NB_CE

CCPE(2012)3Final

Strasbourg, 11 décembre 2012

Conseil consultatif de procureurs européens

(CCPE)

AVIS (2012) N° 7

du Conseil consultatif de procureurs européens

 SUR LA GESTION DES MOYENS DU MINISTERE PUBLIC

adopté par le CCPE lors de sa 7ème réunion plénière

(Strasbourg, 26-27 novembre 2012)


I.          INTRODUCTION

1.            Le Conseil consultatif de procureurs européens (CCPE) a été créé en 2005 par le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe, qui lui a fixé pour tâche la formulation d’avis sur des questions relatives au fonctionnement des services du parquet et la promotion de la mise en œuvre effective de la Recommandation Rec(2000)19 du Comité des Ministres aux Etats membres relative au rôle du ministère public dans le système de justice pénale.

2.            Le Comité des Ministres a chargé le CCPE d’adopter en 2012 un avis à son attention sur la gestion des moyens du Ministère public[1].

3.            Le CCPE a rédigé cet avis sur la base de 30 réponses reçues des Etats membres à un questionnaire[2]. Selon ces réponses, le niveau d’autonomie financière semble avoir une incidence sur les outils à la disposition des ministères publics pour gérer leurs ressources. La préparation du budget est, dans la plupart des cas, une compétence partagée entre le ministère public et le ministère de la justice, accompagnée souvent d’une implication directe du ministère des finances. La moitié des Etats environ précise que les budgets des ministères publics sont gérés par un système de gestion par résultats incluant des objectifs d’efficacité et de productivité.

4.            En outre, selon un nombre important d‘Etats, les budgets alloués aux ministères publics sont jugés insuffisants, cet aspect étant accentué en cette période de crise. La situation économique actuelle constitue un défi à l’efficacité de la justice, mais également une opportunité pour introduire des changements dans la manière d’utiliser les ressources des ministères publics. En tout état de cause le ministère public devrait garder à l’esprit la nécessité d’utiliser les ressources disponibles de la manière la plus efficace.

A.          Textes de référence

 

5.            Le CCPE souligne l’importance de se référer à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales (CEDH) et à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme (La Cour)[3].

6.            Le CCPE a particulièrement pris en compte la Recommandation Rec(2000)19, notamment la partie concernant les garanties reconnues au ministère public pour l’exercice de ses activités. Il a également tenu compte des conclusions et recommandations en la matière contenues dans les précédents avis du CCPE, en particulier dans les Avis n°3(2008) sur le « Rôle du ministère public en dehors du système de la justice pénale » et n°4(2009) sur les relations entre les juges et les procureurs dans une société démocratique.

7.            Le CCPE a également tenu compte des lignes directrices européennes sur l’éthique et la conduite des membres du ministère public – Les lignes directrices de Budapest[4] – , de l’Avis N°2 (2001) du Conseil consultatif de juges européens (CCJE) relatif au financement et à la gestion des tribunaux au regard de l'efficacité de la justice et au regard des dispositions de l'article 6 de la CEDH, ainsi que le Rapport de la Commission européenne pour l’efficacité de la justice (CEPEJ) intitulé « Systèmes judiciaires européens : édition 2010 »[5] et le Rapport de la Commission de Venise sur les normes européennes relatives à l'indépendance du système judiciaire : Partie II – le ministère public[6].

8.            Le CCPE a pris note, enfin, des instruments adoptés par d’autres organisations internationales telles que l’Organisation des Nations Unies et l’Association internationale des procureurs, ainsi que des Conclusions du document final de la 5ème réunion plénière du Réseau des procureurs généraux ou institutions équivalentes près les cours suprêmes judiciaires des Etats membres de l’Union Européenne, adoptées à Budapest le 26 mai 2012[7].

B.           Champ d’application et but de cet Avis

9.            Le présent Avis s’applique au ministère public dans l’exécution de l’ensemble des fonctions qui lui sont dévolues par la loi. Lorsqu’il a des compétences en dehors du système de justice pénale[8], les principes et dispositions mentionnés s’appliquent mutatis mutandis à toutes ses fonctions. Le ministère public assume un rôle déterminant dans le système judiciaire et assure le respect des droits de l’Homme, y compris, dans certains ressorts, dans les lieux de détention. Plus particulièrement, en sa qualité d’autorité chargée de veiller à l’application de la loi et de poursuivre tout comportement criminel, le ministère public doit répondre à l’exigence commune de combattre la criminalité nationale et internationale.

10.          De nos jours, le ministère public est confronté à une délinquance croissante qui induit un sentiment d’insécurité grandissant. En raison de la grave mise en danger qu’elle représente pour la société, l’expansion du crime organisé, y compris les actes terroristes, le trafic de drogue, et la cybercriminalité exige une efficacité accrue des activités du ministère public ainsi qu’une protection renforcée des droits de l’Homme et de l’intérêt public.

11.          Même si les compétences du ministère public de gérer de manière autonome son propre budget et ses ressources varient d’un Etat membre à l’autre, l’autonomie de gestion constitue l’une des garanties de son indépendance et de son efficacité. A cette fin, il est indispensable de pouvoir faire appel à du personnel compétent en matière de gestion et de définir des principes communs en matière de gestion des moyens, notamment budgétaires.

12.          Le présent Avis a pour ambition d’élaborer des recommandations visant à identifier les besoins, et à répartir et utiliser, de manière plus efficace, les ressources du ministère public.

II.         LES BESOINS DU MINISTERE PUBLIC

A.           La préparation du budget

13.          Le budget de chaque ministère public devrait être intégré dans le budget de l’Etat, dans une ligne budgétaire séparée. Il est important de s’assurer que les procédures visant à définir les budgets des services du ministère public et à allouer des ressources financières additionnelles sont prévues par la loi budgétaire ou d’autres règlements financiers. L'attribution des ressources au ministère public étant une décision d’ordre politique, les pouvoirs législatif et exécutif ne devraient pas être en mesure d’influencer de manière excessive le ministère public lors de la prise de décision sur son budget. La décision concernant l’attribution des ressources devrait se faire dans le respect de l’indépendance du ministère public et assurer les besoins nécessaires à l’accomplissement de ses missions.

14.          Le ministère public devrait être impliqué, avec l’exécutif, dans l’élaboration de son budget. Dans les pays où le système juridique l’autorise, le droit d’entrer directement en contact avec le Parlement afin de lui faire part de ses besoins peut être un moyen de participer activement à l'élaboration de son budget. En tout état de cause, la procédure d'adoption du budget du ministère public devant le parlement devrait prévoir la prise en considération de l’avis des services du ministère public concernés.

15.          Afin de permettre l'attribution de moyens suffisants par le parlement (ou par une autre autorité publique compétente), les coûts estimés doivent être calculés à l'avance. Cela nécessite des plans budgétaires fiables, soit en ce qui concerne le budget de fonctionnement soit en ce qui concerne le budget d’investissement. Les statistiques pénales  et d’autres statistiques pertinentes des années précédentes, ainsi que les tendances confirmées et les activités du ministère public, particulièrement les nouveaux projets et projets en cours, peuvent servir de base à l’élaboration d’un budget global minimal pour l’année ou la période à venir. La gestion par résultats offre certains outils utiles pour établir les budgets des périodes futures.

16.          Dans tous les cas, il importe que toutes les décisions internes concernant l’attribution des ressources liées directement aux activités du ministère public soient prises par le service concerné lui-même.

17.          La gestion des ressources budgétaires devrait être effectuée par le ministère public lui-même de manière responsable et efficace, selon des critères de bonne gouvernance. C’est pourquoi, parmi d’autres mesures, une formation appropriée des membres du ministère public en la matière devrait être mise en place. Le ministère public devrait également, le cas échéant, être doté du personnel spécialisé ayant de l’expérience dans la finance, l’audit et la gestion pour s'acquitter de ces fonctions et veiller à la bonne utilisation des ressources. Le ministère public devrait être informé de la possibilité de recourir à ce personnel spécialisé et de disposer des ressources nécessaires à cette fin. Il devrait avoir le dernier mot et la responsabilité des choix essentiels.

18.          Le budget du ministère public doit, en toutes circonstances, lui permettre des réactions rapides à des évènements et circonstances imprévus.

B.           Les besoins du ministère public

19.          Les nouveaux défis en matière de crimes et l’augmentation de la complexité de certaines formes de criminalité sont aussi dus au développement rapide des nouvelles technologies, à un accroissement de l’intégration internationale et de la mondialisation, des échanges commerciaux internationaux et de la circulation des données internationales. Cette réalité a créé des nouveaux moyens de commettre des délits, ce qui implique une nécessité de coopérer, y compris au niveau international, pour la détection de ceux-ci, et la poursuite des criminels. Une formation spécifique visant à faire face aux menaces posées par ces phénomènes s’avère également nécessaire.

20.          Par temps de crise économique, lorsque la pauvreté et les inégalités entre les gens risquent de provoquer une augmentation des troubles sociaux et de la délinquance et de rendre plus insupportable pour la population tous les types de fraudes et d’injustice causés par ceux qui violent la loi, les moyens attribués au ministère public doivent être maintenus, voire augmentés, pour que ce dernier puisse jouer pleinement son rôle de gardien de l’intérêt public, des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

21.          Les services du ministère public ont des besoins sans cesse croissants en termes d’effectifs, de matériel et de ressources budgétaires pour effectuer leurs missions. Sachant que, dans certains pays, le ministère public intervient aussi dans des matières non pénales, dont certaines visent à réduire les problèmes sociaux et environnementaux[9], une telle demande n’apparaît que plus évidente.

22.          Que ce soit dans leurs fonctions pénales ou non pénales, les membres du ministère public doivent être soumis à des mesures propres à assurer leur sécurité. À cette fin, les Etats membres doivent faire en sorte que les membres du ministère public et, en cas de nécessité, les membres de leurs familles soient protégés physiquement, en cas de menace pour leur sécurité personnelle résultant de l’exercice correct de leurs fonctions de procureur[10].

23.          La participation du ministère public à la coopération internationale en matière pénale engendre des dépenses sans cesse croissantes. Pour que celle-ci puisse être exercée rapidement et efficacement, les nouvelles technologies doivent être utilisées (telles que les vidéoconférences et systèmes de cryptage). Des ressources financières et humaines additionnelles doivent être disponibles, par exemple pour élaborer des conventions internationales, pour le détachement d’agents de liaison (en particuliers des procureurs) dans les ambassades nationales à l'étranger, pour financer des équipes d'enquêtes communes et pour participer à des instances de coordination pertinentes[11].

24.          Compte tenu de l’importance de la protection des droits de l’Homme dans les lieux de privation de liberté, des ressources suffisantes devraient aussi être accordées pour en permettre le contrôle, lorsqu’il entre dans les compétences du ministère public.

1.            Dans le domaine pénal (enquêtes et poursuites)

25.          L'attribution de ressources appropriées aux activités du ministère public est une condition préalable nécessaire au respect du principe de l'indépendance des procureurs et/ou du ministère public, surtout dans le domaine pénal.

26.          L'indépendance financière du ministère public constitue une garantie d'équité dans les poursuites pénales, la protection efficace des droits de l'Homme et des libertés fondamentales dans les procédures pénales en général, et à terme, une bonne administration de la justice pénale.

27.          La gestion des ressources financières allouées aux enquêtes en cours varie de manière significative d’un État membre à l’autre. Il en est de même du rôle du ministère public au cours de l’'enquête : dans certains États membres, le ministère public dispose d’un pouvoir d'enquête total ou partiel ; dans d'autres, il n'a pas de pouvoir d'enquête mais il peut avoir le droit d'ordonner aux autorités compétentes de mener des investigations et d’autres actes procéduraux, même s’il ne dispose pas d’un pouvoir d’enquête lui-même.

28.          Les coûts liés aux enquêtes et autres actes procéduraux sont généralement avancés par les autorités qui en sont effectivement chargées. Dans de nombreux Etats membres, le ministère public est confronté au problème selon lequel l'autorité chargée de l'enquête, invoquant une insuffisance de moyens budgétaires, ne peut ou ne veut pas obéir aux mesures de poursuites ou d’autres actes procéduraux du ministère public. Ce problème est particulièrement pertinent dans les cas où l’enquête entraîne des frais supplémentaires, notamment pour certaines expertises (homogénétique, en matière économique, etc.), des analyses ADN ou des techniques spéciales d'enquête.

29.           Les Etats membres devraient prévoir des ressources suffisantes pour toutes les enquêtes ordonnées par le ministère public. Une telle approche contribuerait, de manière significative, à s’assurer que celles-ci sont complètes et à éviter toute irrégularité dans les procédures pénales qui peut entraver le cours de la justice.

30.          Ainsi, lorsque les enquêtes font partie des tâches dévolues au ministère public, les Etats membres devraient:

-               veiller à un accès immédiat et libre du ministère public aux ressources fondamentales destinées aux actions nécessaires aux mesures d’enquête efficaces et impartiales ;

-               permettre aux membres du ministère public l’utilisation appropriée de nouvelles technologies pour mener leurs enquêtes et pour s’assurer du respect des lois durant les enquêtes (outils de recherche, matériel pour les expertises médico-légales, bases de données électroniques, vidéoconférences, outils de cryptage, interception des télécommunications, surveillance audio et vidéo etc.).

Les mêmes principes devraient s’appliquer aux ressources nécessaires aux actions des procureurs durant le procès.

31.          Par ailleurs, il conviendrait de porter une attention particulière au paiement complet et, quand cela est prévu par la loi, au remboursement des frais engagés par les différentes autorités pendant la procédure pénale. Les mécanismes nécessaires devraient être mis en place pour permettre de tels remboursements. Cet aspect est particulièrement pertinent pour les Etats membres et leurs instances judiciaires, en période de crise économique.

32.          Les Etats membres devraient envisager le développement des politiques de confiscation dans le but de priver les criminels des produits du crime et pour financer les poursuites des délits, tout en respectant le rôle et l’indépendance des procureurs.

33.          Le ministère public ne devrait pas être limité de manière injustifiée dans la gestion de ses ressources allouées aux enquêtes. L'utilisation des ressources doit être rationnelle, effective et transparente.

2.            En dehors du domaine pénal

34.          Les activités confiées au ministère public en dehors du domaine pénal existent dans la plupart des Etats membres du Conseil de l'Europe à des degrés divers et exigent parfois et parmi d’autres démarches procédurales des examens médico-légaux et l’intervention de spécialistes dans différents domaines d’expertise (psychologues dans les affaires familiales, comptables et experts financiers en cas de faillite, chimistes et biologistes dans les affaires liées à la protection de l'environnement, etc.).

35.          Selon la diversité et l'étendue de ces activités, il peut être nécessaire de créer, au sein du ministère public, des unités ou des postes de procureurs spécialisés chargés d’activités autres que celles relevant du droit pénal général ou relevant de domaines particuliers. La nature spécifique de ces activités peut impliquer de proposer une formation spéciale au personnel.

III.        Les solutions envisagées

A.           Les ressources humaines

36.          La situation actuelle implique une adaptation des besoins en ressources humaines conformément aux nécessités de l’action publique, qu’il s’agisse d’une rémunération suffisante ou d’une formation appropriée[12], initiale comme continue.

37.          De manière générale, on distingue dans les services modernes du ministère public trois différents niveaux professionnels :

-               des fonctions de poursuite exercées par le ministère public lui-même. En cas de besoin (et si compatible avec le système juridique), des spécialistes juridiques peuvent être appelés à remplir des fonctions juridiques spécifiques ;

-               des experts dans les domaines spécifiques peuvent être utiles : des psychologues ou des psychiatres dans les affaires impliquant des mineurs, des délinquants souffrant d'un handicap mental, ou encore pour assister les victimes ; des sociologues et des experts en statistiques lorsque des données statistiques sont nécessaires ; des professionnels d’informatique pour mener des recherches liés à la cybercriminalité ; des biologistes ou des chimistes pour enquêter sur des infractions à l’environnement, etc. ;

-               le personnel administratif est un élément indispensable du service du ministère public. Il doit être qualifié pour faire face à la charge de travail due au traitement des affaires qui inévitablement augmentent parallèlement à la spécialisation ou à la complexité des affaires traitées par le procureur.

38.          Un système capable de calculer la charge de travail des membres du ministère public et l'évolution de leurs besoins devrait être mis en place pour mesurer l’évolution des besoins. Ce système devrait également pouvoir mesurer les facteurs qui influencent ou affectent l’exécution de leurs tâches, afin que les actions concernées puissent être menées à bien.

B.           Les ressources financières

39.          Les principes généraux liés à l'utilisation de ces ressources publiques doivent être respectés, à savoir : le principe d’opportunité, le principe d'efficacité et le principe de légalité. Si l'utilisation de ressources concerne plus d'un organe à la fois (comme par exemple le ministère public, la police et les autorités fiscales), le respect de ces principes doit s'accompagner d'une coordination rigoureuse pour éviter les doubles emplois et veiller à ce que les moyens financiers soient mis au service de la réalisation de l'objectif final de l’administration efficace de la justice.

40.          Pour faire des économies tout en veillant à garder son indépendance, le ministère public est encouragé à conclure des accords avec d'autres services de l'État en vue de partager des équipements et des services administratifs ou de participer à des actions communes. La coordination est un outil essentiel qui permet d’éviter un gaspillage des ressources et une duplication des efforts, y compris au niveau du même service – par exemple, dans des cas où plusieurs membres du ministère public (ayant des compétences locales) sont impliqués dans une enquête sur des faits liés.

41.          Le principe de la légalité de l'utilisation des fonds publics implique que la gestion financière assurée de manière indépendante par le ministère public devra faire l'objet d’une supervision par les autorités de l'État compétentes en matière de contrôle et d'audit, comme pour les tribunaux.

C.           Équipement et ressources matérielles

42.          Les ministères publics sont instamment invités à installer et à utiliser des systèmes de technologies de l’information compatibles pour la planification, le suivi et la comparaison des dépenses de leurs services. Cela peut constituer une méthode pratique et efficace pour concilier l’utilisation des ressources et la charge de travail de leurs services territoriaux, pour produire des indicateurs pour l’utilisation des ressources au niveau des différents bureaux, pour faciliter la réaffectation rapide des ressources, si nécessaire et, enfin, pour garantir le contrôle des dépenses.

43.          Les États membres sont encouragés à permettre aux services du ministère public de généraliser l’utilisation du matériel de TI dans leurs activités quotidiennes, en introduisant des instruments d’« e-justice », des systèmes de gestion électronique des affaires et d’échange de données avec les autres instances chargées de l’application de la loi avec lesquelles les membres du ministère public sont en contact dans l’exercice de leurs tâches. Ceci devrait permettre une gestion plus efficace des affaires, de réduire la durée des procédures et d’assurer l’application des mesures visant à la protection des données et mesures de confidentialité.

44.          Les États membres sont également tenus de répondre au besoin des ministères publics, d’entretenir leurs propres sites internet et de disposer de locaux adéquats pour recevoir le public afin d’assurer un niveau de transparence approprié et informer le public, ainsi que pour promouvoir et faciliter l'accès à la justice.

D.           Les moyens du ministère public et les plans d’austérité gouvernementaux

45.          Les crises économiques peuvent affecter, si elles ne sont pas complètement résolues, le fonctionnement du ministère public. Les effets de la crise sont variables d’un Etat membre à l’autre : mise en œuvre d'une politique générale d'économie et de redistribution des ressources destinées aux activités fondamentales au détriment des investissements ou réductions drastiques de salaires des membres du ministère public. De nombreux Etats membres considèrent comme une priorité le fait d'obtenir du personnel et des crédits supplémentaires, un meilleur équipement technique, un meilleur accès à la formation du personnel et à l'expertise technique nécessaire pour étayer les preuves utilisées devant les tribunaux.

46.          Le ministère public doit lui-même pouvoir agir pour compenser ou du moins minimiser les effets des crises économiques sur ses tâches courantes. Pour ce faire, un équilibre devrait être trouvé entre les ressources disponibles et les résultats à obtenir. Une meilleure coopération et une coordination renforcée entre les acteurs européens et nationaux de la lutte contre la criminalité permettraient d'améliorer considérablement la situation. Au niveau européen, il conviendrait d’exploiter davantage les nouvelles possibilités de coopération internationale en matière pénale (grâce à Eurojust ou par le biais d’enquêtes conjointes). Au niveau national, des accords avec les autres autorités locales, régionales et nationales pour mutualiser les services administratifs, les locaux et les personnels, ou une meilleure coopération avec les autres autorités de contrôle (inspection de l’environnement, par exemple) aideraient à surmonter les problèmes liés aux crises économiques.

47.           S’il dispose de moyens de gestion des ressources humaines et financières nécessaires, les crises économiques n’auront pas d’impact négatif sur la qualité du travail du ministère public. La mise en place de nouvelles structures au sein des services (par exemple, création d'unités spécialisées dans la lutte contre la criminalité économique ou la cybercriminalité) ou du système de financement du ministère public (autonomie budgétaire dans les pays où ce n’est pas le cas) pourrait grandement aider à maintenir le niveau de qualité professionnelle.

48.          En période de crise économique, il est en effet particulièrement important pour le ministère public d’affiner son organisation et d’améliorer sa gestion de manière à assurer une utilisation optimale des ressources financières et humaines. Aussi, la répartition des services du ministère public dans le pays et une attribution rationnelle des compétences peuvent être utiles.

E.           Améliorer la gestion du ministère public

a.              L’audit et le contrôle

49.          Le contrôle et l'audit sont des éléments essentiels permettant d’assurer une gestion responsable des fonds publics. Ils doivent être adaptés aux tâches spécifiques du ministère public. En raison de sa finalité spécifique, l'utilisation des fonds consacrés, par exemple, aux enquêtes criminelles ne peut pas être évaluée par un calcul ordinaire de performance des coûts ; les enquêtes ne devraient pas être déterminées seulement sur la base d’un rapport coût-efficacité. Le contrôle peut constituer un instrument utile pour établir des bonnes pratiques au sein du parquet, pour comparer le traitement des dossiers par les différentes unités et dans des matières différentes, mais ne saurait être utilisé comme un moyen de régir le ministère public en tant que tel.

50.          Dans des circonstances exceptionnelles uniquement, les ministères publics peuvent être amenés à prioriser certains types d’affaires ou de crimes pour contrebalancer les limitations de ressources. Néanmoins, une telle priorisation ne devrait pas se faire au détriment de l’activité du ministère public dans son intégralité, et surtout pas de la poursuite efficace des autres types de crimes, et ne devrait pas non plus limiter le principe général de l’égalité devant la loi.

b.             La gestion par résultats

51.          Quel que soit le système de gestion adopté dans les différents Etats membres, le ministère public devrait toujours s’assurer que les ressources mises à sa disposition sont utilisées de manière efficace et économique, et que des mécanismes de contrôle et de suivi adaptés sont mis en place.

52.          Dans la mesure où cela est compatible avec leur système juridique, les Etats membres pourraient également envisager d’introduire ou de renforcer un modèle permettant une gestion par résultats des activités du ministère public. Ce concept est un système interactif et consensuel dans lequel les ressources sont allouées en fonction d’une activité convenue et attendue. L’idée principale de la gestion par résultats est d’aider les parties à établir un équilibre approprié entre les ressources disponibles et les résultats à atteindre (par exemple la réduction des délais de procédure ou l’amélioration de l’accueil des justiciables) tout en respectant le rôle et l’indépendance du ministère public et le principe de légalité.

53.          Il s’agit d’un instrument fonctionnant sur la base de résultats négociés entre une entité responsable du gouvernement (le ministère des finances, le ministère de la justice) ou le parlement et le ministère public. Celui-ci devrait participer lui-même aux négociations, étant le mieux placé pour fixer les objectifs visant à guider les procureurs (les membres du ministère public) dans leur travail concret. Le ministère public devrait pouvoir fixer ses objectifs de manière suffisamment libre afin d’atteindre les meilleurs résultats possibles.

54.          Des « outcomes » et « outputs »[13] servent de base pour évaluer les performances et pour allouer les ressources. Les « outcomes » du ministère public consistent en la manière dont les objectifs sociaux (le renforcement de la responsabilité pénale par exemple) sont atteints. Les « outputs » concernent les objectifs que le ministère public peut lui-même influencer par ses propres activités et la manière dont elles sont gérées comme par exemple l’efficacité des opérations, la qualité des contrôles et la gestion des ressources humaines.

55.          Les « outputs » et les « outcomes »du ministère public devraient être étroitement liés à ses activités fondamentales et à ses ressources disponibles de manière à ce que la réalisation des objectifs dépende entièrement de ce que les instances concernées effectuent et de la manière dont cela est géré. Une attention particulière devrait être portée au fait que la définition d’« outputs »aura des conséquences sur l’activité du ministère public.

56.          La gestion par résultats exige des instances concernées qu’elles rendent compte de la réalisation de leurs objectifs. Concrètement, les instances locales du ministère public rendent des rapports au bureau du Procureur général qui les transfère au corps gouvernemental allouant les ressources ou au parlement. L’évaluation et la mesure claires et fiables des résultats sont vitales mais peuvent représenter un défi. Des indicateurs de bonne performance montrent ce qui a été atteint et non ce qui a été entrepris.

57.           Les objectifs et les ressources allouées pour la période d’exercice suivante seront influencés par la manière dont ils ont été atteints. L’évaluation visant à savoir si les objectifs ont ou non pas été atteints devrait toujours être suivie par des décisions sur les mesures concrètes à adopter par le ministère public lui-même.

IV.        RECOMMANDATIONS

(i)           Les procureurs doivent avoir des moyens suffisants pour accomplir leurs diverses tâches en tenant compte des nouvelles menaces et défis nationaux et internationaux, y compris ceux qui découlent du développement des technologies et des processus de mondialisation.

(ii)          Le ministère public doit avoir la maîtrise de l’évaluation de ses besoins, de la négociation de ses budgets, de l’utilisation et de la gestion des moyens alloués.

(iii)         Pour préparer son budget, le ministère public devrait se reposer sur des indicateurs précis et fiables découlant de statistiques pénales ou d’autres statistiques pertinentes.

 

(iv)         L’environnement économique et financier difficile constitue un défi professionnel renforçant le besoin d’une gestion rationnalisée. L’indépendance, l’impartialité, l’autonomie financière et l’efficacité du ministère public sont des valeurs qui doivent être garanties en toutes circonstances économiques.

(v)          Le ministère public devrait utiliser de manière efficace et transparente des méthodes de gestion modernisée. La mise en place d’indicateurs de performance et d’un système de gestion par résultats peut être utile à cet effet. Le ministère public doit également avoir assez de liberté pour pouvoir choisir quelles actions poursuivre pour atteindre les résultats souhaités. Il ne doit pas se voir opposer une rigidité budgétaire excessive.

(vi)         Des contrôles intérieurs et extérieurs et un audit sur l’utilisation du budget du ministère public devraient être mis en place. Les contrôles extérieurs et l’audit doivent correspondre à ceux qui sont appliqués au sein des tribunaux.

(vii)       Une formation en matière de gestion pour les membres du ministère public chargés des fonctions de gestion doit être assurée. Les procédures visant à règlementer la coopération entre le ministère public et les professionnels des finances et de gestion extérieurs devraient être clairement mis en place.

(viii)      Les services du ministère public doivent être consultés sur les économies à faire, ainsi que sur les initiatives visant à attirer des nouvelles ressources ou à augmenter celles qui existent.

(ix)         Afin d’expliquer l’utilisation des moyens nécessaires à son action, le ministère public devrait assurer un niveau approprié de transparence et d’information du public à propos de son travail, y compris par le biais de ses propres sites internet et de la publication des rapports annuels. En tout état de cause, son image d’impartialité est à préserver.

(x)          Un échange d’expérience et de bonnes pratiques en matière de gestion des moyens par le ministère public au niveau national et international est recommandé.



[1] 1127ème réunion des Délégués des Ministres (23 novembre 2011).

[2] Voir les réponses des Etats membres au questionnaire sur le site internet du CCPE (www.coe.int/ccpe) sous « Travaux préparatoires – Elaboration du 7ème avis du CCPE ».

[3] Voir notamment Broniowski c. Pologne (22 juin 2004), §183.

[4] Adoptées lors de la 6ème Conférence de procureurs généraux d’Europe en mai 2005.

[6] Adopté lors de la 85e session plénière de la Commission de Venise (17-18 décembre 2010).

[8] Voir notamment la Recommandation CM/Rec(2012)11 du Comité des Ministres aux Etats membres sur le rôle du ministère public en dehors du système de justice pénale.

[9] Résolution (77)28 du Conseil de l’Europe sur la contribution du droit pénal à la protection de l’environnement

[10] Voir notamment la Déclaration sur les normes minimales relatives à la sécurité et à la protection des procureurs et de leurs familles adoptée par l'Association Internationale des Procureurs en mars 2008.

[11] Par exemple, Eurojust, le Réseau judiciaire européen, le Réseau européen des procureurs généraux ou institutions équivalentes près les Cours suprêmes judiciaires des Etats membres de l’Union Européenne, le Forum Consultatif des Procureurs Généraux et des Directeurs de Poursuites publiques des Etats membres de l’Union Européenne, le Conseil consultatif de procureurs européens et le Conseil de coordination des procureurs généraux des Etats membres de la Communauté des Etats Indépendants ou l’un des nombreux autres réseaux de procureurs crées jour après jour.

[12] Voir « Rapport sur les normes européennes relatives à l’indépendance du système judiciaire : Partie II, le ministère public », adopté par la Commission de Venise lors de sa 85ème session plénière (Venise, 17-18 décembre 2010).

[13] En français, le terme « outcomes » peut s’entendre comme les résultats ou objectifs à atteindre et le terme « outputs » comme les moyens développés pour atteindre un résultat ou un objectif déterminé.