniser et d’articuler les différentes pratiques de médiation.
ACCESSIBILITÉ
La médiation est souvent présentée comme une procédure moins coûteuse que le procès administratif. C’est le cas, pour les parties, lorsque le médiateur n’est pas rémunéré (médiateur-juge, médiation institutionnelle). Mais lorsque l’on a affaire à un médiateur professionnel, celui-ci doit en principe être rémunéré par les parties. Or l’accès à l’aide juridictionnelle n’est pas toujours possible pour les procédures de médiation ou bien elle n’est possible que si la médiation intervient en cours de procès.
En outre, la médiation a un coût pour la collectivité publique. Les dispositifs d’incitation au développement de la médiation ne sont pas toujours accompagnés des moyens financiers suffisants pour la formation des médiateurs le recrutement de magistrats et de personnels supplémentaires pour conduire les médiations.
7° Déployer les moyens financiers nécessaires pour le développement de la médiation administrative. Contribuer financièrement à la formation des acteurs de la médiation : les magistrats, les administrations, les avocats et les personnes destinées à devenir médiateurs.
8° Rendre l’aide juridictionnelle accessible à l’ensemble des procédures de médiation : la médiation juridictionnelle, au sein de l’administration, mais aussi la médiation conventionnelle.
L’absence d’articulation entre le processus de médiation et la procédure contentieuse est un frein au développement de la médiation en matière administrative. Si les textes ou les pratiques ne prévoient pas que l’entrée en médiation est de nature à interrompre les délais de recours juridictionnel et les délais de garantie, les parties auront intérêt à saisir directement la juridiction. De même, des délais juridictionnels trop courts ne laissent pas suffisamment de temps aux parties pour réfléchir à la possibilité de se lancer dans un processus de médiation.
9° Organiser dans les règles de procédure l’articulation entre la médiation et le procès administratif (suspension et interruption des délais de recours et de prescription).
SENSIBILISATION
L’un des principaux obstacles au développement de la médiation réside dans la méconnaissance du processus, le défaut d’information et le manque de communication de la part de tous les acteurs concernés : administration, avocats, juridictions mais aussi les entreprises publiques et les conseils juridiques.
La méconnaissance peut persister en dépit des textes d’incitation en faveur du développement de la médiation. La méconnaissance est manifeste chez les acteurs publics locaux ou chez les avocats qui estiment que la médiation est un procédé qui ne serait ouvert qu’aux litiges entre personnes privées.
La diffusion d’une culture de la médiation est encore entravée par une certaine défiance des acteurs de la médiation. Défiance des administrés qui considèrent que le règlement d’un litige administratif ne peut se faire que devant le juge. Défiance des administrations également dont l’inertie à l’égard du processus de médiation est dénoncée régulièrement. En effet, certaines administrations ne souhaitent pas « s’abaisser » à dialoguer avec les administrés ou craignent d’être contrôlées par un tiers dont elles se méfient.
Enfin, une certaine réticence existe également chez les avocats qui ne sont pas formés au processus de médiation et qui sont naturellement portés à exercer leur activité devant un juge alors même que ce sont eux qui ont vocation à rédiger l’accord issu de la médiation.
10° Fixer des dispositifs incitatifs pour permettre une large diffusion d’une culture de la médiation :
o Objectifs chiffrés pour les médiations juridictionnelles et institutionnelles mais également pour les administrations pour les inciter à recourir à la médiation.
o Conclusion d’engagements réciproques entre les acteurs de la médiation (juridictions, avocats et administrations).
11° Institutionnaliser des référents-médiation auprès des acteurs institutionnels de la médiation.
12° Réaliser des campagnes d’information et de communication auprès de tous les acteurs de la médiation.
13° Publier, sous forme de rapports annuels, des chiffres qui rendent compte des pratiques de la médiation en matière administrative. La publication de ces chiffres doit permettre d’assurer le suivi des difficultés rencontrées lors de la mise en œuvre de la médiation.
Annexe :
Exemples de bonnes pratiques
L’annexe présente des exemples et des bonnes pratiques qui ont inspiré les propositions de mesures que les États membres du Conseil de l’Europe pourraient adopter pour promouvoir la médiation afin de régler les différends de nature administrative. Ces exemples sont tirés à la fois des 48 réponses au questionnaire et qui couvrent 33 États membres du conseil de l’Europe[9] et d’études qui ont été publiées.
Le document suit la structure du guide, et ses différentes mesures (par numéro), en présentant des exemples et bonnes pratiques pour la majorité d’entre elles et en distinguant celles qui tendent à favoriser la disponibilité, l’accessibilité ou améliorer la sensibilisation de tous les acteurs de la médiation en matière administrative.
DISPONIBILITÉ
1.1 La définition large de la médiation
En Espagne, le Protocole madrilène sur la médiation administrative[10] renvoie, dans son article IV à la définition transversale de la médiation, employée par la directive européenne de 2008[11]. Selon cette définition la médiation est « un processus structuré, quelle que soit la manière dont il est nommé ou visé, dans lequel deux ou plusieurs parties à un litige tentent par elles-mêmes, volontairement, de parvenir à un accord sur la résolution du litige avec l’aide d’un médiateur. Ce processus peut être engagé par les parties, suggéré ou ordonné par une juridiction ou prescrit par le droit d’un État membre ».
La définition de la médiation adoptée par le législateur français en est un bon exemple. L’article L.213-1 du Code de justice administrative emploie une définition très large de la médiation administrative qui englobe tout type de processus de médiation en matière administrative et qui s’inspire également de la directive du 21 mai 2008. Selon cette définition, on entend par médiation, « tout processus structuré, quelle qu'en soit la dénomination, par lequel deux ou plusieurs parties tentent de parvenir à un accord en vue de la résolution amiable de leurs différends, avec l'aide d'un tiers, le médiateur, choisi par elles ou désigné, avec leur accord, par la juridiction »[12].
1.2 La coexistence de plusieurs types de médiation pour une meilleure efficacité
En France, les différends de nature administrative peuvent faire l’objet de plusieurs types de médiation : une médiation institutionnelle, une médiation conventionnelle (extra-juridictionnelle) ou une médiation organisée par le juge (médiation dans le cadre juridictionnel). Prenons l’hypothèse d’un litige lié aux relations dans la fonction publique : un processus de médiation peut être tenté devant un médiateur de l’administration[13] (médiateur institutionnel) mais aussi avec l’aide d’un tiers libéral choisi par les parties (médiation conventionnelle). En cas de saisine du juge, celui-ci peut, de son propre chef ou bien à la demande des parties, proposer une médiation[14]. Dans ce dernier cas, un médiateur sera désigné pour tenter de régler amiablement l’affaire. Ce médiateur désigné par le juge, peut être un magistrat (membre de la juridiction), un médiateur libéral ou parfois même un médiateur institutionnel auquel les parties seront renvoyées[15]. Ces trois types de médiation coexistent et se pratiquent aujourd’hui en France.
Les Pays-Bas offrent deux possibilités de « médiation » en matière administrative : la première est extra-juridictionnelle tandis que la seconde est conduite sous l’égide du juge.
La procédure de médiation extra-juridictionnelle (institutionnelle), concerne uniquement les litiges relatifs aux procédures d'appel d'offres en application de la loi néerlandaise de 2012 relative aux marchés publics : une personne privée peut demander l’intervention de la Commission impartiale d'experts en marchés publics (COPE) Commissie van Aanbestedingsexpert[16]. La COPE peut prendre deux mesures : soit elle tente de trouver un accord à l'amiable entre les parties au conflit par la voie d'une procédure de médiation ; soit elle remet une expertise sur la base de laquelle l'autorité administrative peut décider de modifier sa ligne de conduite dans la procédure de mise en concurrence.
Le second type de médiation correspond à un procédé de règlement amiable devant un tribunal. Le juge a ainsi la faculté d'inciter les parties à résoudre elles-mêmes le litige en parvenant à un accord amiable : soit il conduit lui-même le processus au sein du tribunal, soit il renvoie les parties devant un médiateur ad hoc.
En Lituanie, deux types de médiation coexistent : l’une est juridictionnelle et l’autre est institutionnelle. La première mesure correspond à un règlement amiable des litiges administratifs par la conclusion d’un contrat intitulé « accord de paix » signé entre l’administration et la personne privée concernée[17]. Elle peut intervenir pendant le procès ou pendant la phase préliminaire de celui-ci.
La seconde mesure de médiation est conduite, avant toute saisine du juge, par les membres de deux entités publiques, « la Commission lituanienne des litiges administratifs » et « la Commission des litiges fiscaux »[18]. Il s’agit de deux médiateurs institutionnels qui ont la nature d’un organisme collégial établi à seule fin de résoudre les litiges administratifs dans le cadre d'une procédure préliminaire[19].
En Norvège, les tribunaux dits « ordinaires » traitent toutes les affaires y compris les affaires administratives[20]. Dès lors, conformément à la loi relative à la médiation et à la procédure dans les litiges civils (Dispute act)[21], les litiges administratifs, peuvent être réglés par une médiation juridictionnelle (sous l’égide du juge, si ce n’est pas par lui-même) et par une médiation extra-juridictionnelle (hors saisine du juge).
La médiation extra-juridictionnelle est une procédure menée devant le « bureau de conciliation ». Avant de pouvoir être entendue par le tribunal compétent, une demande doit être présentée à un « bureau de conciliation ». La saisine préalable est obligatoire pour les litiges dont le montant est inférieur à 200 000 couronnes et dans lesquels les parties ne sont pas représentées par un avocat[22].
Dans le cadre de la médiation juridictionnelle, le juge joue un rôle de facilitateur. Le demandeur porte l'affaire devant le tribunal. Lorsque le juge demande un mémoire de défense à la partie défenderesse, il informe les parties sur l’existence de la procédure de médiation et propose, le cas échéant, de mettre en œuvre le processus. Le juge est ainsi en mesure d’apprécier, au cas par cas, si l'affaire se prête à la médiation.
2.1 L’élaboration d’un cadre juridique spécifique à la médiation en matière administrative
EnFrance, depuis 2016, le code de justice administrative contient un chapitre entier qui définit les règles applicables qui sont spécifiques à la médiation en matière administrative[23]. Les dispositions de ce chapitre portent sur toute médiation, qu’elle soit initiée par les médiés eux-mêmes ou par le juge[24]. Ce cadre sert désormais de « modèle » aux autres médiations. C’est ainsi que l’article 81 de la loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 a institué le médiateur territorial qui peut être désigné par les collectivités territoriales (régions, départements et communes) et dont le statut reprend les règles du code de justice administrative.
En Espagne, alors qu’il n'existe pas de texte national régissant la médiation en matière administrative, certaines communautés autonomes ont adopté ce que l’on appelle un protocole de médiation administrative. C’est le cas, par exemple, aux Canaries, dans la région de Murcie, en Catalogne, à Madrid et à Valence. Ces protocoles définissent les règles spécifiquement applicables à la médiation en matière administrative.
En Suisse, les cantons de Genève et de Vaud ont adopté un texte relatif à la médiation en matière administrative. Pour le canton de Vaud, il s’agit de la loi sur la médiation administrative (LMA) du 19 mai 2009. Pour le canton de Genève, la Constitution de la république et canton de Genève (Cst-GE), révisée en 2012, a introduit, à l’article 115, le principe de médiation administrative. Ses modalités d’application sont précisées dans la loi relative à la médiation administrative de 2015 (Lméd-GE).
Au Portugal, le code de la procédure dans les tribunaux administratifs portugais précise les règles spécifiquement applicables à la médiation administrative[25].
En Ukraine, depuis 2017, le code de justice administrative contient de nombreuses dispositions précisant les règles spécifiquement applicables à la médiation en matière administrative[26].
2.2 La définition du champ d’application de la médiation administrative
L’Espagne présente un bon exemple à cet égard. Certaines communautés autonomes déterminent le champ d’application de la médiation en matière administrative par la voie d’une liste ouverte[27]. Par exemple, l’article VI du protocole de Madrid sur la médiation administrative précise le champ d’application de la médiation administrative en trois points : les règles dites formelles de la médiation administrative, son champ d’application matérielle et une liste de cas qui vise à résoudre, par anticipation, les questions qui peuvent se poser dans la mise en œuvre du dispositif[28].
Le protocole dresse ainsi une liste des matières pouvant faire l'objet d'une médiation administrative : le contentieux indemnitaire, l’urbanisme, l’environnement et l’organisation du territoire, les nuisances ainsi que les activités insalubres et nocives, la carence et l’inertie administratives, l’exécution des mesures relevant des sanctions disciplinaires et administratives, la fonction publique, le recouvrement des impôts et des redevances publiques en cas de faillite du débiteur, etc.
La résolution des questions concerne les hypothèses dans lesquelles l’administration est dotée d’un pouvoir discrétionnaire, ce qui permet de s’adapter à la médiation, ou encore les difficultés d’exécution des jugements et les questions relatives aux effets des jugements.
2.3 La définition des principes directeurs de la médiation
En France, l’article L. 213-2 du code de justice administrative dispose que « sauf accord contraire des parties, la médiation est soumise au principe de confidentialité ». Il est précisé également que les constatations du médiateur et les déclarations recueillies au cours de la médiation ne peuvent être divulguées aux tiers ni invoquées ou produites dans le cadre d'une instance juridictionnelle ou arbitrale, sans l'accord des parties. Ensuite, le même article énumère les possibles exceptions à au principe de confidentialité :
1° En présence de raisons impérieuses d'ordre public ou de motifs liés à la protection de l'intérêt supérieur de l'enfant ou à l'intégrité physique ou psychologique d'une personne ;
2° Lorsque la révélation de l'existence ou la divulgation du contenu de l'accord issu de la médiation est nécessaire pour sa mise en œuvre.
La « charte éthique des médiateurs dans les litiges administratifs »[29], élaborée par le Conseil d’État français, en 2016, insiste sur la confidentialité mais également d’autres principes directeurs de la médiation administrative : l’information, le consentement et la liberté des parties.
EnSuisse, l’article 18 de la loi sur la médiation administrative du canton de Genève du 17 avril 2015, intitulée secret de fonction, secret professionnel et droit de refuser de témoigner soumet le médiateur au secret professionnel pour toutes les affaires qui lui sont confiées dans l'exercice de sa fonction ou dont il a connaissance dans l'exercice de celle-ci. De même, les collaboratrices et collaborateurs du médiateur sont soumis au secret de fonction au sens de l'article 9A de la loi générale relative au personnel de l'administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux, du 4 décembre 1997. Le même article dispose également que « le médiateur, ses collaboratrices et ses collaborateurs ne témoignent dans aucune procédure administrative, civile ou pénale à propos des constatations qu'ils ont faites dans l'accomplissement de leurs tâches ».
2.4 Préciser les obligations des médiateurs afin d’accroître la confiance dans le dispositif
En France, l’article L. 213-2 du code de justice administrative précise que le médiateur accomplit sa mission avec impartialité, compétence et diligence. La « charte éthique des médiateurs dans les litiges administratifs »[30], élaborée par le Conseil d’État français en 2016 donne plus de précisions sur les « principes garants de la qualité du médiateur » : 1. le médiateur présente des garanties de probité et d’honorabilité ; 2. le médiateur est compétent ; 3. le médiateur est indépendant, loyal, neutre et impartial ; 4. le médiateur est diligent ; 5. le médiateur est désintéressé.
2.5 Garantir la bonne exécution de l’accord issu de la médiation
En France, l’article L. 213-4 du code de justice administrative prévoit que le « la juridiction peut, dans tous les cas où un processus de médiation a été engagé (…) homologuer et donner force exécutoire à l'accord issu de la médiation ».
4. Développer des procédés contraignants pour le règlement de certains litiges
Le développement de procédés contraignants pour le règlement de certains litiges favorise la promotion de la médiation et participe de la diffusion d’une culture de la médiation. Trois exemples méritent d’être mentionnés : la médiation préalable obligatoire (MPO) en France, la procédure « Special Educational Needs and Disabilities » (SEND) au Royaume-Uni et la tentative de conciliation avec l’administration en Belgique[31].
La MPO en France[32] concerne des litiges relatifs à la fonction publique et certains litiges sociaux. Il s’agit de la contestation de certaines décisions administratives individuelles énumérées de manière limitative par le décret n° 2022-433 du 25 mars 2022 relatif à la procédure de médiation préalable obligatoire applicable à certains litiges de la fonction publique et à certains litiges sociaux[33]. Outre la définition des décisions concernées par la MPO, les articles du même décret désignent les agents compétents pour organiser la MPO ainsi que les médiateurs qui doivent intervenir dans le processus[34].
La procédure (SEND) du Royaume-Uni, est une de médiation obligatoire qui s’applique aux différends relatifs aux décisions l'autorité locale sur le plan d'éducation, de santé et de soins statutaire. Avant de recourir au tribunal spécial (SEND), le requérant est tenu d'envisager la médiation au cours d'une « séance d'information sur la médiation » afin de prendre une décision en toute connaissance de cause quant à l'opportunité de tenter ou non une médiation pour résoudre le litige. Si le requérant choisit de recourir à la médiation, l'organisme public est tenu d’entrer en médiation avec lui.
En Belgique, la « tentative de conciliation préalable dans l'administration » est un procédé de résolution amiable des litiges dans le cadre de la fonction publique. La loi exige la mise en œuvre d’une telle mesure avant l’exercice du recours[35].
5.1 La professionnalisation des médiateurs
En Espagne, le médiateur doit présenter « un titre universitaire ou une formation professionnelle supérieure ainsi qu'une formation spécifique en matière de médiation ; le décret du 27 décembre 2013[36] prévoit la nécessité de connaissances relevant du droit, de la psychologie, de l'éthique et des techniques de la médiation. Il précise aussi le volume horaire de formations requises : la formation initiale dure 100 heures au minimum et la partie pratique doit constituer au moins 35 % de ces heures. Il prévoit également une formation continue tous les cinq ans qui doit durer au moins pour 20 heures et comporter un volet purement pratique[37]. Ces règles sont applicables à tout type de médiation y compris aux médiations administratives.
Au niveau local, le Protocole de Madrid sur la médiation administrative, par exemple, fait référence à des formations précises dont il faut justifier pour prétendre devenir médiateur en litiges administratifs, tout en exigeant que les médiateurs soient aussi spécialisés en droit administratif. De même, le protocole des Canaries exige la spécialisation du médiateur en droit administratif.
Au Royaume-Uni, les médiateurs de « Special Educational Needs and Disabilities » (SEND) doivent se conformer aux normes de pratique nationales et à un code de conduite pour les médiateurs. En effet, seuls les médiateurs accrédités peuvent mener une médiation dans ces litiges SEND. Les médiateurs SEND accrédités figurent sur la liste gérée conjointement par le Conseil de la médiation civile et le Collège des médiateurs.
EnFrance, le médiateur, qu’il s’agisse d’une personne physique indépendante ou relevant d’une personne morale (un centre ou une association de médiation)[38],doit être titulaire, par l'exercice présent ou passé d'une activité, de la qualification requise eu égard à la nature du litige. Il doit en outre justifier, selon le cas, d'une formation ou d'une expérience adaptée à la pratique de la médiation[39].
Dans la charte éthique des médiateurs dans les litiges administratifs de 2016, le Conseil d’État a donné davantage de précisions relatives aux compétences requises du médiateur en litiges administratifs : a) disposer d’une expérience professionnelle d’au moins cinq ans dans le domaine du litige ; b) posséder une qualification dans les techniques de médiation et justifier d’une formation en médiation ou d’une expérience significative dans ce domaine, dont la qualité est appréciée par la juridiction ; c) s’engager à actualiser et perfectionner ses connaissances théoriques et pratiques en s’informant régulièrement sur l’actualité juridique de son domaine de compétence ainsi que sur l’actualité des méthodes de négociation et les évolutions en matière de règlement alternatif des litiges, en participant à des événements autour des modes de règlement alternatif des litiges (colloques, ateliers, débats, …) ou à des formations sur ces thèmes.
5.2 Diffuser une liste de médiateurs habilités
Aux Pays-Bas, des listes de médiateurs habilités à mener une médiation sont publiées et consultable sur internet. Le site internet de la Fédération des médiateurs néerlandais (MFN)[40] fournit un index général de tous les médiateurs qualifiés, en indiquant leur expertise particulière. L'index est équipé d'un moteur de recherche qui permet de rechercher un médiateur particulièrement qualifié dans la résolution des litiges administratifs[41].
En Espagne, il existe un registre de médiateurs auprès du ministère de la justice[42]. Certaines communautés autonomes tiennent aussi des registres de médiateurs en litiges administratifs ouverts et consultables par les intéressés.
ACCESSIBILITÉ
7. La prise en charge de la procédure de médiation par la collectivité publique
En Allemagne, la médiation « dans le cadre juridictionnel » est majoritairement assurée par les magistrats membres des juridictions. Un résultat qui a été atteint grâce au déploiement des moyens au service de la médiation. Ainsi, la contribution financière à la formation des magistrats à la médiation est mise en place dans toutes les juridictions allemandes[43].
En France, les médiations institutionnelles sont en principe prises en charge par la collectivité. C’est le cas de la médiation préalable obligatoire mais aussi du médiateur territorial institué par la loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019. Il apparaît toutefois que l’investissement public doit aller au-delà de la gratuité : les collectivités territoriales française réclament une contribution de l’État pour pouvoir mettre en place ce nouveau dispositif[44].
8. La généralisation de l’aide juridictionnelle à l’ensemble des procédures de médiation
Il apparaît que la médiation administrative purement volontaire (conventionnelle) n’est éligible à l’aide juridictionnelle dans aucun des États membres. En revanche, l’aide juridictionnelle est accessible à la médiation dans le cadre juridictionnel, sauf pour le cas allemand dans lequel la médiation est généralement conduite gratuitement par les magistrats eux-mêmes. L’accès à l’aide juridictionnelle pour la procédure de médiation en France et enBelgique est possible dans les mêmes conditions que pour saisir la juridiction.
AuxPays-Bas, l’aide juridictionnelle peut couvrir toute médiation administrative possible[45], c’est-à-dire la médiation par un médiateur institutionnel ou dans le cadre d’une instance juridictionnelle.
9. Organiser l’articulation entre la médiation et le procès administratif
Au Portugal, le recours à la médiation suspend les délais de prescription à compter de la date de signature de la convention d'entrée en médiation. Les délais de prescription recommencent à courir à compter de la conclusion de la procédure de médiation motivée par le refus d'une des parties de poursuivre la procédure, par l'épuisement de la durée maximale de celle-ci ou encore lorsque le médiateur détermine la fin de la procédure.
EnFrance, « les délais de recours contentieux sont interrompus et les prescriptions sont suspendues à compter du jour où, après la survenance d'un différend, les parties conviennent de recourir à la médiation ou, à défaut d'écrit, à compter du jour de la première réunion de médiation. Ils recommencent à courir à compter de la date à laquelle soit l'une des parties ou les deux, soit le médiateur déclarent que la médiation est terminée. Les délais de prescription recommencent à courir pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois »[46].
SENSIBILISATION
10-1 Fixer des dispositifs chiffrés pour les médiations juridictionnelles
En France, afin de sensibiliser les juridictions administratives pour orienter les affaires vers la médiation, le Conseil d’État a fixé un objectif raisonnable de 1% des requêtes enregistrées par an[47].
10-2. Conclure des engagements réciproques entre les acteurs de la médiation
En France, le Conseil d’État a conclu, en 2017, avec le Conseil national des barreaux une convention cadre nationale relative à la mise en œuvre de la médiation dans les litiges administratifs. Par cette convention, « Les parties s’engagent à promouvoir le recours à la médiation auprès des avocats, des magistrats, des acteurs publics et des justiciables et à mettre en œuvre toute action tendant à faciliter l’accès à une médiation de qualité en matière administrative à l’initiative des parties ou de la juridiction, dans le cadre d’un processus structuré mené par un tiers compétent et en présence des parties pouvant être accompagnées de leurs conseils »[48].
De même, d’autres conventions ont été signées au niveau local par les tribunaux administratifs et les cours administratives d’appel. En guise d’exemple, une convention cadre sur la médiation administrative a été signée entre le tribunal administratif de Strasbourg, la cour administrative d’appel de Nancy, la Ville de Colmar et Colmar agglomération en mai 2022[49]. De même une convention de partenariat a été conclue entre le tribunal administratif de Marseille et l’association « Marseille Médiation » en septembre 2022[50] ains qu’un partenariat entre le tribunal administratif de Montpellier et la Caisse d’allocations familiales (CAF)[51].
En Espagne, un accord a été conclu, en juin 2017, entre le Conseil général du pouvoir judiciaire et la Barreau de Madrid pour appliquer la médiation aux conflits avec l’administration publique[52].
11. Institutionnaliser les référents-médiation
En France, en 2017, le Conseil d’État a créé un comité intitulé « justice administrative et médiation » (JAM), chargé de piloter la médiation dans toutes les juridictions administratives. Outre ce comité œuvrant au niveau national, des« référents-médiation »ont été désignés au sein des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel pour guider la médiation au niveau local et sensibiliser à la fois les membres des juridictions à la médiation et le public concerné.
Exemple de bonne pratique au tribunal administratif de Strasbourg. En vue de mieux sensibiliser les parties à l’intérêt de recourir à la médiation, le tribunal administratif de Strasbourg a créé un nouvel outil pour une proposition plus efficace de la médiation, intitulé « ordonnance 2 en 1 ». Par cette ordonnance, après avoir étudié le dossier, le magistrat référent-médiation, propose aux parties de considérer la médiation comme voie possible de résolution de leur litige et désigne, dans le même temps, un médiateur. Celui-ci aura pour mission d’informer les parties sur la médiation et les raisons pour lesquelles leur litige se prête à la médiation. Si les parties sont convaincues, la médiation sera tout de suite mise en œuvre par ce médiateur déjà désigné par le tribunal.
12. Réaliser des campagnes d’information et de communication
En France, depuis la réforme de 2016, la juridiction administrative a organisé de nombreux évènement dans l’objectif de faire connaître la médiation en matière administrative. A titre d’exemple, en 2018, le conseil d’État français a organisé les « premières assises nationales de la médiation administrative » : un évènement qui a réuni plus de 300 participants : juges administratifs, avocats, médiateurs, centres de médiation, acteurs publics, etc. Parmi les thèmes qui ont été abordés : la médiation dans la fonction publique, dans les litiges de police, en urbanisme, à l’hôpital et l’expérimentation de médiation préalable obligatoire. La manifestation est toujours accessible en vidéo[53].
D’autres évènement sont organisés par les cours et tribunaux administratifs, au niveau local, sur la médiation administrative, en partenariat avec les barreaux d’avocats et les administrations publiques locales[54].
Des fiches pédagogiques pour expliquer le processus de médiation sont également accessibles sur les sites des juridictions administratives françaises[55].
13. Publication des chiffres sur la pratique de la médiation
Le « Haut Commissariat à la protection des droits, des libertés et à la médiation »[56] monégasque publie chaque année, sur son site internet, un rapport annuel d’activités qui indique les domaines d’intervention, les statistiques sur le nombre de médiations et le taux de réussite, etc.
En France, le Conseil d’État publie sur son site internet le rapport annuel d’activité qui comprend toutes les activités des différentes juridictions de l’année écoulée. La médiation figure désormais parmi les activités juridictionnelles des cours et des tribunaux administratifs[57].
En outre, de nombreux médiateurs institutionnels français publient dans leurs rapports d’activité, des statistiques sur les médiations engagées : le médiateur du Pôle emploi[58], le médiateur des entreprises, les médiateurs des différentes villes comme le médiateur de la ville de Paris[59] ou bien le défenseur des droits[60]. Ce dernier, par exemple, publie dans son rapport annuel, les types de réclamations, les matières d’interventions, les statistiques, les taux de réussite, etc.
En Suisse, le Bureau cantonal de médiation administrative (BCMA) à Genève, par exemple, publie un rapport annuel d’activité, dans lequel figurent des statistiques sur les médiations menées pendant l’année écoulée, mais aussi des exemples d’interventions[61].
[1] CEPEJ(2007)15F
[2] CEPEJ-GT-MED(2017)8
[3] L’ensemble des travaux qui ont abouti à ce document a été réalisé par deux experts scientifiques désignés par le CEPEJ-GT-QUAL, Mme Sabine Boussard et M. Karim Salem, avec l’aide de Mme Maria Da Conceiçao Oliveira, experte scientifique du CEPEJ-GT-QUAL en matière de médiation
[4] CEPEJ-GT-QUAL(2022)1rev
[5] Cette définition s’inspire du glossaire établi par la CEPEJ lors de ses travaux pour harmoniser les définitions des notions juridiques, CEPEJ(2020)Rev1. « MEDIATION : processus structuré et confidentiel, dans lequel une personne tierce impartiale, connue sous le nom de médiateur, assiste les parties en facilitant la communication entre elles en vue de résoudre des questions relevant de leur litige. »
[6] C’est ce qui ressort du manuel publié par le Conseil de l’Europe, L’administration et vous. Un manuel. Principes de droit administratif concernant les relations entre l’Administration et les personnes. Éditions du conseil de l’Europe, 2018, p. 51.
[7] V. En ce sens : L’administration et vous. Un manuel. Principes de droit administratif concernant les relations entre l’Administration et les personnes. Éditions du conseil de l’Europe, 2018, p. 52.
[8] Selon les trois principes retenus dans les Lignes directrices visant à améliorer la mise en œuvre de la Recommandation sur les modes alternatifs de règlement des litiges entre les autorités administratives et les personnes privées – CEPEJ(2007)15F / 7 décembre 2007.
[9]CEPEJ-GT-QUAL(2022)1rev, État des lieux de la pratique de la médiation pour régler les litiges administratifs dans les États membres du Conseil de l’Europe, étude menée par S. Boussard et K. Salem pour le CEPEJ-GT-QUAL.
[10] Intitulé « infraestructura organizativa de la mediación conectada a los juzgados y tribunales de la jurisdicción contencioso- administrativa en el ámbito del tribunal superior de justicia de Madrid »
[11] Directive 2008/52/CE du parlement européen et du conseil du 21 mai 2008 sur certains aspects de la médiation en matière civile et commerciale
[12] Article L. 213-1 du CJA (France).
[13] Un médiateur institutionnel peut être un médiateur national d’une compétence général : « le défenseur de la république (DDD) », un médiateur d’une compétence régional « le médiateur de la ville », un médiateur sectoriel « le médiateur du cinéma » ou « le médiateur des entreprises » ou un médiateur dit maison, qui fait partie de l’administration elle-même partie au conflit comme « le médiateur de la Caisse d’allocations familiales (CAF) », etc.
[14] Art. L. 213-1 et suivants du CJA (France)
[15] Comme la désignation du médiateur des entreprises, le médiateur du pôle emploi, etc…
[16] Pour plus d’informations, v. Ivan Verougstraete, « La médiation en droit public et administratif en Belgique », in Quelles perspectives pour la médiation en droit public ?, Lille, Lexbase Hebdo édition publique n° 453, 2017.
[17] Cet « accord de paix » a la même valeur juridique qu’un jugement, puisqu’il doit être validé par la juridiction administrative compétente (Article 51, paragraphe 2 de la loi sur la procédure administrative de la République de Lituanie n°. VIII-1029 du 14 janvier 1999 modifiée en 2018).
[18] En vertu de l’article 27 c.1 de la loi sur la procédure administrative de la République de Lituanie n°. VIII-1029 du 14 janvier 1999 modifiée en 2018, sauf disposition contraire, les litiges administratifs sont examinés à l'amiable par la Commission lituanienne du contentieux administratif et ses subdivisions territoriales ou pour certaines questions administratives, d'autres commissions peuvent être constituées.
[19] Lequel se présente comme système séparé de résolution juridictionnelle préliminaire des litiges administratifs.
[20] Les litiges entre les autorités administratives et les personnes privées ne sont pas traités dans un système distinct ou différent de celui des litiges entre personnes privées. Ils sont classés comme un type d'affaires civiles.
[21] Disponible sur le site internet de la base juridique norvégienne LOVDATA https://lovdata.no
[22] CARL E ROBERTS et FREDRIK LILLEAAS ELLINGSEN, « The Dispute Resolution Review - The Law Reviews », sur Thelawreviews.co.uk [en ligne], publié le 17 février 2022, [consulté le 20 mai 2022].
[23] Introduit par la loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle - art. 5
[24] Voir les articles L. 213-1 et suivant du Code du justice administrative (CJA).
[25] Il s’agit de deux dispositifs de médiation : d’une part, la médiation devant les centres d’arbitrage et la médiation « Centro de Arbitragem Administrativa » (CAAD) en cours d’une procédure juridictionnelle et, d’autre part, le recours à la médiation dans le cadre juridictionnel.
[26] V. notamment les articles 47, 142, 180, 190, 194, 236, 240 du Code de justice administrative (CJA) ukrainien.
[27] Madrid et les Canaries par exemple.
[28]https://www.comunidad.madrid/sites/default/files/aud/justicia/protocolo_mediacion_contencioso_adminsitrativo_madrid.pdf ; Il s’agit d’une liste ouverte à laquelle d'autres matières peuvent être ajoutées : des cas prévus par le législateur ou transférés par le juge compétent.
[29] Disponible sur www.conseil-etat.fr
[30] Disponible sur https://www.conseil-etat.fr/Media/contenu-froid/documents/2019/02-fevrier/charte-ethique-mediateurs-13-12-17
[31] Il est à noter que d’autres États membres connaissent des mesures contraignantes d’entrer en médiation en d’autres matières. En Hongrie par exemple, il existe une obligation de tenter une médiation dans des affaires concernant le contrôle parental (droit de la famille) ; en Türkiye, une médiation préalable obligatoire existe pour certains litiges du domaine de consommation, de commerce et de travail. (Droit privé).
[32] La MPO en France a fait l’objet d’une expérimentation pendant quatre ans, entre 2018 et 2021. Selon les statistiques publiées par le Conseil d’État français, 4 364 médiations préalables ont été menées dont 76 % ont abouti à un accord, avant la phase contentieuse. Les litiges liés à Pôle Emploi (c’est-à-dire les litiges relatifs à l’assurance chômage) représentait le taux de réussite le plus élevé, avec 98 % d’accord sur 2 644 médiations terminées (les statistiques sont disponibles sur le site https://www.conseil-etat.fr/actualites/retour-sur-5-annees-de-mediation-administrative)
[33] A titre d’exemple, les décisions administratives individuelles relatives à la rémunération des agents publics, au refus de détachement ou de placement en disponibilité, à la réintégration à l’issue d’un détachement, d’un placement en disponibilité ou d’un congé parental, au classement de l’agent à l’issue d’un avancement de grade ou d’un changement de corps ou cadre d’emploi obtenu par promotion interne, à la formation professionnelle tout au long de la vie, aux mesures appropriées prises par les employeurs publics à l’égard des travailleurs handicapés en application des articles L131-8 et L131-10 du Code général de la fonction publique ; Le décret n° 2022-433 du 25 mars 2022 relatif à la procédure de médiation préalable obligatoire applicable à certains litiges de la fonction publique et à certains litiges sociaux est disponible sur le site https://www.legifrance.gouv.fr.
[34] En l’occurrence ce sont, les médiateurs académiques territorialement compétents (pour les agents du ministère chargé de l’éducation nationale), et le centre de gestion de la fonction publique territorialement compétent (pour les agents des collectivités territoriales et de leurs établissements publics), et le médiateur régional de Pôle emploi territorialement compétent (pour les litiges sociaux soumis à la médiation préalable obligatoire)
[35] IVAN VEROUGSTRAETE, La médiation en droit public et administratif en Belgique, Quelles perspectives pour la médiation en droit public ?, Lexbase Hebdo édition publique n° 453, 2017.
[36] N°980/2013, B.O.E du 27/12/2013, n°310
[37] V. BOUSTA Rhita, La notion de médiation administrative, L’Harmattan, 2021, p. 131 et s.
[38] Dans ce cas, le centre de médiation précise la personne physique qui exercera la mission de médiation à son nom (art. R. 213-2 du CJA français)
[39] Article R. 213-3 du CJA français
[40] https://mfnregister.nl/
[41] En cas de médiation judiciaire, le juge renvoie les parties à un médiateur figurant sur cette liste. https://mfnregister.nl/consument/overheid/
[42]https://remediabuscador.mjusticia.gob.es/remediabuscador/RegistroMediador (pour toutes les médiations)
[43] Pour plus d’informations sur cet aspect, v. PETER OSTEN, « La médiation et la conciliation judiciaires dans la juridiction administrative allemande », in BEATRICE BRENNEUR et JACQUES BIANCARELLI (éds.), Conciliation et médiation devant la juridiction administrative, Paris, L’Harmattan, 2015, pp. 80‑83.
[44] En 2022, on ne recense que 11 médiateurs départementaux et 2 médiateurs régionaux, faute d’une aide suffisante de la part de l’État français.
[45]https://www.rvr.org/formulier-mediators/overige-mediator/aanvraag-toevoeging-mediator/
[46] Article L. 213-6 du code de justice administrative (CJA)
[47] En 2021, 1 852 médiations ont été menées au sein des juridictions administratives, principalement à la demande du juge. 54 % de ces médiations ont abouti à un accord. Les médiations engagées portent principalement sur trois matières : Fonctionnaires et agents publics : 385, Travail (Pôle Emploi) : 373 et Urbanisme et aménagement : 259.
[48] Disponible sur le site https://www.conseil-etat.fr/Media/contenu-froid/documents/2019/02-fevrier/convention
[49] Disponible sur http://strasbourg.tribunal-administratif.fr
[50] Disponible sur http://marseille.tribunal-administratif.fr
[51] Disponible sur https://www.caf.fr.
[52] Disponible sur https://www.poderjudicial.es/cgpj/es/Poder_Judicial
[53] https://www.conseil-etat.fr/actualites/premieres-assises-nationales-de-la-mediation-administrative
[54] Par exemple, un colloque sur la médiation en matière administrative, organisé par le tribunal administratif de Rennes et le barreau de Rennes (disponible sur http://rennes.tribunal-administratif.fr/Actualites/Communiques/Colloque-sur-la-mediation-en-matiere-administrative)
[55]https://www.conseil-etat.fr/vos-demarches/je-suis-un-particulier/recourir-a-la-mediation
[56] Instauré en 2013, le « Haut Commissariat à la protection des droits, des libertés et à la médiation », a pour mission – entre autres - de traiter les réclamations individuelles et promouvoir la résolution amiable des conflits. Nommé par le Prince pour une durée de quatre ans renouvelables, le haut-commissaire en tant que médiateur, intervient sur des réclamations individuelles qui portent sur deux volets : la protection des droits des administrés et la lutte contre les discriminations ; voir Ordonnance souveraine n° 4.524 du 30 octobre 2013 instituant un Haut Commissariat à la protection des droits, des libertés et à la médiation.
[57] Par exemple, le rapport d’activité de 2021, indique que 1849 médiations ont été conduite dont 53% ont abouti à un accord (Rapport public 2021, publié le 5 juillet 2022, disponible sur www.conseil-etat.fr/publications-colloques/rapports-d-activite/)
[58] https://www.pole-emploi.org/files/live/sites/peorg/files/documents/Publications/
[59] Dans son rapport annuel d’activité, le médiateur de Paris indique des statistiques de médiation, des cas réels intéressants, etc. (disponible sur https://mediation.paris.fr/mediation/documentation.html)
[60]https://www.defenseurdesdroits.fr/fr/dossier-de-presse/2022/07/rapport-annuel-dactivite-2021
[61] Voir, par exemple, le rapport annuel d’activité de 2020, disponible sur https://www.ge.ch/document/24084