NB_CE

CCPE(2013)4 Final

Erevan, 9 octobre 2013

conseil consultatif de procureurs europeens

(CCPE)

AVIS (2013) N°8  

DU CONSEIL CONSULTATIF DE PROCUREURS EUROPÉENS

 

SUR LES RELATIONS ENTRE PROCUREURS ET MEDIAS

adopté par le CCPE lors de sa 8ème réunion plénière

(Erevan, 8-9 octobre 2013)

 


I.                      INTRODUCTION

1.             Le Conseil consultatif de procureurs européens (CCPE) a été créé en 2005 par le Comité des Ministres du Conseil de l'Europe, qui lui a fixé pour tâche la formulation d'Avis sur les questions relatives au fonctionnement des services du ministère public et la promotion de la mise en œuvre effective de la Recommandation Rec(2000)19 du Comité des Ministres aux Etats membres sur le rôle du ministère public dans le système de justice pénale.

2.             Le Comité des Ministres a chargé le CCPE d’adopter en 2013 un Avis à son attention sur les relations entre procureurs et médias.

3.             Le CCPE a rédigé le présent Avis sur la base de 36 réponses reçues des Etats membres à un questionnaire[1].

4.             Il ressort de ces réponses que les différents aspects des relations entre procureurs et médias sont régis soit par la Constitution et/ou la législation nationale, soit par des instruments réglementaires internes (consignes et instructions du Procureur général, règles de conduite, codes d’éthique etc.).

5.             La diversité des systèmes juridiques au sein des Etats membres explique la variété des modes de communication des procureurs avec les médias, à qui sont d’ailleurs confiées des tâches et des rôles différents, tout en ayant l’obligation de toujours respecter les droits de l’Homme et les libertés fondamentales.

A.            Textes de référence

6.             Le CCPE souligne l’importance de se référer à la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales (CEDH) et à la jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l’Homme (la Cour).

7.             Le CCPE a examiné en particulier le juste équilibre qui pourrait être ménagé entre, d’une part, les droits fondamentaux à la liberté d'expression et d'information, garantis par l'article 10 de la CEDH et le droit et le devoir des médias d’informer le public sur les procédures judiciaires, et d’autre part, les droits à la présomption d’innocence, à un procès équitable et au respect de la vie privée et familiale, garantis par les articles 6 et 8 de la CEDH.

8.             Le CCPE a tenu compte des Recommandations suivantes du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe concernant les procureurs :

·         la Recommandation Rec(2000)19 sur le rôle du ministère public dans le système de justice pénale, et en particulier le paragraphe 6, qui mentionne le droit effectif des membres du ministère public à la liberté d'expression, le paragraphe 7, consacré à leur formation, et le paragraphe 20, qui mentionne leur obligation d'objectivité et d'équité, ainsi que les devoirs et responsabilités du ministère public vis-à-vis des justiciables (paragraphes 24 à 36) ;

·         la Recommandation Rec(2012)11 sur le rôle du ministère public en dehors du système de justice pénale, en particulier les paragraphes 4 à 9.

9.             Le CCPE a également pris en compte d’autres instruments adoptés par le Conseil de l'Europe, notamment :

·         la Convention pour la protection des personnes à l'égard du traitement automatisé des données à caractère personnel (STE n° 108) ;

·         la Recommandation Rec(2002)2 sur l’accès aux documents publics et la Recommandation Rec(2003)13 sur la diffusion d'informations par les médias en relation avec les procédures pénales ;

·         la Recommandation Rec(2011)7 sur une nouvelle conception des médias.

10.          En outre, le CCPE s’est appuyé sur les principes contenus dans l’avis qu’il a adopté conjointement avec le Conseil consultatif de juges européens (CCJE) sur les relations entre juges et procureurs dans une société démocratique, dite « Déclaration de Bordeaux » (2009), ainsi que dans les avis du CCJE n° 7 (2005) intitulé « Justice et société », et n° 14 (2011) intitulé « Justice et technologies de l'information (TI) ».

11.          Enfin, le CCPE a pris en compte les documents pertinents des Nations Unies, notamment l’Ensemble de règles minima concernant l’administration de la justice pour mineurs (Règles de Beijing)[2] et les lignes directrices sur le rôle des procureurs (1990). Le CCPE s’est également appuyé sur les Normes de responsabilité professionnelle et la Déclaration des devoirs et droits essentiels des procureurs adoptés par l’Association Internationale des Procureurs en 1999.

B.            Champ d’application

 

12.          Le présent Avis vise à établir des recommandations permettant de faciliter l’accès des médias à des informations appropriées et de promouvoir des modes de communication adaptés entre les procureurs et les médias dans le respect de leurs lois nationales et des obligations internationales des Etats membres.

13.          Conformément au mandat du CCPE, cet Avis s’adresse aux procureurs et n’entend pas formuler des recommandations à l’intention des journalistes. Le CCPE est chargé de contribuer au développement d’un processus visant à une bonne compréhension du rôle du procureur et du système judiciaire par les médias et le public en général. Le CCPE invite les journalistes, ainsi que tous les autres professionnels concernés, à prendre connaissance de cet Avis et à contribuer à sa diffusion.

14.          Sous réserve des limitations mentionnées aux paragraphes 21, 23, 25 et 26 ci-dessous, le droit fondamental à la liberté d’expression et d’information est une exigence qui s’applique de manière générale aux différentes tâches des procureurs. Le présent Avis concerne toutes les formes d’activités du ministère public, et toutes les dispositions de cet Avis concernant les activités relevant du domaine pénal s’appliquent, mutatis mutandis, aux actions des procureurs en dehors du domaine pénal.

15.          Chaque fois que le procureur fait usage d’une nouvelle politique ou méthode de communication pour diffuser des informations, les principes énoncés dans le présent Avis s’appliquent dans la mesure où les informations fournies par le ministère public sont censées l’être dans l’intérêt général.

16.          S’agissant du terme “médias”, les conclusions, principes et recommandations formulés principalement à l'égard de la presse écrite, s'appliquent également aux médias audiovisuels et électroniques, ainsi qu’à internet utilisé en tant que média.

II.                    PRINCIPES DE BASE

17.          Trois groupes de principes de base peuvent être identifiés concernant les relations entre les procureurs, les médias et les parties :

·         les principes visant à garantir un juste équilibre entre l’exigence d’assurer une justice indépendante, impartiale et transparente et les autres droits fondamentaux tels que la liberté d’expression[3] et de la presse ; ces derniers peuvent néanmoins être soumis à des restrictions, qui doivent avoir une base légale, poursuivre un ou plusieurs buts légitimes, tels que la protection des droits d’autrui, le bon déroulement des enquêtes, la protection de la vie privée, et être nécessaires dans une société démocratique et proportionnés au(x) but(s) légitime(s) poursuivi(s), à savoir de répondre à un besoin social impérieux;

·         les principes visant à protéger les droits des individus, notamment les suspects et les victimes (en mettant l’accent sur le droit à la dignité, à la vie privée[4] et à la sécurité des personnes, ainsi que la présomption d’innocence[5]) ;

·         les principes tenant aux droits procéduraux, spécialement quand le procureur est partie au litige (par exemple, l’exigence de l’égalité des armes et du procès équitable).

En cas de conflit entre ces principes, un juste équilibre devrait être trouvé pour préserver le rôle essentiel de chacun d’eux.

Liberté d’expression et de la presse

18.          Toutes les personnes, y compris celles qui participent à la procédure judiciaire, ont droit à la liberté d’expression.

19.          Les procureurs ont également droit à la liberté d’expression[6], tout en étant soumis au secret professionnel et à un devoir de réserve, de discrétion[7] et d’objectivité. Les procureurs devraient accorder une attention particulière aux risques qui peuvent en découler pour l’impartialité et l'intégrité du ministère public, lorsqu’ils apparaissent dans les médias, à quel titre que ce soit.

20.          La liberté de la presse devrait être garantie durant les procédures judiciaires[8]. Selon la jurisprudence de la Cour concernant l’article 10 de la CEDH, la presse a un devoir de diffusion des informations et des idées sur des questions d’intérêt public[9] qui inclut le droit du public à les recevoir. Cela permet à la presse de jouer son rôle de vigile (“chien de garde” selon la terminologie de la Cour). La presse sera ainsi d’autant mieux protégée qu’elle participera au débat concernant les problèmes d’intérêt général légitime[10].

21.          Dans leurs communications avec les médias, les procureurs devraient veiller à ce que la liberté d’expression et la liberté de la presse ne portent pas atteinte aux droits et aux intérêts des individus (y compris les personnes vulnérables telles que les mineurs, les victimes, les familles des défendeurs), à la protection des données et à la confidentialité.

Liberté de recevoir et communiquer l’information

22.          Le droit du public à recevoir de l’information devrait également être assuré[11]. Cependant, la manière dont ce droit est appliqué peut être influencée et dépendre des circonstances spécifiques de l’affaire. Ce droit peut également être sujet à des restrictions, le cas échéant, afin d’assurer le respect des principes de base.

23.          Les procureurs devraient veiller à ce que l’information fournie aux médias ne compromette pas le déroulement des enquêtes et des poursuites ou l'objectif de l'enquête. Elle ne devrait pas porter atteinte aux droits des tiers ou influencer ceux qui sont impliqués dans les enquêtes ou les poursuites, ou la procédure judiciaire.

Présomption d’innocence et droits de la défense

24.          Les procureurs devraient être spécialement sensibles aux droits de la défense, à la liberté d’expression, à la présomption d’innocence et au droit d’être informé.

25.          Dans leurs communications, les procureurs devraient veiller à ne pas compromettre les droits de la défense en diffusant une information de manière prématurée et en ne permettant pas à la défense d’y répondre[12]. Ils devraient aussi veiller à ne pas transmettre une information qui ne respecterait pas le droit des victimes à être informées de manière appropriée. Fournir de l'information ne devrait pas non plus porter atteinte au droit des personnes à un procès équitable.

26.          Dans leurs communications, les procureurs devraient veiller à ne pas compromettre la sécurité des personnes concernées, notamment les témoins, les victimes, les procureurs et les magistrats chargés des dossiers délicats.

27.          Un équilibre doit être établi, par le biais du respect  de la présomption d'innocence, entre l'intérêt du public à l'information et la protection de l'honneur et de l'intégrité des personnes. Le procureur, lorsque cela relève de sa compétence, sera attentif à ne pas permettre d’exposer publiquement une personne détenue et préservera, de manière appropriée, de la pression médiatique les personnes concernées par un dossier[13] et, en particulier, les victimes de manière à éviter tout risque de harcèlement médiatique.

Vie privée / dignité

28.          A toutes les étapes de la procédure, les participants, quels que soient leurs rôles, ont droit à la dignité, au respect de leur vie privée et familiale et à la sécurité personnelle.

29.          Dans toute la mesure du possible, lors de la phase d'enquête, l'identité des suspects ne devrait pas être divulguée. Une attention particulière devrait être accordée aux droits des victimes avant la divulgation.

III.                   COMMUNICATION AVEC LES MÉDIAS

 

30.          La transparence dans l’exercice des fonctions du procureur est une composante essentielle de l’Etat de droit et l’une des garanties importantes du procès équitable. Il faut non seulement que justice soit rendue, mais encore qu’elle soit ainsi perçue. Afin que cela soit possible, les médias devraient être en mesure de donner des informations sur les procédures judiciaires, pénales ou autres.

31.          Appliquer le principe de transparence aux activités des procureurs est un moyen d’assurer la confiance du public et la diffusion d’informations sur leurs fonctions et compétences. L'image du ministère public contribue beaucoup à la confiance du public dans le bon fonctionnement de la justice. Donner aux médias le droit le plus étendu possible en matière d’accès aux informations sur les activités des procureurs permet également de renforcer la démocratie et de développer une interaction ouverte avec le public.

32.          Les services du ministère public peuvent également jouer un rôle pédagogique et, à ce titre, contribuer à expliquer le fonctionnement de la justice. Ils pourraient, en fonction des besoins, mettre des informations à la disposition des médias et du public en général, en vue d’améliorer la compréhension et la connaissance du système judiciaire.

33.          En outre, l’application du principe d’ouverture aux activités des procureurs est susceptible de contribuer à améliorer l’action des autorités de poursuite. En informant les médias sur les procédures en cours, et notamment sur les enquêtes, les forces de l’ordre et les services du ministère public peuvent obtenir du grand public des renseignements permettant ainsi d’accroître l’efficacité de la justice.

34.          De plus, les procureurs peuvent donner, conformément à la loi, des informations à la population par l’intermédiaire des médias afin de contribuer à la prévention de la criminalité et d’autres formes de délinquance.

35.          Le ministère public de chaque Etat membre doit examiner la manière la plus appropriée de communiquer, qu’il s’agisse de la personne qui communique ou du contenu de la communication en fonction de critères propres liés à sa situation, sa législation ou ses traditions.

36.          Dans certains Etats membres, les procureurs, tout en fournissant aux médias des informations générales concernant la politique et le fonctionnement du ministère public, ne s’expriment pas en public sur les cas individuels, à l’exception des arguments développés publiquement à l’audience. Dans d’autres Etats membres, chaque procureur peut activement communiquer avec les médias sur les affaires qu’il/elle traite, ou peut simplement se limiter à fournir certains éléments factuels au sujet d’une affaire déjà rendue publique. Dans tous les cas, les procureurs devraient établir avec les médias des relations basées sur le respect mutuel, la confiance, la responsabilité, l’égalité de traitement et être respectueuses de la décision judiciaire. En outre, dans l’exercice de leurs fonctions, les procureurs devraient toujours agir dans un esprit d’impartialité et d’égalité vis-à-vis de l’ensemble des médias.

37.          Les informations fournies aux médias par les procureurs doivent être claires, certaines et non ambigües.

38.          Les procureurs peuvent donner des informations aux médias à tous les stades de leurs activités, tout en respectant les dispositions légales qui régissent la protection des données à caractère personnel, la vie privée, la dignité, la présomption d’innocence, les règles déontologiques relatives aux relations avec les autres participants à la procédure, ainsi que les dispositions légales interdisant ou limitant les conditions de diffusion de certaines informations.

39.          Dans tous les cas, les dispositions légales qui régissent les secrets protégés par la loi, y compris le caractère confidentiel des enquêtes, devraient être respectées.

40.          Dans certains Etats membres, toute communication requiert un porte-parole, qui n’est pas nécessairement un procureur, ou un service de presse spécialisé; dans d’autres Etats membres, les communications sont autorisées ou effectuées par le chef du bureau du procureur ou le chef du parquet. Les communications émanant des services du ministère public dans son ensemble peuvent éviter le risque que les activités soient présentées de façon personnalisée et peuvent minimiser les risques de critiques personnelles.

41.          Les procureurs peuvent avoir une approche proactive face aux demandes des médias ; en cas de besoin, ils devraient prendre l’initiative d’informer le public par l’intermédiaire des médias, soit sur des questions générales concernant la justice, soit exceptionnellement pour rétablir la vérité sur des points de fait pour lesquels de fausses informations sont propagées dans l’opinion publique[14].

42.          Afin d’exercer ses fonctions de manière équitable, impartiale, objective et efficace, le ministère public peut considérer qu’il est utile de diffuser un communiqué de presse, une note d’information ou toute autre communication écrite. Il peut également estimer qu’il est utile de donner des entretiens, de participer aux conférences et/ou aux séminaires et aux tables-rondes. Les nouvelles technologies de l’information peuvent  être utilisées largement pour informer la société de manière appropriée et en temps utile sur les activités du ministère public et sur les opérations de maintien de l’ordre public dans le pays[15]. A cet égard, il est souhaitable que les services et bureaux du procureur mettent régulièrement à jour leurs propres sites internet.

43.          Lors de la préparation des communiqués de presse, des « points presse » ou de toute autre forme de communication, le ministère public peut coopérer, en particulier, avec la police et d’autres autorités compétentes. Le cas échéant, cela peut contribuer à démontrer que les différents acteurs coordonnent leurs efforts pour éviter et prévenir la diffusion de fausses informations et des réactions négatives au sein de la société à la suite d’un crime grave. Une telle coopération devrait respecter les principes généraux énoncés aux paragraphes 22 et 23 de la Recommandation Rec(2000)19.

44.          Les procureurs devraient éviter d’exprimer une opinion ou de divulguer des informations contraires aux principes fondamentaux d’une bonne communication. Ceux-ci doivent, en toute circonstance, assurer une communication indépendante et objective et s’abstenir d’émettre des opinions personnelles ou des jugements de valeur sur des personnes ou des événements.

45.          Lorsqu’un procureur est mis en cause à titre individuel d’une manière injuste dans les médias, il est en droit d’obtenir que les informations contestées soient rectifiées ou d’utiliser d’autres recours légaux, conformément au droit national. Néanmoins, dans de tels cas ou quand de fausses informations ont été publiées concernant des événements ou des personnes figurant dans des dossiers qu’il traite, toute réaction devrait émaner, si possible, du chef du service ou d’un porte-parole du service du ministère public, et dans les cas graves du Procureur Général ou de la plus haute autorité du Parquet ou étatique compétente. Cette réaction officielle permettra de limiter le besoin pour le procureur concerné d’exercer son droit de réponse, droit qui est assuré à toute personne, ainsi que le risque d’une personnalisation excessive du conflit.

46.          Il faut tenir compte de l’existence, dans certains Etats membres, de dispositions juridiques ou pratiques qui ont une influence sur la possibilité d’informer des personnes concernées par des décisions judiciaires en matière pénale. Néanmoins, il est recommandé aux procureurs de veiller à informer, dans la mesure du possible et/ou en pratique, les personnes dont les droits sont affectés par la décision avant que celle-ci ne soit transmise aux médias.   

IV.        RECOMMANDATIONS

      i.        Les Etats membres ou le ministère public devrai(en)t établir une politique de communication visant à s’assurer que les médias ont accès à l’information appropriée, afin d’informer le public sur le travail des procureurs. Des dispositions règlementant leurs relations avec les médias pourraient également être incluses dans les codes de déontologie des procureurs. Il appartient aux services du ministère public de chaque Etat membre d’examiner dans quelle mesure et de quelle manière il convient de mieux communiquer avec les médias en fonction de sa situation, sa législation et ses traditions.

    ii.        La communication entre le ministère public et les médias devrait respecter les principes suivants : la liberté d’expression, la liberté de la presse, le devoir de réserve, le droit à l’information, le principe de transparence, le droit à la vie privée et à la dignité ainsi que le caractère confidentiel des enquêtes, la présomption d’innocence, l’égalité des armes, les droits de la défense et à un procès équitable.

   iii.        Les relations du ministère public avec les médias devraient se fonder sur le respect mutuel, la confiance, la responsabilité, l'égalité de traitement et le respect de la décision judiciaire.

   iv.        Dans ses relations avec les médias, le ministère public devrait envisager d’adopter à la fois une approche réactive, en répondant aux sollicitations des médias, et proactive, en informant d’initiative les médias d’un événement judiciaire.

     v.        Il pourrait être envisagé que la relation du ministère public avec les médias soit confiée à des porte-parole professionnels ou procureurs spécialisés en relations publiques.

   vi.        Il est recommandé aux procureurs de veiller à informer, dans la mesure du possible et/ou en pratique, les personnes dont les droits sont affectés par la décision en matière pénale avant que celle-ci ne soit transmise aux médias.

  vii.        Lorsque le ministère public a une relation directe avec les médias, une formation appropriée dans le domaine de la communication devrait être dispensée afin d’assurer une information adéquate. Cette formation pourrait être commune/faire appel à des experts et à des journalistes.

 viii.        Les communications émanant des services du ministère public dans son ensemble peuvent éviter le risque que les activités soient présentées de façon personnalisée et peuvent minimiser les risques de critiques personnelles.

   ix.        Outre l’ensemble des moyens légaux à disposition des procureurs, les réactions à de fausses informations ou à des campagnes de presse injustes envers les procureurs devraient émaner, si possible, du chef du service ou d’un porte-parole du service du ministère public, et dans les cas graves, du Procureur Général ou de la plus haute autorité du Parquet ou étatique compétente.

     x.        Il est recommandé de faire usage des nouvelles technologies de l’information, y compris par le biais d’un site internet du bureau du procureur et des services du procureur, pour informer la société en temps utile sur les activités du ministère public.

   xi.        Les procureurs peuvent, si nécessaire, collaborer avec la police et les autres services compétents, pour envisager les informations à communiquer aux médias et les diffuser.

 

 



[1] Voir les réponses des Etats membres au questionnaire sur le site web du CCPE (www.coe.int/ccpe), à la rubrique «Travaux préparatoires – relations entre procureurs et médias».

[2] Les règles de Beijing ont été adoptées par l’Assemblée générale des Nations Unies dans sa Résolution 40/33 du 29 novembre 1985.

[3] A propos de l’article 10 de la CEDH, la Cour a, à maintes reprises, constaté que «la liberté d’expression constitue l’un des fondements essentiels de la société démocratique, l’une des conditions de base pour sa progression et pour la réalisation individuelle de chacune» (voir Lingens c. Autriche, no. 9815/82, 8 juillet 1986; Sener c. Turquie, no. 26680/95, 18 juillet 2000; Thoma c. Luxembourg, no. 38432/97, 29 juin 2001; Maronek c. Slovaquie, no. 32686/96, 19 juillet 2001; Dichand et autres c. Autriche, no. 29271/95, 26 février 2002).

[4] La Cour a souligné à plusieurs reprises l’existence d’obligations positives de la part de l’Etat sous l’angle de l’article 8 de la CEDH afin de garantir une protection effective du droit à la vie privée de personnes faisant l’objet de procédures pénales (A. c. Norvège, no. 28070/06, 9 avril 2009) (Elle se réfère aussi dans cet arrêt au principe no. 8 de l’Annexe de la Recommandation Rec(2003)13 du Comité des Ministres aux Etats membres sur la diffusion d'informations par les médias en relation avec les procédures pénales).

[5] La Cour estime que le principe de la présomption d’innocence « se trouve méconnu si une déclaration officielle concernant un prévenu reflète le sentiment qu'il est coupable, alors que sa culpabilité n'a pas été préalablement légalement établie. Il suffit, même en l'absence de constat formel, d'une motivation donnant à penser que le magistrat considère l'intéressé comme coupable » (voir Daktaras c. Lituanie, no. 42095/98, § 41, 10 octobre 2000).

[6] La Cour rappelle que la protection de l’article 10 s’étend à la sphère professionnelle en général et aux fonctionnaires en particulier (Guja c. Moldova (Grande Chambre), no. 14277/04, § 52, 12 fevrier 2008). Dans l’affaire Harabin c. Slovaquie (no. 58688/11, § 149, 20 novembre 2012), la Cour a établi que l’appartenance au pouvoir judiciaire (dans le cas d’espèce le requérant était le président de la Cour suprême), ne prive pas le requérant de la protection de l’article 10.

[7] La Cour « n’oublie pas que les salariés ont un devoir de loyauté, de réserve et de discrétion envers leur employeur. Cela vaut en particulier pour les fonctionnaires, dès lors que la nature même de la fonction publique exige de ses membres une obligation de loyauté et de réserve » (Guja c. Moldova (Grande Chambre), no. 14277/04, § 70, 12 février 2008). La divulgation de la part de fonctionnaires publics d’informations obtenues dans l’exercice de leur activité, même si elles concernent des questions d’intérêt public, doit être examinée à la lumière de leur devoir de loyauté et discrétion (Kudeshkina c. Russie, no. 29492/05, § 85, 26 février 2009; voir aussi Guja c. Moldova (Grande Chambre), no. 14277/04, §§ 72-78, 12 février 2008). Plus spécifiquement, dans l’affaire Ozpinar c. Turquie (no. 20999/04, 19 octobre 2010), « la Cour rappelle avoir déjà considéré comme légitime de soumettre les membres de la fonction publique ou les magistrats, en raison de leur statut, à une obligation de réserve au regard de l’article 10 de la Convention ou de discrétion dans l’expression publique de leurs convictions religieuses, au regard de l’article 9 (Kurtulmuş c. Turquie (déc.), no. 65500/01, 24 janvier 2006). Ces principes s’appliquent mutatis mutandis à l’article 8 de la CEDH. A cet égard, la Cour observe que « les devoirs déontologiques d’un magistrat peuvent empiéter sur sa vie privée, lorsque par son comportement – fût-il privé –, le magistrat porte atteinte à l’image ou à la réputation de l’institution judiciaire ».

[8] Dans l’arrêt Sunday Times c. Royaume-Uni (No. 1) (no. 6538/74, § 65, 26 avril 1979), la Cour a établi que les principes généraux qui découlent de l’article 10 s’appliquent également au domaine de l’administration de la justice, laquelle sert les intérêts de la collectivité tout entière et exige la coopération d’un public éclairé.

9 Voir, inter alia, Observer et Guardian c. Royaume-Uni, no. 13585/88, 26 novembre 1991.

[10] Voir Bladet Tromso et Stensaas c. Norvège (Grande Chambre), no. 21980/93, 20 mai 1999.

[11] Voir, inter alia, Arrigo et Vella c. Malte (déc.), no 6569/04, 10 mai 2005; Yordanova et Toshev v. Bulgarie, no. 5126/05, § 53, 2 octobre 2012.

[12] Voir, inter alia, Stoll c. Suisse (Grande Chambre), no. 69698/01, §§ 61 and 143, 10 décembre 2007; Craxi c. Italie (No. 2), no. 25337/94, 17 juillet 2003 concernant la fuite à la presse d’informations confidentielles.

[13] Voir, inter alia, Nikolaishvili c. Géorgie, no. 37048/04, 13 janvier 2009 ; Sciacca c. Italie, no. 5077/99, 11 janvier 2005; Karakas et Yesilımak c. Turquie, no. 43925/98, 28 juin 2005.

[14] Voir, par exemple, Société Bouygues Telecom c. France (déc.), no. 2324/08, 13 mai 2012.

[15] La Cour a reconnu qu’un communiqué de presse, même publié sur le site internet du service du ministère public, peut servir à informer le public de la mise en accusation devant le tribunal (Shuvalov c. Estonie, no. 39820/08 et 14942/09, § 79, 29 mai 2012).