#6423083

Echange de vues du CEPEJ avec des juges

de la Cour européenne des droits de l’homme

Strasbourg, 13 juin 2019

Linos-Alexandre Sicilianos

Président de la Cour européenne des droits de l’homme

Monsieur le Président,

Mesdames et Messieurs les membres de la Commission européenne pour l’efficacité de la Justice,

          C’est un grand plaisir pour moi de venir aujourd’hui à votre rencontre pour un exercice qui est, je crois, tout à fait inédit. C’est en effet la première fois qu’un échange de vues entre votre Commission et des juges de la Cour européenne des droits de l'homme a lieu.

          Des échanges tels que celui-ci se déroulent déjà régulièrement entre la Cour et le Comité pour la prévention de la torture ou le Comité européen des droits sociaux.

          De mon point de vue, ces rencontres sont absolument fondamentales et j’entends les multiplier au cours de mon mandat. En effet, j’ai la conviction que le travail de la Cour de Strasbourg s’inscrit dans un contexte beaucoup plus large que le strict travail judiciaire.

          Selon moi, la Cour fait partie d’un ensemble nettement plus vaste qui fait du Conseil de l’Europe (au travers de ses différents mécanismes de monitoring) la véritable maison de la démocratie sur le continent européen. Nous sommes en présence d’un système unique au monde de consolidation de l’État de droit, dans toutes ses composantes.

          Pour prendre un exemple, j’évoquai, il y a un instant, le Comité pour la prévention de la torture. Il s’agit d’un élément clé de ce système. Les visites périodiques qu’il effectue et les rapports qu’il adopte contribuent à l’amélioration de la situation des personnes privées de leur liberté en Europe. Le lien entre les activités du CPT et les arrêts de la Cour est tout aussi évident. Le CPT contribue indubitablement à l’amélioration concrète de la situation des personnes concernées. Mais il permet aussi d’éviter que des affaires ne soient portées devant notre Cour grâce aux réformes entreprises au niveau interne. De notre côté, nous nous appuyons sur ses rapports et ses recommandations et n’hésitons pas à nous y référer dans nos arrêts.


          S’agissant de la CEPEJ, les raisons de nous rencontrer sont tout aussi importantes et les sujets d’intérêt commun également très nombreux. Sans doute en raison du fait que les thèmes sur lesquels vous réfléchissez depuis votre création sont en lien direct avec l’activité de notre Cour.

          Le titre même de votre Commission renvoie à un pan très important de la jurisprudence de la Cour, dans la mesure où le procès équitable ne peut se concevoir que dans le cadre d’une justice efficace. En essayant, depuis la création de votre Commission, de renforcer l’efficacité de la justice en Europe, vous vous êtes placés sur le terrain d’élection de notre Cour qui est, précisément, celui du droit au procès équitable, notamment du point de vue de la longueur des procédures. Or ce problème, nous le savons, revêt dans de nombreux pays d’Europe un caractère systémique.

          Par les solutions que vous contribuez à faire adopter et par vos recommandations, par les bonnes pratiques que vous encouragez (je pense au prix de la balance de cristal qui récompense des projets innovants) vous complétez parfaitement notre travail et, surtout, vous pouvez contribuer à l’alléger.

          Certes, il existe des différences majeures entre votre activité et la nôtre, puisque vous n’intervenez jamais dans une perspective contentieuse. A l’inverse, les affaires qui nous parviennent témoignent d’un problème auquel il nous est demandé de remédier.

Mais nos buts sont proches, dès lors que nous essayons, chacun à notre manière, d’améliorer le fonctionnement de la justice en Europe. Les indicateurs que vous utilisez et dont vous allez nous parler cet après-midi sont, à cet égard, tout à fait éclairants pour nous. Réciproquement, je suis convaincu que vous lisez avec attention les jugements dans lesquels nous constatons des dysfonctionnements de la justice dans tel ou tel État membre.

          Vos travaux sur la qualité de la justice nous intéressent tout autant et tout ce qui concerne l’indépendance des juges fait partie d’un objectif qui nous est commun et nous avons sur ce point une jurisprudence déjà ancienne tout à fait abondante et je crois importante pour vous.

          Voilà ce que je souhaitais vous dire en guise de préliminaires et permettez-moi maintenant de vous présenter la délégation nombreuse qui m’accompagne :

·       André Potocki, juge élu au titre de la France et ancien vice-président de votre Commission.

·       Paul Lemmens, juge élu au titre de la Belgique,

·       Krzysztof Wojtyczek, juge élu au titre de la Pologne,

·       Dmitry Dedov, juge élu au titre de la Fédération de Russie,

·       Egidijus Kūris, juge élu au titre de la Lituanie,

·       Armen Harutyunyan, juge élu au titre de l’Arménie,

·       Georgios Serghides, juge élu au titre de Chypre,

·       Jolien Schukking, juge élue au titre des Pays-Bas,

·       Ivana Jelić, juge élue au titre du Monténégro,

·       Darian Pavli, juge élu au titre de l’Albanie,

Et enfin Raffaele Sabato, juge élu au titre de l’Italie, qui vient de nous rejoindre mais qui est bien connu chez vous en sa qualité d’ancien président de la Commission consultative des juges européens.

          Je suis convaincu qu’ensemble nous allons avoir des échanges fructueux et je forme le vœu que cette première rencontre soit suivie de beaucoup d’autres.