44e Session du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux - Strasbourg, France, 21 - 23 mars 2023

Discours de Hugo BIOLLEY, Maire de Vinzieux, France

 

Seul le prononcé fait foi

Débat sur „Des démocraties fortes à travers l’engagement des jeunes au niveau local”

Monsieur le Président,

Mesdames et Messieurs les membres de la Chambre des Pouvoirs Locaux,

La démocratie se pense par les actes.

Et elle ne tient qu’à un fil.

Sa vie et son dynamisme seront le fruit de sa capacité à prendre en compte les crises environnementales et sociales qui nous secouent.

Vous ouvrez cette nouvelle session plénière dans un monde instable où les crises se succèdent. Elles traversent vos pays comme elles traversent le mien, la France.

J’ai été élu Maire de Vinzieux il y a un petit peu plus de 3 ans. Le 15 Mars 2020, la veille d’un confinement strict de 2 mois.

J’ai le sentiment que la pandémie du Covid-19 inaugure un momentum. Une sorte de premier jour du reste de nos vies qui seront pour longtemps ponctuées de convulsions successives. Qui s’accumulent. Qui s’entrecroisent. Qui éprouvent nos démocraties.

La guerre en Ukraine qui résonne jusque dans votre hémicycle, ses conséquences économiques, sociales et humanitaires dramatiques ; les mouvements de réfugiés sur nos territoires, le climat qui change et nous bouleverse entre sécheresses et incendies

Cette sinistre énumération n’est pas exhaustive.

Je crois qu’il ne s’agit pas d’une succession d’événements malheureux ou une coïncidence de mauvaises aventures. C’est un avant-goût de la décennie qui nous attend. Nous allons vers une multiplication des désordres à résoudre.

Et que faisons-nous ?

Je trouve que nous passons beaucoup trop de temps :

-       soit à regretter les joies du passé, quand « tout allait mieux »

-       soit à nous demander comment on pourrait faire pour traiter dans l’urgence une toute petite partie du défi immense qui nous submerge.

Mais nous avons besoin de nous regarder en face !

1 : Nous devons cesser de pleurer sur nos démocraties en crise, quand bien même elles sont bouleversées par les défis qui s’accumulent mois après mois.

2 : C’est à nous d’inventer pour reconstruire un idéal démocratique avant que les crises ne prennent le dessus,

3 : Le temps nous est compté.

Imaginez.

-       Avoir 20 ans en 1970, c’était se projeter 30 ans plus tard avec le mythe d’un futur idéalisé, celui des années 2000 et leur lot d’espoir.

-       Avoir 20 ans en 2020, c’est se projeter en 2050, dans un monde à 2° C de plus, où les rêves se sont évaporés.

Ce contexte, dans lequel nous vivons, impacte fortement les jeunes, et donc l’avenir de nos sociétés.

Aujourd’hui vos enfants, et vos petits enfants grandissent sans savoir quel avenir sera le leur à 30 ou 40 ans. Cette perte d’espoir est cruelle, et elle forge une génération tourmentée.

Et comme jeunesse est toujours au pluriel. Il y a ceux qui sont désespérés et ceux qui préfèrent penser à autre chose. Il y a les gens qui veulent agir et plein d’autres encore. Avec comme point commun une crise existentielle. Pour certains c’est la fin du monde, pour d’autres la fin du mois.

Pour la première fois peut-être, la jeunesse se cherche un espoir.

Parmi eux, je suis de ceux qui s’engagent pour contribuer à « réparer ».

Je ne me résigne pas à ce que le paysage que je verrai par la fenêtre en 2050 soit celui de la misère sociale, de la chute de nos démocraties ou du bouleversement climatique.

Il y a comme moi de nombreux jeunes dans cette situation. Et je veux exprimer leur solitude.

J’ai choisi l’engagement par un mandat local. Je suis aussi un étudiant qui vie une partie de ce quotidien.

Quand je discute avec d’autres jeunes, ils partagent avec moi ce constat, celui du désespoir de ne pas se sentir écoutés et d’être condamnés à voir notre société se crasher contre un mur. Ils se sentent seuls… sans moyens d’actions véritables.

C’est assez désagréable comme sentiment. Et finalement, ce qu’il en ressort, c’est une colère froide.

Une colère qui se traduit, comme toujours depuis la nuit des temps, par un rejet et une défiance vis-à-vis des institutions.

Parce que les élections représentent les autorités et les institutions, celles qui étaient censées corriger un système qui ne produit pas assez de résultats concrets et convaincants ; qui répond mal aux nouvelles crises. Alors, beaucoup n’y croient plus, et souvent pour de bonnes raisons.

Voilà donc le défi qui nous attend si l’on veut faire de la jeunesse un pilier du renouveau démocratique. Il se résume en une question :

Comment les institutions peuvent-elles redevenir capables de construire un système, une société dans laquelle on pourrait retrouver de l’espoir ?

La démocratie se pense par les actes.

Nous avons, avec la jeune génération, une formidable opportunité.

Car c’est une génération informée, qui éprouve tous les jours des crises nouvelles de plein fouet.

Dans ce monde où les nuages s’amoncellent, il y en a beaucoup qui recherchent une éclaircie. Les fameux engagés.

De manière assez simple, ce sont eux (et je m’y inclue), qui vont vivre des moments difficiles quand ils auront 20, 30, 40 ans. Face à cela, nous avons pris conscience très tôt des limites d’un système qui, jusque-là fonctionnait.

Et nous avons une énergie débordante pour changer cela.

Mais en tant qu’élus locaux, nous avons, pour la jeune génération, un écrasant défi à relever.

La démocratie a besoin de vous. Parce que cette énergie risque de se transformer en chaos, si vous, nous, ne sommes pas capables de leur démontrer que les institutions peuvent incarner un outil de la transition.

Ce que j’ai l’impression de voir de mes institutions, en France comme celles de nombreux pays en Europe, est qu’elles n’ont pas évolué aussi vite que le bouleversement rapide de nos sociétés.

Nos institutions ne trouvent plus les solutions de long terme aux problèmes nouveaux qui animent l’actualité. Parce que les problèmes d’aujourd’hui sont profonds et changent notre manière de percevoir le futur et l’espoir.

C’est probablement une des raisons majeures de la défiance démocratique.

Ma vision du contexte actuel est, je vous l’accorde, sévère et sans concession. Mais j’ai pesé chaque mot par rapport à ce que je vis, ce que je vois. Ce constat doit être fécond.

Et j’ai conscience que, pour être à la hauteur du défi qui nous attend, nous ne pouvons pas nous permettre les euphémismes. Il y a des échéances et des enjeux à ne pas laisser passer pour qu’un avenir soit possible.

Je me suis engagé à 18 ans, il y a trois ans, pour me sentir utile, pour ETRE utile.

Depuis tout petit, je savais une chose : mon activité tournera autour de l’intérêt général.

C’est la voie que je me suis choisie.

Je ne me suis pas orienté vers la fonction d’élu local par hasard.

En réalité, ce ne sont ni le système scolaire ni les débats médiatiques qui m’ont donné envie de m’investir. Pour moi, cet environnement était totalement déconnecté de ma vie.

Ce qui a éveillé cette passion de l’engagement, c’est d’avoir vécu de l’intérieur, à travers des stages, la vie de collectivités. J’ai eu la chance il y a 6 ans d’en découvrir le fonctionnement par le travail d’une Mairie, de l’Assemblée nationale à Paris ou encore du Parlement européen.

Ce sont aussi des rencontres qui m’ont amené, un jour de printemps, à me lancer dans cette aventure extraordinaire d’élu local qui forge mes convictions d’aujourd’hui.

Je suis convaincu que tout commence avec l’éducation. Aujourd’hui, et pour évoquer le système tel qu’il existe en France, je pense que l’on ne peut pas compter sur le système d’éducation civique pour que la jeune génération comprenne tout l’intérêt qu’il y a à agir pour les autres.

N’oubliez pas que la démocratie se pense par les actes.

C’est depuis l’intérieur, sur le terrain, dans les conseils municipaux, à travers des assemblées que devrait se faire l’éducation civique. Parce que c’est là que l’on peut la vivre.

A Vinzieux, des jeunes ont assisté récemment à un conseil municipal. A tous les débats du quotidien qui font tourner notre village. Et pour avoir discuté avec eux ensuite, j’ai vu que leur vision de l’élu avait changé, et pour la première fois, j’ai eu le sentiment qu’une graine avait été plantée : celle de la démocratie.

Alors, fort de ma petite, toute petite expérience, je crois que nous pouvons tous planter des graines de démocratie. Comme autant de petites victoires pour qu’une nouvelle génération s’empare du jeu institutionnel.

L’avenir de la démocratie se jouera probablement au niveau local. A travers une proximité qui peut permettre aux jeunes de s’en emparer, de la diffuser, de la renforcer.

Je vais vous faire une confidence.

Un jour, alors que je n’avais que 15 ans, j’ai croisé le chemin de quelqu’un qui m’a fait confiance. Il a instillé en moi ce souffle qui me conduit aujourd’hui à cette tribune et qui me montre que je peux être utile au niveau local et peut-être aussi demain dans une enceinte internationale.

De cette histoire qui est la mienne, je retiens que la démocratie, « c’est partout et tout le temps ».

La démocratie,

-       c’est une flamme qui tient à un peu de confiance que l’on porte à quelqu’un qui veut se donner les moyens d’être utile.

-       c’est une flamme que l’on transmet avec humilité, pour que chaque homme et chaque femme puisse la vivre au quotidien.

Pour conclure, je veux vous laisser un message d’espoir et de responsabilité.

Il y a au niveau local, dans chaque ville, dans chaque village, une force vive qui peut porter l’avenir de la démocratie.

Si nous sommes capables de transformer ce constat en changement, une génération extraordinaire est là pour s’en emparer. Mais, la partie est loin, très loin d’être gagnée d’avance.

Mesdames et messieurs, chers membres de cette Chambre des Pouvoirs Locaux du Congrès du Conseil de l’Europe,

Continuez à être les garants de cette démocratie locale, mais soyez aussi ces passeurs de confiance.

Ne l’oubliez pas, la démocratie se pense par les actes.

Je vous remercie.