799e réunion – 13 juin 2002
Point 4.2
Droits des minorités nationales –
Recommandation 1492 (2001) de l’Assemblée parlementaire
(REC_1492 (2001) et GR-H(2002)CB8)
Décision
Les Délégués adoptent la réponse suivante à la Recommandation 1492 (2001) de l’Assemblée parlementaire relative aux droits des minorités nationales :
« Le Comité des Ministres a examiné attentivement la Recommandation 1492 de l’Assemblée parlementaire sur les droits des minorités nationales. Pour formuler sa réponse, il a estimé utile de demander l'avis du Comité consultatif de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales, du Comité directeur pour les droits de l'homme (CDDH), du Comité d'experts de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, du Comité pour la réadaptation et l'intégration des personnes handicapées (Accord partiel CD-P-RR) et du Commissaire aux droits de l'homme. Les avis rendus par ces diverses instances figurent en annexe. De manière générale, pour des explications plus détaillées afférentes aux positions exprimées dans la présente réponse, le Comité des Ministres renvoie à ces avis.
Le Comité des Ministres partage l'approche de l'Assemblée selon laquelle la protection efficace des droits des minorités nationales en Europe revêt une grande importance pour la mise en oeuvre des droits de l’homme et des libertés fondamentales, pour la stabilité, la sécurité démocratique et la paix sur le continent. Tout comme l’Assemblée, il souligne que cette protection fait partie intégrante de la protection des droits de l’homme. Le Comité des Ministres rappelle qu’à ce jour la Convention-cadre est en Europe le seul instrument multilatéral juridiquement contraignant consacré à la protection des minorités nationales en général et, de ce fait, constitue le moyen privilégié d’action dans ce domaine.
Ayant à l’esprit les articles 2 et 18 de la Convention-cadre qui font référence à la coopération internationale, le Comité des Ministres partage la préoccupation de l’Assemblée pour le renforcement de la coopération internationale, multilatérale et bilatérale, dans le domaine de la protection des minorités nationales. S'agissant de la coopération entre les Etats membres au sein du Conseil de l'Europe, le Comité des Ministres souhaite attirer l'attention sur des activités telles que les réunions périodiques (depuis 1994) des Bureaux gouvernementaux pour les minorités nationales, le Programme des mesures de confiance, les projets plus récents dans le cadre du Pacte de stabilité pour l'Europe du Sud-Est ou encore les travaux juridiques de la Commission de Venise dans ce domaine. De même, il rejoint l’Assemblée lorsque celle-ci appelle à une action plus déterminée de la part des Etats membres sur le plan national dans la mise en œuvre des instruments du Conseil de l’Europe dans le domaine de la protection des minorités nationales. 1
Le Comité des Ministres estime, comme l’Assemblée, qu’il convient d’inciter les Etats à éliminer les obstacles existants sur le plan national et à procéder au plus vite à la signature et ou la ratification de la Convention-cadre. Pour les raisons invoquées dans leurs avis respectifs par le CDDH et par le Comité consultatif de la Convention-cadre, le Comité des Ministres considère que les Etats Parties à la Convention-cadre devraient faire un usage judicieux de la possibilité de présenter des réserves/déclarations. Le Comité des Ministres partage l’avis selon lequel il convient d’inciter les Etats à la ratification et à la mise en œuvre de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires ainsi qu’à la signature et ratification du Protocole n° 12 (interdiction générale de la discrimination) à la Convention européenne des droits de l’homme. 2
Le Comité des Ministres reconnaît la nécessité d'accélérer à tous les niveaux la procédure afférente aux mécanismes de contrôle de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales et de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires. Le Comité des Ministres note en outre l'importance de la publication rapide et de la large diffusion des résultats de ces mécanismes et rappelle que les organes chargés du suivi de ces traités peuvent, le cas échéant, mettre en exergue les meilleures pratiques existantes. 3
De même, le Comité des Ministres se félicite de l'augmentation constante du volume de travail afférent à ces mécanismes et reconnaît qu'il est important que des ressources suffisantes soient disponibles pour faire face à ces responsabilités de nature conventionnelle. Le Comité des Ministres rappelle que l'augmentation des ressources et le renforcement des mécanismes de suivi, y compris pour les activités consacrées à la protection des minorités nationales par le Commissaire aux droits de l’homme, doit être examiné dans le contexte des besoins globaux de l’Organisation et en se fondant sur le degré de priorité accordé à la protection des minorités nationales. Dans ce contexte la possible reprise des activités du Comité d'experts sur les questions relatives à la protection des minorités nationales (DH-MIN) pourrait être examinée. 4
S'agissant de la proposition relative à un protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l’homme qui porterait sur les droits des minorités nationales et qui inclurait notamment la définition de la minorité nationale figurant dans la Recommandation 1201 (1993) de l'Assemblée, le Comité des Ministres considère quelque peu prématuré de rouvrir des débats sur ce projet. Le Comité des Ministres souligne dans ce contexte que, lorsque le Protocole n° 12 à la Convention européenne des droits de l’homme entrera en vigueur, toute discrimination à l’encontre d’une personne appartenant à une minorité nationale, y compris la discrimination fondée sur l’appartenance à une telle minorité, sera couverte par l’interdiction générale de la discrimination. 5
Le Comité des Ministres relève également la recommandation de l'Assemblée visant à l'élaboration éventuelle d’un protocole additionnel à la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales qui donnerait compétence à la Cour européenne des droits de l’homme, ou à une autorité judiciaire générale du Conseil de l’Europe, pour donner des avis consultatifs concernant l’interprétation de cette Convention-cadre. A cet égard, le Comité des Ministres se réfère, quant à la substance, à la position négative du CDDH, à l’avis du Comité consultatif de la Convention-cadre jugeant prématuré un tel protocole additionnel, et à la conclusion de la Cour européenne des droits de l’homme (Annexe 6 de la présente réponse) selon laquelle celle-ci « est en principe disposée à assumer un rôle interprétatif dans le domaine de la protection des minorités » si un tel protocole devait être introduit. Pour les raisons invoquées dans ces avis, le Comité des Ministres n'estime pas utile d’attribuer de nouvelles compétences à la Cour, par le biais d'un protocole additionnel à la Convention-cadre. En revanche, il considère nécessaire de consolider le mécanisme de la Convention-cadre. 6
En ce qui concerne la recommandation visant l'élaboration d'un instrument spécifique pour la protection des populations immigrées, le Comité des Ministres renvoie à l'avis du Comité d'experts de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires (Annexe 3 de la présente réponse), sans prendre position sur la question 7 .
En ce qui concerne la recommandation visant à donner aux différentes langues des signes en usage en Europe une protection semblable à celle conférée par la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, le Comité des Ministres prend note des avis du Comité d'experts de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires et du Comité pour la réadaptation et l'intégration des personnes handicapées (Accord Partiel)-(CD-P-RR), (respectivement, Annexes 3 et 4 de la présente réponse) 8 . »
Annexe 1
Avis sur la Recommandation 1492 (2001) de l’Assemblée parlementaire
relative aux droits des minorités nationales
(adopté par le CDDH lors de sa 52e réunion (6-9 novembre 2001))
1. Le Comité directeur pour les droits de l’homme (CDDH) prend note avec intérêt de la Recommandation 1492 (2001) de l’Assemblée parlementaire relative aux droits des minorités nationales, objet du présent avis. Celui-ci porte sur les éléments de la Recommandation qui relèvent plus particulièrement de la compétence du CDDH.
2. Avec l’Assemblée, le CDDH estime que la protection efficace des droits des minorités en Europe revêt une grande importance pour la mise en oeuvre des droits fondamentaux de l’homme, la stabilité, la sécurité démocratique et la paix sur le continent. Tout comme l’Assemblée, il souligne que cette protection fait partie intégrante de la protection des droits de l’homme. Il convient également que les instruments du Conseil de l’Europe dans le domaine des minorités doivent pouvoir être mis en oeuvre de façon plus généreuse par les Etats membres, ces instruments se limitant à des normes minimales.
3. Le CDDH rappelle l’avis qu’il avait formulé sur la Recommandation 1345 (1997) de l’Assemblée parlementaire relative à la protection des minorités nationales, la Déclaration finale et le Plan d’action du Deuxième Sommet de Chefs d’Etats et de Gouvernements du Conseil de l’Europe (Strasbourg, 10-11 octobre 1997), la « Déclaration politique adoptée par les Ministres des Etats membres du Conseil de l’Europe le vendredi 13 octobre 2000 lors de la session de clôture de la Conférence européenne contre le racisme », ainsi que la Résolution II « Le respect des droits de l’homme, facteur-clé de stabilité démocratique et de cohésion en Europe : questions d’actualité », adoptée lors de la Conférence ministérielle européenne sur les droits de l'homme (Rome, 3-4 novembre 2000), à l'occasion du 50e anniversaire de la Convention européenne des droits de l'homme (4 novembre 2000).
* * *
Renforcement de la coopération internationale
(voir § 12 (ii) de la Recommandation 1492 (2001))
4. Le CDDH partage le souci de l'Assemblée quant à la nécessité de renforcer la coopération internationale dans le domaine de la protection des droits des minorités, tant dans les relations bilatérales qu’au niveau des organisations internationales européennes. Il rappelle que le Plan d’action du Deuxième Sommet de Chefs d’Etat et de Gouvernement du Conseil de l’Europe (Strasbourg, 10-11 octobre 1997) indiquait que « les Chefs d’Etat et de Gouvernement, prenant en considération l’entrée en vigueur imminente de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales, décident de compléter l’acquis normatif du Conseil de l’Europe en la matière par des initiatives pratiques, telles que des mesures de confiance et une coopération renforcée, impliquant à la fois les gouvernements et la société civile ».
5. Il estime que les travaux de coopération intergouvernementale sont essentiels dans ce domaine. Le CDDH ne peut par conséquent que regretter vivement que les travaux de son Comité d’experts sur les questions relatives à la protection des minorités nationales (DH-MIN) soient suspendus depuis 2000, du fait que les ressources humaines et budgétaires de son Secrétariat ont du être utilisées pour renforcer d'urgence celui du Comité consultatif de la Convention-cadre. Le DH-MIN constitue un excellent forum d’échanges de vues, d’expériences et de bonnes pratiques, de nature à favoriser la mise en oeuvre effective des normes internationales en la matière. De surcroît, il a toujours associé des représentants de la société civile à ses travaux. En conséquence, le CDDH émet le vœu que des moyens financiers et humains puissent être rapidement dégagés afin de permettre au DH-MIN de reprendre ses travaux.
6. Le CDDH relève également les projets développés par le Conseil de l’Europe dans le cadre du Pacte de stabilité pour l’Europe du Sud-Est, et en particulier trois projets concernant les minorités nationales (étude sur la non-discrimination, acceptation et mise en oeuvre des normes existantes et accords de coopération bilatérale), ainsi que la campagne de sensibilisation « Link Diversity ». Ces initiatives offrent un nouveau cadre pour la mise en oeuvre de la coopération internationale. Le CDDH souligne, par ailleurs, que d’autres activités de coopération sont en cours (tables-rondes, visites d’étude, expertises, notamment sur des projets de loi concernant les minorités). Elles visent à sensibiliser aux normes de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales, ainsi qu’à assurer leur application.
Augmentation du nombre d’Etats Parties à la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales, retrait des réserves et des déclarations
(voir § 12 (iii)(iv) de la Recommandation)
7. La Conférence ministérielle de Rome, déjà mentionnée, a invité les Etats membres qui ne l’ont pas encore fait à « examiner ou à réexaminer la possibilité de devenir Partie à la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales (1995), et les Etats Parties à coopérer pleinement avec le mécanisme de suivi mis en place par cette Convention » (voir paragraphe 25 de la Résolution II adoptée par la Conférence). Le CDDH, chargé par les Délégués des Ministres les 10-11 janvier 2001 de la mise en oeuvre de plusieurs décisions de la Conférence, se propose de procéder régulièrement à un échange de vues sur l'état des signatures et ratifications de la Convention-cadre, afin d'encourager les Etats concernés à signer et/ou ratifier cet instrument au plus vite. A défaut d'une définition du terme de « minorité nationale » dans la Convention-cadre, le CDDH estime utile de maintenir la possibilité, pour les Parties à cet instrument, de faire des réserves ou des déclarations sur le champ d'application personnel de la Convention-cadre. Néanmoins, le CDDH partage l'avis du Comité consultatif selon lequel, en matière de réserves/déclarations, les Parties à la Convention-cadre, devraient faire preuve d'une « extrême retenue » (voir § 6 de l'avis du Comité consultatif sur la Recommandation 1492 (2001) ; document ACFC (2001) 3).
Augmentation des ressources humaines et financières
(voir § 12 (vi) de la Recommandation)
8. Bien que cette question ne relève pas de sa compétence, le CDDH soutient pleinement la proposition de l’Assemblée parlementaire visant à augmenter les ressources humaines et financières pour permettre une meilleure application de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales.
Entrée en vigueur du Protocole n°12
à la Convention européenne des droits de l’homme
(voir § 12 (vii) de la Recommandation)
9. Une fois en vigueur, le Protocole n° 12 devrait être de nature à étendre la protection contre toutes les formes de discrimination et par conséquent à contribuer, à la lumière de l'interprétation qu'en donnera la Cour, à améliorer certains aspects de la protection des personnes appartenant à une minorité nationale. Le CDDH suit de près l’état des signatures et ratifications du protocole et demande régulièrement à ses membres une mise à jour.
Publication et diffusion des travaux
des mécanismes de suivi institués au sein du Conseil de l’Europe
(voir § 12 (viii) de la Recommandation)
10. Le CDDH note avec grand intérêt que le Comité des Ministres a entamé l’examen des premiers avis du Comité consultatif de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales. Dans ce contexte, il accueille très favorablement l’initiative prise par les gouvernements de la Finlande, la Hongrie, le Liechtenstein et la Slovaquie de publier les avis les concernant avant même que le Comité des Ministres n’adopte ses propres conclusions et recommandations à leur égard. Le CDDH estime que cette pratique contribue à susciter un débat utile au plan national sur les questions abordées dans ces avis et qu’elle sera suivie par les autres Etats Parties à la Convention-cadre, étant entendu que les Etats auront d’abord la possibilité de corriger toute inexactitude. Il souhaite, par ailleurs, que le délai entre l’avis du Comité consultatif de la Convention-cadre et l’adoption de conclusions et de recommandations par le Comité des Ministres soit le plus bref possible.
11. Le CDDH exprime son soutien à la proposition faite par l’Assemblée parlementaire pour que les différents résultats des mécanismes de suivi du Comité consultatif de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales et du Comité d’experts de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires puissent être publiés rapidement et largement diffusés. L'accès du public aux informations dans ce domaine est une exigence posée par une société démocratique pluraliste, ainsi que l'a rappelé la Conférence ministérielle de Rome, et peut être un facteur de stabilité démocratique et de cohésion en Europe.
12. Le CDDH rappelle également que les questions concernant les minorités nationales sont évoquées dans le cadre des programmes de coopération et de sensibilisation en matière de droits de l’homme du Conseil de l’Europe (informations disponibles sur Internet, réunions d’informations sur le terrain, etc.).
Renforcement de ces mécanismes
(voir § 12 (ix) de la Recommandation)
13. Le CDDH relève que le mécanisme de suivi institué à l’origine par la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales (articles 24 à 26) a parfois été considéré comme trop modeste. Il note toutefois que tant ce mécanisme de suivi que la pratique se sont considérablement développés depuis l’adoption de la Convention-cadre et restent en pleine évolution. Il rappelle ainsi la Résolution (97) 10 (« Règles adoptées par le Comité des Ministres relatives au mécanisme de suivi prévu aux articles 24 à 26 de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales ») adoptée le 17 septembre 1997, le Règlement intérieur du Comité consultatif, ainsi que les développements ultérieurs tels que la pratique des visites dans les pays et les autorisations adoptées par le Comité des Ministres permettant au Comité consultatif de rechercher des informations de sources autres que gouvernementales et de tenir des réunions avec de telles sources dans le contexte des visites, ainsi que le dialogue constructif qui s’est développé entre le Comité consultatif et les gouvernements des Etats Parties.
Elaboration éventuelle d’un protocole additionnel
à la Convention-cadre
(voir § 12 (x) de la Recommandation)
14. Le CDDH note la recommandation visant à l'élaboration éventuelle d’un protocole additionnel à la Convention-cadre qui donnerait compétence à la Cour européenne des Droits de l’Homme, ou à une autorité judiciaire générale du Conseil de l’Europe, pour donner des avis consultatifs concernant l’interprétation de cette Convention-cadre.
15. Le CDDH reconnaît l'existence de similitudes entre certains droits protégés par la Convention-cadre et d’autres droits protégés par la Convention européenne des droits de l’homme 9 , mais la nature de leurs dispositions respectives diffère : celles contenues dans la Convention-cadre constituent pour la plupart des dispositions-programmes définissant certains objectifs que les Parties s'engagent à poursuivre et qui, en principe tout au moins, ne sont pas directement justiciables, car elles impliquent des actions de la part du législateur, du gouvernement ou encore des autorités régionales ou locales. Du reste, la Cour reconnaît elle-même ce problème au paragraphe 4 de l'avis qu'elle a donné le 2 avril 2001 sur la Recommandation 1492 (2001), en se demandant « si l'interprétation de pareilles dispositions cadre bien avec la fonction judiciaire de la Cour » 10 .
16. Le CDDH relève que la Cour se déclare en principe disposée à assumer un rôle interprétatif dans ce domaine (voir § 9 de l'avis de la Cour). Elle met en avant que ce rôle est facultatif et qu'elle peut s'abstenir de donner son avis en telle ou telle occasion, non seulement lorsque des questions pourraient être considérées comme non justiciables, mais aussi « pour d'autres raisons » (id., § 6), vraisemblablement liées à l'exercice de sa fonction juridictionnelle au titre de la CEDH. 11
17. Pour ces raisons, le CDDH n'estime pas utile d’envisager, par le biais d'un protocole additionnel à la Convention-cadre, de nouvelles compétences pour la Cour. En revanche, il considère nécessaire de consolider le mécanisme de la Convention-cadre et le rôle du Comité consultatif en matière d’interprétation juridique des dispositions de la Convention-cadre.
Elaboration éventuelle d’un protocole additionnel
à la Convention européenne des droits de l’homme
(voir § 12 (xi) de la Recommandation)
18. Le CDDH relève que l’Assemblée parlementaire réitère les propositions qu’elle avait faites dans sa Recommandation 1201 (1993) relative à un protocole additionnel à la Convention européenne des Droits de l’Homme sur les droits des minorités nationales. Ces propositions concernaient, entre autres, l’élaboration d’un tel protocole additionnel qui inclurait notamment la définition de la minorité nationale figurant dans la Recommandation 1201 (1993).
19. Le CDDH rappelle que, lors du Premier Sommet de Chefs d’Etat et de Gouvernement du Conseil de l’Europe (Vienne, 8-9 octobre 1993), le Comité des Ministres a été chargé « d’engager les travaux de rédaction d’un protocole complétant la Convention européenne des droits de l’homme dans le domaine culturel par des dispositions garantissant des droits individuels, notamment pour les personnes appartenant à des minorités nationales ». En janvier 1996, le Comité des Ministres décidait de suspendre les travaux en vue de l’élaboration d’un tel protocole additionnel, position réitérée en 1999, en estimant que « la méthode du protocole additionnel, préconisée par l’Assemblée parlementaire (notamment dans sa Recommandation 1201), ne s’est pas avérée faisable pour diverses raisons, notamment parce qu’elle contient certains éléments (la définition d’une minorité nationale, le caractère et l’étendue de certains droits, etc.) qui ne sont pas acceptés de façon générale par tous les Etats membres » 12 . Le Comité des Ministres avait toutefois ajouté que sa décision de suspendre les travaux « ne constitue pas un rejet définitif d’un tel protocole additionnel, mais laisse la possibilité de réexaminer la question à la lumière de l’expérience qui aura été acquise dans le domaine de la mise en oeuvre des normes existantes ».
20. Le CDDH estime que les raisons qui ont motivé cette décision demeurent valables. Il considère quelque peu prématuré de réouvrir des débats sur le projet de protocole additionnel proposé par l’Assemblée parlementaire.
21. Enfin, le CDDH rappelle que le protocole n° 12 à la Convention européenne des Droits de l’Homme, déjà mentionné, dispose en son article 1 que : « la jouissance de tout droit prévu par la loi doit être assurée, sans discrimination aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation. ». Ainsi, lorsque ce Protocole additionnel entrera en vigueur 13 , toute discrimination à l’encontre d’une personne appartenant à une minorité nationale, y compris la discrimination fondée sur l’appartenance à une telle minorité, sera couverte par l’interdiction générale de la discrimination.
Annexe 2
Avis du Comité consultatif de la Convention-cadre
pour la protection des minorités nationales sur la Recommandation 1492 (2001) de l'Assemblée parlementaire relative aux droits des minorités nationales
1. Le Comité consultatif prend note avec intérêt de la Recommandation 1492 (2001) de l’Assemblée parlementaire relative aux droits des minorités nationales, objet du présent avis. Concerné de très près par la plupart des éléments figurant dans la Recommandation 1492, le Comité consultatif en a examiné soigneusement le texte. Le présent avis est le fruit de l’échange de vues que le Comité consultatif a tenu sur ce sujet lors de ses 10e et 11e réunions.
2. Avant de développer des commentaires concernant plus spécifiquement les différents éléments de la Recommandation 1492, le Comité consultatif tient à se joindre à l’Assemblée parlementaire lorsque celle-ci souligne l’importance que revêt une protection efficace des droits des minorités nationales en Europe. Etant à ce jour, en Europe, le seul instrument multilatéral juridiquement contraignant consacré à la protection des minorités nationales en général, la Convention-cadre constitue, de l’avis du Comité consultatif, le moyen d’action privilégié dans ce domaine.
3. Le Comité consultatif tient d'emblée à souligner que, pour tout développement ultérieur éventuel des propositions (en particulier celles figurant aux paragraphes 12 (x) et 12 (xi)) formulées par l'Assemblée Parlementaire, il serait essentiel d'initier à cet égard un dialogue substantiel impliquant un grand nombre d'acteurs, y compris les minorités nationales et d'autres secteurs de la société civile.
* * *
Renforcement de la coopération internationale
(voir § 12 (ii) de la Recommandation 1492 (2001))
4. Le Comité consultatif rappelle que la protection des minorités nationales fait partie intégrante de la protection internationale des droits de l’homme et qu’elle constitue, de ce fait, un domaine de la coopération internationale. En outre, le Préambule de la Convention-cadre reconnaît que la protection des minorités nationales est essentielle à la stabilité, à la sécurité démocratique et à la paix du continent. Le Comité consultatif partage par conséquent le souhait de l'Assemblée parlementaire de renforcer et de développer davantage la coopération internationale dans ce domaine. Il note au passage, en ce qui concerne les relations bilatérales auxquelles fait référence la Recommandation, que l’article 2 de la Convention-cadre mentionne explicitement les principes de bon voisinage, de relations amicales et de coopération entre les Etats et que l’article 18 de la Convention-cadre encourage la conclusion d’accords bilatéraux et multilatéraux ainsi que la coopération transfrontalière. Les Etats non-membres du Conseil de l'Europe peuvent être également concernés puisque certains d’entre eux sont déjà Parties à la Convention-cadre.
Augmentation du nombre d’Etats-Parties à la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales, abolition des réserves et des déclarations
(voir § 12 (iii)(iv) de la Recommandation 1492 (2001))
5. Le Comité consultatif exprime son soutien à la proposition de l’Assemblée parlementaire de demander aux Etats qui ne l’ont pas encore fait de signer et/ou de ratifier au plus vite la Convention-cadre. Depuis l’adoption de la Recommandation 1492, il convient de signaler que la Belgique a signé la Convention-cadre. Compte tenu du fait que 34 Etats ont ratifié la Convention-cadre et que 8 autres Etats l’ont signée sans la ratifier, le Comité consultatif relève que ce traité a acquis une portée géographique très vaste et qu’il est clairement appelé à représenter les standards largement reconnus en matière de protection des minorités nationales en Europe. Il est par conséquent d’autant plus important que les quelques Etats membres qui ne l’ont pas encore fait signent et/ou ratifient cet instrument afin que celui-ci puisse à l’avenir s’appliquer dans tous les Etats membres du Conseil de l’Europe.
6. En ce qui concerne la question des réserves et des déclarations à la Convention-cadre, le Comité consultatif note que celles-ci affectent dans une large mesure le champ d'application personnel de la Convention-cadre. Dans la pratique, à travers leurs politiques et programmes, certains Etats ont adopté une approche plus large de la protection des minorités nationales que celle résultant de leurs réserves et déclarations (voir commentaires à cet égard sous le paragraphe 16). Compte tenu de ce qui précède et vu la nécessité d'éviter toute restriction injustifiée du champ d'application de la Convention-cadre, le Comité consultatif considère dès lors que les Etats devraient faire preuve d’une extrême retenue lorsqu’ils envisagent d’accompagner la signature et/ou la ratification de réserves/déclarations. Le Comité consultatif est également d’avis qu’il conviendrait d’encourager les Etats Parties à réexaminer périodiquement les réserves/déclarations qu’ils ont formulées en vue de leur retrait éventuel.
Ratification de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires
(voir § 12 (v) de la Recommandation 1492 (2001))
7. Au vu de la complémentarité potentielle qui existe entre la Convention-cadre et la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, le Comité consultatif partage l’avis selon lequel il convient d’inciter les Etats qui ne l’ont pas encore fait à ratifier ce second instrument.
Augmentation des ressources humaines et financières
Renforcement des mécanismes de suivi
(voir § 12 (vi)(ix) de la Recommandation 1492 (2001))
8. Dès le début de ses activités, le Comité consultatif a considéré que les ressources qui lui étaient affectées n'étaient pas à la mesure de sa charge de travail. Cet état de fait résulte notamment de l’augmentation rapide du nombre d'Etats Parties à la Convention-cadre. Si cette augmentation représente une évolution bienvenue, elle a évidemment aussi une forte incidence sur la charge de travail du Comité consultatif et de son secrétariat, assuré par la Direction Générale des droits de l’homme. Nonobstant certaines améliorations que le Comité consultatif a reconnues dans son deuxième rapport d’activité, ce constat d’insuffisance est malheureusement plus que jamais d’actualité. Le volume de travail du Comité consultatif et de son secrétariat est en effet appelé à croître sensiblement dans les mois et les années qui viennent : dès lors que 13 avis ont déjà été adoptés par le Comité consultatif et que de nombreux autres sont en préparation, un important travail d’assistance au Comité des Ministres devra en effet être fourni afin que celui-ci puisse accomplir dans les meilleures conditions ses tâches d’organe de suivi de la Convention-cadre.
9. Le fait de ne pas apporter de réponses rapides à ces problèmes de ressources pourrait non seulement entraîner, à brève échéance, des retards dans la présentation des avis du Comité consultatif et dans l’adoption de conclusions et de recommandations par le Comité des Ministres, mais également compromettre le bon fonctionnement du mécanisme de suivi dans son ensemble. Le Comité consultatif est cependant d’avis que le mécanisme de suivi, compte tenu de l’évolution qu’il a connue depuis l’entrée en vigueur de la Convention-cadre, est parfaitement à même de produire des résultats efficaces, pour peu qu’il soit doté de moyens suffisants. Le Comité consultatif souscrit donc pleinement à la proposition de l’Assemblée parlementaire relative à l’augmentation des ressources humaines et financières ainsi qu’au renforcement des mécanismes de suivi. Lors d'une réunion jointe réunissant à Strasbourg les représentants des services gouvernementaux pour les minorités nationales et ceux de la société civile (Strasbourg, 21 mai 2001), la trop longue période écoulée entre la présentation des rapports étatiques et la publication des avis du Comité consultatif a été soulignée comme un sérieux sujet de préoccupation.
Signature et ratification du Protocole n°12
à la Convention européenne des droits de l’homme
(voir § 12 (vii) de la Recommandation 1492 (2001))
10. Le Comité consultatif se félicite de l'appui de l'Assemblée parlementaire à la signature et à la ratification du Protocole n°12 à la Convention européenne des droits de l’homme. La lutte contre la discrimination ne pouvant que concourir au renforcement de la protection des minorités nationales, le Comité consultatif exprime l’espoir que le Protocole n° 12 entrera rapidement en vigueur.
Priorité à donner à la discussion et à l’adoption des avis du Comité consultatif
Etablissement d’une procédure appropriée en vue de leur publication rapide et de leur large diffusion
(voir § 12 (viii) de la Recommandation 1492 (2001))
11. Comme il l’a déjà exprimé à différentes occasions, en particulier lors de la présentation de son deuxième rapport d’activité aux Délégués, le Comité consultatif partage pleinement le souci de l’Assemblée parlementaire concernant la suite qu’il convient de donner à ses avis. Il est ainsi persuadé que, pour renforcer l’efficacité de son travail et permettre à tous les intéressés, en particulier au niveau national, de faire le meilleur usage des résultats de la procédure de suivi, il est indispensable qu’il ne s’écoule pas un délai trop long entre le moment où un avis est adopté et le moment où il est publié, faute de quoi les avis perdront beaucoup de leur impact. Le Comité consultatif se réjouit donc tout particulièrement que les Etats Parties puissent, sans préjudice de l'examen de l'avis par le Comité des Ministres, rendre public l'avis du Comité consultatif les concernant, ainsi que leurs commentaires écrits, avant l'adoption des conclusions du Comité des Ministres et de ses recommandations éventuelles, ainsi que l’ont noté les Délégués lors de leur 756e réunion. Le Comité consultatif a constaté avec satisfaction que la Slovaquie, la Finlande, le Lichtenstein et la Hongrie ont d’ores et déjà fait usage de cette possibilité en décidant de publier l’avis les concernant et leurs commentaires de façon anticipée et exprime l’espoir que d’autres Etats Parties suivront cet exemple. Il considère que cette pratique s’inscrit parfaitement dans l’esprit de la Convention-cadre, dont le rapport explicatif prévoit que le suivi de la mise en œuvre doit s'effectuer, autant que possible, dans la transparence.
12. En ce qui concerne la discussion de ses avis au niveau des Délégués, le Comité consultatif note que c'est évidemment au Comité des Ministres qu'il incombe de définir ses méthodes de travail pour cette phase du cycle de suivi. A cet égard, le Comité consultatif a déjà annoncé qu’il était prêt à être associé, d'une manière ou d'une autre, à cet exercice ainsi que, éventuellement, au suivi qui sera donné aux conclusions et recommandations du Comité des Ministres. Le Comité consultatif a donc particulièrement apprécié le fait d'avoir eu la possibilité, le 6 juillet 2001, lors de la 1ère réunion du GR-H consacrée à l’examen de ses avis, de faire une présentation générale des quatre premiers avis adoptés et de répondre aux questions qui lui ont été posées à ce sujet. Il attache en effet une grande importance à ce que le dialogue constructif qui s’est s’instauré entre les deux organes appelés à jouer un rôle dans le suivi de la Convention-cadre se poursuive et se développe à mesure que le Comité des Ministres examine les avis qui lui sont soumis. Tout en réitérant sa disponibilité à cet égard, le Comité consultatif relève dans le même temps qu’il est essentiel que les résultats du mécanisme de suivi, qu’il s’agisse de ses propres avis ou des conclusions/recommandations du Comité des Ministres, soient disponibles dans un délai raisonnable. Il est dès lors convaincu que le Comité des Ministres saura donner la priorité qu’il convient à ses travaux en la matière, ce qui ne pourra que renforcer l’impact global du mécanisme de suivi.
Proposition visant l'élaboration d'un protocole additionnel à la Convention-cadre
(voir § 12 (x) de la Recommandation 1492 (2001)),
13. Le Comité consultatif note que l’Assemblée parlementaire propose d’entamer la rédaction d’un protocole additionnel à la Convention-cadre qui donnerait compétence à la Cour européenne des Droits de l'Homme ou à une autorité judiciaire générale du Conseil de l'Europe, pour donner des avis consultatifs concernant l’interprétation de la Convention-cadre. Le Comité consultatif rappelle qu’il a déjà eu l’occasion, dans un passé récent, de se pencher sur une proposition similaire lorsqu’il a été amené à se déterminer sur le projet de protocole additionnel à la Convention-cadre présenté par la présidence italienne du Comité des Ministres (voir documents CM (2000) 133 et 133 rev). Dans sa prise de position adressée au Président des Délégués des Ministres le 10 janvier 2001, le Comité consultatif, tout en se félicitant de l’objectif tendant à renforcer la Convention-cadre et son mécanisme de suivi, avait alors estimé qu’il fallait tenir compte du fait que celui-ci ne faisait que produire ses premiers résultats à mesure que le Comité consultatif et le Comité des Ministres accumulaient leurs premières expériences en la matière. Par conséquent, il lui apparaissait prématuré de bouleverser le mécanisme existant en y introduisant une nouvelle composante telle que celle proposée par le projet de protocole.
14. Le Comité consultatif n’a pas changé d’avis depuis lors. Malgré le fait qu’il a désormais adopté 13 avis, il estime qu’il est toujours prématuré de bouleverser la structure et le fonctionnement du mécanisme de suivi mis en place par la Convention-cadre. C’est seulement lorsque le Comité des Ministres aura adopté des conclusions et éventuellement des recommandations à l’égard d'un nombre important de pays et que ceux-ci auront disposé d’un certain délai pour y donner suite, y compris à travers un débat public sur le plan national, que l’on pourra pleinement apprécier l’efficacité ou, au contraire, les insuffisances du mécanisme de suivi. On disposera alors de davantage de recul pour examiner la nécessité éventuelle de compléter ce mécanisme de la façon préconisée par l’Assemblée parlementaire.
Proposition visant l'élaboration d’un protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l’homme
(voir § 12 (xi) de la Recommandation 1492 (2001))
15. Le Comité consultatif note que l'Assemblée parlementaire propose au Comité des Ministres d’entamer la rédaction d’un protocole additionnel à la Convention européenne des Droits de l'Homme, en s’inspirant des principes contenus dans la Recommandation 1201 (1993) et en tentant d’y inclure la définition de la minorité nationale retenue par cette même recommandation. Le Comité consultatif est favorable aux initiatives visant le renforcement des standards juridiques internationaux dont le but est d'assurer la protection des minorités nationales et salue, en principe, les intentions animant la présente initiative. En même temps, le Comité consultatif rappelle que la question d'un protocole complétant la Convention européenne des droits de l’homme dans le domaine culturel par des dispositions garantissant des droits individuels, notamment pour les personnes appartenant à des minorités nationales, a déjà fait l'objet d'un examen approfondi de la part des Etats membres du Conseil de l'Europe, et que les travaux sur cette initiative ont été suspendus en raison de la difficulté de parvenir à un consensus.
16. S'agissant de l'inclusion d'une définition de la notion de minorité nationale dans un tel instrument, le Comité consultatif est d'avis que celle-ci pourrait bien avoir un impact sur la mise en oeuvre de la Convention-cadre. Au vu des réserves et déclarations formulées par les Etats parties (voir à cet égard commentaires sous le paragraphe 6), il y a le risque qu'une telle définition ne reflète que le plus petit dénominateur commun, ce qui pourrait avoir des conséquences sur le champ d'application de la Convention-cadre et de la sorte priver certaines minorités concernées de la protection offerte par la Convention-cadre. Le Comité consultatif note en revanche que certains Etats ont su tirer bénéfice de la flexibilité offerte par la Convention-cadre en adoptant une approche très large de la question du champ d'application personnel de la Convention-cadre.
17. Pour le Comité consultatif, la Convention-cadre n’est en effet pas un instrument qui fonctionne sur le mode du « tout ou rien ». Même si un groupe est couvert par cet instrument, il ne s’ensuit pas automatiquement que tous les articles de la Convention-cadre s’appliquent aux personnes appartenant à cette minorité. De même, si une minorité n’est pas couverte par la plupart des dispositions de la Convention-cadre, il ne s’ensuit pas pour autant que tous les articles de cet instrument soient sans pertinence pour les personnes appartenant à ce groupe. Le Comité consultatif considère donc qu’une approche nuancée, article par article, de la question de la « définition » est non seulement pleinement compatible avec le texte de la Convention-cadre, mais de plus dictée par celui-ci. Cette nécessaire flexibilité dans l’application de la Convention-cadre pourrait être rendue plus difficile par l’inclusion d’une définition dans un instrument européen juridiquement contraignant.
Placer auprès du Commissaire aux droits de l’homme une personne chargée spécialement des questions de protection des droits des minorités
(voir § 12 (xii) de la Recommandation 1492 (2001))
18. Dès lors que la protection des minorités nationales fait partie intégrante de la protection internationale des droits de l’homme, le Comité consultatif a la forte conviction, sans se prononcer sur l’opportunité de placer auprès du Commissaire aux droits de l’homme une personne chargée spécialement des questions de protection des droits des minorités, qu’il est important de redoubler d'efforts afin d’assurer une parfaite complémentarité et une réelle synergie entre les activités du Commissaire aux droits de l’homme et celles des autres organes du Conseil de l'Europe appelés à jouer un rôle dans le contexte de la protection des minorités nationales.
Annexe 3
Avis du Comité d’experts de la Charte européenne des Langues régionales ou minoritaires sur la Recommandation 1492 de l’Assemblée parlementaire
sur les droits des minorités nationales
Le Comité d’experts de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires a pris note de l’invitation du Comité des Ministres à donner son opinion sur la Recommandation 1492 de l’Assemblée parlementaire sur les droits des minorités nationales, et en particulier sur les paragraphes 12 (xiii) et (xiv).
En tant qu’organe d’experts indépendants, établi sur la base de la Charte pour superviser l’application de la Charte par les Etats Parties, le Comité à limité ses observations aux sujets se rapportant directement à son propre domaine de compétences.
***
Le Comité d’experts souligne l’importance de la Charte en vue de la préservation et de la promotion des langues régionales ou minoritaires en Europe. Etant donné que le succès de la Charte dépend largement de l’engagement des Etats européens quant à sa ratification et son application, le Comité note avec satisfaction l’encouragement donné à cette fin par le paragraphe 12 (v) de la Recommandation de l’Assemblée. Il se réjouit des ratifications récentes du Danemark, de la Slovénie, du Royaume-Uni et de l’Espagne, et souligne la nécessité pour d’autres Etats membres du Conseil de l’Europe d’accroître leurs efforts pour préparer leur propre ratification.
En ce qui concerne les recommandations spécifiques contenues dans les paragraphes 11 et 12 (xiii) de la Recommandation de l’Assemblée, le Comité d’experts note que la protection assurée par la Charte se réfère spécifiquement aux langues mentionnées à l’Article 1, c’est-à-dire les langues « pratiquées traditionnellement sur un territoire d’un Etat par des ressortissants de cet Etat… » et « différentes de la (des) langue(s) officielle(s) de cet Etat ». Ceci n’inclut ni les dialectes de la (des) langue(s) officielle(s) ni les langues des migrants. La Charte peut aussi être appliquée aux langues officielles moins répandus (Art. 3). Les auteurs de la Charte, en adoptant ces formules, ont limité son application à certaines catégories de langues.
Cette limitation n’implique en aucun cas que les langues de migrants ou les langues des signes ne devraient pas recevoir une forme de protection appropriée.
En ce qui concerne les premières, les auteurs de la Charte considèrent que la nature des questions soulevées par la situation des migrants mérite une protection spécifique et que leurs langues doivent être traitées séparément, si nécessaire dans un acte juridique spécifique (voir Rapport explicatif, paragraphe 15). Le Comité souscrit à cette position. Il souhaite aussi faire remarquer que, bien que l’historique et les besoins de ces langues soient en effet bien différents de ceux des langues couvertes par la Charte, avec le temps, les langues des migrants sont susceptibles de devenir des langues « pratiquées traditionnellement sur un territoire d’un Etat… ».
En ce qui concerne les langues des signes, il faut reconnaître que la Charte n’a pas été spécifiquement conçue pour répondre à leurs besoins. Les langues des signes sont présentes dans tous les Etats européens et ne font pas, à l’heure actuelle, l’objet d’un instrument international spécifique répondant à leurs besoins particuliers, que ce soit d’un point vue social, culturel ou dans une perspective des droits de l’Homme. Le Comité d’experts saluerait une initiative pour promouvoir et protéger les langues des signes par un instrument séparé, qui prendrait en compte la situation et les besoins spécifiques des utilisateurs de ces langues.
En ce qui concerne le paragraphe 12 (viii) et (xiv) de la Recommandation 1492, le Comité d’experts souligne que le mécanisme de contrôle de la Charte est la clé d’une application couronnée de succès. Ayant adopté les premiers rapports sur l’application de la Charte en Croatie, en Hongrie, en Liechtenstein, en Finlande, aux Pays-Bas, en Norvège et en Suisse, le Comité soutient pleinement l’appel de l’Assemblée au Comité des Ministres à rendre ces rapports publics, particulièrement à la lumière de la politique de transparence du Conseil de l’Europe.
Le Comité d’experts a bien accueilli les recommandations de l’Assemblée au paragraphes 12 (vi) et (ix) concernant la consolidation des mécanismes de contrôle et la nécessité d’accroître les ressources humaines et financières de la Direction Générale du Conseil de l’Europe en charge du Secrétariat de la Charte.
Le Comité a noté que, en comparaison avec les autres mécanismes conventionnels, le budget de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires est très modeste. De plus, avec le nombre croissant de Parties à la Charte, la charge de travail et les implications financières augmentent aussi. En conséquence, des ressources accrues seront nécessaires afin de couvrir les dépenses occasionnées par:
- l’élargissement du Comité (le Comité compte aujourd’hui 13 membres et le nombre pourrait s’élever à environ 17 en 2002) ;
- l’accroissement des jours de réunion nécessaires pour faire face à l’examen des rapports étatiques ;
- l’augmentation des « visites sur le terrain », qui se sont avérées indispensables pour obtenir une vue d’ensemble nette de la situation dans les pays Parties ;
- l’augmentation du volume de documents à traduire ,
ainsi que le financement des séminaires d’information et de l’assistance technique pour promouvoir la compréhension de la Charte et aider à la préparation d’instruments de ratification bien conçus. Pour ces mêmes raisons l’équipe du secrétariat actuel, composée de deux administratrices et d’une assistante, souffre d’une surcharge croissante, et devrait être renforcée.
Le Comité d’experts considère que, si le budget n’est pas adapté à la mission confié au Comité conformément à la Charte, ceci aura de sérieuses conséquences sur ses capacités à maintenir la bonne qualité de son travail. C’est pour cela qu’il partage l’opinion de l’Assemblée parlementaire, qu’il est nécessaire que le Comité des Ministres prenne en compte les ressources humaines et financières nécessaires pour assurer le bon fonctionnement du mécanisme de contrôle.
Annexe 4
Comité pour la réadaptation et l’intégration des personnes handicapées
(Accord partiel) (CD-P-RR)
Avis sur la Recommandation 1492 (2001) de l’Assemblée parlementaire
sur les droits des minorités nationales
(en particulier sur l’article 12.xiii relatif aux langues des signes)
1. La Recommandation 1492 (2001) sur les droits des minorités nationales a été adoptée par l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe le 23 janvier 2001. Elle a été examinée par les Délégués des ministres lors de leur 742e réunion (15 février 2001), qui ont décidé, à cette occasion, de confier un mandat intérimaire au Comité pour la réadaptation et l’intégration des personnes handicapées (Accord partiel) (CD-P-RR) l’invitant à rédiger un avis sur ladite recommandation, en particulier sur le paragraphe 12. Xiii de celle-ci, et de soumettre cet avis au Comité des ministres d’ici au 31 décembre 2001 (Décision No. CM/775/15022001).
2. Au paragraphe 12. xiii, l’Assemblée parlementaire recommande que le Comité des ministres « donne aux différentes langues des signes en usage en Europe une protection semblable à celle conférée par la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, éventuellement par l'adoption d'une recommandation aux Etats membres ».
3. Pleine citoyenneté. En réponse à la demande du Comité des ministres, le CD-P-RR a examiné en détail la Recommandation 1492 (2001) et souhaite souligner que la philosophie générale qui sous-tend cette Recommandation, en l’occurrence la protection des droits des minorités et partant l’intégration de ces minorités, s’inscrit pleinement dans la démarche du Comité en faveur de la cohésion sociale, visant à promouvoir l’égalité des chances des handicapés, leur autonomie, leur pleine citoyenneté et leur participation active à la vie de la communauté.
4. Protection, promotion et reconnaissance. En conséquence, le Comité souligne qu’il partage les préoccupations de l’Assemblée et considère qu’il faudrait accorder aux langues des signes la protection et la reconnaissance qu’elles méritent, et promouvoir leur utilisation. Les langues des signes sont un moyen de communication vital pour de nombreuses personnes souffrant de troubles de l’audition. Une amélioration de leur statut par leur reconnaissance et leur consécration juridique devrait avoir pour effet une meilleure intégration sociale des personnes malentendantes. De plus, une reconnaissance officielle pourrait favoriser un accroissement du nombre d’interprètes en langues des signes. De surcroît, le Comité souligne qu’il souscrit au point de vue exprimé en la matière par le Comité d’experts de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires dans son avis sur la Recommandation 1492 de l’Assemblée parlementaire (Doc. MIN-LANG (2001) 9).
5. Les langues des signes ne sont pas universelles. Le terme « langue des signes » est souvent utilisé en tant que terme générique se rapportant à une langue des signes donnée, par ex. la langue des signes britannique (BSL), ou se référant à toute une famille de langues : les « langues des signes » par opposition aux « langues parlées ». En réalité, il existe presque autant de langues des signes que de langues indigènes parlées dans le monde, le nombre de celles-ci étant actuellement estimé à plus de 200 en Europe et à plus de 6000 dans le monde. Qui plus est, nombre de ces langues des signes ne sont pas mutuellement compréhensibles (au même titre que les langues parlées).
6. Les langues des signes sont des langues naturelles à part entières. Conformément à la Résolution du Parlement européen sur le langage gestuel du 17 juin 1988, le CD-P-RR estime que les langues des signes sont des langues à part entière car elles constituent la langue de prédilection ou la seule langue utilisée par un grand nombre de sourds. Les langues des signes ne peuvent pas être assimilées à des systèmes de signes. Elles présentent des propriétés structurelles et fonctionnelles communes à toutes les langues naturelles. A l’instar de toutes les autres langues, elles se composent d’un système arbitraire de symboles utilisés pour communiquer, engager des relations sociales, exprimer une identité culturelle, et constituent une source de plaisir grâce à des formes d’expression artistique (littérature, théâtre, comédie, poésie). Les phrases en langue des signes constituent de véritables phrases avec des substantifs et des verbes. Les langues des signes ont leur propre vocabulaire/lexique regroupant des milliers de mots et des règles grammaticales (formation des mots, construction des phrases, temps, formes active et passive) aussi complexes que celles des langues parlées. En revanche, elles ne sont pas dérivées des langues parlées mais se sont développées progressivement et naturellement en tant que langues maternelles au sein des communautés de sourds 14 . C’est pourquoi il existe très peu de similitudes entre la langue des signes américaine (ASL), la langue des signes britannique (BSL) et la langue des signes irlandaise (ISL), les communautés de sourds étant indépendantes les unes des autres. Sachant que les langues des signes ont connu une évolution historique au même titre que les autres langues, il ne faut pas les confondre avec des systèmes inventés tel que l’Espéranto. Les langues des signes utilisent des systèmes fermés de signes (métaphores, comparaisons, métonymie). Il existe des variantes de registre régionales, sociales et ethniques, mais aussi spécifiques au sexe et à l’âge. Dans le processus d’acquisition de ces langues, on peut identifier des phases de développement liées à l’âge. Toutes les spécificités des langues des signes peuvent être étudiées dans les sous-disciplines de la linguistique telles que : phonologie, morphologie, lexicologie, syntaxe, sémantique, pragmatique, sociolinguistique, etc.
7. Les utilisateurs des langues des signes constituent une minorité. A l’instar de ladite Résolution du Parlement européen, le CD-P-RR considère que le langage gestuel est la langue de prédilection ou la seule langue utilisée par un grand nombre de sourds 15 . On estime que la proportion des sourds « pré-linguistiques » est de 1 sur 1000. Cependant, sachant que des sourds « post-linguistiques », les familles d’enfants sourds, des enseignants, des travailleurs sociaux, etc. doivent utiliser le langage gestuel, le nombre des locuteurs des langues des signes est nettement supérieur à celui des sourds. Les utilisateurs des langues des signes constituent une minorité, car ils forment un groupe numériquement inférieur au reste de la population d’un Etat, sont dans une position non-dominante, ont des caractéristiques linguistiques différentes de celles du reste de la population et font preuve, si ce n’est qu’implicitement, de solidarité lorsqu’il s’agit de préserver ce qui constitue leur identité commune, y compris leur culture, leurs traditions et leur langue (cf. la définition d’une « minorité nationale » proposée dans la Recommandation 1201 (1993) de l’Assemblée parlementaire). La Finlande et le Portugal ont déjà inscrit les droits des utilisateurs des langues des signes dans leur Constitution.
8. Les langues des signes en tant que langues dépourvues de territoire. Les langues des signes peuvent être considérées, en principe, comme des langues dépourvues de territoire. Il est pertinent de noter que les langues des signes répondent aux critères définissant les langues dépourvues de territoire énoncés dans la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, à savoir : « des langues pratiquées par des ressortissants de l’Etat qui sont différentes de la (des) langue(s) pratiquée(s) par le reste de la population de l’Etat et qui, bien que traditionnellement pratiquées sur son territoire, ne peuvent être rattachées à une zone géographique particulière de celui-ci » (Partie I, Article 1c.). Les langues des signes sont traditionnellement utilisées sur le territoire des pays où elles ont vu le jour : la langue des signes britannique en Grande-Bretagne, la langue des signes française en France, la langue des signes allemande en Allemagne, la langue des signes italienne en Italie, etc. Il faut toutefois remarquer que plusieurs langues des signes coexistent dans certains pays. Celles-ci sont utilisées uniquement dans certaines zones géographiques et correspondent ainsi à la définition des langues régionales minoritaires. Par exemple : en Espagne, la langue des signes catalane est utilisée en Catalogne, la langue des signes galicienne en Galice ; en Belgique, on emploie la langue des signes flamande, la langue des signes belge francophone et la langue des signes allemande ; en Suisse, les langues des signes suisse alémanique, suisse romande et suisse italienne ; en Finlande, les langues des signes finnoise et finno-suédoise.
9. Langues des signes et diversité culturelle. Les utilisateurs des langues des signes constituent une minorité culturelle et linguistique. A l’instar de la Résolution sur le langage gestuel adoptée le 18 novembre 1998 par le Parlement européen, le CD-P-RR considère que chacune des langues des signes utilisées en Europe a son identité culturelle propre. Conformément à la déclaration sur la diversité culturelle adoptée par le Comité des ministres le 7 décembre 2000, les Etats membres devraient prendre ou maintenir des mesures destinées à soutenir, à protéger et à promouvoir la diversité linguistique et culturelle, de façon à favoriser le pluralisme et les sociétés multiethniques en Europe. De plus, les Langues des signes devraient être reconnues en tant qu’expression de la richesse culturelle. Elles constituent un élément important du patrimoine linguistique et culturel de l’Europe.
10. Objectifs et principes. L’élaboration de tout instrument ou politique de protection et de promotion des langues des signes et des droits de leurs locuteurs devrait être précédée par la définition d’objectifs clairs, de principes directeurs, de délais précis, de buts raisonnables, des ressources et méthodes à mettre en œuvre, s’appuyant sur une étude détaillée des besoins. Les utilisateurs de ces langues devraient participer à ce processus au stade le plus précoce possible.
11. Interdiction de toute forme de distinction, de restriction ou d’exclusion injustifiées.
Les sourds et les malentendants ont le droit à une communication accessible et adaptée, moyennant des aménagements raisonnables, en particulier dans les domaines suivants :
· éducation, y compris l’enseignement supérieur,
· activités culturelles (productions artistiques), religion et médias,
· intégration économique/professionnelle,
· intégration sociale (par ex. transports, participation politique),
· autorités juridiques/judiciaires ou publiques, administrations ou services publics (par ex.: soins de santé, y compris mentale, vie sociale, par ex. services sociaux, services de conseil aux familles).
La plupart des Etats ont mis en place des programmes et des activités destinées à soutenir les langues des signes, mais ils ont aussi rencontré des difficultés s’agissant de leur mise en œuvre, l’un des principaux obstacles étant le manque d’interprètes en langue des signes.
12. Parmi les mesures spécifiques, on peut envisager la mise à disposition de formes et de moyens adaptés dans les domaines suivants :
· formation d’interprètes et de formateurs en langues des signes (reconnaissance officielle de ces professions, qualifications reconnues, formation à temps plein)
· formation à l’enseignement de personnes dont la langue des signes est la langue maternelle et formation à la langue des signes d’enseignants dont ce n’est pas la langue maternelle en sorte qu’ils acquièrent une compétence équivalente à celle d’un utilisateur natif
· enseignement des langues des signes à des personnes entendantes : enfants, adultes, membres de la famille, personnes travaillant avec des sourds
· programmes de télévision accessibles aux sourds (sous-titrage, interprétation en langue des signes,)
· fourniture de systèmes de téléphone à texte et de visiophone (conception universelle/conception pour tous). Dans ce contexte, le CD-P-RR aimerait attirer l’attention sur la Résolution ResAP(2001)3 « Vers une pleine citoyenneté des personnes handicapées grâce à de nouvelles technologies interactives », adoptée par le Comité des ministres le 24 octobre 2001.
· programmes de sensibilisation aux sourds
· promotion de la recherche
· création ou agrément de centres d’excellence
· création de chaires universitaires
· publication de dictionnaires multilingues de langues des signes
· échange d’informations, y compris au niveau international
Ceux-ci doivent être efficients et présenter un bon rapport coût/efficacité, en tant que véritables principes directeurs des sociétés équitables et démocratiques, afin d’apporter des améliorations concrètes à la situation actuelle.
13. Réunions du Conseil de l’Europe. Par ailleurs, le CD-P-RR recommande au Comité des ministres de veiller à ce que les réunions organisées par le Conseil de l’Europe soient accessibles aux sourds, grâce à la mise à disposition, sur demande, de services d’interprétation en langue des signes.
14. Nouvelles technologies – un traitement contre la surdité ? A ce jour, les aides techniques ne peuvent remplacer complètement l’utilisation de langues des signes. Le CD-P-RR attire l’attention sur son rapport « Implants cochléaires chez les enfants sourds », publié en mai 2001, qui compare les politiques et pratiques en matière d’implants cochléaires dans 10 Etats européens, analysant en particulier les aspects éthiques et psychologiques soulevés par ces systèmes, ainsi que leur incidence sur l’intégration sociale des enfants sourds. L’étude conclut que, malgré les implants cochléaires, les enfants sourds pré-linguistiques ne seront jamais des enfants entendant « normaux ». Ils seront capables de percevoir des sons émis dans leur environnement, y compris la plupart des sons articulés. Mais entendre des sons articulés ne signifie pas que l’on comprenne la langue parlée. Ainsi, les enfants ayant des implants cochléaires seront toujours défavorisés dans le processus de communication auriculaire/oral. C’est pourquoi le rapport recommande d’associer les implants cochléaires à l’enseignement et à l’apprentissage de langues des signes.
15. Rapport sur le statut des langues des signes. Concernant la reconnaissance officielle des langues des signes au niveau national, le CD-P-RR serait prêt à envisager la rédaction d’un rapport à l’intention de l’Assemblée parlementaire sur le statut des langues des signes dans les Etats membres.
16. En conclusion, et sans préjuger des observations suscitées, le CD-P-RR se félicite de la Recommandation de l’Assemblée parlementaire en tant qu’avancée décisive pour la sauvegarde des droits de l’Homme et de la dignité humaine, la pleine citoyenneté de toutes les personnes handicapées et leur participation active à la vie de la communauté. Conformément aux Recommandations de Flensburg sur la mise en œuvre de mesures politiques en faveur des langues régionales ou minoritaires, émises en juin 2000 par le Centre européen pour les problèmes des minorités, le CD-P-RR recommande que le Conseil de l’Europe élabore un instrument juridique destiné à préserver les langues des signes ainsi que les droits de leurs utilisateurs, et en particulier à promouvoir le droit individuel à l’utilisation générale des langues des signes et de faciliter leur utilisation par un ensemble coordonné de mesures les plus adaptées, reflétant toute la palette des instruments, des politiques et des pratiques dans les Etats membres.
A cet égard, certaines délégations se sont déclarées favorables à l’élaboration d’un protocole additionnel à la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, qui serait consacré aux langues des signes.
Annexe 5
Avis du commissaire aux droits de l’homme sur la Recommandation 1492 (2001)
de l’Assemblée parlementaire relative aux droits des minorités nationales
En ma qualité de Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, je partage l’avis de l’Assemblée quant à la nécessité pour les Etats membres de garantir aux minorités nationales un niveau de protection suffisant pour qu’elles puissent contribuer, avec la majorité, à la cohésion et au pluralisme démocratique.
Pour ma part, je m’efforce, lors de mes visites dans les Etats membres, d’être à l’écoute des minorités qui souhaitent me faire part de leurs problèmes. Les rapports que je transmets au Comité des Ministres et à l’Assemblée parlementaire contiennent d’ailleurs un certain nombre de recommandations concernant spécifiquement la situation de certaines minorités nationales.
Quant à la proposition de l’Assemblée ( § 12 (xii), de placer auprès de moi une personne spécialement chargée des questions de protection des droits des minorités, je me dois de souligner que, depuis ma prise de fonctions, en 1999, le nombre très limité d’agents permanents de grade A, dont je dispose au sein de mon Bureau, à savoir 3 personnes actuellement, ne me permet guère d’accomplir toutes les tâches de mon mandat.
Ceci étant, tout renfort de mon Bureau par l’affectation d’un nouvel agent permanent sera le bienvenu, étant entendu que ce dernier sera appelé, le cas échéant, à s’occuper non seulement des problèmes de minorités mais à contribuer également aux autres activités de mon Bureau.
Annexe 6
Avis de la Cour européenne des Droits de l’Homme
sur le projet de Protocole additionnel à la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales (sur l’interprétation de la Convention)
(adopté lors de la réunion plénière administrative du 2 avril 2001)
1. A leur réunion du 30 octobre 2000, les délégués des Ministres ont décidé de transmettre à la Cour européenne des Droits de l’Homme le texte d’un projet de Protocole à la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales qui confère à la Cour européenne des Droits de l’Homme compétence pour donner des avis consultatifs sur l’interprétation de la Convention-cadre.
2. Faisant suite à cette demande, la Cour tient d’abord à souligner l’importance de la protection des minorités. Elle se félicite des progrès qui ont été accomplis en la matière sous les auspices du Conseil de l’Europe. La Convention-cadre pour la protection des minorités nationales représente une étape importante à cet égard. L’objet et le but de la Convention-cadre se situent dans le droit fil de la philosophie de la Convention européenne des Droits de l’Homme, à laquelle la Convention-cadre renvoie expressément (préambule et articles 19 et 23 ; voir le paragraphe 3 ci-dessus).
3. Les deux instruments ont de nombreux points communs, non seulement quant aux droits et libertés substantiels que consacre la Convention-cadre (voir notamment les articles 7 à 9), mais aussi quant aux limitations autorisées (article 19 – les seules limitations prévues en particulier par la Convention des Droits de l’Homme) et à la définition de la portée des droits et libertés (article 23 – les droits et libertés découlant de la Convention-cadre seront entendus conformément aux dispositions correspondantes de la Convention des Droits de l’Homme).
4. La Cour relève que le rôle qu’il est envisagé de lui confier pour l’interprétation de la Convention-cadre ne serait que complémentaire par rapport à celui du Comité des Ministres et du Comité consultatif prévu par l’article 26 de la Convention-cadre. D’après la note explicative de la Présidence italienne, le Protocole projeté a pour but principal de renforcer l’action de ce Comité consultatif (CM(2000)133 rév). La Cour estime en fait que c’est par un processus de dialogue entre les Etats contractants et le Comité des Ministres, assisté du Comité consultatif, que le type d’obligation prévu par la Convention-cadre pourra le mieux être élucidé. Elle rappelle à cet égard que, contrairement à la Convention des Droits de l’Homme qui énonce des obligations s’imposant immédiatement, la Convention-cadre devait contenir « pour l’essentiel des dispositions-programmes définissant certains objectifs que les Parties s’engagent à poursuivre » et qui ne seraient pas « directement applicables » (Convention-cadre pour la protection des minorités nationales : rapport explicatif, paragraphe 11). L’on peut se demander si l’interprétation de pareilles dispositions cadre bien avec la fonction judiciaire de la Cour.
5. Cependant, compte tenu en particulier de la nécessité d’éviter des interprétations divergentes des notions communes aux deux instruments et eu égard au caractère complémentaire du rôle que le Protocole additionnel envisage de lui confier, la Cour est prête à assumer la tâche que ce projet de Protocole lui attribue dans la mesure où elle est compatible avec sa fonction judiciaire.
6. A ce propos, la Cour note que le projet tient compte de son rôle strictement judiciaire dans la mesure où, en employant le mot « peut » à l’article 1, il ménage la possibilité (qui existe de toutes les façons) que la Cour s’abstienne de donner son avis en telle ou telle occasion. La Cour peut estimer devoir faire preuve de retenue non seulement lorsque des questions pourraient être considérées comme non justiciables, mais aussi pour d’autres raisons. L’on peut se référer sur ce point à la compétence que l’article 47 de la Convention européenne des Droits de l’Homme reconnaît à la Cour de donner des avis consultatifs (compétence que mentionne aussi la proposition de la Présidence italienne). Selon le paragraphe 2 de cet article, ces avis ne peuvent porter entre autres sur les questions dont la Cour pourrait avoir à connaître par suite de l’introduction d’un recours devant elle. La Cour pourrait, pour des motifs analogues, s’estimer dans l’incapacité de donner un avis consultatif sur la Convention-cadre si la demande se rapportait à des dispositions correspondant exactement aux garanties énoncées dans la Convention des Droits de l’Homme. La possibilité que de telles situations se présentent pourrait se trouver accrue lorsque le Protocole n° 12 à la Convention européenne des Droits de l’Homme, qui énonce une interdiction générale de la discrimination, entrera en vigueur.
7. La Cour observe en outre que le projet d’article 1 est calqué sur l’article 29 de la Convention sur les Droits de l’Homme et la biomédecine. Cet article dispose : « La Cour européenne des Droits de l’Homme peut donner, en dehors de tout litige concret se déroulant devant une juridiction (...) » Il faut envisager ce libellé à la lumière du fait que la Convention sur les Droits de l’Homme et la biomédicine était censée être appliquée par les tribunaux internes. La Convention-cadre n’étant pas quant à elle appelée à être ainsi directement applicable, la Cour ne risque de se trouver que très rarement dans une situation où elle aurait à s’abstenir de donner un avis consultatif (ou à en limiter la portée) en raison d’un litige concret se déroulant devant une juridiction nationale. La Cour considère dès lors comme inapproprié, dans le contexte de la Convention-cadre, de mentionner une telle procédure comme seul exemple de cas où il ne serait peut être pas opportun de donner un avis consultatif. Les mots soulignés ci-dessus pourraient au contraire être remplacés par un libellé plus général indiquant que le nouveau pouvoir de donner des avis consultatifs est sans préjudice de la fonction judiciaire de la Cour. Le premier alinéa du paragraphe 1 du nouvel article 27 envisagé pourrait donc être libellé ainsi :
« La Cour européenne des Droits de l’Homme peut, dans la mesure où cela ne porte pas préjudice à l’exercice de sa fonction judiciaire, donner des avis consultatifs sur des questions juridiques concernant l’interprétation de la présente Convention à la demande de :
(...) »
8. Enfin, si l’entrée en vigueur du Protocole envisagé ne risque pas à elle seule d’entraîner une augmentation considérable de la charge de travail de la Cour, elle n’en constituerait pas moins une tâche supplémentaire pour celle-ci. Il faut en tenir compte pour la planification et la dotation du système de la Cour et de la Convention à moyen et long terme.
9. En conclusion, et sans préjudice des observations qui précèdent, la Cour est en principe disposée à assumer un rôle interprétatif dans le domaine de la protection des minorités tel que l’envisage le projet de Protocole additionnel à la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales.
4 Voir paragraphe 12. vi, ix, xii de la Recommandation 1492 de l'Assemblée parlementaire