Strasbourg, le 18 décembre 2008                                                               

CCJE(2008)5

Conseil consultatif de juges européens (CCJE)

Avis n°11 (2008) du Conseil consultatif de juges européens (CCJE) à l’attention du Comité des Ministres du Conseil de l'Europe sur la qualité des décisions de justice

Afin de faciliter la diffusion du présent Avis, les Etats membres devraient, dans la mesure du possible, assurer sa traduction dans les diverses langues nationales.


Introduction Générale

1.             La qualité de la justice est une préoccupation ancienne et constante du Conseil de l’Europe, comme en attestent notamment les conventions, résolutions ou recommandations prises sous l’égide du Conseil sur les moyens de faciliter l’accès à la justice, l’amélioration et la simplification des procédures, la réduction de la surcharge de travail des juridictions et le recentrage de l’intervention des juges sur une activité purement juridictionnelle[1].

 

2.             C’est dans ce contexte et pour satisfaire aux prescriptions de son mandat que le Conseil consultatif de juges européens (CCJE) a décidé de consacrer l'Avis n° 11 à la qualité des décisions de justice, qui est une composante majeure de la qualité de la justice.

3.             Une motivation et une analyse claires sont des exigences fondamentales des décisions judiciaires et un aspect important du droit à un procès équitable. L’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales (ci-après CEDH), par exemple, énonce l’obligation pour les Etats d’établir des tribunaux indépendants et impartiaux et de promouvoir l’instauration de procédures efficaces. L’accomplissement de cette obligation prend tout son sens quand elle a pour résultat de permettre aux juges d’administrer justement et correctement la justice à la fois en droit et en fait pour le bénéfice ultime des citoyens. Une décision judiciaire de grande qualité est celle qui aboutit à un bon résultat - pour autant que le juge dispose des moyens nécessaires à cette fin – et ce de manière équitable, rapide, claire et définitive.

4.             Dans cette perspective, le CCJE a déjà souligné que l’indépendance judiciaire doit être conçue comme un droit des citoyens, en énonçant dans son Avis n°1 (2001) que cette indépendance des juges “n’est pas une prérogative ou un privilège octroyé dans leur propre intérêt, mais elle leur est garantie dans l’intérêt de la prééminence du droit de ceux qui recherchent et demandent justice”. Le CCJE, dans ses avis depuis 2001, a énoncé un certain nombre de suggestions permettant à chaque système, non seulement de garantir aux justiciables un droit d’accès aux tribunaux, mais aussi, par la qualité des décisions rendues, de faire en sorte que ces justiciables puissent avoir confiance dans l’aboutissement du processus judiciaire[2].

5.             L’objet du présent avis n’est pas de remettre en cause le principe fondamental selon lequel l’appréciation de la qualité intrinsèque de chaque décision de justice relève du seul exercice des voies de recours instaurées par la loi. Ce principe est une conséquence essentielle de la garantie constitutionnelle de l’indépendance des juges, conçue comme l’une des caractéristiques majeures de l’Etat de droit dans les sociétés démocratiques.

6.             Il apparaît au CCJE que les juges, ayant la tâche d'élaborer des décisions de justice de qualité, sont particulièrement bien placés pour amorcer une réflexion sur la qualité des décisions de justice et pour définir les facteurs de cette qualité et les conditions de son évaluation.

7.             Indépendamment des caractéristiques propres à chaque système judiciaire et des pratiques mises en œuvre par les juridictions des différents Etats, la décision de justice doit satisfaire un certain nombre d’exigences sur lesquelles des principes communs peuvent être dégagés. La décision de justice a pour but premier, non seulement de résoudre un litige déterminé garantissant aux parties la sécurité juridique, mais également souvent de fixer la jurisprudence afin d’éviter l’apparition d’autres contentieux et d’assurer la paix sociale.

8.             Le rapport de Mme Maria Giuliana CIVININI, préparé au vu des réponses faites par les membres du CCJE à un questionnaire[3], révèle une très grande diversité d’approches des Etats quant à l’évaluation et l’amélioration de la qualité des décisions de justice. Il souligne également que, si les modalités d’appréciation de cette qualité dépendent des traditions spécifiques de chaque système juridique, il existe néanmoins dans l’ensemble des Etats une volonté convergente de poursuivre l’amélioration des conditions dans lesquelles les juges doivent rendre leurs décisions.

9.             Dans le présent Avis, on entend par « décisions de justice » les décisions qui statuent sur des affaires ou questions spécifiques et qui sont rendues par des tribunaux indépendants et impartiaux, au sens de l’article 6 de la CEDH, notamment :

§  décisions rendues en matière civile, sociale, pénale et dans la plupart des questions      administratives;

§  décisions rendues en première instance, en appel ou décisions des instances        supérieures et des tribunaux constitutionnels;

§  décisions provisoires;

§  décisions définitives;

§  décisions prises sous forme de jugement ou d’ordonnance, par des tribunaux        siégeant dans une composition collégiale ou à juge unique;

§  décisions rendues avec ou sans possibilité d’expression des opinions minoritaires;

§  décisions rendues par des juges professionnels ou non professionnels ou par des tribunaux ayant une composition mixte (système de l’échevinage).

PARTIE I. FacTEURS DEQUALITE DES DECISIONS DE JUSTICE

A. L’environnement externe : la législation et le contexte économique et social

10.          La qualité des décisions de justice dépend non seulement de chaque juge impliqué, mais aussi d’un certain nombre de variables qui sont extérieures au processus d’administration de la justice, tel que la qualité de la législation, les ressources appropriées allouées au système judiciaire, la qualité de la formation juridique.

1. La législation

11.          Les décisions de justice se fondent en premier lieu sur les lois adoptées par les Parlements ou, dans les systèmes de common law, sur de telles lois ou sur des principes établis par la règle du précédent. Ces sources du droit décident non seulement quels sont les droits dont disposent les justiciables et quels sont les actes sanctionnés par la loi pénale, mais définissent également le cadre procédural dans lequel les décisions de justice sont prises. Par conséquent, les choix des Parlements conditionnent le type et le volume d’affaires qui seront portées devant les tribunaux, ainsi que la façon dont elles seront traitées. La qualité des décisions de justice peut être affectée par des changements trop fréquents de la législation, par une rédaction peu satisfaisante ou un contenu imprécis des lois ou par un cadre procédural déficient.

12.          Aussi, le CCJE estime qu’il est souhaitable que les Parlements nationaux évaluent et contrôlent l’impact des lois existantes et en voie d’élaboration sur le système judiciaire et introduisent des dispositions transitoires et procédurales appropriées afin de s’assurer que les juges sont en mesure de les appliquer par des décisions de justice de qualité. Le législateur doit faire en sorte que la législation soit claire et simple à utiliser et soit conforme à la CEDH. Afin de faciliter l’interprétation, les travaux préparatoires des lois doivent être accessibles dans un langage compréhensible. Tout projet de législation concernant l’administration de la justice et les lois procédurales devrait faire l’objet d’un avis du Conseil de la Justice ou d’un organe équivalent avant que le Parlement ne délibère.

13.           En vue d’assurer des décisions de qualité en adéquation avec les intérêts en jeu, les juges doivent agir au sein de structures légales qui leur permettent de décider librement et de disposer effectivement, par exemple, du temps nécessaire à l’examen correct de la cause. Le CCJE rappelle la discussion concernant la “gestion des affaires” dont il est question dans son Avis n° 6 (2004)[4].

2. Les ressources

14.          La qualité des décisions de justice est directement conditionnée par les moyens budgétaires attribués au système judiciaire. Les tribunaux ne peuvent agir efficacement avec des ressources humaines et matérielles inappropriées. Une rémunération adéquate des juges est nécessaire pour les mettre à l'abri de pressions visant à influer sur le sens de leurs décisions et, plus généralement, sur leur comportement[5] et assurer que les meilleurs candidats intègrent la magistrature. L’assistance d’un personnel administratif de greffiers qualifié ainsi que la collaboration d’assistants judiciaires, qui soulagent les juges du travail de routine et préparent les dossiers, peuvent de toute évidence aider à favoriser la qualité des décisions rendues par une juridiction. A défaut de ressources financières appropriées, le fonctionnement effectif du système judiciaire en vue d’obtenir un produit de qualité est impossible[6].

3. Les acteurs du système judiciaire et la formation juridique

15.          Même si l’on se penche uniquement sur les acteurs au sein du système judiciaire, la qualité du fonctionnement du système judiciaire dépend clairement des interactions entre de nombreux intervenants: la police, les procureurs, les avocats, les greffiers, les membres du jury le cas échéant, etc. Le juge n’est qu’un des maillons de cette chaîne de co-acteurs, et pas nécessairement le dernier puisque l’étape de l’exécution de la décision est d’égale importance. Même si l’on se concentre uniquement sur la qualité des décisions de justice, il résulte de ce qui a déjà été mentionné que la performance des juges est, certes centrale, mais non l’unique facteur conditionnant la production de décisions de justice de qualité.

16.          La qualité des décisions de justice dépend, entre autres, de la formation juridique de l’ensemble des professionnels du droit intervenant dans la procédure. C’est pourquoi, le CCJE souhaite insister sur le rôle de l’enseignement du droit et de la formation en général.

17.           Pour les juges en particulier, ceci inclut une formation juridique de haut niveau en début de carrière juridique[7], suivie d’un programme de formation continue pour maintenir et améliorer les techniques professionnelles. De telles formations ne devraient pas seulement doter les juges des compétences nécessaires pour mettre en œuvre les changements dans la législation et les règles de droit nationales et internationales, mais devraient également promouvoir d’autres capacités et connaissances complémentaires dans des matières non juridiques, permettant au juge d’avoir une bonne compréhension des situations soumises à son appréciation.

18.           Les juges devraient également disposer d’une formation concernant l’éthique et la communication pour les assister dans leurs relations avec les parties à la procédure, de même qu’avec le public et les médias. Les formations pour améliorer les capacités d’organisation revêtent une importance particulière pour la préparation et la gestion efficace des affaires (par exemple, informatique, gestion des affaires, techniques de travail, techniques de rédaction des jugements/décisions – incluant des lignes directrices avec des modèles généraux pour rédiger des décisions, laissant normalement la possibilité pour le juge de choisir son style personnel), tout cela dans le but de gérer les affaires sans délais et éviter les actions inutiles[8].

19.          Il conviendrait en outre de former les présidents de juridictions à la gestion des ressources humaines, à l’organisation stratégique pour réguler et gérer l’écoulement des affaires, ainsi qu’à la planification et l’utilisation efficaces du budget et des ressources financières. Le personnel administratif et les assistants des juges devraient pouvoir bénéficier d’une formation particulière concernant la préparation des audiences et le contrôle et le suivi du bon déroulement des affaires (par exemple concernant l’utilisation de l’informatique, les techniques de gestion de l’affaire et du temps, la rédaction des décisions, les langues étrangères, la communication avec les parties et le public, la recherche juridique). Ceci vise à soulager les juges des tâches administratives et techniques et à leur permettre de se concentrer sur l’aspect intellectuel et sur la gestion de la procédure et de la prise de décision.

B. L’environnement interne : le professionnalisme, la procédure, l’audience et la décision

20.          La qualité des décisions de justice dépend également d’éléments internes tels que le professionnalisme du juge, la procédure, la gestion des affaires, l’audience et des éléments inhérents à la décision.

1. Le professionnalisme du juge

21.          Le professionnalisme du juge est la première garantie d'une décision de qualité. Ceci inclut une formation juridique de haut niveau, suivant les principes formulés par le CCJE dans ses Avis n°4 (2003) et n°9 (2006), ainsi que le développement d’une culture d’indépendance, d’éthique et de déontologie suivant les principes formulés dans les Avis n° 1 (2001) et n° 3 (2002). 

22.          La décision ne doit pas seulement prendre en compte les instruments juridiques pertinents, mais également des notions et réalités non juridiques propres au contexte du litige telles que, par exemple, des considérations éthiques, sociales ou économiques. Cela requiert de la part du juge une sensibilisation à de telles considérations lors de la prise de décision.

23.          Les procédures d’évaluation ou le fait de fournir des orientations concernant les performances des juges par les autorités judiciaires sont de nature à améliorer leur compétence et la qualité des décisions de justice.

 

2. La procédure et la gestion du dossier

24.          Pour aboutir à une décision de qualité, acceptée tant par le justiciable que par la société, il faut une procédure claire, transparente et conforme aux exigences de la CEDH.

25.          Toutefois, la simple existence d’une loi procédurale répondant à ces exigences n’est pas suffisante. Le CCJE est d’avis que le juge doit avoir la possibilité d’organiser et de conduire la procédure de manière active et diligente. Le bon déroulement de la procédure est en effet de nature à favoriser la qualité du produit final que sera la décision[9].

 

26.          Le fait qu’une décision soit rendue dans un délai raisonnable au sens de l’article 6 de la CEDH peut également être considéré comme un élément important de la qualité. Cependant, il peut exister une tension entre la rapidité avec laquelle le procès est conduit et d’autres aspects pertinents de la qualité, tels que le droit à un procès équitable garanti également par l’article 6 de la CEDH. L’importance de garantir la paix sociale et la sécurité juridique inclut forcément mais non exclusivement l’élément temps. Le CCJE souhaite se référer à son Avis n°6 (2004), dans lequel il souligne que la « qualité » de la justice ne saurait être assimilée à de la simple « productivité ». L’approche qualitative doit également prendre en compte la capacité du système judiciaire à traiter la demande de justice conformément aux objectifs généraux de ce système dont la célérité de la procédure ne constitue qu’un aspect.

27.          Certains pays ont établi des modèles standardisés de bonnes pratiques en matière de gestion de la procédure et de tenue de l’audience. De telles initiatives doivent être encouragées dès lors qu’elles favorisent une bonne gestion des procédures par chaque juge.

28.          Il convient également de souligner l’importance des consultations entre juges, au cours desquelles des informations et des expériences peuvent être échangées. Celles-ci permettent aux juges de discuter de la gestion des affaires et d’aborder les difficultés rencontrées dans l’application des règles de droit et des éventuelles divergences de jurisprudence.

 

3. L’audience

29.          L’audience doit répondre à toutes les exigences de la CEDH, assurant ainsi aux justiciables et à la société dans son ensemble, le respect des standards minimum d’un procès bien mené et équitable. De son bon déroulement dépendra la bonne compréhension et l’acceptation par le justiciable et par la société de la décision finale. Elle doit également fournir au juge tous les éléments d’appréciation qui lui sont nécessaires et a donc un effet déterminant sur la qualité de la décision de justice. Une audience devrait toujours exister dans tous les cas prévus par la jurisprudence de la CEDH.

30.          Une audience transparente et ouverte ainsi que le respect du contradictoire et de l’égalité des armes constituent des pré-requis nécessaires pour que les parties elles-mêmes et le public en général reconnaissent et acceptent la décision.

4. Les éléments inhérents à la décision

31.          Pour être de qualité, la décision de justice doit être perçue par le justiciable et par la société en général comme étant le résultat d'une application pertinente des règles de droit, d'une procédure équitable et d'une appréciation convaincante des faits, tout en étant exécutable. Le justiciable aura alors la conviction que sa cause a été examinée et traitée correctement et la société percevra la décision comme un facteur susceptible de restaurer la paix sociale. Afin d’atteindre ces objectifs, il convient de respecter un certain nombre de conditions.

a. La clarté

32.          Toute décision de justice doit être intelligible, rédigée dans un langage clair et simple, condition essentielle pour qu’elle soit comprise des parties et du public. Cette intelligibilité requiert une structure cohérente de la décision et l’articulation de l’argumentation dans un style clair et accessible à tous[10].

33.          Chaque juge peut choisir son propre style et sa propre structure ou se fonder à cette fin sur des modèles standardisés, s’ils existent. Le CCJE recommande que les autorités judiciaires établissent des recueils de bonnes pratiques pour faciliter la rédaction des décisions. 

b. La motivation

34.          La décision doit, en principe, être motivée[11]. La qualité de la décision dépend principalement de la qualité de la motivation. Une bonne motivation est une impérieuse nécessité qui ne peut être négligée au profit de la célérité. Une bonne motivation demande que le juge dispose du temps nécessaire pour pouvoir préparer la décision.

35.          La motivation permet non seulement une meilleure compréhension et acceptation de la décision par le justiciable mais elle est surtout une garantie contre l’arbitraire. D’une part, elle oblige le juge à rencontrer les moyens de défense des parties et à préciser les éléments qui justifient sa décision et rendent celle-ci conforme à la loi et, d’autre part, elle permet une compréhension du fonctionnement de la justice par la société.

36.          La motivation doit être cohérente, claire et dépourvue d’ambiguïtés et de contradictions. Elle doit permettre de suivre le raisonnement qui a conduit le juge à celle-ci.

37.          La motivation doit traduire le respect par le juge des principes énoncés par la Cour européenne des droits de l’Homme (notamment le respect des droits de la défense et le droit à un procès équitable). Lorsque des décisions provisoires touchent à la liberté individuelle (par exemple les mandats d’arrêt) ou peuvent affecter les droits de la personne ou des biens (par exemple le droit de garde provisoire d’un enfant, la saisie conservatoire d’un immeuble ou la saisie de comptes bancaires), une motivation appropriée est requise.

38.          La motivation doit répondre aux prétentions des parties, c’est-à-dire à leurs différents chefs de demande et à leurs moyens de défense. Cette garantie est essentielle, car elle permet au justiciable de s’assurer que ses prétentions ont été examinées et donc que le juge a tenu compte de celles-ci. La motivation doit être dépourvue de toute appréciation injurieuse ou peu flatteuse du justiciable.

39.          Sans préjudice de la possibilité, voire de l’obligation pour le juge dans certains cas d’agir de son propre chef, celui-ci ne devrait répondre qu’aux moyens pertinents susceptibles d’avoir une influence sur la solution du litige.

40.          La motivation ne doit pas nécessairement être longue. Un juste équilibre doit être trouvé entre la concision et la bonne compréhension de la décision.

41.          L’obligation pour les tribunaux de motiver leurs décisions ne doit pas se comprendre comme exigeant une réponse à chaque argument invoqué à l’appui d’un moyen de défense soulevé. L’étendue de ce devoir peut varier selon la nature de la décision. Conformément à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme[12], l’étendue de la motivation  dépend de la diversité des moyens qu’un plaideur peut soulever en justice, ainsi que des dispositions légales, coutumes, principes doctrinaux et pratiques différents concernant la présentation et la rédaction des jugements et arrêts dans les différents Etats. Pour répondre à l’exigence du procès équitable, la motivation devrait faire apparaître que le juge a réellement examiné les questions essentielles qui lui ont été soumises[13].  Dans le cas d’un jury, le juge responsable du jury doit expliquer clairement les faits et les questions sur lesquels le jury doit se prononcer.

42.          Quant à son contenu, la décision de justice comprend l’examen des questions de fait et de droit qui sont au cœur du litige.

43.          Dans l’examen des questions de fait, le juge rencontrera les contestations relatives à la preuve, plus particulièrement quant à sa régularité. Il examinera également la valeur probante des éléments susceptibles d’avoir une utilité pour la solution du litige.

44.          L’examen des questions de droit doit comprendre l’application des règles de droit national, européen[14] et international[15]. La motivation devrait utilement faire référence aux dispositions constitutionnelles pertinentes et au droit national ou européen et international applicable. Le cas échéant, toute référence à la jurisprudence nationale, européenne ou internationale, y compris une référence à la jurisprudence des juridictions des autres pays, ainsi qu’à la doctrine peut s’avérer précieuse, voire essentielle dans un système de common law.

45.          Dans les pays de common law, les décisions des instances supérieures qui tranchent une question de droit ont valeur de précédent contraignant dans les litiges ultérieurs identiques. Si dans les pays de droit civil, la décision n’a pas cet effet, elle peut néanmoins constituer un enseignement particulier pour les autres juges confrontés à un cas ou une question similaire, dans les affaires qui soulèvent un problème de société ou une question de droit importante. C’est pourquoi la motivation, fruit d’une étude fouillée des questions de droit qui se posent, devra être particulièrement soignée dans ces cas pour répondre aux attentes des parties et de la société.

46.          L’examen des questions de droit passe, dans un grand nombre de cas, par l’interprétation de la règle de droit.

47.          Ce pouvoir d’interprétation ne doit pas faire oublier que le juge doit assurer la sécurité juridique, qui garantit la prévisibilité tant du contenu de la règle de droit que de son application et contribue à la qualité du système judiciaire.

48.          A cette fin, le juge appliquera les principes interprétatifs applicables tant en droit national qu’international. Dans les pays de common law, il se laissera guider par la règle du précédent. Dans les pays de droit civil, il s’inspirera de la jurisprudence, plus particulièrement de celle des juridictions supérieures dont la mission est notamment de veiller à l’unité de la jurisprudence.

49.          En général, les juges devraient appliquer la loi de manière constante. Néanmoins, lorsqu’un tribunal décide un revirement de jurisprudence, celui-ci devrait être clairement indiqué dans sa décision. Dans des circonstances exceptionnelles, il pourrait être approprié que le tribunal indique que cette nouvelle interprétation n’est applicable qu’à partir de la date de la décision ou à partir d’une date précisée dans celle-ci.

50.          Le volume d’affaires qui atteint les instances supérieures peut également affecter à la fois la célérité et la qualité de la prise de décision. Le CCJE recommande l’introduction de mécanismes, propres aux traditions juridiques de chaque Etat, régulant l’accès à ces instances.

c. Les opinons dissidentes

51.          Certains pays connaissent la possibilité pour les juges d’exprimer une opinion concurrente ou dissidente. Dans ces cas, l’opinion dissidente devrait être publiée avec l’opinion majoritaire. Ainsi, ces juges font connaître leur désaccord total ou partiel avec la décision prise à la majorité du siège qui a rendu la décision et dont ils font partie ainsi que les motifs de ce désaccord ou font valoir que la décision prise par la juridiction peut également ou doit se fonder sur d’autres motifs que ceux retenus. Ceci peut contribuer à améliorer le contenu de la décision et peut permettre de comprendre à la fois la décision et l'évolution du droit.

 

52.          L’opinion dissidente doit être dûment motivée, reflétant une appréciation réfléchie par le juge des questions de fait ou de droit.

d. L’exécution

53.          Tout dispositif d’une décision de justice devrait être rédigé en des termes clairs et dénués de toute ambiguïté de manière à ce qu’il puisse facilement produire des effets ou, dans le cas d’un dispositif aboutissant à une obligation de faire, de ne pas faire ou de payer, être facilement exécutable.

54.          Selon l’interprétation qu’en donne la Cour européenne des droits de l’Homme, le droit au procès équitable consacré par l’article 6 de la CEDH implique, non seulement que la décision de justice soit rendue dans un délai raisonnable, mais aussi qu’elle puisse faire l’objet d’une exécution effective au profit de la partie gagnante, lorsque cela est approprié. En effet, la Convention n’instaure pas une protection théorique des droits de l’Homme, mais tend au contraire à permettre une réalisation concrète de la protection qu’elle instaure en faveur des citoyens de l’Europe.

55.          Dans cette perspective, ce dispositif doit présenter les caractéristiques majeures suivantes:

(i) Il doit d’abord, lorsque cela est approprié, être exécutable : cela signifie que la décision doit comporter un dispositif énonçant clairement, sans risque d’incertitude ou de confusion, les condamnations, obligations ou injonctions prononcées par le tribunal. Toute décision obscure, sujette à des interprétations divergentes, nuit à l’efficacité et à la crédibilité de l’intervention judiciaire.

(ii) Le dispositif doit en outre être exécutoire : c’est par son caractère exécutoire que la décision de justice pourra recevoir une exécution effective. Il existe, dans la plupart des systèmes judiciaires, des procédures par lesquelles l’exécution peut être arrêtée ou suspendue. Un arrêt ou une suspension  a indéniablement un caractère légitime dans certains cas. Mais il peut être utilisé comme un moyen tactique et un arrêt ou une suspension inapproprié peut aboutir à une paralysie de l’action judiciaire et permettre des stratégies procédurales tendant à priver de tout intérêt les décisions rendues par les juges. Afin d’assurer l’efficacité de la justice, tous les Etats devraient avoir des procédures d’exécution provisoire[16].

56.          Une décision de qualité (en matière non pénale) serait vaine sans une procédure simple et efficace permettant de l'exécuter. Il importe que cette procédure soit supervisée par le pouvoir judiciaire, auquel il incombe  de régler toutes les difficultés susceptibles de se présenter au cours de la phase d’exécution des jugements, selon des procédures efficaces n’entraînant pas des surcoûts procéduraux excessifs pour les parties.

PARTIE II. L’EVALUATION DE LA QUALITE DES DECISIONS DE JUSTICE

57.          Le CCJE souligne que les mérites de chaque décision individuelle sont avant tout contrôlés par les recours offerts par les procédures nationales et par l’accès des justiciables à la Cour européenne des droits de l‘Homme. Les Etats devraient veiller à ce que leurs procédures nationales respectent les exigences posées par les décisions de cette Cour.

A.L'objet de l'évaluation

58.          Depuis les années 1990, on a pris conscience du fait que la qualité des décisions de justice ne peut être correctement évaluée en contrôlant uniquement la valeur juridique intrinsèque des décisions. La qualité des décisions de justice est influencée, comme la première partie de cet avis l’a montré, par celle de toutes les étapes préparatoires qui les précèdent. L’organisation judiciaire dans son ensemble doit ainsi être examinée. De plus, du point de vue des justiciables, ce n’est pas seulement la qualité juridique stricto sensu de la décision qui compte ; il convient également de tenir compte d’autres aspects tels que la durée, la transparence et la conduite des procédures, la façon dont le juge communique avec les parties et la manière avec laquelle le pouvoir judiciaire rend compte de son fonctionnement à la société.

59.          Le CCJE souligne qu’aucune procédure d’évaluation de la qualité des décisions de justice ne doit menacer l’indépendance du pouvoir judiciaire dans son ensemble ou des juges pris individuellement.

60.          L'évaluation de la qualité des décisions de justice doit être réalisée avant tout au regard des principes fondamentaux consacrés par la CEDH. Elle ne saurait se faire à la lumière des seules considérations de nature économique ou de gestion des procédures. L’utilisation de certaines méthodes issues du monde économique doit être considérée avec précaution. Le rôle du système judiciaire est, en effet, avant tout d’appliquer la loi et de lui donner ses effets et ne saurait être analysé en termes d’efficacité économique.

61.          Tout système d’évaluation de la qualité devrait tendre à promouvoir la qualité des décisions de justice et ne peut servir comme un instrument purement bureaucratique ou comme une fin en soi. Il n’est pas un instrument de contrôle externe du pouvoir judiciaire.

62.          Le CCJE rappelle que l’évaluation de la qualité de la justice, en particulier du fonctionnement des tribunaux dans leur ensemble, ou de tout tribunal pris individuellement, ou encore d’un groupe de tribunaux sur une base locale, ne doit être confondue avec l’évaluation, faite à d’autres fins, des capacités professionnelles de tout juge pris individuellement[17].

63.          Toute procédure d’évaluation doit avant tout viser à identifier les besoins d’amendement de la législation, de changement ou d’amélioration des procédures ou de formation continue des juges et du personnel administratif des juridictions.

64.          L’objet, les méthodes et la procédure d’évaluation doivent être définis correctement et être compréhensibles. Ils devraient être fixés par des juges ou en étroite coopération avec des juges.

65.          L’évaluation doit être transparente. Les données personnelles concernant les juges ou permettant de les identifier doivent rester confidentielles.

66.          L'évaluation de la qualité des décisions de justice ne doit pas contraindre les juges à suivre telle ou telle appréciation du fait ou à décider sur le fond d’une manière uniforme, sans tenir compte des circonstances propres à chaque affaire. 

67.          Toute évaluation des décisions de justice doit prendre en compte les différents types et degrés de juridictions, leurs compétences, les genres de litiges et les capacités variées à les résoudre.

 

B. Les méthodes d'évaluation (y compris les instances chargées de l’évaluation de la qualité des décisions de justice)

68.          Le CCJE souligne qu’il est souhaitable de combiner plusieurs méthodes d’évaluation (plus particulièrement si on fait usage de méthodes statistiques qualitative et quantitative) liées à divers indicateurs de qualité et procurant une pluralité de sources d’information. En effet, aucune méthode particulière ne devrait prévaloir sur les autres. Des méthodes d’évaluation peuvent être acceptées pourvu qu’elles soient considérées avec la rigueur, les connaissances et les précautions scientifiques requises et définies de manière transparente. Elles ne peuvent remettre en cause la légitimité de décisions de justice.

69.          Le CCJE considère que, si les Etats ne sont pas tenus d’adopter le même système d’évaluation et la même approche méthodologique, et même si le but du présent avis n’est pas de commenter en détail les différents systèmes d’évaluation de qualité, il est néanmoinspossible d’établir, à partir des expériences nationales, une liste des méthodes les plus appropriées.

1. L’évaluation par les juges et autres acteurs du système judiciaire

70.          Le CCJE encourage les évaluations par les pairs et l’auto-évaluation par les juges, de même que la participation de personnes “extérieures” (par exemple des avocats, des procureurs, des professeurs issus de facultés de droit, des citoyens, des organisations non gouvernementales nationales et internationales) à l’évaluation, à la condition que l’indépendance des juges soit pleinement respectée. Une telle évaluation externe ne doit bien évidemment pas être utilisée comme une méthode visant à mettre en cause l’indépendance judiciaire ou l’intégrité du processus judiciaire. L’élément de référence principal de l’évaluation des décisions de justice doit être l’existence d’une procédure d’appel opportune et efficace.

  

71.          Les juridictions supérieures, par leur jurisprudence, l’examen des pratiques judiciaires et leurs rapports annuels, peuvent contribuer à la qualité des décisions de justice et à leur évaluation. Il est, de ce fait, primordial que leur jurisprudence soit claire, cohérente et constante. Les juridictions supérieures peuvent également contribuer à la qualité des décisions de justice en développant des guides méthodologiques à l’attention des juridictions inférieures, dans lesquelles les principes applicables sont rappelés en conformité avec la jurisprudence pertinente.

2. Les méthodes statistiques

72.          La méthode statistique quantitative fait intervenir des statistiques au niveau du tribunal (statistiques sur le stock d’affaires en instance, le nombre d’affaires nouvelles et d’affaires jugées, sur le nombre d’audiences pour chaque affaire, sur les annulations d’audiences, sur la durée de la procédure etc.). La quantité de travail accompli par le tribunal constitue l’un des critères permettant de mesurer la capacité de l’administration de la justice à répondre aux besoins des citoyens. Cette capacité est l’un des indicateurs de la qualité de la justice. Cette méthode d’analyse rend compte de l’activité des juridictions, mais ne saurait à elle seule suffire à apprécier si les décisions rendues le sont dans des conditions satisfaisantes. La nature des décisions dépend du bien-fondé de chaque affaire prise individuellement. Un juge peut, par exemple, être amené à rendre une série de décisions liées entre elles concernant des affaires de faible importance. Les statistiques ne peuvent pas être utiles dans toutes les situations, et doivent toujours être placées dans un contexte spécifique. Cette méthode permet au moins d’analyser si les délais de traitement des dossiers sont convenables ou s’il existe des retards qui justifient l’octroi de moyens supplémentaires et la mise en place de méthodes propres à les réduire ou à les supprimer.

73.          Dans la méthode statistique qualitative, les décisions sont classées en fonction de leur catégorie, de leur objet et de leur complexité. Cette méthode permet une pondération des différentes catégories d’affaires afin de déterminer une répartition efficace et correcte du travail ainsi que la charge de travail minimale et maximale qui peut être exigée d’un tribunal. Cette méthode présente l’intérêt de prendre en considération les spécificités de certains dossiers ou contentieux, de manière à mettre en exergue ceux qui, malgré le faible nombre de décisions rendues, représentent une charge de travail considérable. L’inconvénient de l’appréciation statistique qualitative tient en revanche à la difficulté de définir les paramètres devant être pris en considération et à la détermination des autorités habilitées à les concevoir.

74.          Le faible nombre de recours et le nombre de recours rejetés peuvent être tous deux des indicateurs de qualité qu’il est possible d’établir de manière objective et qui sont relativement fiables. Le CCJE souligne néanmoins que le nombre de recours et le taux d’infirmation ne reflètent pas nécessairement une qualité déficiente des décisions entreprises. En effet, une infirmation peut exprimer simplement une évaluation différente d’une question difficile par le juge d’appel, la décision infirmative elle-même pouvant être contredite si l’affaire était portée devant une instance supérieure[18].

3. Le rôle du Conseil de la Justice

75.          Les instances nationales et internationales chargées de l’évaluation des décisions de justice doivent être composées de membres totalement indépendants du pouvoir exécutif. Dans les Etats disposant d’un Conseil de la Justice[19], pour éviter toute pression, celui-ci devrait être chargé de l’évaluation de la qualité de la décision. Au sein du Conseil de la Justice, le traitement des données et l’évaluation de la qualité devraient être confiés à des services différents de ceux chargés de la discipline des juges. Pour la même raison, dans les Etats ne disposant pas de Conseil de la justice, l’évaluation de la qualité des décisions de justice devrait être de la compétence d’une instance spécifique disposant des garanties d’indépendance des juges comparables à celles qu’offre un Conseil de la justice.


 Principales conclusions et recommandations

a)             Parmi les indicateurs externes dont dépendent la qualité des décisions de justice figurent la qualité des lois adoptées par les Parlements. Il est, de ce fait, important que les Parlements nationaux évaluent et contrôlent l’impact des lois existantes et en voie d’élaboration sur le système.

b)            La qualité de la prise de décision est conditionnée par l’attribution, à chaque système judiciaire, de moyens humains, budgétaires et matériels adéquats ainsi que du maintien de la sécurité financière de chaque juge au sein de ce système.

c)             La qualité de l’enseignement du droit et de la formation des juges et des autres professionnels de la justice est d’une importance primordiale pour qu’une décision de justice soit de qualité.

d)            Il est également important de fournir aux juges une formation concernant les matières non juridiques, ainsi que de former le personnel des tribunaux afin de soulager les juges des tâches administratives et techniques et de leur permettre de se concentrer sur l’aspect intellectuel de la prise de décision.

e)             Le niveau de qualité des décisions de justice résulte clairement des interactions entre les nombreux acteurs du système judiciaire.

 

f)             Le professionnalisme du juge est la première garantie d’une décision de qualité et constitue une part importante de l’environnement interne influençant la décision de justice. Le professionnalisme inclut une formation juridique de haut niveau, ainsi que le développement d’une culture d’indépendance, d’éthique et de déontologie. Cela requiert de la part du juge une sensibilisation non seulement aux instruments juridiques mais également aux notions non juridiques.

 

g)            La procédure et la gestion du dossier constituent d’autres éléments de l’environnement interne affectant la décision de justice. La procédure doit être claire, transparente et prévisible. Le juge doit avoir la possibilité d’organiser et de conduire la procédure de manière active et diligente. La décision doit être rendue dans un délai raisonnable. Cependant, la rapidité de la procédure n’est pas le seul facteur à prendre en compte, dans la mesure où la décision de justice doit garantir le droit à un procès équitable, la paix sociale et la sécurité juridique. 

h)             Des modèles standardisés de bonnes pratiques en matière de gestion de la procédure doivent être encouragés, de même que les consultations entre juges.

i)              L’audience devrait exister dans tous les cas prévus par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme et doit répondre à toutes les exigences de la CEDH, assurant ainsi aux justiciables et à la société dans son ensemble le respect de standards minimum d’un procès bien mené et équitable.

j)              Une procédure conduite équitablement, une application correcte de la règle de droit, une bonne appréciation des faits et le fait d’être exécutable sont les éléments clés permettant à une décision d’être de qualité.

k)             La décision doit être intelligible, rédigée dans un langage clair et simple, permettant néanmoins à chaque juge de choisir librement son style ou de se fonder sur des modèles standardisés.

 

l)              Le CCJE recommande que les autorités judiciaires établissent des recueils de bonnes pratiques pour faciliter la rédaction des décisions.

m)           La décision de justice doit en principe être motivée. Sa qualité dépend principalement de la qualité de la motivation. La motivation signifie également l’interprétation de la règle de droit, tout en assurant la sécurité juridique et l’uniformité de la règle de droit. Néanmoins, lorsqu’un tribunal décide d’un revirement de jurisprudence, celui-ci doit apparaître clairement dans sa décision. 

n)             Le CCJE recommande l’introduction de mécanismes propres aux traditions juridiques de chaque Etat, régulant l’accès aux instances supérieures

o)            Les opinions dissidentes des juges, lorsqu’elles sont autorisées, peuvent contribuer à améliorer le contenu de la décision et permettre de comprendre à la fois la décision et l’évolution du droit. Ces opinions doivent être dûment motivées et devraient être publiées. 

p)            Tout dispositif d’une décision de justice devrait être rédigé en des termes clairs et dénués de toute ambiguïté de manière à ce qu’il puisse facilement produire des effets ou, dans le cas d’un dispositif aboutissant à une obligation de faire, de ne pas faire ou de payer, être facilement exécutable.

 

q)            Le CCJE souligne que les mérites de chaque décision individuelle sont contrôlés par les recours offerts par les procédures nationales et par l’accès des justiciables à la Cour européenne des droits de l‘Homme.

r)              L’organisation judiciaire dans son ensemble doit être examinée afin d’évaluer la qualité des décisions judiciaires. Il convient de tenir compte de la durée, de la transparence et de la conduite des procédures.

s)             L’évaluation doit être réalisée au regard des principes fondamentaux consacrés par la CEDH. Elle ne saurait se faire à la lumière des seules considérations de nature économique ou de gestion des procédures.

t)              Les procédures d’évaluation de la qualité des décisions de justice ne doivent pas menacer l’indépendance du pouvoir judiciaire dans son ensemble ou des juges pris individuellement, ni servir d’instrument purement bureaucratique ou être une fin en soi. Elles ne peuvent évaluer les capacités de chaque juge pris individuellement, ni mettre en cause la légitimité des décisions de justice.

u)             Toute procédure d’évaluation doit, avant tout, viser à identifier les besoins d’amendement de la législation, de changement ou d’amélioration des procédures ou de formation continue des juges et du personnel administratif des juridictions.

v)             Le CCJE souligne qu’il est souhaitable de combiner plusieurs méthodes. Celles-ci doivent être considérées avec la rigueur, les connaissances et les précautions scientifiques requises et définies de manière transparente.

 

w)            Le CCJE encourage les évaluations par les pairs et l’auto-évaluation par les juges, de même que la participation de personnes “extérieures” à l’évaluation, à la condition que l’indépendance des juges soit pleinement respectée.

x)             Les juridictions supérieures, par leur jurisprudence, l’examen des pratiques judiciaires et leurs rapports annuels, peuvent contribuer à la qualité des décisions de justice et à leur évaluation. Il est, de ce fait, primordial que leur jurisprudence soit claire, cohérente et constante.

 

y)             L’évaluation de la qualité des décisions doit faire partie des compétences du Conseil de la Justice lorsqu’il existe, ou d’une instance indépendante disposant des mêmes garanties d’indépendance des juges.



[1] L’ensemble des textes consacrés à ces questions montre l’esprit dans lequel le Conseil de l’Europe appréhende l’exigence de qualité de la justice : “Pour le Conseil de l’Europe, l’approche de la qualité ne peut être celle d’une décision isolée, mais dépend, dans le cadre d’une approche globale, de la qualité du système judiciaire, incluant les juges, les avocats, les greffiers, tout comme de la qualité du processus qui conduit aux décisions. C’est donc sur chacun de ces points que le Conseil recommande de faire porter les efforts d’amélioration”. (Jean-Paul JEAN, “La qualité des décisions de justice au sens du Conseil de l’Europe”, Colloque organisé les 8 et 9 mars 2007 par la Faculté de droit et des sciences sociales de Poitiers sur le thème de “la qualité des décisions de justice”, voir Etudes de la CEPEJ n°4).

[2] Voir également les conclusions de la Conférence sur la qualité des décisions judiciaires qui s’est tenue à la Cour Suprême d’Estonie à Tartu (le 18 juin 2008) et qui a rassemblé la communauté judiciaire estonienne ainsi que le Groupe de travail du CCJE.

[3] Voir le questionnaire sur la qualité des décisions de justices et les réponses sur le site du CCJE : www.coe.int/ccje

[4] En ce qui concerne plus particulièrement les lois procédurales, le CCJE tient à rappeler ici son Avis n°6 (2004) par lequel il recommande, afin de garantir des décisions de justice de qualité rendues dans un délai raisonnable, que le législateur fasse des choix optimaux dans l’équilibre entre la durée des procès et la disponibilité de modes alternatifs de règlement des conflits, les mécanismes de négociation de la défense, procédures simplifiées et/ou accélérées et procédures sommaires, ainsi que les droits procéduraux des parties, etc. En outre, le financement des modes alternatifs de règlement des conflits devrait être garanti.

[5] Voir Avis N°1(2001) du CCJE, paragraphe 61.

[6] Voir Avis N°2 du CCJE.

[7] Voir Avis n°4 (2003) du CCJE.

[8] Des brochures, études de cas de bonnes et mauvaises pratiques, modèles standards de rédaction des jugements accompagnés de la méthodologie, de fiches techniques, de livres de référence, élaborés à des fins de formation pourront être largement diffusés parmi les magistrats.

[9] Dans son Avis n° 6 (2004), le CCJE, qui se fonde sur les principes énoncés dans la Recommandation N° R (84) 5, a souligné l’importance du rôle actif du juge dans la gestion du procès civil (voir notamment les paragraphes 90 à 102 et 126).

[10] Il convient à cet égard de renvoyer à l’Avis n° 7 (2005) du CCJE, plus particulièrement aux paragraphes 56 à 61 de celui-ci.

[11] Les exceptions peuvent inclure, entre autres, des décisions d’administration judiciaire (comme celles tendant au renvoi de l’affaire à une audience ultérieure), des questions procédurales mineures ou essentiellement non contentieuses (jugements par défaut ou sur l’accord des parties ), des décisions de cours d’appel confirmant une décision de première instance après avoir entendu des arguments similaires ayant les mêmes fondements, des décisions prises par un jury ainsi que certaines décisions concernant l’autorisation d’exercer un recours ou d’intenter une action, dans les pays où de telles autorisations sont requises.

[12] Voir notamment Cr.EDH : Boldea contre Roumanie du 15 février 2007, § 29; Van den Hurk contre Pays-Bas du 19 avril 1994, § 61.

[13]Voir notamment Cr.EDH : Boldea contre Roumanie du 15 février 2007, § 29; Helle contre Finlande du 19 février 1997, § 60.  

[14] Par droit européen, on entend l’acquis du Conseil de l’Europe et le droit communautaire.

[15] Voir Avis n° 9 (2006) du CCJE.

[16] Voir Avis n°6 (2004) du CCJE, paragraphe 130.

[17] Voir Avis N°6 (2004) du CCJE,  partie B paragraphe 34 et Avis N°10 (2007) du CCJE, paragraphes 52 à 56 et 78.

[18] Voir Avis N°6 (2004) du CCJE, paragraphe 36.

[19] Ces Conseils de la Justice doivent être mis en place et fonctionner conformément aux méthodes recommandées par le CCJE dans son Avis N° 10 (2007).