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Réf. DC 162(2016)

Commission de Venise : la nouvelle loi polonaise sur le Tribunal constitutionnel donne des pouvoirs excessifs au parlement et à l’exécutif face au pouvoir judiciaire

Venise, 14.10.2016 – Dans un avis adopté aujourd’hui, les experts en droit constitutionnel du Conseil de l'Europe, la Commission de Venise, jugent la nouvelle loi sur le Tribunal constitutionnel de la Pologne non conforme à deux principes essentiels de l’équilibre des pouvoirs : l’indépendance du système judiciaire et le statut d’arbitre suprême du Tribunal en matière constitutionnelle.

La loi comporte certaines améliorations depuis la publication par la Commission de Venise plus tôt cette année d’un avis préliminaire. Ainsi, la majorité requise pour qu’une décision soit adoptée est réduite : elle passe de la majorité des deux tiers à la majorité simple et il n’y a plus de disposition sur la faculté du Président de la Pologne et du ministre de la Justice d’engager une procédure disciplinaire contre un juge.

Cependant, l’effet de ces améliorations, comme celle d’autres, est trop limité car d’autres dispositions de la loi adoptée retarderont et entraveront considérablement l’activité du Tribunal et pourront rendre son travail inefficace, tout en compromettant son indépendance par un contrôle législatif et exécutif excessif de son fonctionnement.

Il s’agit notamment des dispositions suivantes : 

·         le report d’une affaire jusqu’à six mois à la demande de quatre juges, ce qui pourrait facilement être utilisé à mauvais escient pour retarder des affaires sensibles ;

·         la disposition permettant au procureur général de bloquer une audience par son absence, ce qui pourrait à la fois retarder et politiser les activités du Tribunal ;

·         la suspension de toutes les affaires relatives aux institutions pendant six mois impliquant leur réenregistrement, ce qui retarderait l’examen par le Tribunal d’importantes affaires en instance.

L’avis critique le système par lequel le Président polonais peut proposer des candidats à la présidence du Tribunal, ce qui pourrait déboucher sur la nomination d’un candidat qui n’aurait pas le soutien des juges.

De plus, sans aucun fondement constitutionnel ni juridique, la chancellerie du Premier ministre a tenté de s’arroger le pouvoir de contrôler la validité des décisions du Tribunal en refusant de publier ses décisions. Le refus du Premier ministre de publier les décisions n’avait même pas été communiqué avec une explication au Tribunal qui, en lieu et place, en a été informé par le biais des médias.

D’après la Commission de Venise, prises individuellement et conjointement, ces défaillances montrent qu’au lieu de débloquer la situation délicate du Tribunal constitutionnel, le parlement et le gouvernement continuent de remettre en cause son rôle d’arbitre suprême en matière constitutionnelle en s’arrogeant ce pouvoir.

Contact : Panos Kakaviatos, Porte-parole/Attaché de presse, Tél. +33 6 98 37 64 04