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Ref. DC 110(2016)

La Commission de Venise déclare que la loi russe sur les activités indésirables des ONG étrangères devrait être modifiée et adopte un avis final sur la loi relative à la Cour constitutionnelle

Venise 10.06.2016 La loi fédérale russe sur les activités indésirables des organisations non gouvernementales étrangères et internationales porte atteinte aux libertés d’association, de réunion et d’expression, ainsi qu’au droit à un recours effectif et à d’autres droits, et devrait être modifiée, a déclaré l’organe des experts en droit constitutionnel du Conseil de l’Europe, la Commission de Venise, dans son avis adopté aujourd’hui. L’avis final sur la loi russe habilitant la Cour constitutionnelle à déclarer « non exécutoires » des décisions de juridictions internationales a également été adopté.

Dans son avis sur la loi relative aux ONG, la Commission de Venise, tout en reconnaissant pleinement le droit des Etats de contrôler les activités des organisations non gouvernementales menées sur leur territoire, souligne que toute restriction ou sanction imposée à une association doit être conforme aux normes internationales de défense des droits de l’homme et remplir les conditions de légalité, de légitimité et de nécessité.

La Commission de Venise critique la définition, trop vague, de certains concepts clés et des motifs sur la base desquels les activités d’une ONG étrangère ou internationale peuvent être considérées comme indésirables, ainsi que la grande marge d’appréciation laissée au Procureur général, l’absence de garanties juridiques spécifiques et les interdictions générales imposées aux ONG (interdiction d’organiser des événements et de diffuser des informations), qui pourraient être contraires au principe de proportionnalité.

Les experts de la Commission de Venise recommandent de modifier la loi fédérale : la notion d’« ONG » devrait être précisée et clairement définie, ou alternativement l’expression « organisations non gouvernementales » devrait être remplacée par « organisations non commerciales », et il conviendrait également d’expliciter ce que recouvrent les expressions « diriger les » et « participer aux » activités d’une ONG répertoriée. Des critères concrets d’inscription sur la liste des ONG indésirables devraient être établis. La décision d’inscrire une ONG étrangère ou internationale sur cette liste ne devrait pas être prise par le bureau du Procureur général, mais par un juge, et les ONG concernées devraient être informées des raisons précises ayant motivé une telle décision.  Par ailleurs, la possibilité de former un recours avec un effet suspensif devrait être indiquée, recommande la Commission de Venise.

Les interdictions imposées par la loi fédérale aux ONG répertoriées pourront être jugées acceptables, a déclaré la Commission de Venise, si et seulement si les modifications recommandées sont effectivement apportées et que la décision d’inscrire une ONG sur la liste est proportionnée à la menace que celle-ci représente.

La Commission de Venise a aussi adopté aujourd’hui l’avis final de la loi russe relative à la Cour constitutionnelle. Cet avis fait suite à une visite de la délégation de la Commission à Moscou et au premier arrêt rendu par la Cour constitutionnelle en avril 2016 en vertu de la loi révisée concernant la possibilité d’exécuter la décision de la Cour européenne des droits de l'homme dans l’affaire « Anchugov et Gladkov c. Russie ».

« Il paraît clair que la Cour constitutionnelle n’a pas ménagé ses efforts pour éviter un conflit avec Strasbourg, ce qu’il convient de saluer », a déclaré la Commission de Venise. La Commission a noté que, dans ce premier arrêt, la Cour constitutionnelle évoque une possible réforme législative, que le législateur fédéral a le pouvoir d’impulser et qui aurait constitué une solution plus complète à l’exécution de l’arrêt de la Cour européenne.

La Commission de Venise maintient néanmoins sa recommandation de supprimer les articles en vertu desquels aucune mesure ne sera prise pour exécuter une décision internationale déclarée non conforme à la Constitution par la Cour constitutionnelle. En outre, la Cour constitutionnelle ne devrait pas être chargée de la question tout entière de la définition des modalités d’exécution d’une décision internationale, mais seulement de déterminer si une mesure d’exécution, précise et déjà définie, est susceptible de soulever des questions de constitutionnalité. Si la Cour constitutionnelle juge que les modalités d’exécution ne sont pas acceptables au regard de la Constitution, la question doit être renvoyée à d’autres institutions étatiques, qui seront chargées de trouver un autre moyen d’exécuter ladite décision.

La Commission de Venise a en outre réaffirmé que l’appréciation de la constitutionnalité ne devrait être admise que pour les mesures à caractère général et pour celles qui ne figurent pas expressément dans les arrêts de la Cour européenne, et non pour les mesures individuelles comme le paiement de la satisfaction équitable.

Les deux avis seront publiés sur le site web de la Commission de Venise le lundi 13 juin 2016.

Contact: Tatiana Baeva, Porte-parole/Attachée de presse, Tél. +33 3 88 41 21 41