Atelier sur le financement du système judiciaire
CEPE J – 7 décembre 2011
Georg Stawa a expliqué le but de cet exercice en petit groupe, qui peut permettre de trouver de nouvelles idées et de nouvelles méthodes de travail que l’on pourrait reproduire dans le futur.
Le thème proposé, le financement du système judiciaire, avait pour objectif de s’interroger d’une part sur la composition des budgets des tribunaux, et d’autre part sur les frais de justice.
Pour introduire le débat, notre modérateur est parti d’un constat connu : il existe une grande disparité entre les modes de financement des systèmes judiciaires des pays membres du Conseil de l’Europe. Georg Stawa nous a demandé quelle était la composition du budget alloué au système judiciaire de chaque pays et quelle est était l’implication des juridictions elles-mêmes dans l’établissement ou dans l’organisation de ce budget ou dans leur financement ? Doit-on centraliser le budget alloué au système judiciaire d’un pays. Un système judiciaire doit-il être autofinancé ? Comment évaluer les fonds dépensés par un système judiciaire ? Comment vérifier que les fonds dépensés sont utilisés pour améliorer l’efficacité de la justice ? L’indépendance de la gestion du budget d’un système judiciaire peut-il avoir une influence sur l’indépendance du système judiciaire ?
Un tour de table a démontré la réalité de la disparité des modes de financement des systèmes judiciaires dans les pays présents, et a permis de dégager deux ou trois pistes de réflexion.
En Irlande, les tribunaux sont indépendants. Il y a un Service du système judiciaire, financé par le gouvernement. Ce service est responsable de la gestion de ce budget, tout en étant soumis à une surveillance qui permet notamment de s’assurer que le nombre d’employés est limité. Le système est en partie autofinancé par des frais. Les frais collectés par les juridictions sont reversés à l’Etat. Actuellement, il est envisagé de demander, pour certains litiges pécuniaires importants en matière commerciale (un ou plusieurs millions d’euros), des frais à hauteur de 5000 euros. Mais c’est le seul domaine où une augmentation des frais est envisagée. Les réductions budgétaires et les départs en retraite non renouvelés n’ont pas, contrairement à ce que l’on pourrait penser, que des effets négatifs. Il a été rapporté un effet stimulant sur l’obligation qui en résulte de mieux s’organiser. Enfin, i a été jugé utile par le représentant de l’Irlande que le système judiciaire puisse administrer de façon autonome et indépendante une partie au moins de son budget.
En Angleterre et Pays de Galle, le ministère de la justice dispose d’un budget pour financer le système judiciaire avec cependant des spécificités en fonction de certains types de juridictions. Actuellement, les structures sont réduites. L’investissement dans les nouvelles technologies est fondamental. Par ailleurs les justiciables sont incités à utiliser les modes alternatifs de résolution des conflits, pour déjudiciariser les procédures. Mais cela n’est pas très efficace.
Dans laFédération de Russie, le gouvernement ne peut pas réduire le budget du système judiciaire sans consulter préalablement la Communauté des juridictions. Le budget du système judiciaire est donc préparé avec la Communauté des juridictions et les Cours suprêmes. Les frais des tribunaux sont des sortes de taxes au profit dans le budget fédéral et ne servent donc pas à financer le budget des tribunaux. Il n’existe pas de quota qui permette de définir, par exemple, combien un juge est censé traiter d’affaires dans une période donnée. Le Parlement n'a pas adopté, à ce jour, de normes en la matière.
Espagne : Le système est assez décentralisé. Les budgets alloués peuvent donc varier sensiblement. Depuis plusieurs années, l’accent a été mis sur les nouvelles technologies, mais la crise économique rend incertaine la poursuite des actions entreprises.
Au Danemark, le système judiciaire est assez indépendant, notamment pour ce qui concerne la façon dont le budget est dépensé. La situation est assez stable depuis sa mise en place, en 1999.
Dans l’Ex-république yougoslave de Macédoine, le budget est préparé avec les présidents des différentes juridictions. Il y a des procédures séparées. Le budget est négocié avec le ministère des finances. En 2010, il y a eu une diminution du budget de l’Etat. Mais le budget des juridictions ne peut pas être diminué. A l’avenir, le budget doit au contraire être augmenté. Une partie du financement sera attribué à la formation des juges.
En Azerbaïdjan, une grande attention est apportée au système judiciaire. Beaucoup d’argent a été dépensé dans la formation des juges et du personnel de justice. Les nouvelles technologies ont aussi été importantes. En pratique un audit des besoins des juridictions est réalisé, et les lignes budgétaires sont votées à partir du moment où elles sont justifiées. Quelques juridictions comme la Cour suprême qui sont totalement séparées d’un point de vue budgétaire.
En Finlande c’est directement le ministre de la justice qui prépare et propose le budget au ministre des finances. Le système judiciaire fait partie du secteur public. Le coût des nouvelles technologies augmente en permanence et la seule façon de compenser est d’avoir moins de personnel. Nous pouvons être plus performants avec les technologies. Un certain nombre de domaines comme le registre foncier a été écarté des juridictions.
En Autriche, le registre foncier constitue une ressource financière importante. Le budget est établi et discuté entre le ministère de la justice et le ministère des finances. Le système est financé par des frais qui sont directement intégrés dans le budget de l'Etat . L'un des nouveaux principes appliqué est que lorsque de l’argent est donné, il faut démontrer qu’il a été dépensé pour l’usage auquel il était consacré.
Ce tour de table a été suivi d’une discussion.
Pour certains, il appartient à l'Etat in fine de décider de ce qui doit être investi dans le système judiciaire. Si on laisse les tribunaux décider de tout, ils pourraient dépenser de l’argent sur des postes qui ne sont pas jugés indispensables. Il doit y avoir une partie discrétionnaire mais le gouvernement doit être informé de la façon dont le budget est dépensé. En résumé, une certaine indépendance, oui, une indépendance totale, non.
S’agissant des indicateurs, se pose la question de leur nature et celle des critères d’évaluation des besoins budgétaires. Il est très difficile d’obtenir de bons indicateurs, même si cette culture existe dans certains pays comme l’Autriche.
Concernant l’usage que l’on peut faire des frais de justice, par exemple pour financer une juridiction, la rendre financièrement indépendante, ou pour financer l’aide juridictionnelle, l’idée qui ressort est de dire que les frais peuvent permettre de financer une partie des frais engendrés par le procès mais que cela ne doit pas constituer une fin en soi. Le risque est en effet de porter atteinte à l’accès à la justice. On peut aussi faire la différence entre les types d’affaires (civiles, pénales, commerciales…) où les enjeux ne sont pas les mêmes.
Un autre aspect est de se demander s’il rentre dans les attributions des juridictions de s’occuper de la façon dont on peut les rendre indépendantes financièrement.
Il a été admis que traditionnellement le système judiciaire a pour objet de rendre la justice.
Pour le représentant de l’Union européenne, les frais servent à augmenter l’efficacité de la justice. Si les frais ont pour but de financer le système tout entier, cela pose des problèmes.
L’indépendance des tribunaux requiert une complète indépendance du budget, du management. Du point de vue du public, il faut des limites pour vérifier que l’argent est dépensé pour le budget des juridictions.
L’indépendance des tribunaux est appréciée. Cela veut dire une gestion indépendante, qui inclue un financement direct. Mais il ne faut pas aller trop loin. Il faut des limites qui sont mises par des indicateurs et des objectifs qui tiennent compte de l’efficacité du système judiciaire.
Diminuer le budget des tribunaux a un impact négatif sur l’efficacité du système judiciaire.