Le rôle de l’éducation dans la prévention de la radicalisation conduisant au terrorisme et de l’extrémisme violent

S.A.V.E BELGIUM

Saliha Ben Ali

Septembre 2016

                                                                                                

L’objectif de de dossier est de présenter de manière synthétique les grands enjeux du débat qui tourne autour du rôle de l’éducation dans la prévention de la radicalisation conduisant au terrorisme et à l’extrémisme violent des jeunes en particuliers.

Ce document sera divisé en deux parties : dans une première partie, nous présenterons notre approche de l’éducation à la citoyenneté démocratique dans le contexte de la diversité culturelle et religieuse, et dans un second temps nous aborderons plus succinctement la question de l’autonomisation des femmes et le rôle de la sphère familiale dans la lutte contre la radicalisation et l'extrémisme violent.

Education à la citoyenneté démocratique dans le contexte de la diversité culturelle et religieuse

Introduction

Si les principes d’égalité, de liberté, et de fraternité, sont des valeurs communément admises et reprises par nos pays démocratiques, la pratique est souvent beaucoup plus compliquée dans des sociétés qui ont fortement évolué en un siècle, avec la diversification ethnico-sociale des populations immigrées qui se sont agrégées mais également leur origine géographique et culturelle. Si elles sont souvent présentées comme un danger à l’unité, elles représentent pourtant une incroyable richesse et doivent pouvoir se retrouver dans un narratif notamment scolaire qui s’est longtemps trouvé exclusif plutôt qu’inclusif, mission théoriquement première de l’école.

Il semble toutefois que l’école, reste avec la famille et l’armée notamment, un puissant outil d’éducation à la citoyenneté et aux valeurs nationales. C’est sur elle qu’il faut concentrer efforts et moyens.

Malheureusement, l’école pour tous a pu faillir à sa mission d’égalité en mettant de côté des pans entiers de la société, en occultant les histoires des uns et des autres, en bloquant tout dialogue et les discussions au nom de la connaissance et de la découverte de l’Autre.

L’adolescence est une période critique de la vie, celle de tous les possibles, de tous les rêves et souvent très rapidement de toutes les désillusions. L’école est là pour encadrer et inspirer cette évolution. Les jeunes qui se sont radicalisés, sont la métamorphose d’autres jeunes qui avant choisissaient d’autres dérives idéologiques, politiques, culturelles ; entendons dérives au sens de déviance de la norme. Nous sommes confrontés avec la vague d’attentats récents à des jeunes entre 18 et 30 ans, qui sont nés sur le sol européen pour la plupart, ont fréquenté écoles et institutions nationales, et pourtant qui se sont retournés contre elles et contre les populations et sociétés qui les ont fait grandir. Où est la faille ? Quelles solutions apporter à une école qui si elle se veut moteur d’égalité de l’accessibilité au succès professionnel et social, est aussi très tôt cristallisatrice de frustrations, de déceptions et de rancœurs ?

Les Européens aujourd’hui sont convaincus, en tant que victimes des « home grown » qui se retournent contre eux, que la radicalisation et le passage à l’acte terroriste, pourraient en partie être évités, disons bien en partie, si l’école répondait mieux aux attentes, espoirs, capacités, aspirations, des jeunes, et en particulier des « 3G », les troisièmes générations d’immigrés nés en Europe, ni tout à fait d’une culture ni tout à fait de l’autre.

Le conseil de l’Europe, dans son grand plan d’action contre le terrorisme de mai 2015 s’est saisi de la gravité des faits, et réitéré son souhait de vouloir soutenir davantage chaque Etat, car ce combat dépend des Etats, sur trois secteurs clés : les écoles, les prisons, et internet. Il se trouve que certains de nos jeunes, bien connus, ont eu affaire aux trois éléments. Ce n’est plus une exception pour la majorité des jeunes radicalisés passés à l’acte d’avoir été poussés à l’extrémisme violent par un des trois compartiments du triptyque : marginalisation à l’école, endoctrinement en prison, radicalisation express via internet et les réseaux sociaux. Que peut-on faire concrètement ?  

Il est important de reprendre ce que le Conseil de l’Europe a émis comme recommandations avant de dresser un constat puis faire des propositions pratiques à notre tour : « Nous restons déterminés à apporter une contribution importante à la lutte contre l’extrémisme violent et la radicalisation conduisant au terrorisme, en fondant solidement notre action sur le respect des droits de l'homme, l’Etat de droit et la démocratie, qui sont les trois domaines d’activité du Conseil de l'Europe. Pour être efficace, toute mesure de lutte contre le terrorisme, l’extrémisme violent et la radicalisation doit s’appuyer résolument sur ces valeurs.  C’est d’abord à chaque Etat qu’il incombe… » précise le Plan européen. Parce que si les Etats ont commencé, l’UE a eu du mal à prendre à bras le corps la situation des radicalisés et a lancé ce plan seulement courant 2015

Tout converge vers l’éducation pour en sortir. Les Etats et nous, familles, tout comme le corps enseignant, avons une responsabilité énorme : remettre nos valeurs de démocratie, de citoyenneté, d’égalité, de justice, de tolérance au cœur de nos préoccupations quotidienne afin que notamment l’école, ne soit pas le premier chaînon et moteur d’exclusion. Une fois sorti du circuit scolaire, les jeunes sont difficilement récupérables s’ils dévient : « Il est nécessaire de prendre des mesures pour prévenir la radicalisation violente et renforcer la capacité de nos sociétés à rejeter toutes les formes d’extrémisme. L’éducation formelle et l'éducation informelle, les activités de jeunesse et la formation des acteurs clés (y compris dans le secteur des médias, dans les domaines politiques et dans le secteur social) ont un rôle essentiel à cet égard. Les établissements scolaires, les prisons et les centres de rétention, les quartiers vulnérables et les lieux de culte requièrent tous des mesures adaptées, le plus souvent au niveau local. » 

Nous savons aujourd’hui les efforts qui sont enfin fait au niveau européen :  réaffirmation ferme dans une déclaration politique paneuropéenne de l’importance de l’éducation pour la promotion de la démocratie, la compréhension interculturelle et la tolérance, et la lutte contre la radicalisation, la discrimination et l’extrémisme violent liés à des motifs idéologiques, religieux et racistes ;  la définition et la mise en œuvre du cadre de référence des compétences pour une culture de la démocratie issu des travaux du Conseil de l’Europe cités plus haut, et enfin, mais le plus difficile souvent, la mise en pratique : la réalisation d’initiatives concrètes au niveau national, régional et européen ; cela veut dire avant tout bien sur lutter contre la violence scolaire, la discrimination à l’école, le harcèlement et toute forme de danger pour nos enfants.

1) L’éducation et la prévention à l’école pour lutter contre la radicalisation

Il faut réaffirmer encore et toujours que l’école a permis, comme l’éducation globale, de transmettre nos grandes valeurs de démocratie, de citoyenneté, et de fournir un apprentissage et une connaissance de qualité à des millions de nos jeunes. Elle a été le fondement de la vie de millions d’individus. Malheureusement, certains, quelques milliers, sont passés à travers les mailles de son filet, et en décrochant, ont dévié du « droit chemin » et de l’intégration. Je crois que c’est avant tout historique et classique : de tout temps, l’adolescence a été insaisissable parce que c’est la période de la vie où l’on se croit encore immortel, au-dessus de toute règle, et en réaction à toute forme d’autorité. Mais cela ne se passe pas toujours comme cela : la déviance peut se faire de manière insidieuse, par la défense d’idéaux et d’idées sans violence, sans volonté d’en découdre. Puis un jour, comme mon fils, le jeune a accumulé une telle frustration, de telles rancœurs contre cette société décevante, qu’il passe à l’acte, manipulé, et instrumentalisé par quelques énergumènes qui savent jouer de leur capacité d’influence et de nuisance. 

A.      Des profils totalement variables sans loi scientifique

Nous sommes désemparés, nous avons à faire à des profils globalement difficilement appréhendables, à l’âge compliqué, et nés et grandis sur notre propre territoire. Nous ne pouvons pas ne pas nous interroger sur la portée symbolique et la part de responsabilité d’une part de nos sociétés, d’autre part d’acteurs extérieurs perturbateurs et cristallisateurs, et sur l’influence que cela joue sur un jeune en construction.

La plupart des terroristes des attentats de Paris et de Bruxelles avaient moins de trente ans. Les profils diffèrent bien entendu, mais il est important de se concentrer sur les paramètres culturels, sociaux, psychologiques, qui font largement le jeu des recruteurs. L’influence à cet âge-là serait-elle plus forte ? Pas de généralisation une fois encore mais un constat : à la sortie de l’adolescence, on est tiraillé entre ses rêves et la réalité : c’est la période charnière où l’on est vite emballé, vite déçu, très impatient. Il faut un fort soutien psychologique pour les jeunes, qui se déconnectent progressivement de la réalité. Mon fils Sabri avait 19 ans, Bilal Hadfi 20 ans, les frères Bakraoui 27 ans, Abdeslam Salah 27 ans. Ce qu’il y a de commun à tous, c’est qu’ils sont nés en France ou en Belgique. C’est ce qu’on appelle les « home-grown », nés et grandis dans les valeurs de la République ou du Royaume. Ce qui les différencie c’est le degré de passage à l’acte dans la délinquance. Ne parlons pas d’Abdeslam Salah ou des frères Bakraoui, condamnés maintes fois. Mon fils n’avait jamais eu à faire à la police de sa vie.

Comment mesurer un défaut d’éducation, une mauvaise éducation, une éducation déviante ? Nous parents, devons-nous nous sentir responsables ? C’est dur à entendre. Il est clair que quelque chose se passe dans la tête de ces jeunes, en particulier de « returnees » pour avoir envie de s’en prendre à des innocents de son propre pays d’origine. Ce sont des questions entières.

B.      Les spécificités des « home-grown » et « returnees »

Comment comprendre qu’un jeune, qui est né ici, s’en aille et revienne ici commettre d’horribles attentats ? Quel est le point de basculement entre son idéal de défense de droits humains, y compris sa revendication de respect et de compréhension et la mise en pratique d’une vengeance violente et sanguinaire ? Il est indispensable de mieux comprendre la psychologie de ceux qui vivent entre deux mondes, l’idéal et le réel, le pays dit d’origine (de ses parents) conditionnant une large partie de son identité et celui où il a grandi ? C’est un double déracinement avant même d’avoir été enraciné : comment peut-on alors « ré enraciner » l’identité dominante chez ce jeune qui finit par basculer dans la marge et la déviance ?

C.      Le rôle double de l’éducation

Le rôle de l’éducation est double : en famille tout d’abord, et à l’école dans la même dynamique de construction sociale et culturelle. Et il faut arrêter d’imaginer que tous ceux qui basculent naissent et grandissent d’une part dans des familles à problèmes, divisées, éclatées, ou qu’ils sont en échec scolaire. Le cas de Sabri est malheureusement exemplaire pour cela : nous avons toujours été une famille unie, et il était bon à l’école. Et pourtant, il a basculé !

Quand on prend les jeunes qui sont partis en Syrie de ladite cellule de Vesoul, ils étaient tous fils de notaire, architecte, avocat, etc ! Aucun n’était même musulman, à part un converti. Alors la Syrie, avec ce goût pour le risque et le danger qu’ont les jeunes, est-il un nouveau Katmandou ? C’était quand même un autre idéal. On peut donc avoir un super contexte familial et économique et social correct et craquer. Le renvoi de la non place dans la société est une perception par définition très personnelle et à géométrie variable. Ceux de Vesoul n’étaient pas marginalisés. Les jeunes qui ont commis les attentats à Paris et Bruxelles étaient pris dans un engrenage de marginalisation : trafic, drogue, alcool, échec scolaire, boulots en tout genre et instabilité.

D.     Un contexte économique, social et culturel défavorable sources de rancœurs

Mais de manière plus générale, il est clair que le chômage des parents a joué pour mille dans ces histoires. Certains enfants ont toujours connu leurs parents au chômage depuis qu’ils sont nés. Et quand il y a un peu d’argent, il part au bled par western union parce que la famille là-bas est encore plus dans la difficulté. Mais nous en Europe, nous sommes considérés comme ceux qui ont réussi ! Beaucoup ont vécu dans des cités, que ce soit dans des communes chic ou populaires. Il faut avant tout régler cette histoire du problème de l’emploi des jeunes pour casser ce schéma à répétition. Il appauvrit, exclue, rend amer, et n’offre aucun avenir. La violence peut être alors à deux pas.

La radicalisation n’a plus besoin alors de s’opérer dans la ville, dans un établissement, dans un contexte social. Internet devient alors une source inépuisable, puisque le jeune est chez lui à ne rien faire. Il est rivé sur son écran, et a tout loisir de recevoir passivement toutes les informations violentes du monde dans sa chambre. C’est pour cela que je pense comme beaucoup qu’on n’a pas tant à faire à une question fondamentalement liée à l’islam, qu’à un problème économique, social et culturel, de faille identitaire, et de marginalisation de la jeunesse. Elle trouve les idéaux qui se présentent le plus facilement à elle. L’islam est une forme de cache-sexe sans jeu de mots, car ces jeunes radicalisés n’ont que peu de connaissance de l’islam, de la religion. Leurs parents leur ont a priori inculqué un islam de tolérance, et internet et les recruteurs retournent cette arme contre eux et contre nous, en jouant sur toutes les interprétations possibles du Coran. Il y a bien sûr des mosquées salafistes, des imams prêcheurs de haine qu’il faut surveiller. Mais comment contrôler un jeune seul dans sa chambre ? Les parents peuvent être là pour ça mais vous savez très bien qu’à dix-huit ans, on ne contrôle plus un jeune. Son principal désir c’est sa liberté, et il est prêt à tout pour ça ! Sabri avait ce besoin, cette envie, en quittant l’école pour travailler, en quittant le travail pour se rapprocher de la religion, en quittant l’Europe pour la Syrie.

L’éducation reste tout de même la meilleure arme contre ces bombes à retardement que sont nos jeunes, mais il faut se donner les moyens, et tenter de nouvelles propositions. Et la priorité, c’est avant tout la prévention plutôt que la guérison par la suite, souvent difficile. C’est à peu près comme pour le cancer : il vaut mieux prendre les devants.

2) Propositions et action en matière d’éducation contre le décrochage de nos jeunes

Si le grand plan européen de prévention et de lutte contre la radicalisation a été adopté à la suite des attentats de Paris et Bruxelles, en juin 2015, le rôle des Etats a tout de même été important puisqu’ils avaient déjà engagé de vastes chantiers depuis au moins deux ans, notamment pour la France et la Belgique. Mais avant ? Pas grand-chose.

A.      Malgré une longue inertie, le rôle de l’Etat avant tout

Il faut bien reconnaître que nous avons été dépassés par les évènements et que là où il y’aurait dû avoir une politique active de prévention dans les milieux de l’éducation, il y a eu défaut du politique. A l’époque où Sabri commençait à se radicaliser, soit en 2013, nous avons cherché des interlocuteurs dans le champ du politique, et personne n’a pu nous aider. Ça vaut pour le politique comme pour le milieu scolaire. En France, un grand plan de prévention de la radicalisation a été lancé le 23 avril 2014 par le Ministère de l’Education nationale. Il était sûrement temps : repérage, signalement des jeunes, suivi, formation de référents radicalisation, rapports et études diverses.

Côté belge, la ministre de l’époque Joëlle Milquet, lançait un grand plan en juin 2014 de lutte contre la radicalisation. Il était temps d’agir sur tous les plans. Il vaut pourtant toujours mieux soutenir la prévention, que de devoir réparer par la suite. C’est pour cela, que je pense, que l’éducation reste la meilleure arme contre la folie de Daesh et de ses recruteurs. Qu’a prévu la Belgique ? Les grands principes adoptés sont les suivants :

-Une connaissance approfondie et collective du phénomène de la radicalisation

-Un plan d’action contre les frustrations des jeunes

-Un soutien à la promotion de la diversité et à la lutte contre le racisme et toutes formes de discriminations

-La lutte contre le chômage des jeunes et la précarisation des nouvelles générations

-L’accroissement de la résistance morale des individus et groupes vulnérables, manipulables et influençables

-Meilleur maillage et coordination des acteurs locaux dans la lutte contre la radicalisation : police, secteur associatif, parents, responsables politiques, médias, acteurs, monde religieux

-Lutte contre le radicalisme sur internet et production de contre-discours pour désarmer prédicateurs et recruteurs

-Prévention de la radicalisation dans les prisons, terreau fertile[1]

Il faut bien sûr aller plus loin avec de nombreuses initiatives à lancer ou déjà en cours en se concentrant sur l’école car c’est elle qui sauvera nos jeunes, ou qui peut encore en rattraper certains qui ne sont pas confrontés au décrochage scolaire.

B.      La prévention avant tout en amont

De mon expérience personnelle, et de toutes celles que j’ai pu avoir par le biais de l’association, et des familles que j’ai rencontrées, il en ressort que l’on ne peut traiter la situation de radicalisation de nos jeunes après-coups. Quand la machine est enclenchée, c’est déjà trop tard : il faut dès les prémices que la coordination puisse s’opérer entre d’une part les familles, les services sociaux, l’Etat, et les divers services de renseignement. Il est délicat d’être en alerte permanente, surtout pour des cas dont on n’est pas sûr, et qu’il faut arriver à correctement diagnostiquer, mais un vrai travail discret d’enquête et de dialogue doit permettre d’éviter l’irréparable. Il faut je pense traquer les recruteurs avant même qu’ils puissent endoctriner plusieurs de nos jeunes. Sabri, avant qu’il redescende dans la rue fréquenter ce groupe de jeune marocains, ne posait pas de problème. A partir du moment où j’ai senti que son rapprochement de la religion était suspect, j’ai tout fait pour alerter la commune. Mais à l’époque, il n’y avait rien de prévu. Je pense qu’aujourd’hui c’est plus facile, mais la prévention ne me paraît pas encore suffisamment bien coordonnée. Il faut tout un arsenal de mesures qui sont soit en cours soit à mettre en place, que je vais essayer de vous résumer. Si l’on déplace les choix budgétaires, que l’on bascule sur le préventif, on aura moins besoin de placer des militaires dans la rue qui coûtent une fortune. L’éducation coûte toujours cher mais quand elle est bien soutenue, elle donne toujours des résultats encourageants. On a sûrement négligé ce poste depuis quelques années dans nos réductions drastiques de budget.

C.      La formation civique et citoyenne repensée

On peut constater une désaffection totale du sentiment national, ou un total décrochage de la part d’un certain nombre de nos jeunes d’un sentiment d’appartenance à la communauté. C’est le rôle au sein de l’Etat de deux institutions : l’école et l’armée. Il faut replacer au cœur des enseignements et ce, dès le collège, la formation citoyenne et civique. Au-delà de quelques cours sur ce qu’est être citoyen, sur les engagements de la société envers l’individu et l’inverse, sur les droits et les devoirs de tous les citoyens, qu’ils soient d’origine européenne ou d’origine immigrée. Aristote le disait, la démocratie est le moins mauvais des régimes. A tout le moins, c’est le nôtre, et malgré ses limites, il a fait ses preuves. En tout cas, nos jeunes doivent pouvoir renouer avec ses outils, sa modernité, et pour cela, la démocratie doit les traiter à égalité avec tous les autres. Ces jeunes un peu égarés ne décrochent pas par plaisir. Je ne crois pas en le mal inscrit dans les gènes de certains, mais je pense que nos pays vieillissants peuvent parfois oublier de donner la même chance à tous. L’école doit repenser des cours complets d’éducation civique, mais il faut aussi peut-être réfléchir aux formidables opportunités que l’armée offrait à beaucoup de jeunes qui n’étaient pas issus de milieux favorisés de se réinsérer dans la société : apprentissage, culture, responsabilisation, citoyenneté. L’école doit aussi davantage enseigner l’histoire de l’immigration dans nos pays et l’histoire des pays d’origine. C’est indispensable !

Par ailleurs, ne faudrait-il pas réfléchir à réinscrire le service militaire comme obligatoire en France et en Belgique ? Un jeune qui passe au moins un an au service de la nation a beaucoup moins de risques de se retourner contre elle. Et surtout le service militaire permettait à des jeunes de tous les horizons de se rencontrer, de fraternise, et de niveler les inégalités géographiques ou sociales par la découverte de l’Autre. Aujourd’hui, les milieux se mélangent plus difficilement et les clivages s’enracinent entre tous ces petits mondes, favorisés, défavorisés, européens, d’origine immigrée, urbain, rural, etc.

D.     Se battre contre l’impossible : la culture du mérite contre celle de la médiocratie dans un monde inégal et discriminatoire

Ce n’est pas qu’un combat utopique. C’est le véritable défi de nos sociétés en crise face à la situation d’impasse dans laquelle se sentent beaucoup de jeunes, et dans le mur dans lequel foncent beaucoup de ceux des cités, quartiers sensibles, familles décomposées. Il est frustrant pour beaucoup d’entre eux de bosser, obtenir des diplômes et toujours ressentir ce sentiment d’exclusion. S’il y’a des jeunes avec diplômes et job qui sont tout de mêmes partis, c’est qu’il y a un mal-être plus profond lié à la jeunesse. Il est décevant pour certains de mettre tous les moyens de leurs côtés, et de voir d’autres obtenir un logement, un job, un meilleur salaire.

Alors que mon fils Sabri qui était bon à l’école, courageux, et pouvait travailler dur, a passé un an à trouver un boulot parce qu’il avait fait le choix d’arrêter l’école, bon soit, et qu’il s’est retrouvé éboueur, vous imaginez la déception. Il se retrouvait à ramasser les poubelles de ses anciens amis flamands qu’il avait délaissé. Il se sentait mis de côté, et que rien d’autre de meilleur lui était promis. C’est dur lorsqu’on a 18 ans de n’avoir aucun espoir. Parce qu’on s’appelle Mohamed et qu’on sait intimement qu’on vous regardera toujours différemment. C’est le problème pour les jeunes du réseau, du capital culturel et social comme dirait Bourdieu. Alors, avec les réseaux, ils se mettent à trafiquer ou à travailler à la STIB, la société des transports inter-bruxellois, parce qu’il y a toujours un frère ou un cousin qui travaille là-bas. On est dans une société de médiocratie où le mérite ne paie pas toujours pour nos jeunes. Ils continuent à galérer, faire des études chères et aux débouchés limités, mais cela touche tous les jeunes, et au final, parce que la famille n’a pas le réseau qui les aiderait, ils abandonnent. La rancœur, la charge émotionnelle, puis la haine, peuvent se trouver être des armes violentes quand ils explosent !

E.      Une assistance psychologique personnalisée et renforcement de cette « résistance morale » des jeunes sous influence

Sabri désapprouvait la violence. Et ils sont nombreux dans les jeunes radicalisés pourtant à y avoir eu recours. Jamais on n’a pu imaginer que certains puissent franchir aussi facilement le seuil de violence. Les parents certainement pas ! Pourtant, manifestement, à un moment, la tension de nos enfants devient ingérable. Il y a déjà bon nombre de corps de métiers sur l’affaire : éducateurs sociaux, psychologues, enseignants, familles. Il faut pouvoir permettre aux jeunes de ne jamais franchir le seuil de la violence contre les autres et contre eux-mêmes. Car dans bon nombre de ceux qui partent, l’adhésion non seulement aux arguments fond-de- commerce de l’Etat Islamique (frustration, marginalisation, haine de l’Occident colonisateur, etc.) fonctionne à fond, mais pire encore, l’intériorisation du culte du suicide et de la mort s’enracine petit à petit. C’est comme si déjà nos jeunes mourraient à feu lents dans un carcan sociétal qui ne leur correspond pas, où ils ne se reconnaissent pas. Le passage à l’acte devient comme un rite de passage, une nécessité impérieuse de passer à l’acte voire au suicide pour gagner un autre degré, niveau de vie, voire le paradis. On arrive à leur faire croire, eux qui sont jeunes, beaux, pleins d’avenirs, que ce sera mieux là-haut !

Il faut pour cela trouver tous les moyens de renforcer la « résistance morale » des jeunes, c’est-à-dire la capacité de placer dans un contexte adéquat les conceptions idéologiques, politiques, confessionnelles ou philosophiques, qui font de la violence un but digne d'être poursuivi, et de ne pas en tenir compte.

Que faire concrètement ? Probablement que le plus gros travail est de retisser le lien altéré qui existe entre le jeune radicalisé et la société. Les recruteurs faisant leur travail sur un modus vivendi de type sectaire, parviennent à manipuler et isoler le jeune pour le reconditionner et le reformater en arme de guerre. C’est de la psychologie !

L’Union européenne a enfin pris mesure de l’urgence de la situation et a créé le programme ISEC chapeauté par la Commission européenne : « Strengthening Resilience against Violent Radicalisation » mené entre janvier 2013 et janvier 2015 dans le but de mettre en place une formation psychophysique de prévention précoce afin d’aider les jeunes (vulnérables) à renforcer leur résilience face aux influences radicales et à conscientiser leur environnement social.

A quoi cela a abouti ? Aux outils BOUNCE. Ainsi, BOUNCE est un ensemble de trois outils de formation et de sensibilisation à destination des jeunes et de leur environnement social. Ils fournissent aux jeunes et à leur environnement des ressources leur permettant de gérer les défis qu’ils rencontrent. Les trois outils (BOUNCE young, BOUNCE along et BOUNCE up) sont interconnectés et se complètent. Le projet BOUNCE permet l’émancipation des jeunes et de leur réseau, le renforcement de leur résilience et l’interaction avec un environnement pleinement conscient et préparé aux défis posés par la radicalisation. Un ensemble d’outils pédagogiques et éducatifs sont incorporés au programme et diffusés dans les écoles à l’attention des enseignants et des éducateurs spécialisés. Il faut parvenir à produire un contre-discours qui touche les jeunes et les convaincre que le projet nihiliste de l’Etat islamique est une absurdité totale, dangereuse pour eux avant tout, et dangereuse pour tous les Autres.

F.       La lutte contre les discriminations de tout type : villes-ghettos, familles isolées, communautarisme croissant

L’éducation des jeunes contre la radicalisation n’est pas à séparer d’un autre combat général contre les discriminations et le racisme. Il ne faut pas uniquement fustiger nos jeunes, mais il faut aussi pousser à éduquer sans arrêt sur les dangers du racisme, de la xénophobie et du rejet de l’autre. D’autant plus en situation de crise, où les partis populistes savent manipuler l’opinion pour désigner des responsables à leurs malheurs : les citoyens d’origine immigrée bien évidemment ! Quoi de plus absurde que de reprocher à des jeunes déjà mal dans leur peau de ne pas s’intégrer alors qu’ils sont nés ici et n’ont connus que la France ou la Belgique ?

Il faut que l’Etat maintienne sa présence et n’ait de cesse d’investir sur le terrain du personnel et des moyens dans des villes ghettos qui peuvent parfois s’enfermer et isoler les jeunes du reste du monde. L’action de la ville de Molenbeek mais aussi de Schaerbeek d’un point de vue local est importante, en termes d’éducation, de culture, mais aussi de dialogue interculturel. On ne compte plus les évènements et les colloques qui vont dans ce sens. Le grand colloque qui avait lieu à la maison des cultures de Molenbeek en mai 2016 sur la question de la radicalisation avait attiré beaucoup de jeunes. Il faut continuer dans ce sens pour permettre aux différentes couches de la société de se mélanger. Cela doit dépasser le cadre local, je dirai même « inter local » : les partenariats entre les communes de Belgique doivent se multiplier, tout comme des actions comme celles qui devraient se mettre en place entre des organisations anti radicalisations assez anciennes comme Unismed à Nice, et des communes en Belgique. Nous devons d’une part favoriser le partage d’expérience et de sensibilisation pour lutter contre les extrémismes, le racisme, l’incompréhension, l’islamophobie qui sont en train de gagner du terrain. Le rejet d’ailleurs des uns et des autres est inquiétant, car s’il y a montée d’une certaine arabophobie, soyons clairs disons les mots, il y a aussi une montée du sentiment anti-européen et « anti-blanc » au sein même de certaines catégories de ces jeunes et moins jeunes qui se sentent rejetés. Tout le monde doit travailler main dans la main.

Tous les sentiments se mêlent pour ces derniers : injustice, détresse, humiliation. Il faut avoir la capacité de passer au-dessus pour se sentir respecté. C’est pour cela que les politiques doivent garantir au public une vraie sensibilisation et surtout permettre de faire respecter les droits de l’homme, c’est-à-dire continuer à sanctionner toute forme de racisme. Or, on voit bien avec le glissement du débat, cet été en France par exemple, que sans faire la posture victimaire permanente, les femmes voilées sont en train de se faire montrer du doigt honteusement, et maintenant même verbaliser lorsqu’elles sont sur la plage. Au nom de la laïcité, le politique est en train d’allègrement soutenir le racisme d’Etat. Ce fossé va se creuser entre les musulmans d’Europe et la société si l’on stigmatise à ce point une catégorie de population sans limites. Après le voile intégral, certes, le burkini, on glisserait sans complexes vers une interdiction du voile, afin de préserver « l’ordre public » ? Que doivent alors penser nos jeunes quand on voit un tel déferlement de haine et de rejet ? La société civile doit empêcher ces dérives : promotion des valeurs de la diversité, lutte contre les stéréotypes, etc. L’Ecole aussi doit poursuivre sa mission, même lorsque le politique s’emballe à contre-courant. Il faut redéployer davantage de programmes (conférences, ouvrages, outils pédagogiques et fascicules, formation, communication médias, soutien aux organisations de défense des droits de l’homme et antiracistes)

G.     Importance de la formation du personnel, et de façon transversale et avec une dimension multidisciplinaire

Nous arrivons au cœur de notre sujet et des moyens de mettre en place toutes ces actions suggérées plus-haut. Il n’y a pas d’autre choix que de réinvestir dans la formation des acteurs de l’enseignement, alors que depuis des années nous vidons ces postes, en France, comme en Belgique, de leur substantifique moelle. Comment assurer un service de qualité et une formation adéquate pour nos enfants, mais aussi pour nos enseignants qui ont besoin de mettre à jour régulièrement leur matrice sur ces sujets sensibles. Le corps enseignant, à partir du moment où il ressent une certaine évolution de certains jeunes, doit pouvoir s’avoir à qui s’adresser. Afin de minimiser les erreurs, les méprises, les bévues car il n’est pas anodin de signer une dérive sans preuve suffisante, il faut prévoir un arsenal de corps de métiers à même de prendre en charge le jeune, et d’essayer d’inverser la tendance et le remettre sur le droit chemin avant qu’il ne soit trop tard. C’est en ça que l’implication dans une dimension multidisciplinaire, de politologues, psychologues, responsables religieux, acteurs du secteur social, et politiques est l’une des clés du succès. C’est une véritable chaine humaine de solidarité pour nos jeunes qui doit se faire sans laisse tomber personne du filet. En résumé, il faut proposer des offres de formation pour les acteurs de l’enseignement et les équipes mobiles et médiateurs de l’administration dédiées à ce sujet. L’organisation Unismed à Nice le fait déjà avec le personnel administratif et préfectoral des Alpes-Maritimes, et je le fais en partie avec SAVE Belgium. Il y a d’autres organisations mais nous ne sommes pas assez nombreux. Une plate-forme composée de personnes-ressources en soutien aux acteurs de terrain susceptibles d’être confrontés à des signaux précurseurs de radicalisation ou des difficultés de prise en charge a déjà été mise sur pied au sein de l’administration de l’enseignement avec un numéro vert (0800 20 410). La plate-forme est en partie chargée d’accompagner la politique de prévention à l’école, impliquant notamment le Centre pour l’égalité des chances, de faire des recommandations et de répondre à des demandes d’avis.

Il faut créer et diffuser des kits pédagogiques, simples, clairs, efficaces : films, vidéos, livres, notes, folders. Il faut mettre sur pied diverses publications qui devront notamment informer sur :

1. Les signaux de radicalisation ;

2. Les méthodes, initiatives et discours pour y faire face ;

3. La différence entre la radicalisation à portée violente et le choix de conceptions et pratiques de la religion, etc. afin d’éviter des amalgames. 

Le Ministère de l’intérieur belge a enfin réagi plus activement depuis quelques mois avec son programme de 2014 qui s’est accéléré. Cela a commencé par des séances d’information des fonctionnaires de prévention de 29 grandes villes.  Il y eut aussi un colloque sur la thématique de la prévention du radicalisme organisé dans le but d’informer les acteurs du terrain (police locale, fonctionnaires et agents de prévention) des phénomènes de radicalisation violente. Mais également une conférence internationale pour la prévention de la radicalisation violente » (23 et 24 septembre 2013). En septembre 2013, à l’initiative de la ministre, la Direction générale Sécurité et Prévention du Service Public Fédéral Intérieur a organisé un symposium international sur la prévention de la radicalisation violente, en collaboration avec l’EFUS, le Forum européen pour la sécurité urbaine. Ce symposium a réuni des praticiens experts internationaux, nationaux et locaux, des représentants du monde académique, des chercheurs, des représentants des services de police ainsi que des services de sécurité. Le Ministère a publié une brochure de prévention et une brochure pédagogique destinée essentiellement aux jeunes et au milieu associatif des grandes villes, a été diffusée en juin dernier, visant à attirer l’attention sur le fait de ne pas se tromper de combat en rappelant que l’action humanitaire est la seule réponse pour venir en aide à la population syrienne avec la solution politique.

H.     Une coordination nationale indispensable avec le plan d’action du Conseil de l’UE de 2015

L’action locale manquait d’une coordination européenne. Depuis le plan d’action du Conseil de l’UE de 2015, on peut espérer que ce soit chose faite. Au-delà des outils évoqués plus haut, il développe l’échange de bonnes pratiques, en ce qui concerne le contenu des programmes, mais aussi la formation et les orientations données au personnel. Les femmes et les filles comptent souvent parmi les acteurs les plus efficaces de la lutte contre l’extrémisme violent.  Nous avons besoin de mieux comprendre comment les médias sociaux et internet servent de vecteur de radicalisation. Nous devons aussi nous attacher davantage à empêcher la diffusion d’idées extrémistes et le recrutement de combattants terroristes au moyen des nouveaux réseaux de communication. Il s’agira notamment d’élaborer un contre-discours convaincant, qui s’appuie sur des initiatives locales, et de le diffuser au moyen des mêmes réseaux de communication. Ainsi que cela a été souligné en février dernier, lors du sommet de Washington consacré aux moyens de contrer l’extrémisme violent, il est nécessaire de renforcer la coopération entre les acteurs de tous les secteurs clés, tout en respectant le principe fondamental de la liberté d’expression.

Il était temps que l’Europe s’investisse ! Le Conseil de l’Europe élabore en ce moment les compétences indispensables à la citoyenneté démocratique, afin qu’elles figurent dans les programmes scolaires de tous les États membres.  Ce projet part de l’idée que l’un des buts premiers de l’éducation est de préparer ceux qui la reçoivent à mener une existence de citoyens actifs dans les sociétés démocratiques. Pour que cette ambition devienne réalité, il faut que les systèmes éducatifs européens soient en mesure de préciser ce que les apprenants scolarisés à différents niveaux d’enseignement devraient savoir, comprendre et être capables de faire en matière de démocratie et de dialogue interculturel, et quelles attitudes ils devraient pouvoir adopter. Le projet vise à définir les principales compétences nécessaires aux citoyens pour qu’ils puissent participer de manière effective à la société démocratique et au dialogue interculturel. Ces compétences et leurs descripteurs (ou indicateurs) sont conçus comme des lignes directrices, un cadre de compétences ou un élément de référence à l’intention des Etats membres, qui seront libres de les utiliser et de les adapter au sein de leur système éducatif, à tous les niveaux d’enseignement, comme bon leur semble.  Parmi les compétences requises figure l’acquisition de certaines valeurs, attitudes, aptitudes, connaissances et d’un esprit critique.  Le travail de mise en œuvre de la Charte du Conseil de l'Europe sur l'éducation à la citoyenneté démocratique et l'éducation aux droits de l'homme forme la toile de fond de ce projet.[2]

I.        Se former et former contre le salafisme 2.0 : les méfaits d’internet

On sait très bien que nos jeunes qui se radicalisent rapidement, ne passent pas vraiment par les mosquées. Ils le font surtout en prison et dans leur chambre devant internet. Internet joue un rôle de plus en plus important dans les processus de radicalisation et de polarisation. La Belgique a lancé une grande étude approfondie sous l'impulsion conjointe du SPF Intérieur et de la Politique scientifique fédérale, concernant l'impact d'internet et des médias sociaux sur les processus de radicalisation, mais également dans quelle mesure l'influence des parents et des pairs renforce ou neutralise cet impact, et quels leviers peuvent être utilisés pour rendre les jeunes plus résistants aux messages radicaux qui sont diffusés sur le net. La lutte contre l’auto-radicalisation doit s’effectuer avec le concours actif des familles puisque par définition, ces jeunes effectuent une mutation violente dans un cadre a priori censé être rassurant, épanouissant et fondateur. A l’école, il doit y avoir désormais un passage obligé par la formation à internet.

J.        Repenser l’éducation religieuse et l’islam en Belgique : imams, mosquées, « désaoudisation », « dewahabisation »

Peut-on parler du sujet le plus sensible à traiter ? Les intellectuels se perdent en tergiversations entre islamisation de la radicalisation et radicalisation de l’islamisation. Certes, mais, je pense que tous ces jeunes, n’ont que peu de lien avec l’islam. Il ne s’agit pas de nier le lien que l’Etat islamique entretient avec l’islam, puisqu’il s’en revendique. Il s’agit de dissocier la cause et les raisons que nos jeunes invoquent pour se radicaliser et passer à la violence en relativisant le facteur islam dans leur engagement.

Pourtant, il y a bien des reproches à faire à l’éducation religieuse en France et en Belgique concernant l’islam. Joëlle Milquet, ancienne ministre de l’intérieur belge, a bien rappelé, que quel que soit le degré d’implication de l’islam dans la dérive de certains de nos jeunes, il fallait impliquer les imams dans la démarche publique de lutte contre la radicalisation.

Il y a plusieurs problèmes en France mais surtout en Belgique. En France, la laïcité a encore relativement protégé de certaines dérives de la part des courants musulmans et de leur financement. Mais en Belgique, c’est le royaume qui a directement livré la représentation de l’islam aux courants les plus obscurantistes du wahhabisme, des Saoudiens et des salafistes, qui ont trusté l’enseignement « spirituel » de nos jeunes notamment. J’entends bien, pour ceux qui sont passés par la case mosquée.

Force est de constater que l’Etat belge porte une responsabilité dans la radicalisation de la représentation de l’islam dans son propre pays. Il faut recontextualiser. Un fait majeur a peut-être influencé sérieusement l’évolution qu’a pris l’islam de Belgique depuis les années 1960. Les imams marocains ont très tôt essayé de prendre leur distance par rapport à une quelconque influence étrangère. Le problème est en réalité venu de la Belgique qui n’avait pas grande expérience en réalité en la matière. En 1967, l’Etat belge, concède un bâtiment culturel de l’expo 58 dans le parc du Cinquantenaire à Bruxelles, à quelques centaines de mètres du rond-point Schuman, du cœur de l’Europe et de ses institutions, à l’Arabie Saoudite ! Par un bail emphytéotique de 99 ans, le Roi Baudoin souhaitait donner un gage aux musulmans fraîchement installés dans le Royaume et le fait à l’occasion de la visite du Roi Fayçal à Bruxelles.

Pourquoi à Riyad ? Choisir l’Arabie Saoudite était-il prémédité ? Pour le symbole des lieux saint de l’islam ? Pour son influence croissante sur la scène internationale et ses relations privilégiées avec les USA et l’Occident depuis 1945 et le pacte du Quincy ? Pour son rôle stratégique dans l’indépendance énergétique de nos pays par sa production de pétrole ? Vaste question mais c’est un ensemble. Devenu le centre islamique et culturel de Belgique, il n’avait pour autre ambition que, selon le site web du Centre aujourd’hui « devenir un phare de l’islam en Europe ». Ni plus ni moins. Encore plus clair de la part des autorités belges : « Le gouvernement belge reconnaît le Centre Islamique comme représentant de l’Islam et des musulmans de Belgique. »

En 1975, le débat public en Belgique commençait à percer sur la question des cours de religion. Seul le Centre Islamique était connu des autorités. Chaque année, on faisait venir des professeurs d’islamologie de l’étranger mais ils devaient renouveler tous les ans leur titre pour pouvoir rester sur le territoire belge. En 1976, le premier cours sur l’islam est enseigné dans le pays. En 1989, c’est le choc puisque l’imam et directeur du Centre Islamique Abdallah al-Ahdal et le bibliothécaire Salem al-Buhai sont assassinés à Bruxelles. L’attentat est revendiqué à Beyrouth par les « Soldats du Droit », accusant les deux responsables d’être des traitres de l’islam, soumis à un pouvoir politique mécréant[3]. Après le meurtre, le nouveau directeur Samir Radhi, qui avait travaillé pour la Ligue arabe, est nommé. Il connait mal le français et le flamand. En 1994, on a abouti à la création de l’Exécutif des Musulmans de Belgique, avec des prérogatives progressivement étendues : éducation, enseignement, question des aumôniers, question du hallal. Les premières élections dans les mosquées belges afin de composer une première Assemblée Générale ont lieu en 1994, et sont reconnues par l’Etat dans la foulée.

On comprend mieux que l’Arabie Saoudite n’ait pas été immédiatement désignée comme le seul interlocuteur, mais qu’elle bénéficie de son statut de gardien des lieux saints, qu’elle a beaucoup d’argent, et qu’elle n’a pas encore viré vers la radicalisation religieuse jusqu’au début des années 1980 et la révolution islamique chiite en Iran.

Le problème demeure aujourd’hui : il est vrai que le wahhabisme a envahi ces dernières années le web et les librairies proposant la littérature islamique impactant ainsi le discours général au sein de la communauté. Les évènements de ces dernières années ont permis une remise en cause de ces discours et une plus grande acceptation de la critique interne en intra-communautaire, critique qui était parfois difficile au sein d'une communauté minoritaire qui voyait d'un mauvais œil le fait de déroger à l'unité communautaire.

La rivalité entre imams « Marocains » et « Saoudiens » était ouverte. Il n’en fallait que peu selon l’historien Pierre Vermeeren pour expliquer la lente dérive d’un certain nombre de Belgo-marocains vers le wahhabisme. La conjonction marginalisation, trafic, chômage, et enracinement d’un islam rigoriste aurait mené à un cocktail explosif. C’est pour cela qu’aujourd’hui, on ne peut pas faire sans le concours des imams pour poursuivre ou réorienter l’éducation religieuse des jeunes qui sont concernés ou pour canaliser le discours de gens qui restent des prescripteurs et des leaders d’opinion dans leur communauté. La ministre belge de l’intérieur Milquet avait reçu à plusieurs reprises une soixantaine d’imams de tout le pays depuis 2014. A la suite de ces rencontres, le Conseil européen des Ouléma marocains et plusieurs institutions représentatives du culte musulman ont établi un document important avec des explications et des prises de positions importantes. Ce document est à la base de mesures de prévention prises désormais au sein de la communauté musulmane de Belgique.

Il est à noter que depuis quelques mois, ils se font très discrets en Belgique, ne voulant pas être associés je pense à tout ce qui s’est passé de dramatique depuis 2015.

K.      L’éducation doit se poursuivre dans les prisons là où la radicalisation explose

Il faut poursuivre l’éducation et lutter contre la radicalisation même lorsque l’on a échoué en amont, c’est-à-dire dans les écoles ou en famille. Car presque tous les jeunes terroristes passés à l’acte sur le sol européen sont passés par la case prison pour différents faits et avaient un casier judiciaire déjà bien rempli. Le pire et on le sait, est qu’à peine sortis de prison, ils partaient souvent directement en Syrie. C’est preuve que ce lieu, concentrant en réalité les recruteurs, les endoctrinés, a pu même en regroupant les individus sensibles pas encore radicalisés faciliter la propagation de la doctrine de l’Etat islamique. La prison doit devenir un lieu de la seconde chance, d’éducation, de formation. Il faudrait en réalité inscrire les programmes de réinsertion des prisonniers dans une vaste opération de travaux d’intérêt général, d’éducation citoyenne, pour que le jour où ils sortent, ils se ravisent et œuvrent cette fois pour la société et non pas contre. Est-ce utopique ? Un suivi psychologique personnalisé et individualisé devrait je le crois permettre à ces jeunes de repartir de bon pied en sortant de l’univers carcéral. Sinon à quoi bon, si l’on produit indirectement des bombes à retardement en les sortant du circuit social et sans penser qu’ils seront encore plus violents à la sortie ? il faudrait aussi revoir l’état de nos prisons en Europe, qui par manque de moyens, sont vétustes, surchargées, et parfois dignes des pays du tiers-monde. Doit-on rappeler les grèves de 2016 dans les prisons belges parce que même le personnel par manque de moyens ne se sentait plus en sécurité et plus à mêmes d’effecteur correctement un travail des plus sensibles ? Il faut mettre en place des classes avec des enseignements en histoire, en géographie, en sociologie, essayer de faire adhérer par des choses simples des prisonniers qui sont déconnectés depuis longtemps de la scolarité, cela sous-tend d’inventer probablement de nouvelles formes pédagogiques rapides et efficientes sur la citoyenneté, la démocratie, le respect de l’Autre.

L.       La culture toujours la culture : la remettre au sein des écoles en priorité avec le sport

Comment parler éducation sans parler culture ? Le rôle de l’Etat, des familles, est d’assurer un minimum culturel aux jeunes. C’est une question de transmission, d’une part de la famille. Mais si elle ne dispose pas de capital culturel, c’est bien là que l’école agit. L’action publique doit pouvoir porter nombre d’initiatives culturelles qui iront ensuite vers nos jeunes, vers l’école, ou/ et vers les quartiers.

Comment ne pas évoquer Djihad d’Ismaïl Saidi, une pièce sur le sujet et qui a fait grand bruit en Belgique en 2015[4] ? Ben, Reda et Ismaël sont trois jeunes Bruxellois qui font face à l’oisiveté de leur vie.  Ils décident de partir au nom de leur religion en Syrie pour combattre aux côtés des autres djihadistes. Le long de cette odyssée tragi-comique qui les mènera de Schaerbeek à Homs en passant par Istanbul, ils découvriront les raisons qui ont poussé chacun à partir et devront faire face à une situation beaucoup moins idyllique que prévu. Parti pour cinq représentations avec bien du mal dans le plat pays, la pièce a fait une grande tournée depuis. Les classes sont venues, ce qui a permis le débat. Elle est déclarée d’utilité publique et est jouée tous les jours ou presque devant des jeunes.

Il y a eu d’autres projets culturels soutenus par l’action publique et qui visent à promouvoir avant tout les vertus de nos pays européens : liberté d’expression, droits de l’homme, démocratie, pratique de la citoyenneté.

− Opération Caricaturistes – Fantassins de la démocratie Un soutien financier est accordé pour des séances scolaires suivies d’un débat avec des caricaturistes dans les salles de cinéma du réseau public.

-« La Quadrature du Cercle », documentaire de Stéphanie Valloatto.  La diffusion d’un DVD spécial dans toutes les écoles secondaires a lieu, accompagné d’un dossier pédagogique via une circulaire. Ceci est fait en collaboration avec le coproducteur belge du film.  L’histoire est la suivante : Douze fous formidables, drôles et tragiques, des quatre coins du monde, des caricaturistes, défendent la démocratie en s'amusant, avec, comme seule arme, un crayon, au risque de leur vie. Ils sont : français, tunisien, russe, américain, burkinabé, chinois, algérien, ivoirien, vénézuélien, israélien et palestinien. L'idée est de parler du combat des caricaturistes pour la démocratie, du risque permanent qu'ils encourent et du fait que les réactions et débats qu'ils suscitent donnent un subtil aperçu de l'état de la liberté d'expression et de la démocratie.

− Le Conseil supérieur de l’Education aux Médias en Belgique est également mobilisé pour que les différentes associations d’éducation à l’image mettent en commun toutes les ressources existantes dans un document clair (site web, dossier) à destination des enseignants.  

− Un appel à projets dans les écoles et des initiatives diverses depuis 2014 : des appels à projets « L’extrémisme, je dis non !» ont été lancés à destination des écoles dans les mois qui viennent pour appréhender plus spécifiquement le radicalisme à l’école et permettre de financer des projets spécifiques. 

− Par ailleurs, différents projets nouveaux ont été développés comme « Cellule Démocratie ou Barbarie » :  elle participe activement à la défense et à la promotion des valeurs démocratiques et du respect des libertés fondamentales. 

- Opération « Ouvrir mon quotidien » (Journaux francophones belges) :  un accompagnement pédagogique sera demandé aux trois centres de ressources (média-animation, Centre audiovisuel de Liège et le Centre d’autoformation et de formation continuée) pour les enseignants qui souhaitent aborder la presse en classe ou développer des projets presse (création d’un journal, …) sur ces sujets. 

- Journalistes en classe » (Association des journalistes professionnels): visite gratuite de journalistes en classe pour aborder la liberté d’expression. 

- « Avocats à l’école » : l’objectif de l’opération est de faire découvrir le monde de la justice et ses métiers, leur fonctionnement, comment se déroule un procès et de faire comprendre aux élèves à quoi sert la justice. Un travail sur la liberté d’expression et le racisme et l’extrémisme sera mené dans ce cadre.   

- « Ecole citoyenne » : dans le cadre du projet « Ecole citoyenne », la thématique sur le vivre ensemble, le respect de l’autre et la tolérance a été proposée pour l’année 2015.  

- « NO Hate » a produit un jeu de société WediActivists sur la question du discours de haine et la liberté d’expression ainsi qu’un livret pédagogique, qui seront mis à disposition des écoles pour animer des ateliers avec les élèves. 

- Le partenariat pédagogique avec la Fondation Roi Baudouin a été renforcé (Fabrique de la démocratie, Democracity…). 

-Des projets pour l’entourage, les parents et la famille à partir de l’école, des services d’éducation permanente ont été soutenus par l’Etat. L’entourage (partenaire, famille au sens strict comme plus large, amis) d’un individu offre en premier lieu une protection importante contre la radicalisation violente. Les probabilités pour que des personnes vulnérables tombent dans un processus de radicalisation violente sont bien plus faibles si elles entretiennent des liens forts avec leur entourage immédiat et ont quelqu’un à qui parler de leurs sentiments de frustration. Cependant, il ne leur est pas toujours facile de gérer ces sentiments, voire de faire face à des manifestations de radicalisation violente.  

Je pense enfin qu’il ne faut pas négliger pour tous ces jeunes les supports de bien-être, ceux qui vont réconcilier le corps et l’esprit. Je crois que la pratique de technique de détente, relaxation, pleine conscience, pour nos cas les plus agressifs, ou, si c’est vraiment inenvisageable, la pratique du sport dans les prisons comme dans les écoles de manière intensive, permettent à certains jeunes de faire ressortir leur violence ; ce qui n’est pas à séparer d’un certain épanouissement sexuel, donc d’une éducation à la sexualité, au genre, au respect des femmes, etc. C’est un sujet neuf, mais que les psychologues, les éducateurs, doivent prendre en compte malgré les tabous ! Je me demande à quel point le mal-être de certains de ces jeunes n’ait pas à la fois la désillusion, l’angoisse, et la frustration. Le cocktail est explosif sans jeu de mots chez les adolescents, ces êtres qui sont encore entre le statut d’adolescent et d’hommes !

L’autonomisation des femmes et le rôle de la sphère familiale dans la lutte contre la radicalisation et l'extrémisme violent.

Introduction

On a parlé de pertes de repères familiaux, de démission des parents, de mauvaise éducation, lorsque nos jeunes ont commencé à perdre pied. S’il est vrai que l’éducation est la pièce maîtresse et le socle commun à tout apprentissage droit d’un jeune, la famille a son rôle et un une place fondamentale à tenir pour l’épanouissement du jeune.

Or, un contexte défavorable depuis trente ans dans des familles précarisées, paupérisées, marginalisées, n’a pas toujours permis aux parents de tenir au mieux leur rôle de prescripteur et celui de relai et de courroie de transmission d’un certain nombre de valeurs. Les familles se fissurent, la solidarité s’affaiblit à cause du chômage, de la crise économique et sociale, de la marginalisation de certains jeunes d’origine immigrée, et du développement de fait d’un certain communautarisme. Avec l’école, la famille doit reprendre ce rôle fondamental dans le développement de ses enfants. Il doit se faire en dynamique et adéquation avec l’école, et les valeurs communes doivent être partagées, mais pas contradictoires. Il est important de revenir sur l’articulation de trois paramètres pour bien comprendre l’évolution de la radicalisation de certains jeunes.

1)      L’autonomisation des femmes d’origine immigrée en Europe : un combat permanent au Nord comme au Sud de la Méditerranée

Les sociétés modernes ont parié sur l'autonomisation de la femme par l’éducation et l’alphabétisation. Ce fut l’élément moteur du début de l’émancipation de la femme pour pouvoir participer activement à l’exercice de la démocratie. Ce n’est pas une rupture totale que l’on peut constater entre nos pays occidentaux et les pays arabes car pour simple exemple, les femmes syriennes ont pu voter au suffrage direct dans leur pays dès 1946 alors qu’en France ce fut en… 1945.  Ce n’est pas un écart énorme. Le choix de certains dirigeants arabes comme Bourguiba par exemple en Tunisie fut de favoriser la scolarité et l’alphabétisation avant tout. C’est probablement ce qui permet à la Tunisie aujourd’hui d’avoir une société civile plurielle, avec beaucoup de femmes aussi militantes et engagées en politique. Quel lien faire aujourd’hui ou pas avec la radicalisation des enfants ? Difficile car la Tunisie est parmi les premiers pourvoyeurs de djihadistes vers la Syrie. Mais ce n’est ni l’obscurantisme ni l’ignorance qui amélioreront les choses.

2)      Le rôle de la cellule familiale : fournir un cadre de prévention adapté aux dérives avant tout personnelles avant d’être collectives

 

C’est pour cela que ce soit dans le sud ou dans les quartiers des pays du nord, il faut probablement accorder une place bien plus importante à l’éducation et à la formation des femmes, qui sont le premier lien avec leur enfant. Ce n’est pas toujours de l’ordre de l’évidence dans le monde méditerranéen. Ce n’est pas un hasard si les jeunes djihadistes, même une fois partis en Syrie, maintiennent pour la plupart un lien indéfectible avec leur mère. Certains gamins, et c’est plus triste, arrivent même à inverser la vapeur et embarquer leur mère là-bas. Mais la mère reste un modèle et a priori fera tout pour sauver et ramener son fils. Nous avons fait avec mon mari ce qu’on a pu, mais jamais nous n’avons cédé aux exigences de Sabri, que ce soit en matière d’argent ou même lorsqu’il nous a annoncé son intention de se marier en terre de Califat. Nous avons continué à protester, et essayer de le convaincre de revenir, même si nous en savions les risques. Je préfèrerai le savoir rentré, grâce à notre pouvoir de conviction de parents que désormais mort là-bas parce que notre influence a malheureusement été minime face à ses bouchers !

3)      La lutte contre la radicalisation : la femme comme acteur clé ?

Les femmes ont toujours fait avancer la société, comme par exemple dans la lutte contre la pauvreté dans certains pays, ou tout simplement pour pouvoir disposer librement de leur corps. Pensons à Simone Veil et la question de l’avortement en France par exemple ! Pensons à des femmes comme Nawal Al Sadawi qui a toujours été un phare dans la société égyptienne dans le combat pour les droits de l’homme et de la Femme.

Je me suis personnellement engagé dans un projet qui me tient à cœur : Mother School est l’exemple même de ce qui doit être développé pour soutenir les femmes et les mamans.

                     

Selon les conclusions de l ‘étude réalisée par Femmes Sans Frontières, « Mothers for Change ! » Les mères sont celles qui ont le plus grand potentiel en matière de sécurité dans la lutte contre l'extrémisme violent au niveau de la communauté. De par leur proximité et leur relation émotionnelle avec leurs enfants, elles sont les mieux placées pour anticiper et réagir face aux signes de radicalisation bien avant qu’ils se développent. Toutefois, afin d'être plus efficace dans ce rôle, elles ont besoin de soutien dans la construction de leur confiance et de perfectionner leurs compétences d’intervention.

A partir de ces conclusions, le Modèle des Écoles des Mères recherche des mères comme alliées dans l’engagement pour la sécurité et les dote des compétences pour être efficaces face à la résilience des communautés. Le programme de l’école a été conçu pour renforcer la capacité individuelle, l'alphabétisation émotionnelle, et la découverte des influences extrémistes, à la fois pour aider les mères à prévenir et à faire face à cette menace croissante de manière efficace. Mis en œuvre par les partenaires communautaires de confiance, les dix modules comprennent des exercices spécifiques qui facilitent le dialogue, l'échange d'informations, et la réflexion critique en utilisant des techniques basées sur le contexte applicable à la vie quotidienne des participants. Ce modèle crée un espace formalisé où les mères améliorent leurs connaissances des signes d'alerte précoce et élaborent des stratégies pour être des barrières efficaces aux influences radicales. Il y a trois axes qui permettent de classer les 10 modules de travail :

·         Démanteler les barrières culturelles, sociales et personnelles à la lutte contre la radicalisation ;

·         Accroître les connaissances et la réflexion de la dynamique parent-enfant et répondre aux besoins des enfants ;

·         Intégrer une nouvelle confiance et une base de connaissances dans les stratégies de sécurité spécifiques.

Ainsi les actions sont très claires : former des formateurs d’Ateliers : la formation des partenaires locaux à travers des réseaux nouveaux et existants ; le déploiement des modules scolaires où les dirigeants communautaires formés recrutent des acteurs locaux pour organiser des groupes de travail de mères et mener à bien le programme. Ainsi chaque école composée de 10-20 femmes se réunit chaque semaine pour une série de 10 ateliers.

La Mothers School produit d’incroyables résultats :

Dans le cadre du radicalisme violent qui passe forcément par un repli identitaire chez le jeune, je pense qu’il y a donc lieu de renforcer le rôle de la famille et avant tout celui des femmes, pour être capable de détecter mais surtout d’appréhender ce type de comportement. Cela signifie fournir des moyens pour que les familles puissent consulter, s’informer : cellules psychologiques, éducateurs personnalisés, « grand-frère » qui pourraient s’immerger un temps dans le cadre des familles et permettre au jeune de « crever » l’abcès, etc. Les mères doivent pouvoir avoir accès à des conseils et de la formation en termes de psychologie des adolescents. Il n’y a pas d’« école » pour être parents, mais il n’est jamais trop tard pour essayer de faire toujours mieux !

Bruxelles, 26 août 2016.



[1] http://www.joellemilquet.be/wp-content/uploads/2014/06/1406-annexes.pdf

[2] Pour plus de détails, voir METTRE LES REFERENCES DU GARS QUI T A FILE LE PLAN DE PREVENTION

[3] http://archives.lesoir.be/l-assassinat-de-l-imam-de-la-mosquee_t-19890331-Z01HKG.html

[4] https://www.youtube.com/watch?v=--aZQVUlOmw